Skip to main content

Full text of "Histoire de Roussillon; comprenant l'histoire du royaume de Majorque"

See other formats


Google 


This  is  a  digital  copy  of  a  book  thaï  was  prcscrvod  for  générations  on  library  shelves  before  it  was  carefully  scanned  by  Google  as  part  of  a  project 

to  make  the  world's  bocks  discoverablc  online. 

It  has  survived  long  enough  for  the  copyright  to  expire  and  the  book  to  enter  the  public  domain.  A  public  domain  book  is  one  that  was  never  subject 

to  copyright  or  whose  légal  copyright  term  has  expired.  Whether  a  book  is  in  the  public  domain  may  vary  country  to  country.  Public  domain  books 

are  our  gateways  to  the  past,  representing  a  wealth  of  history,  culture  and  knowledge  that's  often  difficult  to  discover. 

Marks,  notations  and  other  maiginalia  présent  in  the  original  volume  will  appear  in  this  file  -  a  reminder  of  this  book's  long  journcy  from  the 

publisher  to  a  library  and  finally  to  you. 

Usage  guidelines 

Google  is  proud  to  partner  with  libraries  to  digitize  public  domain  materials  and  make  them  widely  accessible.  Public  domain  books  belong  to  the 
public  and  we  are  merely  their  custodians.  Nevertheless,  this  work  is  expensive,  so  in  order  to  keep  providing  this  resource,  we  hâve  taken  steps  to 
prcvcnt  abuse  by  commercial  parties,  including  placing  lechnical  restrictions  on  automated  querying. 
We  also  ask  that  you: 

+  Make  non-commercial  use  of  the  files  We  designed  Google  Book  Search  for  use  by  individuals,  and  we  request  that  you  use  thèse  files  for 
Personal,  non-commercial  purposes. 

+  Refrain  fivm  automated  querying  Do  nol  send  automated  queries  of  any  sort  to  Google's  System:  If  you  are  conducting  research  on  machine 
translation,  optical  character  récognition  or  other  areas  where  access  to  a  laige  amount  of  text  is  helpful,  please  contact  us.  We  encourage  the 
use  of  public  domain  materials  for  thèse  purposes  and  may  be  able  to  help. 

+  Maintain  attributionTht  GoogX'S  "watermark"  you  see  on  each  file  is essential  for  informingpcoplcabout  this  project  and  helping  them  find 
additional  materials  through  Google  Book  Search.  Please  do  not  remove  it. 

+  Keep  it  légal  Whatever  your  use,  remember  that  you  are  lesponsible  for  ensuring  that  what  you  are  doing  is  légal.  Do  not  assume  that  just 
because  we  believe  a  book  is  in  the  public  domain  for  users  in  the  United  States,  that  the  work  is  also  in  the  public  domain  for  users  in  other 
countiies.  Whether  a  book  is  still  in  copyright  varies  from  country  to  country,  and  we  can'l  offer  guidance  on  whether  any  spécifie  use  of 
any  spécifie  book  is  allowed.  Please  do  not  assume  that  a  book's  appearance  in  Google  Book  Search  means  it  can  be  used  in  any  manner 
anywhere  in  the  world.  Copyright  infringement  liabili^  can  be  quite  severe. 

About  Google  Book  Search 

Google's  mission  is  to  organize  the  world's  information  and  to  make  it  universally  accessible  and  useful.   Google  Book  Search  helps  rcaders 
discover  the  world's  books  while  helping  authors  and  publishers  reach  new  audiences.  You  can  search  through  the  full  icxi  of  ihis  book  on  the  web 

at|http: //books.  google  .com/l 


Google 


A  propos  de  ce  livre 

Ceci  est  une  copie  numérique  d'un  ouvrage  conservé  depuis  des  générations  dans  les  rayonnages  d'une  bibliothèque  avant  d'être  numérisé  avec 

précaution  par  Google  dans  le  cadre  d'un  projet  visant  à  permettre  aux  internautes  de  découvrir  l'ensemble  du  patrimoine  littéraire  mondial  en 

ligne. 

Ce  livre  étant  relativement  ancien,  il  n'est  plus  protégé  par  la  loi  sur  les  droits  d'auteur  et  appartient  à  présent  au  domaine  public.  L'expression 

"appartenir  au  domaine  public"  signifie  que  le  livre  en  question  n'a  jamais  été  soumis  aux  droits  d'auteur  ou  que  ses  droits  légaux  sont  arrivés  à 

expiration.  Les  conditions  requises  pour  qu'un  livre  tombe  dans  le  domaine  public  peuvent  varier  d'un  pays  à  l'autre.  Les  livres  libres  de  droit  sont 

autant  de  liens  avec  le  passé.  Ils  sont  les  témoins  de  la  richesse  de  notre  histoire,  de  notre  patrimoine  culturel  et  de  la  connaissance  humaine  et  sont 

trop  souvent  difficilement  accessibles  au  public. 

Les  notes  de  bas  de  page  et  autres  annotations  en  maige  du  texte  présentes  dans  le  volume  original  sont  reprises  dans  ce  fichier,  comme  un  souvenir 

du  long  chemin  parcouru  par  l'ouvrage  depuis  la  maison  d'édition  en  passant  par  la  bibliothèque  pour  finalement  se  retrouver  entre  vos  mains. 

Consignes  d'utilisation 

Google  est  fier  de  travailler  en  partenariat  avec  des  bibliothèques  à  la  numérisation  des  ouvrages  apparienani  au  domaine  public  et  de  les  rendre 
ainsi  accessibles  à  tous.  Ces  livres  sont  en  effet  la  propriété  de  tous  et  de  toutes  et  nous  sommes  tout  simplement  les  gardiens  de  ce  patrimoine. 
Il  s'agit  toutefois  d'un  projet  coûteux.  Par  conséquent  et  en  vue  de  poursuivre  la  diffusion  de  ces  ressources  inépuisables,  nous  avons  pris  les 
dispositions  nécessaires  afin  de  prévenir  les  éventuels  abus  auxquels  pourraient  se  livrer  des  sites  marchands  tiers,  notamment  en  instaurant  des 
contraintes  techniques  relatives  aux  requêtes  automatisées. 
Nous  vous  demandons  également  de: 

+  Ne  pas  utiliser  les  fichiers  à  des  fins  commerciales  Nous  avons  conçu  le  programme  Google  Recherche  de  Livres  à  l'usage  des  particuliers. 
Nous  vous  demandons  donc  d'utiliser  uniquement  ces  fichiers  à  des  fins  personnelles.  Ils  ne  sauraient  en  effet  être  employés  dans  un 
quelconque  but  commercial. 

+  Ne  pas  procéder  à  des  requêtes  automatisées  N'envoyez  aucune  requête  automatisée  quelle  qu'elle  soit  au  système  Google.  Si  vous  effectuez 
des  recherches  concernant  les  logiciels  de  traduction,  la  reconnaissance  optique  de  caractères  ou  tout  autre  domaine  nécessitant  de  disposer 
d'importantes  quantités  de  texte,  n'hésitez  pas  à  nous  contacter  Nous  encourageons  pour  la  réalisation  de  ce  type  de  travaux  l'utilisation  des 
ouvrages  et  documents  appartenant  au  domaine  public  et  serions  heureux  de  vous  être  utile. 

+  Ne  pas  supprimer  l'attribution  Le  filigrane  Google  contenu  dans  chaque  fichier  est  indispensable  pour  informer  les  internautes  de  notre  projet 
et  leur  permettre  d'accéder  à  davantage  de  documents  par  l'intermédiaire  du  Programme  Google  Recherche  de  Livres.  Ne  le  supprimez  en 
aucun  cas. 

+  Rester  dans  la  légalité  Quelle  que  soit  l'utilisation  que  vous  comptez  faire  des  fichiers,  n'oubliez  pas  qu'il  est  de  votre  responsabilité  de 
veiller  à  respecter  la  loi.  Si  un  ouvrage  appartient  au  domaine  public  américain,  n'en  déduisez  pas  pour  autant  qu'il  en  va  de  même  dans 
les  autres  pays.  La  durée  légale  des  droits  d'auteur  d'un  livre  varie  d'un  pays  à  l'autre.  Nous  ne  sommes  donc  pas  en  mesure  de  répertorier 
les  ouvrages  dont  l'utilisation  est  autorisée  et  ceux  dont  elle  ne  l'est  pas.  Ne  croyez  pas  que  le  simple  fait  d'afficher  un  livre  sur  Google 
Recherche  de  Livres  signifie  que  celui-ci  peut  être  utilisé  de  quelque  façon  que  ce  soit  dans  le  monde  entier.  La  condamnation  à  laquelle  vous 
vous  exposeriez  en  cas  de  violation  des  droits  d'auteur  peut  être  sévère. 

A  propos  du  service  Google  Recherche  de  Livres 

En  favorisant  la  recherche  et  l'accès  à  un  nombre  croissant  de  livres  disponibles  dans  de  nombreuses  langues,  dont  le  français,  Google  souhaite 
contribuer  à  promouvoir  la  diversité  culturelle  grâce  à  Google  Recherche  de  Livres.  En  effet,  le  Programme  Google  Recherche  de  Livres  permet 
aux  internautes  de  découvrir  le  patrimoine  littéraire  mondial,  tout  en  aidant  les  auteurs  et  les  éditeurs  à  élargir  leur  public.  Vous  pouvez  effectuer 
des  recherches  en  ligne  dans  le  texte  intégral  de  cet  ouvrage  à  l'adressefhttp:  //book  s  .google .  coïrïl 


V\,  (o  o  (  a, ,  3 


^^^^^mmF^^' 

i^^SI 

^ 

i^B 

-^rancis  Cahot  J^owell 
_     JoSTôfARC 

H.«VA»D  COaEGE  UBRAR 

Y    ' 

HISTOIRE 


DK 


ROUSSILLON 


DKUXIEME    PAHTIK. 


'> 


»i:    TROLVI 


A   I.A   MBKAIKIK  OE  M.   DELLOVK 


M».    l'K»HI.lr!.^*.TIIO«,,.    >     iS.    p,  ,.,    „i,^    ,„,„^, 


HISTOIRE 


"""DM"?  ■•JWM  -■     1 
DU  ROYAUME  DE  MAJORQUE 
PAR  M.  D.-M.-J.   HENRY 

IXlNSKHVATEUn    DK   LA    niBLIOTUBQtlE 


IIEUXIEMK   PARTIK 


PARIS 

IMPItIMK    l'Ail    AUTOBISATIOS    DL'    ROI 

A    1,'IMPKIMEniE    ROYALE 

M  nccc;  .XX \v 


7:    éCli.'i 


5*' 
MAYI8fB22 


ROUSSILLON 

ou   ROYAUME  DE  MAJORQUE 

PAB   M.   D.-M.-J.    HENRY 

IVATBVH    DK   LA    limUOTlIBOl'K    DK    PBIiriGN*1 


F  A/  Uo  I  3.  .3 


ZrroïKLs  Caùof  J^irîl 
JOANO^AHC 


R\lïVAiM)  COaEGE  UBRAKY 


HISTOIRE 


ROUSSILLON. 


LIVRE  TROISIÈME. 


CHAPITRE  PREMIER. 

Faiblesse  de  caractère  de  Juan  1. — Sa  morl.  —  Hospitaliers  de 
Saint-Anloùie.  —  Ecritures  des  notaires.  —  Imparinge.  — 
Martinet  Marie  I.  — Benoit  XIII.  — Perpignan  et  son  adnii' 
niatratîoD. 

Le  royaume  d'Aiagon  était  enfin  tranquille  du 
côté  de  la  France  :  le  départ  des  Armagnacs  pour  i'I- 
taiie  délivrait  la  Catalogne  et  le  Roussillon  des  bri- 
gandages de  toute  espèce  auxquels  le  rétahlisscment 
du  trône  de  Majorque  avait  servi  de  prétexte;  mais 
comme  l' Aragon  semblait  ne  pas  pouvoir  exister  sans 
guerre,  la  Sardaignc  et  la  Sicile  appelèrent  bientôt  ses 
armes.  Avec  un  princft  moins  nul  que  don  Juan,  ces 


k 


4  LIVBE  TROISIEME, 

excité  quelques  désordres  dans  ce  royaume  et  pro 
voqué  quelques  tentatives  de  guerre  civile,  ils  durent 
enfin  renoncer  h  leurs  prétentions  que  n  autorisaient 
ni  les  dispositions  légales  du  testament  de  Pèdre,  ni  la 
volonté  de  la  nation ,  exprimée  par  iorgane  des  corts. 
Mathieu  mourut  peu  de  temps  après,  sans  postérité. 
Cest  sous  le  ri'gne  de  Juan  1  que  les  chanoines  de 
Saint-Antoine  de  Vienne  fondèrent  dans  Perpignan  la 
première  maison  de  leur  ordre  en  Catalogne.  Institué 
vers  la  fin  du  xi*  siècle,  par  deux  gentilshommes  de 
Vienne,   en  Dauphiné,  pour  donner  des  soins  aux 
malades  atteints  d*une  sorte  d*ér)'sipèle  gangreneux , 
quon  appelait  feu  sacré,  ou  feu  de  Saint-Antoine,  cet 
ordre  se  composait  d^abord  d'hospitaliers  réunis  sous 
la  direction  d*un  commandeur.  Au  xui*  siècle ,  quand 
la  contagion  qui  leur  avait  donné  naissance  eut  dis- 
paru ,  ces  hospitaliers  furent  convertis  en  chanoines 
réguliers.  La  Catalogne  ne  possédait  encore  aucun  de 
leurs  établissements,  quand,  en  i388,  le  comman- 
deur Jean  Corti  fit ,  dans   Perpignan ,  Tacquisition 
de  deux  masures  près  de  la  porte   de  Saint  -  Mar- 
tin,  et  y  fonda  un  monastère.  Ce  couvent ,  supprimé 
en  1777.  f^t  remplacé  par  une  institution,  beaucoup 
plus  utile,  de  religieuses  enseignantes. 

Une  ordonnance  très-sage,  rendue  dans  Imtén^t 
public,  le  16  avril  iSq^,  à  la  demande  desrortsde 
Barcelone,  prescrivit  le  dépôt  en  lieu  sûr  de  toutes 
les  écritures  des  notaires  qui,  en  mourant,  n*en  au- 


CHAPITRE  PREMIER.  5 

raient  pas  disposé  en  faveur  de  quelqu'un  de  leurs 
collègues.  L'année  suivante,  pour  pourvoir  à  la  dé- 
fense et  à  la  surveillance  des  cèles  inaritimes  de  Rous- 
silloii ,  Juan  fit  voter  par  les  corts,  sous  le  titre  d'im- 
pariage,  une  imposition  qui  devait  être  levée  sur  toutes 
les  marchandises  qui  entraient  ou  qui  sortaient  des 
deux  comtés ,  par  la  voie  de  la  mer,  et  le  produit  de 
cette  imposition  fut  appliqué  .i  l'équipement  et  à  l'en- 
tretien de  deux  galères  garde-côtes,  sous  l'administra- 
tion du  consulat  de  mer.  Cet  impôt  de  l'impariage  fut 
pen;u  jusqu'en  i683,  qu'il  fut  aliéné  pour  l'entretien 
des  casernes,  et  plus  tard  pour  celui  du  pont  de  la 
Tet ,  et  pour  d'autres  dépenses  générales. 

Martin,  second  fils  de  Pèdre  IV,  était  toujours  en 
Sicile,  (piand  lui  parvinrent  la  nouvelle  de  la  mort 
de  son  frère  et  celle  du  choix  que  les  corts  avaient  fait 
de  lui  pour  roi  d'Aragon.  Déjà  sa  femme,  dona  Maria 
de  Lmia,  restée  à  Barcelone,  avait  pris  en  main  le 
limon  des  affaires. 

La  nouvelle  reine ,  lieuleiianle  générale  du  royaume 
en  l'absence  de  son  mari ,  ne  larda  pas  à  prouver  que 
les  craintes  qu'aurait  pu  faire  concevoir  la  fâcheuse 
expérience  du  régne  précédent,  sur  l'intervention 
d'une  femme  dans  les  aflaû'es  publiques,  devaient 
cesser  avec  ce  règne  ;  elle  aussi  bien  que  son  époux 
élaient  dignes  de  porter  la  couronne.  Bien  difl'érent 
de  son  frère ,  Martin  possédait  toutes  les  qualités  qui 
font  un  bon  roi,  Agé  de  trente  sept  ans ,  et  mûri  dans 


6  LIVRE    TROISIÈME, 

la  science  du  gouvernement  par  le  coinniandenienl 
de  la  Sicile  qu*il  administrait  depuis  trois  ans,  au  mi- 
lieu des  guerres  et  des  factions,  ce  prince,  dont  la 
vigilance,  Tactivité  et  la  valeur  n'avaient  plus  besoin 
de  preuves ,  ne  se  montra  pas  moins  habile  pendant 
la  paix  dans  laquelle  il  sut  maintenir  ses  états.  Retenu 
en  Sicile ,  les  deux  premières  années  de  son  règne , 
par  le  désir  d  assurer  «^  son  fds  la  couronne  de  ce 
pays,  il  laissa  sans  inquiétude  le  gouvernement  de 
TÂragon  entre  les  mains  de  sa  femme ,  qu  il  savait  en 
état  de  le  bien  diriger. 

Le  premier  soin  de  la  nouvelle  reine  avait  été  de 
s*entourer  d*un  conseil  présidé  par  Tarchevêque  de 
Tarragone,  homme  de  grande  capacité,  et  c*est  ce 
conseil  qui  décidait  les  questions  qui  demandaient  une 
mûre  délibération.  Cest  en  se  conduisant  avec  cette 
prudence  que  Marie  avait  fait  perdre  à  Yolande,  sa 
devancière,  sa  folle  prétention  à  conserver  le  pouvoir, 
et  qu  elle  avait  opposé  aux  attaques  du  comte  de  Foii 
la  force  morale  dont  cette  sage  manière  d*agir  Tavait 
encore  plus  sûrement  environnée  que  les  armes 
mêmes  du  royaume. 

Lobjet  du  dernier  voyage  de  Juan  I  à  Perpignan 
avait  été  la  reconnaissance  de  don  Pierre  de  Luna , 
en  qualité  de  pape,  sous  le  nom  de  Benoit  XIII.  A 
cette  époque,  I église  était  divisée  par  un  schisme, 
dont  la  durée  fut  de  quarante-six  ans,  et  dont  nous 
serons  obligé  de  parler,  parce  qu'une  foule  de  faits 


CHAPITRE   PREMIER.  7 

qui  s  y  rapportent  se  sont  passés  à  Perpignan.  Mais, 
comme  la  narration  tant  de  ces  événements  que  de 
ceux  qui  suivirent  la  mort  de  Martin  n*est  pas  de 
nature  à  être  interrompue  à  i époque  de  cette  mort, 
ainsi  que  nous  Tavons  fait  jusqu*ici,  à  chaque  renou- 
vellement de  règne ,  par  Texamen  et  Tanalyse  de  tout 
ce  que  le  prince  occupant  le  trône  a  pu  faire  dans 
rintérêt  particulier  du  Roussillon ,  nous  allons  placer 
ici  immédiatement  ce  que  nous  aurions  dû  dire  un 
peu  plus  tard.  Et,  comme  de  tous  les  rois  d*Âragon 
Martin  est  celui  qui  a  mis  le  plus  de  sollicitude  à  pro- 
curer à  la  viUe  de  Perpignan  une  bonne  administra- 
tion ,  nous  réunirons  dans  un  seul  article  tout  ce  qui 
concerne  cette  même  administration. 

Les  rois  de  Majorque ,  en  faisant  de  Perpignan  la 
capitale  réelle  de  leur  petit  empire,  s'étaient  attachés 
à  augmenter  à  la  fois  et  la  population  de  cette  ville , 
et  son  enceinte.  Nous  avons  déjà  parlé  de  cet  agran- 
dissement topographique,  et  nous  avons  dit  que  la 
popidation  s'était  augmentée  aux  dépens  de  celle  de 
divers  villages  voisins ,  dont  plusieurs  avaient  fini  par 
disparaître  entièrement. 

Les  malheurs  des  temps,  pendant  la  dernière  guerre 
du  royaume  de  Majorque,  ayant  fait  déserter  Perpi- 
gnan par  une  partie  de  cette  population,  Pèdre,  qui 
sentait  toute  l'importance  d  une  place  ainsi  posée  en 
sentindle  avancée  au  delà  des  Pyrénées,  s  était  étudié 
à  y  faire  rentrer  ses  citoyens  et  à  en  augmenter  en- 


8  LIVRE    TROISIÈME, 

core  le  nombre,  en  ajoutant  de  nouveaux  privilèges  à 
ceux  dont  ils  jouissaient  déjà.  Un  de  ses  premiers  actes 
fut  d  accorder  à  la  ville  le  droit  d*invoquer  les  usages 
de  Barcelone  et  les  constitutions  de  Catalogne ,  en  tout 
ce  qui  ne  serait  pas  prévu  par  ses  propres  usages  et 
ses  coutumes;  il  établit  que  nul  ne  pourrait  être  admis 
pour  nouvel  habitant  que  du  consentement  des  con- 
suls, et  que  pour  être  réputé  citoyen  de  cette  ville  il 
fiiudrait  y  résider  avec  sa  famille ,  au  moins  une  partie 
de  Tannée,  et  nommément  pendant  les  quatre  prin- 
cipales fêtes.  Ensuite,  pour  prévenir  Témigration  de 
ces  nouveaux  domiciliés ,  il  ordonna  que  pour  avoir 
droit  aux  privilèges  de  citoyen  ces  nouveaux  admis 
s*obligeraient  à  payer,  dans  le  cas  où  ils  voudraient 
renoncer  à  leur  domicile ,  cent  sous  k  la  cour  du  bailli 
et  autant  au  consulat  de  mer,  sans  discontinuer  pour 
cela  de  payer  les  contributions  et  tailles  des  autres  ha- 
bitants, ainsi  que  Tavait  déjà  réglé  Jayme  II.  Après 
Pèdre,  Martin  fixa  invariablement  les  conditions  qu*il 
faudrait  remplir  pour  avoir  droit  aux  libertés  et  fran- 
chises des  habitants  de  Perpignan.  Par  son  ordon- 
nance du  7  septembre  iSgy  il  fut  statué  que  pour 
être  considéré  comme  citoyen  de  Perpignan,  quoique 
ne  résidant  pas  habituellement  dans  cette  ville,  il 
faudrait  y  posséder  une  maison  par  directe;  celui  qui 
nVn  avait  pas  devait  en  faire  bâtir  une,  soit  dans 
rintérieur  des  murailles,  soit  au  fauboui|;'.  Si,  après 

*  Par  ordonnaticT  Hti  17   de^  ralrtidr^  de  jamicr    i3ii»  Sanrbr 


CHAPITRE    PREMIER.  9 

trois  mois  de  séjour  dans  la  ville,  celui  qui  prétendait 
au  titre  de  citoyen  ne  s'était  pas  rendu  propriétaire, 
il  était  condamné  à  payer  cent  sous  de  Barcelone  à  la 
caisse  des  travaux  des  fortifications ,  et  il  ne  pouvait 
jouir,  pendant  ces  trois  mois,  des  liliertés,  privilèges 
et  franchises  des  citoyens  '.  Si,  après  avoir  acquis  une 
maison  dans  Perpignan,  ce  nouvel  habitant  voulait 
renoncer  à  son  domicile,  il  payait  au  consulat  de  mer 
les  cent  sons  auxquels  il  s'était  obligé,  suivant  les  dis- 
positions de  l'ordonnance  de  don  Pèdre.  Il  était  expres- 
sément défendu  aux  consuls  de  faire  aucune  grâce  ni 
remise  sur  cette  amende.  Le  nouvel  habitant  devait 
garder  sa  maison  pour  son  propre  usage  ;  cependant , 
si  elle  était  trop  grande  pour  lui ,  il  lui  était  loisible 

nail  dtfendn  de  bâlir  aucuo  fdîGce  bon  de  Perpignao.  Ce  mtme  roi 
défendil,  Jeui  ansaprés,  de  joocr  oui  boules  dans  In  ville  et  aa  tau- 

'  Cet  iiherUi,  frandiiscs  et  privilégci  attachés  au  titre  de  citoyen 
de  PeqiigDan,  cvniistateut  à  n'clre  assojettia  i  aucune  dime  sur  la 
laine  de  leur  bétail,  ijudqucpart  qu'ils  le  linsienl;  à  ne  payer  aucune 
(lime  sur  I»  poules,  œufs,  porcs,  cunanb,  oies,  cbovaui,  bœufs, 
ine».  etc.;  â  ne  payer  ni  dimei  ai  prémices  de  blé,  avoine  et  autres 
cfr^les  quelconques ,  destinées  &  la  nourriture  du  bdtail  ;  i  ne  payer 
uiditncsui  prémices  sur  les  herbes  potagères,  borlolagcs,  légumes,  etc., 
tur  Us  olives,  fruits,  raisins,  bois  Ae»  forêts,  roseaux,  etc.  ii  ne  payer 
ancuDC  dlme  sur  toute  denrée  sonice  dans  les  sillnns  de  labour  des 
jeunes  plants  de  vigne  on  malloli.  k  moins  que  la  totalité  du  champ 
■l'en  fût  semée  comme  un  champ  ordinaire  ;  et  en  une  fiiule  d'autres 
uemptions  de  ce  genre.  Lm  Perpigaanais  ue  jionvaieiil  être  distraits 
it  leun  juges  en  aucune  manière,  ni  par  voie  d'appel;  ils  étaient 
aulorisés  1  faire  escculer  des  Bsiaies  contre  leurs  débiteurs ,  cl  nul  ne 


10  LIVRE  TROISIÈME. 

d*eo  louer  une  partie  ;  mais ,  dans  ce  cas ,  il  fiedlait  qu  il 
ménageât  une  entrée  pour  lui  et  une  pour  son  loca- 
taire, et  cela  sous  peine  de  dix  sous  d amende,  appli- 
cables aux  travaux  des  fortifications,  pour  chaque 
année  de  contravention.  Tout  nouvel  habitant  était 
tenu  de  résider,  manger  et  coucher  dans  sa  maison 
pendant  les  quatre  fêtes  de  Noël,  de  Pâques,  de  la 
Pentecôte  et  de  Notre-Dame  d*août,  sinon  il  payait 
dix  sous  â  la  caisse  des  fortifications;  et  s  il  manquait 
plus  d*une  fois  à  cette  condition ,  il  était  rayé  du  con- 
trôle des  habitants.  Pour  garantie  de  Taccomplisse- 
mcnt  de  ce  devoir,  tout  citoyen  nouveau  était  astreint 
a  se  présenter,  tous  les  ans,  â  Tépoque  de  Noël,  par- 
devant  les  consuls  ou  Técrivain  du  consulat,  à  Teffet 
d*êtrc  inscrit  sur  un  registre  spécial,  destiné  à  cet 
usage  ;  la  négligence  ou  Tomission  de  cette  formalité 
était  réputée  absence ,  et  punie  de  Tamende  :  toutes 
ces  mesures  avaient  pour  objet  d*assurer  h  la  ville  une 
population  réelle  et  non  factice ,  capable  de  pouvoir 
la  défendre  efficacement  en  cas  de  siège.  Celui  qui , 
sans  avoir  de  maison  en  propre,  voulait  fixer  son 
domicile  k  Perpignan,  pour  y  faire  continuelle  ré- 

pouvait  MÎfir  leurt  bieot  pour  det  dellet  garanties.  Les  causât  oottoer- 
osDt  la  oommuaauté  ou  les  habitants  en  particulier  devaient  élra 
jugées  suivant  les  privilèges,  us  et  coutumes  de  la  ville,  ea  quelque 
tribunal  qutf  ce  fûl  ;  les  syndics  de  Perpignan  ne  pouvaient  pas  être 
forcés  de  prêter  serment  au  roi  ou  à  rbéritier  du  trône,  avant  que 
toutes  les  autres  villes  n'eussent  (ait  ce  serment ,  etc  etc.  Vof<«  Boscb , 
Tti.  de  htm 


CHAPITRE   PREUIEB.  11 

ridence,  était  r^|nité  tàUrjtn,  et  dassé  comme  ta. 
Divers  édits  ré^ementaires,  portés  a  difiéiCDtes 
épfiqua,  avaient  fixé  k  marche  que  les  consuls  de- 
vaient suivre  clans  le  régime  de  In  comniunauté.  En 
mai  i3  i  I  Jayme  I  avait  même  ordonné  à  ses  magis- 
trats de  faire,  chaque  année,  une  revue  de  toutes  les 
lois  et  ordonnances  roncernant  le  pajs,  pour  en  ré- 
former tout  ce  qui  serait  devenu  inutile,  par  cpielque 
cause  Cjue  ce  fût,  et  pour  corriger  et  améliorer  la 
partie  de  ces  lois  et  ordonnances  que  rcxpérience  au- 
rait signalées  comme  défectueuses.  Sancbe  investit 
le»  consuls  du  pouvoir  de  recevoir  les  romptes  de 
leurs  deviiiiriers,  ceux  des  administrateurs  de  l'au- 
mônerie  de  la  ville ,  ceux  de  l'hôpital  de  Saint-Lazare- 
du-Pont ,  bâti  au  bout  du  pont  de  la  Tet,  et  ceux  de 
l'hôpital  des  pauvres.  Un  acte  du  i  6  des  calendes  de 
juin  laGa  montre  jusqu'où  allait  la  mauvaise  admî- 
aistration  de  ce  dernier  établissement,  qui,  fondé  par 
le  comte  Gausfred  III,  avait  été  acheté  de  l'infant 
Jayme,  fils  de  Pèdre  111.  par  la  vilie,  au  prit  de 
quinze  mille  sous.  De  vives  altercations  s' étant  élevées 
entre  l'évèqiie  d'Elue,  sous  la  sm^eillance  de  qui 
^lît  placé  cet  hôpital ,  et  les  consuls  de  Perpignan , 
au  sujet  de  la  négligence  du  prélat  ou  de  ses  agents 
envers  cette  administration,  il  fut  convenu  entre  eux 
que  la  nomination  du  commandeur  de  cet  hôpital  ap- 
partiendrait à  l'évèque ,  mais  qu'elle  porterait  sur  l'un 
Hm  Irois  candidats  présentés  par  les  consuls  ;  que  le 


I 


12  LIVRE   TROISIÈME, 

prélat  aurait  le  droit  de  visiter  rétablissement,,  pour 
s*assurer  de  la  régularité  du  service ,  avec  faculté  de 
proposer  la  destitution  du  commandeur,  si  par  sa  faute 
ou  par  sa  négligence  ce  service  n*aUait  pas  bien ,  mais 
qu*il  ne  pourrait  le  destituer  de  sa  propre  autorité. 
Les  visites  de  1  cvêque  devaient  se  faire  en  la  présence 
des  consuls  ou  de  leurs  délégués,  mais  à  ses  frais,  et 
sans  qu*il  pût  lui  être  alloué,  à  ce  sujet,  aucune  in- 
demnité sur  les  revenus  de  Thôpital;  enfin,  les  con- 
suls devaient  prendre  des  mesures  pour  faire  restituer 
à  Tadministration ,  dans  le  terme  de  cinq  années,  tous 
les  biens  de  Thôpital  qui  avaient  été  indùm^t  alié- 
nés, et  pour  forcer  ceux  d*entre  les  acquéreurs  qui 
en  avaient  acheté  à  juste  titre,  mais  au-dessous  de  leur 
valeur  réelle,  d*en  acquitter  la  plus-value. 

Par  une  charte  du  3  mai  1 3 1 5  Sanche  avait  ins- 
titué un  conseil  de  ville  de  douze  men^res  ;  par  une 
seconde,  du  ti3  mai  li^li^  il  frappa  d*une  amende 
de  dix  sous  de  Barcelone  ceux  de  ces  conseillers  qui 
ne  se  rendraient  pas  aux  convocations.  La  même 
charte  réglait  le  costume  des  consuls.  Chacun  d'eux, 
en  entrant  en  charge ,  devait  se  pourvoir  d*une  robe 
ouverte  (sapertunicale  )  et  d*unc  tunique  uniformes  et 
de  même  couleur,  avec  une  bordure  de  pelleterie,  et 
il  leur  était  alloué  |>our  cette  dépense ,  sur  les  fonds 
du  consulat,  une  somme  de  quinze  livres  de  Barce- 
lone,  qu'il  ne  leur  était  pas  permis  de  dépasser.  A 
me.«^urr    cpie   l'argent    augmentait   de    valeur,   celle 


CHAPITRE   PREMIER,  13 

somme  ne  se  trouvant  plus  en  rapport  avec  le  prii 
des  étoffes,  les  consuls  réclamèrent  auprès  du  roi 
Jaymc  II,  qui  commit  Bernard,  abbé  d'Ailes,  pour 
connaître  de  la  justice  de  cette  réclamation  et  ordon- 
ner ce  qui  serait  convenable'.  Bernard,  par  sentence 
du  3i  juillet  i33/i,  décida  qu'à  l'avenir  les  consuls 
sortant  d'exercice  achèteraient  eux-mêmes  l'étofie  pour 
le  costume  de  leurs  successeurs,  en  fisant  à  vingt- 
cinq  livres,  sans  plus,  la  somme  qu'on  pourrait  em- 
ployer à  cette  dépense  :  ainsi,  dans  l'espace  de  dix 
ans,  les  pris  des  étoCFes  avaient  à  peu  près  augmenté 
de  deux  tiers.  D'autres  ordonnances  furent  encore 
rendues  sur  cette  matière,  même  sous  le  régime  fran- 
çais, pendant  l'engagement  du  Iloussillon. 

Les  consuls  de  Perpignan  ne  pouvaient  pas  se  vêtir 
de  deuil  tout  le  temps  que  durait  leur  charge.  S'ils 
étaient  sous  celte  luguhre  livrée  au  moment  où  ils 
entraient  en  exercice,  ils  devaient  la  quitter,  et  s'il 
leur  moiuTiit  un  parent  pendant  l'année  de  leui'  cod- 
suiat,  il  leur  était  seulement  permis  de  prendre  le 
deuil  pendant  neuf  jours,  dans  l'intérieur  de  leur 
maison,  sans  pouvoir  sortir  avec  ce  costume,  si  ce 
n'est  pour  aller  aux  funérailles. 

Les  consuls  de  Perpignan  avaient  anciennement 
l'habitude  de  se  faire  précéder  par  un  appariteur 
portant  une  baguette  noîre ,  chaînée  des  armes  du  roi 

'  Col  la  commiMÏon  dool  nous  avons  ilonné  la  Ictleilann  une  note 
du  diaiiitrf  \n  du  livre  précédeoi. 


I 


U  LIVRE   TROISIÈME 

et  de  la  ville,  mais  cette  marque  d'hoiuieur  n*étant 
fondée  sur  aucun  titre  authentique,  le  gouverneur 
voulut  la  supprimer  en  i3/i6.  Sur  la  réclamation  de 
ces  magistrats  Pèdre  IV  leva  Tempéchement ,  a  puisque 
tel  était  Tusage  ^ .  n  Plus  tard  ces  consuls  furent  précédés 
par  des  massiers  et  des  porteurs  de  veines,  et  ils 
avaient  le  droit  de  taire  porter  ces  insignes  devant 
eux,  en  quelque  lieu  que  ce  fut,  dans  toute  Tétendue 
àe  la  Catalogne^.  Ils  avaient  aussi  le  droit  de  faire  des 
f  règlements  en  matière  civile  et  criminelle,  d*infliger 

'  des  peines  afflictives,  de  lever  des  tailles,  des  octrois 

et  sid)ventions  de  toute  espèce  sur  les  habitants,  et 
I  de  n*ètre  point  comptables  aux  officiers  royaux  du 

produit  de  ces  impositions^.  En  temps  de  disette,  ces 
consuls  avaient  le  droit,  par  privilège  spécial  de 
Pèdre  IV,  d*armer  des  galères  et  de  les  envoyer  en 
croisière  sur  la  mer  de  Roussillon,  pour  arrêter  et 
forcer  d'entrer  dans  les  ports  de  la  province  tous  bâ- 
timents chaînés  de  blé  passant  par  cette  mer^.  Ces 
faveurs,  que  la  politique  des  rois  d* Aragon  répanckit 
à  profusion  sur  Perpignan ,  avaient  pour  objet  de  s'il* 
tacher  fortement ,  après  Textinction  du  royaunoie  ck 
Majorque,  la  population  d*une  ville  qui  rivalisait  alors 
d'étendue  avec  Barcelone,  qui  étiit  des  plus  floris- 
santes, par  son  commerce  et  ses  nombreuses  manu- 
factures,  et  qu'ils  regardaient  comme  la  sentinelle 

*  Arck.  D&m.  —  *  Rotdi,  TMb  de  In^m   Voyei  U  «Me  I.  —  *  Uker 
prm.  —  ^  Lia.  tirié.  mmf  el  tmin,  ^ 


CHAPITRE    PREMIER  15 

svancée  de  leur  empire,  par  sa  posilioii  au  delà  des 
Pyrénées;  aussi,  Martin,  dans  son  allocution  aus 
corts,  qu'il  tint  dans  cette  ville,  le  3o  septembre  i  606, 
s'écriait-il  avec  raison  en  pariant  des  Catalans  :  "  Est-il 
uun  peuple  au  monde  qui  jouisse  d'autant  de  fran- 
u  chises  el  de  libertés  '  ?  »  On  compte ,  dans  i'intei'valie 
de  quatre  siècles  et  demi,  plus  de  mille  chartes  oc- 
troyant des  faveurs  royales  à  la  population  de  Per- 
pignan. 

Le  roi  Sanche  avait  établi  que  les  consuls  entrant 
en  charge  ouïraient  les  comptes  de  leurs  prédéces- 
seurs; mais  ce  moyen  ne  présentant  pas  toute  la  ga- 
rantie désirable,  Jayme  II  ordonna,  en  liiâi,  que 
chaque  année  ces  magistrats  éliraient  deux  claimreu 
qui,  après  avoir  prête  serment  entre  les  mains  du 
bailli,  rece\Taient  les  comptes  des  consuls  et  de  tous 
les  administrateurs  et  percepteurs  de  deniers  publics. 
Ces  clavaires,   qu'on  appelait  aussi  en  cat^an  mos- 
lassafs,  étaient  payés  de  leur  traitement  par  ces  mêmes 
consuls,  mais  ne  pouvaient  pas  le  toucher  avant  l'au- 
dition des  comptes,   ce  qui  ne  remédiait  guère,  ce 
semble,  àl'inconvénientqueieprince  voulait  prévenir. 
Ces  officiers  furent  chargés,  l'année  suivante,  de  la 
présentation  des  candidats  aus  places  de  receveurit 
des  tailles  et  des  quêtes,  k  la  nomination  du  bailli, 
qui  pouvait  les  rejeter,  s'U  ne  les  jugeait  pas  propres 
k  remplir  ces  fonctions.  Ces  charges  n'étaient  confiées 

'  •  Qaalpohlfurn  lo  mon  i^ui  Jifn  axijrancht4efranqnesrietil>frtali7...  ■ 


16  LIVRE    TROISIÈME. 

qu  à  des  personnes  que  leur  fortune  mettait  en  posi- 
tion de  pouvoir  les  exercer  gratuitement,  et,  par  édit 
de  Marie  II,  nul  ne  pouvait  les  refuser,  sous  peine 
d'une  amende  de  cinq  cents  florins  d*or,  à  moins  que 
les  raisons  dont  il  motivait  son  refus  ne  fussent  ac- 
cueillies par  les  cinq  consuls,  à  Tunanimité. 

La  ville  de  Perpignan  changea  la  forme  de  sa  police 
intérieure  pendant  le  régime  des  Français,  à  la  de- 
mande des  consuls  et  du  vice-roi  BoiBle-de-Juge.  Jus- 
qu'à cette  époque  on  avait  usé  de  ce  qu'on  appdait 
la  forme  totdoasaine;  Charles  VIII,  par  lettres  patentes 
du  3  décembre  i  àS'j ,  autorisa  l'emploi  de  la  forme 
noavelle,  dont  l'essai  avait  été  fait  avec  succès  pendant 
six  mois^ 

Les  habitants  de  Perpignan,  comme  ceux  de  Cata- 
logne, étaient  divisés  en  trois  classes,  qu'on  appdail 
mains^.  La  composition  de  chacune  de  ces  mains, 
longtemps  incertaine ,  avait  été  r^ée,  en  i3&6,  par 
Pèdre  IV,  &  l'occasion  de  quelques  difficultés  suire- 
nues,  relativement  au  mode  d'élection  des  consuls.  U 
fut  statué  alors  que  les  bourgeois  de  Perpignan ,  riTaiil 
honorablement,  et  les  mercaders,  ou  commerçants  en 
gros,  composeraient  la  main  majeure  :  que  les  parears 
de  drap,  les  écrivains  et  autres,  exerçant  une  profi 


*  Uk.  virié.  mim 

*  Le  chef  de  TéUt  éuit  la  iéie  de  la  nation ,  les  trou  ordre» 

aui  cortfl  en  éuient  let  ^nu .  et  les  clasaet  de  la  population  en  ét^snt 
les  hmumj. 


CHAPITRE   PREMIER.  17 

!s.ion  assez  honorable ,  sernieiit  diiiis  lu  main  mayi-mw ,  il 
qiK!  les  cordonniers,  les  jardiniers  et  aulrcH,  exerçant 
des  métiers  analogues,  l'ornifraienl  la  main  mineure. 
Les  membres  de  la  main  majeure  prenaient  le  titi'c  dit 
citoyens  ou  bourgeois  honorés^.  Chacune  de  ces  mains 
devait  être  représeotée  par  quatre  conseiller».  À 
ijui  appartiendrait  uniquement  le  droit  dYlire  les 
ronsuls. 

La  noblesse  n'était  pas  comprise  aneiennemem  dans 
la  main  majeure  et  ne  comptait  pas  dans  la  population 
des  villes,  parce  que  les  nobles  de  haut  parage  n'habi- 
laient  que  leurs  châteaux,  el  que  ies  chevaiiera  qui 
résidaient  dans  ces  villes,  se  trouvant  hors  du  for  du 
bailli,  et  sous  la  seule  juridiction  du  viguîrr.  ne  pou- 
vaient exercer  aucune  fonction  municipale.  Lors- 
que plus  tard  il  fut  de  leur  inti^Wit  de  participer  «k 

1  (■piscopàlM, 


cité  élait  dunné  h 

ic  cilé.  et  Imaiyeoii  nu  htbUanl  il'aa 
cl  grundes  méttiiries  Eafipclaienl  villa, 
|ui  s'y  IrouvaicDt  éuieol  serfs  ou  do  Ir^s-busse 
illani.  vilains,  devint  une  qnaliricntinn  inju- 
les  noblei  dniulArtiit  aui  habitants  îles  villEit 
ilaiai,  parce  qu'ils  jr  vivaient  dan»  le  rciini,  no 
e  eui  aux  Iravaiu  de  la  ^eire. 
s  établi Mements  ruraui  s'appelaient  payi,  f.i 
(winlialntanls./Hi^ni.  Comme  la  -demit're  classe  esl  toujoun  la  dar- 
«ira  iuisi  à  adopter  les  innovations,  ces  pagani  furent  obstinés  i 
rtpaasim  le  christianisme;  de  \W  le  mot  paganat,  paien,  devint  syno- 
»)-ta«  d'idolâtre.  Comme  qualiBant  l'habitanl  des  cnmpagnci ,  pai)anai 
fut  tratluiipar  pnvian.  ta  catalan  pagit. 


'  Anciennement  l«  titre  d< 
<l  celai  (le  baarg  aui  autres 
mot  rvtoytn  ou  habitant  d'u 
bourg.  Les  villages,  hotneaui 
et  nmnie  Ici  habitants  qui  s' 
enditioD,  le  terme  de  viJ/oni 
ticoM.  Suivant  Paequîei 
l'épilUic  injurieuse  de 
lira  de  )'endurcir  comn 
SdmIm  Romains,  ci 


18  LIVRK    THOISIÈME. 

l'exercicr  tir  vvh  lV>iictions,  ils  durent  renoncer  à  leur 
titre  (le  rhevaiier,  afin  dVntrer  sous  la  juridiction  du 
bailli;  ils  furent  enfin  incorporés,  avec  leurs  titres, 
dans  cette  main  majeure,  en  1601.  En  sa  qualité  de 
bourg<M)isie  honorée,  cette  main  majeure  jouissait, 
dès  auparavant ,  de  quelques  unes  des  prérc^tivcs  de 
la  noblesse'. 

Dans  les  anci(*ns  temps  les  premiers  consuls  de- 
vaient être  pris  fondement  dans  la  main  majeure;  ce- 
pendant on  trouve  dans  les  archives  du  domaine  une 
lettre  de  don  Il«iymond  de  Sagarriga,  gouverneur  gé- 
nénil  de  Roussillon,  du  10  juin  i&i  1  ,  aux  conseil* 
lers  de  la  commune,  pour  les  engaj»erà  élire  «  pour 
«consuls,  sans  crainte  et  sans  risque  d'encourir  au- 
«cune  peine,  quelque  personne  que  ce  soit,  de  la 
«main  majeure,  moyenne  ou  mineure,  qui  leur  pa- 
(t  raitra  le  plus  en  état  et  la  plus  propre  k  remplir  ces 
«charges,  pour  le  hi(*n  et  dans  Tintérêt  de  la  ville  et 
«  des  habitants^.  » 

En  vertu  d'un  trc.s-ancit»n  privilège,  le  cinquième 
consul  devait  appartenir  à  la  piiroissi*  de  Saint- 
Jacques,  habitée  parles  jardiniers  et  gens  de  métier. 

'   Vo)«-i  la  note  II. 

*  Quand  le  coqn  de  la  noblesse  eut  été  admit  urtc  m»  titm  dans  la 
main  majeure .  Ir  |HTinifT  ronMil  dut  cire  pris  dan*  l'urdre  de  la  no- 
blcMe,  vl  le  sea»nd  nmikul  fut  ph**,  une  ann^e  dan%ce  nM'nie  ordre,  H 
r4niu*e  Miivaute  dan»  relui  Afs  lM>urger>i>.  I^r*  iroiiiéme  et  qiiitriéiiM» 
rAnftuU  étaient  |»ri«  dan*  la  main  moyenne,  et  le  cinquième  dam  la 
niMiii  minrurr.  [  \  oYoeft  fnitnrr%^me  Jr  Homiullon 


CHAPIÏHE   PREMIER.  19 

Des  ambitieux  des  autres  paroisses,  pour  obtenir  ce 
consulat,  abandonnaient  momentanément  leur  do- 
micile habituel,  et  allaient  s  établir  sur  cette  paroisse 
de  Saint-Jacques  un  mois  avant  Télection,  et  ils  re- 
tournaient à  leur  premier  domicile  après  Texpiration 
de  Tannée  consulaire.  Pour  mettre  im  terme  à  cet 
abus,  les  consuls  rendirent,  le  ay  juillet  1/191 ,  une 
ordonnance  portant  que  nul  ne  pourrait  être  cinquième 
consul,  s  il  n'habitait  sur  cette  paroisse,  depuis  un  an 
et  un  jour,  avec  sa  femme  et  ses  enfants,  dans  une 
maison  à  lui  ou  à  loyer.  Par  règlement  des  mêmes 
magistrats,  du  ao  mai  1 585 ,  il  fut  établi  que  nul  ne 
serait  pourvu  du  consulat,  s'il  ne  possédait  une  maison 
en  propre  ou  à  loyer,  et  s'il  n'y  faisait  continuelle  ré- 
sidence ^ 

Lie  nom  des  citoyens  susceptibles  de  remplir  la 
chaige  de  consuls  était  placé  dans  des  bourses  ou  sacs 
de  cuir,  d'où  leur  venait  le  surnom  de  citoyens  insa- 
calés.  Pour  être  insaculc ,  il  fallait  que  celui  qui  pré- 
tendait à  cet  honneur  fût  approuvé,  d'abord  par  le 
gouverneur  de  la  province,  ensuite  par  un  conseil 
composé  de  quatre  individus  tirés  au  sort  dans  cha- 
cune des  trois  mains  :  ce  conseil  portait  le  nom  de 
doazaine  dinsaculation ;  ceux  qui  en  étaient  membres 
émettaient  leur  avis  par  la  voie  du  scrutin,  et  ils 
n'étaient  pas  tenus  de  donner  la  raison  de  leur  ex- 
clusion. 

'  lÀhroviridi  minoii. 


20  LIVKK    TBOISIKML. 

li'ii  êclit  «h;  Vvdvv  IV,  de  Tan  liàf,  avait  érigé  les 
rlavain^s  ou  moslassajs,  rn  véritables  juges  de  paix ,  en 
leur  conférant  le  pouvoir  de  concilier,  sans  avoir  be- 
soin de  la  permission  du  bailli,  tous  diflerends  appar- 
tenant à  leur  juridiction ,  simplement,  et  diaprés  les 
seules  rifles  de  leur  droiture  et  de  leur  bon  sens. 

Particulièrement  attentif  aux  intérêts  des  Perpi- 
gnanais,  Martin  pourvut  à  la  conservation  des  biens 
de  toute  espèce  appartenant  à  la  commune.  Il  régla 
que  chaque  année,  un  mois  avant  la  Saint-Jean, 
époque  de  Tinslallation  des  nouveaux  consuls ,  il  se- 
rait dressé  un  inventaire  exact  de  tous  les  biens- 
meubles  ou  immeubles,  vi  des  objets  de  toute  nature, 
existant,  soit  au  consulat,  soit  au  dehors,  ainsi  que 
des  livres,  chartes,  pragmatiques,  privilèges,  papiers 
et  lettres  quelconques,  de  lartillerie,  fourniments, 
vivres  et  autres  objets,  afin  de  s  assurer  quils  étaient 
bien  conser\'és.  Cet  inventaire  devait  indiquer  com- 
ment et  pourquoi  ces  objets  ap|>artenaient  h  la  com- 
mune, afin  dVn  garder  la  tradition  ;  on  devait  dresser 
aussi  un  état  des  sommes  payées  et  de  celles  qui  res- 
taient encore  à  payer,  (*n  indiquant  les  parties  pn*- 
nantes  aussi  bien  que*  les  irisons  et  motifs  de  la  dé- 
pense. H  était  réglé  qu a  lavt^nir  nul  consul  ou  autre 
officier  de  la  comnmne  iw  |)ourrait  dis|>oser  d  aucun 
joyau,  robe,  harnais,  victuailh*,  sonune  d  argent  et  de 
cpicUpie  partit*  que  cv  fut  des  propriétés  communales, 
sans  un  mandat  bien  détaillé  et  bien  circonstancié. 


CHAPITRE    PREMIER.  21 

dont  la  formule  était  déterminée  par  la  prévoyance 
royale.  La  manière  de  tenir  les  écritures,  les  livres  et 
la  comptabilité  était  réglée  par  la  même  ordonnance , 
qui  n'omettait  rien  de  ce  qui  pouvait  assurer  la  longue 
durée  et  la  bonne  conservation  des  propriétés  de  la 
ville,  et  maintenir  Tordre  dans  Tadministration,  en 
prévenant  les  dilapidations  et  assurant  Téconomie 
dans  les  dépenses. 

Cest  sous  le  r^ne  de  Martin  que  fut  bâti  un  premier 
hôtel  de  ville,  remplacé  ensuite  par  celui  qui  existe 
aujourd'hui.  Par  une  pragmatique  du  lo  décembre 
i&oa  ce  prince  permit  aux  consuls  d'acheter  quel- 
ques maisons ,  sur  l'emplacement  desquelles  on  bâti- 
rait l'hôtel  de  ville  d'une  manière  plus  convenable 
qu'il  ne  l'était  auparavant,  et  il  assigna  une  somme  de 
six  cents  francs  pour  faire  cette  dépense^. 

Outre  les  consuls  de  la  ville,  qui  étaient  au  nombre 
de  cinq,  il  y  avait  encore  à  Perpignan  \me  autre  ju^ 
ridiction  consulaire,  sous  le  titre  de  consulat  de  mer^  : 
(*V*tait  un  tribunal  de  commerce  maritime  que  Jay me  II 
avait  fondé,  mais  dont  il  n  avait  pas  eu  le  temps  de 
compléter  l'organisation.  Après  le  renversement  du 
trône  de  Majorque,  Pèdre  IV  donna  à  ce  tribunal  une 
plus  grande  extension,   en   achevant  l'ouvrage  du 
prince  qu'il  venait  d'expulser;  il  appliqua  à  cette  ins- 
titution l'organisation  du  consulat  de  mer  des  villes 

'    Pour  les  attributions  des  consuls,  voyez  la  not«  I. 
*    Voyci  la  suite  de  la  note  I. 


22  LINHK   TKOISIÈME. 

de  Uarreluiie  i*t  de  Majorque,  calquée  sur  celle  du 
consulat  de  iiut  de  \alencc,  type  de  tous  les  tribu- 
naux de  ce  genre  ^  Par  ordonnance  de  Juan  I,  du 
a  a  décembre  1 388.  le  consulat  de  nier  de  Perpignan 
fut  roniposé  d'un  consul,  dun  assesseur  et  d'un  juge 
d*appel,  tous  trois  à  la  nomination  des  notables  de  la 
ville;  le  consul  de\ait  être  pris  parmi  les  citoyens  de 
la  main  maji^urc,  vi  1  assesseur  panni  ceux  de  la  main 
movennc.  A  la  réunion  du  Roussillon  à  la  France,  il  fut 
créé  un  second  assesseur,  ({ui  prit,  comme  le  premier, 
le  titre  de  consul.  Le  lieu  des  séances  du  consulat  de 
mer  étant  ti*ès-inconnnodc,  Martin,  sur  les  représen- 
tations des  consuls,  qui  sr.  plaifçnaient  de  n'avoir  pas 
de  loge  ou  maison  dans  la({uelle  ils  pussent  siéger  et 
déposer  leurs  iVritures,  leur  permit  de  prendre,  sur 
le  produit  de  rim|>ot  établi  |>ar  le  roi  Juan  son  frère, 
et  qui  se  levait  sur  les  marcbandises  importées  ou 
exportées  par  mer,  impôt  dont  nous  avons  déjà  parlé 
sousb*  nom  àimjmnagc,  une  sonune  de  quatre  mille 
florins  dor  d'Aragon.  ])our  Tacluit  des  maisons  sur 
remplacement  desc|uelles  ils  léi*aient  constniire  une 
loge  diîcente  '^. 

'  Onloii.  (Il*  IVdrr  IV,  i\ài\^  \v  li\ir  «li  <i  Statuts  ilii  roiinuLit  dr  iiii*i 
•  I/al)l>f-  Xatipi  se  lrnin|K'  iii  no  |Mirt.int  rrlir  «ointiio  qu'à  qujtrr 
cent5  florin!.  t,v  préanibulc  de  la  rhartr  t\v  Martin  fait  coniiailrr  qnrllf 
rUÛI  rim|jortanci'  (1<*  IVr|>ign«ui.  a  crUo  4'|hk|u«',  mju%  Ir  ra|>|Mirl  cxmu* 
merrial  :  •  NtMtrx  ('i\il.iti'<%  <  t  \illx.  inhT  <|im*>  iIk  tain  \illjiii  lVr|»iiiiant 
•  notahiliorem  l'i  |»nrri|Miain  ntiqiir  rrptilanin«.  in  qiia  miTtatoniiii 
t  \igrl  copia  .  fti     •    Snli    nr>ni 


CHAPITRE    PREMIER.  25 

La  ville  de  Perpignan  obtint  de  Martin ,  par  prag- 
matique du  8  juillet  1 4oo,  lautorisation  de  remplacer 
Taucien  sceau  de  ses  annes  par  Técu  royal  d'Aragon , 
qui  serait  chargé  d'une  figure  de  saint  Jean ,  patron 
de  la  ville  ^ 

Jusqu'au  milieu  du  xv*  siècle  tous  les  enfants,  sans 
distinction,  qui  mouraient  dans  Perpignan,  étaient 
enterrés  dans  le  cimetière  général,  et  les  parents  ne 
pouvaient  avoir  la  consolation  de  réimir  ces  cendres 
chéries  à  celles  de  leurs  proches,  dans  les  tombeaux 
de  famille.  Ce  ne  fut  qu'avec  beaucoup  de  peine  que 
les  consuls  obtinrent  enfin  la  suppression  de  ce  bar- 
bare usage.  S'étant  adressés,  en  1/119,  ^^  cardinal 
Alaman,  légat  du  pape ,  Martin  V,  près  le  roi  d'Ara- 
gon, des  lettres  furent  données  par  ce  prélat,  pour 
laisser  aux  familles  la  libre  élection  du  heu  de  la  sé- 
pulture de  leurs  enfants  morts  en  âge  de  minorité; 
mais  l'autorité  du  légat  ne  fut  pas  jugée  suffisante,  et 
il  fallut  que  le  pape,  par  un  induit  du  1 1  septembre, 
approuvât  la  teneur  de  ces  lettres,  et  en  ordon- 
nât l'exécution ,  sous  peine  des  censures  eccfésias- 

*  Lib.  virid.  min.  A  la  première  page  du  livre  vert  majeur  des  ar- 
chives de  la  mairie  de  Perpignan  on  voit  un  écu  carré  ordinaire, 
cbargé  de  barres  rouges  sur  champ  d^or,  posées  obliquement  do  gauche 
â  droite.  Si  c'était  là  l'ancien  écusson  des  armes  de  la  ville,  on  n'aurait 
£ûtque  redresser  ces  barres  perpendiculairement,  et  alors  Técu,  au 

lieu  d'être  carré,  serait  devenu  iosange,  comme  il  existe  depuis  Martin. 

Au  milieu  de  cet  écu  on  ajouta  une  figure  de  saint  Jean.  Ce  volume 

dête  du  règne  de  Juan  I. 


il  L1\HE    THOISIÈME. 

tiques  ^  Le  mi  d*Aragoii,  obligé  d'intervenir  lui-même, 
pour  vaincre  toutes  les  résistances ,  manda  à  ses  officiers 
de  détruire  par  la  force  tous  les  obstacles,  chaque  fois 
quils  en  seraient  requis^.  Nous  ignorons  quelles  rai- 
sons pouvaient  porterie  clergé  de  Perpignan  &  oppo- 
ser, à  une  réclamation  aussi  juste  de  la  part  des  pa- 
rents ,  une  résistance  si  opiniâtre. 

La  vente  du  |)aiji,  du  vin  et  autres  comestibles  n té- 
tait pas  permise  aux  hôteliers,  à  lV>gard  des  étrangers 
et  des  voyageurs  qui  prenaient  gite  dans  leurs  hôtels, 
en  Roussillon  comme  dans  toute  la  Catalogne.  Sur 
une  plainte  des  consuls  et  notables  du  Ik)ulou,  Martin 
rendit,  le  ao  novembre  i  &o  i ,  une  pragmatique  por- 
tant expresses  défenses,  v  pour  le  bien  général  de  toute 
«I  la  ronununauté .  »  à  tout  hôtelier  de  rien  vendre  de 
semblable  aux  passants  et  aux  voyageurs^.  Une  or- 
donnance du  bailli  de  Perpignan,  du  3o  octobn» 
I  'i  1 8,  lit  une  défense  toute  pareille  aux  hôteliers  de 
rette  ville  *. 

Cha({ue  localité,  dans  toute  fétendue  du  royaume 
d\\i*agon,  était  tenue*  de  payer,  à  chaque  changement 
de  règne,  un  droit  de  joxeux  avènement,  ou  im|>ôt  de 
couronnement.  La  levée  de  ret  im|)ôt,  éprouvant  des 
diffîrultés  à  Perpif^nan.  à  ra\rnement  de  Martin  à  la 
couronne,  ri  des  saisies  avant  été  ordonnées  t-ontre 
les  n*tardataires  par  le  gcnixerneur.  qui  répondait  de 
toutes  ces  sommes,  sous  une  peine  de  mille  florins 

rrru»r\,  n*  I    —  '  Ihiiiem   —  '  l*rru\r\,  n   II  — •  hh-i  /•roiis 


CHAPITRE   PREMIER.  25 

d*or,  ce  prince,  par  lettres  patentes  du  i*"  octobre 
iSgg,  défendit  de  contraindre  qui  que  ce  fut  à  ce 
payement  dans  cette  ville,  et  fit  restituer  les  saisies 
à  ceux  à  qui  on  en  avait  fait^.  Une  quittance  du  pro- 
cureur royal  et  féodal  du  roi  d* Aragon ,  du  a  i  no- 
vembre là^à,  nous  fait  connaître  la  taxation  de  cet 
impôt,  qui  était  d'un  florin  d'or  par  chaque  feu^. 

Sous  le  rapport  de  l'industrie,  Perpignan  eut  beau- 
coup plus  d'importance  autrefois  qu'il  n'en  a  depuis 
quatre  siècles.  Les  guerres  longues  et  malheureuses 
dans  lesquelles  cette  ville  fut  sans  cesse  compromise 
lui  firent  perdre  peu  à  peu  les  nombreuses  manu- 
factures de  drap  qui  faisaient  son  principal  com- 
merce. Déjà,  en  i33i,  le  nombre  de  ces  manufac- 
tures était  considérablement  diminué.  Les  tisseurs  de 
drap,  dont  Sanche  avait  fixé  la  résidence  au  Puig- 
Saint-Jacques ,  firent  solliciter  parles  consuls  l'auto- 
risation de  s'établir  dans  l'intérieur  de  la  ville ,  dont 
cette  hauteur,  bien  que  comprise  dans  la  nouvelle 
enceinte  des  murailles,  n'était  point  encore  supposée 
faire  partie.  Dans  leur  requête  au  roi,  ces  magistrats 
disaient  que  le  bon  métier  de  fabricant  de  draps  étant 
très-diminué,  ils  pensaient  que  si  les  ateliers  étaient 

'  Lib.  virid.  min. 

^  QaiDdecim  florenos  auri  de  Aragonia  dicto  domino  régi  debitos, 
et  per  vos  eidem  solvere  contingentes,  dictarum  coronationum  pnc- 
textu,  pro  quindecim  fochis  ad  quos  dictus  locus  (  de  capitcstagno  ) 
rst  taiatas.  Arch.  eccles. 


26  LIVHE   TROISIEME, 

transportés  au  centre  de  la  ville ,  cette  industrie  pour- 
rait reprendre  un  nouveau  degré  d'activité.  Jayme  II, 
qui  se  trouvait  alors  à  Majorque,  chargea  son  lieute- 
nant général  d  examiner,  avec  les  consuls  et  les  ma- 
nufiaicturiers,  Tutilité  de  cette  proposition,  et  de  lui 
transmettre  ensuite  son  avis,  avec  les  résultats  de  len- 
quête  :  lavis  ne  fut  pas  favorable  au  déplacement. 


CHAPITRE   DEUXIEME.  27 


CHAPITRE  IL 

Schisme.  —  Mort  de  Martin.  —  Congrès  d^Alcaniz.  —  Fer- 
nand  I. — ConcSe  de  Perpignan.  —  L'empereur  Sigismond. 
—  Office  de  la  dépatation.  —  Alphonse  V  et  Marie  H.  —  Qip- 
livité  d'Alphonse.  —  Sa  liberté. 

Le  pape  Grégoire  XI,  Français  de  nation,  avait  dû  Mani». 
quitter  Avignon  en  iSyS,  pour  reporter  à  Rome  ie 
saint  siège,  et  mettre  un  terme  aux  désordres  que  cet 
éloignemcnt  des  souverains  pontifes  causait  en  Italie. 
Peu  de  temps  après  sort  retour  dans  cette  ville,  Gré- 
goire mourut,  et  la  populace  de  Rome,  se  portant  en 
tumulte  sous  les  fenêtres  du  conclave,  menaça  les  car- 
dinaux de  tonte  sa  furem*  s'ils  ne  lui  donnaient  pas  \m 
pontife  italien.  Cédant  à  cet  orage,  le  conclave  élut 
larchevêque  de  Bari,  qui  prit  le  nom  d'Urbain  VI. 
Mais  le  caractère  impétueux  de  ce  nouveau  pape  alié- 
nant bientôt  de  lui  le  collège  qui  Tavait  nommé,  on 
prétexta  de  la  violence  qui  avait  influé  sur  cette  élec- 
tion ,  pour  la  déclarer  nulle.  Un  second  conclave  tenu 
à  Avignon,  en  octobre  de  la  même  année,  éleva  au 
trône  pontifical  un  autre  pape,  (pii  fut  Clément  VII. 
Urbain  n ayant  pas  voulu  déposer  la  tiare,  le  schisme 
commença  Tannée  même  de  la  double  élection ,  et  il 
y  eut  un  pape  h  Romo  et  un  h  Avignon.    A  Urbain 


28  LIVHE   THOISIEMK. 

surtd^dtVriit  Boiiilace  IX,  Innocent  VU  etGrégoii'eXlI; 
à  Clcmmt,  mort  en  i  ^(j/i,  avait  succédé  le  beau-frère 
de  Martin,  ce  Pierre  de  l^una,  qui  prit  le  nom  de  Be- 
noit XIH,  et  qui,  en  quatorze  jours,  avait  été  ordonne 
pivtre,  consacré  évéque  et  couronné  pontife  ^ 

Pour  faire  cesser  le  schisme  et  ramener  Tunitc  dans 
le  chef  de  l'église,  les  différentes  cours  chrétiennes 
avaient  négocié  avec  les  deu\  papes  une  renonciation 
récipro({ue  à  leur  dignité,  afm  qu*un  troisième,  élu 
h  la  place  des  deux ,  pût  réunir  les  suffrages  de  tous. 
Lies  pontifes  avaient  d*abord  adhéré  Tun  et  Tautre  & 
cet  accord  ;  mais,  au  moment  de  Texécuter,  Benoit*  re- 
gardant la  perte  de  son  autorité  comme  un  sacrifice 
au-dessus  de  ses  forces,  se  rétracta. 

Un  prince,  que  ses  heureuses  qualités  auraient  fait 
placer  peut-être  au  nombre  des  meilleurs  rois  qu*ait 
eus  la  France,  mais  dont  la  vie,  s  écoulant  au  con- 
traire sous  rinfluence  d'une  maladie  terrible  «  fut  la 
source  de  longues  et  innombrables  calamités,  ré- 
gnait alors.  Charies  VI ,  irrité  du  manque  de  foi  du 
pontife,  lui  avait  supprimé  tous  les  subsides  de  Té- 
glise  de  France  et  s'était  retiré  de  son  obédience,  et, 
Benoit ,  assiégé  dans  son  propre  palais  par  le  |>euple 
d*Avignon  émeute  contre  lui  »  avait  été  contraint  de 
>ortir  déguisé,  et  de  se  sauver  en  Catalogne.  Le  con- 
hcil  du  roi.  flottant  sans  cessi'  entre  les  passions  di 
\(*rst*s   qui  ia^itaient .    a\:iit    |>orte   Tautoniatt*  cou 


CHAPITRE   DEUXIÈME.  29 

roniié  à  reprendre  Tobédience,  en  i4o3;  une  autre 
faction  dominant  bientôt  ce  conseil,  de  nouveaux 
différends  séievèrent,  et  Benoît,  revenu  à  Avignon, 
crut  imposer  à  ia  France,  en  usant  des  ressources 
extrêmes  de  Texconmiunication. 

Pendant  que  l'université  de  Paris  faisait  justice  de 
cet  anathème  en  le  lacérant ,  le  maréchal  de  Bouci- 
caut,  qui  se  trouvait  en  Provence,  tentait  de  se  saisir 
de  la  personne  de  Benoit,  dont  la  résidence  était  dé- 
fendue par  la  garde  aragonnaise ,  qu'il  y  avait  amenée 
pour  sa  sûreté.  Benoît,  s'échappant  de  nouveau,  vint 
débarquer  à  Port-Vendre,  le  a  juillet  i  IxoS,  et  passa  j^os. 
immédiatement  à  Collioure ,  attendant  dans  cette  ville 
la  réponse  au  message  qu  il  avait  envoyé  au  roi  d*Â- 
ragon,  son  beau-frère.  Martin  lui  ayant  assigné  pour 
résidence  la  ville  de  Perpignan ,  Benoit  s  y  rendit  le 
2  à  du  même  mois. 

La  mort  du  fils  unique  du  roi  Martin,  survenue  en  .409. 
Sicile,  le  s 5  juillet  1A09,  réveilla,  à  cette  époque, 
fambition  de  tous  les  princes  qui  croyaient  avoir  quel- 
ques droits  &  la  royale  succession,  et  prépara  de  nou- 
veaux désastres  à  TÂragon.  Le  premier  qui  se  mit  sur 
les  rangs  fut  le  comte  d'Urgel,  Jacques,  petit-fils 
d'Alphonse  IV;  vinrent  ensuite  le  duc  d'Anjou ,  époux 
d'Yolande,  fille  de  Juan  I;  l'infant  don  Ferdinand, 
second  fils  du  roi  de  Castille,  et  neveu  de  Martin  par 
sa  mère;  Alphonse,  duc  de  Gandie,  et  son  firère,  le 
comte  de  Prades,  petits-fils  de  don  Pèdre,  oncle  de 


50  LIVHK   TBOISIÈME. 

Pedro  IV  :  «vux  ci  réclamant  le  bénéfice  de  la  substi- 
tution ordonné*»  par  ce  dernier  roi  en  faveur  de  se« 
neveux  et  petils-ncveux,  à  défaut  d'iiéritiers  directs 
dans  la  lif^ne  régnante,  et  à  Texelusion  des  femmes. 

Martin  avait  |)erdu,  le  ^9  décembre  iiio6,  sa 
femme,  la  reine  Marie.  Pressé  de  se  remarier,  après 
ia  mort  de  Tinfant  don  Martin ,  par  ses  conseillers,  qui 
redoutaient  pour  le  pays  le  conflit  de  tant  d  ambitions 
rivales,  il  s*en  était  bmgtemps  défendu  sur  ses  infir- 
mités, (|ui  le  r(>ndaient  peu  propre  à  un  nouvel 
hvmen;  mais,  vaincu  enfin  |)ar  leurs  instances,  il  ne 
fit  que  b.iter  par  là  le  tenue  de  ses  jours. 

Dans  f  impossibilité  d'avoir  des  béritiers  directs,  ie 
roi  d'Aragon  aurait  désiré  de  laire  arriver  la  couronne 
sur  la  tète  de  finfant  Frédéric,  faine  de  deux  enfants 
naturels  qu  avait  laissés  son  fils,  et  sur  (|ui  s  était  re- 
portée toute  sa  tendresse  ;  mais  un  projet  de  cette 
nature  devait  nécessairement  rencontrer  d*insumion> 
tables  oppositions,  dans  un  mom(*nt  ou  les  procureurs 
des  divers  pn:tendants,  issus  dini  lignage  légitime, 
seflbrçaient  auprès  de  lui  de  faire  prévaloir  les  droits 
ou  les  titres  de  leurs  commettants.  Cependant,  dans 
la  vue  de  laire  naitre  quebpie  cliance  favorable  i  son 
idée  favorite,  au  milieu  du  cliocde  tant  de  différentes 
prétentions,  et  alin  d*épar<;ner  à  ses  sujets  les  maux 
que  ne  pouvaient  mancpier  d  attirer  sur  eux  après  sa 
mort  ces  prc'tentions.  appuyc*es  rbaeune  par  un  parti 
plus  ou  moins  puissant .  il  se  décida  à  faire  examiner 


CHAPITRE   DEUXIEME.  31 

les  titres  des  différents  compétiteurs,  dans  une  assem- 
blée de  jurisconsultes.  Les  suffrages  de  cette  assemblée 
ayant  été  favorables  au  comte  d'Urgel,  Martin  dut 
accorder  à  ce  prince  le  titre  d*administrateur  général 
du  royaume,  qui  appartenait  à  l'héritier  présomptif 
de  la  couronne.  Mais  ni  le  cœur  du  roi  ni  celui  des 
peuples  n'étaient  pour  Jacques;  les  corps  de  l'état 
s'élevèrent  contre  lui,  et  le  justicia  sortit  de  Sara- 
gosse  pour  ne  pas  admettre  son  serment,  formalité 
indispensable  pour  l'exercice  de  sa  prérogative. 

Martin  mourut  le  3i  mai  i&io,  à  l'âge  de  cin-  '^'''' 
qoante-deux  ans.  Sollicité  de  déclarer,  avant  de  mou* 
rir,  à  qui  il  laissait  la  couronne,  sa  seule  réponse  fut  : 
«  Â  quiy  a  droit.  i>  On  a  dit,  et  avec  raison ,  que  ce  refîis 
de  désigner  son  successeur  n'avait  pas  répondu  au 
reste  de  sa  vie,  tout  employée  au  bonheur  de  son 
peuple,  et  que  son  silence  plongeait  l' Aragon  dans 
toutes  les  horreurs  de  l'anarchie  qu'il  avait  d'abord 
voulu  lui  éviter  ;  cependant  cette  détermination  n*était 
pas  sans  excuses.  Martin  savait  très-bien  que  les  pré- 
tentions des  princes  qui  se  disputaient  son  héritage 
ne  s'éteindraient  pas  devant  le  choix  qu'il  ferait  de 
l'un  d'eux.  La  tendresse  qu'il  avait  pour  son  petit-fils 
l'empêchant  aussi  de  désigner  tout  autre  que  lui  pour 
lui  succéder,  il  était  trop  assuré  que  ni  le  comte  d'Ur- 
gd,  ni  les  petits-neveux  de  don  Pèdre  ne  laisseraient 
pas  arriver  sans  une  violente  opposition  la  couronne 
sur  la  tète  d'un  prince  que  sa  naissance  frappait  d'illé- 


52  LIVRE   TROISIÈME, 

gitiniitc.  Prôvoy<iiit  doiir  que,  quel  que  fût  le  vom 
qu*îl  exprimerait,  des  déchirements  politiques  étaient 
inévitables  après  sa  moii ,  il  crut  ne  devoir  favoriser 
aucun  des  prétendants  légitimes,  de  son  propre  suf- 
Irage ,  afin  de  ne  pas  donner  entièrement  Texclusion  k 
celui  que  son  cœur  aurait  choisi. 

Martin  avait  à  peine  les  yeux  fermés,  que  déjà 
chacun  s  agitait  dans  le  royaume  pour  faire  triompher 
le  prince  qu  il  désirait  de  voir  sur  le  pavois.  Le  comte 
d'L'rgel,  mettant  plus  de  confiance  dans  la  force  des 
armes  que  dans  celle  de  son  droit,  entra  à  main  ar- 
mée dans  TAragon,  qu*il  avait  déjà  ensangbnté  du 
vivant  de  Martin,  et  qu*il  ménag  a  encore  moins  alors. 
Les  corts ,  qui  devaient  décider  cette  grande  question , 
s'étaient  réunies  à  Calatayud.  Après  de  longues  con- 
férences et  d*orageuses  discussions,  il  fut  convenu 
qu*un  certain  nombre  de  commissaires  des  trois  pro- 
vinces d*Aragon«  Catalogne  et  Valence,  réunis  en 
congrès  à  Alcaniz,  trancheraient  la  difliculté  en  éli 
>A*«.  sant  eux-mêmes  le  (îitur  i*oi.  Les  députés  de  Perpi- 
gnan ,  à  cette  assemblée ,  furent  Pierre  de  Grimau  et 
JeandeRivesaltes,  citoyens  de  la  main  majeure.  Cette 
résolution  des  corts,  (|ui  se  débarrassaient  sur  une 
autre  assemblée  de  ce  qu  elles  ne  [louvaient  ou  ne 
voulaient  pas  terminer  elles-mêmes ,  ne  fit  qu'ajouter 
aux  maux  du  |>ays,  en  donnant  un  nouvel  essor  aux 
factions  et  jetant  d  autres  gennes  de  division  entre  les 
citoyens.  Alors  la  guerre  civile  vint  tout  compliquer. 


CHAPITRE   DEUXIEME.  33 

et  multiplier  les  désastres  déjà  produits  par  les  bandes 
armées  du  comte  d'Urgel  :  le  pays  fut  couvert  de  sang 
et  d*încendies.  L'archevêque  de  Saragosse,  iun  des 
plus  chauds  menevurs  de  la  faction  Urrea ,  périt  de  la 
main  d'Antoine  de  Luna,  chef  de  la  faction  opposée, 
et  qui  tenait  pour  le  comte  d*Urgel. 

L'in&nt  de  Gastille,  dont  les  prétentions  avaient 
Tavantage  d'être  appuyées  par  tout  ce  qui  ne  tenait 
pas  aux  deux  maisons  qui  avaient  pris  le  rôle  princi- 
pal dans  la  guerre  civile,  prétentions  qui  se  trouvaient 
ainsi  soutenues  par  le  plus  grand  nombre ,  si  elles  n'é- 
taient pas  les  mieux  fondées ,  avait  fait  entrer  en  Ara- 
gon quinze  cents  lances  pour  combattre  Antoine  de 
Luna»  en  prenant  pour  prétexte  l'assassinat  de  l'ar- 
chevêque de  Saragosse.  L'arrivée  de  ces  forces  fa- 
vorisa la  réunion  du  congrès  d'Alcaniz,  qu'avaient 
empêchée  jusque-là  les  déchirements  des  partis. 

n  en  fut  de  ce  congrès  comme  des  corts.  Trop  nom-  ui». 
breux  pour  pouvoir  s'entendre,  ceux  qui  le  compo- 
saient convinrent  enfin  de  confier  la  solution  de  cet 
important  problème  à  neuf  juges ,  pris  parmi  les  prélats 
et  les  grands  seigneurs  du  royaume.  Ces  neuf  juges, 
dont  la  création  avait  été  décidée  par  le  congrès ,  sur 
b  proposition  d'une  commission  de  quatorze  mem- 
bres, devaient  se  réunir  à  Gaspé,  et  terminer  leur 
travail  dans  l'espace  de  deux  mois ,  s'il  était  possible , 
mais  avec  la  faculté  de  pouvoir  cependant  prolonger 
leur  session  de  deux  mois  de  plus,  s'il  en  était  besoin. 
11.  3 


34  LIVHE   TROISIÈME. 

i^eur  choix  devait  porter  sui*  lun  des  candidats  inscrits 
sur  une  liste  dressée  par  cette  même  commission  ;  ces 
candidats  étaient  : 

Le  fib  aine  du  duc  d* Anjou,  roi  do  Naples,   et 
d'Yolande  d*Aragon  ; 

L'infant  don  Fernand  de  Castille; 

Don  Alonze ,  duc  de  Gandie  ; 

Don  Frédéric  d* Aragon; 

Don  Jacques,  comte  d*Ui^el. 

Quant  à  la  nomination  de  ces  neuf  juges,  la  con- 
fiance générale  que  s'étaient  acquise  don  Gil  Ruiz  de 
Lihori,  gouverneur  d*Aragon,  et  Jean  Ximenes  Cer- 
dan,  justicia  du  royaume,  la  leur  fit  déférer  unanime- 
ment ,  et  leur  choix  ne  trouva  en  effet  aucun  contra- 
dicteur. Ces  juges  furent,  pour  la  province  d*Aragon, 
Domingo  Ram,  évêquedeHuesca,  François  d*Aranda 
et  Bérenger  de  Bardaxi  ;  pour  la  province  de  Catalogne, 
Pierre  de  Sagarriga,  archevêque  de  Tarragone,  Guil- 
laume de  Valseca  et  Bernard  de  Gualbes;  pour  la 
province  de  Valence,  Boniface  Ferrer,  Vincent  Ferrer, 
canonisé  après  sa  mort,  et  Gine£  Rabaça.  Ce  dernier 
ne  prit  point  part  à  Téloction  :  soit  que,  pour  s'abs- 
tenir d*émettre  son  avis  dans  une  question  aussi  grave, 
il  en  eût  pris  le  prétexte ,  soit  que  véritaUement  son 
âge  avancé  eût  fait  chanceler  sa  raison  devant  la  gravité 
même  de  la  question ,  il  fut  réclamé  par  son  gendre 
comme  frappé  subitement  d'aliénation  desprit'.  I.«es 

*  Mamiui,  Frrrtrtt./unta. 


Femand  I. 


CHAPITRE   DEUXIÈME.  35 

huit  autres  juges ,  après  avoir  ouï  les  plaidoiries  des 
avocats  de  chacun  des  prétendants  et  débattu  leurs 
titres  respectifs,  se  réunirent  enfin  en  faveur  de 
rinfant  de  Gastille,  qui  fut  aussitôt  proclamé  roi 
d*Âragon.  Benoit  XIII,  qui  se  trouvait  alors  à  Caspé, 
et  dont  la  faveur  couvrait  don  Femand,  ne  con- 
tribua pas  peu  à  influer  sur  ce  choix.  Ce  fut  le 
a8  juin  que,  par  cette  décision  des  juges  souverains, 
cessa  rioterrègne  qui  pendant  deux  ans  avait  fait  peser 
tant  de  maux  sur  le  royaume  d'Aragon. 

Au  milieu  des  vives  et  sanglantes  discussions  qui       ui« 
venaient  d'avoir  lieu  durant  ce  temps  d'anarchie,  le 
roi  de  France^  qui  s'intéressait  pour  Yolande,  et  qui 
craignait  l'influence  des  forces  castUlanes  que  don 
Ferùand  venait  de  faire  entrer  en  Aragon,  avait  fait 
demander  leur  renvoi  par  le  duc  de  Vendôme,  son 
ambassadeur  près  du  congrès  d'Alcaôiz;  mais  il  o£fraii 
en  même  temps  le  secours  des  lances  firançaises ,  ce 
qui  n'aurait  fait  que  changer  la  nature  de  l'influence 
armée.  Avant  même  de  savoir  si  cette  proposition 
serait  acceptée,  le  maréchal  de  Boucicaut  s'était  rap- 
proché de  la  frontière,  à  la  tête  d'un  certain  nombre 
de  lances,  et  la   reine  de  Naples,   Yolande,  avait 
^envoyé  de  Tarascon,  où  elle  se  trouvait,  une  réquisi- 
tion à  Raymond  de  Sagarriga,  gouverneur  de  Rous- 
sillon ,  pour  qu'il  eût  à  traiter  les  Français  en  amis  et 
leur  livrer  passage  à  travers  son  gouvernement.  Sagar- 
riga, ne  pouvant  déférer  à  une  sommation  émanée 

3. 


56  LIVRE  TROISIÈME. 

d*uiie  main  sans  titre  pour  la  signer,  avait  transmis 
cet  écrit  à  Barcelone,  et,  en  réponse,  le  vicomte  de 
Perellos,  capitaine  général  de  Perpignan,  avait  reçu 
loixlre  de  repousser  par  la  force  toute  tentative  du 
maréchal. 

Boucicaut  renouvela,  au  mois  de  juin,  la  demande 
detre  admis  en  Aragon,  pour  appuyer  la  récusation 
faite  par  le  roi  de  France  et  la  reine  Yolande  de  quatre 
des  neuf  juges,  et  il  somma  le  même  gouverneur,  au 
nom  de  ces  deux  personnages  et  en  celui  des  ducs  de 
Guyenne  et  de  Bourgogne ,  et  de  quelques  autres  mem- 
bres de  la  maison  royale  de  France,  de  lui  donner 
passage,  à  lui  et  à  ses  gens^  Des  hostilités  auraient 
probablement  suivi  un  nouveau  refus,  si  la  con* 
naissance  de  Télection  de  Tinfant  de  Castille  n'était 
venue  anéantir  toutes  les  prétentions  collatérales. 
Boucicaut  se  retira,  et  Charles  VI  se  trouva  très- 
betu^ux  que  le  nouveau  roi  d* Aragon  renouveUt 
avec  lui  Tancien  traité  d'alliance  qui  existait  entre 
les  deux  couronnes.  En  effet ,  don  Femand  était  pressé 
par  le  roi  d'Angleterre  de  s'unir  avec  Itii  contre  la 
France. 

Le  caractère  d'un  prince ,  ses  vertus ,  ses  vices  ou 
ses  défauts  n'entrent  guère  dans  la  balance  où  se  pèsent 
le  bonheur  des  peuples  ou  les  destinées  des  nations. 
Si  ces  considérations ,  d'une  si  mince  valeur  dans  les 
calculs  de  b  politique ,  mais  d'un  si  haut  intérêt  pour 

*  ZiirtU.XI,S7. 


CHAPITRE   DEUXIÈME. 

1  amélioration  du  soit  des  gouvernés,  avaient  dû  in- 
fluer en  quelque  chose  sur  le  choix  à  faire  pour 
remplir  le  trône  d'Aragon,  assurément  aucun  des  pré- 
tendants qui  s*en  disputaient  la  possession  n*y  aurait 
eu  plus  de  droits  que  cet  infant  de  Gastille,  sur  qui 
porta  le  suflrage  des  juges  souvei^ains  réunis  à  Caspé. 
Ce  prince,  dont  le  nom  ne  peut  se  séparer  du  sur- 
nom de  Juste,  que  la  flatterie  contemporaine  ne  don» 
naitpas  alors  aux  rois,  de  leur  vivant,  était,  de  tous 
ses  concurrents,  le  plus  digne  de  porter  la  couronne  : 
malheureusement  son  règne  fut  trop  court. 

Le  Roussillon  et  la  Gerdagne,  attirant  la  sollicitude 
du  nouveau  roi  dès  son  avènement  au  trône,  durent  à 
ce  prince  une  ordonnance  qui  montre  à  quels  abus  ces 
deux  comtés  ne  cessaient  d*être  en  proie.  L'indigent 
qui  n'avait  pas  de  quoi  payer  aux  scribes,  aux  chan- 
celiers et  aux  huissiers  des  coiu*s,  ou  aux  geôliers  et 
aux  conciei^es  des  prisons,  les  émoluments  ou  les 
exactions  qu7ils  en  exigeaient,  se  présentait  vainement 
pour  réclamer  la  protection  de  la  loi,  il  ne  pouvait 
arriver  jusqu'au  sanctuaire  de  la  justice,  ou  bien  on  le 
retenait  iiidùment  en  prison,  après  l'expiration  du 
terme  de  sa  peine.  Informé  de  ces  désordres,  Femand 
défendit  de  rien  exiger  des  pauvres  vrais  et  non  feints , 
ou  de  les  laisser  en  prison  au  delà  du  temps  prescrit  par 
leur  condamnation,  et  il  modéra  à  quatre  deniers  le 
prix  des  citations  qu'on  leur  faisait  payer  le  doublet 

'   Arch.  Dom. 


58  LIVRE   TROISIÈME. 

Ce  prince  renouvela  les  ordonnances  de  Jayme  II  et 
d*Alphonse  IV  contre  les  jeux  de  hasard,  qui  étaient 
une  des  plaies  du  Roussilion;  il  éleva  à  cinq  cents 
sous  lamende  que  Jayme  avait  fixée  à  dix  livres 
contre  le  joueur,  et  changea  en  un  mois  de  prison  les 
coups  de  fouet  que  lancienne  ordonnance  infligeait 
à  ceux  qui  n*étaient  pas  solvables.  Femand  voulut  de 
plus  que  toute  personne  tenant  un  office  du  gouver* 
nement,  qui  tolérerait  ces  jeux  ou  les  tiendrait  dans 
sa  propre  maison,  fût  exilée  pour  trois  ans,  après 
avoir  préalablement  payé  cinquante  livres  au  trésor 
royale 
lAif.  Le  vertueux  don  Femand  mourut  des  tourments 

de  la  pierre ,  k  Tâge  de  trente-sept  ans ,  le  2  avril  1  &  1 6, 
à  Igualada ,  où  il  avait  été  forcé  de  s*arrèter  en  allant 
en  Gastille  pour  engager  le  roi  de  ce  pays  à  renoncer 
k  Tobédience  de  Benoit  XIII. 

Ce  pseudo-pontife,  à  qui  Martin,  comme  on  Ta 
vu,  avait  assigné  pour  résidence  le  chflteau  de  Per 
pignan,  avait  convoqué  dans  cette  ville,  pour  le  jour 
de  la  Toussaint,  1Â08,  un  concile  dont  Touverture 
fut  retardée  jusqu'au  12  novembre.  L*objet  de  cette 
assemblée ,  qui  se  tint  dans  Téglise  de  la  Real ,  et  i 
laquelle  assistèrent  cent  vingt  prélats ,  tant  espagnok 
que  français  et  savoyards,  ainsi  que  le  roi  de  Navarre, 
était  de  chercher  les  moyens  de  rendre  la  paix  à 
réglise. 

'  Omtiii.  dt  CiÊiÊi 


CHAPITRE   DEUXIEME  39 

Deux  conciles  se  trouvaient  réunis  dans  le  même 
temps  :  celui  de  Benoît  XIII  à  Perpignan ,  celui  du 
pontife  de  Rome  à  Pise.  Le  concile  de  Perpignan  pro- 
posa à  son  chef  spirituel  d'ciivnycr  des  dt-putés  k 
l'autre  concile,  pour  convenir  avec  les  prélats  qui  le 
fomposaienl  d'un  lieu  où  les  deu\  assemblées  pussent 
se  Tondre  en  une  seule,  afin  de  travailler  en  commun 
ù  ce  qui  Taisait  l'obj  et  des  vœux  de  tous  ;  mais  Benoît , 
qui  ne  voulait  la  paix  de  l'église  que  tout  autant  qu'il 
conserverait  la  tiare,  refusa  de  prêter  les  mains  à  cet 
arrangement.  Sa  détermination  ,  si  contraii'e  aux  vœuK 
des  membres  du  concile,  jetant  la  confusion  dans  cette 
assemblée,  elle  se  sépara  sans  rien  arrêter;  presque 
lous  les  prélats  se  retirèrent ,  et  il  n'en  resta  guère  plus 
de  vingt  auprès  du  pape  de  Perpignan.  Le  7  du  mois 
de  mars  de  l'année  suivante,  liog,  Benoît  ayant 
réuni  de  nouveau  dans  la  chapelle  du  château  royal, 
qui  était  son  palais,  les  vingt-deux  évêques  restés 
fidèles  h  sa  cause ,  et  leur  résolution  se  trouvant  encore 
la  même  que  celle  de  l'assenibiée  générale ,  ce  pontiTe 
consentit  A  ce  que  sept  d'entre  eux  se  rendissent  à 
Pise,  pour  reconnaître  les  conditions  auxquelles  01» 
voulait  mettre  ia  cessation  du  schisme.  Ces  conditions 
ne  pouvaient  être  du  goût  de  l'ambitieux  vieiJlai'd  : 
l'un  et  l'autre  pontife  devait  renoncer  à  sa  dignité, 
pour  que  l'élection  d'un  troisième  put  réunir  (outvs 
les  consciences  et  éteindre  tous  les  dissentiments.  Le 
pape  de  Rome,  Grégoire  XII.  qui  n'avait  été  éln  qu'à 


40  LIVRE   TROISIÈME. 

cette  condition ,  n*hésita  pas  à  remplir  sa  promesse  ; 
mais  celui  de  Perpignan  voulait  absolument  régner  ; 
le  schisme  continua. 

Benoit  avait  beaucoup  fait  pour  le  roi  don  Femand , 
qui  lui  devait ,  en  quelque  manière ,  le  trône  d* Aragon. 
Lié  par  la  reconnaissance  aux  intérêts  de  ce  pontife, 
ce  roi  assurait  à  Benoit  lappui  de  toute  sa  puissance. 
Pour  réduire  le  pontife,  il  fallait  donc  commencer 
par  détacher  de  lui  le  monarque  :  c'est  ce  que  sentait 
bien  Tempereur  Sigismond ,  et  ce  qu*il  se  mit  en  de* 
voir  d'exécuter.  Une  entrevue  demandée  par  ce  prince 
au  roi  d'Aragon  devait  avoir  lieu  &  Nice,  au  mois  de 
juin  1 A 1 5  ;  mais  Femand  ne  pouvant  faire  alors  un  si 
long  voyage  à  cause  des  douleurs  violentes  que  sa 
maladie  lui  causait,  Sigismond  consentit  à  se  rendre 
lui-même  à  Perpignan,  le  mois  suivant.  La  même 
cause  retenant  encore  le  roi  d'Aragon ,  à  cette  époque, 
ce  ne  fut  qu'au  mois  d'août  qu'il  put  enfin  se  mettre 
en  route  :  il  débarqua  à  Gollioure  le  3 1 ,  et  le  même 
jour  il  vint  h  Perpignan ,  où  il  logea  chez  un  habitant, 
nommé  Bernard  de  Villacorba  :  Benoit  l'avait  devancé 
dans  cette  ville. 

Sigismond,  arrivé  à  Narbonne,  avait  envoyé  des 
ainbassadeiu^s  à  Benoit,  pour  lui  exposer  l'objet  de  sa 
visite;  et,  sur  la  promesse  que  fit  ce  pontife  de  se 
rendre  aux  vonix  de  l'empereur,  celui-ci  avait  pris  la 
route  de  Perpignan.  Ce  prince  fit  son  entrée  dans  cette 
ville,  le  1 9  du  mois  de  septembre,  et  il  fut  rc^i  avec 


CHAPITRE  DEUXIEME  41 

toute  la  magnificence  et  les  fêtes  qu'on  pouvait  ima- 
giner dans  ce  temps-lÂ. 

Benoit  avait  promis  ce  qu'il  était  au-dessus  de  ses 
forces  d'exécuter.  Toutes  les  raisons  de  l'empereur  ne 
pouvant  rien  sur  son  esprit,  et  les  pressantes  instances 
de  ce  prince  lui  paraissant  même  une  obsession  im- 
portune, il  chercha  A  s'échapper  futlivement  du  Rous- 
sillon.  Fernand  était  alors  si  souffrant,  qu'il  ne  pouvait 
pas  même  signer  ses  dépêches  ;  informé  pourtant  des 
tentatives  de  Benoît,  il  fit  défendre  à  ses  galères  et 
aux  capitaines  des  ports  de  laisser  sortir  aucun  navire 
sans  sa  permission. 

Le  mois  de  novembre  était  déjà  commencé,  et  Si- 
gismond  voyait  qu'il  perdait  son  temps  auprès  d'un 
vieillard  obstiné  :  il  commanda  son  départ  pour  te  "j. 
Sur  ces  entrefaites,  arriva  ^  Perpignan  Jean  de 
Gniilli,  comte  de  Foi\,  qui  tenait  aussi  l'obédience  de 
Benoit.  Jean  ne  put  être  admis  dans  le  monastère 
qu'on  avait  donné  pour  logement  à  l'empereur,  pai'ce 
que  ce  prince  était  dans  les  cmban-as  du  déménage- 
ment; mais  Sigismond  alla  le  voir  lui-même,  armé  de 
pied  en  cap  et  à  la  tête  de  toute  sa  cour,  et,  h  la  suite 
de  cette  visite,  il  partit  sans  prendre  congé  du  roi 
d'Aragon,  contre  qui  il  était  piqué,  parce  que  ce  mo- 
narque n'avait  pas  mis,  selon  lui.  toute  l'ardeur  pos- 
sible à  le  seconder-  Fernand ,  en  apprenant  ce  dé]>art 
précipité,  fil  courir  quelques  chevaliers  sur  les  traces 
de  l'empereur,  pour  l'inviter  ;»  s'arrêter  àSalses,  prr- 


42  LIVhË  ThOISIÉME. 

liant  rengagement  de  redoubler  d'efforts  pour  amener 
Benoit  h  abdiquer  sa  puissance ,  à  défaut  de  quoi  il 
renoncerait  lui-même  h  son  obédience.  Sigismond 
consentit  à  passer  encore  quelque  temps  k  Narbonne. 
Femand  tint  parole ,  et  Benoit ,  pour  se  débarrasser 
de  ses  poursuites,  quitta  Perpignan  le  i&  du  même 
mois,  faisant  dire  au  roi  d*  Aragon  quil  s  en  allait  ii 
Collioure,  et  qu*il  pouvait  ordonner  de  lui  tout  ce  qu*ii 
lui  plairait.  Femand,  quitte  alors  envers  Tobstiné 
vieillard  de  tout  ce  qu*il  avait  fait  dans  son  intérêt, 
cessa  de  le  reconnaître  pour  chef  de  l'église,  et  se  mit 
en  route  pour  Igualada ,  où  il  mourut. 

L*acte  de  cessation  d*obédience  se  fit  avec  beau- 
coup de  solennité,  à  Perpignan,  le  6  janvier  1&16, 
ainsi  que  Tavait  prescrit  Femand  par  son  ordonnance 
du  a  &  décembre  précédent.  Bientôt  Benoh ,  déclaré 
schismatique  et  hérétique  par  le  concile  de  Constance , 
et  encourant  alors  le  titre  d'anti-pape ,  se  retira  à  Pe- 
niscola ,  où  il  mourut  dans  son  obstination ,  en  1  &a&. 

Pendant  son  séjour  à  Perpignan,  Femand  re^t 
deux  ambassadeurs  du  roi  d'Angleterre ,  qui ,  sous  b 
mission  apparente  d'interposer  les  l:ons  offices  de  ce 
prince  en  faveur  du  rétablissement  de  la  paix  de  Té- 
glise ,  étaient  chargés  de  demander  pour  Henri  V  h 
main  de  l'infante  Marie,  fille  aînée  du  roi  d'Aragon. 
L alliance  du  roi  d'Angleterre  flattait  Femand,  mais 
sa  fille  était  promise  au  mi  de  Castille  :  il  laissa  à  cette 
princesse  la  liberté  de  choisir  elle-même  entre  les 


CHAPITRE  DEUXIÈME.  h5 

deux  prétendants  couronnés.  Dans  le  las  oJi  Marie 
aurait  donné  la  préférence  au  loi  d'Angleterre,  Fer- 
nand  aurait  fait  en  sorte  de  faire  accepter  au  roi  de 
Castille  la  main  d'Eléonore,  la  seconde  de  ses  fdies; 
mais  Marie  ne  balança  pas  :  se  regardant  comme  en- 
gagée au  roi  de  Castille,  elle  se  déclara  pour  lui. 

CVsl  sous  le  ri'gnc  de  Fernand,  ou  Ferdinand  f , 
qu'eut  lieu,  en  Catalogne,  l'institution  de  l'ofiice  de  la 
JéftaiatioH. 

Comme  les  autres  provinces  du  royaume ,  la  Gâta- 
Ic^nc  avait  ses  corts,  composées  des  trois  ordres,  qui; 
dans  toute  l'Espagne,  sont  désignés  sous  le  nom  de 
bras.  Les  prélats  et  les  abbés  formaient  le  bras  ecclé- 
smtiquc,  les  nobles  et  chevaliers  formaient  le  bras 
militaire,  et  les  député.s  des  villes  dont  le  roi  était 
seigneur,  formaient  le  bras  royal.  Ces  corts  ne  pou- 
vaient se  tenir  que  sous  la  présidence  du  roi,  et,  par 
conslîtulion  de  don  Pèdre  II ,  le  roi  devait ,  autant  que 
possible,  les  tenir  mie  fois  l'an.  Elles  pouvaient  être 
convoquées  dans  quelque  ville  que  ce  fût .  pourvu  que 
la  population  s'en  élevât  au  moins  h  deux  cents  feux, 
t'I  Perpignan  les  avait  vues  plusieurs  fois  se  féunir 
dans  ses  murs.  Les  opérations  de  ces  assemblée* 
étaient  publiées  dans  l'église  principale  de  la  ville  où 
elles  s'étaient  tenues ,  immédiatement  après  la  clôture 
de  ieiu-  session.  Les  corts  de  Catalogne  voulant  avoir 
un  syndical  qui,  en  leur  absence,  pi'jt  s'occuper  de» 
affaires  appartimanl  ji  leurs  attributions,  et  exercer 


Vi  LIVHR   TROISIÈME, 

pendant  ce  temps  lautorité  dont  elles  étaient  inves- 
ties eiles-mèines ,  arrêtèrent,  en  i&i3,  quil  serait 
nommé  trois  procureurs  généraux ,  pris  un  dans  cliaque 
bras,  et  dont  les  fonctions  seraient  triennales;  ces 
trois   procureurs   généraux,    qui    portaient  le   nom 
de  députés,  devaient  résider  à  Barcelone   et  rece- 
voir chacun  le  même  traitement.  Telle  fut  Torigine 
de  cet  office   de  la  députation,   que  nous  verrons 
jouer  un  rôle  important  dans  les  affaires  de  la  pro- 
vince. 
Ai|4oM«  V.        Alphonse  V,  fils  aîné  de  Femand  I ,  succéda  à  son 
père.  Ce  prince  illustra  son  règne  par  de  vastes  con- 
naissances qui  lui  firent  donner  le  surnom  de  Savant  \ 
et  par  des  expéditions  belliqueuses  qui  lui  acquirent 
celui  de  Magnanime.  Sa  maxime  était  qu'un  prince 
ignorant  n*est  guère  au-dessus  d*un  âne  couronné. 
Alphonse  consuma  sa  vie  presque  entière  dans  les 
longues  guerres  qu'il  fit  en  Italie  pour  conquérir  la 
couronne  de  Naples ,  pierre  d*achoppement  des  mai- 
sons royales  de  France  et  d*Aragon  »  pendant  les  xu , 
xjn«  xnr»  xv  et  xvi^ siècles;  mais  son  royaume  ne  souf- 
irit  pas  de  son  éloignement  :  Alphonse  était  bien  sup- 
pléé par  la  reine,  sa  femme,  Marie  n«  fille  d'Henri  « 
roi  de  Castille«  princesse  douée  de  toutes  les  qualités 
qui  font  un  bon  monarque,  et  dont  elle  eut  plus  d'une 
fois   l'occasion  de  donner  des  preuves,  durant  les 
quijiM!  années  qu'elle  administra  le  royaume. 

'  Lr  mot  iabio,  signifie  égileiiiftil  Mgc  el  MYtnt. 


CHAPITRE   DEyXlÈHE.  45 

Alj^nae:  ne  quitta  l'Aragon  qu'en  i  ^3  o ,  époque  à 
laqudle  la  reine  de  Na{des ,  Jeanne  II ,  i'appeb  auprès 
d'elle.  C'est  alors  qu'il  institua  la  reine  Marie  son 
lietilenant  générai,  pour  gouverner  ses  ttats  en  son 
absence  et  en  celle  des  deux  infants,  ses  frères,  qui 
partaient  avec  lui. 

La  couronne  de  Naples  allait  mal  h  la  tête  des 
feoimes.  On  sait  de  quelles  calamités  fut  accompagné 
pour  re  pays  le  règne  de  Jeanne  I;  celui  de  Jeanne  II 
ne  lui  fut  pas  moins  funeste. 

Celte  princesse,  dont  le  second  époux,  Jacques  de 
Bourbon,  abreuvé  par  elle  de  dégoiUs,  venait  de  se 
retirer  en  France,  où  il  prit  l'habit  monastique  de 
saint  François,  se  vojant  attaquée  par  Louis  III  d'An- 
jou, son  compétiteur  au  trône,  et,  comme  sa  devan- 
cière, cherchant  partout  un  appui,  avait  adopté  et 
désigné  pour  son  héritier,  Alphonse,  roi  d',\ragon  et 
de  SicUc,  qui  s'était  empressé  de  lui  envoyer  des  se- 
cours. S'cmbarquant  ensuite  lui-même  à  Barcelone, 
ce  jffince  avait  tenté,  mais  vainement,  d'enlever,  en 
passant,  l'île  de  Corse  aux  Génois,  et  il  était  descendu 
dans  les  états  de  Naples,  où  il  avait  obtenu  quelque 
succès  dans  les  années  i  ds  i  et  i  /jas.  Mais  ces  succès 
mÊmes.  causant  de  l'inquiétude  à  l'ombrageuse  reine , 
que  dirigeait  Caracioli,  son  grand  sénéchal,  elle  en- 
tra en  arrangement  avec  Louis  d'Anjou,  poiu*  l'op- 
poser au  monarque  qu'elle  avait  appelé.  Une  vive 
mésintelligence  devait  suivre  une  conduite  si  offen 


tit  LIVRE   TROISIÈME. 

sanie  pour  rAragoiiiiais,  et  mener  inévitablement  à  des 
hostilités.  Jeanne,  assiégée  dans  le  château  de  Ca- 
poue,  (ut  délivrée  par  François  Sforce,  et,  cédant  aux 
sollicitations  de  Tintrigant  Garacioli ,  elle  révoqua  l'a- 
doption d*Alphonse,  à  qui  elle  substitua  ce  même 
Louis  d* Anjou,  contre  qui  elle  Ta vait appelé. 

La  guerre  entre  Alphonse  et  Jeanne  dura  jusqu^en 
1  à33.  a  cette  époque,  le  roi  d* Aragon  se  réconcilîant 
avec  cette  princesse,  elle  annula,  par  lettres  secrètes 
du  li  avril,  ladoption  de  Louis,  et  rétablit  Alphonse 
dans  les  droits  qu  elle  lui  avait  donnés.  Mais  Tincons- 
tance ,  qui  faisait  le  fond  du  caractère  de  cette  reine , 
ne  tardant  pas  à  la  (aire  changer  encore  de  sentiments, 
elle  rappela  une  seconde  fois  le  duc  d* Anjou,  qui 
mourut  bientôt  après.  Jeanne  succomba  elle-même  « 
le  a  février  1 63&,  laissant  définitivement  son  sceptre 
et  ses  états  à  René  d* Anjou,  surnommé  le  Bon,  firère 
de  Louis. 
i43 .  Alphonse ,  ballotté  par  la  reine  de  Naples  qui  venait 

enfin  de  le  priver  de  sa  succession ,  avait  un  fort  parti 
dans  le  royaume,  qui  avait  toujours  repoussé  b  do- 
mination (rançaise.  Invité  à  revenir  tenter  la  fortune, 
il  débarqua  près  de  Gaète ,  dont  il  entreprit  le  li^. 
C*est  sous  cette  place  qu*il  eut  occasion  de  bâst 
éclater  toute  la  beauté  de  son  âme.  Le  gouverneur  en 
avait  expulsé  toutes  les  bouches  inutiles;  Alphonse 
les  recueillit  dans  son  camp,  disant  qu*il  n*était  pas 
venu  faire  la  guerre  aux  femmes  et  aux  enfants,  mab 


CHAPITRE    DEUXIÈME.  U7 

à  des  gens  capables  de  se  défendre,  mettant  ainsi  en 
action  sa  devise,  pro  lege  et  grege;  et  comme  on  le 
blâmait  de  cette  générosité  qui  pouvait  tourner  à  son 
désavantage:  «J'aimerais  mieux,  s'écria- t-ii ,  n'avoir 
«jamais  la  ville,  que  de  l'acquérir  au  prix  de  la  vie  de 
«  tant  de  malheureux!  » 

Une  conduite  aussi  noble  n'eut  pas  la  récompense 
qu'elle  méritait.  A  l'apparition  d'une  flotte  génoise, 
qui  venait  au  secours  de  la  place,  Alphonse  voulut 
aller  la  combattre ,  et  il  commit  une  grande  faute.  Les 
Génois  étaient  tous  marins ,  et  les  Aragonnais  étaient  si 
étrangers  à  la  navigation,  qu'ils  avaient  de  la  peine  à 
se  tenir  debout ,  dans  les  mouvements  des  navires  ; 
aussi  les  premiers  n'eurent  à  cueillir  qu'une  palme 
facile.  Malgré  des  prodiges  de  valeur  personnelle, 
Alphonse,  dont  la  galère  était  entourée  de  vaisseaux 
ennemis,  et  qui  avait  manqué  d'être  tué,  d'abord  par 
la  chute  d'une  antenne ,  dont  l'amiral  génois ,  Spinola , 
avait  fait  couper  les  drisses,  et  qui,  en  tombant,  avait 
écrasé  plusieurs  perscmnes  autour  de  lui,  ensuite  par 
le  vent  d'un  boulet  de  canon  qui  l'avait  renversé  sans 
l'atteindre;  Alphonse,  apprenant  que  sa  galère,  percée 
4  jour  et  faisant  eau  de  toute  part,  était  près  de  s'enfon- 
cer, rendit  son  épée  à  Jacques  Justiniani,  gouverneur 
de  Scio,  qui  se  trouvait  à  bord  de  l'amiral  génois.  Ce 
combat  mémorable  se  donna  le  5  du  mois  d'août. 
Avec  Alphonse  furent  faits  prisonniers  les  infants 
don  Juan  et  don  Henri,  ses  frères,  le  prince  de  Ta- 


ii(35. 


48  LIVRE  TROISIÈME. 

rente,  le  duc  de  Sessa  et  une  foule  d'autres  per- 
sonnes de  la  première  distinction. 

Le  roi  captif  avait  été  conduit  auprès  du  duc  de 
Milan  :  il  n*eut  pas  de  peine  k  persuader  à  ce  prince 
que  des  efforts  pour  soutenir  un  roi  français  sur  le 
tronc  de  Naples  étaient  de  sa  part  un  acte  impolitique 
qui  devait  tôt  ou  tard  occasionner  sa  ruine.  Les  FVan- 
çais ,  une  fois  établis  au  fond  de  l'Italie ,  ne  pouvaient 
manquer  de  vouloir  en  dominer  le  reste,  et,  placé  le 
plus  près  d'eux,  ce  serait  lui  qui  serait  le  premier 
subjugué ,  et  qui  porterait  ainsi  la  peine  de  son  im- 
prévoyance. Le  duc  Visconti,  frappé  d'un  raisonne- 
ment qui  ouvrait  ses  yeux  aux  dangers  de  sa  position, 
rendit  gratuitement  la  liberté  au  roi  et  k  ceux  qui 
avaient  été  pris  avec  lui,  et  il  conclut  avec  Alphonse 
un  traité  d'alliance  offensive  et  défensive. 

L'un  des  premiers  actes  de  la  liberté  d'Alphonse 
fut  de  donner  la  lieutenance  générale  du  royaume  à 
son  frère ,  don  Juan ,  qui  portait  le  titre  de  roi  de  Na- 
varre, et  à  qui  cette  dignité  revenait  de  droit  comme 
au  futur  héritier  de  la  couronne,  le  roi  n'ayant  pas  eu 
d'eniants  de  son  mariage.  Par  cette  nomination  se 
trouva  annulée  celle  de  la  reine  Marie  ii  la  même 
dignité. 


CHAPITRE   TROISIEME.  ^«9 


CHAPITRE  III. 

Bonne  administration  de  Marie  II.  —  Hôtel  des  monnaies  à 
Perpignan.  —  Règlements  pour  le  Roussillon.  —  Mort  d'Al- 
phonse et  de  Marie.  —  Juan  II,  roi  d'Aragon,  et  Louis  XI, 
roi  de  France,  —  aussi  fourbes  l'un  que  l'autre.  —  Troubles 
en  Catalogne.  —  Le  prince  de  Viane. 

Deux  reines  du  nom  de  Marie  venaient  d'exercer, 
à  des  époques  assez  rapprochées,  Tofiice  de  lieute- 
nant général  du  royaume  d*Âragon,  et  toutes  deux 
ont  laissé  les  souvenirs  les  plus  honorables  de  la  sa- 
gesse de  leur  administration.  Le  Roussillon  dut  à  la 
dernière  une  ordonnance  importante  siu:  la  liberté  du 
commerce  maritime.  Cette  liberté,  que  les  rois  d'Ara- 
gon, Pèdre  III,  en  1 283 ,  et  Alphonse  III,  en  1 289 , 
en  leurs  qualités  de  suzerains  du  royaume  de  Maj  orque , 
avaient  étendue  à  tout  le  littoral  du  comté ,  Martin , 
trompé  par  des  rapports  d'intérêt  particulier,  l'avait 
restreinte  au  seul  •port  de  Collioure.  Marie ,  par  son 
édit  de  1  &  2  2 ,  ordonna  que  les  constitutions  des  deux 
premiers  rois  fussent  fidèlement  observées,  et  que 
toutes  marchandises  arrivant  par  mer  à  la  destina- 
tion du  Roussillon  ou  de  la  Gerdagne  pussent  être 
débarquées  dans  quelque  port  que  ce  fôt  du  premier 
comté,  sans  obstacle  et  sans  opposition  ^ 

*  Li6ro  virid.  maj.  et  min. 

II.  k 


zFrancii  C'aùot  Jmitll 
JOANOFARC 


HAIWAliD  COLLEGE  UBRARY 


■7  y 


V' 


HISTOIRE 


DK 


ROUSSfLLON 


DKUXIÈME    PAirriK. 


^J 


5i:    TROtVK 


A   LA   LIBRAIRIK  DE   M.   DELLOVK. 


KCL   ^R^  FILtr5  ^'-TIIOM\^,    \     |S.    PI  %<  I    hE  I  A    LOI  fiM 


V 

.1* 


HISTOIRE 


ROUS^rtLOlN 

DU  ROYAUME  DE  MAJORQUE 
l'AR  M.  D.-M.  J.   HENRÏ 

[.(INSKHVATKUH    DK    LA    IlinLIOTUÈQt'E    DE    PULPIGNA» 


DEUXIEME   PARTIE 


PARIS 

PMPIUMK    l'.Ut    AUTOBiSATIf)N    Dl    IlOI 

A    L'IMPIUMERIE    ROYALK 

M    UV.CA.    \\\\ 


7c  éc/t.'^ 


■AYt8ft22 

F.  a  lovÎElL  funo 


HISTOIRE 


DE 


ROUSSILLON 


LIVRE  TROISIÈME. 


CHAPITRE  PREMIER. 

Faiblesse  de  caractère  de  Juan  I.  — Sa  mort.  —  Hospitaliers  de 
Saint-Antoine.  —  Écritures  des  notaires.  —  Impariage.  — 
Martin  et  Marie  I.  — Benoit  XIII.  —  Perpignan  et  son  admi- 
nistration. 

Le  royaume  d'Aragon  était  enfin  tranquille  du  ii^a 
côté  de  la  France  :  le  départ  des  Armagnacs  pour  11-  ^"'"  '' 
talie  délivrait  la  Catalogne  et  le  Roussillon  des  bri- 
gandages de  toute  espèce  auxquels  le  rétablissement 
du  trône  de  Majorque  avait  servi  de  prétexte;  mais 
comme  TAragon  semblait  ne  pas  pouvoir  exister  sans 
guerre ,  la  Sardaigne  et  la  Sicile  appelèrent  bientôt  ses 
armes.  Avec  un  prince  moins  nul  que  don  Juan,  ces 
II.  a 


2  L1VR£   TROISIÈME. 

guerres  auraient  pu  être  plus  profitables  à  la  cou- 
ronne; mais  ce  monarque  s  était  complètement  eflacé 
devant  sa  femme,  et  celle-ci  n avait  aucune  de  ces 
grandes  qualités  qui  font  pardonner  à  son  sexe  Tam- 
bition  du  pouvoir.  Nous  ne  dirons  rien  de  ces  guerres , 
étrangères  h  notre  sujet,  mais  nous  citerons  un  trait 
qui  complétera  l'esquisse  du  portrait  de  don  Juan.  Le 
gouverneur  de  Roussillon,  don  Gilabert  de  Cruilles, 
avait  été  mis  à  la  tête  d  une  armée  destinée  contre  la 
Sardaigne.  Cette  ai^mée  était  prête  à  partir  quand  don 
Bernard  de  Cabrera  vint,  de  la  part  de  Tinfant  don 
Martin,  qui  commandait  en  Sicile,  annoncer  un  pres- 
sant danger  et  le  besoin  d'un  prompt  et  puissant  se- 
3y3.  cours.  Il  ny  avait  qua  (aire  appareiller  la  (lotte,  en 
changeant  sa  destination;  mais  la  reine  était  absente 
de  Barcelone,  et  le  roi  n  osa  prendre  sur  lui  de  rien 
ordonner  sans  sa  participation.  Dans  lexcès  d'indigna- 
tion que  fit  naître  en  lui  la  honteuse  cause  de  ce  re- 
tard ,  Bernard  de  Cabrera  engagea  tous  les  biens  qu'il 
possédait,  pour  la  somme  de  cent  cinquante  mille 
florins  d'or,  et  avec  cet  aident  il  leva  trois  cents 
hommes  d'armes  et  deux  cents  arbalétriers  qu'il  con- 
duisit, sans  perdre  de  temps,  en  Sicile  :  noble  et  gé- 
néreuse leçon,  si  l'imbécile  monarque  avait  été  capable 
d'en  profiler. 

Une  affaire  qui  allait  beaucoup  mieux  au  caractère 
de  don  Juan  l'attira.  Tannée  suivante,  h  Perpignan  : 
il  s'agissait  d'une  réunion  de  prélats,  de  prêtres  et  de 


CHAPITRE   PREMIER.  3 

moines,  pour  discuter  la  validité  de  Télection  de 
don  Pieire  de  Luna,  cardinal  d'Aragon,  au  trône 
pontifical.  Cest  en  revenant  de  ce  synode  que,  le 
1 9  mai  i  âgS ,  Juan  mouiTit  d'une  façon  qui  restera  à 
jamais  un  mystère.  Passionné  poui*  la  chasse,  il  s'était 
écarté  de  la  route  en  suivant  une  bête  fauve  :  il  fut 
trouvé  mort  à  quelques  pas,  dans  le  bois. 

Don  Juan  avait  perdu  la  vie;  mais  Yolande,  sa 
femme,   perdait  plus,  peut-être,  en  conservant  la 
sienne  :  elle  perdait  lautorité.  Pour  jouir  encore  quel- 
que temps  d'un  bien  qui  était  tout  pour  elle,  elle  se 
déclara  enceinte.  L'archevêque  de  Tarragone  et  quel- 
ques autres  personnages,  députés  par  les  corts,  pour       1395. 
s'enquérir  de  la  vérité,  reçurent  de  la  bouche  de  cette 
princesse  la  confirmation  de  cette  grossesse;  mais, 
entourée  de  quatre  matrones  incorruptibles ,  qui  ne 
devaient  jamais  la  perdre  de  vue,  elle  fut  bientôt  for- 
cée d'avouer  la  supercherie.  Les  corts  générales  pro- 
clamèrent  alors  pour  roi  d'Aragon  l'infant  don  Marr 
tin ,  frère  cadet  de  Juan  1 ,  se  conformant  en  cela  aux 
dispositions  de  la  substitution  ordonnée  par  le  testa- 
ment de  Pèdre  IV.  L*infante  Juanne,  fille  du  feu  roi 
et  de  Marthe  d* Armagnac ,  sa  première  femme,  mariée 
à  Mathieu,  comte  de  Foix«  voulut  revendiquer  cette 
couronne,   en  dépit  de  l'exclusion  formelle  donnée 
aux  femmes  par  son  aïeul;  et  pendant  deux  années 
entières  elle  et  son  mari  parcoururent,  à  main  armée , 
tout  f  Aragon,  se  donnant  le  titre  de  rois.  Après  avoii* 

1. 


4  LIVRE   TROISIÈME, 

excité  quelques  désordres  dans  ce  royaume  et  pro 
voqué  quelques  tentatives  de  guerre  civile,  ils  durent 
enfîn  renoncer  à  leurs  prétentions  que  n'autorisaient 
ni  les  dispositions  légales  du  testament  de  Pèdre ,  ni  la 
volonté  de  la  nation ,  exprimée  par  lorgane  des  corts. 
Mathieu  mourut  peu  de  temps  après,  sans  postérité. 

Cest  sous  le  règne  de  Juan  1  que  les  chanoines  de 
Saint-Antoine  de  Vienne  fondèrent  dans  Perpignan  la 
première  maison  de  leur  ordre  en  Catalogne.  Institué 
vers  la  fm  du  xi*  siècle,  par  deux  gentilshommes  de 
Vienne,  en  Dauphiné,  pour  donner  des  soins  aux 
malades  atteints  d  une  sorte  d'érysipèle  gangreneux , 
qu*on  appelait  feu  sacré ,  ou  feu  de  Saint- Antoine ,  cet 
ordre  se  composait  d*abord  d'hospitaliers  réunis  sous 
la  direction  d*un  commandeur.  Au  xiii*  siècle ,  quand 
la  contagion  qui  leur  avait  donné  naissance  eut  dis- 
paru ,  ces  hospitaliers  furent  convertis  en  chanoines 
réguliers.  La  Catalogne  ne  possédait  encore  aucun  de 
leurs  établissements,  quand,  en  i388,  le  comman- 
deur Jean  Corti  fit ,  dans  Perpignan ,  Tacquisition 
de  deux  masures  près  de  la  porte  de  Saint  -  Mar* 
tin ,  et  y  fonda  un  monastère.  Ce  couvent ,  supprimé 
en  1777*  (^t  remplacé  par  une  institution,  beaucoup 
plus  utile,  de  religieuses  enseignantes. 

Une  ordonnance  très-sage,  rendue  dans  l'intérêt 
public,  le  16  avril  1  SgS ,  à  la  demande  des  rorts  de 
Barcelone,  prescrivit  le  dépôt  en  lieu  sûr  de  toutes 
les  écritures  des  notaires  qui ,  en  mourant ,  n*en  au- 


CHAPITRE    PREMIER.  5 

raient  pas  disposé  en  faveur  de  quelqu'un  de  leurs 
collègues.  L*année  suivante ,  pour  pourvoir  à  la  dé- 
fense et  à  la  surveillance  des  côtes  maritimes  de  Rous- 
sillon ,  Juan  fit  voter  par  les  corts ,  sous  le  titre  d'î/n- 
pariagey  une  imposition  qui  devait  être  levée  sur  toutes 
les  marchandises  qui  entraient  ou  qui  sortaient  des 
deux  comtés ,  par  la  voie  de  la  mer,  et  le  produit  de 
cette  imposition  fut  appliqué  à  lequipement  et  à  Ten- 
tretien  de  deux  galères  garde-côtes,  sous  l'administra- 
tion du  consulat  de  mer.  Cet  impôt  de  Timpariage  fut 
perçu  jusqu  en  1 683  ,  qu'il  fut  aliéné  pour  l'entretien 
des  casernes ,  et  plus  tard  pour  celui  du  pont  de  la 
Tet ,  et  pour  d'autres  dépenses  générales. 

Martin,  second  fils  de  Pèdre  IV,  était  toujours  en  >59&. 
Sicile,  quand  lui  parvinrent  la  nouvelle  de  la  mort 
de  son  frère  et  celle  du  choix  que  les  corts  avaient  fait 
de  lui  pour  roi  d'Aragon.  Déjà  sa  femme,  dona  Maria 
de  Lima,  restée  à  Barcelone,  avait  pris  en  main  le 
timon  des  affaires. 

La  nouvelle  reine,  lieutenante  générale  du  royaume 
en  l'absence  de  son  mari ,  ne  tarda  pas  à  prouver  que 
les  craintes  qu'aurait  pu  faire  concevoir  la  fâcheuse 
expérience  du  règne  précédent,  sur  l'intervention 
d'une  femme  dans  les  affaires  publiques,  devaient 
cesser  avec  ce  règne  :  elle  aussi  bien  que  son  époux 
étaient  dignes  de  porter  la  couronne.  Bien  différent 
de  son  frère ,  Martin  possédait  toutes  les  qualités  qui 
font  un  bon  roi.  Agé  de  trente-sept  ans ,  et  mûri  dans 


Mvrtia. 


6  LIVRE    TROISIÈME, 

la  science  du  gouvernement  par  le  commandement 
de  la  Sicile  qu'il  administrait  depuis  trois  ans,  au  mi- 
lieu des  guerres  et  des  factions,  ce  prince,  dont  la 
vigilance,  lactivité  et  la  valeur  n'avaient  plus  besoin 
de  preuves ,  ne  se  montra  pas  moins  habile  pendant 
la  paix  dans  laquelle  il  sut  maintenir  ses  états.  Retenu 
en  Sicile ,  les  deux  premières  années  de  son  règne , 
par  le  désir  d*assurer  à  son  fds  la  couronne  de  ce 
pays,  il  laissa  sans  inquiétude  le  gouvernement  de 
TAragon  entre  les  mains  de  sa  femme,  qu'il  savait  en 
état  de  le  bien  diriger. 

Le  premier  soin  de  la  nouvelle  reine  avait  été  de 
s'entourer  d'un  conseil  présidé  par  l'archevêque  de 
Tarragone,  homme  de  grande  capacité,  et  c'est  ce 
conseil  qui  décidait  les  questions  qui  demandaient  une 
mûre  délibération.  C'est  en  se  conduisant  avec  cette 
prudence  que  Marie  avait  fait  perdre  à  Yolande,  sa 
devancière,  sa  folle  prétention  à  conserver  le  pouvoir, 
et  qu'elle  avait  opposé  aux  attaques  du  comte  de  Foii 
la  force  morale  dont  cette  sage  manière  d'agir  l'avait 
encore  plus  sûrement  environnée  que  les  armes 
mêmes  du  royaume. 

L'objet  du  dernier  voyage  de  Juan  I  à  Perpignan 
avait  été  la  reconnaissance  de  don  Pierre  de  Luna , 
en  qualité  de  pape,  sous  le  nom  de  Benoît  XIll.  A 
cette  époque,  l'église  était  divisée  par  un  schisme» 
dcmt  la  durée  fut  de  quarante-six  ans ,  et  dont  nous 
serons  obligé  de  parler,  parce  qu*unc  foule  de  faits 


CHAPITHE   PREMIER.  7 

qui  s  y  rapportent  se  sont  passés  à  Perpignan.  Mais, 
comme  la  narration  tant  de  ces  événements  que  de 
ceux  qui  suivirent  la  mort  de  Martin  n'est  pas  de 
nature  à  être  interrompue  à  Tépoque  de  cette  moii, 
ainsi  que  nous  l'avons  fait  jusqu'ici,  à  chaque  renou- 
vellement de  règne ,  par  l'examen  et  l'analyse  de  tout 
ce  que  le  prince  occupant  le  trône  a  pu  faire  dans 
l'intérêt  particulier  du  Roussillon ,  nous  allons  placer 
ici  inunédiatement  ce  que  nous  aurions  dû  dire  un 
peu  plus  tard.  Et,  comme  de  tous  les  rois  d'Aragon 
Martin  est  celui  qui  a  mis  le  plus  de  sollicitude  à  pro- 
curer à  la  ville  de  Perpignan  une  bonne  administra- 
tion ,  nous  réunirons  dans  un  seul  article  tout  ce  qui 
concerne  cette  même  administration. 

Les  rois  de  Majorque,  en  faisant  de  Perpignan  la 
capitale  réelle  de  leur  petit  empire,  s'étaient  attachés 
à  augmenter  à  la  fois  et  la  population  de  cette  ville , 
et  son  enceinte.  Nous  avons  déjà  parlé  de  cet  agran- 
dissement top(^raphique,  et  nous  avons  dit  que  la 
population  s'était  augmentée  aux  dépens  de  celle  de 
divers  villages  voisins ,  dont  plusieurs  avaient  fini  par 
disparaître  entièrement. 

Les  malheurs  des  temps ,  pendant  la  dernière  guerre 
du  royaume  de  Majorque,  ayant  fait  déserter  Perpi- 
gnan par  une  partie  de  cette  population,  Pèdre,  qui 
sentait  toute  l'importance  d'une  place  ainsi  posée  en 
sentinelle  avancée  au  delà  des  Pyrénées,  s'était  étudié 
à  y  faire  rentrer  ses  citoyens  et  à  en  augmenter  en- 


8  LIVRE    TROISIÈME. 

core  le  nombre,  en  ajoutant  de  nouveaux  privilèges  à 
ceux  dont  ils  jouissaient  déjà.  Un  de  ses  premiers  actes 
fut  d'accorder  à  la  ville  le  droit  d'invoquer  les  usages 
de  Barcelone  et  les  constitutions  de  Catalogne ,  en  tout 
ce  qui  ne  serait  pas  prévu  par  ses  propres  usages  et 
ses  coutumes  ;  il  établit  que  nul  ne  pourrait  être  admis 
pour  nouvel  habitant  que  du  consentement  des  con- 
suls, et  que  pour  être  réputé  citoyen  de  cette  ville  il 
faudrait  y  résider  avec  sa  famille,  au  moins  une  partie 
de  l'année,  et  nommément  pendant  les  quatre  prin- 
cipales fêtes.  Ensuite,  pour  prévenir  l'émigration  de 
ces  nouveaux  domiciliés,  il  ordonna  que  pour  avoir 
droit  aux  privilèges  de  citoyen  ces  nouveaux  admis 
s'obligeraient  k  payer,  dans  le  cas  où  ils  voudraient 
renoncera  leur  domicile,  cent  sous  k  la  cour  du  bailli 
et  autant  au  consulat  de  mer,  sans  discontinuer  pour 
cela  de  payer  les  contributions  et  tailles  des  autres  ha- 
bitants, ainsi  que  l'avait  déjà  réglé  Jayme  II.  Après 
Pèdre,  Martin  fixa  invariablement  les  conditions  qu'il 
faudrait  remplir  pour  avoir  droit  aux  libertés  et  fran- 
chises des  habitants  de  Perpignan.  Par  son  ordon- 
nance du  7  septembre  iSgy  il  fut  statué  que  pour 
être  considéré  comme  citoyen  de  Perpignan,  quoique 
ne  résidant  pas  habituellement  dans  cette  ville,  il 
faudrait  y  posséder  une  maison  par  directe;  celui  qui 
n'en  avait  pas  devait  en  faire  bâtir  une,  soit  dans 
rintérieur  des  murailles,  soit  au  faubourg ^  Si,  après 

•  Par  ordonnancr  «ïu  17  Ae%  ralend^  de  janvier    i3ia.  Sanclir 


CHAPITRE    PREMIER.  9 

trois  mois  de  séjour  dans  la  ville,  celui  qui  prétendait 
au  titre  de  citoyen  ne  s'était  pas  rendu  propriétaire , 
il  était  condamné  k  payer  cent  sous  de  Barcelone  k  la 
caisse  des  travaux  des  fortifications ,  et  il  ne  pouvait 
jouir,  pendant  ces  trois  mois,  des  libertés,  privilèges 
et  franchises  des  citoyens  ^  Si,  après  avoir  acquis  une 
maison  dans  Perpignan,  ce  nouvel  habitant  voulait 
renoncer  à  son  domicile,  il  payait  au  consulat  de  mer 
les  cent  sous  auxquels  il  s'était  obligé ,  suivant  les  dis- 
positions de  Tordonnance  de  don  Pèdre.  D  était  expres- 
sément défendu  aux  consuls  de  faire  aucune  grâce  ni 
remise  sur  cette  amende.  Le  nouvel  habitant  devait 
garder  sa  maison  pom*  son  propre  usage  ;  cependant, 
si  elle  était  trop  grande  pour  lui ,  il  lui  était  loisible 

avait  défendu  de  bâtir  aucun  édifice  hors  de  Perpignan.  Ce  même  roi 
défendit,  deux  ans  après ,  de  jouer  aux  boules  dans  la  ville  et  au  fau- 
bourg. 

'  Ces  libertés,  franchises  et  privilèges  attachés  au  titre  de  citoyen 
de  Perpignan ,  consistaient  à  n'être  assujettis  à  aucune  dlme  sur  la 
laine  de  leur  bétail,  quelque  part  qu*ils  le  tinssent;  à  ne  payer  aucune 
dime  sur  les  poules,  œufs,  porcs,  canards,  oies,  chevaux,  bœufs, 
ânes,  etc.;  à  ne  payer  ni  dîmes  ni  prémices  de  blé,  avoine  et  autres 
céréales  quelconques ,  destinées  à  la  nourriture  du  bétail  ;  â  ne  payer 
ni  dîmes  ni  prémices  sur  les  herbes  potagères,  hortolagcs,  légumes,  etc., 
sur  les  olives,  fruits,  raisins,  bois  des  forêts,  roseaux,  etc.  ;  à  ne  payer 
aucune  dîme  sur  toute  denrée  semée  dans  les  sillons  de  labour  des 
jeunes  plants  de  vigne  on  maUols,  â  moins  que  la  totalité  du  champ 
n'en  fût  semée  comme  un  champ  ordinaire  ;  et  en  une  foule  d*autres 
exemptions  de  ce  genre.  Les  Perpignanais  ne  jiouvaient  être  distraits 
de  leurs  juges  en  aucune  manière,  ni  par  voie  d*appel;  ils  étaient 
autorisés  à  faire  exécuter  des  saisies  contre  leurs  débiteurs,  et  nul  ne 


10  LIVRE  TROISIÈME. 

d*en  louer  une  partie  ;  mais ,  dans  ce  cas ,  il  fidlait  qu*il 
ménageât  une  entrée  pour  lui  et  une  pour  son  loca- 
taire, et  cela  sous  peine  de  dix  sous  d*amende,  appli- 
cables aux  travaux  des  fortifications,  pour  chaque 
année  de  contravention.  Tout  nouvel  habitant  était 
tenu  de  résider,  manger  et  coucher  dans  sa  maison 
pendant  les  quatre  fêtes  de  Noël,  de  Pâques,  de  la 
Pentecôte  et  de  Notre-Dame  d*août,  sinon  il  payait 
dix  sous  à  la  caisse  des  fortifications;  et  s*il  manquait 
plus  d  une  fois  à  cette  condition ,  il  était  rayé  du  con- 
trôle des  habitants.  Pour  garantie  de  1  accomplisse- 
ment de  ce  devoir,  tout  citoyen  nouveau  était  astreint 
à  se  présenter,  tous  les  ans,  à  l'époque  de  Noél,  par- 
devant  les  consuls  ou  Técrivain  du  consulat,  à  i*efiet 
d*être  inscrit  sur  un  registre  spécial,  destiné  à  cet 
usage  ;  la  négligence  ou  Tomission  de  cette  formalité 
était  réputée  absence ,  et  punie  de  Tamende  :  toutes 
ces  mesures  avaient  pour  objet  d'assurer  à  la  ville  une 
population  réelle  et  non  factice ,  capable  de  pouvoir 
la  défendre  efficacement  en  cas  de  siège.  Celui  qui , 
sans  avoir  de  maison  en  propre,  voulait  fixer  son 
domicile  à  Perpignan,  pour  y  faire  continuelle  ré- 

pouvait  saisir  leurs  biens  pour  des  dettes  garanties.  Les  caoses  coocer- 
BtDt  la  oommuAauté  ou  les  habitants  en  particulier  devaient  être 
jugées  suivant  les  privilèges,  us  et  coutumes  de  la  ville,  en  quelque 
tribunal  que  ce  fût  ;  les  syndics  de  Perpignan  ne  pouvaient  pas  être 
toicétk  de  prêter  serment  au  roi  ou  à  rbéntier  du  tr6ne,  avant  que 
toutes  les  autres  villes  n*e«ssent  lait  ce  serment ,  etc.  rtc.  Voyfv  Boscb , 
Tk.éêhon 


CHAPITRE   PREMIER.  11 

sidence,  était  réputé  citoyen,  et  dassé  comme  te). 
Divers  édits  réglementaires,  portés  à  différentes 
époque,  avaient  fixé  la  marche  que  les  consuls  de- 
vaient suivre  dans  le  régime  de  la  communauté.  En 
mai  1 3 1 1  Jayme  I  avait  même  ordonné  à  ses  magis- 
trats de  faire,  chaque  année,  une  revue  de  toutes  les 
lois  et  ordonnances  concernant  le  pays ,  pour  en  ré- 
former tout  ce  qui  serait  devenu  inutile ,  par  quelque 
cause  que  ce  fût,  et  pour  corriger  et  améliorer  la 
partie  de  ces  lois  et  ordonnances  que  Texpérience  au- 
rait signalées  comme  défectueuses.  Sanche  investit 
les  consuls  du  pouvoir  de  recevoir  les  comptes  de 
leiu^s  devanciers,  ceux  des  administrateurs  de  Tau- 
mônerie  de  la  ville ,  ceux  de  Thôpital  de  Saint-Lazare- 
du-Pont ,  bâti  au  bout  du  pont  de  la  Tet,  et  ceux  de 
rhôpital  des  pauvres.  Un  acte  du  1 4  des  calendes  de 
juin  ia62  mantre  jusqu'où  allait  la  mauvaise  admi- 
nistration de  ce  dernier  établissement,  qui,  fondé  par 
le  comte  Gausfred  III,  avait  été  acheté  de  Tinfant 
Jayme,  fils  de  Pèdre  III,  par  la  ville,  au  prix  de 
quinze  mille  sous.  De  vives  altercations  s*étant  élevées 
entre  l'évêque  d'Elne ,  sous  la  surveillance  de  qui 
était  placé  cet  hôpital,  et  les  consuls  de  Perpignan, 
au  sujet  de  la  négligence  du  prélat  ou  de  ses  agents 
envers  cette  administration ,  il  fut  convenu  entre  eux 
que  la  nomination  du  commandeur  de  cet  hôpital  ap- 
partiendrait à  révêque,  mais  qu'elle  porterait  sur  l'un 
des  trois  candidats  présentés  par  les  consuls  ;  que  le 


12  LIVRE   TROISIÈME, 

prélat  aurait  le  droit  de  visiter  rétablissement,,  pour 
s  assurer  de  la  régularité  du  service ,  avec  faculté  de 
proposer  la  destitution  du  commandeur,  si  par  sa  faute 
ou  par  sa  négligence  ce  service  n*allait  pas  bien ,  mais 
qu^il  ne  pourrait  le  destituer  de  sa  propre  autorité. 
Les  vbites  de  Tévêque  devaient  se  faire  en  la  présence 
des  consids  ou  de  leurs  délégués ,  mais  à  ses  frais,  et 
sans  quil  pût  lui  être  alloué,  à  ce  sujet,  aucune  in- 
demnité sur  les  revenus  de  Thôpital;  enfin,  les  con- 
suls devaient  prendre  des  mesures  pour  faire  restituer 
à  Tadministration ,  dans  le  terme  de  cinq  années,  tous 
les  biens  de  lliôpital  qui  avaient  été  indùm^t  alié- 
nés, et  pour  forcer  ceux  d*entre  les  acquéreurs  qui 
en  avaient  acheté  à  juste  titre ,  mais  au-dessous  de  leur 
valeur  réelle,  d*en  acquitter  la  plus-value. 

Par  une  charte  du  3  mai  1 3 1 5  Sanche  avait  ins- 
titué un  conseil  de  ville  de  douze  men^res  ;  par  une 
seconde,  du  a 3  mai  i3a/^,  il  frappa  d*une  amende 
de  dix  sous  de  Barcelone  ceux  de  ces  conseillers  qui 
ne  se  rendraient  pas  aux  convocations.  La  même 
charte  réglait  le  costume  des  consuls.  Chacun  deux, 
en  entrant  en  charge ,  devait  se  pourvoir  d*une  robe 
ouverte  (  saperiunicale  )  et  d^une  tunique  uniformes  et 
de  même  couleur,  avec  une  bordure  de  pelleterie ,  et 
il  leur  était  alloué  pour  cette  dépense,  sur  les  fonds 
duconsidat,  une  somme  de  quinze  livres  de  Baixe- 
lonc,  qu*il  ne  leur  était  pas  permis  de  dépasser.  A 
mesure    que   largent    augmentait   de    valeur,   celle 


CHAPITRE    PREMIER.  13 

somme  ne  se  trouvant  plus  en  rapport  avec  le  prix 
des  étoffes,  les  consuls  réclamèrent  auprès  du  roi 
Jayme  II,  qui  commit  Bernard,  abbé  d'Arles,  pour 
connaître  de  la  justice  de  cette  réclamation  et  ordon- 
ner ce  qui  serait  convenable  ^  Bernard,  par  sentence 
du  3i  juillet  liili,  décida  qu*à  l'avenir  les  consids 
sortant  d'exercice  achèteraient  eux-mêmes  l'étoffe  pour 
le  costume  de  leurs  successeurs,  en  fixant  à  vingt- 
cinq  livres,  sans  plus,  la  somme  qu'on  pourrait  em- 
ployer à  cette  dépense  :  ainsi,  dans  l'espace  de  dix 
ans,  les  prix  des  étoffes  avaient  à  peu  près  augmenté 
de  deux  tiers.  D'autres  ordonnances  furent  encore 
rendues  sur  cette  matière,  même  sous  le  régime  fran- 
çais, pendant  l'engagement  du  Roussillon. 

Les  consuls  de  Perpignan  ne  pouvaient  pas  se  vêtir 
de  deuil  tout  le  temps  que  durait  leur  charge.  S'ils 
étaient  sous  cette  lugubre  livrée  au  moment  où  ils 
entraient  en  exercice,  ils  devaient  la  quitter,  et  s'il 
leur  mourait  un  parent  pendant  l'année  de  leur  con- 
sulat, il  leur  était  seulement  permis  de  prendre  le 
deuil  pendant  neuf  jours,  dans  l'intérieur  de  leur 
maison,  sans  pouvoir  sortir  avec  ce  costume,  si  ce 
n'est  pour  aller  aux  funérailles. 

Les  consids  de  Perpignan  avaient  anciennement 
l'habitude  de  se  faire  précéder  par  un  appariteur 
portant  une  baguette  noire ,  chargée  des  armes  du  roi 

*  Cest  la  commission  dont  nous  avons  donné  le  texte  dans  une  note 
du  chapitre  xn  du  livre  précédent. 


14  LIVRE   TROISIÈME. 

et  de  la  ville;  mais  cette  marque  d^homieur  n étant 
fondée  sur  aucun  titre  authentique,  le  gouverneur 
voulut  la  supprimer  en  i3&6.  Sur  la  réclamation  de 
ces  magistrats  Pèdre  IV  leva  Tempêchement ,  a  puisque  > 
tel  était  Tusage  ^ .  n  Plus  tard  ces  eonsids  furent  précédés 
par  des  massiers  et  des  porteurs  de  veines,  et  ils 
avaient  le  droit  de  faire  porter  ces  insignes  devant 
eux,  en  quelque  lieu  que  ce  fût,  dans  toute  Tétendue 
de  la  Catalogne^.  Ils  avaient  aussi  le  droit  de  faire  des 
règlements  en  matière  civile  et  criminelle,  d*infliger 
des  peines  afllictives ,  de  lever  des  tailles ,  des  octrois 
et  subventions  de  toute  espèce  sur  les  habitants,  et 
de  n^être  point  comptables  aux  officiers  royaux  du 
produit  de  ces  impositions^.  En  temps  de  disette,  ces 
eonsuls  avaient  le  droit,  par  privilège  spécial  de 
Pèdre  IV,  d'armer  des  galères  et  de  les  envoyer  en 
croisière  sur  la  mer  de  Roussillon,  pour  arrêter  et 
forcer  d'entrer  dans  les  ports  de  la  province  tous  bâ- 
timents chargés  de  blé  passant  par  cette  mer^.  Ces 
faveurs  y  que  la  politique  des  rois  d'Aragon  répandait 
à  profusion  sur  Perpignan ,  avaient  pour  objet  de  s'at- 
tacher fortement ,  après  l'extinction  du  royaume  de 
Majorque,  la  population  d'une  ville  qui  rivalisait  alors 
d'étendue  avec  Barcelone,  qui  était  des  plus  floris- 
santes, par  son  commerce  et  ses  nombreuses  manu- 
factures, et  qu  ils  regardaient  comme  In  sentinelle 

I  Ârrk,  Dmr.  —  *  Botdi,  Tifo/t  ée  kom.  Voy«i  U  note  I.  — *  Lihrr 
prem.  —  ^  Li6.  vtnV/.  maj.  tî  min.  ^ 


CHAPITRE    PREMIER.  15 

avancée  de  leur  empire,  par  sa  position  au  delà  des 
Pyrénées;  aussi,  Martin,  dans  son  allocution  aux 
corts ,  qu'il  tint  dans  cette  ville ,  le  3o  septembre  1 4o6, 
s'écriait-il  avec  raison  en  parlant  des  Catalans  :  «  Est-il 
u  un  peuple  au  monde  qui  jouisse  d'autant  de  (ran- 
«  chises  et  de  libertés^  ?  »  On  compte,  dans  l'intervalle 
de  quatre  siècles  et  demi,  plus  de  mille  chartes  oc- 
troyant des  faveurs  royales  à  la  popidation  de  Per- 
pignan. 

Le  roi  Sanche  avait  établi  que  les  consuls  entrant 
en  charge  ouïraient  les  comptes  de  leurs  prédéces- 
seurs ;  mais  ce  moyen  ne  présentant  pas  toute  la  ga- 
rantie désirable,  Jayme  II  ordonna,  en  i33i,  que 
chaque  année  ces  magistrats  éliraient  deux  clmmres 
qui,  après  avoir  prêté  serment  entre  les  mains  du 
bailli ,  recevraient  les  comptes  des  consuls  et  de  tous 
les  administrateurs  et  percepteurs  de  deniers  publics. 
Ces  clavaires,  qu'on  appelait  aussi  en  cat^an  mos- 
tassafs,  étaient  payés  de  leur  traitement  par  ces  mêmes 
consuls,  mais  ne  pouvaient  pas  le  toucher  avant  l'au- 
dition des  comptes,  ce  qui  ne  remédiait  guère,  ce 
semble,  à  l'inconvénient  que  le  prince  voulait  prévenir. 
Ces  officiers  ^ent  chargés,  l'année  suivante,  de  la 
présentation  des  candidats  aux  places  de  receveurs 
des  tailles  et  des  quêtes,  à  la  nomination  du  bailli, 
qui  pouvait  les  rejeter,  s'il  ne  les  jugeait  pas  propres 
k  remplir  ces  fonctions.  Ces  charges  n'étaient  confiées 

'  «  QualjïohUesen  lo  mon  qui  sien  axif ranchs  defranqaesfs  e  liberiats?...  » 


16  LIVRE   TROISIEME. 

qu*à  des  personnes  que  leur  fortune  mettait  en  posi- 
tion de  pouvoir  les  exercer  gratuitement,  et,  par  édit 
de  Marie  II,  nul  ne  pouvait  les  refuser,  sous  peine 
d'une  amende  de  cinq  cents  florins  d*or,  à  moins  que 
les  raisons  dont  il  motivait  son  refus  ne  fussent  ac- 
cueillies par  les  cinq  consuls,  à  Tunanimité. 

La  ville  de  Perpignan  changea  la  forme  de  sa  police 
intérieure  pendant  le  régime  des  Français,  à  la  de- 
mande des  consuls  et  du  vice-roi  BofBlc-de-Juge.  Jus- 
qu'à cette  époque  on  avait  usé  de  ce  qu'on  appelait 
la  forme  toulousaine;  Charles  VIU,  par  lettres  patentes 
du  3  décembre  1 487 ,  autorisa  l'emploi  de  la  forme 
nouvelle^  dont  l'essai  avait  été  fait  avec  succès  pendant 


six  moisV 


Les  habitants  de  Perpignan ,  comme  ceux  de  Cata- 
logne, étaient  divisés  en  trois  classes,  qu'on  appelait 
mains^.  La  composition  de  chacune  de  ces  mains, 
longtemps  incertaine ,  avait  été  réglée,  en  i346,  par 
Pèdre  IV,  à  l'occasion  de  quelques  difficultés  surve- 
nues, relativement  au  mode  d'élection  des  consuls.  Il 
fut  statué  alors  que  les  bourgeois  de  Perpignan ,  vivant 
honorablement,  et  les  mercaiers,  ou  commerçants  en 
gros,  composeraient  la  main  majeure;  que  les  pareurs 
de  drap,  les  écrivains  et  autres,  exerçant  une  profes- 

*  Uh.  virid.  mim. 

*  Le  chef  de  Téut  était  ia  téU  de  la  nation ,  les  troia  ordre»  assistant 
aux  corts  en  étaient  les  bms  »  et  les  classes  de  la  population  en  étaient 
les  mains. 


CHAPITRE    PREMIER.  17 

sion  assez  honorable  f  seraient  dans  la  main  moyenne ,  et 
que  les  cordonniers,  les  jardiniers  et  autres,  exerçant 
des  métiers  analogues,  formeraient  la  main  mineure. 
Les  membres  de  la  main  majeure  prenaient  le  titre  de 
citoyens  ou  bourgeois  honorés^.  Chacune  de  ces  mains 
devait  être  représentée  par  quatre  conseillers,  à 
qui  appartiendrait  uniquement  le  droit  d*élire  les 
consuls. 

La  noblesse  n^était  pas  comprise  anciennement  dans 
la  main  majeure  et  ne  comptait  pas  dans  la  population 
des  villes,  parce  que  les  nobles  de  haut  parage  n  habi- 
taient que  leurs  châteaux,  et  que  les  chevaliers  qui 
résidaient  dans  ces  villes,  se  trouvant  hors  du  for  du 
bailli,  et  sous  la  seule  juridiction  du  viguier,  ne  pou- 
vaient exercer  aucune  fonction  municipale.  Lors- 
que plus  tard  il  fîit  de  leur  intérêt  de  participer  à 

'  ADciennement  le  titre  de  cité  était  donné  aux  villes  épiscopales , 
et  celui  de  hoarg  aux  autres  villes;  de  là  vint  la  différence  entre  le 
mot  citoyen  ou  habitant  dune  cité,  et  houryeois  ou  habitant  d*un 
bourg.  Les  villages,  hameaux  et  grandes  métairies  s*appelaient  villa, 
et  comme  les  habitants  qui  s  y  trouvaient  étaient  serfs  ou  de  très-basse 
condition,  le  tenne  de  viUani,  vilains,  devint  une  qualification  inju- 
rieuse. Suivant  Pasquier,  les  nobles  doonèreot  aux  habitants  des  villes 
Tépithète  injurieuse  de  vilains,  parce  quHls  y  vivaient  dans  le  repos,  an 
lieu  de  s^endurcir  comme  eux  aux  travaux  de  la  guerre. 

Soos  les  Romains,  ces  établissements  ruraux  «appelaient  payi,  et 
leurs  habitants,  pagami.  Conmie  la  dernière  classe  est  toujours  la  der- 
nière aussi  à  adopter  les  innovations ,  ces  pagami  furent  obstinés  à 
repousser  le  christianisme;  de  là  le  mot  paganus,  païen,  devint  syno- 
nyme dldol&tre.  Comme  qualifiant  lliabitant  des  campagnes,  pa5faniu 
fut  traduit  par  paysan»  en  catalan  pages. 

n.  3 


18  LIVRE    TROISIÈME. 

l'exercice  de  ces  fonctions,  ils  durent  renoncera  leur 
titre  de  chevalier,  afin  d'entrer  sous  la  juridiction  du 
bailli;  ils  furent  enfin  incorporés,  avec  leurs  titres, 
dans  cette  main  majeure,  en  1601.  En  sa  qualité  de 
bourgeoisie  honorée,  cette  main  majeure  jouissait, 
dès  auparavant ,  de  quelques  unes  des  prérogatives  de 
la  noblesse  ^ 

Dans  les  anciens  temps  les  premiers  consids  de- 
vaient être  pris  forcément  dans  la  main  majeure;  ce- 
pendant on  trouve  dans  les  archives  du  domaine  une 
lettre  de  don  Raymond  de  Sagarriga,  gouverneur  gé- 
néral de  Roussillon,  du  1  o  juin  1  &i  1  ,  aux  conseil- 
lers de  la  commune,  pour  les  engager  à  élire  «  pour 
«consuls,  sans  crainte  et  sans  risque  d'encourir  au- 
«cune  peine,  quelque  personne  que  ce  soit,  de  la 
«main  majeure,  moyenne  ou  mineure,  qui  leur  pa- 
«  raltra  le  plus  en  état  et  la  plus  propre  à  remplir  ces 
«charges,  pour  le  bien  et  dans  l'intérêt  de  la  ville  et 
«  des  habitants^.  » 

En  vertu  d'un  très-ancien  privilège,  le  cinquième 
consul  devait  appartenir  à  la  paroisse  de  Saint- 
Jacques  ,  habitée  par  les  jardiniers  et  gens  de  métier. 

*  Voyez  la  note  II. 

*  Quand  le  oorpt  de  la  noblesse  rut  été  admis  avec  ses  titres  dans  la 
main  majeure ,  le  premier  consul  dut  être  pris  dans  Tordre  de  la  no- 
blesse, et  le  second  consul  fut  pris,  une  annce  dans  ce  même  ordre ,  et 
Tannée  suivante  dans  celui  des  bourgeois.  Les  troisième  rt  quatrième 
consuls  étaient  pris  dans  la  main  moyenne,  et  le  cinquième  dans  la 
main  mineure.  (  Voyage  pittorruime  de  Homsullon.  ) 


CHAPITRE    PREMIER.  19 

Des  ambitieux  des  autres  paroisses,  pour  obtenir  ce 
consulat,  abandonnaient  momentanément  leur  do- 
micile habituel,  et  allaient  s  établir  sur  cette  paroisse 
de  Saint-Jacques  un  mois  avant  l'élection,  et  ils  re- 
tournaient à  leur  premier  domicile  après  l'expiration 
de  Tannée  constdaire.  Pour  mettre  un  terme  à  cet 
abus,  les  consuls  rendirent,  le  a 7  juillet  1/I91 ,  une 
ordonnance  portant  que  nul  ne  pourrait  être  cinquième 
consid,  s  il  n  habitait  sur  cette  paroisse,  depuis  un  an 
et  un  jour,  avec  sa  femme  et  ses  enfants,  dans  une 
maison  à  lui  ou  à  loyer.  Par  règlement  des  mêmes 
magistrats,  du  20  mai  i585 ,  il  fut  établi  que  nul  ne 
serait  pourvu  du  consulat,  s'il  ne  possédait  une  maison 
en  propre  ou  à  loyer,  et  s'il  n'y  faisait  continuelle  ré- 
sidence ^ 

Le  nom  des  citoyens  susceptibles  de  remplir  la 
rhai^e  de  consuls  était  placé  dans  des  bourses  ou  sacs 
de  cuir,  d'où  leur  venait  le  surnom  de  citoyens  insa- 
culés.  Pour  être  insaculé ,  il  fallait  que  celui  qui  pré- 
tendait à  cet  honneur  fût  approuvé,  d'abord  par  le 
gouverneur  de  la  province,  ensuite  par  un  conseil 
composé  de  quatre  individus  tirés  au  sort  dans  cha- 
cune des  trois  mains  :  ce  conseil  portait  le  nom  de 
doazaine  iinsacalation  ;  ceux  qui  en  étaient  membres 
émettaient  leur  avis  par  la  voie  du  scrutin,  et  ils 
n^étaient  pas  tenus  de  donner  la  raison  de  leur  e\- 
ehision. 


20  LIVRK    TROISIEME. 

Un  édit  (le  Pèdie  IV.  de  Tan  lili-j,  avait  érigé  les 
elavaires  ou  mostassafs,  en  véritables  juges  de  paix ,  en 
leur  conférant  le  pouvoir  de  concilier,  sans  avoir  be- 
soin de  la  permission  du  bailli,  tous  différends  appar- 
tenant à  leur  juridiction,  simplement,  et  d'après  les 
seules  règles  de  leur  droiture  et  de  leur  bon  sens. 

Particulièrement  attentif  aux  intérêts  des  Perpi- 
gnanais,  Martin  pourvut  à  la  conservation  des  biens 
de  toute  espèce  appartenant  à  la  commune.  Il  régla 
que  chaque  année,  un  mois  avant  la  Saint-Jean, 
époque  de  l'installation  des  nouveaux  consuls,  il  se- 
rait dressé  un  inventaire  exact  de  tous  les  biens- 
meubles  ou  immeubles,  et  des  objets  de  toute  nature, 
existant,  soit  au  consulat,  soit  au  dehors,  ainsi  que 
des  livres,  chartes,  pragmatiques,  privilèges,  papiers 
et  lettres  quelconques,  de  Tartillerie,  fourniments, 
vivres  et  autres  objets,  afin  de  s  assurer  qu'ils  étaient 
bien  conservés.  Cet  inventaire  devait  indiquer  com- 
ment et  pourquoi  ces  objets  appartenaient  à  la  com- 
mune, afin  d'en  garder  la  tradition  ;  on  devait  dresser 
aussi  un  état  des  sommes  payées  et  de  celles  qui  res- 
taient encore  à  payer,  en  indiquant  les  parties  pre- 
nantes aussi  bien  que  les  raisons  et  motiis  de  la  dé- 
pense. 11  était  réglé  qu'à  l'avenir  nul  consul  ou  autre 
officier  de  la  commune  ne  pourrait  dis|>oser  d'aucun 
joyau,  robe,  harnais ,  victuaille,  somme  d'argent  et  de 
quelque  partie  que  ce  fut  des  propriétés  communales, 
sans  un  mandat  bien  détaillé  et  bien  circonstancié. 


CHAPITRE    PREMIER.  21 

dont  la  formule  était  déterminée  par  la  prévoyance 
royale.  La  manière  de  tenir  les  écritures,  les  livres  et 
la  comptabilité  était  réglée  par  la  même  ordonnance , 
qui  n'omettait  rien  de  ce  qui  pouvait  assurer  la  longue 
durée  et  la  bonne  conservation  des  propriétés  de  la 
ville,  et  maintenir  Tordre  dans  Tadministration,  en 
prévenant  les  dilapidations  et  assurant  Téconomie 
dans  les  dépenses. 

Cest  sous  le  r^ne  de  Martin  que  fut  bâti  un  premier 
hôtel  de  ville,  remplacé  ensuite  par  celui  qui  existe 
aujourd'hui.  Par  ime  pragmatique  du  lo  décembre 
I  &oa  ce  prince  permit  aux  consuls  d'acheter  quel- 
ques maisons ,  sur  l'emplacement  desquelles  on  bâti- 
rait l'hôtel  de  ville  d'une  manière  plus  convenable 
qu'il  ne  l'était  auparavant,  et  il  assigna  ime  somme  de 
six  cents  francs  pour  faire  cette  dépense  ^ 

Outre  les  consuls  de  la  ville,  qui  étaient  au  nombre 
de  cinq,  il  y  avait  encore  à  Perpignan  une  autre  ju^ 
ridiction  consulaire,  sous  le  titre  de  consulat  de  mer^  : 
c'était  un  tribunal  de  commerce  maritime  que  Jayme  II 
avait  fondé,  mais  dont  il  n'avait  pas  eu  le  temps  de 
compléter  l'organisation.  Après  le  renversement  du 
trône  de  Majorque,  Pèdre  IV  donna  à  ce  tribunal  une 
plus  grande  extension,  en  achevant  l'ouvrage  du 
prince  qu'il  venait  d'expulser;  il  appliqua  à  cette  ins- 
titution l'organisation  du  consulat  de  mer  des  villes 

*  Pour  les  attributions  des  consiiis,  voyez  la  note  J. 

*  Voyei  la  5uitc  de  la  note  I. 


.y 


22  LIVUE   THOISIÈME. 

de  Barcelone  et  de  Majorque,  calquée  sui'  celle  du 
consulat  de  mer  de  Valence,  type  de  tous  les  tribu- 
naux de  ce  genre  ^  Par  ordonnance  de  Juan  I,  du 
2  2  décembre  1 388,  le  consulat  de  mer  de  Perpignan 
fut  composé  dun  consul,  d*un  assesseur  et  d*un  juge 
d appel,  tous  trois  à  la  nomination  des  notables  de  la 
ville;  le  consul  de\ait  être  pris  parmi  les  citoyens  de 
la  main  majeure,  et  l'assesseur  parmi  ceux  de  la  main 
moyenne.  A  ia  réunion  du  Roussillon  à  la  France,  il  fut 
créé  un  second  assesseur,  qui  prit,  comme  le  premier, 
le  titre  de  consul.  Le  lieu  des  séances  du  considat  de 
mer  étant  ti'ès-inconmiode,  Martin,  sur  les  représen- 
tations des  consuls,  qui  se  plaignaient  de  n avoir  pas 
de  \û^e  ou  maison  dans  l<u{uelle  ils  pussent  siéger  et 
déposer  leurs  «écritures,  leur  permit  de  prendre,  sur 
le  produit  de  rimpot  établi  par  le  roi  Juan  son  frère , 
et  qui  se  levait  sur  les  marchandises  importées  ou 
exportées  par  mer,  impôt  dont  nous  avons  déjà  parlé 
sous  le  nom  àimfHiriage,  une  son)me  de  quatre  mille 
florins  dor  d'Aragon,  pour  lacliat  des  maisons  sur 
remplacement  dcs(|uelles  ils  feraient  construire  une 
loge  décente  •*. 

'  Onloii.  de  IV'drc  IV,  dan.s  \v  lisn*  des  Statuts  du  consulat  de  iner 

•  I/abl)^  Xaupi  se  (rompe  en  ne  jMtrtant  celle  somme  qu*A  quatre 

cents  florins.  Le  préambule  de  la  charti*  de  Martin  fait  coniiaitrr  qoellr 

ftail  l'importance  de  Perpignan,  à  cette  e|Mkque,  sous  le  rap|K>rl  coiu» 

mercial  :  <  Nostni'  civitates  et  villa*,  inter  quas  dictam  \illani  IVr|iiuiani 

•  notahiliorcm  et  pnrri{Miam  utiqur  rrputamii«.  m  qua  miTratonini 

•  \ipei  copia ,  etr    ••   Arcli    Doni 


CHAPITRE    PREMIER.  25 

La  ville  de  Perpignan  obtint  de  Martin ,  par  prag- 
matique du  8  juillet  1 4oo,  lautorisation  de  remplacer 
Tancien  sceau  de  ses  armes  par  Técu  royal  d'Aragon , 
qui  serait  chargé  d*une  figure  de  saint  Jean ,  patron 
delà  ville ^ 

Jusquau  milieu  du  iv*  siècle  tous  les  enfants,  sans 
distinction,  qui  mouraient  dans  Perpignan,  étaient 
enteirés  dans  le  cimetière  général,  et  les  parents  ne 
pouvaient  avoir  la  consolation  de  réunir  ces  cendres 
chéries  à  celles  de  leurs  proches,  dans  les  tombeaux 
de  famille.  Ce  ne  fut  qu'avec  beaucoup  de  peine  que 
les  consuls  obtinrent  enfin  la  suppression  de  ce  bar- 
bare usage.  S'étant  adressés,  en  1/119,  au  cardinal 
Alaman,  légat  du  pape ,  Martin  V,  près  le  roi  d'Ara- 
gon, des  lettres  fiu^ent  données  par  ce  prélat,  ])oui' 
laisser  aux  familles  la  libre  élection  du  lieu  de  la  sé- 
pulture de  leurs  eniants  morts  en  âge  de  minorité; 
mais  l'autorité  du  légat  ne  fut  pas  jugée  suffisante ,  et 
il  fallut  que  le  pape,  par  un  induit  du  1 1  septembre, 
approuvât  la  teneur  de  ces  lettres,  et  en  ordon- 
nât l'exécution,  sous  peine  des  censures  ecclésias- 

'  Lib.  virid,  min.  A  la  première  page  du  livre  vert  majeur  des  ar- 
chives de  la  mairie  de  Perpignan  on  voit  un  écu  carré  ordinaire, 
chargé  de  barres  rouges  sur  champ  d'or,  posées  obliquement  de  gauche 
à  droite.  Si  c'était  là  l'ancien  é^^usson  des  armes  de  la  ville,  on  n'aurait 
fidtque  redresser  ces  barres  perpendiculairement,  et  alors  l'écu,  au 
lieu  d'être  carré,  serait  devenu  losange,  comme  il  existe  depuis  Martin. 
Au  milieu  de  cet  écu  on  ajouta  une  figure  de  saint  Jean.  Ce  volume 
<late  du  règne  de  Juan  I. 


2/1  LIVRE    TROISIÈME. 

tiques^  Le  roi  d*Âragon,  obligé  d'intervenir  lui-même , 
pour  vaincre  toutes  les  résistances ,  manda  à  ses  officiers 
de  détruire  par  la  force  tous  les  obstacles,  chaque  fois 
quils  en  seraient  requis^.  Nous  ignorons  quelles  rai- 
sons pouvaient  porter  le  clergé  de  Perpignan  à  oppo- 
ser, à  une  réclamation  aussi  juste  de  la  part  des  pa- 
rents ,  une  résistance  si  opiniâtre. 

La  vente  du  pain,  du  vin  et  autres  comestibles  n té- 
tait pas  permise  aux  hôteliers,  à  Tégarddes  étrangers 
et  des  voyageurs  qui  prenaient  gite  dans  leurs  hôtels, 
en  Roussillon  comme  dans  toute  la  Catalogne.  Sur 
une  plainte  des  consuls  et  notables  du  Boulou ,  Martin 
rendit,  le  ao  novembre  i  4oi  ,  une  pragmatique  por- 
tant expresses  défenses,  «  pour  le  bien  général  de  toute 
«la  communauté,  »  à  tout  hôtelier  de  rien  vendre  de 
semblable  aux  passants  et  aux  voyageurs^.  Une  or- 
donnance du  bailli  de  Perpignan,  du  3o  octohn? 
1  4 1 8,  fit  une  défense  toute  pareille  aux  hôtehers  de 
cette  ville  ^. 

Chaque  loccditc,  dans  toute  fétendue  du  royaume 
d'Aragon,  était  tenue  de  payer,  à  chaque  changement 
de  règne,  un  droit  de  joyeux  avènement,  ou  impôt  de 
couronnement.  La  levée  de  cet  impôt,  éprouvant  des 
difficultés  à  Perpif^nan,  à  l'avènement  de  Martin  à  la 
couronne,  et  dessaisies  avant  été  ordonnées  contre 
les  retardataires  par  le  ^ouveriH'ur.  qui  répondait  de 
toutes  ces  sommes,  sous  une  peine  de  mille  fforins 

'   iVcuxo,  n'  I.  —  '  Ibidem.  —  •  l*rcu\rs,  n   II  — •  Lil"i  provis 


CHAPITRE   PREMIER.  25 

d'or,  ce  prince,  pai'  lettres  patentes  du  i"  octobre 
iSgg,  défendit  de  contraindre  qui  que  ce  fut  à  ce 
payement  dans  cette  ville,  et  fit  restituer  les  saisies 
à  ceux  à  qui  on  en  avait  fait^  Une  quittance  du  pro- 
cureur royal  et  féodal  du  roi  d* Aragon ,  du  a  i  no- 
vembre lU^à,  nous  fait  connaître  la  taxation  de  cet 
impôt,  qui  était  d*un  florin  d*or  par  chaque  feu^. 

Sous  le  rapport  de  l'industrie,  Perpignan  eut  beau- 
coup plus  d'importance  autrefois  qu'il  n  en  a  depuis 
quatre  siècles.  Les  guerres  longues  et  malheureuses 
dans  lesquelles  cette  ville  fut  sans  cesse  compromise 
lui  firent  perdre  peu  à  peu  les  nombreuses  manu- 
iactures  de  drap  qui  faisaient  son  principal  com- 
merce. Déjà,  en  i33i ,  le  nombre  de  ces  manufac- 
tures était  considérablement  diminué.  Les  tisseurs  de 
drap,  dont  Sanche  avait  fixé  la  résidence  au  Puig- 
Saint-Jacques ,  firent  solliciter  par  les  consuls  l'auto- 
risation de  s'établir  dans  l'intérieur  de  la  ville ,  dont 
cette  hauteur,  bien  que  comprise  dans  la  nouvelle 
enceinte  des  murailles,  n'était  point  encore  supposée 
faire  partie.  Dans  leur  requête  au  roi,  ces  magistrats 
disaient  que  le  bon  métier  de  fabricant  de  draps  étant 
très-diminué,  ils  pensaient  que  si  les  ateliers  étaient 

'   Uh.  ririd.  min. 

^  Quindecîm  florenos  ami  de  Aragonia  dicto  domino  régi  debitos, 
rt  per  vos  eidem  solvere  contingenter*  dictanim  coronationum  prar- 
teitu,  pro  quindecîm  focliis  ad  quo5  dictu5  locus  (  de  capitestagno  ) 
est  taiato».  Arch.  ecdes. 


26  LIVRE  TROISIEME, 

transportés  au  centre  de  la  ville ,  cette  industrie  pour- 
rait reprendre  un  nouveau  degré  d'activité.  Jayrae  IL 
qui  se  trouvait  alors  à  Majorque,  chargea  son  lieute- 
nant général  d'examiner,  avec  les  consuls  et  les  ma- 
nu&cturiers,  lutilité  de  cette  proposition,  et  de  lui 
transmettre  ensuite  son  avis,  avec  les  résultats  de  Ten- 
quête  :  Tavis  ne  fut  pas  favorable  au  déplacement. 


CHAPITRE    DEUXIEME.  27 


CHAPITRE  IL 

Schisme.  —  Mort  de  Martin.  —  G)ngrès  d^Alcaûiz.  —  Fer- 
nand  I. — G)ncile  de  Perpignan.  —  L*empereur  Sigismond. 
—  Office  de  la  députation. —  Alphonse  V  et  Marie  II.  — Cap- 
tivité d'Alphonse.  —  Sa  liberté. 

Le  pape  Grégoire  XI,  Français  de  nation,  avait  dû  Mtriio. 
quitter  Avignon  en  iSyS,  pour  reporter  à  Rome  le 
saint  siège ,  et  mettre  un  terme  aux  désordres  que  cet 
éloignemcnt  des  souverains  pontifes  causait  en  Italie. 
Peu  de  temps  après  son  retour  dans  cette  ville ,  Gré- 
goire mourut,  et  la  populace  de  Rome,  se  portant  en 
tumulte  sous  les  fenêtres  du  conclave,  menaça  les  car* 
dinaux  de  tonte  sa  fureur  s'ils  ne  lui  donnaient  pas  un 
pontife  italien.  Cédant  à  cet  orage,  le  conclave  élut 
rarchevéque  de  Bari,  qui  prit  le  nom  d'Urbain  VI. 
Mais  le  caractère  impétueux  de  ce  nouveau  pape  alié- 
nant bientôt  de  lui  le  collège  qui  l'avait  nommé,  on 
prétexta  de  la  violence  qui  avait  influé  sm'  cette  élec- 
tion ,  pom*  la  déclarer  mdle.  Un  second  conclave  tenu 
à  Avignon,  en  octobre  de  la  même  année,  éleva  au 
trône  pontifical  un  autre  pape,  cpii  fut  Clément  VII. 
Urbain  n ayant  pas  voulu  déposer  la  tiare,  le  schisme 
commença  l'année  même  de  la  double  élection ,  et  il 
y  eut  un  pape  à  Rome  et  un  h  Avignon.    A  Urbain 


28  LIVKE   TROISIÈME, 

succédèrent  Boniface  JX,  Innocent  Vil  et  Grégoire  XII  ; 
à  Clément,  mort  en  licjlx,  avait  succédé  le  beau-frère 
de  Martin,  ce  Pierre  de  Luna,  qui  prit  le  nom  de  Be- 
noît XIII,  et  qui,  en  quatorze  jours,  avait  été  ordonné 
prêtre,  consacré  évêque  et  couronné  pontife*. 

Pour  faire  cesser  le  schisme  et  ramener  Tunité  dan» 
le  chef  de  l'église,  les  différentes  cours  chrétiennes 
avaient  négocié  avec  les  deux  papes  une  renonciation 
réciproque  à  leur  dignité ,  afin  qu  un  troisième ,  élu 
à  la  place  des  deux ,  pût  réunir  les  suffrages  de  tous. 
Les  pontifes  avaient  d  abord  adhéré  Tun  et  f  autre  à 
cet  accord;  mais,  au  moment  dcTexécuter,  Benoit,  re- 
gardant la  perte  de  son  autorité  comme  un  sacrifice 
au-dessus  de  ses  forces,  se  rétracta. 

Un  prince,  que  ses  heureuses  qualités  auraient  fait 
placer  peut-être  au  nombre  des  meilleurs  rois  qu'ait 
eus  la  France ,  mais  dont  la  vie ,  s'écoidant  au  con- 
traire sous  rinfluence  d  une  maladie  terrible,  fut  la 
source  de  longues  et  innombrables  calamités,  ré- 
gnait alors.  Charies  VI ,  irrité  du  manque  de  foi  du 
pontife,  lui  avait  supprimé  tous  les  subsides  de  Té- 
glise  de  France  et  s'était  retiré  de  son  obédience,  et, 
Benoit ,  assiégé  dans  son  propre  palais  par  le  peuple 
d'Avignon  émeute  contre  lui ,  avait  été  contraint  de 
sortir  déguisé,  et  de  se  sauver  en  Catalogne.  Le  con- 
seil du  roi,  flottant  sans  cesse  entre  les  passions  di- 
\(TS(*s   qui  fii^ilaient  .    a\;iit    |>orte   l'automate  cou- 

'   Art  Jr  vrnfirr  lf$  datrt.  lomr  I 


CHAPITRE    DEUXIÈME.  29 

ronné  à  reprendre  robédience,  en  i4o3;  une  autre 
faction  dominant  bientôt  ce  conseil,  de  nouveaux 
différends  s  élevèrent,  et  Benoît,  revenu  à  Avignon, 
crut  imposer  à  la  France,  en  usant  des  ressources 
extrêmes  de  Texconmiunication. 

Pendant  que  i  université  de  Paris  faisait  justice  de 
cet  anathème  en  le  lacérant,  le  maréchal  de  Bouci- 
caut ,  qui  se  trouvait  en  Provence ,  tentait  de  se  saisir 
de  la  personne  de  Benoit,  dont  la  résidence  était  dé- 
fendue par  la  garde  aragonnaise ,  qu*il  y  avait  amenée 
pour  sa  sûreté.  Benoît,  s  échappant  de  nouveau,  vint 
débarquer  à  Port-Vendre,  le  2  juillet  1 4o8,  et  passa  ,408. 
immédiatement  à  Gollioure ,  attendant  dans  cette  ville 
la  réponse  au  message  qu  il  avait  envoyé  au  roi  d'A- 
ragon, son  beau-frère.  Martin  lui  ayant  assigné  pour 
résidence  la  ville  de  Perpignan ,  Benoit  s'y  rendit  le 
1  &  du  même  mois. 

La  mort  du  fils  unique  du  roi  Martin,  survenue  en  1&09. 
Sicile,  le  a 5  juillet  i^og,  réveilla,  à  cette  époque, 
l'ambition  de  tous  les  princes  qui  croyaient  avoir  quel- 
ques droits  à  la  royale  succession,  et  prépara  de  nou- 
veaux désastres  à  l' Aragon.  Le  premier  qui  se  mit  sur 
les  rangs  fîit  le  comte  d'Urgel,  Jacques,  petit-fils 
d'Alphonse  IV;  vinrent  ensuite  le  duc  d'Anjou,  époux 
d'Yolande,  fille  de  Juan  I;  l'infant  don  Ferdinand, 
second  fils  du  roi  de  Castille ,  et  neveu  de  Martin  par 
sa  mère  ;  Alphonse ,  duc  de  Gandie ,  et  son  firère ,  le 
comte  de  Prades ,  petits-fils  de  don  Pèdre ,  oncle  de 


50  LIVRE   TROISIÈME. 

Pèdre  IV  :  ceux-ci  réclamant  le  bénéfice  de  la  substi- 
tution ordonnée  par  ce  dernier  roi  en  faveur  de  se« 
neveux  et  petits-neveux,  à  défaut  d'héritiers  directs 
dans  la  ligne  régnante,  et  à  l'exclusion  des  femmes. 

Martin  avait  perdu,  le  39  décembre  1&06,  sa 
femme ,  la  reine  Marie.  Pressé  de  se  remarier,  après 
la  mort  de  finfant  don  Martin  ,  par  ses  conseillers,  qui 
redoutaient  pour  le  pays  le  conflit  de  tant  d'ambitions 
rivales,  il  s'en  était  longtemps  défendu  sur  ses  infir- 
mités, qui  le  rendaient  peu  propre  à  un  nouvel 
hymen;  mais,  vaincu  enfin  par  leurs  instances,  U  ne 
fit  que  hâter  par  là  le  terme  de  ses  jours. 

Dans  l'impossibilité  d'avoir  des  héritiers  directs,  le 
roi  d'Aragon  aurait  désiré  de  faire  arriver  la  couronne 
sur  la  tête  de  l'infant  Frédéric,  l'ainé  de  deux  enfants 
naturels  qu'avait  laissés  son  fils,  et  sur  qui  s'était  re- 
portée toute  sa  tendresse  ;  mais  un  projet  de  cette 
nature  devait  nécessairement  rencontrer  d'insurmon- 
tables oppositions,  dans  un  moment  où  les  procureurs 
des  divers  prétendants,  issus  dun  lignage  légitime, 
s'efforçaient  aupr^s  de  lui  de  faire  prévaloir  les  droits 
ou  les  titres  de  leurs  commettants.  Cependant,  dans 
la  vue  de  faire  naître  quelque  chance  favorable  à  son 
idée  favorite ,  au  milieu  du  choc  de  tant  de  diiférentes 
prétentions,  et  afin  d'éparj^ner  à  ses  sujets  les  maux 
que  ne  pouvaient  man(|uer  d'attirer  sur  eux  après  sa 
mort  ces  prétentions,  appuyées  chacune  par  un  parti 
plus  ou  moins  puissant ,  il  se  décida  à  faire  examiner 


CHAPITRE    DEUXIEME.  31 

les  titres  des  différents  compétiteurs,  dans  une  assem- 
blée de  jurisconsultes.  Les  suf&agesde  cette  assemblée 
ayant  été  favorables  au  comte  d'Ui^el,  Martin  dut 
accorder  à  ce  prince  le  titre  d^administrateur  général 
du  royaume,  qui  appartenait  à  Théritier  présomptif 
de  la  couronne.  Mais  ni  le  cœur  du  roi  ni  celui  des 
peuples  n étaient  pour  Jacques;  les  corps  de  Tétat 
s*élevèrent  contre  lui,  et  le  justicia  sortit  de  Sara- 
gosse  pour  ne  pas  admettre  son  serment,  formalité 
indispensable  pour  l'exercice  de  sa  prérogative. 

Martin  mourut  le  3i  mai  i&io,  à  ïàee  de  cin-  '^*''' 
quante-deux  ans.  Sollicité  de  déclarer,  avant  de  mou* 
rir,  à  qui  il  laissait  la  couronne,  sa  seule  réponse  fut  : 
«  A  quiy  a  droit.  »  On  a  dit,  et  avec  raison ,  que  ce  refus 
de  désigner  son  successeur  n'avait  pas  répondu  au 
reste  de  sa  vie,  tout  employée  au  bonheur  de  son 
peuple,  et  que  son  silence  plongeait  l'Aragon  dans 
toutes  les  horreurs  de  Tanarchie  qu'il  avait  d'abord 
voulu  lui  éviter  ;  cependant  cette  détermination  n'était 
pas  sans  excuses.  Martin  savait  très-bien  que  les  pré- 
tentions des  princes  qui  se  disputaient  son  héritage 
ne  s'éteindraient  pas  devant  le  choix  qu'il  ferait  de 
l'un  d'eux.  La  tendresse  qu'il  avait  pour  son  petit-fils 
l'empêchant  aussi  de  désigner  tout  autre  que  lui  pour 
lui  succéder,  il  était  trop  assuré  que  ni  le  comte  d'Or- 
gel,  ni  les  petits-neveux  de  don  Pèdre  ne  laisseraient 
pas  arriver  sans  une  violente  opposition  la  couronne 
sur  la  tète  d'un  prince  que  sa  naissance  frappait  d'illé- 


52  LIVRE   TROISIÈME, 

gitimitc.  Prévoyant  donr  que»  quel  que  fût  le  vœu 
qu'il  exprimerait,  des  déchirements  politiques  étaient 
inévitables  après  sa  mort ,  il  crut  ne  devoir  favoriser 
aucun  des  prétendants  légitimes,  de  son  propre  suf- 
frage ,  afin  de  no  pas  donner  entièrement  Texclusion  à 
celui  que  son  cœur  aurait  choisi. 

Martin  avait  à  peine  les  yeux  fermés,  que  déjà 
cbacim  s  agitait  dans  le  royaume  pour  faire  triompher 
le  prince  qu  il  désirait  de  voir  sur  le  pavois.  Le  comte 
d*Urgel,  mettant  plus  de  confiance  dans  la  force  des 
armes  que  dans  celle  de  son  droit,  entra  à  main  ar- 
mée dans  TAragon,  qu'il  avait  déjà  ensanglanté  du 
vivant  de  Martin ,  et  qu'il  ménag  a  encore  moins  alors. 
Les  corts ,  qui  devaient  décider  cette  grande  question , 
s'étaient  réunies  à  Calatayud.  Après  de  longues  con- 
férences et  d'orageuses  discussions,  il  fut  convenu 
qu'un  certain  nombre  de  commissaires  des  trois  pro- 
vinces d'Aragon,  Catalogne  et  Valence,  réunis  en 
congrès  à  Alcaniz,  trancheraient  la  difficulté  en  éU 
>A<<-  sant  eux-mêmes  le  futur  roi.  Les  députés  de  Perpi- 
gnan, à  cette  assemblée,  furent  Pierre  de  Grimau  et 
JeandeRivesaltes,  citoyens  de  la  main  majeiu^e.  Cette 
résolution  des  corts,  qui  se  débarrassaient  sur  une 
autre  assemblée  de  ce  qu  elles  ne  pouvaient  ou  ne 
voulaient  pas  terminer  elles-mêmes ,  ne  fit  qu'ajouter 
aux  maux  du  pays,  en  donnant  un  nouvel  essor  aux 
factions  et  jetant  d'autres  gennes  de  division  entre  les 
citoyens.  Alors  la  guerre  civile  vint  tout  compliquer, 


CHAPITRE   DEUXIEME.  33 

et  multiplier  les  désastres  déjà  produits  par  les  bandes 
armées  du  comte  d'Ui^d  :  le  pays  fut  couvert  de  sang 
et  d'incendies.  L'archevêtjue  de  Saragosse,  Tun  des 
plus  chauds  meneurs  de  la  faction  Urrea ,  périt  de  la 
main  d'Antoine  de  Luna ,  chef  de  la  faction  opposée , 
et  qui  tenait  poiu*  le  comte  d'Ui^el. 

L'in£mt  de  Castille,  dont  les  prétentions  avaient 
l'avantage  d'être  appuyées  par  tout  ce  qui  ne  tenait 
pas  aux  deux  maisons  qui  avaient  pris  le  rôle  princi- 
pal dans  la  guerre  civile ,  prétentions  qui  se  trouvaient 
ainsi  soutenues  par  le  plus  grand  nombre,  si  elles  n'é- 
taient pas  les  mieux  fondées ,  avait  fait  entrer  en  Ara- 
gon quinze  cents  lances  pour  combattre  Antoine  de 
Luna,  en  prenant  pour  prétexte  l'assassinat  de  l'ar- 
chevêque de  Saragosse.  L'arrivée  de  ces  forces  fa- 
vorisa la  réunion  du  congrès  d'Alcaniz,  qu'avaient 
empêchée  jusque-là  les  déchirements  des  partis. 

Il  en  fiit  de  ce  congrès  comme  des  corts.  Trop  nom-  ui» 
breux  pour  pouvoir  s'entendre,  ceux  qui  le  compo- 
saient convinrent  enfin  de  confier  la  solution  de  cet 
important  problème  à  neuf  juges ,  pris  parmi  les  prélats 
et  les  grands  seigneurs  du  royaume.  Ces  neuf  juges, 
dont  la  création  avait  été  décidée  par  le  congrès ,  sur 
la  proposition  d'une  commission  de  quatorze  mem- 
bres, devaient  se  réunir  à  Caspé,  et  terminer  leur 
travail  dans  l'espace  de  deux  mois,  s'il  était  possible, 
mais  avec  la  faculté  de  pouvoir  cependant  prolonger 

leur  session  de  deux  mois  de  plus,  s'il  en  était  besoin. 
11.  3 


34  LIVRE   TROISIÈME. 

Leur  choix  devait  porter  sur  Tun  des  candidats  inscrits 
sur  une  liste  dressée  par  cette  même  commission  ;  ces 
candidats  étaient  : 

Le  fiis  aine  du  duc  d* Anjou,  roi  do  Naples,   et 
d'Yolande  d'Aragon  ; 

Linfant  don  Fernand  de  Castille; 

Don  Alonze ,  duc  de  Gandie  ; 

Don  Frédéric  d'Aragon; 

Don  Jacques,  comte  d'Urgel. 

Quant  à  la  nomination  de  ces  neuf  juges,  la  con- 
fiance générale  que  s'étaient  acquise  don  Gil  Ruiz  de 
Lihori,  gouverneur  d'Aragon,  et  Jean  Ximenes  Cer- 
dan,  justicia  du  royaume,  la  leur  fit  déférer  unanime- 
ment ,  et  leur  choix  ne  trouva  en  effet  aucun  contra- 
dicteur. Ces  juges  furent,  pour  la  province  d'Aragon, 
Domingo  Ram,  évêque  de  Huesca,  François  d'Aranda 
et  Bérenger  de  Bardaxi  ;  pour  la  province  de  Catalogne, 
Pierre  de  Sagarriga,  archevêque  de  Tarragone,  Guil- 
laume de  Valseca  et  Bernard  de  Gualbes;  pour  la 
province  de  Valence,  Boniface  Ferrer,  Vincent  Ferrer, 
canonisé  après  sa  mort,  et  Gines  Rabaça.  Ce  dernier 
ne  prit  point  part  à  l'élrction  :  soit  que,  pour  s'abs- 
tenir d'émettre  son  avis  dans  une  question  aussi  graye, 
il  en  eût  pris  le  prétexte,  soit  que  véritablement  son 
âge  avancé  eût  fait  chanceler  sa  raison  devant  la  gravité 
même  de  la  question,  il  fut  réclamé  par  son  gendre 
comme  frappé  subitement  d'aliénation  d'esprit'.  Les 

*  Mariana,  Ferreras, Zurita. 


Fanund  I. 


CHAPITRE   DEUXIEME.  55 

huit  autres  juges,  après  avoir  ouï  les  plaidoiries  des 
avocats  de  chacun  des  prétendants  et  débattu  leurs 
titres  respectifs,  se  réunirent  enfin  en  faveur  de 
rinfant  de  Castille,  qui  fut  aussitôt  proclamé  roi 
d'Aragon.  Benoit  XIII,  qui  se  trouvait  alors  à  Caspé, 
et  dont  la  faveur  couvrait  don  Femand,  ne  con- 
tribua pas  peu  à  influer  sur  ce  choix.  Ce  fut  le 
a 8  juin  que,  par  cette  décision  des  juges  souverains, 
cessa  rinterrègne  qui  pendant  deux  ans  avait  fait  peser 
tant  de  maux  sur  le  royaume  d'Aragon. 

Au  milieu  des  vives  et  sang^tes  discussions  qui       ui> 
venaient  d'avoir  lieu  durant  ce  temps  d'anarchie,  le 
roi  de  France,  qui  s'intéressait  pour  Yolande,  et  qui 
craignait  l'influence  des  forces  castillanes  que  don 
Femand  venait  de  faire  entrer  en  Aragon,  avait  fait 
demander  leur  renvoi  par  le  duc  de  Vendôme,  son 
ambassadeur  près  du  congrès  d'Alcaniz;  mais  il  oflSrait 
en  même  temps  le  secours  des  lances  firançaises,  ce 
qui  n'aurait  fait  que  changer  la  nature  de  l'influence 
armée.  Avant  même  de  savoir  si  cette  proposition 
serait  acceptée ,  le  maréchal  de  Boucicaut  s'était  rap- 
proché de  la  frontière ,  à  la  tête  d'un  certain  nombre 
de  lances,  et  la   reine  de  Napies,   Yolande,  avait 
envoyé  de  Tarascon,  où  elle  se  trouvait,  ime  réquisi- 
tion à  Raymond  de  Sagarriga,  gouverneur  de  Rous- 
sillon ,  pour  qu'il  eût  à  traiter  les  Français  en  amis  et 
leur  livrer  passage  à  travers  son  gouvernement.  Sagar- 
riga,  ne  pouvant  déférer  à  une  sommation  émanée 

3. 


36  LIVRE  TROISIÈME. 

d*une  main  sans  titre  pour  la  signer,  avait  transmis 
cet  écrit  à  Barcelone,  et,  en  réponse,  le  vicomte  de 
Perellos,  capitaine  général  de  Perpignan,  avait  reçu 
Toixlre  de  repousser  par  la  force  toute  tentative  du 
maréchal. 

Boucicaut  renouvela,  au  mois  de  juin,  la  demande 
d'être  admis  en  Aragon,  pour  appuyer  la  récusation 
faite  par  le  roi  de  France  et  la  reine  Yolande  de  quatre 
des  neuf  juges,  et  il  somma  le  même  gouverneur,  au 
nom  de  ces  deux  personnages  et  en  celui  des  ducs  de 
Guyenne  et  de  Boui^ogne ,  et  de  quelques  autres  mem- 
bres de  la  maison  royale  de  France,  de  lui  donner 
passage,  à  lui  et  à  ses  gens  ^  Des  hostilités  auraient 
probablement  suivi  un  nouveau  refus,  si  la  con- 
naissance de  l'élection  de  Tinfant  de  Castille  n'était 
venue  anéantir  toutes  les  prétentions  collatérales. 
Boucicaut  se  retira,  et  Charles  VI  se  trouva  très- 
heureux  que  le  nouveau  roi  d'Aragon  renouvelât 
avec  lui  l'ancien  traité  d'alliance  qui  existait  entre 
les  deux  couronnes.  En  effet ,  don  Femand  était  pressé 
par  le  roi  d'Angleterre  de  s'unir  avec  lui  contre  la 
France. 

Le  caractère  d'un  prince ,  ses  vertus ,  ses  vices  ou 
ses  défauts  n'entrent  guère  dans  la  balance  où  se  pèsent 
le  bonheur  des  peuples  ou  les  destinées  des  nations. 
Si  ces  considérations,  d'une  si  mince  valeur  dans  les 
calculs  de  la  politique,  mais  d'un  si  haut  intérêt  pour 


CHAPITRE   DEUXIÈME. 

1  amélioration  du  sort  des  gouvernés,  avaient  dû  in- 
fluer en  quelque  chose  sur  le  choix  à  faire  pour 
remplir  le  trône  d'Aragon,  assurément  aucun  des  pré- 
tendants qui  s'en  disputaient  la  possession  n'y  aurait 
eu  plus  de  droits  que  cet  infant  de  Gastille,  sur  qui 
porta  le  suflrage  des  juges  souverains  réunis  à  Caspé. 
Ce  prince ,  dont  le  nom  ne  peut  se  séparer  du  sur- 
nom de  Juste,  que  la  flatterie  contemporaine  ne  don- 
nait pas  alors  aux  rois,  de  leur  vivant,  était,  de  tous 
ses  concurrents,  le  plus  digne  de  porter  la  couronne  : 
malheureusement  son  règne  fut  trop  cotut. 

Le  Roussillon  et  la  Cerdagne,  attirant  la  sollicitude 
du  nouveau  roi  dès  son  avènement  au  trône,  durent  à 
ce  prince  une  ordonnance  qui  montre  à  quels  abus  ces 
deux  comtés  ne  cessaient  d'être  en  proie.  L'indigent 
qui  n'avait  pas  de  quoi  payer  aux  scribes,  aux  chan- 
celiers et  aux  huissiers  des  cours,  ou  aux  geôliers  et 
aux  concierges  des  prisons,  les  émoluments  ou  les 
exactions  qu'ils  en  exigeaient,  se  présentait  vainement 
pour  réclamer  la  protection  de  la  loi,  il  ne  pouvait 
arriver  jusqu'au  sanctuaire  de  la  justice,  ou  bien  on  le 
retenait  iiidûment  en  prison,  après  l'expiration  du 
terme  de  sa  peine.  Informé  de  ces  désordres,  Femand 
défendit  de  rien  exiger  des  pauvres  vrais  et  non  feints , 
ou  de  les  laisser  en  prison  au  delà  du  temps  prescrit  par 
leur  condanmation,  et  il  modéra  à  quatre  deniers  le 
prix  des  citations  qu'on  leur  faisait  payer  le  doublet 

*   Arch.  Dom. 


38  LIVRE   TROISIÈME. 

Ce  prince  renouvela  les  ordonnances  de  Jayine  II  et 
d*Âlphon$e  IV  contre  les  jeux  de  hasard,  qui  étaient 
une  des  plaies  du  Roussiiion;  il  éleva  à  cinq  cents 
sous  lamcnde  que  Jayme  avait  fixée  k  dix  livres 
contre  le  joueur,  et  changea  en  un  mois  de  prison  les 
coups  de  fouet  que  i  ancienne  ordonnance  infligeait 
à  ceux  qui  n'étaient  pas  solvables.  Femand  voulut  de 
plus  que  toute  personne  tenant  un  office  du  gouver- 
nement, qui  tolérerait  ces  jeux  ou  les  tiendrait  dans 
sa  propre  maison,  (di  exilée  pour  trois  ans,  après 
avoir  préalablement  payé  cinquante  livres  au  trésor 
royal*. 
uic.  Le  vertueux  don  Femand  mourut  des  tourments 

de  la  pierre ,  k  Tâge  de  trente-sept  ans ,  le  i  avril  i  &  1 6, 
à  Igualada ,  où  il  avait  été  forcé  de  s'arrêter  en  allant 
en  Castille  pour  engager  le  roi  de  ce  pays  à  renoncer 
à  Tobédience  de  Benoit  XIII. 

Ce  pseudo-pontife,  à  qui  Martin,  comme  on  Ta 
vu,  avait  assigné  pour  résidence  le  chflteau  de  Per 
pignan,  avait  convoqué  dans  cette  ville,  pour  le  jour 
de  la  Toussaint,  i/io8,  un  concile  dont  l'ouverture 
fut  retardée  jusqu'au  ua  novembre.  L'objet  de  cette 
assemblée,  qui  se  tint  dans  l'église  de  la  Real,  et  à 
laquelle  assistèrent  cent  vingt  prélats,  tant  espagnols 
que  français  et  savoyards,  ainsi  que  le  roi  de  Navarre, 
était  de  chercher  les  moyens  de  rendre  la  paix  k 
l'église. 

>  Omstit.  de  Cota/ 


CHAPITRE   DEUXIEME.  39 

Deux  conciles  se  trouvaient  réunis  dans  le  même 
temps  :  celui  de  Benoit  XIII  à  Perpignan ,  celui  du 
pontife  de  Rome  à  Pise.  Le  concile  de  Perpignan  pro- 
posa à  son  chef  spirituel  d'envoyer  des  députés  à 
lautre  concile,  pour  convenir  avec  les  prélats  qui  le 
composaient  d'un  lieu  où  les  deux  assemblées  pussent 
se  fondre  en  une  seule ,  afin  de  travailler  en  commun 
à  ce  qui  faisait  lobjet  des  vœux  de  tous;  mais  Benoit, 
qui  ne  voulait  la  paix  de  l'église  que  tout  autant  qu*il 
conserverait  la  tiare ,  refusa  de  prêter  les  mains  à  cet 
arrangement.  Sa  détermination ,  si  contraire  aux  vœux 
des  membres  du  concile ,  jetant  la  confusion  dans  cette 
assemblée ,  elle  se  sépara  sans  rien  arrêter  ;  presque 
tous  les  prélats  se  retirèrent ,  et  il  n'en  resta  guère  plus 
de  vingt  auprès  du  pape  de  Perpignan.  Le  7  du  mois 
de  mars  de  l'année  suivante,  1A09,  Benoit  ayant 
réuni  de  nouveau  dans  la  chapelle  du  château  royal , 
qui  était  son  palais,  les  vingt-deux  évêques  restés 
fidèles  à  sa  cause ,  et  leur  résolution  se  trouvant  encore 
la  même  que  celle  de  l'assemblée  générale ,  ce  pontife 
consentit  à  ce  que  sept  d'entre  eux  se  rendissent  k 
Pise,  pour  reconnaitre  les  conditions  auxquelles  on 
voulait  mettre  la  cessation  du  schisme.  Ces  conditions 
ne  pouvaient  être  du  goût  de  l'ambitieux  vieillard  : 
l'un  et  l'autre  pontife  devait  renoncer  à  sa  dignité, 
pour  que  l'élection  d'un  troisième  pût  réunir  toutes 
les  consciences  et  éteindre  tous  les  dissentiments.  Le 
pape  de  Rome,  Grégoire  XII,  qui  n'avait  été  élu  qu'à 


tiO  LIVRE   TROISIEME. 

celte  condition ,  n^hésita  pas  à  remplir  sa  promesse  ; 
mais  celui  de  Perpignan  voulait  absolument  régner  : 
le  schisme  continua. 

Benoit  avait  beaucoup  fait  pour  le  roi  don  Femand , 
qui  lui  devait ,  en  quelque  manière ,  le  trône  d* Aragon. 
Lié  par  la  reconnaissance  aux  intérêts  de  ce  pontife , 
ce  roi  assurait  à  Benoit  lappui  de  toute  sa  puissance. 
Pour  réduire  le  pontife,  il  fallait  donc  commencer 
par  détacher  de  lui  le  monarque  :  c*est  ce  que  sentait 
bien  Tempereur  Sigismond ,  et  ce  qu'il  se  mit  en  de- 
voir d*exécuter.  Une  entrevue  demandée  par  ce  prince 
au  roi  d*Aragon  devait  avoir  lieu  à  Nice,  au  mob  de 
juin  1  &  1 5  ;  mais  Femand  ne  pouvant  faire  alors  un  si 
long  voyage  à  cause  des  douleurs  violentes  que  sa 
maladie  lui  causait,  Sigismond  consentit  à  se  rendre 
lui-même  à  Perpignan,  le  mois  suivant.  La  même 
cause  retenant  encore  le  roi  d* Aragon ,  à  cette  époque, 
ce  ne  fut  qu  au  mois  d*août  qu'il  put  enfin  se  mettre 
en  route  :  il  débarqua  à  CoUioure  le  3 1 ,  et  le  même 
jour  il  vint  à  Perpignan ,  où  il  logea  chez  un  habitant  « 
nommé  Bernard  de  Villacorba  :  Benoit  lavait  devancé 
dans  cette  ville. 

Sigismond,  arrivé  à  Narbonne,  avait  envoyé  des 
ambassadeurs  à  Benoit,  pour  lui  exposer  Tobjet  de  sa 
visite;  et,  sur  la  promesse  que  fit  ce  pontife  de  se 
rendre  aux  vœux  de  Tempereur,  celui-ci  avait  pris  la 
route  de  Perpignan.  Ce  prince  fit  son  entrée  dans  cette 
ville,  le  1 9  du  mois  de  septembre,  et  il  fiit  reçu  avec 


CHAPITRE   DEUXIEME.  41 

toute  la  magnificence  et  les  fêtes  qu*on  pouvait  ima- 
giner dans  ce  temps-là. 

Benoit  avait  promis  ce  qu'il  était  au-dessus  de  ses 
forces  d'exécuter.  Toutes  les  raisons  de  l'empereur  ne 
pouvant  rien  sur  son  esprit,  et  les  pressantes  instances 
de  ce  prince  lui  paraissant  même  une  obsession  im- 
portune, il  chercha  à  s'échapper  furtivement  du  Rous- 
siilon.  Femand  était  alors  si  souf&ant ,  qu'il  ne  pouvait 
pas  même  signer  ses  dépêches  ;  informé  pourtant  des 
tentatives  de  Benoit,  il  fit  défendre  à  ses  galères  et 
aux  capitaines  des  ports  de  laisser  sortir  aucun  navire 
sans  sa  permission. 

Le  mois  de  novembre  était  déjà  conunencé,  et  Si- 
gismond  voyait  qu'il  perdait  son  temps  auprès  d'un 
vieillard  obstiné  :  il  commanda  son  départ  pour  le  7 . 
Sur  ces  entrefaites,  arriva  à  Perpignan  Jean  de 
Grailli ,  comte  de  Foix ,  qui  tenait  aussi  l'obédience  de 
Benoit.  Jean  ne  put  être  admis  dans  le  monastère 
qu'on  avait  donné  pour  logement  à  l'empereur,  parce 
que  ce  prince  était  dans  les  embarras  du  déménage- 
ment ;  mais  Sigismond  alla  le  voir  lui-même,  armé  de 
pied  en  cap  et  à  la  tête  de  toute  sa  cour,  et,  à  la  suite 
de  cette  visite,  il  partit  sans  prendre  congé  du  roi 
d* Aragon ,  contre  qui  il  était  piqué ,  parce  que  ce  mo- 
narque n'avait  pas  mis,  selon  lui,  toute  l'ardeur  pos- 
sible à  le  seconder.  Fernand ,  en  apprenant  ce  départ 
précipité ,  fit  courir  quelques  chevaliers  sur  les  traces 
de  l'empereur,  pour  l'inviter  à  s'an'êter  à  Salses,  pre- 


h2  LIVRE   TROISIEME, 

nant  rengagement  de  redoubler  d'efforts  pour  amener 
Benoit  k  abdiquer  sa  puissance ,  à  défaut  de  quoi  il 
renoncerait  lui-même  à  son  obédience.  Sigismond 
consentit  à  passer  encore  quelque  temps  à  Narbonne. 
Femand  tint  parole ,  et  Benoit ,  pour  se  débarrasser 
de  ses  poursuites,  quitta  Perpignan  le  i&  du  même 
mois ,  faisant  dire  au  roi  d*Aragon  quil  s*en  allait  à 
Collioure,  et  qu'il  pouvait  ordonner  de  lui  tout  ce  qu*il 
lui  plairait.  Femand,  quitte  alors  envers  Tobstiné 
vieillard  de  tout  ce  qu'il  avait  fait  dans  son  intérêt, 
cessa  de  le  reconnaître  pour  chef  de  l'église ,  et  se  mit 
en  route  pour  Igualada ,  où  il  mourut. 

L'acte  de  cessation  d'obédience  se  fit  avec  beau- 
coup de  solennité,  à  Perpignan,  le  6  janvier  1&16, 
ainsi  que  l'avait  prescrit  Femand  par  son  ordonnance 
du  3 4  décencibre  précédent.  Bientôt  Benoit,  déclaré 
schismatique  et  hérétique  par  le  concile  de  Constance , 
et  encourant  alors  le  titre  d'anti-pape ,  se  retira  k  Pe- 
niscola ,  où  il  mourut  dans  son  obstination ,  en  '1  &2  &. 

Pendant  son  séjour  k  Perpignan,  Femand  re^t 
deux  ambassadeurs  du  roi  d'Angleterre ,  qui ,  sous  la 
mission  apparente  d'interposer  les  bons  offices  de  ce 
prince  en  faveur  du  rétablissement  de  la  paix  de  Té- 
glise ,  étaient  chargés  de  demander  pour  Henri  V  la 
main  de  l'infante  Marie ,  fille  aînée  du  roi  d'Aragon. 
L alliance  du  roi  d'Angleterre  flattait  Femand,  mais 
sa  fille  était  promise  au  roi  de  Castille  :  il  laissa  k  cette 
princesse  la  liberté  de  choisir  elle-même  entre  les 


CHAPITRE   DEUXIÈME.  43 

deux  prétendants  couronnés.  Dans  le  cas  oii  Marie 
aurait  donné  la  préférence  au  roi  d'Angleterre,  Fer- 
nand  aurait  fait  en  sorte  de  faire  accepter  au  roi  de 
CastiUe  la  main  d*Eléonore,  la  seconde  de  ses  fdles; 
mais  Marie  ne  balança  pas  :  se  regardant  comme  en- 
gagée au  roi  de  Castille ,  elle  se  déclara  pour  lui. 

C'est  sous  le  règne  de  Femand,  ou  Ferdinand  I, 
qu*eut  lieu,  en  Catalogne ,  l'institution  de  l'office  de  la 
dépatation. 

Comme  les  autres  provinces  du  royaume ,  la  Cata- 
Ic^ne  avait  ses  corts,  composées  des  trois  ordres,  qui; 
dans  toute  l'Espagne,  sont  désignés  sous  le  nom  de 
bras.  Les  prélats  et  les  abbés  formaient  le  bras  ecclé- 
siastique, les  nobles  et  chevaliers  formaient  le  bras 
militaire,  et  les  députés  des  villes  dont  le  roi  était 
seigneur,  formaient  le  bras  royal.  Ces  corts  ne  pou- 
vaient se  tenir  que  sous  la  présidence  du  roi,  et,  par 
constitution  de  don  Pèdre  II ,  le  roi  devait ,  autant  que 
possible,  les  tenir  une  fois  l'an.  EUes  pouvaient  être 
convoquées  dans  quelque  ville  que  ce  fût,  pourvu  que 
la  popijdation  s'en  élevât  au  moins  à  deux  cents  feux , 
et  Perpignan  les  avait  vues  plusieurs  fois  se  féunir 
dans  ses  murs.  Les  opérations  de  ces  assemblées 
étaient  publiées  dans  l'église  principale  de  la  ville  où 
elles  s'étalent  tenues ,  immédiatement  après  la  clôture 
de  leur  session.  Les  coi^ts  de  Catalogne  voulant  avoir 
un  syndicat  qui,  en  leur  absence,  pût  s'occuper  des 
affaires  appartenant  à  leurs  attributions,  et  exercer 


44  LIVRE   TROISIÈME. 

pendant  ce  temps  lautorité  dont  elles  étaient  inves- 
ties elles-mêmes,  arrêtèrent,  en   i4i3,  qu*il  serait 
nommé  trois  procureurs  généraux ,  pris  un  dans  chaque 
bras,  et  dont  les  fonctions  seraient  triennales;  ces 
trois  procureurs   généraux,   qui    portaient  le   nom 
de  députés,  devaient  résider  à  Barcelone   et  rece- 
voir chacun  le  même  traitement.  Telle  fut  Torigine 
de  cet  office   de  la  députation,   que  nous  verrons 
jouer  un  rôle  important  dans  les  affaires  de  la  pro- 
vince. 
AipiMDM  V.        Alphonse  V,  fils  aîné  de  Fernand  J ,  succéda  à  son 
père.  Ce  prince  illustra  son  règne  par  de  vastes  con- 
naissances qui  lui  firent  donner  le  surnom  de  Savant  \ 
et  par  des  expéditions  belliqueuses  qui  lui  acquirent 
celui  de  Magnanime.  Sa  maxime  était  qu*un  prince 
ignorant  n*est  guère  au-dessus  d'un  âne  couronné. 
Alphonse  consuma  sa  vie  presque  entière  dans  les 
longues  guerres  qu'il  fit  en  Italie  pour  conquérir  la 
couronne  de  Naples ,  pierre  d*achoppement  des  mai- 
sons royales  de  France  et  d'Aragon  »  pendant  les  xii , 
XJH,  XIV»  XV  et  XVI*  siècles;  mais  son  royaume  ne  souf- 
frit pas  de  son  éloignement  :  Alphonse  était  bien  sup- 
pléé par  la  reine,  sa  femme,  Marie  II,  fille  d'Henri, 
roi  de  Castille,  princesse  douée  de  toutes  les  qualités 
qui  font  un  bon  monarque,  et  dont  elle  eut  plus  d'une 
fois   loccasion  de  donner  des  preuves,  durant  les 
quina^  années  qu'elle  administra  le  royaume. 

'  Le  mot  sabio,  «igniGc  f  galfmfnt  Mge  et  savant. 


CHAPITRE   DEyXIÈME.  45 

.\lphonse  ne  quitta  TAragon  qu'en  i  /I20,  époque  à  i^'o. 
laquelle  la  reine  de  Naples,  Jeanne  II ,  Tappela  auprès 
d  elle.  C  est  alors  qu  il  institua  la  reine  Marie  son 
lieutenant  général,  pour  gouverner  ses  états  en  son 
absence  et  en  celle  des  deux  infants,  ses  frères,  qui 
partaient  avec  lui. 

La  couronne  de  Naples  allait  mal  à  la  tête  des 
femmes.  On  sait  de  quelles  calamités  (ut  accompagné 
pour  ce  pays  le  règne  de  Jeanne  I;  celui  de  Jeanne  II 
ne  lui  fut  pas  moins  funeste. 

Cette  princesse,  dont  le  second  époux,  Jacques  de 
Bourbon,  abreuvé  par  elle  de  dégoûts,  venait  de  se 
retirer  en  France,  où  il  prit  Thabit  monastique  de 
saint  François,  se  voyant  attaquée  par  Louis  III  d'An- 
jou, son  compétiteur  au  trône,  et,  comme  sa  devan- 
cière, cherchant  partout  un  appui,  avait  adopté  et 
désigné  pour  son  héritier,  Alphonse,  roi  d'Aragon  et 
de  Sicile,  qui  s'était  empressé  de  lui  envoyer  des  se- 
cours. S'embarquant  ensuite  lui-même  à  Barcelone , 
ce  prince  avait  tenté,  mais  vainement,  d'enlever,  en 
passant,  l'île  de  Corse  aux  Génois,  et  il  était  descendu 
dans  les  états  de  Naples ,  où  il  avait  obtenu  quelque 
succès  dans  les  années  1  /il  1  et  1 6^2.  Mais  ces  sucx^ès 
mêmes ,  causant  de  l'inquiétude  à  l'ombrageuse  reine , 
que  dirigeait  Caracioli,  son  grand  sénéchal,  elle  en- 
tra en  arrangement  avec  Louis  d'Anjou ,  pour  l'op- 
poser au  monarque  qu'elle  avait  appelé.  Une  vive 
mésintelligence  devait  suivre  une  conduite  si  offen- 


k6  LIVRE   TROISIÈME. 

sanie  pour  TAragonnais,  et  mener  inévitablement  à  des 
hostilités.  Jeanne,  assiégée  dans  le  château  de  Ca- 
poue,  fut  délivrée  par  François  Sforce ,  et,  cédant  aux 
sollicitations  de  Tintngant  Caracioli,  elle  révoqua  l'a- 
doption d'Alphonse,  à  qui  elle  substitua  ce  même 
Louis  d* Anjou,  contre  qui  elle  Tavait appelé. 

La  guerre  entre  Alphonse  et  Jeanne  dura  jusqu'en 
1 433.  A  cette  époque,  le  roi  d* Aragon  se  réconciliant 
avec  cette  princesse,  elle  annula,  par  lettres  secrètes 
du  Ix  avril ,  Tadoption  de  Louis ,  et  rétablit  Alphonse 
dans  les  droits  qu  elle  lui  avait  donnés.  Mais  Tincotis- 
tance,  qui  faisait  le  fond  du  caractère  de  cette  reine, 
ne  tardant  pas  à  la  faire  changer  encore  de  sentiments, 
elle  rappela  une  seconde  fois  le  duc  d*Anjou,  qui 
mourut  bientôt  après.  Jeanne  succomba  elle-même, 
le  2  février  1 43&,  laissant  définitivement  son  sceptre 
et  ses  états  à  René  d* Anjou,  surnommé  le  Bon,  finère 
de  Louis. 
ii3 \.  Alphonse ,  ballotté  par  la  reine  de  Naples  qui  venait 

enfm  de  le  priver  de  sa  succession ,  avait  un  fort  parti 
dans  le  royaume ,  qui  avait  toujours  repoussé  la  do- 
mination française.  Invité  à  revenir  tenter  la  fcHtune, 
il  débarqua  près  de  Gaète ,  dont  il  entreprit  le  si^. 
C*est  sous  cette  place  qu*il  eut  occasion  de  ùiït 
éclater  toute  la  beauté  de  son  àme.  Le  gouverneur  en 
avait  expulsé  toutes  les  bouches  inutiles;  Alphonse 
les  recueillit  dans  son  camp,  disant  qu'il  n'était  pas 
venu  faire  la  guerre  aux  femmes  et  aux  enfants,  mais 


CHAPITRE    DEUXIÈME.  kl 

à  des  gens  capables  de  se  défendre ,  mettant  ainsi  en 
action  sa  devise,  pro  lege  et  grege;  et  comme  on  le 
blâmait  de  cette  générosité  qui  pouvait  tourner  k  son 
désavantage:  uj^aimerais  mieux,  s'écria-t-il ,  n'avoir 
«jamais  la  ville,  que  de  Tacquérir  au  prix  de  la  vie  de 
u  tant  de  malheureux!  » 

Une  conduite  aussi  noble  n*eut  pas  la  récompense 
qu  elle  méritait.  Â  l'apparition  d'une  flotte  génoise , 
qui  venait  au  secours  de  la  place,  Alphonse  voulut 
aller  la  combattre,  et  il  conunit  une  grande  faute.  Les 
Génois  étaient  tous  marins ,  et  les  Aragonnais  étaient  si 
étrangers  à  la  navigation ,  qu'ils  avaient  de  la  peine  k 
se  tenir  debout ,  dans  les  mouvements  des  navires  ; 
aussi  les  premiers  n'eurent  k  cueillir  qu'une  palme 
facile.  Malgré  des  prodiges  de  valeur  personnelle, 
i\lphonse,  dont  la  galère  était  entourée  de  vaisseaux 
ennemis,  et  qui  avait  manqué  d'être  tué,  d'abord  par 
la  chute  d'une  antenne ,  dont  l'amiral  génois ,  Spinola , 
avait  fait  couper  les  drisses,  et  qui ,  en  tombant,  avait 
écrasé  plusieurs  personnes  autour  de  lui,  ensuite  par 
le  vent  d'un  boulet  de  canon  qui  l'avait  renversé  sans 
l'atteindre  ;  Alphonse ,  apprenant  que  sa  galère ,  percée 
i  jour  et  faisant  eau  de  toute  part,  était  près  de  s'enfon* 
cer,  rendit  son  épée  à  Jacques  Justiniani,  gouverneur 
de  Scio,  qui  se  trouvait  k  bord  de  l'amiral  génois.  Ce 
combat  mémorable  se  donna  le  5  du  mois  d'août. 
Avec  Alphonse  furent  faits  prisonniers  les  infants 
don  Juan  et  don  Henri,  ses  frères,  le  prince  de  Ta- 


lAS.S. 


kS  LIVRE  TROISIÈME. 

rente,  le  duc  de  Sessa  et  une  foule  d'autres  per- 
sonnes de  la  première  distinction. 

Le  roi  captif  avait  été  conduit  auprès  du  duc  de 
Milan  :  il  n'eut  pas  de  peine  à  persuader  à  ce  prince 
que  des  efforts  pour  soutenir  un  roi  français  sur  le 
tronc  de  Naples  étaient  de  sa  part  un  acte  impolitique 
qui  devait  tôt  ou  tard  occasionner  sa  ruine.  Les  Fran- 
çais ,  ime  fois  établis  au  fond  de  Tltalie ,  ne  pouvaient 
manquer  de  vouloir  en  dominer  le  reste ,  et ,  placé  le 
plus  près  d*eux,  ce  serait  lui  qui  serait  le  premier 
subjugué ,  et  qui  porterait  ainsi  la  peine  de  son  im- 
prévoyance. Le  duc  Visconti,  frappé  d*un  raisonne- 
ment qui  ouvrait  ses  yeux  aux  dangers  de  sa  position , 
rendit  gratuitement  la  liberté  au  roi  et  k  ceux  qui 
avaient  été  pris  avec  lui,  et  il  conclut  avec  Alphonse 
un  traité  d*alliance  offensive  et  défensive. 

L*im  des  premiers  actes  de  la  liberté  d'^phonse 
fut  de  donner  la  lieutenance  générale  du  royaume  à 
son  frère ,  don  Juan ,  qui  portait  le  titre  de  roi  de  Na- 
varre, et  à  qui  cette  dignité  revenait  de  droit  comme 
au  futur  héritier  de  la  couronne ,  le  roi  n'ayant  pas  eu 
d*enfants  de  son  mariage.  Par  cette  nomination  se 
trouva  annulée  celle  de  la  reine  Marie  à  la  même 
dignité. 


CHAPITRE   TROISIEME.  ^i9 


CHAPITRE  III. 

Bonne  administration  de  Marie  II.  —  Hôtel  des  monnaies  à 
Perpignan.  —  Règlements  pour  le  Roussilion.  —  Mort  d* Al- 
phonse et  de  Marie.  —  Juan  II,  roi  d* Aragon,  et  Louis  XI, 
roi  de  France,  —  aussi  fourbes  Tun  que  Tautre.  —  Troubles 
en  Catalogne.  —  Le  prince  de  Viane. 

Deux  reines  du  nom  de  Marie  venaient  d'exercer, 
il  des  époques  assez  rapprochées,  l'office  de  lieute- 
nant général  du  royaume  d'Aragon,  et  toutes  deux 
ont  laissé  les  souvenirs  les  plus  honorables  de  la  sa- 
gesse de  leur  administration.  Le  Roussilion  dut  à  la 
dernière  une  ordonnance  importante  sur  la  liberté  du 
commerce  maritime.  Cette  liberté,  que  les  rois  d'Ara- 
gon ,  Pèdre  III ,  en  i  ^83 ,  et  Alphonse  III ,  en  i  aSg , 
en  leurs  qualités  de  suzerains  du  royaume  de  Majorque , 
avaient  étendue  k  tout  le  littoral  du  comté ,  Martin , 
trompé  par  des  rapports  d'intérêt  particulier,  l'avait 
restreinte  au  seid  •port  de  Collioure.  Marie ,  par  son 
édit  de  i  &t2t2 ,  ordonna  que  les  constitutions  des  deux 
premiers  rois  fussent  fidèlement  observées,  et  que 
toutes  marchandises  arrivant  par  mer  k  la  destina- 
tion du  Roussilion  ou  de  la  Cerdagne  pussent  être 
débarquées  dans  quelque  port  que  ce  fût  du  premier 
comté,  sans  obstacle  et  sans  opposition  ^ 

*  Libro  virid.  maj.  et  min. 

II.  à 


50  LIVRE   TROISIÈME. 

Marie  renouvela  plusieurs  fois,  pour  le  Roussillon, 
les  défenses  de  laisser  jouer  à  aucun  jeu  prohibé.  Dans 
une  ordonnance  rendue  sur  cet  objet,  le  2  juin  1  43îi  , 
par  le  gouverneur  des  deux  comtés ,  on  lit  un  article 
conçu  ainsi  :  a  Item ,  ordonnons  que  si  quelque  reli- 
«  gieux  ou  personne  ecclésiastique  est  trouvée  faisant 
«des  contrats  usuraires,  il  soit  chassé  de  la  ville  et 
«  remis  à  son  supérieur  ^  » 

Quelles  que  iiissent  les  bonnes  qualités  de  Marie, 
elle  était  femme,  et,  à  ce  titre,  n'était  pas  étrangère 
aux  faiblesses  de  son  sexe.  Nous  avons,  du  moins,  la 
preuve  de  sa  passion  pour  la  parure,  et  surtout  pour 
les  broderies.  Alphonse,  ennuyé  des  mémoires  que 
le  brodeur  de  ceUe  princesse  ne  cessait  de  lui  pré- 
senter, se  décida,  pour  nen  plus  entendre  parler,  â 
lui  assigner,  par  acte  du  t2t2  avril  ilx'^b,  une  rente 
viagère  de  cinquante  florins  d*or  d* Aragon ,  à  perce- 
voir sur  les  albergues  de  la  Cerdagne^. 

Le  7  février  1^82  le  bailli  et  les  consuls  de  Per- 
pignan avaient  rendu  conjointement  une  ordonnance 
pour Tarmement  des  citoyens.  «Comme  il  est  conve- 
«nable,  disaient-ils,  que  chacun  ait  des  armes  oflen- 
ci  sives  et  défensives  pour  s'en  servir  au  besoin ,  par 
«  privilège  spécial  du  roi ,  nous  prescrivons  à  tout  chef 
«de  maison  d'avoir  à  l'avenir  à  sa  disposition  au 
«  moins  les  armes  suivantes  :  cuirasse  ou   cotte  de 

*  Lih.  ordin 

•  Preuves,  nMII. 


CHAPITRE   TROISIÈME.  51 

«mailles,  épée,  lance,  pane^  ou  rondelle,  ou  aulre- 
ument,  arbalète  avec  tout  son  appareil,  bacinet  ou 
((Salade,  ou  pot  en  tête  ou  toute  autre  armure  de 
«tête.  »  On  était  tenu  de  se  pourvoir  de  ces  armes 
dans  l'espace  de  quarante  jours,  sous  peine  de  cent 
sous  d'amende ,  sans  rémission.  Une  revue  générale , 
fixée  au  lendemain  de  Pâques ,  devait  donner  aux  con- 
suls l'assurance  que  leurs  ordres  avaient  été  exécutés. 

Cette  mesure,  trop  généralisée ,  eut,  à  ce  qu'il  pa- 
raît ,  des  conséquences  funestes ,  et  la  dernière  année 
du  règne  d'Alphonse,  ces  mêmes  magistrats  durent 
prohiber  certaines  armes  dont  l'emploi  trop  facile  ser- 
vait d'une  manière  dangereuse  les  haines  et  les  inimi- 
tiés privées.  Par  nouvelle  ordonnance  du  27  janvier 
lASy  ils  défendirent  à  toute  personne,  quelle  que 
fut  sa  qualité ,  de  paraître  à  cheval  dans  Perpignan , 
avec  arbalète,  lance,  dard,  plomade^  pierres  ou 
autre  projectile  préjudiciable,  sous  peine  de  perdre  le 
cheval  et  les  armes.  Les  gardes  des  portes  de  la  ville 
étaient  chargés  de  signifier  cette  disposition  aux  per- 
sonnes qui  arrivaient  du  dehors,  et  d'arrêter  celles  qui 
refuseraient  de  déposer  ces  armes  prohibées*. 

Le  besoin  des  richesses  métalliques  faisait  chercher 
avec  grand  soin  les  mines  de  l'ancien  monde,  quand 
Colomb  vint  montrer  les  sources  de  l'or  de  l'autre 

*  Sorle  de  petit  bouclier  écbancré. 

*  Boales  de  plomb  fixées  au  bout  d*une  corde. 

*  Liber  ordinat. 


32  LIVKE   TROISIÈME. 

roté  de  TOcéan.  Les  montagnes  du  Roussillon  et  de  la 
Cerdagne  étaient  alors,  comme  celles  du  reste  de  la 
Catalogne,  l'objet  des  explorations  les  plus  suivies. 
En  1  386  Pèdre  IV  avait  concédé  à  l'église  d'Arles  une 
mine  d'argent,  située  dans  le  ressort  de  sa  juridiction , 
au  lieu  nommé  PuyalduO,  moyennant  une  redevance 
de  mille  sous  de  Barcelone.  Eln  i  ^  1 8  Alphonse  con- 
céda à  Mathieu  de  Podio,  chevalier  et  conseiller  de  sa 
cour,  les  mines  de  tous  métaux  existantes  dans  les 
comtés  de  Roussillon  et  de  Cerdagne.  Le  concession- 
naire, au  moyen  de  l'indemnité  qu'il  aurait  h  donner 
aux  propriétaires  du  sol,  devait  être  garanti  contre 
tout  concurrent,  fût-ce  même  le  propriétaire  de  ce 
sol  :  on  ignore  s'il  trouva  autre  chose  que  le  fer,  si 
abondant  dans  ces  montagnes.  En  i  Ixib  \e  même  roi 
permit  à  quiconque  voudrait  faire  des  recherches  de 
mines,  de  s'y  livrer  librement,  et  d'exploiter  celles 
qu'il  aurait  découvertes,  moyennant  une  redevance 
proportionnée  à  l'abondance  et  k  la  qualité  des  mé- 
taux. Le  taux  de  cette  redevance  était,  d'un  quart  du 
métal,  après  l'aflinage,  pour  les  mines  d'or  et  d'argent 
contenant  deux  marcs  de  ces  métaux  par  cent  livres  de 
minerai  ;  d'un  tiers ,  pour  celles  qui  en  contiendraient 
de  deux  k  cinq  marcs;  de  moitié,  pour  celles  qui  en 
contiendraient  de  cinq  à  dix  marcs;  des  trois  quarts, 
pour  celles  qui  en  contiendraient  de  dix  i'i  quinxe 
marcs.  Les  mines  de  cuivre  devaient  payer  le  sixième 

'   Àrvh    Dom 


CHAPITRE    TROISIÈME.  55 

de  leur  produit,  celles  de  gloinb  le  vingtième,  et  les 
auti'es  h  proportion  ^ 

Alphonse  et  Marie  rendirent  dilTérentes  ordon- 
nances sur  les  monnaies ,  et  c*est  sous  leur  règne  que 
fut  fondé,  dans  Perpignan,  un  hôtel  pour  cette  fabri- 
cation, qui  jusque-là  s'était  faite  dans  des  maisons  par- 
ticulières. 

Le  droit  de  battre  monnaie ,  possédé  par  les  anciens 
comtes  de  Roussillon  et  enlevé  aux  rois  de  Majorque 
par  les  rois  d'Aragon,  ensuite  de  la  dépendance  im- 
posée à  leur  couronne,  avait  été  restitué  à  la  ville  de 
Perpignan  dans  toute  sa  plénitude,  par  Pèdre  IV,  après 
la  réunion  des  deux  royaumes.  En  plaçant  les  divers 
employés  de  la  monnaie  hors  de  la  juridiction  de  l'or- 
dinaire, ce  prince  avait  ouvert  une  large  carrière 
d'abus,  qui  ne  tarda  pas  h  être  exploitée.  Les  privilèges 
accordés  aux  monnayeurs  avaient  multiplié  à  l'excès 
le  nombre  des  personnes  prétendues  nécessaires  à  ces 
travaux,  et  des  individus  exerçant  des  professions  ea- 
tièrement  étrangères  à  celles  qui  peuvent  avoir  rapport 
aux  opérations  du  monnayage,  tels  que  marchands 
drapiers,  tisseurs,  et  autres  de  cette  espèce,  étaient 
parvenus  à  trouver  place  sur  ces  listes.  Ces  privilèges 
tant  convoités  étaient  de  pouvoir  porter  des  armes 
prohibées  aux  autres  citoyens,  et,  comme  justiciables 
du  seul  alcade  de  la  monnaie,  d'être  exempts  du  droit 
d'host et  cavalcade,  et  de  plusieurs  autres  charges  et 

*  Arrh.  Dom. 


54  LIVRE   TROISIEME. 

services,  lanl  royaux  que  municipaux,  personnels  ou 
vicinaux.  Plusieurs  fois  des  ordres  avaient  été  donnés 
pour  faire  cesser  ces  abus,  mais  celte  force  d'inertie 
que  généralement  dans  tout  le  Roussillon ,  mais  parti- 
culièrement c^  Perpignan,  on  opposait  sans  cesse  k 
l'exécution  des  mesures  d'ordre  ou  de  redressement , 
les  avait  constamment  rendus  illusoires.  Déjà,  le 
20  octobre  iS^G,  Pèdre  lui-même  avait  ordonné  que 
les  employés  de  la  monnaie  ne  fussent  point  exemptés 
des  charges  municipales,  et,  le  3o  avril  1 386,  il  avait 
réduit  à  trente  le  nombre  exagéré  des  employés  du 
monnayage.  Ce  nombre  ayant  été  encore  dépassé, 
Juan  I  voulut  l'y  ramener  par  ordonnance  du  i*'  mars 
1394.  Le  19  décembre  i4o3  Martin  astreignit  toute 
personne  qui  aumt  exercé  la  charge  d'administrateur 
de  la  monnaie  de  Perpignan ,  à  rendre  compte  aux  cla- 
vaires ;  et,  l'année  suivante,  ce  prince  fut  obligé  de  faire 
descendre  de  nouveau  à  trente  le  nombre  des  em- 
ployés. Alphonse  tenta  h  son  tour  de  surmonter  la 
résistance  qu'on  opposait  sans  cesse  à  cette  mesure, 
mais  ne  fut  pas  plus  heureux  que  ses  devanciers.  En 
1 4 1  7  il  cassa  et  annula  toutes  concessions ,  provisions, 
rescrits  et  autres  actes  quelconques  faits  en  faveur  de 
toute  personne ,  de  quelque  état,  condition  et  préémi- 
nence que  ce  fût,  qui  ne  travaillerait  pas  manuelle- 
ment dans  les  ateliers  de  fabrication  des  monnaies  ;  il 
chargea  son  procureur  royal  de  dresser  une  nouvelle 
matricule ,  et  de  n'y  inscrire  que  les  personnes  rigou- 


CHAPITRE   TROISIÈME.  55 

reuseinent  nécessaires  aux  opérations  du  monnayage. 
Marie  renouvela  encore  ces  mêmes  dispositions  en 
ilii*À,  et  elle  y  ajouta  celle  de  n'admettre  comme 
ouvriers  monnayeurs  que  ceux  qui,  après  examen, 
auraient  été  reconnus  capables  d'en  exercer  la  profes- 
sion. Six  ans  plus  tard  on  voit  encore  cette  princesse 
rappeler  ces  ordres  et  en  prescrire  l'exécution. 

L'hôtel  des  monnaies  de  Perpignan  et  celui  de  Bar- 
celone étaient  anciennement  les  seuls  hôtels  royaux. 
C'est  au  premier  que  Pèdre  IV,  par  privilège  du  4  des 
calendes  d'avril  i349,  accorda  de  firapperdes  florins 
d'or,  du  titre,  poids  et  aloi  des  florins  de  Florence,  et 
des  écus  d'or,  aussi  du  titre,  poids  et  aloi  des  écus  de 
France  (  vingt-trois  demi-carats  )  de  cette  époque.  Les 
guerres  que  ce  prince  avait  à  soutenir  contre  la  Castille 
épuisant  bientôt  après  ses  finances,  et  ces  espèces  d'or 
pur,  qui  étaient  recherchées  dans  le  monde  entier,  fai- 
sant sortir  du  royaume  ime  énorme  quantité  de  métal, 
Pèdre  eut  recours  à  l'abaissement  du  titre,  et,  par  or- 
donnance du  i*'  juillet  1 365 ,  il  fit  frapper  dans  Per- 
pignan de  nouveaux  florins  au  titre  de  dix-huit  carats  ^ 

En  i3/io  Alphonse  afierma  pour  cinq  ans,  à  une 
compagnie  de  Perpignanais ,  le  monnayage  de  cette 
ville ,  avec  ordre  de  ii^pper,  chacime  de  ces  cinq  an- 
nées, pour  mille  marcs  de  florins  d'or  à  dix-huit  carats. 
Les  fermiers  devaient  payer  au  trésor  royal  im  demi- 
florin  d'or  et  six  deniers  de  Barcelone  par  marc  de  métal 

'  Arch.  Dom.  J.  vSalat,  Traiadode  moneéas  lahradas  enCatal. 


56  LIVRE   TROISIÈME, 

monnayé  ;  et ,  comme  la  fabrication  ne  devait  pas  res- 
ter inactive,  dit  lacté,  le  roi  se  réservait  la  faculté  de 
disposer  de  latelier,  si,  à  la  fin  d'une  de  ces  cinq  an- 
nées, les  mille  marcs  d'obligation  n  avaient  pas  été 
frappés.  Dans  ce  dernier  cas ,  le  roi  reprenant  lliotel 
des  monnaies,  les  fermiers  ne  seraient  tenus  de  lui 
payer  aucun  droit  ni  salaire.  Ces  fermiers  s'obligeaient 
à  livrer  à  toute  personne  qui  leiur  confierait  de  l'or  fin 
h  monnayer  quatre-vingt-sept  florins  trois  quarts  par 
chaque  marc^ 

La  monnaie  était  sous  la  direction  d'im  maître  rec- 
teur et  administrateur.  En  \lxi2  Alphonse  donna  cet 
office  à  un  certain  Pierre  Lobet ,  qui ,  pour  établir  un 
hôtel  des  monnaies  d'une  manière  plus  convenable  et 
fixe,  acheta  plusieurs  maisons  contigucs,  dans  la  rue 
de  la  Porte-de-la-Pierre ,  et  y  réunit  tous  les  ateliers  et 
usines  nécessaires  à  cette  fabrication ,  dispersés  aupa- 
ravant en  diflerents  endroits  de  la  ville.  Alphonse 
érigea  alors  par  lettres  patentes  données  h  Carignan , 
le  1 9  mai  1  â3o ,  cet  hôtel  en  maison  royale  à  perpé- 
tuité, ordonnant  quelle  jouirait  des  prérogatives  ac- 
cordées aux  autres  maisons  royales  du  royaume,  et 
défendant  de  battre  monnaie  en  tout  autre  lieu ,  sous 
peine  de  mille  florins  d'or,  applicables  au  trésor  roya'  -. 
La  matricule  des  employés  qui  fut  dressée  h  cette 
époque,  et   qu'on  présentait  comme  ne  (ompiTiiant 

'   Arch    bom. 

•  Voyri  U  note  HI .  cl  Preuve* .  n*  IV. 


CHAPITRE    TROISIÈME.  57 

que  les  personnes  indispensables  à  la  fabrication ,  ren- 
ferme quatre-vingt-dix  noms. 

Une  mesure  aussi  juste  quQ  sage ,  prescrite  par 
Alphonse,  pour  faire  cesser  un  abus  révoltant,  et  que 
nous  ne  devons  pas  omettre  de  signaler,  c'est  celle  par 
laquelle  il  fut  défendu  au  gouverneur  du  Roussillon  et 
au  procureur  royal  de  presser,  dans  Perpignan ,  aucun 
individu  pour  le  service  des  galères,  hors  ceux  qui 
leur  seraient  désignés  par  les  consuls  de  la  ville  :  l'ar- 
bitraire dans  cette  manière  de  lever  des  rameurs  ayant 
frappé  quelques  citoyens,  des  plaintes  avaient  été  por- 
tées au  roi,  dont  la  lettre  est  du  i  o  janvier  1 42  û. 

Quelques  événements  désastreux  eurent  lieu  durant 
le  règne  d'Alphonse  V.  Le  8  octobre  xlx^S  un  orage 
enfla  tellement  les  eaux  de  la  Tet,  qu  elles  s'élevèrent 
de  plus  de  trois  pieds  au-dessus  d'une  muraille  qui  en- 
caissait cette  rivière ,  en  amont  du  faubourg  des  tein- 
tureries, aujourd'hui  Notre-Dame,  et  qu'on  appelait 
la  Paret  Trencade.  Cette  muraille  fut  renversée  dans 
une  longueur  de  dix-huit  toises;  on  en  voit  encore 
une  partie  dans  cet  état,  à  l'extrémité  du  marché  aux 
Bœufs.  Le  i  février  i  4 a  8  un  violent  tremblement  de 
terre,  qui  dura  l'espace  de  deux  Pater  noster,  se  fit 
sentir  dans  toute  la  Catalogne.  En  Roussillon  il  ne 
causa  aucun  dommage ,  mais  à  Barcelone  tout  un  côté 
de  l'église  de  Notre-Dame-de-Mer  en  fut  renversé,  et 
sa  chute  tua  vingt-deux  personnes.  Enfin,  en  i45i  , 
la  peste  fit  à  son  tour  de  grands  ravages.  Cette  année , 


58  LIVRE   TROISIÈME, 

la  fête  Dieu  tombant  le  jour  de  Saint-Jean,  qui  est  ia 
fête  patronale  de  la  ville  de  Perpignan ,  la  solennité  de 
la  première  fut  remise  au  dimanche  suivant,  et  ce 
jour-là  on  fit,  comme  d usage,  la  procession  des  re- 
liques de  saint  Jean ,  que  suivirent  nu-pieds  les  con- 
suls et  les  notables  de  la  ville.  Pour  la  procession  de 
la  Fête-Dieu  on  ne  fit  pas  de  reposoirs  dans  les  rues , 
et  toute  la  population  suivit  nu-pieds  le  saint  sacre- 
ment ^ 

Alphonse  mourut  à  Naples ,  le  28  juin  1 658,  et  ia 
reine  Marie ,  le  k  septembre  suivant. 

Ce  roi,  que  Mariana  regarde  comme  la  gloire  de  ia 
nation  espagnole ,  se  distingua  autant  par  son  amour 
pour  les  lettres  et  la  protection  qu^il  accorda  aux  sa- 
vants que  par  les  qualités  du  cœur  et  la  vivacité  de 
Tesprit.  Sa  générosité  était  très-grande,  et  im  jour  que 
son  trésorier  lui  comptait  dix  mille  ducats,  ayant  en- 
tendu un  de  ses  officiers  dire  tout  bas  qu*il  ne  lui  fau- 
drait que  cette  somme  pour  être  parfaitement  heureux  : 
«  Tu  le  seras,  »  lui  dit-il ,  et  il  lui  abandonna  cet  argent. 
Populaire  comme  le  moindre  de  ses  seigneurs,  il  se 
promenait  à  pied  et  seul  dans  les  rues ,  et  répondait  à 
ceux  qui  blâmaient  cette  confiance ,  Qu'un  père  qui  se 
promenait  au  milieu  de  ses  enfants  n'avait  rien  à 
craindre^.  Ce  prince  eut  pour  successeur  Juan  II,  son 
frère,  roi  de  Navarre  du  chef  de  sa  femme. 

'  Livre  vert  mineur .  noies  du  calendrier. 

'  On  cite  de  ce  prince  une  foule  de  bon»  mots  et  de  dicton»  dont 


Jaaa   11. 


CHAPITRE   TROISIÈME.  59 

A  Tépoque  où  nous  sommes  parvenus,  de  grands  uôs 
événements  se  passaient  en  France.  Charles  VI  était 
mort  après  un  règne  de  quarante-huit  ans,  presque 
entièrement  écoulé  au  milieu  d'une  suite  d'accès  de 
démence  pendant  lesquels  on  lui  faisait  signer  les 
actes  les  plus  contraires  aux  intérêts  de  son  royaume 
et  les  plus  funestes  pour  ses  peuples  ;  dans  ses  inter- 
valles de  raison  il  déplorait  amèrement  les  maux  dont 
on  le  rendait  Tinstrument,  sans  moyens  ni  puissance 
d'en  arrêter  le  cours.  Cette  belle  France,  abandonnée 
en  proie  aux  intrigues,  aux  trahisons,  aux  cruautés  de 
toute  espèce ,  était  encore  livrée  à  toutes  les  horreurs 
d'une  guerre  civile  et  étrangère.  Les  Anglais ,  introduits 
dans  le  royaume,  du  vivant  même  de  Charles  VI,  en 
occupaient  une  grande  partie,  et,  après  la  mort  de  ce 
prince ,  Chartes  VII ,  son  fds ,  avait  été  tenté ,  dans  son 
découragement,  de  leur  abandonner  toutes  les  pro- 
vinces du  Nord ,  qu'il  désespérait  de  reconquérir.  Dans 
cette  extrénlité,  la  Providence  avait  suscité  trois 
femmes  pour  ranimer  le  monarque  abattu ,  et  instiller 
dans  son  âme  cette  énergie  qui  est  le  présage  ordinaire 

• 

voici  quelques  uns  :  Les  rois  doivent  être  savants  et  aimer  les  savants. — 
J*aiinerais  mieux  perdre  tous  mes  royaumes  qua  le  peu  de  lettres  que 
je  possède. — Le  roi  qui  ne  voit  que  par  ses  ministres,  sans  capacité  et 
sans  jugement  propre ,  ne  vit  qaau  milieu  des  afironis  et  des  angoisses. 
—  Quelqu^un  lui  demandant  comment  il  pourrait  devenir  le  plus 
pauvre  des  rois:  «  En  perdant ,  dit-il ,  Tinstruction.  •  Une  de  ses  sentences 
était.  Que  pour  faire  bon  ménage  il  faut  que  le  mari  soit  sourd  et  la 
femme  aveugle,  etc.  (Aride  rêrijier  les  dates.  ) 


60  LIVRE   TROISIÈME. 

des  succès  :  la  bonne,  la  pieuse  Marie  d*Anjou  soufTIait 
dans  le  cœur  de  son  époux  toute  l'intrépidité  de  la 
sienne  ;  la  belle  Agnès  Sorel  le  menaçait  d'aller  trouver 
le  roi  d'Angleterre,  ne  voulant  aimer  qu'un  prince 
magnanime;  et  la  simple  Hlle  des  champs,  Jeanne 
d'Arc,  Jeanne,  qu'il  suffît  de  nommer  pour  sentir 
battre  son  cœur  d'une  patriotique  émotion ,  Jeanne  le 
guidait  elle-même  aux  combats.  Charies  devint  un 
héros ,  la  F'rance  fut  reconquise ,  et  la  Pallas  de  la 
patrie  expia  sa  gloire  sur  un  bûcher,  h  la  honte  éter- 
nelle de  tous  ceux ,  tant  nationaux  qu'étrangers ,  qui  l'y 
firent  monter. 

Dès  le  commencement  du  règne  du  nouveau  roi 
d'Aragon  s'allumèrent  les  guerres  qui  devaient  mettre 
la  monarchie  dans  le  plus  grand  péril,  et  montrer  sur 
deux  trônes  rivaux,  non  pas  cet  honneur  dont  le  cœur 
des  rois  devrait  toujours  être  le  foyer  et  le  dernier  re- 
fuge sur  la  terre ,  mais  l'ignoble  lutte  de  l'astuce ,  de 
la  fraude ,  de  la  duplicité ,  de  tout  ce  que  la  mauvaise 
foi  a  de  plus  révoltant  et  de  plus  odieux. 

Le  caractère  de  Louis  XI ,  successeur  de  Charies  VII , 
est  connu  :  la  langue  française  ne  semble  avoir  con- 
servé la  vieille  épithète  de  caateleux,  que  pour  la 
joindre  h  son  nom.  Sa  politique  entortillée  est  passée 
en  proverbe.  Ce  caractère  est  tellement  avoué ,  que 
les  écrivains  les  plus  rampants,  les  plus  adulateurs, 
ceux  qui  se  sont  montrés  les  moins  disposés  ;i  fronder 
les  vires  des  rois  |)our  en  faire  justice  aux  yeux  de  la 


CHAPITRE    TROISIEME.  61 

postérité ,  se  sont  crus  dispensés  de  toute  flatterie 
envers  ce  prince ,  et  n'ont  point  hésité  à  flétrir  sa  mé- 
moire. Tous  les  historiens  français  et  étrangers  ne 
citent  ce  monarque  qu  en  épuisant  toutes  les  formules 
du  blâme,  n'en  paiient  que  comme  d  un  type  d'hypo- 
crisie ,  sans  pudeur,  sans  scrupules  et  sans  foi.  Il  sem- 
blerait, à  les  entendre,  que  sa  conduite  tortueuse  fut 
une  sorte  de  phénomène ,  une  véritable  exception 
honteuse,  dans  un  siècle  de  justice  et  de  probité,  au 
milieu  de  l'Europe  vertueuse ,  gouvernée  par  la  droi- 
ture, la  franchise  et  la  plus  exacte  loyauté.  Nous  ne 
prétendons  ni  justifier  les  crimes  de  Louis  ni  atténuer 
les  violents  reproches  que  la  postérité  est  en  droit  de 
lui  adresser,  mais  nous  voulons  montrer  que  ce  prince 
ne  fut  que  ce  qu'étaient  tous  les  autres  rois  ses  con- 
temporains :  que  justice  soit  faite  à  tous.  Obligé  sou- 
vent déjouer  au  plus  habile,  soit  avec  de  grands  vas- 
saux qu'il  voulait  rompre  à  la  soumission  et  ranger 
sous  la  dépendance  de  la  couronne,  dépendance  in- 
compatible avec  le  régime  féodal  qu'il  fallait  commen- 
cer par  détruire  et  qu'il  détruisit  en  effet,  soit  avec 
des  souverains  qui  ne  valaient  pas  mieux  que  lui,  et 
qui  s'efforçaient  de  le  prendre  dans  leurs  filets,  on  di- 
rait, à  voir  le  concert  unanime  d'injures  qui  lui  sont 
prodiguées ,  qu'on  n'a  pu  lui  pardonner  de  n'avoir  pas 
été  la  dupe  des  autres. 

La  profonde  dissimulation  qui  était  le  fond  du  ca- 
ractère de  Louis  XI,  la  ti*ahison,  sous  le  voile  de 


62  LIVRE   TROISIÈME. 

i^hypocrisie,  dont  il  avait  fait  une  étude  consonunée, 
et  qui  devint  Vernie  de  toutes  ses  transactions,  ne  sont 
pas  dans  les  mœurs  françaises  :  ces  vices  devaient  frap- 
per davantage  dans  un  prince  de  notre  nation ,  et  être 
efTectivement  remarqués  par  nos  historiens,  qui  les 
avaient  bien  aperçus  déjà  chez  d'autres  princes,  à  tra- 
vers de  ténébreuses  négociations ,  mais  qui  n'étaient 
pas  habitués  à  les  voir  former  le  fondement  de  la  poli- 
tique de  rétat  :  ils  ne  purent  s'eiH pêcher  d'en  témoigner, 
le  plus  grand  nombre  leur  surprise ,  quelques-uns  leur 
indignation  ;  et  c'est  cet  aveu ,  fait  avec  bonne  foi ,  qui 
a  fourni  aux  historiens  étrangers  une  occasion  de  jeter 
tous  les  torts  sur  le  roi  de  France.  Heureux  de  trouver 
une  victime  qu'on  offrait  généreusement  pour  porter 
les  péchés  de  tous ,  ils  s'en  sont  emparés ,  et  l'ont  char- 
gée de  toutes  les  iniquités  de  son  siècle.  Les  couleurs 
noires  et  repoussantes  sous  lesquelles  on  a  peint 
Louis  XI,  il  les  a  méritées  sans  contredit ,  mafis  elles  ne 
lui  sont  pas  exclusives.  Qu'on  jette  un  regard  impar- 
tial sur  tous  les  trônes  de  cette  époque ,  sans  en  excep- 
ter le  saint  siège ,  et  l'on  se  convaincra  que  l'astuce  dans 
les  négociations ,  la  duplicité  dans  les  traités ,  la  mau- 
vaise foi  dans  leur  exécution  n'appartinrent  pas  seule- 
ment au  roi  de  France  ;  nous  le  démontrerons  en  parti- 
culier pour  le  roi  d'Aragon. 

Juan  II  avait  épousé  Blanche  de  Navarre,  fille 
unique  de  Charies  II ,  roi  de  ce  pays ,  dont  il  avait  eu 
un  fils ,  nommé  Charies ,  qui  le  premier  porta  le  titre 


CHAPITRE  TROISIÈME.  63^ 

de  prince  de  Viane,  affecté  depuis  à  l'héritier  présomptif 
du  trône  de  Navarre.  A  la  mort  de  Blanche ,  cette  cou- 
ronne revenait  de  plein  droit  à  son  fils;  mais  cette 
•  princesse  avait  engagé  l'infant  à  ne  prendre  le  titre  de 
roi  de  Navarre  et  duc  de  Nemoars^,  que  sous  le  bon 
plaisir  de  son  père.  Cependant ,  trois  ans  après  la  mort 
de  Blanche ,  Juan  s*étant  remarié  avec  là  fille  de  Ta- 
miral  de  Castille,  le  prince  de  Viane  regarda  ce  nouvel 
hymen  comme  une  renonciation  de  son  père  à  la 
couronne  de  Navarre,  qu'il  ne  tenait  que  du  chef  de 
sa  première  femme,  et  il  s'en  mit  en  possession,  sou- 
tenu par  les  Navarrois  eux-mêmes,  dont  les  belles 
qualités  du  jeune  prince  semblaient  présager  le  bon- 
heur. Juan ,  qui  ne  voulait  pas  se  dessaisir  de  ce  qu'il 
possédait ,  considéra  l'action  de  son  fils  comme  une 
révolte ,  et  une  guerre  de  famille  éclata  encore  une 
fois  en  Aragon. 

Une  première  reine  d'Aragon  avait  déjà  occasionné , 
au  siècle  précédent ,  une  guerre  civile  et  étrangère  en 
poursuivant  de  ses  persécutions  le  prince  que  le  droit 
de  sa  naissance  appelait  à  s'asseoir  un  jour  sur  le  trône 
de  son  époux  ;  la  fille  de  l'amiral  de  Castille  alluma  un 
second  incendie  de  la  même  espèce ,  au  sein  du  même 
royaume,  et  pour  la  même  cause.  Dévorée  d'ambi- 
tion ,  et  tourmentée  du  désir  de  faire  passer  le  royal 
héritage  siu*  la  tête  de  Femand ,  son  fils ,  cette  prin- 

^  lie  roi  de  Navarre  avait  échangé  avec  le  roi  de  France  le  comté 
d*Évr«ui ,  qui  lui  appartenait ,  contre  le  duché  de  Nemours. 


f)'i  LIVRK   TROISIÈMK 

cesse  ne  négligea  rien  pour  exciter  la  haine  de  don 
Juan  contre  son  premier-né.  A  l'exemple  de  don 
Pèdre ,  Juan  déclara  son  fils  aîné  déchu  de  sa  succes- 
sion ,  et ,  ajoutant  à  cette  injuste  rigueur  une  trahison 
que  rien  ne  saurait  excuser,  surtout  dans  un  père, 
quelque  coupable  que  pût  être  son  fils ,  il  attira  Charles 
à  Lérida,  sous  prétexte  dun  raccommodement,  et 
rétreignit  dans  ses  bras  quand  sa  main  venait  de  si- 
gner Tordre  de  sa  captivité  ^  Les  corts  d* Aragon  ayant 
pris  parti  pour  Juan  contre  son  fils ,  celui-ci  ne  put 
avoir  comme  Juan  I,  dans  une  circonstance  sem- 
blable, la  faculté  de  recourir  au  justicia  pour  faire 
réformer  Tinjuste  ordonnance  de  son  père.  L'action 
de  don  Juan  ayant  soulevé  d'indignation  toute  la  no- 
blesse de  Navarre  et  de  Catalogne ,  ces  deux  contrées 
furent  en  un  instant  couvertes  de  soldats. 

Les  Catalans  n'étaient  pas  moins  dévoués  au  prince 
de  Viane  que  les  Navarrois,  ses  sujets  immédiats. 
Après  avoir  proclamé  cet  infant  comte  de  Barcelone , 
ils  avaient  fait  réclamer  sa  mise  en  liberté;  mais  Juan 
avait  répondu  h  ce  vœu  par  l'ordre  de  faire  son  procès 
au  jeune  piînce,  comme  rebelle,  et  cet  ordre  était 
devenu  le  signal  des  hostilités  :  vingt-cinq  mille  Ca- 
talans ouvrirent  b  campagne  par  la  prise  de  Fraga ,  à 
force  ouverte. 

Par  un  hasard  assez  singulier,  pendant  que  de  l'autre 
côté  des  Pyrénées  l'héritier  du  trône  se  voyait  forcé , 

'  Zunu,  XVI1I,3. 


CHAPITRE    TROISIÈME  65 

j>ar  Tinjustc  rigueur  de  son  père,  de  se  nieltre  en  état 
de  guerre  avec  lui ,  en  France ,  le  dauphin ,  par  Tim- 
patience  de  régner,  se   mettait  en  révolte  contre  le 
sien ,  et,  au  risque  de  replonger  son  pays  dans  labîme 
de  maux  dont  Charles  VII ,  son  père ,  avait  eu  tant  de 
peine  à  le  tirer,  il  appelait  à  son  secours  les  mortels 
ennemis  du  trône  que  sa  naissance  lui  réservait  un  peu 
plus  tard.  Cette  conformité  de  situation  des  deux  pères 
les  unissant  d'intérêt,  Charles  VII  et  Juan  II  avaient 
signé,  en   làSg,  un  traité  d'alliance  et  d'assistance 
mutuelle.  Si  le  roi  d'Aragon  n'avait  pas  assez  de  forces 
à  opposer  à  ses  ennemis ,  le  roi  de  France  s'obligeait 
à  lui  fournir  gratuitement  jusqu'à  concurrence  de  seize 
cents  combattants ,  le  surplus  devant  être  soldé  par  lui  ; 
et  réciproquement,  si  le  roi  de  France  se  trouvait  dans 
la  même  nécessité ,  il  pouvait  demander  à  Juan ,  soit 
le  même  nombre  de  soldats ,  soit  douze  galères  armées 
et  équipées.  La  ligue  des  pères  étant  imitée  par  les 
enfants,  le  dauphin  et  le  prince  de  Viane  étaient  con- 
venus de  se  soutenir  dans  l'occasion ,  et  par  tous  les 
moyens  que  les  circonstances  pourraient  leur  fournir. 

La  reine  d'Aragon  triomphait  :  le  fils  aîné  de  son        i^cr. 
époux,  celui  à  qui  le  trône  revenait  par  droit  de  pri- 
mogéniture,  était  en  prison ,  et  un  procès  auquel  pré- 
sidait avec  une  ambition  démesurée  l'aveugle  achar-       »4«» 
nement  d'une  mère  contre  un  enfant  d'un  autre  lit,  en 
déclarant  ce  prince  en  état  de  rébellion ,  allait  peut-être 

lui  faire  perdre  solennellement ,  aux  yeux  des  peuples , 
11.  5 


66  LIVRE   TROISIÈME. 

ces  mêmes  titres  à  la  succession  royale  ([ue  la  puis- 
sance paternelle  lui  avait  déjà  ravis;  mais  la  haine  de 
la  marâtre  ne  fut  pas  servie  par  les  événements.  Le  tour 
désastreux  que  prenaient  les  choses  montrant  h  don 
Juan  les  dangers  auxquels  il  exposait  ses  états,  ce 
prince  se  décida  à  remettre  son  fils  en  liberté.  Voulant 
même  faire  à  sa  femme,  aux  yeux  de  ses  peuples,  un 
mérite  de  cet  élargissement,  il  déclara  qu'il  raccor> 
dait  à  ses  prières,  et  qu'elle  avait  voulu  ouvrir  elle- 
même  les  portes  de  la  prison  :  Tartifice  ne  trompa 
personne. 

En  même  temps  qu'il  rendait  à  son  fds  la  liherté,  le 
roi  d'Aragon,  pour  apaiser  les  Catalans,  le  nommait 
lieutenant  général  perpétuel  de  leur  principauté,  et 
il  s'engageait  même  <^  ne  jamais  paraître,  de  sa  per- 
sonne, en  Catalogne.  Charles  se  rendit  à  Barcelone, 
où,  le  12  mars,  on  lui  fit  une  entrée  telle  qu'on  n'en 
avait  jamais  vu  de  semblable  pour  aucun  roi. 

La  reine  faisait  tous  ses  efforts  pour  amener  un  rac- 
commodement entre  les  Catalans  et  son  époux  ;  mais , 
dans  la  négociation  de  cette  affaire ,  il  était  un  article 
sur  lequel  les  deux  |)arties  ne  pouvaient  pas  s'accorder  : 
cet  article ,  c'était  la  restitution  au  prince  de  Viane  de 
SCS  droits  de  primogéniture ,  que  les  Catalans  exi- 
geaient comme  première  condition ,  et  que  la  reine  se 
refusait  obstinément  à  admettre  :  la  mort  de  ce  prince, 
survenue  le  20  septembre,  mit  un  terme  aux  débats. 

Une  mort  qui  servait  si  h  point  les  intérêts  et  l'am- 


CHAPITRE   TROISIÈME.  ft7 

bitioii  (le  la  marâtre  ne  pouvait  pas  être  considérée 
comme  naturelle  par  les  Catalans ,  dont  le  prince  de 
Vîane  était  Tidole;  tous  la  regardèrent  comme  le  ré- 
sultat d*\m  crime,  et  ce  sentiment  a  été  partagé  par  un 
gFand  nombre  d*historicns ,  quoique ,  suivant  quelques 
autres,  les  peines  et  les  chagrins  dont  ce  prince  était 
abreuvé  depuis  si  longtemps  eussent  sufli  seuls  pour 
abréger  ses  jours.  Quoi  qu*il  en  soit,  cet  événement 
étendit  un  voile  funèbre  sur  toute  la  Catalogne.  Amant 
des  lettres  qu'il  cultivait  avec  succès  ^    protecteur 
éclairé  de  tous  ceux  qui  se  livraient  aux  sciences ,  en 
correspondance  suivie  avec  tout  ce  que  lltalie  renfer- 
mait alors  de  beaux  génies ,  ami  particulier  d'Âusias- 
Marc,    le   plus  célèbre  des  poètes  catalans  de  son 
époque  ^,  doux ,  affable ,  libéral ,  clément  envers  tout  le 
monde,  le  prince  de  Viane  était  fait  pour  exciter 
réellement  des  regrets  universels.  Par  son  testament, 
fait  au  moment  de  sa  mort ,  il  laissa  la  couronne  de 
Navarre  à  la  princesse  Blanche ,  sa  sœur. 

'  Le  prince  de  Viane  avait  composé  une  chronique  abrégée  des  rois 
de  Navarre;  il  avait  fait  une  traduction  en  catalan  des  Éthiques  d'Aris- 
tote,  qall  avait  dédiée  au  roi  Alphonse,  son  oncle,  et  composé  diverses 
poésies  morales  ;  il  a  laissé  aussi  une  traduction  en  catalan  de  Valère- 
Maxime. 

*  Ses  poésies  ont  été  imprimées  plusieurs  fois,  mais  fort  incorrecte- 
ment. M.  J.  Tastu  se  propose  de  faire  connaître  ce  poète,  en  publiant 
une  édition  diaprés  plusieurs  manutcrits  inconnus  jusqu'à  ce  jour. 


5. 


08  LIViU-:  TitOlSiKME. 


CHAPITRE   IV. 

La  reine  d'Aïa^on  en  Catalogne.  —  Menées  de  Louis  \L  — 
Traité  (ralliancc  entre  la  France  et  TAragon.  — Engagement 
(lu  I\oussillon  et  de  la  G^rdagne  à  la  couronne  de  France.— 
Danger  do  la  reine.  —  Le  Koussillon  se  déclare  contre  le» 
Franrai.^î.  —  La  \iHe  de  Perpignan  s'insurge  contre  le  cliâ- 
teau.  —  Réduction  de  celle  ville.  —  Louis,  arbitre  entre  la 
Castille  et  IWragon.  —  La  Catalogne  rentre  dans  Tobéissance. 
—  Appréciation  de.s  accusalion.s  des  espagnols  contre  le» 
Frani^ais.  —  Uévolte  de  Perpignan. 

Pendant  que  la  Calalo^no  entière  déplorait  la  perte 
d'un  prince  sur  lequel  «taient  fondées  tant  de  justes 
espérances,  la  reine  d'Aragon,  qui  se  trouvait  à  Viila- 
Franca,  où  se  négociait  la  pai.v,  s'empressa  de  prendre 
la  route  de  liiircelone  ave<*  Fernand,  son  lils,  afin  de 
se  faire  reconnaitre  ellc-nicnie  pour  lieutenante  géné- 
rale du  rovaunK»  :  ce  titre,  elle  le  revendiquait  en  sa 
qualité  detutri(*ede  son  iils,  à  <pii  il  revenait  mainte- 
nant de  droit,  <-onnne  à  l'héritier  l(»j;itime  et  sans  eon- 
curnMil  de  la  couronne.  La  reconnaissance  de  ce  titre 
étant  l'idée  li\(;  qui  depuis  longtenq)s  poursuivait 
cette  auihitieusc  princesse»,  les  (latalans  n'eurent  pas 
de  peine  .i  m»  persu»»der  que  le  poison  avait  été  l'un 
des  moyens  (pi'clle  avait  employés  pour  se  débarrasser 


CHAPITRE  QUATRIEME.  69 

de  celui  dont  rexistcnce  devait  être  à  jamais  un  obs- 
tacle à  ses  projets.  Regardée  par  eux  comme  la  cause 
unique  de  tous  les  malheurs ,  ils  ne  voulaient  pas  la 
recevoir,  et  un  messager  lui  fut  dépêché  par  les  dé- 
putés, poiur  l'engager  h  suspendre  son  voyage  jusqu'à 
ce  qu'une  déhbération  eût  été  prise  à  cet  égard.  Le 
caractère  de  la  reine  était  la  fermeté  et  beaucoup  de 
résolution.  Se  doutant  sans  doute  de  ce  que  contenait 
la  dépêche,  elle  ne  voulut  pas  l'ouvrir,  et  continua  sa 
marche.  Arrivée  à  Barcelone,  dont  on  n'osa  pas  lui 
refuser  Tentrée,  elle  intrigua  auprès  d'une  partie 
des  habitants,  et  obtint,  des  acclamations  de  la  po- 
pulace plus  encore  que  des  syndics  des  villes,  le  ser- 
ment d'obéissance  à  son  fils. 

Le  peuple  de  Barcelone  venait  de  se  montrer  favo- 
rable aux  intérêts  de  la  reine,  mais  ni  la  députation  *, 
ni  les  grands,  tant  de  la  ville  tjuo  do  la  province,  n'é- 
taient pour  elle;  et,  dans  l'état  où  se  trouvaient  les 
choses,  ce  suflragc  populaire  était  un  acte  sans  ré- 
sultat. Nous  avons  dit  que  lorsque  Juan  II  fut  forcé  de 
rendre  la  liberté  au  prince  de  Vianc,  il  l'avait  nommé 
son  lieutenant  général  en  Catalogne  et  s'était  solennel- 
lement engagé  à  ne  jamais  venir  de  sa  personne  h 
Barcelone.  L'adroite  reine,  employant  tour  à  tour  les 
remontrances  et  les  prières,  s'efforçait  d'amener  les 
Catalans  à  solliciter  eux-mêmes  du  roi  qu'il  vînt  dans 

*   I^a  députation  était  ce  syndical  des  corls,  institué  son»  Fernand  I , 
et  d'-nl  nous  axnns  rendu  coinplr. 


70  LIVRE  TROISIÈME. 

leur  province;  mais  le  conseil  de  la  ville  s*y  refusa. 
Une  émeute ,  que  les  partisans  de  la  princesse  avaient 
cherché  à  exciter  en  sa  faveur,  fut  facilement  com- 
primée par  ses  adversaires,  qui  ne  tardèrent  pas 
à  ramener  à  leurs  sentiments  toute  la  population. 
I/enthousiasme  pour  le  feu  prince  de  Viane  se  rallu- 
mant alors  dans  tous  les  cœurs ,  on  ne  jura  plus  que 
par  sa  mémoire,  et  la  superstition  venant  même 
exploiter  la  crédulité  ignorante,  on  prétendit  que  Dieu 
avait  opéré  des  miracles  par  son  intercession,  et 
on  le  tint  pour  aussi  saint  que  si  Téglise  lavait  ca- 
nonisé'. 

Une  grande  crise  se  préparait  pour  la  couronne,  et 
cette  crise,  comme  presque  toutes  celles  qui  boidever- 
sent  les  empires ,  avait  pour  cause  le  mauvais  état  des 
finances.  Les  embarras  sans  nombre  dans  lesquels  s'é- 
tait trouvé  le  roi  d'Aragon ,  depuis  qu'il  était  arrivé 
au  tronc,  avaient  tellement  épuisé  son  trésor,  que  ce 
prince  ne  savait  plus  comment  lever  des  troupes.  Dans 
cet  état  de  gêne,  il  s'était  adressé  au  roi  de  France, 
à  qui  il  avait  envoyé  en  ambassade  Charles  d'Oms, 
procureur  royal  des  deux  comtés,  seigneur  roussillon- 
nais,  dont  un  frère  servait  en  France. 

Charles  VII  était  mort,  et  Louis  XI  occupait  enfin 
ce  trône  qu'il  avait  cli(?rché  à  obtenir  par  un  forfait , 
avant  le  terme  assigné  parla  nature  pour  le  lui  donner. 
Juan,  oubliant  que  c'était  contre  ce  prince  qu'il  s'était 

•   /iihta.XVIf.  iH 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  71 

jadis  ligué  avec  son  père,  lui  proposa  de  renouveler 
Talliance  conclue  avec  Charies  ;  mais  Louis ,  avant  de 
se  prononcer,  voulait  savoir  s'il  y  aurait  plus  d  avan- 
tage pour  lui  à  soutenir  le  souverain  plutôt  que  ses 
sujets  rebelles.  Poiu*  cela,  il  fallait  connaître  bien  au 
juste  quelle  était  la  situation  des  affaires  en  Catalogne. 
Il  s*empressa  donc  de  faire  partir  pour  Barcelone  un 
maître  des  requêtes  de  sa  cour,  nommé  Henri  de  Maria, 
personnage  insinuant  et  adroit ,  avec  ordre  de  dire  à  la 
députation  que  le  roi  de  France  avait  refusé  de  donner 
audience  à  Tambassadeur  du  roi  d*Âragon ,  pour  ne 
pas  favoriser  Toppression  d'une  province  qui  s'était 
montrée  si  attachée  au  roi  de  Navarre ,  son  parent;  que 
ce  royaume,  qui  était  sorti  de  la  maison  de  France, 
revenant  actuellement  à  l'infante  Blanche ,  qu'on  disait 
retenue  prisonnière  par  le  roi  son  père ,  le  même  roi 
de  France  désirait  que  cette  princesse,  qui  était  égale- 
ment sa  parente ,  fût  mise  en  liberté ,  qu'elle  prît  pos- 
session de  sa  couronne,  et  qu'elle  pût  se  remarier  à 
son  choix  ^  Par  l'entremise  de  son  agent,  Liouis  finis- 
sait par  s'offrir  lui-même  aux  Catalans,  en  qualité  de 
protecteur  et  de  gardien  de  leur  principauté.  Le  but 
secret  de  pareilles  propositions  était  trop  évident  pour 
c|uc  la  députation  pût  se  laisser  prendre  au  piège  ;  la 
réponse,  rendue  le  1 5  décembre,  fut  en  termes  géné- 
raux :  La  Catalogne  avait  été  dévouée  au  prince  de 

^  Blanche ,  mariée  au  roi  de  Castille ,  Henri  TV,  surnommé  Tlmpuis- 
aant ,  on  «'tait  s^pan'o  depuis  i  A53. 


72  LIVRE   TUOISIÈMK. 

Vianc.  parce  que  ce  prince  le  méritait  par  toutes  ses 
bonnes  qualités ,  et  parce  qu*il  était  le  fils  aine  du  roi , 
et  par  conséquent  son  légitime  héritier;  que,  du  reste , 
la  Catalogne  ne  voulait  pas  se  séparer  de  son  roi,  à 
qui ,  malgré  les  dissidences  qui  s'étaient  élevées ,  elle 
esterait  toujours  fidèle. 
i;ca.  Cependant  la  députa tion  et  les  princi[Kiux  citoyens 

de  Ikircclone  s'étant  emparés  de  Tesprit  de  la  popula- 
tion, une  vive  fermentation  commença  h  se  manifes- 
ter,  et  la  reine,  ne  se  croyant  plus  en  sûreté  dans  cette 
ville,  se  réfugia  à  Girone  avec  son  fils.  Pendant  qu'elle 
rassemblait  dans  cette  place  le  plus  qu  elle  pouvait  de 
gens  de  guerre,  la  ville  de  Barcelone  fonnait,  de  son 
côté,  une  année  pour  l'y  assiéger.  A  la  première  an- 
nonce des  dangers  que  couraient  sa  femme  et  son  fils, 
Juan  s'était  (Mnpre!>sé  de  réunir  quelques  troupes  et 
d'occuper  I^ilaguer;  mais  les  Catalans  levèrent  de  leur 
côté  une  seconde  année  pour  la  lui  opposer.  Les  es- 
prits continuant  ii  s'échauircr  cv  plus  en  plus.  Bar 
celone  en  vintjuscpfà  dériarer  le  roi  et  la  reine  enne- 
mis de  la  patrie. 

Le  roi  de  France,  repoussé  par  les  Catalans ,  s  était 
retourné  vers  le  roi  d' Anigon ,  el  avait  chargé  Gaston  , 
comte  de  Foix,  gendre  de  don  Juan,  aussi  intéivshe 
que  lui  à  la  réussite  de  ses  projets,  d'arrêter  avec  son 
beau-père  les  condition.*^  de  lalliance  à  renouveler 
entre  Icb  <leux  couronnes.  Gastcui  ronvoilait  pour  s;i 
femme  la  couronne  de  Navarre ,  le  mariage  de  son 


CHAPIThE    QUATRIÈME.  73 

lik  était  arrête  avec  Madeleine  de  France,  sœur  de 
Louis  XI,  et  il  se  flattait  qu'avec  le  concours  des  FVan- 
çais  il  pourrait  enlever  ce  trône  à  sa  belle-sœur,  pour 
Toccuper  sous  la  suzeraineté  du  roi  de  France  :  cette 
couronne  était  donc  lobjet  des  vœux  de  ces  deux 
princes.  Gaston  signa,  le  12  avril,  une  ligue  avec  le 
roi  d'Aragon,  au  nom  de  Louis,  et  il  fut  convenu  que 
les  deux  monarques  se  verraient  au  lieu  de  Sauveterre, 
en  Béani.  L'entrevue  eut  lieu  en  eflet  le  3  mai;  lal- 
liancc  fut  renouvelée ,  et  on  arrêta  que  celui  des  deux 
rois  qui  aurait  besoin  des  secours  de  l'autre,  en  rece- 
vrait jusqu'à  concurrence  de  cinq  cents  lances ,  accom- 
pagnées de  tous  les  gens  de  trait  proportionnés  à  ce 
nombn».  Etaient  exceptés  des  princes  contre  qui  pour- 
rait être  employé  le  secours  :  par  la  France,  le  pape, 
le  roi  de  Castille,  celui  d'Ecosse  et  les  princes  de  Si- 
cile de  la  maison  de  France  ;  par  l' Aragon ,  le  pape,  le 
roi  de  Portugal ,  le  roi  de  Sicile  de  la  maison  d'Aragon , 
et  le  duc  de  Milan  ^ 

La  situation  de  plus  en  plus  fâcheuse  des  aflaircs  du 
roi  d'Aragon  en  Catalogne  ne  tarda  pas  «^  forcer  ce 
prince  de  réclamer  l'envoi  des  lances  françaises,  en 
exécution  du  ti*aité  de  Sauveterre  :  alors  fut  conclu 
un  nouveau  traité,  pour  fixer  le  prix  auquel  ces  lances 
seraient  fournies.  Ce  traité,  signé  h  Saragosse,  le  a 3 
du  même  mois  de  mai,  poiiait  que  le  roi  d'Aragon  re- 

'  0  Irailé  se  trouve  rapporte  par  f»orlrfroy.  dan^  les  pitres  des  Mé- 
moires (le  Comines,  tome  II. 


Ik  LIVRE   TROISIÈME. 

ccvrait  du  roi  de  France,  soit  quatre  cents,  soit  sept 
cents  lances,  suivant  le  besoin  qu'il  en  aurait,  avec 
tous  les  gens  de  trait,  piétons  et  artillerie  qui  accom- 
pagnaient ce  nombre  de  lances,  suivant  Torganisation 
du  système  militaire  en  France.  Ces  lances  devaient 
rester  au  service  de  T Aragon  jusqu  après  la  soumis- 
sion de  la  Catalogne  ;  mais  comme  le  roi  d* Aragon 
n'avait  pas  d'argent,  il  fut  aiTcté  que  cette  troupe  serait 
à  la  solde  de  la  France ,  et  que  le  remboursement  de 
toutes  les  avances  serait  fait  à  raison  de  deux  cent 
mille  écus  d'or,  vieille  monnaie  de  France ,  pour  quatre 
cents  lances,  ou  de  trois  cent  mille  de  ces  écus  pour 
sept  cents  lances,  en  deux  ou  en  trois  années,  h  partir 
de  celle  qui  suivrait  l'entière  soumission  de  la  Ca- 
talogne. 

Le  roi  de  France  n'était  pas  homme  à  dépenser  son 
ai*gent  sur  de  simples  promesses.  Un  nantissement 
devenant  nécessaire  pour  la  garantie  des  sommes  h 
débourser,  il  fut  convenu  que  les  revenus  de  toute 
espèce  du  royaume  d'Aragon  répondraient  de  ces 
sommes,  et  que,  pour  plus  de  sécurité,  la  France 
percevrait  directement  ceux  des  comtés  de  Roussillon 
et  de  Cerdagne ,  après  déduction  des  sommes  néces- 
saires au  payement  des  charges  et  oflices  qui  étaient 
habituellement  soldés  sur  ces  rentrées.  I^es  sommes 
restantes  de  ces  revenus,  après  ces  défalcations,  de- 
vaient être  remises  au  roi  de  France  par  les  mains  de 
Cliarlrsd*()ms,  procureur  royal  du  pays,  ou  parrellrs 


CHAPITRE  QUATRIÈME.  75 

de  ses  successeurs  dans  cet  office.  Dans  le  cas  où  le 
procureur  royal  n'effectuerait  pas  ce  payement,  Tin- 
tàïïi  don  Juan  d* Aragon,  archevêque  de  Saragosse, 
Bernard  Hugues  de  Rocaberti ,  châtelain  d'Amposta , 
Ferrer  de  Lanuça,  justiciad*Aragon,  et  Pierre  de  Pe- 
ralta ,  connétable  de  Navarre,  s'obligeaient  à  en  acquit- 
ter le  montant  sur  leurs  biens  ^  Cette  obligation  fut 
passée  en  présence  de  Bernard  d*Oms,  frère  de 
Charles ,  qui ,  engagé  au  service  du  roi  de  France , 
était  aloi*s  sénéchal  de  Beaucaire ,  et  de  Raymond  Ar- 
naud de  Montbardan ,  seigneur  de  Montmorin ,  maître 
dliotcl  du  roi  de  France,  ses  ambassadeurs.  Avant 
d*en  venir  à  cette  dernière  extrémité ,  Juan  avait  usé 
de  la  ressource  des  emprunts  dans  ses  états ,  et  des 
dons  gratuits  du  clergé,  ainsi  que  le  témoigne  une 
quittance  de  la  somme  de  trois  mille  trois  cents  sous 
de  Barcelone ,  donnée  par  le  trésorier  royal  à  labbé 
de  Saint-Martin  du  Canigou^. 

Le  traité  d'alliance  conclu  entre  les  deux  couronnes 
avait  été  ménagé  par  le  comte  de  Foix,  gendre  de  don 
Juan;  ce  dernier,  pour  récompenser  ce  prince  de  son 
entremise,  lui  livra  sa  propre  fille,  l'infante  Blanche, 
à  qui  le  prince  de  Viane  avait  légué  sa  couronne  de 
Navarre,  et  que  Gaston  avait  intérêt  à  empêcher  de  se 

'  Prcuvei,n*V. 

'  Cette  quiUance,  dans  laquelle  le  lieutenant  du  trésorier  du  roi, 
après aïoir  spécifié  la  somme,  ajoute,  Qaot  eidem  domino  régi  graciose 
ac  libenditer  iervirittis,  est  datée  de  Barcelone,  Ir  6  décembre  ii^6o. 
Arck.  eccUt. 


1 •     M 


76  LIVRE   TROISIÈME, 

remarier,  pour  ((ue  sa  femme  devint  son  héritière. 
La  malheureuse  Rhuiche,  ainsi  trahie  par  son  père, 
fut  enfermée  dans  le  château  d'Orthez,  où  elle  périt 
misérahlement  deux  ans  après. 

Le  comte  de  Foix,  nommé  lieutenant  général  du 
secours  que  Louis  envoyait  en  Catalogne,  en  exécution 
du  traité,  joignit  à  cette  armée,  pour  son  propre 
compte,  cent  vingt  hommes  d*armes  et  mille  arbalé- 
triers. Ce  Jacques  d'Armagnac ,  duc  de  Nemours  *,  que 
Louis  fit  périr  ensuite  d\me  manière  si  barbare,  com- 
mandait les  sept  cents  lances  françaises ,  sous  Gaston  ; 
les  autres  principaux  officiers  étaient  :  Jean  d'Albret, 
seigneur  d'Orval ,  maréchal  de  France;  le  bâtard d'Ar- 
mai^nac,  maréchal  de  France;  Crussol,  sénéchal  de 
Poitou;  Garsaigualle,  grand  écuyer;  Gaston  du  Lyon, 
sénéchal  de  Saintonge;  et  Etienne  de  Vignoles,  bailli 
de  Montferrand ,  qui  tous  joignirent  le  comte  de  Foixk 
Narhonne,  où  le  rendez-vous  général  était  donné  pour 
le  1 5  octobre.  Gaston  entra  en  Roussillon ,  et  se  dirigea 
immédiatement  sur  Girone,  oii  il  était  temps  d'arriver*. 
Les  habitants  de  cette  ville,  engagés  dans  la  révolte 
comme  le  reste  de  la  Catalogne,  avaient  favorisé  l'en- 
trée de  larmée  catalane ,  et  la  reine  d'Aragon  sVtait 
réfugiée  dans  la  tour  de  la  Gironella  avec  son  fils. 
\u  moment  où ,  pour  la  «garantie  des  sommes  avan- 

'   Cv  (tut  lu-  ftait  roloiirnc  a  la  i-f»urunni'  ilr  Fr.mr'*  m   i  la;».  vi 
LtiiiiH  ra\ail  vî'dr  nu  <(;iiilc  irNriiiiicnar.  ru  i  ^Im 
-    //isf    mn.  i/<    LnntjU'An- 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  77 

rëes  par  la  France ,  le  Roussillon  et  la  Cerdagiic  a\  aicMit 
été  engagés  ù  Louis  XI ,  le  Roussillon  n'avait  encore 
|>ris  aucune  part  à  la  révolte  de  la  Catalogne,  et  le  roi 
d*Aragon,  en  appelant  au  secours  de  sa  femme  les 
troupes  françaises,  avait  assuré  le  comte  de  Foix  qu*il 
serait  reçu  en  ami  dans  ce  pays.  Soit  que  depuis  ce 
moment  Tinsurrection  se  fût  propagée  jusqu'à  ce 
comté,  soit,  ce  qui  est  vraisemblable  encore,  que  la 
connaissance  de  la  partie  du  traité  qui  les  séparait  de 
la  Catalogne  pour  les  remettre  entre  les  mains  du  roi 
de  France  en  eût  indisposé  les  habitants,  ils  ne  virent 
plus  que  des  ennemis  dans  les  Français ,  et  ceux-ci  ne 
purent  traverser  leur  pays  que  par  la  force  des  armes  ; 
il  fallut  qu'ils  se  frayassent  la  route,  en  emportant 
d'abord  les  châteaux  de  Salses,  de  Ville-Longue,  de 
Lupia,  de  Sainte-Marie  et  de  Canet.  Perpignan,  que 
Juan  avait  annoncé  comme  étant  positivement  dans 
son  parti,  refusa  les  vivres  et  les  rafraîchissements 
demandés  par  le  comte  de  Foix,  et,  tombant  sur 
les  détachements  isolés,  leur  tua  un  grand  nombre 
d*hommes.  Après  s'être  emparé  du  château  du  Boulou 
de  vive  force,  Gaston  s'était  approché  du  Pertuse  avec 
quatre  cents  hommes  d'armes,  cent  vingt  lances,  mille 
archers  d'ordonnance  et  deux  mille  francs-archers'. 

*  DdcIos,  Hist.  de  Louis  XI.  Les  archers  d  ordonnance  étaient  ceux 
qui  faisaient  partie  de  ce  qu  on  appelait  une  tance  fournie  ;  les  francs- 
archers  étaient  des  corps  fournis  et  soldés  par  les  communes,  à  raison 
d*un  par  paroisse.  Louis  XI  tes  supprima  vers  ta  lin  de  sou  règne.  Voyex 
Daniel ,  Hisi.  de  la  milice  franc. 


78  LIVRE  TROISIÈME. 

UiKC  aflaiic  sanglante  avait  eu  lieu  ensuite  entre  les 
Français  et  les  Catalans ,  sous  les  ordres  de  Rocaberti, 
venu  k  la  rencontre  de  cette  armée ,  et  ce  n*est  qu^après 
avoir  forcé  ainsi  le  passage  des  Pyrénées ,  qu'elle  put 
pénétrer  en  Ampourdan.  Après  avoir  traversé  ce  pays 
au  milieu  des  privations,  parce  que  les  insuigés  ne 
laissaient  rien  derrière  eux  dont  les  Français  pussent 
faire  usage,  ces  derniers  avaient  enfin  battu  les  re- 
belles quils  avaient  rejetés  dans  Ostalrich,  et  délivré 
la  reine  d*Aragon  des  périls  qui  Tentouraient. 

L'engagement  du  Roussillon  et  de  la  Cerdagne  &  un 
prince  étranger,  sans  la  participation  des  corts  de  Ca- 
talogne et  en  opposition  aux  constitutions  du  royaume, 
notamment  k  celle  de  Pèdrc  IV,  qui,  dans  l'acte  de 
réunion  du  royaume  de  Majorque  à  l'Aragon  avait 
expressément' défendu  qu'en  aucun  temps,  et  sous 
quelque  prétexte  que  ce  fût ,  ces  deux  comtés  pussent 
être  disjoints  de  la  principauté  de  la  Catalogne ,  avait 
tellement  ajouté  k  l'irritation  des  Catalans,  que,  se 
jetant  dans  les  bras  de  la  Castille,  ils  avaient  nommé 
Henri ,  roi  de  ce  pays ,  comte  de  Barcelone.  En  guerre 
avec  TAragon,  Henri  s'empressa  d'accepter  ce  titre, 
et  il  fit  partir  une  armée  pour  prendre  possession  de 
son  nouveau  domaine.  De  leur  roté,  les  Français  mar- 
cluTcnt  sur  Barc*elouc,  où,  étant  bientôt  joints  par 
Tarmée  du  roi  d*Aragon .  ils  entreprirent  ensemble  le 
blocus  de  cette  place. 

L*attaque  dr  ilnrcolonc  n  a\ait  pas  rasscntiment  du 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  79 

roi  (1* Aragon,  qui  aurait  voulu,  avec  raison,  coni- 
incncer  par  soumettre  d*abord  les  environs  afin  de 
se  ménager  des  ressources  ;  mais  les  Français  avaient 
d*autres  vues.  Les  Âragonnais  prétendent  que  le  comte 
de  Foix  n'insista  autant  pour  débuter  par  cette  opé- 
ration ,  que  dans  Tespérance  de  faire  piller  cette  ville 
par  ses  soldats,  quand  elle  serait  réduite.  Sans  doute 
il  y  a  plus  de  passion  que  de  vérité  dans  cette  accusa- 
tion sans  preuves  ;  le  comte  de  Foix  n'agissait  que  par 
les  ordres  de  Louis,  et  on  doit  supposer  à  ce  prince 
des  vues  moins  courtes.  U  est  certain  que  les  Français, 
venant  au  secours  du  roi  d'Aragon,  auraient  dû  le 
laisser  maître  de  diriger  à  son  gré  les  opérations  de  la 
campagne  ;  outre  la  déférence  que  méritait  son  titre , 
on  devait  supposer  que  ce  prince  savait  bien  mieux  ce 
qu^il  avait  à  faire  dans  son  propre  intérêt,  que  les 
étrangers  qui  n'étaient  que  ses  auxiliaires.  Or  puisque 
ceux-ci  ne  tinrent  aucun  compte  de  la  volonté  de  ce 
monarque ,  et  qu'ils  s'obstinèrent  à  commencer  par  le 
siège  de  Barcelone,  c'est  que  sans  doute  le  roi  de 
France  avait  des  projets  sur  cette  ville.  La  Catalogne 
était  en  révolte  ouverte  ;  depuis  la  réponse  faite  par 
la  députation  aux  ambassadeurs  de  France ,  les  choses 
avaient  bien  changé  :  la  province,  qui  alors  voulait 
rester  fidèle  à  son  roi  malgré  leurs  différends,  s'en 
était  séparée ,  et  avait  donné  à  un  prince  étranger  le 
titre  de  sa  souveraineté.  Louis  devait  penser  qu'en 
l'état  où  se  trouvaient  les  choses ,  le  plus  grand  intérêt 


80  LIVRE   TROISIEME. 

des  Catalans  riait  (l*évilcr  le  châtiment  de  leur  révolte, 
et  quindiilércnts  sur  le  prince  qu*ils  mettraient  à 
leur  tele ,  celui  qui  leur  conviendrait  le  mieux  serait 
celui  ([ui  pourrait  les  protéger  le  plus  efficacement;  or 
les  lances  françaises .  maîtresses  déjà  du  Roussillon  et 
de  la  Cerdagne  dévolus  h  la  France  par  un  traité,  se 
trouvaient  le  mieux  en  position  d  atteindre  ce  but;  il 
est  donc  vraisemblable  que  les  instructions  secrètes 
du  comte  de  Foix  étaient  de  sVmparer  d  abord  de  Bar^ 
celone ,  afin  do  machiner  dans  cette  ville  une  révolu- 
tion en  faveur  de  la  France.  Ce  qui  fit  échouer  ce  pro- 
jet ,  ce  fut  la  mésintelligence  qui  ne  tarda  pas  à  éclater 
entre  les  Français  et  les  Aragonnais  co-assiégeants,  et 
qui  força  à  la  levée  du  siège  :  alors  chacun  fit  la  guerre 
de  son  côté.  Sur  ces  entrefaites,  un  nonce  apostolique 
étant  entré  dans  Barcelone  pour  employer  la  médiation 
du  saint  siège  h  la  pacification  de  la  province ,  la  dépu- 
tation  s  excusa  de  déférer  aux  vœux  de  sa  sainteté  en 
laveur  du  roi  don  Juan,  on  disant  «  que  le  pape  ne 
(t  connaissait  pas  Tastuco  et  la  malice  du  roi  d*Aragon, 
«  en  qui  on  ne  trouvait  aucune  constance  h  garder  la 
«foi  promise,  ce  quil  avait  bien  prouvé  dans  la  con- 
uduite  (|u*il  avait  tonne  à  legard  de  son  premier-né, 
«dans  (*e  quil  avait  fait  contre  sa  iillo.  et  dans  Talié- 
«nation  du  Roussillon,  au  mépris  de  ses  serments'.» 
Pendant  que  les  Catalans  exaspérés  déclaraient  k 
renvoyé  du  pape  qu*ils  aimeraient  mieux  périr  au 

*  /untd.WI.  k'S. 


CHAPITRE    QUATRIEME  «l 

milieu  des  flammes  que  tolérer  la  conduite  du  roi, 
les  Français  achevaient  de  se  mettre  en  possession, 
par  la  force,  du  Roussillon  et  de  f autre  comté.  A  Per- 
pignan, où  ils  n'occupaient  que  le  château,  les  ha- 
hitants   de  la   ville,   ne  cessant    de  les   considérer 
comme  des  ennemis,  se  gardaient  contre  eux  et  se 
refusaient  à  tout  rapprochement.  Cette  aversion  de  la 
population,  quaugmentait  encore  la  dépendance  où  la 
ville  se  trouvait  de  ce  château ,  converti  en  forteresse , 
ne  tardant  pas  à  produire  des  actes  d*hostilité ,  il  y  eut 
une  véritable  guerre  entre  ces  deux  parties  de  la  mémo 
place.  D'un  côté,  les  Perpignanais  élevaient  des  re- 
tranchements contre  le  château  et  poussaient  des  mines 
sous  ses  murailles  ;  de  Tautre ,  les  Français  avec  Charles 
et  Bérenger  d'Oms,  frères  de  Bernard,  sénéchal  de 
Beaucaire,  mais  tous  deux  au  service  du  roi  d*Âragon , 
et  quelques  autres  chevaliers  roussillonnais  qui  étaient 
dans  ce  fort  pour  aider  à  le  défendre ,  ripostaient  aux 
attaques  de  la  ville  par  le  feu  de  Tartillerie  ^  Ces  assié- 
gés finirent  par  être  bloqués  si  étroitement ,  que  Louis 
dut  envoyer  de  nouvelles  troupes  en  Roussillon  pour 
les  délivrer.  Le  duc  de  Nemours,  chargé  de  la  con- 
duite de  ce  secours ,  enleva  les  retranchements  et  le 
fort  que  les  habitants  avaient  élevés ,  et  passa  au  fil  de 
répée  tout  ce  qui  s  y  trouva.  Le  désir  de  préserver  la 
ville  du  pillage  empêcha  ce  prince  d  y  entrer  immé- 
diatement. Les  consuls  et  les  notables  accoururent 

»  Zurita,XVII.  45. 

11.  6 


82  LIVRE   TROISIÈME, 

vers  lui,  se  jetèrent  à  ses  pieds,  demandèrent  pardon 
pour  les  habitants ,  et  jurèrent  fidélité  pour  Tavenir*. 
En  peu  de  semaines  la  plus  grande  partie  des  deux 
comtés  fut  entièrement  soumise.  La  ville  de  CoUioure 
et  le  fort  de  Bellcgarde  ne  se  rendirent  que  plus  tard  ; 
le  dernier  surtout  tint  jusqu  au  mois  d'octobre  de 
Tannée  suivante. 

Après  la  réduction  de  Perpignan,  les  habitants, 
craignant  que  le  roi  de  France  ne  voulût  tirer  ven- 
geance des  excès  auxquels  ils  s*étaicnt  portés  contre  ses 
sujets,  firent  implorer  sa  miséricorde  par  une  députa- 
tion  à  la  tète  de  laquelle  était  le  second  consul.  Ces 
députés  étaient  chargés  de  demander  communication 
du  traité  d'engagement,  et  de  savoir  du  roi  si  son  in- 
tention était  de  réunir  leur  pays  h  la  France;  dans  ce 
cas,  ils  devaient  le  prier  de  confirmer  leurs  privilèges. 
Louis  fit  expédier  des  lettres  de  grâce  ^,  qui  plus  tard 
furent  renouvelées  pour  CoUioure;  quant  aux  autres 
demandes,  il  répondit  aux  députés  que  les  Perpigna- 
nais  s  étant  révoltés  contre  lui ,  il  les  avait  subjugués , 
et  qu'il  ne  lui  fallait  auprès  d'eux  d'autre  titre  que 
celui  de  la  conquête  ;  cependant  il  les  informa  de  ce 
qu'ils  ne  savaient  encore  qu'imparfaitement,  c'est-à- 
dire  que  les  deux  comtés  lui  étaient  engagés  pour  une 
somme  d'argent,  et  que  son  intention  était,  en  les 
réunissant  à  son  royaume,  de  rétablir  ainsi  les  an- 
ciennes limites  de  la  France*'*.  Quant  h  l'article  des 

»  Durln«,  //lit  de  Louii  XI  —  "  Prfiive§.  n*  VI  —  »  Dndo«. 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  83 

privilèges ,  Louis  déclara  qu*il  les  confirmerait  :  il  le 
fit  en  eflet,  mais  avec  de  tels  changements,  qu'ils  en 
devinrent  méconnaissables^.  Le  gouvernement  des 
deux  comtés  fiit  donné  au  comte  de  Foix ,  et  Philippe- 
dcs  -  Deux  -  Vierges ,  seigneur  de  Montpeyroux ,  fut 
nommé  viguier  de  Roussillon  et  de  Vallespir,  charge  à 
laquelle  fut  réuni  le  gouvernement  du  château  de 
Bell^arde,  après  sa  reddition.  Le  comte  de  Com- 
minge,  qui  avait  fait  cette  campagne  à  ses  frais,  en  fut 
dédonunagé  par  le  don  de  la  ville  et  seigneurie  de  Saint- 
Béat,  en  Languedoc,  avec  le  titre  de  sénéchal  de 
Toulouse. 

Louis  créa,  à  la  même  époque,  un  parlement  dans 
Perpignan,  pour  juger  souverainement  les  affaires  des 
deux  comtés  suivant  les  lois  du  pays,  et  conformé- 
ment aux  privilèges  qui  accordaient  à  la  province  de 
n'être  pas  distraite  de  sa  propre  jurisprudence. 

En  engageant  les  deux  comtés ,  le  roi  d'Aragon  avait 
l'arrière  -  pensée  de  les  recouvrer  sans  remplir  les 
conditions  de  l'engagement-,  aussi,  au  lieu  d'inviter  les 
peuples  de  ces  terres  à  se  résigner  à  une  séparation 
qu'il  s'efforcerait  de  rendre  la  plus  courte  possible, 
Juan  s'était  borné  à  leur  faire  dire  par  son  lieutenant 
de  n'opposer  aucune  résistance  à  l'invasion ,  afin  d'é- 
viter d'irréparables  dommages ,  et  surtout  pour  que  les 
Français  qu'il  avait  appelés  k  son  secours  ne  se  tour- 
nassent pas  contre   lui-même;  mais  dans  le  même 

'  Duclos. 

6. 


8/1  LIVRE    TUOISIÈME. 

temps,  il  envoyait  au  roi  d^Angleterre  un  nommé 
André  Rescados ,  pour  le  presser  de  faire  la  guerre  à  la 
France  '.  Cet  émissaire,  arrêté  par  les  Français,  donna 
à  Louis  la  mesure  de  la  foi  de  son  allié ,  et  lui  apprit 
â  être  sur  ses  gardes.  L'occasion  de  montrer  sa  supé- 
riorité au  roi  d'Aragon  ne  tarda  pas  à  se  présenter. 
Le  roi  de  Castiile  était  Tun  des  princes  contre  lesquels 
le  roi  de  France  s'était  défendu  d'employer  ses  forces  ; 
en  vertu  de  cette  réserve,  quand  le  roi  d'Aragon  en 
vint  à  vouloir  combattre  les  Castillans,  qui  étaient  ve- 
nus en  Catalogne  pouf  appuyer  l'élection  que  les  Cata- 
lans avaient  faite  d'Henri  pour  comte  de  Barcelone, 
les  Français  refusèrent  de  marcher  contre  eux.  Alors, 
dans  l'impossibilité  de  faire  tête  à  tant  d'ennemis,  le 
roi  Juan  fut  obligé  d'en  passer  par  où  voulurent  les 
chefs  de  l'armée  française.  Par  leur  entremise,  un 
armistice  fut  signé,  et  le  roi  de  France  fut  déclaré 
arbitre  des  diflérends  qui  divisaient  la  Castiile  et  l'A- 
ragon. 

Devenu  ainsi  par  ses  artifices  le  juge  de  deux  puis- 
sances qui  craignaient  également  de  l'avoir  pour  en- 
nemi, et  qui  se  trouvaient  dans  l'obligation  de  le  mé- 
nager, parce  que  ses  troupes,  placées  entre  elles  deux, 
pouvaient  les  accabler  l'une  ou  lautre  en  se  joignant  à 
celle  qu'elles  auraient  favorisée,  Louis  connaissait 
trop  l'avanta;;c  de  sa  position  pour  n'en  pas  profiter. 
146J.       Le  'i3  avril  il  rendit  son  jugement,  qui,  d'après  les 

'  Ducloft. 


CHAPITRE  QUATRIÈME.  85 

éléments  sur  lesquels  il  Tavait  assis,  devait  méconten- 
ter tout  le  monde  et  ne  tourner  au  profit  que  de  lui 
seul.  Aussi  chacun  se  plaignit  de  cet  arbitrage  :  Ara- 
jgonnais ,  Navarrois ,  Catalans  et  Castillans ,  tous  prirent 
le  roi  de  France  en  plus  grande  aversion  ;  mais  Louis 
s*en  moquait  :  il  savait  qu*on  avait  besoin  de  lui. 

Suivant  la  sentence  rendue  par  le  roi  de  France , 
le  roi  de  Castille  devait  renoncer  à  protéger  la  Cata- 
logne et  retirer  les  troupes  qu'il  avait  envoyées  dans 
cette  province,  sans  pouvoir  prétendre  à  aucune  in- 
demnité ni  dédommagement  poiu*  tous  les  fi[^s  que 
cet  armement  lui  avait  coûtés  ;  et  le  roi  d'Aragon ,  qui 
s'intitulait  toujours  roi  de  Navarre,  devait  céder  le 
merindat  d'Estella  au  roi  Henri ,  en  compensation  de 
la  somme  de  neuf  cent  mille  doubles  que  ce  prince 
avait  dépensée  en  faveur  du  prince  de  Viane  et  des 
Navarrois.  Ainsi  les  deux  rois  perdaient  à  cette  déci- 
sion ,  et  les  Navarrois  voyaient  leur  puissance  s'affaiblir 
par  le  démembrement  d'un  territoire  considérable , 
pendant  que  les  Catalans  se  trouvaient  privés  de  l'ap- 
pui du  roi  de  Castille. 

Après  avoir  communiqué  cette  sentence  au  roi 
Henri,  dans  une  entrevue  qu'il  eut  avec  lui  sur  la 
Bidassoa,  et  dans  laquelle  les  députés  catalans,  qui  s^ 
étaient  rendus ,  se  plaignirent  amèrement  de  l'abandon 
auquel  ils  étaient  réduits,  Louis  se  porta  à  Saint Jean- 
de-Luz,  où  le  roi  d'Aragon  vint  à  son  tour  s'aboucher 
avec  lui ,  au  commencement  du  mois  de  mai. 


86  LIVRE   TROISIÈME. 

Le  prince  de  Viane,  véritable  roi  de  Navarre,  du 
chef  de  sa  mère,  avait  laissé  sa  couronne  à  l'infante 
Blanche,  sa  sœur;  et  le  comte  de  Foix,  époux  de  Tautre 
sœur  de  ce  prince,  avait  obtenu  de  son  beau-père  que 
Blanche  lui  fut  livrée,  afin  d'empêcher  qu'elle  ne  se 
remariât,  et  d'assurer  par  là  cette  couronne  à  sa  femme. 
Quoique  le  poison  n'eût  pas  encore  terminé  les  jours 
de  cette  princesse,  sa  sœur,  la  comtesse  de  Foix,  dont 
le  fds  avait  épousé  la  sœur  du  roi  de  France,  se  regar- 
dant néanmoins  déjà  comme  reine  de  Navarre,  se 
trouvait  lésée  dans  sa  future  succession  par  la  cession 
du  mcrindat  d'EstcUa  à  la  couronne  de  Castille.  Pour 
la  dédommager  de  cette  perte,  Louis  s'était  obligé  à  lui 
abandonner  SOS  droits  sur  le  lloussillon  et  la  Cerdagne , 
seule  condition  qui  eût  pu  rendre  acceptable  le  traité 
par  le  roi  d'Aragon,  et  il  devait  ajouter  à  ces  terres  la 
vicomte  de  Mauléon  de  Soûle ,  ce  qui  formait  ensemble 
un  domaine  évalué  à  trois  cent  soixante  et  seize  mille 
cent  quatre-vingt-un  écus  d'or.  Louis  remplit,  mais 
voici  comment,  celte  partie  du  traité  qui  le  concer- 
nait: par  acte  du  2/i  mai  il  fit  au  comte  de  Foix  la 
cession  des  deux  comtés  de  lloussillon  et  de  Cerdagne 
et  de  la  vicomte  de  Mauléon;  mais,  ])ar  second  acte 
du  même  jour,  il  les  lui  retira,  et  les  remplaça  par  l'en- 
gagement de  la  ville  et  de  la  sénéchaussée  de  Carcas- 
sonne  avec  tous  les  revenus  ^  Cet  engagement  devait 

'  Cts  deui  traités  m  trouvent,  le  prnnicr,  clans  les  pièces  des  Mé- 
moires (le  Comines.  publiées  par  Godefroy  et  Lenglet  du  Frctilny, 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  87 

devenir  une  cession  perpétuelle  en  faveur  de  cette 
maison ,  si  au  bout  de  deux  ans  Louis  ne  leur  avait  pas 
rendu,  soit  le  merindatd*Estella,  soit  les  comtés  avec 
la  vicomte  ;  ou  bien ,  s  il  ne  leur  payait  pas  une  somme 
de  trois  cent  soixante  et  seize  mille  cent  quatre-vingt-un 
écus  d*or,  équivalent  de  Tévaluation  des  domaines 
cédés.  Par  cet  arrangement ,  le  roi  de  France,  tout  en 
ayant  Tair  de  vouloir  indemniser  la  belle-mère  de  sa 
sœur,  n*avait  encore  travaillé  que  dans  son  propre 
intérêt.  Ayant  lui-même  des  vues  personnelles  siu*  la 
Navarre,  il  avait  cherché  à  aflaiblir  ce  royaume  pour 
en  rendre  la  conquête  plus  facile  au  besoin;  voulant 
aussi  réunir  à  la  France  la  Cerdagne  et  le  Roussillon , 
il  retirait  ces  comtés  des  mains  de  la  comtesse  de  Foix, 
fille  de  don  Juan ,  afin  d*empécher  toute  nouvelle  ac- 
tion de  ce  prince  sur  ces  terres,  et  les  isoler  encore 
mieux  deTÂragon;  quant  à  la  ville  et  sénéchaussée  de 
Carcassonne,  Louis  n'était  pas  en  peine  sur  les  moyens 
de  les  faire  rentrer  sous  sa  puissance,  même  avant 
Texpiration  du  terme  de  rigueiu*,  si  besoin  était. 

En  retirant  ses  soldats  de  la  Catalogne  et  renonçant 
au  titre  de  comte  de  Barcelone,  le  roi  de  Castille  avait 
invité  les  Catalans  à  se  soumettre  à  leur  roi ,  leur  pro- 
mettant, au  nom  de  ce  prince,  Toubli  et  le  pardon  le 
plus  absolu  du  passé,  avec  toutes  les  garanties  qu'ils 

tome  II,  et  le  secoud ,  dans  les  Preuves  de  lliistoire  générale  de  Lan- 
guedoc ,  tome  V.  Saivant  Ducios ,  le  roi  de  France  ne  retint  les  comtés 
engagés,  que  parce  que  Juan  n^avait  pas  remis  au  roi  de  Castille  le  me- 
rindat  d*Estella.  Hist.  de  Louis  XL 


88  LIVRE  TROISIÈME. 

l>ouiTaien  t  désirer  pour  l'exécution  de  cette  promesse  ^ . 
Mais  les  Catalans,  encore  trop  irrités  contre  un  mo- 
narque qui  avait  ajouté  à  ses  premiers  griefs  celui  de 
démembrer  une  portion  de  lem*  territoire  sans  leur 
participation,  ne  voulurent  pas  profiter  de  cette  am- 
nistie, et  continuèrent  la  guerre.  Abandonnés  par  le 
roi  de  Castille,  ils  se  donnèrent  à  don  Pèdrc,  conné- 
table de  Portugal,  qui,  croyant  pouvoir  s'appuyer  de 
la  protection  de  la  France,  demanda  des  secours  h 
Louis;  mais  celui-ci,  qui  convoitait  lui-même  la  Ca- 
talogne, ne  pouvait  voir  que  de  mauvais  œil  la  pré- 
sence de  Pèdrc  dans  cette  principauté  ;  non-seulement 
il  refusa  de  lui  prêter  secours,  mais  il  chercha  même 
à  susciter  à  son  concurrent  des  obstacles  du  côté  du 
Portugal.  Pèdre,  irrité,  entra  alors  en  Ampourdan, 
d*oii  il  tenta  de  soulever  le  Roussillon  contre  les  Fran- 
çais. Pour  arrêter  la  fermentation  qui  déjà  commençait 
à  se  manifester  dans  ce  comté,  Louis  fit  partir  en  toute 
hâte  pour  Perpignan  Juan  de  Verges,  conseiller  au 
parlement  de  Paris,  dont  la  prudence  calma  toutes  les 
plaintes *.l3n  des  agents  du  connétable,  ayant  été  trouvé 
à  CoUioure,  fut  arrêté  et  pendu. 

Pèdrc  avait  reçu  quelques  secours  de  Philippe,  dur 
de  Bourgogne;  mais  ces  moyens  étaient  bien  faibles 
contre  les  forces  qu'avait  réunies  contre  lui  le  roi  d'A- 

*  Ce.  pardon  était  un  de»  articles  de  la  wntence  arbitrale  de  Louis 
entre  les  rois  de  Castille  et  d* Aragon.  Toutes  ces  pièces  sont  dans  les 
Mémoires  de  (domines,  publiés  par  (lodefroy  et  I^englet  Dufresnoy. 

•  Ihirlos 


CHAPITRE  QUATRIÈME.  89 

ragon.  Ayant  voulu  marcher  vers  Cervera,  que  le 
comte  de  Prades  assiégeait  et  que  le  défaut  de  vivres 
et  de  munitions  mettait  dans  le  plus  grand  péril»  il  fut 
battu  complètement  ;  les  Bourguignons ,  qui  formaient  »  4«^- 
la  première  ligne  de  sa  petite  armée,  et  qui,  dit  Ma- 
riana,  ne  savaient  ce  que  c'est  que  de  reculer,  y  pé- 
rirent presque  tous;  don  Pèdre  fut  heureux  de  pouvoir 
échapper  à  Tennemi,  en  jetant  son  manteau  et  les  in- 
signes qui  pouvaient  le  faire  reconnaître,  et  en  se  mê- 
lant le  lendemain  avec  les  vainqueurs,  pour  trouver 
les  moyens  de  se  mettre  en  sûreté ^  Ce  prince  moiuiit 
le  29  juin  1 466,  laissant  par  son  testament  le  titre  de  >«<!s- 
comte  de  Barcelone  à  son  neveu,  don  Juan  de  Por- 
tugal. Mais  les  Catalans,  siu*  qui  le  roi  d* Aragon  ob- 
tenait chaque  jour  de  nouveaux  avantages,  et  qui  n'a- 
vaient pas  grand'chose  à  espérer  du  côté  du  Portugal , 
élurent ,  h  la  place  de  don  Juan ,  le  duc  d'Anjou,  René, 
roi  de  Naples  et  comte  de  Provence,  qu'ils  savaient 
être  ennemi  irréconciliable  des  Aragonnais,  et  qu'ils 
se  flattaient  de  voir  soutenir  par  les  Français ,  comme 
prince  de  la  maison  de  France.  René  envoya  à  Bar- 
celone Jean ,  duc  de  Lorraine  et  de  Calabre ,  son  fils , 
qui,  pour  mieux  résister  au  roi  d'Aragon,  s'unit  au 
comte  d'Armagnac,  et  reçut  même  sous  main  des  se- 
cours de  Lom's  XI. 

Le  duc  de  Lorraine  mourut  à  Barcelone  le  1 6  de       «^70 
décembre  1/170,  et  cet  événement  ruina  entièrement 

>  Manana.  Hitt  (TEsp.  liv.  XXm. 


^. 


90  LIVRE  TROISIÈME. 

les  aflaires  des  Catalans.  Les  armes  d'Aragon,  déjà 
plusieurs  fois  victorieuses  entre  les  mains  de  don  Juan , 
fils  naturel  du  roi  et  désigné  par  les  historiens  sous  le 
titre  d*archcvéque  de  Saragosse,  quoiqu'il  n*en  fût 
qu'administrateur  général ,  pour  en  percevoir  les  re- 
venus sans  exercer  la  prêtrise ,  ne  laissant  plus  aucun 
espoir  à  la  résistance,  la  ville  de  Barcelone  retourna 
enfin  à  l'obéissance,  et  sa  soumission  acheva  la  pacifi- 
cation du  pays.  Tranquille  de  ce  côté,  Juan  songea 
alors  à  faire  cesser  ce  que  les  écrivains  espagnols  ap- 
pellent l'usurpation  des  comtés  de  Roussillon  et  de 
Cerdagne.  Aussi  peu  scrupuleux  que  Louis  sur  les 
moyens  de  recouvrer  ces  comtés  sans  rien  rembourser 
à  la  France  de  ses  avances,  ce  fut  par  la  révolte  des 
populations  contre  les  garnisons  françaises,  qu*il  cher- 
cha à  les  faire  rentrer  sous  sa  domination. 

Ces  garnisons  occupaient  toutes  les  places  des  deux 
comtés;  l'administration  s'y  trouvait  entre  les  mains 
de  gens  à  la  convenance  du  roi  de  France,  et  le  parie- 
ment  de  Perpignan  exerçait  souverainement  la  justice 
dans  tout  son  ressort.  Louis,  qui  était  juste  quand  son 
intérêt  ne  lui  commandait  pas  l'injustice,  faisait  tous 
ses  eflbrts  pour  accoutumer  les  Roussillonnais  au  ré- 
gime français;  la  tranquillité  et  l'abondance  régnaient 
dans  tout  le  pays,  quand  les  menées  du  roi  d'Aragon 
y  rappelèrent  les  tempêtes. 
i4,i  Suivant  les  écrivains  espagnols,  jaloux  de  justifier 

la  conduite  du  roi  de  leur  nation,  les  Français  qui  se 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  91 

trouvaient  en  Roussillon,  s  y  considérant  comme  en 
terre  ennemie,  se  livraient  envers  les  habitants  à  des 
vexations  telles ,  qu'elles  avaient  mis  ceux-ci  dans  la 
nécessité  d'implorer  le  secom^s  de  leur  roi  poiur  les  ar- 
racher à  un  joug  devenu  trop  insupportable.  Cette  in- 
culpation ,  répétée  par  quelques-uns  de  nos  historiens 
nationaux,  siur  la  foi  des  premiers,  ne  paraît  pas  aussi 
prouvée  qu'ils  ont  semblé  le  croire.  Trop  souvent  sans 
doute,  dans  un  pays  conquis,  la  justice  n'est  pas  assez 
impartiale ,  et  on  est  très-porté  à  croire  que  plus  d'im 
Roussillonnais  fut  victime  de  l'arrogance  ou  de  l'avarice 
de  ceux  qui  occupaient  des  charges  publiques;  mais, 
comme  l'intérêt  de  Louis  était  de  ménager  une  popu- 
lation qu'il  voulait  attacher  à  la  France,  il  n'est  pas 
probable  qu'il  eût  souffert  des  persécutions  qui  au- 
raient pu  compromettre  sa  possession ,  et  l'envoi  de 
Jean  de  Verges  pour  calmer  la  fermentation  qu'avait 
excitée  en  Roussillon  le  voisinage  du  connétable  de 
Portugal,  en  i463,  et  redresser  les  injustices,  atteste 
la  sollicitude  de  ce  prince  sous  ce  rapport.  Lorsque, 
en  traitant  de  la  paix  dans  le  cours  de  la  guerre  dont 
nous  allons  rendre  compte,  les  ambassadeurs  ou  plé- 
nipotentiaires du  roi  d'Aragon  voulurent  excuser  l'in- 
surrection de  Perpignan  et  des  comtés,  en  alléguant 
les  mauvais  traitements  des  Français ,  le  conseil  du  roi 
répondit  à  ce  grief  en  ces  termes  :  «  Quant  à  ce  qui 
«  concerne  les  efforts  des  ambassadeurs  pour  justifier 
nia  rébellion  du  Roussillon,  la  conjuration  tramée 


92  LIVRE  TROISIÈME. 

((  par  ces  peuples  contre  le  roi  de  France  et  leur  sou- 
«  lèvement  contre  lui  pour  se  donner  au  roi  d*Aragon , 
«  prétextant  pour  excuser  leiu*  coupable  attaque  contre 
«  les  Français,  afin  de  les  chasser  de  Perpignan  et  des 
«châteaux  occupés  par  le  roi  de  France,  Tinsuppor- 
«  table  dureté  de  leurs  gouverneurs,  ce  n'était  qu'une 
a  feinte.  Avant  que  les  Roussillonnais  se  révoltassent 
<c  contre  le  serment  et  hommage  qu'ils  avaient  prêté  au 
«roi  de  France,  les  comtés  de  Roussillon  et  de  Cer- 
«  dagne  jouissaient  d'une  profonde  paix ,  avec  une  en- 
tttière  administration  de  justice.  Jamais,  depuis  plus 
«  de  cent  ans,  cette  terre  n'avait  été  dans  un  état  aussi 
«prospère  qu'à  cette  époque,  et  toute  la  noblesse 
«  qu'elle  contenait  recevait  des  pensions  et  des  traite- 
«mcnts  du  roi.  Ainsi,  prétendre  que  le  roi  d'Aragon 
«  s'était  mis  en  marche  pour  le  Roussillon,  sur  les  cla- 
«  meurs  et  les  plaintes  des  habitants ,  c'était  avancer  un 
«  fait  contraire  à  la  vérité.  La  vérité  est  que  depuis 
«que  le  roi  d'Aragon  est  arrivé  (à  Perpignan),  ce 
«  peuple,  de  dure  cervelle ^  a  souffert  de  la  guerre  et 
«  de  la  faim,  et  de  toutes  espèces  de  tribulations.  Il  n'é- 
«  (ait  pas  nécessaire  de  faire  mention  de  l'administra- 
«tion  de  la  justice,  puisque  cette  province  s'en  était 
«déjii  sépart'C  elle-même.  Il  est  certain,  eneflet,  que 
«  pendant  que  le  roi  de  France  la  possédait  pacifique- 
«  ment  et  h  titre  légitime,  la  plupart  des  nobles  avaient 
«déjà  conjun*  la  captivité  du  seigneur  du  Ludr.  gou- 

*   Pr  dan)  crnt: 


XmRP.  QIÎATRIKMI',. 
»  verneur  de  ce  comt^ ,  ot  conspira  à  diverses  reprises 
«  l'envahissement  du  (Mtcau  et  de  la  ville  de  Pcrpi- 
n  gnaii  ;  que  le  roi  d'Aragon ,  pour  faciliter  l'exécution 
«  de  cette  traluson ,  s'i^tait  porté  de  sa  personne  juscpi'au 
u  château  de  Mortcllas  (  sans  doute  MaurcUas),  et  que 
«cette  circonstiincc  ne  saurait  être  niée,  puisque 
«Riambao,  chevalier  de  Perpignan,  qui  devait  lui 
u  livrer  une  des  portes  de  la  ville,  en  fit  publiquement 
•il'aveu,  !>  la  face  de  toute  !a  population,  au  monient 
«  oii  ou  allait  lui  trancher  la  tète.  Plusieurs  mois  après, 
•  le  roi  Juan  revint  encore,  dit-on,  au  même  endroit, 

■  et.  à  ses  instances,  cette  ville  et  divers  châteaux  se 

■  révoltèrent  contre  ie  roi  de  France*.  »  Ces  faits,  que 
le  conseil  opposait  aux  plaintes  des  ambassadeurs  du 
roi  dWragon ,  ne  laissent  point  douter  que  le  soulHe- 
menl  du  Roussillon,  et  de  Perpignan  en  particulier, 
n'aient  été  l'ouvrage  de  don  Juan;  et  tout  en  faisant, 
dan&ccs  récriminations  du  conseil,  la  part  de  la  mau- 
vaise foi  qu'il  est  convenu  qu'on  ne  peut  scparcr  de 
tout  ce  qui  se  faisait  sous  Louis  XJ.  il  restera  toujour» 
établi  que  ie  fait  des  mauvais  traitements  des  Français 
envers  la  population  ne  fut  pas  ia  cause  de  h  révolte. 

La  conduite  du  roi  d'Aragon,  dans  toute  cette  affaire 
de  l'engagement ,  fut  encore  plus  déloyale  que  celle  du 
roî  de  France.  Après  cette  première  tentative  pour 
&ire  soulever  Perpignan,  tentative  qui  n'est  connue 
qaepar  ce  qu'en  rapporte  Zurlta,  d'après  la  réponse 


L 


OA  LIVRE  TROISIÈME. 

du  conseil  du  roi  de  France  dont  nous  venons  de  par- 
ler, et  qui  n*eut  pour  résultat  que  de  faire  tomber  sur 
un  échafaud  ia  tète  du  chevalier  Riambao ,  Juan  en  fit 
une  seconde  qui  réussit  mieux.  Ayant  traversé  les 
Pyrénées  dans  le  silence,  ce  prince  se  présenta  inopi- 
nément devant  Perpignan,  avec  quelques  troupes,  le 
i"  du  mois  de  février  1473,  après  minuit.  Aux  cris 
Aragon!  Aragon  1  que  poussèrent  ses  gens,  le  premier 
consul  de  la  ville ,  nommé  Jean  Blanca ,  et  ses  quatre 
collègues  allèrent  ouvrir  la  porte  de  Canot,  et  donnè- 
rent entrée  dans  la  place  à  la  troupe  aragonnaise  ^  Les 
Français,  surpris  dans  leur  sommeil,  n'opposèrent  au- 
cune résistance  au  double  ennemi  qui  les  attaquait ,  et 
ceux  qui  ne  purent  se  réfugier  au  château  tombèrent 
sous  le  fer  catalan  ou  aragonnais  ^. 

Il  y  avait  déjà  deux  ans  que  1  étendard  de  la  révolte 
était  déployé  en  Roussillon  contre  la  domination  fran- 
çaise, quand  le  roi  dWragon  se  rendit  ainsi  maître  de 
Perpignan.  Dès  1671,  pendant  que  Juan  faisait  la 
lierre  en  Catalogne,  ce  Bernard  d*Oms,  chevalier 
roussillonnais  au  service  de  France  dès  avant  Tengage- 

*  Fosu,  d'après  un  manuscrit  du  temps. 

CjfiXt  action  du  consul  Bianca,  singulit^rrmcnt  dniaturer  par  la 
»uitr,  donna  lieu  â  une  anecdote  dont  le  ridicule  a  été  démontre  par 
Fossa.  et  dans  laquelle  on  lui  faisait  joutT  lo  morne  n'de  qu'au  célèbre 
Guxman.  {rouTemeur  de  Tarifa.  \  ce  trait  apocryphe  on  a\ait  rattadié 
Hnscription  suiiante«  qu'on  lit  sur  une  pierre  enchâssée  dans  le  mur 
du  jardin  de  l'ancienni'  intendant  •Hnju«domusdi'»mmus  fideliiate 
•  runctos  «upera^ii  Boman«v«  • 

'  Daniel.  Huf   dr  France 


CHAP1TRK   QUATRIEME.  95 

ment  du  HoussîUoii .  que  Louis  XI  avait  fuit  son  séné- 
chai  de  Bcaucairc,  et  ensuite  de  Perpignan,  pour  le 
placer  ainsi  danR  son  propre  pays',  Giiillaunie  d'Oms, 
son  frère  ou  son  parent ,  Pierre  d'Orlala  et  quelques 
autres  seigneurs  avaient  fait  soulever  leurs  vassaux. 
et  le  roi  Juan  les  avait  lait  soutenir  par  quelques  forces 
sous  le  commandement  de  Pierre  de  Rocaberti  et  de 
Berirand  d'Annendarès,  Ce  même  Bernard  d'Oms 
venait,  tout  récemment  encore,  de  faire  révolter  la 
ville  d'Elne  et  d'eu  chasser  la  garnison  française ,  si 
bien  que  Louis  ne  possédait  plus  en  Roussillon  que  les 
châteaux  de  Perpignan,  de  Salses  et  de  Collioure. 

Cetle  insurrection  des  pays  engagés,  aux  instigations 
et  par  les  manœuvres  de  don  Juan ,  soulève  une  grave 
question ,  celle  de  savoir  si  le  roi  de  France  était  li^ga- 
lement  en  possession  des  terres  engagées,  ou  si ,  comme 
ic  disait  le  roi  d'Aragon ,  et  comme  l'ont  répété  les  écri- 
vains espagnols ,  il  les  possédait  par  une  usurpation  et 
contre  l'équité.  Dans  ce  dernier  cas,  Juan  aurait  été 
en  droit  de  les  reprendre  par  toutes  les  voies  ;  dans 
l'autre,  sa  conduite  était  une  perfidie.  Nous  démon- 
trons ailleurs  que  )a  possession  du  roi  de  France  était 
réellement  légale,  et  que  les  intrigues  du  roi  d'Aragon 
pour  la  lui  ravir,  sans  remplir  les  conditions  du  con- 
trat .  étaient  une  véritable  fraude  '. 


'  Ziirita.XVlII.  38.- 


96  LIVRE  TROISIEME. 


CHAPITRE  V. 

Siège  de  Perpignan.  — Trêve  de  Oinet.  — Traité  de  Perpignan. 

—  Ambassade  aragonnaîse. 

Au  moment  où  le  roi  d*Aragon  dérobait  «nu  roi  de 
France  le  gage  qu*il  lui  avait  livré  pour  la  garantie  d  une 
dette,  Louis  se  trouvait  dans  une  situation  critique , 
et  le  moment  de  le  blesser  au  rxeur  ne  pouvait  être 
mieux  choisi.  Le  duc  d'Alonron  et  le  duc  de  Bourgogne 
s'étaient  ligués  contre  lui;  le  comte  d'Armagnac,  dé- 
pouillé, condamné  à  mort,  puis  réintégré  dans  une 
partie  de  ses  biens,  s'était  emparé  de  Lcctoure  au  mé- 
pris de  sa  foi,  et  le  jeune  duc  de  Calabre,  petit-fds  de 
René  d'Anjou,  s'était  déclaré  en  faveur  du  duc  de 
Bourgogne.  Une  armée  sous  les  ordres  de  JoufTroy, 
cardinal-évêcfue  d'Albi ,  de  Gaston-du-Lyon ,  sénéclial 
de  Toulouse,  de  Rufée-de-Balzac,  sénéchal  de  Beau- 
Caire,  et  d'Yves-DulTou  ou  du-Fou  avait  mis  le  siège 
devant  cette  même  ville  de  Lectourc,  que  Louis  avait 
fort  à  cœur  de  reprendre,  quand  parvint  à  ce  mo- 
narque la  nouvelle  de  la  révolte  de  Perpignan.  Le  nv 
tahlissemont  de  son  autorité  dans  les  pays  engagés 
étant  pour  lui  de  la  plus  haute  importance,  il  .sentit  l:i 
nécessité  de  diriger,  sans  perdre  de  temps,  des  force» 
sur  le  Roussillon;  mais,  ne  voulant  pas  renoncer  a  sa 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  97 

vengeance  contre  le  comte  d* Armagnac,  il  prépara 
sa  chute  par  une  noirceur  infâme.  Un  accommodement 
lut  proposé  à  ce  comte ,  qui  s  y  prêta  ;  une  convention 
fut  signée  entre  les  assiégeants  et  les  assiégés,  et,  à 
l'ombre  de  cet  accord ,  les  premiers  se  glissèrent  dans 
Lectoure  :  le  comte  fîit  massacré  et  sa  femme  traitée 
de  la  manière  la  plus  horrible.  Le  sang  et  les  cendres 
marquèrent  remplacement  de  la  ville. 

Après  cette  épouvantable  prouesse,  après  avoir 
parcouru  tout  TArmagnac  en  ennemi  et  forcé  le  cha- 
pitre d'Auch  à  vendre,  pour  sa  rançon,  toute  sa  bi- 
bliothèque et  quelques  pièces  d*argenterie  de  Téglise  ^, 
le  cardinal  Jouffiroy  marcha  sur  le  Roussillon,  avec  la 
persuasion  qu'il  pourrait  se  jeter  facilement  dans  Per- 
pignan par  le  château,  qui  était  toujours  au  pouvoir 
des  Français.  Bientôt  détrompé ,  il  forma  le  blocus  de 
cette  place. 

Le  roi  d* Aragon  était  encore  dans  Perpignan  ;  quoi- 
que âgé  alors  de  soixante  et  seize  ans ,  il  voulait  défendre 
lui-même  cette  ville.  Convaincu  que  sa  présence  était 
le  meilleur  moyen  de  soutenir  le  courage  des  habi- 
tante, dans  la  lutte  dangereuse  qui  allait  s'ouvrir,  il 
résista  è  toutes  les  instances  que  lui  faisaient,  autant 
les  grands  que  le  peuple  lui-même ,  pour  qu'il  n*exposât 
pas  sa  personne  aux  périls  d'un  siège  ;  mais  le  valeureux 
vieillard ,  qui  en  cette  occasion  méritait  plutôt  cepen- 
dant les  épithètes  de  téméraire  et  d'imprudent  que 

*  Eipilly,  Dict  de  la  France. 

II.  7 


98  LIVRE  TROISIÈME.' 

celles  d*intrépide  et  de  magnanime,  puisque  pour  une 
seule  ville  il  pouvait  compromettre  la  tranquillité  de 
tout  son  royaume,  jura,  en  présence  de  toute  la  popu- 
lation rassemblée  dans  la  principale  église,  qu*il  ne 
sortirait  de  la  place  que  lorsqu'elle  serait  libre  de  toute 
crainte  de  la  part  des  Français.  Animant  tout  par  son 
activité,  il  mettait  le  premier  la  main  aux  travaux  qui 
devaient  garantir  la  ville  contre  le  château ,  et,  par  son 
exemple,  il  forçait  chacun  d  y  prendre  part.  Des  fossés 
furent  creusés  de  ce  côté,  des  terre- pleins  palissades 
s'élevèrent  dans  toutes  les  avenues,  et  on  établit  des 
batteries  de  canon  partout  où  s*en  montrait  le  besoin. 
La  résolution  hautement  exprimée  par  le  rot  d*A* 
ragon  de  ne  jias  abandonner  les  Perpignanais,  tant 
qu'il  y  aurait  du  danger  pour  eux,  électrisant  d'un  feu 
sacré  la  belliqueuse  noblesse  de  ses  états,  chaque  jour 
les  portes  de  la  ville  s'ouvraient  à  des  chevalier^  de  re- 
nom qui  venaient  partager  avec  le  prince  les  fisitîgues 
et  les  périls  de  sa  position.  Don  Alonze  d'Aragon, 
second  enfant  naturel  du  roi,  le  comte  de  Pradeset 
de  Cardone,  Pèdre  de  Rocaberti,  châtelain  d'Am- 
posta,  don  Louis  Muça  de  Luçana,  suivi  de  orne  che- 
valiers, ses  partisans  ou  alliés,  et  une  foule  d'autres 
riches  hommes  se  jetèrent  ainsi  dans  Perpignan,  à  la 
vue  des  Français  ;  cent  chevaux  fournis  par  la  ville  de 
Saragosse  y  entrèrent  également ,  et  le  connétable  de 
Navarre,  Pierre  de  Peralta,  à  la  faveur  de  la  langue 
française  qu*il  parlait  très-bien,  et  sous  un  froc  de 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  99 

capucin  dont  il  couvrit  son  armure ,  pénétra  dans  la 
place ,  à  travers  le  camp  même  des  assiégeants. 

Le  seul  enfant  légitime  qu'eût  le  roi  d* Aragon ,  don 
Femand  ou  Ferdinand,  marié  depuis  quelques  années 
à  Tinfante  de  Castille,  Isabelle,  et  qui  portait  le  titre 
de  roi  de  Sicile,  était  à  Talamança,  lorsque  les  messa- 
gers de  son  père  vinrent  lui  annoncer  le  projet  hardi 
qu  il  avait  formé.  Réunissant  aussitôt  quatre-vingts 
chevaux  de  Castille,  ce  prince  partit  en  toute  hâte,  et 
vint  camper  en  vue  d'Ampurias,  dans  le  courant  de 
juin:  le  blocus  rigoureux  de  Perpignan  était  formé 
depuis  le  mois  d'avril. 

Le  roi  de  France  avait  donné  le  commandement  de 
son  armée  à  Philippe  de  Bugey,  frère  du  duc  de  Savoie, 
auprès  de  qui  il  avait  placé  un  général  français  investi 
de  toute  sa  confiance.  Son  choix  s'était  porté  d'abord 
sur  le  maréchal  de  Comminge,  puis  sur  le  sénéchal 
de  Poitou,  qui  l'un  et  l'autre  moururent  avant  d'arri- 
ver à  l'armée;  enfin,  Jean  de  Daillon,  seigneur  du 
Lude,  bailli  de  Cotentin,  l'un  de  ses  ùvoris,  joignit 
l'armée  en  Roussillon. 

Le  siège  de  Perpignan  se  continuait,  mais  sans 8U<> 
ces  et  sans  résultats;  de  fréquentes  escarmouches 
avaient  lieu,  parce  que  les  assiégés  faisaient  de  fré- 
quentes sorties  pour  aller  chercher  des  vivres  à  Elne, 
où  l'archevêque  de  Saragosse  (  pour  nous  conformer 
h  la  qualification  que  les  écrivains  aragonnais  donnent 
k  l'infant  administrateur  de  ce  diocèse  )  en  avait  réuni 

7- 


100  LIVRE   TROISIÈME. 

une  grande  quantité.  Dans  une  de  ces  sorties,  un  sei- 
gneur navarrois,  nommé  Jean  d'Armendarès,  capi- 
taine dune  compagnie  de  chevaux,  ayant  été  pris  et 
massacré,  le  roi  Juan,  justement  indigné,  fit,  par  re- 
présailles, mettre  à  mort  quelques-uns  des  principaux 
prisonniers  français  tombés  entre  ses  mains.  Cette 
rigueur  amena  des  explications;  les  Français  rejetèrent 
la  funeste  mort  du  seigneur  navarrois  sur  une  troupe 
de  bandits  au  pouvoir  desquels  il  était  tombé,  et  on 
prit  des  mesures  pour  que  de  pareils  malheurs  ne  se 
reproduisissent  plus. 

L'annonce  de  l'approche  du  roi  de  Sicile  avec  un 
renfort  de  troupes  avait  déconcerté  les  assiégeants, 
qui  déjà  avant  ce  moment  désespéraient  du  siège.  Dé- 
cidés à  tenter  un  dernier  effort  avant  l'arrivée  des  Cas- 
tillans, quatre  mille  hommes  sous  le  commandement 
de  du  Lau,  gouverneur  de  Roussillon\  et  de  Ruffée 
de  Balzac  avaient  été  détachés  pour  donner  un  assaut. 
Ces  capitaines  firent  une  fausse  attaque  d'un  côté,  pen- 
dant que  soixante  gendarmes,  avec  une  troupe  d'ar- 
chers, escaladaient  le  rempart  du  côté  opposé.  La  ten- 
tative fut  heureuse;  les  gendarmes  parvinrent  à  se 
jeter  dans  la  place ,  mais  n'ayant  pas  été  soutenus  à 

'  Ce  seigneur,  condamné  par  Louis  XI  k  être  enfenné  dans  une 
cage» de  fer,  était  ensuite  retenu  en  faveur,  et  Louis  Tavait  engagé  à 
acheter,  pour  la  somme  de  vingt-quatre  mille  écus,  la  charge  de  gou- 
verneur des  deux  comtés,  à  Tanneguy-du-Châtel ,  qui  en  était  pourvu 
avant  lui.  Dudos  ( H'ut.  de  Louis  XI  )  fait  ohserver  que  rcst  par  \k  que 
s*intrt>doisit  la  vénalité  des  charges 


CHAPITRE    CINQUIÈME.  101 

temps,  ils  furent  tous  tués  ou  pris.  Le  lendemain,  du 
Lau  s  étant  posté  en  embuscade  pour  surprendre  un 
convoi  qui  devait  entrer  dans  la  place,  les  assiégeants 
firent  une  sortie,  et  du  Lau,  pris  entre  deux  feux,  se 
trouva  dans  Timpossibilité  d  opérer  sa  retraite  :  après 
une  vive  résistance,  il  fut  pris  avec  le  sénéchal  de 
Beaucaire  et  plusieurs  des  leurs. 

Pendant  que  ces  choses  se  passaient,  le  duc  de 
Bourgogne  avait  conclu  avec  Louis  XI  une  trêve  dans 
laquelle  TÂragon  se  trouvait  compris.  La  nouvelle  en 
étant  parvenue  à  don  Juan ,  il  s'était  empressé  de  la 
notifier  aux  généraux  finançais,  qui  nen  avaient  tenu 
compte  ;  cependant  la  certitude  acquise  que  le  roi  de 
Sicile  avait  traversé  les  Pyrénées,  le  a  &  juin ,  les  deux 
échecs  des  jours  précédents,  la  disette  qui  commen- 
çait à  se  faire  sentir  dans  le  camp  fiançais  et  les mala-^ 
dies  qui  s  y  étaient  manifestées ,  faisant  faire  de  sérieuses 
réflexions  à  ces  généraux,  ils  levèrent  le  siège.  Le  dé- 
part se  fit  avec  si  peu  d'ordre ,  avec  une  telle  précipi- 
tation, que  les  Français  mirent  eux-mêmes  le  feu  h 
leur  camp,  et  que,  dans  cet  incendie,  il  périt  un 
nombre  considérable  de  malades  et  de  blessés. 

La  trêve  signée  par  le  duc  de  Bourgogne  fut  renou- 
velée pour  le  Roussillon ,  à  Canet,  le  1 6  juillet  suivant, 
et  suspendit  les  hostilités  pour  quelques  instants  de 
plus.  Aux  termes  des  conventions,  chacun,  gardant  les 
places  et  châteaux  qu'il  occupait,  pouvait  les  fortifier 
à  son  gré  et  les  pourvoir  de  vivres ,  et  les  soldats  de 


102  LIVRE   TROISIÈME. 

part  et  d'autre,  aussi  bien  que  les  habitants,  étaient 
libres  de  communiquer  entre  eux  et  de  se  rendre  d'un 
lieu  à  un  autre,  mais  non  pas  d'entrer  dans  les  places 
fortes  sans  la  permission  des  capitaines. 

Cette  trêve  était  tout  à  l'avantage  des  Français,  qui 
à  sa  faveur  pouvaient  tranquillement  rendre  inexpu* 
gnable  le  château.  Cependant  elle  ne  fut  pas  du  goût 
de  Louis ,  qui  aurait  voulu  terminer  immédiatement 
l'affaire  du  Roussillon.  Dans  son  mécontentement,  il 
retira  le  conmiandement  de  l'armée  au  prince  de 
Savoie ,  et  il  mit  à  sa  place  le  seigneur  du  Lude  (  An- 
toine de  Cliâteauneuf  ),  avec  ordre  de  reprendre  in* 
continent  les  opérations  du  siège.  Le  duc  de  Bour- 
gogne se  trouvant  en  ce  moment  occupé  en  Allemagne , 
et  laissant  ainsi  à  Louis  la  libre  disposition  des  troupes 
qu'il  avait  sur  pied ,  l'armée  de  Roussillon  reçut  des 
renforts  considérables,  et  ce  prince  annonça  haute- 
ment qu'il  enverrait  contre  Perpignan ,  s'il  le  feUait , 
toutes  les  forces  du  royaume.  Dans  le  même  temps,  au 
moyen  de  gros  emprunts  qu'il  fit  è  un  riche  banquier 
de  Tours,  nommé  Briçonnet,  il  formait  de  grands  ma- 
gasins sur  la  frontière. 

Deux  semaines  s'étaient  à  peine  écoulées  depuis  la 
conclusion  de  l'armistice,  quand  le  roi  d'Aragon  vit 
l'armée  française  se  rapprocher  de  Perpignan  et  re- 
prendre ses  positions  autour  de  cette  place.  Juan  s'était 
déjà  imprudemment  privé  d'une  partie  de  ses  moyens . 
dans  la  confiance  qu'un  arrangement  définitif  allait 


CHAPITRE  CINQUIEME.  103 

suivre  la  Irére ,  ce  [triiice  avait  fait  repaûer  les  Pyriè- 
nées  aux  gens  da  roi  de  Sicile  et  de  l'arkheYéqiie  Aé 
Sangosse.  Quand  les  ooiiniers  envoyés  <Ur  lu  trMei 
de  ces  deux  inlanta  les  atteigoiram,  le  dernier  ft'avHit 
fAa»  personny  aotour  -dé  loi ,  et  Ferdinand  atdlt  lib«tt>-' 
dé  ses  Castiliahs.Lea  eon^eUlcm  daroi  de  Sicile  b'é- 

laieiit  pas  d'avis  qiii!  ce  priiiofi  rcltiurnût  iiti|)ri!:s  de  son 
père,  qu'ils  accusaient  nvec  raison  de  metirc  en  pt^ril 
sa  personne  et  st'S  fatals  par  son  obstination  k  rester 
dans  anc  ville  assiégée;  mats  Ferdinand  rebrOuSM 
chemin  avec  tout  ce  qu'il  put  réunir  de  Catalans;  de 
leur  coté,  les  enfants  naturels  du  roi  retournèrent  k 
Ehe  •■  À  leur  arrivée ,  la  c^nsc  qui  les  avait  fait  rappeler' 
n'existait  plus.  Sans  ifu'oti  en  sache  les  motifs,  le  nou- 
veau htocus  de  Perpignan  avait  été  levé  aussitôt  que 
■  repris.  Zurita  soup(;«nne  que  ectie  démonstrnlion  n'a- 
vait eu  pour  objet  que  de  masquer  rentrée  d'un  renfort 
de  troupes  au  château;  les  événements  subséquent» 
sembleraient  plutôt  prouver  que  l'éloipiement  suTiit 
de  l'armée,  après  les  ordres  si  précis  de  Louis  de  ne 
pas  accepter  la  trêve,  ne  fut  que  le  résultat  d'mi  elian- 
genient  d'idées  de  la  part  de  ce  roi ,  et  uniquement  pour 
priver  Perpignan  de  la  présencP  du  prince  qui  seul 
pouvait  en  empêcher  ta  chute. 

La  faculté  que  la  trêve  laissait  aux  Fntni;ais  de  pou- 
voir se  fortifier  dans  le  ebôtcau  avait  donné  de  vifs 
regrets  aux  conseillera  du  roi  d'Aragon ,  qui  savaient 
qu'on  négoiûait  une   prorogation   de  la  suspension 


104  LIVRE   TROISIÈME, 

d'armes  conclue  entre  le  roi  de  France  et  le  duc  de 
Bourgogne.  Prévoyant  que  Taugmentation  des  forces 
dont  Louis  pourrait  alors  disposer  allait  rendre  plus 
dangereuse  la  guerre  de  Roussillon,  ils  avaient  de 
nouveau  pressé  le  monarque  de  quitter  Perpignan ,  et 
d'aller  à  Barcelone  réunir  les  corts ,  afin  d'aviser  aux 
moyens  de  recouvrer  pacifiquement  les  deux  comtés  « 
en  remboursant  le  prix  de  l'engagement;  tous  s'of- 
firaient  de  sacrifier,  s'il  en  était  besoin ,  leur  fortune 
entière,  et  jusqu'à  vendre,  disaient-ils,  leurs  propres 
enfants ,  pour  réunir  la  somme  nécessaire  ^  ;  mais  Juan 
ne  voulut  pas  écouter  un  avis  si  plein  de  sens  et  de 
loyauté.  Obstiné  et  avare  comme  la  plupart  des  vieil- 
lards, mais  brave  par-dessus  tout,  il  tenait  à  honneur 
de  ne  pas  sortir  de  la  place  qu'elle  ne  fût  entièrement 
à  l'abri  de  toute  crainte ,  et  de  recouvrer  ses  domaines 
sans  bourse  délier.  Quoique  fort  malade,  il  déclara 
que  rien  ne  pourrait  changer  sa  première  résolution. 
Pendant  que  les  esprits  étaient  flottants  entre  1  m- 
certitude  de  ce  que  ferait  le  roi  de  France ,  à  l'expi- 
ration de  la  trêve  qui  paraissait  enfin  devoir  être 
observée ,  et  l'inquiétude  que  causaient  ses  grands  pré- 
paratifs, Louis  tendait  à  son  rival  un  piège  que  celui^â 
ne  sut  pas  pressentir.  Juan  vit  arriver  à  Perpignan  don 
Pierre  de  Rocaberti ,  chevalier  catalan ,  fait  prisonnier 

*  c  Y  offrecian  qae  ellot  no  aoUmente  darian  el  dinero ,  pero  vende- 
■  riao  tai  hijoi  para  cobrar  pacificameote  lot  oondadoa  de  Hoaaelloo  y 
•  Cerdanya.t  ZuriU,  XVin,  SS. 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  105 

par  les  Français  peu  de  temps  auparavant,  et  que  le 
roi  de  France  expédiait  au  roi  d'Aragon  pour  lui  faire 
quelques  ouvertures  de  raccommodement.  Ravi  de 
voir  son  adversaire  faire  les  premières  démarches, 
Juan  s'empressa  de  renvoyer  Rocaberti  à  ce  prince ,« 
pour  entendre  ses  propositions.  Louis,  pour  mieux 
endormir  son  ennemi,  paria  d'abord  d'un  projet  de 
mariage  entre  le  dauphin  et  la  petite-fille  du  roi  d'Â- 
ragon,  et  il  en  vint  ensuite  à  un  traité,  qui,  accepté, 
(ut  signé  à  Perpignan  par  Pierre  de  Rocaberti  et  le 
seigneur  du  Lude,  le  17  septembre.  Les  dispositions 
de  ce  traita  étaient,  en  substance, 

Articles  1  et  1 5 ,  que  le  roi  très-chrétien  promettait 
de  restituer  au  sérénissime  roi  d'Aragon  les  comtés  de 
Roussillon  et  de  Cerdagne,  dès  que  celui-ci  lui  aurait 
payé  les  sommes  pour  lesquelles  ces  comtés  avaient 
été  engagés;  et  que  le  roi  d'Aragon  s'obligeait  à  effec- 
tuer ce  payement  dans  le  terme  d'une  année  ; 

3.  Que  pour  rendre  l'exécution  de  ce  dégagement 
plus  facile,  et  parvenir  plus  tôt  à  une  paix  désirée,  le 
roi  d'Aragon  présenterait  deux  hommes  au  roi  de 
France ,  qui  en  chobirait  un  pour  être ,  en  son  nom , 
gouverneur  générai  des  comtés  de  Rouâsiiion  et  de 
Cerdagne.  Ce  gouverneur  prêterait  serment,  première- 
ment au  roi  très-clirétien ,  puis  au  roi  d'Aragon,  de 
bien  administrer  la  province  et  de  n'exécuter  les  ordres 
d'aucun  des  deux  souverains,  tant  que  durerait  sa 
commission  ; 


106  LIVRE  TROISIÈME. 

3.  Que  le  roi  très-chrétien  présenterait,  de  son 
côté,  quatre  personnes  au  roi  d* Aragon,  qui  en  choisi» 
rait  une  pour  la  garde  des  châteaux  de  Perpignan  et  de 
Collioure.  Ce  commandant  jurerait  au  roi  d*  Aragon  de 
maintenir  la  paix,  et  de  remettre  fidèlement  les  place» 
confiées  à  sa  défense ,  dès  que  le  roi  d'Aragon  aurait 
acquitté  le  prix  de  l'engagement  ; 

&.  Que  ce  conunandant  et  tous  ceux  qui  habitaient 
les  forteresses  prêteraient  serment  d  obtempérer  aux 
invitations  du  gouverneur  général,  de  ne  pas  mettre 
d'empêchement  à  son  entrée  dans  ces  places ,  et  de  n'y 
admettre  personne  lui-même ,  sans  la  permission  de  ee 
gouverneur; 

5.  Que  le  gouverneur  et  le  commandant  des  places 
seraient  absous,  pendant  toute  la  durée  de  leurs  fonc- 
tions, de  tout  serment  de  fidélité  prêté  k  leur  souve- 
rain respectif; 

6  et  y.  Que  le  gouverneur  général  pourrait  avoir  à 
Perpignan ,  à  Elne  ou  dans  toute  autre  place  des  deux 
comtés ,  trois  ou  quatre  cents  chevaux  pour  assoreir 
l'obéissance  à  ses  ordres  ;  que  ceà  cavaliers  seraient  à  la 
solde  du  roi  d'Aragon ,  et  hii  prêteraient  serment  de 
remplir  fidèlement  ces  conventions; 

8.  Quelesdeux  comtés,  quoique  administrés  au  nom 
du  roi  de  France ,  ne  ie  seraient  pourtant  que  par  leurs 
lois  et  privilèges  ;  que  si  le  roi  très-chrétien  ou  le  roi  d'A- 
ragon venaient  en  Roussillon  cette  année,  ils  ne  pour- 
raient être  admis  dans  les  places,  ni  eux  ni  aucun  o£B- 


CHAPITRE  CINQUIÈME.  107 

cier  porteur  de  leurs  ordres ,  cette  obligation  étant  in- 
dispensable pour  garantir  l'exécution  des  conventions  \ 

9.  Que  le  gouverneur  et  le  commandant  des  places 
renouvelleraient  leur  serment  au  bout  de  Tannée; 

1  o.  Que  la  ville  de  Perpignan  pourrait  conserver 
les  fortifications  qu^elle  avait  élevées  contre  le  château, 
et  les  munir  d*artillerie  ; 

1 1.  Que  tous  les  gens  de  guerre,  hoi*s  ceux  que 
devait  garder  le  gouverneur,  évacueraient  la  province; 

1 2 .  Qu  amnistie  entière  serait  accordée  à  tous  lès 
habitants  pour  les  excès  qui  auraient  été  commis  danà 
cette  guerre; 

1 3  et  1  6.  Que  pour  rendre  leut  alliance  plus  étroite 
et  plus  durable,  les  deux  rois  s  accorderaient  à  avoir 
les  mêmes  amis  et  les  mêmes  ennemis  ^  restant  néan^ 
moins  chacim  libre  de  secourir  ses  alliés  satls  en  venir 
à  une  rupture  ; 

16,  1 7  et  18.  Que  ces  conventions  seraient  con- 
firmées dans  le  laps  de  trois  mois  «  par  le  roi  de  France 
d*une  part,  et  par  le  roi  de  Sicile  et  Tiiifante  de  Cas- 
tille,  d*autre  part; 

1  g  et  2  o.  Que ,  pour  hâter  le  retoiu*  de  la  paix  dans 
toute  la  chrétienté,  lé  roi  d'Aragon  enverrait  une  am> 
bassade  au  roi  de  France ,  et  que  la  paix ,  ainsi  ooncluie^ 
serait  promulguée  dans  les  comtés  de  RoUssillon  et  de 
Cerdagne,  et  dans  tous  les  autres  pays  soumis  à  la  do- 
mination des  rois  de  France  et  d'Aragon  ^. 

'  Higaud,  RecoUecia  de  iaU  lot  pmilegis ,  etc.  de  Pêrpinj^,  (*  xxnu 


V 


108  LIVRE  TROISIÈME. 

Ce  ti^té,  fait  sous  les  apparences  de  la  bonne  foi«  à 
Perpignan ,  en  la  présence  et  en  quelque  manière  sous 
imfluence  du  roi  d*Âragon,  comblait  les  vœux  de 
Louis,  qui  le  signa  le  i  o  novembre.  En  exécution  du 
deuxième  article,  don  Pierre  de  Rocaberti,  sur  qui 
Louis  avait  déjà  commencé  à  jeter  quelques  filets  «  fut 
désigné  par  lui  pour  être  gouverneur  général  des  deux 
comtés  sur  la  présentation  du  roi  d* Aragon  ;  et  comme 
il  n*avait,  de  son  côté,  présenté  pour  candidats  à  la 
charge  de  commandant  des  places,  que  des  sujets  qui 
lui  fussent  complètement  dévoués ,  ce  fut  Yves  DuS- 
fou,  qui  obtint  le  suffrage  du  roi  don  Juan  pour  le 
commandement  de  Perpignan. 

Le  roi  d'Aragon ,  se  croyant  désormais  exempt  de 
toute  inquiétude  par  rapport  à  Perpignan,  re[mt  la 
route  des  Pyrénées,  et  rentra  à  Barcelone,  où  Tatten» 
dait  une  pompe  triomphale  :  Louis  triomphait  plus 
sûrement,  avec  moins  de  bruit.  Ses  vœux  étaient  ac- 
complis, Juan  avait  enfin  abandonné  cette  place  dont 
la  soumission  lui  tenait  tant  à  cœur. 

Dans  toutes  leurs  transactions  le  roi  de  France  et 
le  roi  d* Aragon  ne  cherchaient  qu*à  se  tendre  Tun  à 
Tautre  des  pièges  où  ils  espéraient  se  faire  tomber 
mutuellement  :  le  dernier  traité  n*avait  pas  été  médité 
sur  d'autres  bases.  Juan  s*était  obligé ,  par  Tun  des  ar- 
ticles, à  rembourser  dan»  Tannée  le  montant  de  la 
somme  pour  laquelle  les  deux  comtés  étaient  engagés; 
mais  Fétat  de  ses  finances  était  loin  d*ètrc  prospère  et  de 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  109 

lui  en  fournir  les  moyens;  il  se  flattait  donc  que  la 
guerre,  qui  ne  pouvait  manquer  de  se  renouveler  bien- 
lot  entre  la  France  et  la  Bourgogne,  éloignerait  les 
troupes  françaises  du  Roussillon ,  qu  il  enlèverait  alors 
facilement  de  vive  force  les  châteaux  qu  avait  en  garde 
Duffou,  et  qu'il  recouvrerait  ainsi  les  domaines  enga- 
gés, sans  effectuer  le  remboursement.  De  son  côté,  le 
roi  de  France  avait  voulu  tirer  de  Perpignan  le  roi  d'A- 
ragon, et  le  huitième  article  du  traité  n*avait  pas 
d  auti'e  objet.  Les  deux  princes  ne  voulaient  que  des 
moyens  de  temporisation,  l'un  pour  chercher  à  sus- 
citer, dans  fin tervalle,  de  nouveaux  embarras  à  son 
adversaire,  l'autre  pour  se  donner  la  faculté  de  ter- 
miner quelques  affaires  intériem*es  du  royaume,  laisser 
la  mauvaise  saison  s'écouler,  et  se  mettre  en  mesure  de 
recommencer  la  campagne  au  printemps.  Le  mariage 
proposé  et  accepté  entre  le  dauphin  et  la  fille  de  Fer- 
dinand n'était  donc  que  le  voile,  assez  transparent, 
dont  chacun  des  contractants  s'était  prêté  à  couvrir 
tant  bien  que  malle  contingent  réciproquement  fourni 
à  ce  tissu  de  fourberies.  Dans  un  pareil  assaut  d'astuce, 
c'était  au  plus  habile  à  l'emporter  :  ce  triste  avantage 
appartint  à  Louis. 

Juan,  sous  les  auspices  de  qui  avait  été,  en  quelque 
sorte,  rédigé  le  traité,  s'était  obligé  à  envoyer  une 
ambassade  au  roi  de  France  :  il  fit  partir  pour  Paris 
Raymond  Folch,  comte  de  Prades,  et  Bernard  Hugues 
de  Rocaberti,  châtelain  d'Âmposta,  différent  de  Pierre 


110  LIVRE  TROISIÈME. 

de  Rocaberti,  gouverneur  général  des  deux  comtés. 
Sous  le  motif  ostensible  de  régler  les  conditions  du 
mariage  projeté  et  de  travailler  à  la  pacification  géné- 
rale, ces  agents  du  roi  d*  Aragon  devaient  agir  secrète- 
ment auprès  des  ducs  de  Bourgogne  et  de  Bretagne, 
pour  les  exciter  encore  contre  le  roi  de  France  ;  et  c'ett 
là  peut-être  une  des  principales  raisons  qui  avaient 
porté  Juan  à  faire  de  cette  ambassade  une  des  condi- 
tions du  traité  :  Louis  en  fut  quelques  instants  la  dv^. 
Ce  prince,  par  lettres  patentes  du  3o  janvier  là^à^ 
avait  accrédité,  poursuivre  les  négociations  avec  les 
ambassadeurs  d* Aragon,  les  évèques  d*Albi  et  de 
Lombes ,  le  protonotaire  et  maître  des  requêtes  ordi» 
naires,  Jean  d*Amboise,  Roger  d*Aigremont,  son  cham* 
bellan,  et  Pierre  de  Sacierges,  son  secrétaire  ^ 
474.  Les  envoyés  du  roi  d*Aragon  n'eurent  pas  plus  tôt 

dépassé  la  frontière ,  qu  ils  purent  s  assurer  que  le  roî 
de  France  ne  se  laissait  pas  tromper  par  i'artifiee  de 
leur  maître.  Partout  sur  leur  passage,  au  lieu  des  ap« 
prêts  de  fête  qu'ils  s'attendaient  à  voir,  en  réjouis- 
sance de  la  cessation  des  hostilités ,  ils  ne  rencontraient 
que  de  nouveaux  préparatifs  de  guerre.  Arrivés  à  Mont- 
pellier, le  20  février,  ils  voulurent  avoir  une  con- 
férence avec  révêque  du  Puy,  lieutenant  du  roi  en 
Languedoc,  sous  le  prétexte  du  rétablissement  du 
commerce  entre  les  deux  frontières;  mais  ce  fut  en 
vain  qu'ils  la  sollicitèrent  :  ils  ne  reçurent  jamais  que 

*  PiAcet  des  MénAotrM  de  ComiBes. 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  111 

des  réponses  évasives.  En  route,  ils  ne  pouvaient 
voyager  pendant  une  journée  sans  être  arrêtés  par 
quelque  nouvel  obstacle  qui  leur  faisait  perdre  du 
temps.  Pendant  cet  intervalle  on  travaillait  sans  re- 
lâche aux  fortifications  du  château  de  Perpignan ,  on 
en  étendait  les  ouvrages  au  delà  du  fossé,  et  on  rasait 
un  monticule  nommé  Matatoro\  interposé  entre  la 
ville  et  ce  fossé,  pour  que  Tartillerie  pût  la  battre  sur 
tous  les  points. 

Cependant,  quelques  contrariétés  qu'eussent  éprou- 
vées les  ambassadeurs  d'Aragon,  ils  arrivèrent  enfin  à 
Paris  au  milieu  du  carême.  Jamais  députation  diploma- 
tique n  avait  été  si  nombreuse  ni  si  solennelle.  Les  per- 
sonnages principaux,  choisis  parmi  tout  ce  qu*il  y  avait 
de  plus  illustre  à  la  cour  d*Âragon ,  avaient  une  suite  de 
plus  de  trois  cents  personnes  de  distinction ,  «  si  bien , 
((  dit  Zurita ,  qu  on  n  aurait  pu  faire  mieux  s  il  avait  été 
«question  de  conduire  en  France  l'infante  elle-même, 
Cl  pour  $on mariage  avec  le  dauphin.  »  Ces  ambassadeurs 
furent  reçus  à  la  fit*ontière  par  Tévêque  de  Lombes , 
par  le  sire  de  Saint-Priest,  gouverneiu*  du  Dauphiné, 
et  par  Jean  Tiercelin ,  seigneur  de  Brosse ,  que  le  roi 
avait  chargés  de  les  accompagner,  plus  encore  pour 
susciter  des  entraves  à  leur  voyage  que  pour  leur  faire 

*  Zurita,  XIX,  1.  Une  ancienne  ordonnaoce  avait  permis  la  cons- 
truction de  moulins  à  vent  sur  la  hauteur  du  Matatoro ,  ce  qui  indique 
que  ce  monticule  devait  être  à  Tendroit  où  se  trouve  la  demi-lune  qui 
couvre  Kentrée  de  la  citadelle. 


112  LIVRE   TROISIÈME. 

honneur.  A  leur  arrivée  à  Paris,  on  leiu*  fit  une  récep- 
tion magnifique,  et,  suivant  les  intentions  de  Louis, 
qui  se  trouvait  alors  à  Senlis,  chaque  grand  seigneur 
s  empressa  de  leur  donner  des  fêtes;  mais  pendant  tout 
cela  les  négociations  ne  s*entamaient  pas.  Survint  la 
semaine  sainte  :  ce  fiit  une  raison  pour  ne  pas  s'occu- 
per d'objets  profanes  pendant  un  temps  consacré  à  la 
dévotion.  Enfin  le  roi  vint  à  Paris,  et,  pourélo^ner 
toute  occasion  de  parler  d'affaires  avec  les  Âragonnais, 
il  imagina  de  les  amuser  par  une  grande  parade  des 
milices  bourgeoises  de  la  capitale.  Cent  mille  hommes, 
vêtus  de  hoquetons  rouges  et  décorés  d'écharpes 
blanches,  se  rangèrent  en  bataille  hors  des  portes  de  la 
ville,  et  le  roi,  à  la  tête  de  ses  gardes  et  des  gentils- 
hommes de  sa  maison ,  les  passa  en  revue.  Après  leur 
avoir  donné  ce  spectacle ,  Louis  emmena  ces  mêmes 
Aragonnais  souper  avec  lui  à  Vincennes,  et,  au  sortir 
de  table ,  il  leur  fit  présent  de  deux  coupes  d*or,  qu'on 
nommait  hanaps ,  du  poids ,  dit-on ,  de  quarante  marcs^ 
ce  qui  semble  un  peu  exagéré.  La  journée  finie,  il  leur 
déclara  qu'ayant  un  voyage  à  faire  en  Picardie  il  avait 
nommé  un  conseil  avec  lequel  ils  pourraient  traitmr 
de  l'objet  de  leur  mission.  Ce  conseil ,  différent  du  pre- 
mier, se  composait  du  chancelier  Doriole,  de  Tristan, 
évêque  d'Aire,  du  comte  de  Caudale  et  de  Jean  d'Am- 
bois(*.  Ceux-ci,  endoctrinés  par  Louis,  ne  s'attachèrent 
qu'à  faire  naître  des  obstacles  et  des  délais,  croyant 

'  Garnier,  Hisi.  de  FrMCf,  Ducloi,  Vie  ée  Lomt  XI. 


CHAPITRE    CINQUIÈME.  113 

ainsi  faire  perdre  du  temps  à  leurs  adversaires  ;  mais 
c  est  en  quoi  ils  se  trompaient  :  les  agents  du  roi  d*Â- 
ragon ,  dont  Louis  n  avait  pas  su  deviner  les  intrigues , 
s*étaientdéjà  mis  secrètement  en  relation  avec  les  agents 
des  ducs  de  Bretagne  et  de  Bourgogne,  alors  réunis  à 
Compiègne. 

Cependant  le  roi  de  France  ne  perdait  pas  de  vue  sa 
grande  affaire.  Dès  Tarrivée  des  Aragonnais  à  Paris ,  il 
en  avait  donné  avis  â  du  Lude,  lieutenant  général  de 
son  armée  en  Roussillon,  qu*il  chargeait  de  jouer  au 
plus  fin  avec  le  roi  d* Aragon.  Rien  ne  fait  mieux  con- 
naître le  génie  de  Louis  XI  que  cette  lettre,  précieux 
monument  historique.  La  voici  : 

u  Monsieur  le  gouverneur,  le  comte  de  Cardone  et 

a  le  castellan  d*Amposta  sont  arrivés  à  Paris.  «Tai  en- 

a  voyé  vers  eux  M.  d'Aydie  et  le  sieur  BoffiUe,  pour 

a  savoir  d'eux  s'ils  venaient  pour  faire  quelque  bon 

u  appointement  ou  pour  me  tromper  et  dissimuler. 

«  Boffille  est  retourné  vers  moi.  A  ce  qu'il  trouve,  ils 

tt  n'ont  apporté  aucime  nouvelle  qui  vaille ,  et  leur  in- 

a  tention  n'est  que  de  m'entretenir  de  paroles,  jusqu'à 

«ce  qu'ils  aient  recueilli  leurs  blés  pour  ravitailler 

«  Perpignan  et  leurs  places  de  Roussillon.  Pour  ce,  il 

If  faut  que  je  fasse  du  maître  Louis,  et  vous  du  maître 

«Jean,  et,  au  lieu  de  nous  laisser  tromper,  nousmon- 

(itrer  plus  habiles  qu'eux.  Quant  à  moi,  je  les  entre- 

ff  tiendrai  ici  jusqu'à  la  première  semaine  de  mai.  Ce- 

u  pendant  vous  partirez  avec  la  plus  grande  diligence 
II.  8 


114  LIVRE   TROISIÈME. 

M  que  vous  pourrez;  vous  lèverez  cent  lances  en  Dau- 
«tphiné,  que  vous  ferez  conduire  par  M.  de  Saint- 
<i  Priest  ou  le  Poulailler  \  par  les  deux  ensemUe,  ou 
«par  Tun  quatre-vingts  et  par  l'autre  vingt,  comme 
«  vous  aviserez  le  mieux  pour  mon  profit;  car  je  m'en 
«  remets  de  cet  article  à  vous. 

tt  Pour  le  payement  de  ces  lances,  il  vous  faut  trou- 
a  ver  promptement  mille  francs,  afin  de  les  leur  bafller 
«  au  départ.  Il  ne  s*agit  que  d'une  course  pour  aller 
«  brûler  les  blés,  fidre  le  dégât,  et  puis  revenir  :  c'est 
«  dix  francs  par  mois  pour  chaque  lance.  Ils  n'auront 
tt  point  d'archers  avec  eux,  marcheront  vite ,  ne  passe- 
«  ront  là-bas  que  huit  à  dix  jours  ^  ainsi  un  mois  doit 
«  suffire.  Il  convient  de  savoir  comment  recouvrer  ces 
«  mille  francs  sur  des  confiscations  de  blés  ou  autre- 
«ment;  et  si  à  toute  extrémité  vous  ne  pouviez  les 
«  trouver,  plutôt  que  de  faire  manquer  laflaire ,  prenez- 
a  les  sur  le  trésorier  du  Dauphiné ,  auquel  j^écris  expres- 
«  sèment,  et  je  le  rembourserai.  Mais  faites  si  bien 
«diligence,  que  ces  gens  d*armes  soient  partis  le  2 5 
«  de  ce  mois.  Monsieur  le  gouverneur,  le  plus  grand 
«service  que  vous  me  puissiez  rendre,  c'est  d'avoir 
«brûlé  tous  les  blés  de  Perpignan  de  bonne  heure; 
«  car  par  là  force  sera  aux  gens  de  Perpignan  de  dire 
«le  mot. 

0  J'ai  parlé  au  capitaine  Odet  d'Aydie,  qui  est  bien 

*  Etienne,  tire  de  Poiuy,  à  qui  Louis  donnait  par  familiarité  et 
singulier  sobriquet. 


CHAPITRE    CINQUIÈME.  115 

w  content  d*y  aller,  et  je  vous  Tenvoie  avec  cent  lances, 
(I  pour  vous  aider  à  faire  le  dégât.  Il  me  parait  que, 
tt  quand  vous  serez  tous  ensemble,  vous  serez  assez  de 
u  gens. 

«J'envoie  Yves  d'Dliers  à  M.  de  Charluz,  pour  lever 
u  cent  lances  en  Languedoc ,  et  je  lui  écris  aussi  de  lever 
u  les  francs  archers  les  plus  proches  des  marches  de  ce 
«  côté-là,  jusqu'au  nombre  de  trois  mille,  de  les  faire 
«marcher  vers  le  Roussillon,  et  que  tout  soit  prêt 
«  poiu*  le  a  5  avril.  Jécris  au  général  des  fmances  et  au 
«  trésorier  du  Languedoc  de  faire  payer  comptant  mille 
«  francs  pour  les  cent  lances,  et  trois  mille  pour  les 
«  firancs  archers. 

«Xenvoie  d'Estruille  à  M.  d*Albi,  qui  porte  com- 
«mission  à  lui,  à  M.  de  Charluz  et  audit  sieur  d*Els- 
ce  truille  pour  faire  mener  une  grande  quantité  de  vivres 
«à  Narbonne  et  sur  la  frontière,  afin  que  les  gens 
u  d'armes  n'en  manquent  pas  ;  mais  il  faut  bien  prendre 
«garde  que,  sous  l'ombre  de  cela,  il  en  soit  conduit  k 
«  Perpignan. 

«Je  vous  envoie  Raoul  de  Valperga  et  Claux,  ie 

«  canonnier,  pour  vous  aider  à  bien  ménager  ie  fait  de 

«  l'artillerie  ;  mettez  la  main  à  la  besogne,  et  n'épargnez 

«  rien.  Le  sieur  Boffille  partira  dans  deux  ou  trois  jours. 

«Il  me  semble  qu'avec  ces  cent  lances,  les  vôtres, 

«  celles  du  Dauphiné ,  celles  du  capitaine  Odet  et  les 

«  trois  mille  archers,  vous  serez  assez  de  gens  pour,  au 

«  plaisir  de  Dieu ,  brûler  et  faire  le  dégât  dans  tout  le 

8. 


116  LIVRE  TROISIÈME. 

tt  pays,  prendre  les  plus  méchantes  places,  les  abattre, 
u  brûler  ou  démolir.  Le  Beauvoisien,  que  je  vous  en- 
tfvoie,  vous  dira  le  surplus.  Adieu,  monsieur  le  gou- 
«  verneur;  je  vous  prie  de  me  faire  savoir  de  vos  nou- 
«  velles. 

«Senlis,  le  9  avril  1^74  ^  • 

Tout  réussit  au  gré  du  roi  de  France.  Cinq  cent 
cinquante  lances,  suivies  par  une  multitude  de  fantas- 
sins, entrèrent  en  Roussillon  et  y  firent  le  dégât;  de 
leur  côté  les  troupes  d*Aragon  recommencèrent  la 
guerre,  qui,  par  Tirritation  des  Catalans  et  les  repré- 
sailles des  Français,  prit  alors  un  caractère  atroce: 
celui  qui  tombait  prisonnier  était  sûr  de  perdre  la  vie. 
De  part  et  d'autre  ce  ne  fut  plus  que  meurtres,  incen- 
dies et  dévastations  de  toute  espèce  :  le  malheureux 
Roussillon  vit  se  renouveler  les  jours  affreux  de  la 
guerre  de  Pèdre  IV.  Suivant  les  instructions  de  Louis, 
des  villages  entiers  disparurent  pour  toujours.  Ou  côté 
des  Aragonnais,  Calla-Luna  surprit  les  châteaux  de 
San-Feliu ,  de  Riutor,  et  la  tour  Cerdane ,  dont  le  com- 
mandant, nommé  Jehannot,  fut  pendue 

Dans  le  temps  que  du  Lude,  Tévèque  d'Albi  et  Bof- 
fille-de-Juge,  seigneur  italien  au  service  de  France, 
qui  joua  par  la  suite  un  grand  rôle  en  Roussillon,  et 
d  autres  capitaines  arrivaient  à  Narbonne,  un  convoi 

'  Bârantf!,  Hist.  des  dacs  de  Bourgogne. 

*  Diiclot,  Uiti.  de  Louit  XI,  ZuriU  nomme  ce  commandant,  Jooicot. 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  117 

de  vivres  destiné  pour  Perpignan,  en  vue  depuis 
quelques  jours ,  ne  pouvait  aborder  la  plage ,  parce  que 
deux  galiotes  provençales  en  défendaient  Tapproche. 
Perpignan,  qui  commençait  déjà  à  être  affamé,  n au- 
rait pu  tenir  huit  jours,  si  le  passage  fortuit  de  deux 
galères  siciliennes  n  avait  forcé  les  galiotes  à  s'éloigner, 
et  favorisé  ainsi  le  débarquement  des  vivres  et  leur 
transport  dans  la  place.  Le  ravitaillement  eut  donc  lieu 
en  présence  des  Français ,  et  malgré  les  efforts  de  Duf- 
fou,  gouverneur  du  château,  pour  Tempêcher.  En 
apprenant  que  le  déchargement  de  ces  munitions  de- 
vait se  faire  à  Canet,  ce  gouverneur  avait  voulu  s'y 
porter  pendant  la  nuit ,  pour  surprendre  la  place  ;  mais 
la  vigilance  de  la  dame  de  Canet,  femme  de  Pierre  de 
Rocaberti,  gouverneur  général  des  deux  comtés,  fit 
échouer  cette  tentative  et  donna  le  temps  à  Pierre 
d'Ortaffa ,  lieutenant  de  ce  gouverneur,  de  venir  ren- 
forcer la  garnison  de  cette  petite  ville ,  dont  la  conser- 
vation était  du  plus  grand  intérêt  pour  Perpignan. 

Vers  la  même  époque  les  Aragonnais  se  rendirent 
maîtres  de  Ceret,  après  un  blocus  assez  long,  pendant 
lequel  la  famine  s'y  fit  sentir,  ainsi  que  l'attestent  les 
lettres  de  grâce  accordées  aux  habitants  par  Louis, 
quand  ses  troupes  eurent  repris  cette  ville  ^ 

'  «  Et  tellement  que  pour  la  grand  famine  qui  estoit  en  icelle  ville , 
■  en  laquelle  lesdits  suppliants  furent  bien  quarante  jours  et  plus  sans 
«  pain  ne  vivres  que  ratougnes ,  sinon  aucun  peu  de  potaige  et  de  herbes 
«  dont  ils  vivoient,  etc.  >  Arch,  de  Ceret. 


118  LIVRE  TROISIÈME. 

Les  ambassadeurs  d* Aragon  avaient  présenté  au 
conseil  nommé  par  le  roi  de  France  pour  suivre  avec 
eux  les  négociations,  une  longue  note  remplie  de 
plaintes  sur  la  conduite  du  roi  Louis  envers  leur  maître. 
Us  prétendaient  que  la  trêve  n  avait  pas  été  aussi  expli- 
cite à  r^rd  de  ce  prince  qu'à  Tégard  du  duc  de 
Bourgogne;  que  TafTaire  de  rengagement  des  comtés 
avait  été  interprétée  par  le  roi  de  France  d*une  manière 
contraire  à  Tesprit  du  traité;  que  ce  traité,  au  lieu  de 
la  propriété  des  terres  à  laquelle  prétendait  Louis, 
jusqu'à  remboursement,  n'engageait  que  la  suzeraineté, 
et  qu'ainsi  tout  se  réduisait  au  simple  hommage  du 
château  de  Perpignan  par  Charies  d'Oms ,  et  à  celui  do 
château  de  Collioure  par  Bérenger  d'Oms,  son  frère. 
Us  soutenaient  que  le  secours  envoyé  par  le  roi  de 
France  à  celui  d'Aragon  n'avait  été  d'aucune  utilité, 
puisque  ses  généraux  n'avaient  jamais  voulu  exécuter 
les  ordres  de  leur  maître  ;  que  Louis  s'était  comporté 
en  ennemi,  et  non  en  allié,  puisqu'il  avait  prétÀ>soll 
assistance  au  duc  de  Lorraine ,  et  que  par  toutes  ces 
menées  le  roi  de  France  avait  été  cause  que  la  révolte 
de  la  Catalogne  s'était  prolongée  pendant  dix  ans.  Bs 
ajoutaient  que  le  roi  de  France  devait  se  trouver  bien 
payé  de  ses  avances,  par  les  revenus  des  deux  comtés, 
qu'il  touchait  depuis  onze  ans ,  et  qu'en  conséquence 
il  devait  donner  ordre  à  ses  troupes  de  restituer  les 
places  qu'elles  occupaient.  Us  terminaient  enfîn,  en 
disant  que  si  le  roi  de  France  restituait  les  deux  corn- 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  119 

tés,  comme  il  le  devait  en  conscience,  le  roi  d* Aragon 
s  empresserait  de  renouveler  avec  lui  les  anciennes 
alliances ,  et  que  le  mariage  du  dauphin  avec  Tinfante 
Isabelle ,  (ille  de  Ferdinand ,  serait  le  lien  de  leur  mu- 
tuelle amitié.  Le  conseil  du  roi  répondit,  le  1 1  mai,  k 
cette  longue  note  par  une  note  non  moins  longue;  il 
récrimina  sur  la  conduite  du  roi  d'Aragon,  démontra 
la  réalité  du  service  rendu  à  ce  prince  par  les  lances 
firançaises,  qui  avaient  délivré  à  Girone  sa  femme  et 
son  fils  ^  des  mains  des  rebelles  ;  il  parla  des  griefs  que 
les  Navarrois  avaient  contre  le  roi  d* Aragon,  au  sujet 
de  sa  conduite  envers  le  prince  de  Viane  et  Tinfante  sa 
sœur;  éleva  des  prétentions  sur  les  royaumes  d'Aragon 
et  de  Valence ,  et  sur  le  comté  de  Barcelone,  en  bveur 
du  roi  de  France,  coname  fils  de  la  reine  Marie  d'An- 
jou, fille  d'Yolande  d'Aragon,  qui  aurait  dû  être  héri* 
tière  de  Juan  I ,  son  père.  Quant  à  ce  qui  concernait  les 
deux  comtés,  le  conseil  avança  que  les  sommes  dépen- 
sées par  le  roi  étaient  beaucoup  plus  considérables  que 
celles  pour  lesquelles  ils  étaient  engagés ,  puisqu'il  avait 
Êdlu  traverser  le  Roussillon  et  l'Ampourdan  de  vive 
force  pour  aller  au  secours  de  la  reine  d'Aragon,  mal- 
gré l'assurance  que  le  roi  don  Juan  avait  donnée  que 
ces  pays  étaient  dans  ses  intérêts  et  n'opposeraient 
aucun  obstacle  à  la  marche  des  Français.  Une  foui« 

'  «  La  reine  et  son  fiU  étaient  réduits  à  la  dernière  eitrémité;  ceux 
•  qui  étaient  enfermés  avec  eux  ne  vivaient  plus,  dit-on ,  que  d^une  poi- 
«  gnée  de  l>ves  et  d*amendes  qu*on  leur  donnait  par  jour.  •  Dudos. 


120  LIVRE   TROISIEME. 

d*autres  raisons  furent  encore  données  à  la  suite,  k 
iappui  ou  en  explication  des  premières;  mais,  comme 
chacun  ne  cherchait  qu*à  gagner  du  temps,  aucune 
concession  ne  se  faisait  de  part  ni  d*autre  pour  en 
venir  à  pouvoir  s'entendre,  et  rien  ne  se  décidait. 

Cependant  les  intelligences  que  les  ambassadeurs 
d'Aragon  avaient  avec  les  ministres  des  ducs  de  Bre- 
tagne et  de  Bourgogne  ne  purent  pas  toujours  échappa* 
k  l'espionnage  de  Louis  XI.  Des  mesures  ayant  été 
prises ,  sans  doute ,  pour  y  mettre  obstacle ,  les  ambas- 
sadeurs, qui  n'avaient  pu  obtenir  de  voir  le  roi  et  de 
traiter  avec  lui-même,  et  qui  sentaient  d'ailleurs  que 
par  la  reprise  des  hostilités  leur  mission  était  terminée 
et  que  la  solution  des  difficultés  était  remise  désormais 
au  sort  des  armes ,  demandèrent  à  s'en  retourner  dès  le 
lendemain  de  la  réception  de  la  réponse  du  conseil  du 
roi.  Mais,  avant  de  quitter  Paris,  ils  voulaient  notifiera 
ce  même  conseil  une  cédule  justificative  de  la  conduite 
de  leur  roi ,  et  par  laquelle  ils  protestaient  contre  Toccu- 
pation  des  comtés  par  les  troupes  françaises ,  prétendant 
que  Juan  n'était  pas  tenu  au  payement  des  sommes 
avancées,  parce  que  le  secours  demandé  à  la  FVance 
avait  eu  pour  objet  de  réduire  la  Catalogne,  ce  qui  avait 
eu  lieu  sans  ce  secours  ;  qu'ainsi ,  l'obligation  cessant,  il 
n'en  pouvait  résulter  aucun  droit  à  l'occupation  des 
comtés  par  le  roi  de  France,  surtout  si  l'on  considérait 
que  Louis  n'avait  pas  rempli  les  conditions  pour  les- 
quelles l'engagement  avait  été  fait,  et  attendu  aussi  que 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  121 

les  places  ne  devaient  pas  être  mises  au  pouvoir  des 
Français,  si  ce  n  est  dans  le  cas  seulement  où,  après  la 
réduction  de  la  Catalogne ,  les  pay  ements  auraient  cessé 
de  se  faire.  Cette  réponse  aux  différents  griefs  que  le 
conseil  reprochait  au  roi  d* Aragon  se  terminait  par  la 
proposition  de  soumettre  à  une  réunion  de  personnes 
expertes  en  matière  de  droit  civil  les  difficultés  du 
traité,  pour  être  mûrement  examinées  par  elles,  avec 
promesse  que  le  roi  d*Âragon  s* en  rapporterait  entière- 
ment à  leur  décision  ;  enfin ,  en  attendant  que  cette  as- 
semblée eût  prononcé,  on  devait  suspendre  toute  voie 
de  fait^  Cette  dernière  clause  était  visiblement  le 
point  capital  de  la  proposition  :  on  voulait  gagner 
du  temps.  Le  protonotaire  Jean  d*Âmboise,  à  qui  cette 
pièce  avait  été  présentée,  ayant  inspiré  des  craintes 
aux  ambassadeurs,  s'ils  persistaient  à  la  faire  parvenir 
au  conseil  avant  leur  départ,  ils  la  reprirent,  et  ce 
fut  hors  des  murs  de  Paris  qu*ils  déclarèrent  devant 
Fambassadeur  du  roi  de  Naples,  et  devant  un  che- 
valier nommé  Martin  de  Ânsa,  que  c'était  seulement 
par  force  qu'ils  avaient  renoncé  à  la  notifier. 

Ces  ambassadeurs  avaient  traversé  Lyon  sans  aucun 
obstacle,  et  ils  allaient  entrer  au  Pont-Saint-Elsprit, 
quand  des  gens  envoyés  à  leur  poursuite  les  firent  ré- 
trograder vers  la  première  de  ces  villes.  Ils  y  fiu*ent 
retenus  jusqu'au  ao  juillet,  époque  à  laquelle  Gau- 
court,  gouverneur  de  Paris,  et  Regnault-du-Chesnay, 

'  Zurita,  tome  IV,  lib.  XIX,  cap.  1 1. 


122  LIVRE   TROISIÈME. 

vinrent,  de  la  part  du  roi,  les  remettre  en  liberté. 
Après  avoir  renouvelé  les  protestations  qu*ils  avaient 
déjà  faites  quand  on  les  arrêta,  ils  reprirent  leur  route , 
et  ils  arrivèrent  sans  difficulté  jusqu'à  Montpellier; 
mais,  parvenus  dans  cette  ville,  ils  furent  arrêtés  de 
nouveau,  sur  le  prétexte  que  les  chemins  n  étaient  pas 
assez  sûrs ,  que  leur  propre  sûreté  exigeait  qu'ils  séjour* 
nassent  dans  cette  ville  jusqu'à  ce  qu'on  sût  positive- 
ment où  se  trouvaient  du  Lude  et  de  Caudale,  pour 
qu'ils  pussent  prendre  la  route  qui  ne  [nrésenteraît 
aucun  danger  ;  enfin ,  faute  de  bonnes  raisons ,  on  ne 
leur  en  donna  que  de  mauvaises  pour  justifier  une 
aussi  honteuse  violation  du  droit  des  gens.  Ne  pou- 
vant se  méprendre  sur  les  motifs  de  cette  détention , 
et  sachant  que  toutes  leurs  dépêches  étaient  intercep- 
tées, ils  renouvelèrent  encore  leurs  protestations,  aux- 
quelles Louis  répondit  par  la  lettre  la  plus  hypocrite. 
«  n  les  a  priés ,  disait-il ,  d  attendre  son  retour  à  Paris , 
u  et  ils  ne  lui  ont  pas  donné  cette  légère  marque  de  dé- 
«férence;  il  les  a  engagés  plusieurs  fois  à  revenir 
u  auprès  de  lui  pour  discuter  amiablement  leurs  rai- 
«  sons ,  ils  n'en  ont  rien  voulu  bîte.  Cependant ,  quelque 
udur  et  injuste  que  soit  leur  procédé,  il  leur  renou* 
«  velle  leur  sauf-conduit ,  le  premier  étant  expiré.  »  Le 
prince  s'étend  ensuite  longuement  sur  la  nécessité  de 
respecter  le  caractère  des  ambassadeurs,  dont  les  na- 
tions les  plus  barbares  tiennent  elles-mêmes  la  per- 
sonne sacrée.  Et  c'était  au  moment  où  il  violait  le  plus 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  123 

honteusement  les  lois  de  la  droiture  et  de  Téquité 
qu*il  se  parait  ainsi  de  beaux  sentiments  :  c*était  se 
jouer  avec  une  grande  impudeur  de  tout  ce  que  la 
morale  et  le  droit  des  nations  ont  de  plus  respectable. 
De  délais  en  délais  ces  ambassadeurs  furent  retenus 
jusqu'après  la  reddition  de  Perpignan  :  c'était  tout  ce 
que  voulait  Liouis. 

Après  le  départ  de  Paris  de  ces  ambassadeurs,  le 
duc  de  Bourgogne  avait  envoyé  deux  hérauts  au  roi 
de  France  pour  le  sommer  de  tenir  la  trêve  au  roî 
d'Aragon.  Louis  répondit  que  la  suspension  d'armes 
fiiite  avec  ce  prince  était  indépendante  de  la  trêve  si- 
gnée avec  le  duc  de  Bourgogne  ;  il  fit  l'apologie  de  sa 
conduite,  et  déclara  qu'il  se  soumettait  à  l'arbitrage 
du  duc  de  Bretagne,  à  qui  il  envoya  le  chancelier 
Doriole,  pour  lui  expliquer  ses  prétentions  à  l'héritage 
d'Yolande,  son  aïeule.  C'était  encore  un  moyen  de 
gagner  du  temps  avec  le  duc  de  Bourgogne,  pendant 
que  ses  armées  hâteraient  les  événements  de  Rous- 
sillon.  La  décision  du  duc  de  Bretagne  fut  que  la  trêve 
n'ayant  été  conclue  que  pour  négocier  la  paix,  toutes 
voies  de  fait  devaient  être  interdites  pendant  sa  durée  ; 
qu'à  l'époque  des  négociations  de  Compiègne  entre  la 
France  et  les  ducs  de  Bourgogne  et  de  Bretagne,  quand 
il  avait  été  question  des  affaires  d'Aragon ,  Louis  n'avait 
fait  aucune  mention  des  prétentions  qu'il  élevait  main- 
tenant sur  les  royaumes  d'Aragon  et  de  Valence,  et  sm' 
le  comté  de  Barcelone ,  et  que  l'examen  de  ces  préten- 


1^ 

124  LIVRE   TROISIÈME. 

tions  devait  être  renvoyé  au  moment  où  Ton  traiterait 
de  la  paix.  Louis,  mécontent  de  cette  décision,  n*en 
tint  pas  compte;  il  répondit  au  contraire  qu*il tiendrait 
la  trêve  au  roi  d'Aragon,  quand  ce  prince  lui  aurait 
rendu  ce  qu*il  lui  avait  enlevé  en  violant  lui-même 
une  trêve  ^  ;  et  sur  cela,  la  guerre  ouverte  recommença 
en  Roussillon.  Le  roi  d*Aragon,  qui  tenait  les  corUà 
Barcelone,  les  transféra  i  Girone,  pour  être  plus  rap- 
proché de  la  frontière, et  pour  mieux  veillera  la  dé- 
fense de  ses  états.  Pierre  d*Ortafla  avec  sa  compagnie, 
et  le  bâtard  de  Cardone  avec  la  sienne,  se  jetèrent 
dans  Perpignan  pour  augmenter  la  garnison  de  cette 
place. 

'  Duclot,  LetUt  de  Louis  XI  oa  comU  ie  Dammariin.  Preaïet,  n*  VIL 


CHAPITRE   SIXIEME.  125 


CHAPITRE  VI. 

Embûches  des  deux  côtés.  —  Prise  d'Elne.  — Bernard  d'Oms. 
—  Détresse  de  don  Juan.  —  Capitulation  de  Perpignan.  — 
Du  Bouchage  en  RoussiUon.  —  BoffiUe  refuse  de  seconder 
les  projets  de  Louis  contre  Perpignan.  —  Louis  veut  faire 
piller  la  ville  par  la  populace. 

La  possession  de  la  Cerdagne  et  du  RoussiUon  était 
devenue,  pour  les  rois  de  France  et  d*Âragon,  une 
arène  ouverte  à  Tastuce  et  à  Tintrigue  autant  qu*à  la 
valeur  et  à  la  science  stratégique.  L'emploi  de  la  force 
ouverte  devant  seconder  les  machinations  obscures  et 
frauduleuses ,  chacun  accumulait  en  RoussiUon  le  plus 
de  forces  qu*il  pouvait.  Le  roi  de  Sicile  avait  fourni  à 
son  père  un  certain  nombre  de  soldats  italiens  que 
celui-ci  avait  envoyés  à  Elne.  Le  i  &  de  juiUet,  Tarmée 
française  venant  s'établir  entre  le  Vemet  et  Perpignan , 
et  s  étendant  depuis  Pia  jusqu'à  Peirestortes,  ces  Ita- 
liens se  cnu*ent  sur  le  point  d'être  attaqués,  et  com- 
mencèrent à  démanteler  la  ville  basse  d'Elne,  pour 
se  concentrer  dans  la  ville  haute.  Bernard  d'Oms, 
ancien  sénéchal  de  Beàucaire,  puis  de  Perpignan, 
l'un  des  principaux  moteurs  de  Imsurrection  du 
RoussiUon  contre  les  Français,   et  que  Juan  avait 


126  LIVRE   TROISIEME. 

nommé  gouverneur  d'Elne,  voulant  s'opposer  à  cette 
démolition,  mais  n ayant  aucim  moyen  de  Tempê- 
chcr,  se  rendit  à  Perpignan  pour  demander  quelques 
forces  aragonnabes.  Comme  cette  ville  navait  que 
le  nombre  de  troupes  indispensable  à  sa  défense, 
Bernard  d*Oms  n*en  put  rien  obtenir  pour  Elne;  il 
dut  permettre  ce  quil  nétait  pas  en  son  pouvoir  d'em- 
pêcher, et  les  fortifications  de  la  ville  basse  furent 
rasées. 

Le  mois  d*octobre  était  déjè  arrivé,  et  les  attaques 
des  Français  n'avaient  encore  rien  offert  d'important 
quand  Pierre  de  Peralta,  connétable  de  Navarre,  re- 
vint auprès  du  roi  d'Aragon ,  chargé  de  paroles  de  con- 
ciliation de  la  part  du  roi  de  France.  Ce  connétable 
avait  été  envoyé  à  Paris  en  même  temps  que  les  am- 
bassadeurs, et,  afin  de  mieux  observer  les  dispositions 
des  Français,  il  s'y  était  rendu  par  une  autre  roule 
qu'eux  et  y  était  encore  resté  après  leur  départ.  Louis , 
qui  avait  pris  en  lui,  ou  qui  lui  avait  témoigné  quelque 
confiance,  sans  doute  pour  le  mettre  dans  ses  inté- 
rêts, à  raison  de  son  influence  dans  la  Navarre,  l'avait 
chargé  d'exposer  aux  rois  d'Aragon  et  de  Sicile  ses 
droits  sur  les  deux  comtés,  et  de  les  engager,  pour 
mettre  fin  à  toutes  contestations,  de  constituer  ces 
deux  comtés  en  dot  à  l'infante  Isabelle,  fille  de  Ferdi- 
nand. De  cette  manière,  cette  jeune  princesse  deve- 
nant l'épouse  du  daupliin  de  France,  la  querelle  aurait 
été  pacifiée  i  jamais,  et  cette  union  aurait  été  ainsi 


CHAPITRE   SIXIÈME.  127 

le  gage  d^une  amitié  perpétuelle  entre  les  deux  cou- 
ronnes. 

Le  roi  d'Aragon  savait  à  quoi  s'en  tenir  sur  les  pro- 
positions du  roi  de  France.  Celle-ci  pouvait  être  sin- 
cère; mais  comme  Louis  dirigeait  sur  le  Roussillon  des 
armements  considérables,  il  pouvait  croire  aussi  que 
cette  communication  cachait  quelque  piège ,  et  que  le 
roi  de  France  cherchait  à  l'endormir  par  de  belles 
paroles.  La  saison  déjà  très-avancée  avait  fait  croire  h 
don  Juan  que  les  Français  n'entreprendraient  rien  de 
considérable  cette  année  ;  la  démarche  de  Louis  lui 
donnant  l'éveil,  il  songea  à  prendre  ses  précautions. 
Comme  il  avait  besoin  d'un  peu  de  temps  pour  ras- 
sembler tous  ses  moyens,  il  voulut  user  d'artifice  et 
mettre  le  roi  de  France  en  demeure  jusqu'au  moment 
où  les  compagnies  de  Biscayens  et  de  Navarrois,  et 
les  escadrons  d'Italiens  que  le  roi  de  Sicile,  son  fils, 
devait  lui  envoyer,  seraient  arrivés. 

Les  constitutions  du  royaume  d'Aragon  ne  permet- 
taient pas  k  don  Juan  d'accéder  aux  propositions  du 
roi  de  France;  les  infantes  ne  pouvaient  jamais  rece- 
voir leur  dot  en  terres,  mais  seulement  en  argent 
comptant  :  il  fallait  donc  chercher  un  autre  biais. 
Juan  proposa  de  nouveau  à  Louis  de  faire  examiner 
les  droits  qu'il  prétendait  avoir  sur  les  deux  comtés 
par  un  conseil  de  jurisconsultes  qui  devraient  donner 
leur  avis  dans  le  terme  de  deux  mois,  et  quen  atten- 
dant, la  ville  de  Perpignan  et  son  château  fussent 


128  LIVRE   TROISIÈME. 

confiés  h  la  garde  du  connétable  de  Navarre,  k  qui 
Louis  paraissait  montrer  quelque  faveur. 

Si  Louis  savait  tendre  des  pièges,  il  savait  aussi  les 
pressentir.  Ce  terme  de  deux  mois  mis  en  avant  par 
son  rival  lui  fit  soupçonner  quelque  marche  de  trou- 
pes; il  pensa  que  Juan  pouvait  compter  aussi  sur  les 
coups  de  vent  qui  sont  si  fréquents  sur  la  côte  du 
golfe  de  Lyon  aux  approches  de  Thiver,  et  qui,  rendant 
la  plage  de  Ronssillon  très-dangereuse,  fauraient  dé- 
barrassé de  toute  inquiétude  du  côté  de  la  mer.  En 
résumé ,  Juan  demandait  un  délai  ;  il  voulait  gagner 
du  temps  ;  il  n  était  donc  pas  en  mesure  :  c'était  une 
raison  de  se  hâter.  Neuf  cents  lances  et  dix  mille  ar- 
chers eurent  ordre  d'entrer  en  Roussillon  sur-le- 
champ;  huit  galères  génoises,  à  la  disposition  du  roi 
de  France,  escortèrent  vers  Narbonne  un  convoi  de 
gros  navires  chargés  de  vivres ,  et  des  galères  françaises 
entrèrent  en  armement  è  Aiguës- Mortes. 

Pendant  que  le  gros  de  larmée  se  logeait  à  Clayra, 
Torelles,  Ville-Longue,  Sainte-Marie  et  Canet,  et  que 
des  garnisons  étaient  jetées  dans  Argelès,  Maurellas  et 
Ceret,  pour  intercepter  le  passage  des  Pyrénées,  cinq 
cents  hommes  d*armes  et  quatre  mille  quatre  cents 
francs  archers  campaient  è  Saint-Cyprien,  pour  faire 
le  siège  d'Elnc.  La  prise  de  cette  ville,  d*où  Perpignan 
tirait  ses  vivres,  était  un  préliminaire  indispensable  k 
fattaque  de  cette  dernière  place,  et  c'était  aussi,  pour 
le  roi  d'Aragon,  une  raison  de  faire  tous  ses  efforts 


CHAPITRE   SIXIÈME.  129 

pour  la  conserver.  L'évcquede  Bascara  ,-qui  se  trouvait 
à  Girone  avec  quelques  chevaux ,  eut  ordre  de  s  y  jeter; 
mais  les  passages  étaient  trop  bien  gardés  :  le  prélat 
fut  battu ,  et  Elne  se  rendit  le  5  décembre ,  après  un 
mois  de  blocus.  Sa  garnison  napolitaine  fut  renvoyée 
en  Catalogne  ;  quant  à  Bernard  d*Oins  et  à  quelques 
autres  chevaliers  qui  avaient  prêté  serment  de  fidélité 
au  roi  de  France,  ils  furent  arrêtés  et  conduits  au 
château  de  Perpignan,  où  quelques  jours  après  Us 
furent  décapités.  La  tête  de  d*Oms,  fichée  au  bout 
d'une  pique ,  fut  plantée  devant  la  porte  de  la  ville. 
Immédiatement  après  la  prise  d*Elne,  la  ville  de  Fi- 
guières  se  donna  aux  Français. 

Lie  supplice  de  ce  Bernard  d*Oms  est  présenté  par 
quelques  historiens  catalans,  et  par  les  écrivains  rous- 
sillonnais  de  toutes  les  époques,  comme  le  martyre 
de  la  fidélité  la  plus  éclatante ,  et  sa  mort  comme  la 
plus  haute  gloire  pour  lui  et  la  plus  grande  honte  pour 
le  prince  qui  Tordonna.  Si  lliistoire,  dans  sa  sévérité, 
ne  doit  rien  dissimuler  des  crimes  d'un  roi,  dans  son 
impartiale  justice  elle  doit  aussi  le  laver  de  ceux  .qui 
lui  sont  fisiussement  imputés.  Pesé  dans  la  balance  de 
la  plus  rigoureuse  équité,  le  supplice  de  ce  chevalier 
roussillonnais  est  loin  d*être  un  attentat  de  Louis  XI. 
Bernard  d*Oms  était  né,  il  est  vrai,  sujet  du  roi  d'Â- 
ragon ,  mais  son  choix  libre  et  volontaire  f  avait  mis 
au  se^ce  du  roi  de  France,  qui  lui  avait  confié  un 
poste  important  en  Languedoc,  avant  rengagement 
II.  9 


1 


130  LIVnR'TROISrËME. 

du  Houssilion;  nous  le  voyons ,' pd' effet ,  s^n^ohal  de- 
Beaucaire  (16s  \o  mois  do  mars  i  &(>a  ^,  tandis  tfû^  la 
prennièrc»  lij^ie  signée  entre*  la  Fraiire  el  i*Aragon ,  cpiî 
amena  le  traité  de  Sauveterre;  nV»!  qiie  du  mois 
d  avril  suivant.  Louis  avait  donné  à  ne  iténérhal  ià 
commifssion  d'assister  comme  témoin,  avec  Arnaud 
deMonibardon,  au  traité  d'engagement,  et  le  7  juil- 
let I  463  il  disposa  en  sa  faveur  de  la  rJKii]^e  devî- 
gûicret  de  rhâtelain  de  la  même  ville  de  Keauraine*. 
D'Onis  possédait,  donc  toute  la  raiifianre  de  Louis  XI, 
et  il  en  renit  bientôt  après  un  témoignage  nnr!ore  plus 
éclatant,  quand  ce  prince  le  créa  son  sénéchal  di» 
Per[)ignaii,  afin  que  son  influence  (ia«]s  son  propre 
pays  pût  tourner  à  l*avantage  de  son  bienfaiteur  :  et 
c'est  précisément  comme»  sénéchal  de  Perpignan  que 
Bernard  fit  révolter  le  Roussillon  contre  In  France*. 
Pour  exercer  de  telles  charges,  d*Oms  avait  dû  néces- 
sairement pn^t(T  serment  de  fidélité'  k  Louis;  il  lut 
donc  tout  à  la  fois  ingrat,  tf^itre  et  parjure,  et  il  ne 
reçut  que  la  juste  peine  de  son  crime*.  Louis, 'erî  i»r- 
donnant  sa  mort,  usa  du  droit  quaraienr  alorti  If-s 
princes,  qui  ordonnaient  le  supplice  des  grands  coQ- 
(Kibles  saisis,  en  quelque  sorte;  en  état  de  flagrai^t 

*  Vai-NSrtto,  Histoire  ijrnèraJr  de  himjuedtu  .  loin    V,  p.  7:\ 

*  IhiAtm  .  p.  tï^. 

^  IWniaUQ  «rOiniA,  Moi^tcal  «le  pArpiimo  y  Guillvin  c1X)Ibi!i,  IVsdro 
de  r)rlAild  )'  lo^  N  i\<*«  alcaruii  lai  \aiidcran  ilcl  re)  >  do  Vrag»;  en  Hnv 
îiello,  vw  MIS  C,a^lillo»  y  furrça».  /iinta,  p.  IV,  lil».  XMII.  cap.  3S 

*  Niiiifi  n*gV(in4  pas  te  ^-mimt  de  Rcrnanl  dïhns,  mais  il  nmi^  n*Me 


CHAPITRE   SIXIÈME.  151 

délit.  Le roi'ée  Siôilé,  fils  de  Juan;  dans  les  lettres 
patentes  qtfil  acooffdff  Tannée  suivante  au  fHs  de  de 
même  Berriard  "d'Oms,  à  raison  de  certains  privilèges 
c^  Itii  faten!  oortcédés,  loin  de  méconnaître  les  de- 
voirs que  Bemarf' avait  à  rertipllr  envers  le  roi 'de 
France,  le»  prcK^ame  au  contraire  hautement  iuî- 
même*. 

Dc^is  la  prise  d'Elne ,  d'où  Perp^an  tirait  tonteii 
ses  teS!sotirces/f*ëtte  place  ne  pouvait  plus  se  soute-' 
nir.  La  forturte  iqulie^clat^iit  etitièrement  Contre  le 
roi  d'Aregôn  veriâftt'de  Idî  porter  le 'damier  coup  :  te 
roi  de  Castille'était'itidrf ,  et  tèt  événement,  eta  jetant' 
le  roi  de  Sicile'  dams  une  nouvelle  guèrrè'pôntfr  s'âli*- 
5«r^' là  "possession  deltâd  éoùronnre  de  sa  FemlMe  lia-' 
beHe,  privait  don  Juàn'de  îk)Us'9és  sébotu*s  qu*li  pM- ' 
%-ait  stteifdi^  de  sôA'*fils.-  L*Aràgon^taiT  épuisé;' kt  lés 

celui  de  François ,  son  frère ,  qui  atteste  les  précautions  quç  («ouis  XI 
prenait  pour  ces  sortes  dVîctes.  Toyez  aux  Prëntes ,  n*  VIII. 

En  préMOca  de  tils  frttsr,  novs  ne  eotoprenons  pu  ttminent  FiâlM  ' 
a  pu  cherchera  disculper  ce  Bernard  d'Oms.  Ce  n'est  pas,  çoniiiie  i)  If* 

croit,  pour  avoir  refusé  obéissance  auxoi,  en  vertu  du  traité  du  17  sep» 

■■<■        ■■■.,'.  '1* 

tembre  1  ^7)',  qn^il  fût  puni,  mais  pour  avoir  fait  révolter  !e  pays  avant 
cette  époque,  et  #»«•  ûr  puisMnoe  d\ln  sé^inee^  de  fidéKiékra^roî'de' 

*  Yoid  les  propres  paroles  de  Ferdinand,  dans  ces  lettres  patentes,: 
«  \viendo  aquella  parte  de  Espana  que  entre  cIPyriueo  esta  situada,  en 
«  los  mismos  meates  y  rays  d^eHps,  que  dinnan  Rosselfon  y  Cèrdafîâ, 
« sido  dada  ea  reof»  M  iUi^Miwno  pudre  n«eaftro«  Juan,  à  Lu»,  Mr. 
■  lestre  rçy  (de  f fanda» dclqHfl^Luji^ !?t^<<«^  vi^siiço  f^re  a^fjp^r^ 
m  et  goof  oria  ^overnado  alqanas  paries  »  np  ie  poca  monta,  en  et  rtyno  de 
«  FVoîicfa.  rfr.  (  (Irist  dé'flataluitii.  ) 

9- 


152  LIVRE   TROISIÈME; 

•  rortsde Saragosse  navaient  pu  voter  qaavec. grande 
peine  une  levoe  de  deux  cents  hommes  d'armes  et  de 
trois  cents  ginètes  pour  quatre  mois  seulement.  Mais 
quand  même  ces  forces  si  eiiguës  auraient  pu  arriver 
en  Roussillon,  le  terme  si  limité  assigné  à  leur  service 
ne  les  aurait  pas  rendues  d*une  bien  grande  utilité. 
Les  finances  étaient  dans  Tépuisenient  le  plus  complet, 
et  dans  cette  situation ,  deux  chevaliers  donnèrent  au 
roi  la  plus  grande  marque  de  dévouement ,  en  lui  prê- 
tant dii-sept  mille  cinq  cents  florins  d  or  :  ces  cheva* 
liers  étaient  don  Rodrigues  de  ReboUedo  et  don  Feàr- 
nand,  son  cousin,  qui  le  servaient  eux-mômes  de  leur 
personne.  La  coalition  des  ducs  de  Bourgogne  et  de 
Bretagne,  et  du  roi  d'Angleterre  contre  la  France,  oe 
pouvait  produire  aucune  diversion  (àvorable  à  l'Ava-^ 
gon,  puisque  les  hostilités  ne  devaient  commencer 
qu  en  mai  i  AyS ,  et  qu'avec  un  homme  aussi  actif  que 
Louis  XI ,  rintervallc  de  temps  que  la  trêve  laissait 
libre  ne  pouvait  être  que  bien  mis  k  profit  contre  le 
Roussillon. 
tkjb  Juan  s'était  rendu  à  Girone,  dans  le  courant  du 

mois  de  janvier,  pour  voir  s  il  ne  resterait  pas  encore 
quelque  moyen  de  secourir  Perpignan.  Barcelone  avait 
promis,  pour  la  fin  de  ce  mois,  un  secours  de  deux 
cents  chevaux  dont  larchevcque  de  Saragosse  et  1  m- 
iànte  Juanne,  iieutenante  du  royaume  en  l'absence  de 
son  fi^re,  le  roi  de  Sicile,  pressaient  vivement  la 
levée.  Juan  se  proposait  de  man*her  sur  Perpignan 


CHAPITRE   SIXIÈME.  135 

avec  ces  deux  cents*  hommes  d'armes  et  ceux  qu'il 
avait  déjà  avec  lui;  mais,  suivant  l'expérience  de  tous 
les  temps ,  pom*  mener  à  bonne  fin  toute  entreprise 
militaire ,  il  ne  faut  pas  être  arrêté  du  coté  dë^  fina/ices  ; 
et  le  i^ncjfue  d'argent  était  devenu  tel  chez  le  rôi 
d^Aragon,  que  ce  prince,  passant  de  Girone  à  Cas- 
tellon  d'Âmpurias ,  n'avait  pas  eu  seulement  de  quoi 
payer  les  muletiers  qui  avaient  transporté  sôil  bagi^ë; 
qu'il  avait  dû  engager,  pour  les  satisfaire,  sa  propre 
robe  fourrée  de  martre.  Ainsi ,  au  milieu  de  l'hiver,  tm 
vieittafd  presque  octogénaire  se  voyait  forcé;  pour  le 
payement  d'une  modique  somme,  de  renoncer  Au 
seul  vêtement  qu-ilîeât  potir  se  garantir  contre  les 
r^ueurs  de  la  saison  ;  et  ce  vieillard  était  un 'ifnÀiliftrqiië', 
maître  d'un  grand  empire ,  et  dont  le  £i»  devait  bieivtôt 
étendre  son  sceptre  sur  ies  deux mondeb !  '  i^^  !     •  ^  ■ 
Le  roi'd'Aragon,  réduit  &  ne  plus  savoir  où  donher 
de  la  tête,  usa  du  dernier  moyen  qm  lui  restât ')^oiir 
secourir  Perpignan  :  il  fit  partir  jpoor  cette  ville -les 
compagnies  qu'il  avait  auprès  de  lai,  scms  le  cbm^ 
mandement  de  Rodrigues  de  Bovadili';  c^était  aHM 
f ancre  d'espérimce'des  aàsiègés.  Maïs  les  Français, 
maîtres  de  tous  les  dehors  de  la  place,  survdliaieat 
avec  tant  de  rigueur  toutes  les  avenues,  que  rien  int 
pouvait  plus  passer.  Ce  fut  en  vain  que  BovadiU  dé- 
ploya un  grand  courage  et  beaucoup  d'habileté  pom* 
traverser  le  Ro^ssillpii  en  con^battant,  toujours  et  sans 
relâche,  depuis  le  Pertus  jusqu'aux  approches  de  Per- 


J5{i  LIVME;  THOISIKME. 

pignaii;  il  vit  Ie3.muraillesi4ei0ette  viUe.leij6  du  hmw 
de  mars,  mais  ne  put  les  /ram^bÎT^  Ad  r^te,  l!eiitjr^ 
de  ce  sprcroit  de  bouches,  dans  une  .plaqe  déjà  aflamétf 
naurait  fait  qu ajouter  à  la.misère  cfeft  habitaatyié  Mm 
C(3intnbuer.à  les  sauyek*.  Béduila  aux  denûertitentaet 
de;^  famine,  ayant  dévoré  tout  ce  qu*U tétait  p^iaîtiib 
di/?.  d^Vor^r,  jitequ  a,  de»  cadavtes.  mème^nite  mllm 
ayaxit,  "cûxpdstance  horrible,  ikourri«  dh^onfitooM; 
4H>n4  enfa.n;t  de  4a  cl^ii}  du,  prcniier,  d^àiimort*  djs 
fiiijn,\fl^  braveft  Perpîgtiaià|d3  fuient  -dana  lactudAe 
obligation  4^  a^  soumettra  à-  ce  roi  de  Pranottifâ'ifla 
Axaient  tant  de  sujet  de  redouter,  paroe  qii-ila  TaTaienf 
bi^aucoup  ofiensé.  Ils  capitulèrent  1^  i  o  de  mars  4  ^ee 
l^.pamustîon  du  r6i  d*Aragon ,•  qui,  à  focbasÛMi  ^ 
cette  défense  ulémôrable  et  dii, motif  qui  1  aidait  atno^ 
née ,  donna  à  leur  ville  le  titre  de  Très^Fidèle^  "»  >  • 
I .  heé  Perpignanais  savaient  à  quel  priiide  ils  avalent 
«jfiEurev  Us  savaient  que  Louis  était  vindicatif;*  ^etilea^ 
odndilite  avait  tropjustemenjtiitité  son  coumouJuGoift- 
troints  par  la  pliis  dure  loi  de  retomber  souà  sa  piiis« 
^»nce,  ils  avaietlt  tout  lieu  de  redoUtei^la  rîgueiin.^ 
sa  vengeance  :  ils  s  étudièrent  dé  touaieurs  moyensiJi 
fm  diminuer  les  effets,  en  s  efToiIçanl  de  le  lier  de  imoi 
vieux  par  les  articles  do  la  capîtidatioh.  Ces  avtidea 

*  t  .  • 

•  Voyez  U  acte  IV. 

*  Preuves,  n*  IX.  CeUe  capitulatiun  «  quoi  que  dise  Fosm,  fut  faitf 
ÉVèc  lescoasiiti de  Perpigiian ,  M  non  avet  i<^  caprUiiié  g^éral'di^'Ci- 
ulogâe.  Prvnvfft,  n*  X.  '  ' 


CpAPVJCHK  , SIXIÈME.  \5b 

(i4re|tt  tdbs  qjii^ur^itpu  1q$  den^aâ/iler,  pqu^  en,o^t^air 

ayaiU  d ppu^r Jt^u^  les  mpyeQs  ^^  rcsifta^çe;;  ^t,f^ç^ 

qui  étoie^ic^peupdanj^  ^es.faypçi»  dsirqi,  (|fi^Rrfi9n)^ 

çfAui,4tt  pcw?na^f  riiie<rt.i^  «l'aft ,  poçrippian^fl?^!,  «pi 
Bprte  4es ,  c^RacJ^èrflft  !^ ,  i'ajgpçuT:  ,i^t  ,4e,  A^,i»|çlMi!çi9i  1^ 

B'M'gïâçflj.jjlir  réflon^peftse^j;>^Ji*eiflr,flmiflffenïfi^ 

i'ï»P9*?P.q«"  |l»".PWÎ?ffP'rille„i;eîïiiÇftte)r.,foj^s  ^  gfligf 
t^,,  et  4p.i)f  (fpiiphçr  eq^<;vpe  n^jni^q^^^^^^éçwpfrv 
roi  de  jré.^l^lix'  sçn  psuiemeift ,  d*jçn^ve]f,  aucuii^ 


156  LIVHE  TROISIÈME, 

à  ceux  qui  en  ont  abusé ,  de  toucher  aux  priViléges 
ecclésiastiques,  et  qui  restreint,  en  un  mot,  rautoîrité 
royale  dans  les  deux  comtés,  comn^e  si  leur  pùpth 
latioii ,  se  donnant  volontairement  au  roi  de  Prteicè, 
faisait  ses  réserves  dans  le  traité  par  lequel  eUe- con- 
sentirait à  rélire  pour  ison  souverain.  Tout  eàt  exIM- 
ordinaire  dans  le  règne  de  Louis  XI,  mais  cette  ca- 
pitulation n*est  pas  Tacte  qui  le  soit  le  moins.  Let 
généraux  qui  signèrent  ce  modèle  de  plaidoyer  pour 
la  défense  d^intérèts  personnels,  et  qui  s^obligèrèM, 
par  un  cartel  particulier,  à  le  faire  accepter  pai^  le  rai, 
sous  peine  d*ètre  réputés  infâmes^,  n*avaient-il9  aucaHé 
connaissance  de  ce  qui  se  passait  dans  la  place,  ettotl^ 
laient-ik  fob  tenir  à  tous  prix  ?  Étaient-ce  des  misérablëé 
qui,  jugeant  leur  maître  encore  plus  mal  qu*il  ne  de^ 
vait  Tétre,  ne  se  disaient  aucun  scrupule  de  prometCrte 
ce  qu'ils  étaient  persuadés  qu*il  ne  tiendrait  pas,  quoi- 
qu'ils en  jurassent  laccomplissement  en  son  nom  et 
de  la  maniète  la  plus  solennelle,  les  satellites ^on 
tyran,  et  cest  1&  le  nom  que  f histoire  contempbFaitie 
donne  à  Louis  XI ,  étant  ordinairement  des  gensdigiles 
de  lui  ;  ou  bien  étaient-re  des  soldats  braves  et  pleins 
d'honneiu*,  connaissant  leur  maître  sous  d'autres  cou- 
leurs que  celles  dont  on  Ta  noirci,  et  cherchant, 
par  humanité,  à  enchaîner  son  premier  mouvement, 
h  leurs  propres  risques?  De  tels  sentiments  annonce- 
raient une  bien  grande  vertu.  Les  épithètes  Je  traître 

'  Toyfi  ce  cartel  à  U  nuite  de  U  capttuUtiofi.  Freuven,  n*X. 


CHAPITRE!   SIXIÈ'ME.  157 

que  Lùuk  prodiguera  bientôt  à  DufFbu ,  sàti  cbtlrirotit 
â  la  noaveHë  d'un  tf dite  qui  lui  liait  les  bras ,  nous 
font  d'autant  pJus  volontiers  incliner  vers  ^e  déttiîer 
sentiment,  que  nous  ne  tarderons  pas  à  voir  iiîi  autre 
des  favoris  de  Louis ,  le  sire  Boffile-d'e-JUge,  refiiiàér  à 
son  tour  de  servir  les  vengeances  de  ce  j^rincé,       '  ' 

_  4  •  f  •  •  • 

Quoi  qu'il  en  soit  dés  itiotifs  qui  jii«é^  accepter  éM 
conditions  de  la  capitulation ,  le^  assiégés  r'jpour  en  as- 
surei^  le  mieux  qu'ils  poiirraietit  l'exé<!^tibn ,  ét^èîrent, 
par  le  dernier  article,  «  que  les  lieutenants  et  bàpitainfes 

• 

«  généraux  jurassent  dès  ce  moment,  et  le  roi  de 
«  France  dans  le  terme  dé  deult  tnois',  pàl^  Aotre  oei- 
«gneur  Diea  et  par  la  dârtmàti'on  étefn^e  dé  leurs 
«  ftmes,  sans  pouvoir  en  obtèràr  janiai»  rabsokrtioft  ;  y 
tt  renonçant  expressénnent  et  donnait  lents  âmesà  to^ 
aies  démons,  s'ils  n'observaient  pois  les  airtiéleS He  lïi 
«capitulation;)) 'ajoutant,  pdur  plus  de  prévoj^nce; 
que  s'il  y  manquait  quelque»  mots, '9s  devtMeM  ètr^ 
interprétés  en  iavetu*  des  habitants,'  et  -que  si  eux, 
lîeiitenants ,  ôu^  le  roi  ne  reniplissaieiit  pas  ponctuelle- 
ment toutes  lèurs'pi*omessés,  ils  pourraient  être  dé- 
clarés; par  le  {Areinier  veAu,  éxeommmiiés,  damnés 
etpàijWèis.     '   " 

En  traiîtimtdela reddition  delà ^lâce,  les dbefs des 
assiégés  avaient  fixé  au  troisième  jour  après  celui  de 
la  signature  de  là  câpitidation ,  Tôuverture  âës  portes 
de  la  ville  aux  Français ,  si  dans  i'interyaiUe  le  rpi  d'A- 
ragon n  envoyait  pas  à  leur  secours  un  corps  detroupies 


159  UVAB  TI^QlâlÊME. 

y^fi^nt  fQur  forcer  le  biociu,  «|  ^eonltaûiidre,  Jk  t^&mp 
IVançais  i^  séloigaer.  €e  tit)isièiM  joiiT  étMnt-v^pujfM 
aucunes  ibrces  aragoiiimis^-  ^e  !  a^éUnK  niootré^s  i  4^1 
pqv^tSTlpvjs  de  U  place  fiir^nipbfûffM^^^lea  Fx^ttfWif 
rofilnèreM.t  dan^  Pèrpjgofln, , pré0^di§$  .p^c .(jwroqtt-^i 
Villanoy#»  run.deft^  coo«u}s,ripap/EhiQwa4:d4r;Vi^Hm 
p^,  Yîviicir»,  4aHi0Îs«au,  ï^iu^t^orgfi',^fiuy»i  injur- 
gi^is,  Q^oi^e  Cîurara«ldoyien.dfi8  noMktis,.;0fiIf|C«9T 
rpi&  Estève  «  ,dt)y.en  dies  iii^^eun  ,rtoà5.  bIx  „  a.l9gen  lii^fus 
p^  Jifs^  Fraoçfu»,  le  jotir  4eila  ugOatune-de  Ia^^îIait 

:  ,jLa  p^rep^^yjerd*!!!!;  tAité,qui  piirêteraU  touH^j^Sd 
vflpgeanc^t^lA  moment,  de  )^  eiieiiqer  j  nei^tiY^qve 
§oulev^i'iild:^AÛoi)  4e  iiOuiy.Aufsilot  quUeutjO^^u 
4?.  ^<is  généraut  ih  ow^npiasaoee.  det  bai^t  wr.iiwT 
qiieUeft.il^  p^Aaietittraiieiraveoléa  «5«|ég<^s,  iUi  Vi^Mqpmila 
çiHiitre  eux  en  jnjurks.iet,  pom- empêcher  it.epfta|W&T 
imiitieii .  4'UA  acte  si  conljcaite  à  9is»  iaieiitipwi^  qui 
épient  d  ^fTaiMir  Perpi^n-de  niamèro  A  ce  ^pm^ç^lt0 
ville  fut  dans  TiimpossibUité  de  ae  révolter  yneiikeeopdk 
fois,  il  fit  partir  sur^lcretiafQpuIinbfirtide  Qi^lafmgii 
sire  du  Bouchage»  celuide  ,seii  ooiW&dehIa  en^iii.U 
avait  le  plus  de  confiance,  avec  les  ordres  siiWMW4a  :•  • 
.    «  Instructipii  à  JI^L  du  Bouchage  dfe  ee:qa  il  «  ifoire 

'  Aa  nombre  def  pertonoes  qui  quiiièrvnt  PrqHgaan  apr^  la  'Capir 
lulaUoii,  Zurita  nomnif  un  Blanclia,  sans  «louté  celui  qui,  euA  pré- 
n^iéir  rbAiu1'.<  aVitMovm  \À  potrte^  de  \é  ville  aii  roi  d^ dragon/  xJriU'. 


de  par  }e  r()j|^tiQ^cUi^^tilQ  Y,oyoge  ^*il  fait  j^^é^ste- 
ment  en  Roussillon.       .-i .    i     >!  .     i»  i  : .   i  .m'i  * 
.p^Ct  preinièr.çn>?iltv}^  jei^Y^rra  le,plasM4tiycment 
(]u!il,po^rr4,ii^essirQ  y^voi^HDul&u  et  Miidti  Lude.>.'l  'à 
,    «j^-  Sr,,Porf$j/^/ii*è^t  d^iia^nal,  pareillement  Tèil 

renxQn^i9ti&il^tdesaienss-^it-wf^fi^i .  i^in  •♦  •' 
0  3.  De  retenir  tous  les  gens .d*Airfne(»,  tel Kpuand îles 
defsv^clHs  .^c<M[iti:  parU$„  4e!  ga^^P  'tou^ilfes.  lieute- 
nants des  dessusdits,  ev^jl  ^^'{j^t^gagiierJesJitoo»' 
tçnant$,^'i|,0|i^e  lesg?m(4!ar»H»j  )  /  m)  î  . .  ( 
.,,if(i.,Iie iCihaasi^r;  t^lit  dfi<g«^ 4fehQK ^detia  YÎlàë de 
P^fpigoen ,  que ,)ôetlt . jajpiqeai ten'^oi'mUillesiinaitresi^ et 
1^  leur  laissera  lU^^tâûlQj^ièmidè  hamftli)  t:b  ilr^ii;: 
I  li^ti/Dèa  qu!il  ai$::^tiTPi^^e»  fort  ^^wiricm  ffàréj)hl 
p^mière  ciiQfliQiqu/îiî:dpJitfaiFe»(t'Q9tdeMiaârfie9:poi[i) 

taU|t,   ■,.;  ,'i,-,    i:ir  .   ^     .     :.    .     i|l  j       ,  nxj    mi      I-,   .  »;!•/.■    !•> 

tt  6.  De  faire  une  citad^Ue«  ,i    .m  /•>!.  ju  >  '•  )i  ^  '»l!  ' 

,  ,-^7.  ,Si,Bofii]|e  /e^tdi$S;niGstc^3v  li*^n:'f^^ 
général;  aussi  s'il  n'en  est  pas,  y  mettre  le   Pou- 

!  «8.  Abattre .  toutes  ïes  rorte^eMes*  'i^ser^^  Pér- 
pigQ^n.i  S9u}c^s,».n£«^i4i)f ««i  C^piieure  li.  BeUegarde 
et  La!TX{ué;'Lë  PofdaiUeiFtieiidhtfi^neffet  Gojdîe^ 
FaÙcault-'dé-BdnHévàl  tléftdW  Uârodue,' et  ceïui'mie 

dia«fteaài  de'Perpignen^   et  Regnatiit-diaxCheMnjft' 
Sâtiicés *t Lôfeâte; ■  ■  "  '"•'  '■■'  •"'   ^'''l'j-i ;■■•='  ""•>""•■  ' 

«  9.  Mettra  tous  le|^  lipbl^s,  q/oi^  se.ispiftarpue^^CQij^tre 


140  LIVRE  TROISIÈME. 

le  roy  dehors;  et  donnera 'leurs  héritages,  quelqde 

appointement  qui  ait  été  fait.  ' 

tf  lo.  'Donnera  les  terres  desdits  nobles  au  Pou- 
lailler, à  Boffile,  à  son  lieutehant,  à  RegnatiitHlu- 
Chesnay  et  k  tous  les  autres  qu*â  verra  qu*ifs  seront 
bien  aigres ,  pour  garder  que  les  gentiishommes  né  f^ 
tournent  plus  au  pays. 

«11.  Leur  donnera  tous  les  censàb  de  oMk  '  qiii 
seront  dessous  le  roi  d* Aragon. 

«  1  a .  Fera  venir  la  femme  de  Philippe  Aubert  et 
sa  fifle ,  p6ur  pourchas^r  sa  délivrance ,  et  si  le  'Pou- 
lailler la  veut  avoir  en  mariage  il  f aura,  sinon,  Ré^ 
gnault-du-Chesnay  faura.  Et  s*il  avait  été  prortiià  p«r 
ledit  appointement  de  "rendre  ledit  Pliilippe  Aubert, 
dira  à  sa  femme  que  le  roy  se  veut  assurer  de  s6n  mari 
et  d*elle,  et  que  pour  cette  cause  il  faut  qu'elle  et' ta 
fille  viennent  devers  le  roy  *. 

«  1 3.  Defaira  tous  les  officiers  de  k  viUe,' réservé 


*  Ce  Philippe  Aubert  éuit  un  Catalan  ou  Roossillonnais  qvîi  à 
son  Ab  la  grande  influence  qu*il  eierçaii  sur  les  compatriol^»,  avait  été 
attiré  à  Paris  par  Louis  Xf.  Ce  prince ,  en  lui  conférant  une  charge  de 
conseiller,  Tavait  aimî  forcé  Ae  lui  prêter  serment  de  fidélité.  AtAeH 
ayanli  venUi  retourner  en  Ceteiesne,  LovU  •  escmait  de  lut  feadre  m 
lihertésur  ce  que,  recevant  de  hii  sa  pension  ordinaire,  il  était  de  at 
maison  et  ne  devait  pas  la  quitter.  Ce  prince,  qui  redoutait  la  présence 
de  ce  personnage  en  Catalogne,  alléguait  en  outre  qu'ayant  reçu  de  Ivl 
le  scnoent  auquel  étaient  tenus  tons  ceoi  de  son  conseil ,  il  ne  1  evail 
|>as  moins  trahi ,  puisqu'il  avait  fait  tout  ce  qu*il  avait  pu  pour  le  des» 
servir,  et  qu^il  n*avait  pas  dû  être  compris  dans  la  capituUtion.  Il  est 
I>ai4é  (1r  lui  dans  l*artlrlr  s  i .  Voyei  cette  pièce. 


CHAPITRE  SIXjIÉME  141 

un  lieutenant' pour  la  justice,  et  oteta  tout  te  pouvoir 
k  ceux  deid^  yilie*  l^t'Clels,  et  tout,  et«n auront  pluà 
nuls  oflBces. 

«  1 4'  Pour  les  réparations  de!  la  ville,  cotnmettra 
un  clerc  des  pays  du  roy,  qui  prendra  ce  qu  il  pourrai 
en  la  ville  pour  ce  faire,  et  ce  qu'il  ne  pourra,  le. tré*^ 
sorier  le  founûra.-         t    i 

(X 1 5.  Contestera  le  comte  et  le  châtelain  (  les  deiiil 
ambassadeurs  aragonnaîâ  jstilsi  sont  éncoté  là,  et  les 
laissera  dler  quand,  ils  voudront,  et  essayera  d'avoir» 
quelque  trêve  afin  de  mettre  la  ville  en  sAreté  pour  le 
roy  devant  que  te  guerre  y  vienne^'  et  la  plus  longue 
qu'il  pourra ,  afin  que  les  guerres  fussent  t^nninéesi 
avant  que  l'autre  cofluuençât.:      .  i  Wr.  .    < 

^  i6»  En  cais  que  ledit  eômte  et  châlelaiif  (usâeoli 
pârtia,  envoyer  :Guyot  et  Chesnay  dét ers léux,  pour 
prendre  une  trêve  la  plus  longue  qu'^  pMrm, ,  et  sén^' 
tira  d'eux  s'ils  ont  volonté  de  tenir  au  roy  ce  qu'ils  ^n% 
promis  et  tenu;  bailler  toutes  les  bëUDs  paroles  qu'on 
pourra. ,     .  .•  •    • 

a  ly.  Dira  à  M.  d'Albi,  en  l'entretenant,  qu'il 
prenne  hardiment  totites  les  bonnes  églises  qui  y  va- 
queront, et  puisv  quil  eti  avertisse  le  iroy,  Ickpiel  y 
tiendra  la  main  pour  lui,  envers  et  contre  tous.  -,!    f 

<f  1 8.  Pourvoira  à  tous  les  bénéfices  du  Roussillon , 
et  peuplera  les  monastères  de  Français.' 

«  1 9.  Mettra  tous  les  officiers  nouveaux  pour  gou- 
verner l'évèché,  tant  au  temporel  qu'au, spirituel. 


U3  LfVB^  TROISIÈME. 

irio.  BaîH^ra'  )e  gotrvemèitiêiW  de  toÛA'  ies'béné^' 
ficè^/tant  âii  tempcfrél  Squ^ati'^îritu'el,  et  eti  f)éWM« 
Ir  mandeinenl  patent  audit  d'Albi.  ';'!.. 

<  a  9 1  :  Dira  à  M .  d' Albf  qu'il  prenne  r^<^hé'dl*Eiillne8 
en 'ffomniMide ,  et  9'tt"y  a  qudc}i}fè  m^tttai»  ^bétlèfidè' 
parderà'»  ^ftt'il  le  promette,*  etptiis'qilH  tfén  tienne' 
rien,  et  tpi'il  en  laisse  faire  le  roy,  lequel'  y'rèiWédléWr 
bien*.  '  '    ■  '  ■  '''*'*•  '  ''  •*■'  • 

-'^ti^i.  Siiff  trêve  n'étaltTaîte,  et  qu'il^^fattiYtHy^: 
cents  lan<;?e9,  il  y  Idissera'^etudeBofnië,  de»  iûbtïeéltrtf' 
et  de  M.  dû  iiude  ;  et  Vil  y  fallait  qtiatî^  eéntb  liincfeti;' 
û  T  lail»serào^it'du  goliv^FnelHr^e  Rdû^nMi;>t  W 
renverra  Jean  Gbi^ntr." •  *     : 

(c  a3.  S*il  peut,  à  cette  heure,  repeupler  la  yOle  k 
neuf,  il  lefetti;  etauBsi  s'il  tie  peut;  iten  ItàiMera'la 
ohafge  à'M.  d-Aibi,  et  en  prehdra  {>6)âi|;ati^f« "de  hii  dé 
le  fai^e,  et  apportera  au  roy  son  Giilig(i'tMn;'ftign^  àë 
sa-mainv  ■  • ....;■,     ."    .1  -,  •.:  ^ 

'    unit:  Fatra  bailler  les  dix  mille  ^cus  au  comté  H 

au  châtelain,  et  prendra,  s'il  peut,  la  trêve  ave*f*ëftt. 

'     »  ..."  ■  .'.-■■ 

«  Pour -Puyss9njiap  : 

'  «  1  •  Huet  d'Amboise  aura'le  gouvernement  de  Puys- 
sardan.  


»  Cet  é\èchè  éuit  occupé  |Mr  CUariet  de  2itiQUy«l«u«  d^origÎM 
frantuie ,  qui  se  démil ,  et  reçut  l'abbaye  dr  Saint-Lêpnard-de-Per^ 
ri^rei.  I^uis  te  fit  remplacer  par  ChaHeft  de  Martigny,  qui  fut  ton  am- 
bassadeur en  Aaglctlvrien  1^78. 


» 


CHAPIITRE   SIXIÈME.  U5 

«av  .\f>rè8  queiedît  Huet  aura  eu  ledit  gouverne- 
ment, M.  d'Aibi^  lui  fera  promettre  qu-il  mettm  hots 
toute  la  ban(le  contrée  de  ^ereadi^r  et  de  fpn  neveu 
et  è  toute  cette  bande. 

«  3.  Efîra'à  ihbndif  sieur  d'Albi  qu'il  essaye  i'  par 
toâte^  les  fiiçoiife  c|ù*rt  pôurt^aV  d'àvoir'Lyvie  (la  vi!Ie 
de  Livia  )  c^è tient  ittëssire  Caillât,  soit  pat*  promesic* 
d  af^ent  ou  tfutfe  fchbse }  et  a^^k^ès  qu'il  râiira';  qu  il  fô 
baffle  à  *on  frère  Huet{  et  kptèi  <^ë  ledit  H\iet  1  aura  ; 
qu'iltierine  'dèi'ptàwlésÈè$  ce  t^u^B  vëlfâ  être  à  faire, 
«*►  Içdlt  CaiBatV'lqt!i«q«e'  prohifessë  qû'U  ait  faite  à'ii 
foj;iilatoujOTiWfti*aluettrbihpé.'.     »  "  '  '  ' 

A  A.  Que  ledit^  Jlbët  tk^iitë  biëri'  Meitadier  et*  ssl 
bande.  '" 

iB.  Qtlïï  s'aydè  de  Machîcot  et  de  iëisi'gens'/jus- 
qiieé  à  ëe'ijU^il  tùte  '<fa'ii'  ^'évi'  piussé  passer;  et  quÛhà 
à  s*éfi  pdur^  pasîser,  qtfîl  TeiiVcriè  devers  le7ôyl"é(t 
^U  -prenne  oiQ  dé^^s  gens  où  d'aiitrés;  tdnf  c^'i!^ 
faudra  pour  ledit  pays,  et  <^élé*roy  lés  Vétà  payera  'et 
qu'inné  uouffire  hdttimé  ett  Puyèsàrdâri'<!irfir¥ie*^6ïl 
nûdibéht'è im  et  <^U  rte  se  gdiivéi^ë^îitf  liii,  cht'lfe 
T0J  veut  qil*il<tfdt  sëiil  y^^itffiilè  è^  ^ôàtëméûr  d^ùdft 
pays,  car  leït^iiVfîâncé'etiàUti^é.' '•  '    '      '        "' 

«&.  Etiti^  avires'  èkbse^,  'ttiedritihieM  qiië'le  pi^s 
sera-en^ûreié  poiirîfe»  ifôyi  et  <|riè'le  dàirt^er'eh 
seifa  hors*,  s  en  revenir  à  toiiite^diiigênee  et  y'klsijêr 

>  Louis  d^Amboise ,  évèque  d  Albi ,  différent  de  Joufiroy,  cardinal 


d*Afbi. 


\l^^  LIVBE   TROISIEME. 

M.  d*Albi  pour  donner  ordre  'partout,  et  le  général 

cl  le  trésorier. 

«  Fait  à  PaH»  le  3 «V  jour  de  mars,  Fan  1&74  (i&75).  • 

Do  tous  les  actes  émanés  de  Louia  XI  p  il  ii*en  est 
aucun  peut-être  où  le  caractère  de  ce  prince  se  montre 
mieux  k  découvert  (jue  dans  ces  instructions., Cette 
pièce  devant,  par  sa  nature,  rester  secrète,  Louift  avait 
pu  se  mettre  à  son  aise  avec  son  favori  de  confiance; 
et  laisser  sa  plume  suivre  tous  les  mouvements  de  son 
âme.  Parvenir  à  ses  fins  n'importe  par  quels  moyeQa« 
n'épargner  ni  engagements  ni  promesses  et  ne  tenir 
que  ce  qu'on  voudra ,  c'est  toute,  la  politique  de  ce 
princ<». 

Ces  instructions  données  k  du  Bouchage  semblent 
ealculées  sur  le  projet  de  capitulation  de  Perpignan  p 
pour  en  faire  la  contre-partie  :  chasser  de  la  ville  le 
plus  de  monde  qu'on  pourra,  en  renouveler  presque 
la  population  tout  de  suite  ou  l'ailaiblir  au  moins  de 
manière  à  ce  qu'avec  peu  de  soldats  on  puisse  y  do- 
miner; expulser  les  nobles  qui  ont  pris  part  à  la  ré- 
volte,  confisquer  leurs  biens  et  les  donner  à  des  cmpir 
taines  dont  le  caractère  aigre  soit  un  garant  des  soins 
qu'ils  mettront  à  empêcher  le  retour  des  propriétaires; 
éloigner  les  moines  catalans  et  peupler  les  monastères 
de  Français  ;  enlèvera  Tévèque  son  siège  et  aux  autres 
ecrlosiasti(|ues  leurs  bénéfices;  priver  les  consuls  de 
leur  autorité  et  de  leurs  attributions  ;  ne  pas  laisser 


# 


CHAPITRE  SIXIÈME.  145 

aux  habitants  un  seul  harnais,  c est-à-dire  pas  une 
armure  complète  :  c  était  exactement  tout  le  contraire 
de  ce  que  promettait  la  capitulation.  Le  premier  soin 
du  roi  fut  de  rappeler  les  deux  généraux  qui  Tavaient 
s^née ,  comme  sa  plus  grande  sollicitude  était  de  pour- 
suivre une  trêve,  afin  de  pouvoir  sans  inquiétude  faire 
tête  aux  nouveaux  «embarras  que  lui  suscitaient  le  duc 
de  Bourgogne  et  le  roi  d'Angleterre. 

D*après  ridée  qu  on  a  généralement  de  Louis  XI , 
qu'on  s  attache  à  ne  montrer*  que  comme  un  tyran 
farouche  éternel,  toujours  également  prêt  à  tromper 
et  à  punir,  il  semblerait  que  les  deux  généraux  révo- 
qués auraient  dû  éprouver,  dune  manière  qui  répondit 
à  la  grandeur  de  ce  que  le  roi  appelait  leur  trahison , 
Teffet  de  son  ressentiment;  que  les  horribles  cages  de 
fer  auraient  dû  devenir  leur  prison;  il  n  en  fut* rien  : 
ils  continuèrent  à  conserver  ses  bonnes  grâces,  et 
nous  verrons  Tun  d'eux  revenir  bientôt  en  Roussillon, 
revêtu  de  toute  sa  confiance.  Ces  généraux  connais- 
saient donc  bien  le  prince  à  qui  ils  avaient  affaire  ;  ils 
savaient  que,  si  l'extérieur  était  âpre ,  le  fond  était  bon , 
et  cette  circonstance  nous  prouve  que  Louis,  dans  sa 
conduite  politique ,  n'était  que  ce  qu'étaient  tous  ses 
contemporains  couronnés.  L'écrivain  qui  a  si  bien 
peint  ce  monarque,  Duclos  dit  :  «Tous  les  princes 
<c  d'alors  ne  cherchaient  qu'à  se  tromper  mutuellement  : 
«  les  manœuvres  de  ceux  qui  ne  réussissaient  pas  res- 
«  talent  ensevelies  dans  l'oubli,  au  lieu  que  les  succès 

II.  lO 


Uf)  LIVRE  TROISIÈME, 

ude  Louis  XI  le  faisaient  regarder  comme  le  ptt»  ar- 
a  tificieux ,  quoique  souvent  il  ne  fût  rjue  le  plus  habile,  n 
Pour  rendre  raison  des  bizarreries  du  caractère  de  ce 
prince,  le  même  historien  ajoute:  «Louis  avait  le 
u  cœur  ferme  et  Tesprit  timide;  il  ^tait  prévoyant,  mais 
«  inquiet.  Plus  aiVablc  que  confiant,  il  aimait  mieux  se 
M  faire  des  alliés  que  des  amis,  n 

Peu  de  jours  s  étaient  écoulés  depuis  le  départ  de 
du  I^ucluif^e  pour  le  Roussillon,  quand  Louis  reçut 
la  nouvelle  que  la  capitulation  jurée  en  son  nom  avait 
son  effet  :  il  ex|)édia  aussitôt  à  son  confident  un  cour- 
rier chaîné  de  la  lettre  suivante,  beaucoup  trop  re- 
marquable pour  ne  pas  trouver  place  dans  le  texte  de 
cette  histoire  : 

«  Monsieur  du  Bouchage,  mon  ami,  j'ai  reçu  vos 
lettres.  Vous  ne  devez  pas  vous  émerveiller  si  je  ftis 
bien  courroucé  quand  je  reçus  les  lettres  de  ce  traître 
messire  ^  von  ;  toutefois  vous  n*y  avez  rien  trouvé  que 
je  ne  vous  eusse  bien  dit  avant  la  main;  et  quelque 
chose  qu'ils  m*aient  mandé  par  Reflbu ,  que  les  gens 
d*amies  ne  bougeraient,  vous  voyez  bien  qu'il  ne  leur 
a  pas  suffi  de  faire  la  grande  trahison  de  la  ville,  s*ils 
n'ont  accompli  toutes  les  petites  branches  qui  en  dé- 
pendent, afin  que  je  n'y  puisse  remédier.  Messire 
Yvon  est  un  des  malicieux  traîtres  de  ce  royaume. 
Considérez  que  vous  allez  pour  me  servir,  et  qu'il 
vous  faut  être  plus  malicieux  que  lui.  si  vous  me 
voulez  bien  servir  en  c*eci  et  vaincre  par  sur  lui. 


^ 


CHAPITRE   SIXIÈME.  147 

«Monsieur  du  Bouchage,  mon  ami,  c*est  im  des 
grands  services  que  vous  me  pouvez  faire  en  ce 
monde ,  et  si  vous  pouvez  mettre  tant  de  gens  dehors, 
que  Boffîle  et  sa  compagnie  et  Gouzolies  et  sa  com- 
pagnie soient  les  maîtres,  faites-le  tôt.  Aussi,  s'il  ne 
vous  est  possible  et  que  tous  les  gens  d*armes  que 
vous  pourrez  recouvrer  ne  soient  pas  assez  forts  pour 
ce  faire ,  et  que  vous  vissiez  qu*il  n  y  eût  remède ,  et 
je  suis  sûr  que  s'il  y  en  a  vous  le  trouverez,  endormez- 
les  de  belles  paroles  le  mieux  que  vous  pourrez,  et  y 
faites  tous  les  appointements  que  vous  pourrez,  vaille 
que  vaille,  pour  les  amuser  d'ici  à  l'hiver;  et  si  j'ai 
quelque  trêve  et  que  je  puisse  aller,  et  Dieu  me  sou- 
tienne et  madame  et  M.  Saint-Martin,  j'irai  en  per- 
sonne mettre  le  remède.  Toutefois,  si  vous  le  pouvez 
faire  dès  maintenant,  oncques  homme  ne  me  fit  si 
grand  service 

«  On  m'a  dit  que  d'Ortafla  et  Viviers  sont  retournés. 
Par  cela  pouvez-vous  mieux  encore  connaître  la  tra- 
hison ;  et  pour  ce ,  si  vous  m'en  pouvez  venger,  ven- 
gez-m'en, sinon  faites-les  déloger,  ainsi  qu'un  notaire 
qui  s'appelle  Maure.  Essayez  aussi  de  les  faire  les  plus 
maigres  de  vivres  que  vous  pourrez,  afin  qu'il  y  de- 
meure moins  de  gens,  et  essayez  de  rassembler  les 
gens  d'armes  en  la  plus  grande  diligence  que  vous 
pourrez. 

a  Monsieur  du  Bouchage ,  mon  ami ,  faites  écrire  en 
un  beau  papier  tous  ceux  qui  ont  été  et  seront  désormais 

lO. 


148  LIVRE   TROISIÈME, 

traîtres  dedans  la  ville,  et  comme  ils  sont  à  mais  de- 
dans le  papier  rouge,  et  les  laissez  à  Boffile,  au  Pou- 
lailler ou  à  celui  que  vous  laisserez  gouverneur  par 
del«^,  afin  que  si  d'ici  à  vingt  ans  il  y  en  retourne  nuls, 
qu*ils  leur  tassent  couper  les  têtes,  et  ne  vous  fies 
point  h  François  Castillon,  ni  ne  laissez  point  au  pays» 
et  Tentretenez  de  paroles  au  mieux  que  vous  pourrez, 
et  en  manière  qu*il  ne  puisse  nuire  par  delà.  Et  adieu. 

■  Ecrit  à  Paris ,  le  7'  jour  d*avril.  LoYS.  » 

Kn  e\<k*ution  de  ces  ordres,  du  Bouchage  dressa 
trois  listes  sur  lesquelles  se  trouvaient  les  noms  de 
plus  de  deux  cents  personnes,  avec  la  nature  du  tort 
ou  de  la  trahison  qu  on  reprochait  à  chacun.  H  fiit  très- 
heureux  pour  Perpignan  que  Boffîle,  à  qui  du  Bou- 
chage avait  donné  le  gouvernement  de  la  ville  et  des 
comtés  se  trouvât  être  un  homme  d'honneur  et  plein 
d'humanité.  Ce  seigneur  italien,  dont  le  nom,  aujour- 
d'hui inconnu  dans  la  province,  aurait  dû  être  rappelé 
aux  peuples  du  Roussillon  par  d'im|>érissables  raonu- 
uients  élevés  par  la  recoimaissance  des  contemporains, 
répondit  à  du  Bouchage  que,  si  l'intention  du  roi  était  de 
faire*  im  désert  de  la  province,  il  aurait  pu  se  dispen- 
ser de  lui  en  donner  le  gouvernement;  que  les  infor- 
tunés citoyens  de  Perpignan  n'avaient  déj«î  que  trop 
soufTert  pour  un  crime  dont  ils  étaient  innocents  pour 
la  plupart;  que  les  coupables  avaient  pris  la  fuite,  et 
que,  pour  s'assurer  de  l'obéissance  de  ceux  qui  n*s- 


CHAPITRE   SIXIÈME.  149 

talent ,  il  fallait  les  gagner  par  la  douceur,  et  non  pas 
les  efTaroucher  parlappareil  des  supplices;  quen  en- 
levant un  si  grand  nombre  ^e  personnes  à  Perpignan 
on  affaiblirait  la  place  et  on  augmenterait  le  nombre 
des  ennemis ,  tandis  qu'en  usant  avec  eux  de  clémence 
on  s'assurerait  de  la  fidélité  des  citoyens  par  la  recon- 
naissance^. Ce  langage  de  Boffile  était  d'autant  plus 
généreux,  que  ce  capitaine  devait  avoir  une  bonne 
part  des  biens  de  ceux  qui  seraient  ainsi  expulsés  de 
la  ville. 

Le  refus  de  Bofiile  de  se  prêter  aux  vengeances  du 
roi  déplut  à  ce  prince,  qui  n'osa  pas  cependant  lui  re* 
tirer  son  titre  de  gouverneur,  parce  qu'il  avait  encore 
besoin  de  lui  et  de  ses  Italiens  :  il  manda  à  du  Bou- 
chage de  se  conformer  au  vœu  de  cet  oflicier,  puisqu'il 
ne  voulait  pas  chasser  le  peuple  de  la  ville,  et  qu'il 
déclarait  qu'il  ne  se  chargerait  pas  du  commandement 
ÈÎ  l'on  insistait  sur  cet  article;  il  se  contenta  de  faire 
surveiller  ceux  qui  étaient  suspects,  et  ordonna  la 
construction  d'une  citadelle  pour  tenir  en  bride  la  po- 
pulation de  la  ville.  Pour  celte  construction,  il  pres- 
crivit à  du  Bouchage  de  laisser  Boffile  agir  comme  i^ 
l'entendrait,  sauf  à  charger,  plus  tard,  l'évêque  d'Âlbi 
d'en  faire  élever  une  autre  dans  un  endroit  qu'on  lui 
avait  indiqué,  si  celle  de  Boffile  ne  remplissait  pas 
bien  son  but.  Par  ménagement  pour  Pierre  de  Roca- 
berti,  qu'il  avait,  Tannée  précédente,  nonmié  gou-^ 

'  Dodos,  Hisl.  de  Louis  XL 


150  LIVRE  TROISIÈME. 

verneur  général  des  deux  comtés ,  il  chargea  du  Bou- 
chage d*engager  Boffile  k  ne  pas  se  décorer  de  ce 
même  titre,  et  h  ne  prendre  que  celui  de  lieutenant; 
enfin  il  donna  ordre  de  démolir  les  fortifications  de 
Canet ,  qui  lui  portaient  ombrage  entre  les  mains  de  la 
dame  de  Rocaberti. 

Occupé  k  la  fois  de  plusieurs  affaires  de  la  plus 
haute  importance ,  fjouis  faisait  face  h  tout.  Sa  corres- 
pondance allait  comme  sa  tête  ;  les  courriers  se  succé- 
daient sur  toutes  les  routes  avec  la  plus  grande  célé- 
rité, et  c*cst  le  besoin  d*avoir  partout  des  moyens 
rapides  de  communication,  qui,  deux  ans  plus  tard, 
lui  fit  imaginer  rétablissement  des  bureaux  de  poste , 
inconnus  encore  en  Europe:  institution  admirable,  si 
éminemment  utile  aux  particuliers  et  au  commerce, 
mais  si  précieuse  surtout  pour  les  gouvernements,  qui 
en  ont  trop  souvent  abusé. 

Au  milieu  de  tant  de  préoccupations,  de  tant  d'af- 
faires différentes,  de  tant  de  négociations  «^  conduire, 
d^intrigues  à  nouer,  de  ruses  à  inventer,  de  subtilités 
à  découvrir;  multipliant  les  instructions  sur  tous  les 
points  de  son  empire,  entrant  dans  tous  les  détails  de 
la  guerre  et  de  fadministration ,  ayant  h  régler  jus- 
qu'aux moindres  démarches  de  ses  agents  et  à  les  com- 
pliquer de  toutes  h^  prévoyances  de  fastuce  afin  de 
les  faire  >ervir  h  toutes  les  fins,  ce  qui  échappait  dans 
le  moment  k  fesprit  de  Louis  lui  revenait  finstant 
d'après,  et  une  nouielle  idre  en  faisant  rrlore  une 


CHAPITRE   SIXIEME.  161 

foule  d*autre9  dans  son  cerveau  fécond ,  c  était  encore 
de  nouvelles  lettres  à  écrire  »  de  nouvelles  instructions 
k  faire  courir  sur  les  traces  des  premières.  Cest  ainsi 
qu  après  avoir  fait  partir  son  courrier  pour  le  Rous- 
si&on ,  ce  prince  se  rappela  que  du  Bouchage  ne  lui 
avait  pas  répondu  sur  un  objet  auquel  il  attachait  une 
grande  importance  :  le  moyen  de  s  assurer,  sinon  la 
fidélité  de  la  populace  de  Perpignan,  du  moins  la  né- 
cessité de  tenir  pour  lui,  et  ce  moyen,  d*infemaie  in- 
vention ,  c  était  d  exciter  sous  main  cette  vile  classe  k 
piller  les  maisons  des  principaux  habitants  de  la  ville 
et  des  plus  influents.  De  cette  manière,  la  crainte  des 
châtiments  que  cette  populace  ainsi  compromise  au- 
rait à  redouter,  en  cas  de  retour  de  la  domination 
aragonnaise,  lui  serait  garante,  à  ce  qu*il  croyait,  du 
concours  de  sa  vigilance  pour  en  empêcher  TeiTet.  Peu 
dlieures  après  le  départ  de  son  premier  messager, 
Louis  en  expédia  donc  un  second ,  avec  une  dépèche 
dans  laquelle  on  lit  ces  mots  : 

«  M.  du  Bouchage,  aujourd'hui  à  trois  heures 
Toutes-pièces  est  parti.  Javais  oublié  de  vous  écrire 
ce  qui  suit  : 

«  Premièrement,  voyez  si  vous  ne  pourriez  pas  faire 
piller  par  le  menu  peuple  les  maisons  des  gens  que 
vous  chasserez ,  ou  au  moins  d'Antoine  Duvivier  et 
d'aucuns  gros  qui  sont  les  plus  traîtres  ;  alors  la  com- 
mune ne  consentirait  jamais  à  laisser  remettre  le  roi 
d'Aragon,  et  elle  y  ferait  meilleur  gué  que  vous.  N'é- 


162  LIVRE  TROISIÈME. 

coules  pas  Bofiile  sur  cela  ;  c  était  la  chose  dont  je 
vous  avais  le  plus  chargé ,  et  vous  ne  in*en  faites  point 
de  réponse.  Ccst  le  plus  grand  service  et  la  plus  grande 
sûreté  que  vous  puissiez  me  donner  en  RoussiUon.  Si 
Bofiile  est  de  cette  opinion ,  bien;  s*il  n*en  est  pas,  ne 
laissez  pas  que  de  me  servir  à  mon  gré ,  car  ceci  më 
semble  très-bon ,  et  vous  pouvez  savoir  que  je  l'ai  frit 
faire  à  Puycerda  par  Mercadier  et  ses  partisans.  »  Louis 
termine  cette  lettre  comme  toutes  les  autres ,  par  une 
exhortation  à  n'épargner  ni  les  l)clles  paroles  ni  les 
promesses,  et  surtout  de  n'en  pas  faire  faute  aux  deux 
ambassadeurs  d'Aragon. 


CHAPITRE   SEPTIEME.  155 


CHAPITRE  VIL 

FerdinaDd  et  Isabelle  usurpent  la  couronne  de  Gistille.  —  Louis 
se  ligue  avec  le  roi  de  Portugal.  —  Nouvelles  combinaisons 
de  Louis  pour  conserver  le  Roussillon.  —  Mort  de  Juan  et 
de  Louis. 

Pendant  que  le  roi  de  France ,  maître  du  Roussillon  > ^7^- 
et  de  la  Cerdagne,  prenait  les  moyens  qu'il  croyait  LorJxl. 
les  plus  efficaces  pour  s*en  assurer  la  possession ,  f  in- 
fant d*Âragon ,  dont  Ferdinand  ou  Fernand  disputait 
à  main  armée  la  couronne  de  Castille  à  Imfante 
Juanne,  fdle  de  Henri  et  de  Juanne  de  Portugal. 
L'excès  de  dérèglement  de  mœurs  de  cette  reine  avait 
non -seulement  soulevé  contre  elle  l'indignation  de 
tous  les  grands  du  royaume ,  mais  elle  avait  encore 
servi  de  prétexte  pour  faire  suspecter  la  légitimité  de 
la  naissance  de  Finfante  Juanne ,  sa  fille.  Isabelle,  sœur 
de  Henri  et  femme  de  Ferdinand ,  avait  accueilli  avec 
empressement  et  accrédité  de  tous  ses  moyens  une 
rumeur  qui  servait  si  merveilleusement  son  ambition 
en  la  rapprochant  du  trône;  et  ces  bruits,  soutenus 
avec  plus  d'énergie  encore  après  la  mort  de  Henri , 
par  les  partisans  de  cette  princesse ,  beaucoup  plus 
puissants  et  en  plus  grand  nombre  que  ceux  del'in- 


\bU  LIVRE  TROISIÈME. 

fantc  Juaiine ,  facilitaient  à  la  première  Tusurpation  de 

la  couronne. 

Le  trône  de  Castille  étant  pour  Ferdinand  d'une 
bien  autre  importance  que  la  défense  du  Roussiilon 
et  de  la  Cerdagne ,  ce  prince  avait  laissé  à  son  pè|pe  le 
soin  de  se  tirer  comme  il  pourrait  de  sa  querelle  l^ec 
le  roi  de  France ,  et  il  s*était  rendu  en  diligence  en 
Castille  pour  se  faire  reconnaître  roi  de  ce  pays  «  du 
chef  de  sa  femme.  Le  roi  de  Portugal,  oncle  de  Tin- 
fante  Juanne ,  avait  pris  cette  princesse  sous  sa  pro- 
tection ;  et  une  nouvelle  guerre ,  en  s'allumant  dans  la 
Péninsule,  donnait  encore  plus  d'importance  i 
Ijouis  XI ,  dont  Tappui  était  recherché  par  chacun  des 
compétiteurs.  Le  secrétaire  de  Ferdinand  était  venu 
solliciter,  de  la  part  de  son  maître,  lalliance  de  la 
France;  et  pour  mettre  dans  ses  intérêts  le  chef  de  cette 
puissance,  il  lui  faisait  proposer  le  mariage  de  la  jeune 
infante  Isabelle,  sa  fille, avec  le  dauphin. 

L'occasion  était  belle  pour  le  génie  de  Louis.  Par 
ses  ordres,  des  ambassadeurs  allèrent  faire  à  Ferdi- 
nand et  À  Isabelle  les  promesses  les  plus  magnifiques. 
A  lentendre,  ces  princes,  ayant  le  roi  de  France  pour 
ami,  ne  devaient  plus  avoir  le  moindre  souci;  toutes 
les  diflicuités  s'aplanissaient ,  et  les  nouveaux  rob 
n'avaient  plus  à  s'occuper  que  de  leur  sacre.  Mais 
Ferdinand  sortait  do  trop  bonne  école  pour  donner 
aux  paroles  plu.s  <le  valeur  quVllrs  iiVn  |M)Uvaient 
avoir,  et .  digne  élève  de  son  piTe .  \vs  promesses  ne 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  155 

lui  coûtaient  pas  plus  à  lui-même  qu  au  roi  de  France. 
Afin  de  se  ménager  un  recours  contre  son  adversaire, 
il  commença  par  lui  demander,  avant  tout ,  Tévacua- 
tion  du  Roussillon. 

Les  avantages  que  Louis  espérait  retirer  pour  lui- 
même  de  l'appui  qu*il  offrait  à  Ferdinand  et  Isabelle 
étaient  seuls  capables  de  f  empêcher  de  briser  sur-le- 
champ  une  négociation  dans  laquelle  c'était  l'obligé 
qui  exigeait  des  garanties  de  cdui  qui  devait  l'assister. 
N^ayant  nullement  l'intention  de  se  dessaisir  de  ce 
qu'il  tenait ,  il  prit  un  biais  pour  éluder  la  demande  si 
précise  de  l'inËint  d'Aragon  :  ce  iîlt  d'en  revenir  à  un 
moyen  que  Juan  avait  lui-même  proposé  l'année  pré- 
cédente ,  celui  de  faire  juger  la  question  du  rembour- 
sement par  deux  chevaliers  et  deux  lettrés  nommés 
par  les  parties,  et  de  confier,  en  attendant,  la  garde 
des  deux  comtés  au  connétable  de  Navarre ,  Pierre  de 
Peralta.  Louis  promettait  que  dès  que  le  mariage  remis 
sur  le  tapis  serait  conclu,  il  donnerait  au  roi  de  Cas- 
tille  cent  mille  écus  par  an ,  et  cinquante  mille  à  la 
reine,  jusqu'à  ce  qu'ils  fiissent  en  tranquille  possession 
des  couronnes  de  Castille  et  de  Léon.  La  jeune  infiinte, 
qui  n^avait  alors  que  cinq  ans ,  aurait  reçu  elle-même 
vingt  mille  écus  de  pension  jusqu'à  l'âge  de  douzeans. 
Louis  s'obligeait  de  plus  à  mettre,  disait-il,  sur  pied 
un  tel  secours  en  hommes  de  guerre ,  que  jamais  on 
n'en  aurait  vu  un  semblable  dans  toute  l'Espagne.  Il 
est  facile  de  reconnaître,  à  ces  exagérations,  l'homme 


156  LIVR£  TROISIÈME. 

qui  recommandait  toujours  à  ses  agents  de  n'épargner 
ni  les  belles  paroles  ni  les  promesses. 

Quelque  faux  et  méfiant  que  fût  Ferdinand,  il  n'avait 
point  encore  acquis  toute  la  maturité  de  l'astuce,  et  il 
était  d'ailleurs  dans  une  position  k  accepter  le  secours 
qu'on  lui  proposait,  sans  trop  s'arrêter  sur  les  condi- 
tions. En  jetant  en  avant  la  demande  de  Févacuation 
préalable  du  Roussillon ,  ce  prince  n'avait  voulu  que 
faire  un  acte  de  propriété  sur  ces  domaines,  aGn  de 
maintenir  le  principe  de  cette  propriété  dans  sa 
maison ,  et  mettre  le  roi  de  France  en  demeure  de  ce 
côté,  au  moment  d'entamer  une  négociation  avec  lui* 
Cette  aflairc  fut  menée  secrètement ,  et  un  traité  était 
sur  le  point  de  se  conclure ,  quand  le  vieux  roi  d'Ara- 
gon ,  de  qui  on  avait  pris  grand  soin  de  se  cacher,  vint 
à  en  avoir  connaissance  et  s'empressa  d'y  mettre  oba- 
tacle  :  sur-le-champ  il  envoya  à  son  fils  et  i  Isabelle  un 
seigneur  de  son  conseil,  pour  leur  faire  de  vifs  repro- 
ches sur  ce  qu'ils  avaient  engagé  à  son  insu  une  affaire 
aussi  majeure. 

Juan  avait  plus  d'une  raison  de  se  plaindre  de  l'in- 
cHinséquence  de  son  fils.  Ferdinand  avait  accrédité 
aupi*ès  du  roi  d'Angleterre  le  pn>tonotaire  Ferdinand 
(le  Lurcna,  Ihomme  le  plus  léger  qui  fut  au  monde; 
(|ui  annonçait  tout  haut  qu'il  était  chaîné  de  proposer 
au  prince  de  Galles  la  main  de  la  jeune  infante  de  Cas- 
tille,  dans  le  moment  même  oii  se  traitait,  tout  au 
moins  en  apparence,  iv  mariage  de  cette  princesse 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  157 

avec  ie  dauphin.  Ce  même  ambassadeur  disait  en 
parlant  du  roi  et  de  la  reine  de  Castille ,  que  leur  dé- 
tresse était  si  grande,  quils  n  avaient  pu  envoyer 
aucun  secours  au  roi  d* Aragon;  enfin,  arrivé  en  Bre- 
tagne, au  retour  d'Angleterre,  le  même  négociateur 
avait  rendu  publiques  les  instructions  qu'il  avait 
reçues  au  sujet  du  mariage,  et  le  roi  de  France,  qui 
l'avait  gagné  par  la  promesse  d'un  chapeau  de  cardi* 
nal ,  avait  obtenu  de  lui  la  communication  de  tous  les 
traités  ^ 

Les  menées  de  Louis  avec  Ferdinand  avaient  eu 
le  succès  qu'il  avait  principalement  en  vue  :  une  trêve 
de  trois  mois,  dont  la  France  avait  le. plus  grand 
besoin ,  venait  d'être  signée ,  et  cette  trêve ,  qui  ne  con- 
cernait que  les  firontières  des  états  de  Castille,  avait 
été  acceptée  par  le  roi  d'Aragon  pour  celles  de  son 
royaume,  par  l'impossibilité  où  il  était  réduit  de 
rien  entreprendre  contre  son  rival.  Semblable  à 
Louis  par  l'astuce  et  le  manque  de  foi,  Juan  lui  ressem- 
blait encore  par  la  superstition.  Entouré  d'astrologues 
et  de  devins,  il  avait  sans  cesse  recours  à  leur  préten- 
due science  pour  savoir  comment  se  termineraient  les 
affaires  du  Roussillon ,  et  il  gardait  auprès  de  sa  per- 
sonne un  Juif  réputé  très-habile  dans  la  consultation 
des  astres.  Quoique  ce  prophète  se  fui  trouvé  complè- 
tement en  défaut  sur  l'issue  du  siège  de  Perpignan, 
qfa'û  avait  présagée  favorable  à  l'Âragon,  Juan  ne 

>  ZaritJ. 


I  i7^. 


158  LIVRE   TROISIÈME. 

pouvait  s*emp^rher   de  lui  donner  toute   sa  con-* 
fianrc. 

La  trêve soiliritoe  parLouis  et  consentie  par  lesdeiu 
princes  avait  été  prolongée  de  trois  mois  de  plus ,  et 
l'impuissance  réciprocpic  de  la  violer  l'avait  fait  re»* 
pecter  de  part  et  d'autre.  Vint  ensuite  ic  tour  de  don 
Juan  d  en  solliciter  une  nouvelle  prolongation  de  m 
mois  :  Louis  raccorda  pour  onze;  mais  cette  condes- 
cendance était  un  piège,  parce  qu*alors  il  était  en 
mesure.  Pendant  que  le  li  du  mois  de  septembre  il 
signait  cette  prolongation ,  pour  «  })endant  icelle  Irai- 
«ter,  disait-il,  des  moyens  d'en  venir  à  une  paix 
c(  fincile,  B  il  cx)ncluait ,  le  8  du  même  mois,  une  ligue 
oitensive  et  défensive  contre  TAragon  et  la  CastiUe 
avec  le  roi  de  Portugal.  Aux  termes  de  ce  traité,  toutes 
les  conquêtes  que  les  Français  feraient  en  Aragon  et 
Valence  appartiendraient  au  roi  de  Portugal,  qualiBé 
de  roi  deCastille,  et  tout  ce  que  celui-ci  pourrait  con- 
quérir en  Catalogne,  Roussillon  ou  Cerdagne,  serait 
pour  le  roi  de  France ,  aussi  birn  que  les  iles  Baléares 
et  la  Sardaigne,  quel  qu'en  fût  le  conquérant.  Au 
moyen  de  ce  nouveau  traité,  Louis,  allié  avec  Tun  des 
prétendants  k  la  couronne  de  Castille  et  en  marché 
avoc  l'autre,  se  réservait  la  facidté  de  se  prononcer 
définitivement,  et  sans  rien  compromettre  pour  son 
compte,  en  faveur  de  celui  pour  qui  la  fortune  se  dé- 
ciderait. IVjà,  quelques  jours  auparavant,  il  avait 
signé  avec  le  roi  d'Angleterre  une  autre  ligue  dont  le 


CHAPITRE   SIXIEME  125 


CHAPITRE  VI. 

Embûches  des  deux  côtés.  —  Prise  d*Elne.  — Bernard  d^Oms. 
—  Détresse  de  don  Juan.  —  Capitulation  de  Perpignan.  — 
Du  Bouchage  en  Roussiiion.  —  Boffille  refuse  de  seconder 
les  projets  de  Louis  contre  Perpignan.  —  Louis  veut  faire 
pilier  la  ville  par  la  populace. 

La  possession  de  la  Cerdagne  et  du  Roussiiion  était 
devenue,  pour  les  rois  de  France  et  d*Âragon,  une 
arène  ouverte  à  Tastuce  et  à  Tintrigue  autant  qu'à  la 
valeur  et  à  la  science  stratégique.  L*emploi  de  la  force 
ouverte  devant  seconder  les  machinations  obscures  et 
frauduleuses,  chacun  acciunulait  en  Roussiiion  le  plus 
de  forces  qu*il  pouvait.  Le  roi  de  Sicile  avait  fourni  à 
son  père  un  certain  nombre  de  soldats  italiens  que 
celui-ci  avait  envoyés  à  Ellne.  Le  i  /ï  de  juillet,  Tannée 
française  venant  s'établir  entre  le  Vemet  et  Perpignan, 
et  s'étendant  depuis  Pia  jusqu'à  Peirestortes,  ces  Ita- 
liens se  crurent  sur  le  point  d'être  attaqués,  et  com- 
mencèrent à  démanteler  la  ville  basse  d'Elne,  pour 
se  concentrer  dans  la  ville  haute.  Bernard  d'Oms, 
ancien  sénéchal  de  Beàucaire,  puis  de  Perpignan, 
l'un  des  principaux  moteurs  de  l'insurrection  du 
Roussiiion  contre  les  Français,   et  que  Juan  avait 


If><)  LIVRE   TROISIÈME. 

donc  que  de  IVudonnir  en  épiant  le  moment  de  fac- 
cjibler.  La  IVninsiiic  rUiit  de  nouveau  toute  en  feu. 

Pour  opérer  une  diversion  favorable  au  roi  de 
Portugal ,  les  FVanrais  sVtaient  jetés,  d*une  part  sur  la 
Catalogne,  et  deTautre  sur  le  Guipuscoa,  où  ib  atta- 
quèrent Fontarabie,  que  bloquait  par  mer  la  flotte  de 
ramiral  Coulon.  Mais  une  tempête  survint  qui  dis- 
persa les  vaisseaux,  et  Ferdinand  remporta  sur  les 
Portugais  une  victoire  complète  à  Toro.  Louis,  crai- 
gnant aloi*s  (|uc  le  roi  d*Aragon  ne  fit  passer  de  grandes 
forces  en  Roussillon,  envova  de  Fontarabie,  dans  ce 
comté,  une  partie  des  troupes  du  blocus,  sous  les 
ordres  de  d'Albret  et  d'\  von  DulTou  K 

Le  roi  de  Portugal,  Alpbonse  V,  avait  envoyé  au 
roi  de  France  des  ambassadeurs  pour  le  presser  de 
faille  |)artir  les  secours  qui  devaient  lui  être  fournis, 
ou  du  moins  qui  lui  avaient  été  promis.  Ce  prince,  se 
croyant  mal  servi  par  ses  envoyés,  prit  Timprudente 
résolution  de  se  rendre  lui-même  en  F'rance;  et  Tami- 
rai  Coulon,  après  avoir  rallié  ses  vaisseaux ,  fit  voile 
vers  rembouchureduTage  pour  recevoir  Alpbonse  sur 
son  bord.  Dans  le  courant  du  mois  d*août  le  monarque 
s*embar(|ua  en  elTet ,  emmenant  avec  lui  douxe  vais- 
seaux (*t  cinq  caravelles  cbargées  de  deux  mille  deux 
cents  soldats  et  quatre  cent  soixante  et  dix  chevaux 
pour  renforcer,  en  passant,  les  garnisons  de  Tanger, 
•\rsila  et  Alcaçar-sagtier,  places  qu  il  possédait  sur  la 

'    Diii  ln« ,  Hitf.  Jr   fjHiit  XI 


CHAPITRE   SIXIÈME  127 

le  gage  d'une  amitié  perpétuelle  entre  les  deux  cou- 
ronnes. 

Le  roi  d'Aragon  savait  à  quoi  s'en  tenir  sur  les  pro- 
positions du  roi  de  France.  Celle-ci  pouvait  être  sin- 
cère; mais  comme  Louis  dirigeait  sur  le  RoussUlon  des 
armements  considérables,  il  pouvait  croire  aussi  que 
cette  communication  cachait  quelque  piège ,  et  que  le 
roi  de  France  cherchait  è  l'endormir  par  de  belles 
paroles.  La  saison  déjà  très-avancée  avait  fait  croire  h 
don  Juan  que  les  Français  n'entreprendraient  rien  de 
considérable  cette  année  ;  la  démarche  de  Louis  lui 
donnant  l'éveil,  il  songea  à  prendre  ses  précautions. 
Comme  il  avait  besoin  d'un  peu  de  temps  pour  ras- 
sembler tous  ses  moyens,  il  voulut  user  d'artifice  et 
mettre  le  roi  de  France  en  demeure  jusqu'au  moment 
où  les  compagnies  de  Biscayens  et  de  Navarrois,  et 
les  escadrons  d'Italiens  que  le  roi  de  Sicile,  son  fils, 
devait  lui  envoyer,  seraient  arrivés. 

Les  constitutions  du  royaume  d'Aragon  ne  permet- 
taient pas  à  don  Juan  d'accéder  aux  propositions  du 
roi  de  France;  les  infantes  ne  pouvaient  jamais  rece- 
voir leur  dot  en  terres,  mais  seulement  en  argent 
comptant  :  il  fallait  donc  chercher  un  autre  biais. 
Juan  proposa  de  nouveau  à  Louis  de  faire  examiner 
les  droits  qu'il  prétendait  avoir  sur  les  deux  comtés 
par  un  conseil  de  jurisconsultes  qui  devraient  donner 
leur  avis  dans  le  terme  de  deux  mois,  et  qu'en  atten- 
dant,  la  ville  de  Perpignan  et  son  château  fussent 


13(1  LIVAE;  THOlSlËMIi. 

pigca^i  ;  il  vit  le$  muraillcsi  Afi  0eUe  ville  lei  j6  du  araîf 
de  marSf  mais  ne  put  le$  jCranishir.  Ao  reste,  Tenlvée 
de  ce  surcroit  ^e  bouches  dans  une  place  déjà  affamé^ 
naurait  fait  qu ajouter  à  la  misère  dies  habitanUt«  iâM 
cpntribuerà  les  sauyek*.  Réduits  aux  demiersi  iermct 
deifii  famine,  ayant  dévoré  tout  ce  qu'il  étaî,t  p^MJbUi 
d/ç.  dévorer,  JUâqu  a.  des  cadav^s  même  4  nite  mfana 
ayant,  circonstance  horrible,  i^ourri,  dit*on ,  iton  ae; 
<^n4  enfaiU  de  \»  cliaii:  du  premier,  déjài!inort''djB 
J^im^.ies  hraveft  Pcrpigiianiiis  furent  dans  Jactudle 
obligation  .de  a^  soumettra  à  ce  roi  de  Franot:  i|â*âa 
Avaient  tant  de  sujet  de  redouter,  parce  qii-iis  Tavaienf 
beaucoup  olfensé.  Us  capitulèrent  lé  1  o  de  mars;  dvee 
14  permission  du  roi  d* Aragon,  qui,  à  roccasûm  de 
cette  défense  niémorable  et  dû  motif. qui  lavait  aine* 
née,  donna  à  leur  ville  le  titre  de  Très-Fidèle^  •••  • 
; .  Leé  Perpignanais  savaient  à  quel  prince  ils  avaient 
«ffure;  ils  sa\'^ient  que  Louis  était  vindicatifvetjlea^ 
ocfnduite  avait  tropjustenientirrité  son  coumouk.  Gob- 
tmintspar  la  pliis  dure  loi  de  retomber  sousaa  pnis- 
îEUiiicc,  ils  avaieilt  tout  lieu  de  redotltei^la  rigueùn^de 
sa  vengeance  :  ils  s  étudièrent  dé  tous  leurs  moycnsiA 
cm  diminuer  les  effets,  en  s  efforçant  de  le  lier  de  lent 
mieux  |>ar  les  articles  de  la  capitulation.  Ces  airtidct 

'  Voyez  U  Bote  IV. 

*  Preuves,  D*  IX.  (!ettf  ca|ùtulati(>n ,  quoi  que  (lise*  Kosm,  fut  Ikitf 
atee  les  contult  de  Perpignan.  H  non  aVet  ie  capitaine  généraldeCtf- 
talogâe.  Prcavta,  n*  X. 


CHAPITRE   SIXIÈME.  129 

pour  la  conserver.  L*évcque  de  Bascara ,  qui  se  trouvait 
à  Girone  avec  quelques  chevaux ,  eut  ordre  de  s'y  jeter; 
mais  les  passages  étaient  trop  bien  gardés  :  le  prélat 
fut  battu  y  et  Elne  se  rendit  le  5  décembre,  après  un 
mois  de  blocus.  Sa  gambon  napolitaine  fut  renvoyée 
en  Catalogne;  quant  à  Bernard  d*Oms  et  à  quelques 
autres  chevaliers  qui  avaient  prêté  serment  de  fidélité: 
au  roi  de  France,  ils  furent  arrêtés  et  conduits  au 
château  de  Perpignan,  où  quelques  jours  après  Us 
furent  décapités.  La  tête  de  d*Oms,  fichée  au  bout 
d'une  pique ,  fut  plantée  devant  la  porte  de  la  ville. 
Immédiatement  après  la  prise  d*Elne,  la  ville  de  Fi- 
guières  se  donna  aux  Français. 

Le  supplice  de  ce  Bernard  d'Oms  est  présenté  par 
quelques  historiens  catalans,  et  par  les  écrivains  rous- 
sillonnais  de  toutes  les  époques,  comme  le  martyre 
de  la  fidélité  la  plus  éclatante ,  et  sa  mort  comme  la 
plus  haute  gloire  pour  lui  et  la  plus  grande  honte  pour 
le  prince  qui  l'ordonna.  Si  l'histoire,  dans  sa  sévérité, 
ne  doit  rien  dissimuler  des  crimes  d*uii  roi,  dans  son 
impartiale  justice  elle  doit  aussi  le  laver  de  ceux  .qui 
lui  sont  faussement  imputés.  Pesé  dans  la  balance  de 
la  plus  rigoureuse  équité ,  le  supplice  de  ce  chevalier 
roussillonnais  est  loin  d'être  un  attentat  de  Louis  XI. 
Bernard  d'Oms  était  né,  il  est  vrai,  sujet  du  roi  d'A- 
ragon ,  mais  son  choix  libre  et  volontaire  f  avait  mis 
au  seWice  du  roi  de  France,  qui  lui  avait  confié  un 
poste  important  en  Languedoc,  avant  l'engagement 
II.  9 


-'■, 


■ 
1. 


156  LIVHE  TROISIEME. 

à  ceux  qui  en  ont  abusé ,  de  toucher  aux  piîvHéges 
ecclésiastiques,  et  qui  restreint,  en  un  mot,  f autorité 
royale  dans  les  deux  comtés,  comme  si  leur  poptih 
lation ,  se  donnant  volontairement  au  roi  de  Prftnc^, 
disait  ses  réserves  dans  le  traité  par  lequel  elle  ebtt- 
sentirait  à  Télire  pour  ison  souverain.  Tout  estextÉ«- 
ordinaire  dans  le  règne  de  Louis  XI ,  mais  cette  ca- 
pitulation n*est  pas  Tacte  qui  le  soit  le  moins,  htê 
généraux  qui  signèrent  ce  modèle  de  plaidoyer  pour 
la  défense  d'intérêts  personnels,  et  qui  s'obligèrèM, 
par  un  cartd  particulier,  à  le  faire  accepter  pai^  le  ni, 
sous  peine  d*ètre  réputés  infâmes^,  n'avaient-ils  aucoilé 
connaissance  de  ce  qui  se  passait  dans  la  place,  etycrah 
laient-ilsFobtenirà  tous  prix  ?  Étaient-ce  des  misérablëi 
qui,  jugeant  leur  maître  encore  plus  mai  qu'il  ne  de^ 
vait  l'être,  ne  se  faisaient  aucun  scrupule  de  promettre 
ce  qu'ils  étaient  persuadés  qu*il  ne  tiendrait  pas,  quoi- 
qu'ils en  jurassent  l'accomplissement  en  son  nom  et 
de  la  manière  la  plus  solennelle,  les  satellites  d'an 
tyran ,  et  c'est  \h  le  nom  que  l'histoire  contemporaine 
donne  &  Louis  XI,  étant  ordinairement  des  gensdigiles 
de  lui  ;  ou  bien  étaient-re  des  soldats  braves  et  pleins 
d*honneur,  connaissant  leur  maître  sous  d'autres  cou- 
leurs que  celles  dont  on  fa  noirci,  et  cherchant, 
par  humanité ,  à  encltaîner  son  premier  mouvement, 
h  leurs  propres  risques?  De  tels  sentiments  annonce- 
raient une  bien  grande  vertu.  Les  épithètes  Je  traître 

'  Totfi  ce  cartel  A  U  Auite  de  la  capîluUlîoii.  PrfuvcA,  n*X. 


CHAPITRE   SIXIÈME.  151 

délit.  Leroi'rfe  Siôilé,  fds  de  Juan;  dans  les  lettres 
patentes  qti'il  acootdâf  Tannée  suivante  au  fds  dfe  ée 
même  Bernard  d'Oms,  à  raison  de  certains  privilèges 
qtii  lui  furent  concédés,  loin  de  méconnaître  les  de- 
voirs que  Bernard*  avait  à  rertiplîr  envers  lé  roi 'de 
France,  les  prtK'lame  au  contraire  hautement  lui- 
même*. 

Depuis  la  prise  d'Elne ,  d'où  Perp^an  tirait  toutes 
seste&sources,  (?ette  place  ne  pouvait  plus  se  soute- 
nir. La  fortune  qui  se^clar&it  ehtîèrement  contre  le 
roi  d' Aragon  veriâfH"de  lui  pfortér  le  *dfemier  coup  :  le 
roi  de  GastiHe 'était  mort,  et  ^èt  érénement,  eti  jetant 
le  roi  de  Sicile  dans  une  nouvelle  guferrè  potfr  s'afè- 
suror' la  possession  déliât  couronne  de  sa  femtne  I^- 
belle,  privait  don  Juânde  totisles  sébours  qu'il  pôtt- 
\-ait  atteindre  de  sort"ftls.*  L' Aragon  était  éj>ûisé ,' fet  lés 


fi'.. 


celui  de  François ,  son  frère ,  qui  atteste  les  précautions  que  («ouis  XI , 
prenait  pour  ces  sortes  d^aetes.  Voyez  aux  Preuves ,  n*  VIII. 

En  présence  de  teb  finit»,  naos  ne  comprenons  pavanninent  Fittaa  ' 
a  pu  cherchera  disculper  ce  Bernard  d^Oms.  Ce  n'est  pas,  çoi^me  i)  Iç* 
croit,  pour  avoir  refusé  obéissance  au  roi,  en  vertu  du  traité  du  17  sep- 
tembre 1  ^75,  qu'il  fut  puni,  mais  pour  avoir  fait  révolter  le  pays  avant 
cette  époque,  et  «oas  Uf  puitsânoe  dHin  èétnKen$,  de -fidélité  tv 'roi  de ' 
rnuice  ,■•■  •       :  ■  ■■!  •  .  /..n    1       •  ."^ 

>  Voici  les  propres  paroles  de  Ferdinand,  dans  ces  lettres  patentes  : 
«  \viendo  aquella  parte  de  Espana  que  entre  cl  Pyrineo  esta  situada ,  en 
«  les  mismos  montes  y  rays  d^eilps,  que  daman  Rosseffon  y  €crdafia, 
«ûdo  dada  en  renés-  dei  illos^rimno  pqdre  nnealro,  Juan,  à  Luû,  ii- 

•  lustre  rey  de  Francia,  del  91^1/,  Luj^  uvi^sidti^  vufsiro  p^re  fm^jpor 

•  el  quel  atia  (jovernado  alqunas  paries»  np  de  poca  monta,  en  el  reyno  de 

•  Francia»  etc.  (  (.ri^i  dé  Cataluna.  ] 


166  LIVHE  THOISIÈMK. 

ayant  rembourse  les  soiiunes  pour  lesquelles  ils  étaient 
engag(^'s,  ils  seraient  rendus  à  ce  prince.  Ferdinand* 
qui  regardait  coninie  le  point  le  plus  important  et  le 
plus  difficile,  celui  de  tirer  ces  terr<*s  des  mains  du  roi 
de  France,  consentait  d*abord  à  cet  arrangement; 
mais  renonçant  ensuite  à  ce  système ,  quand  les  con- 
férences furent  ouvertes ,  il  en  revint  à  celui  de  boo 
père ,  qui  était  de  recouvrer  les  comtés  sans  rembour- 
ser aucune  somme.  Le  vieux  roi  d*Aragon  fondait, 
suivant  Zurita ,  cette  singulière  prétention  sur  les  dis- 
positions du  traité  primitif;  il  soutenait  qu*il  n*y  avait 
rien  de  plus  préjudiciable  h  ses  intérêts  que  de  recon- 
naître que  ces  terres  eussent  été  engagées  pour  aucune 
somme  d*argent  quelconque,  attendu  que  ce  traité 
primitif  n  en  disait  mot ,  et  qu  au  contraire ,  en  vertu 
de  ce  même  traité,  le  roi  de  France  se  trouverait 
obligé  de  restituer  toutes  les  rentes  qu  il  en  avait  reti- 
rées ^  Rien  n  était  moins  conforme  à  la  vérité.  Le 
premier  de  tous  les  traités  survenus  pour  cette  aflbire, 
celui  de  Sauvcterre ,  ne  parie  pas  de  l'engagement  des 
comtés,  et  quant  à  relui  de  Saragosse,  dont  nous 
donnons  le  texte,  il  dit  tout  Topposé,  et  s'exprime  â 
cet  égard  de  la  façon  la  plus  explicite.  Mais  quel  rôle 
aurait  donr  joué   la   France,  dans    Thypothèsc   de 
Juan  II  ?  Elle  aurait  prodigué  k  re  prince  ses  trésors  et 
le  sang  de  ses  enfants  '-^  |)our  le  seul  plaisir  de  lui 

'  /uriU,\X,  iti. 

'  La  t;iif  m;  tic  Roussillon  «vdl  occaaîonnf  Uiit  dr  pertes  «ui  Fran- 


CHAPITRE   SIXIÈME.  135 

avec  ces  deux  cents*  hommes  d*armes  et  ceux  qu^fl 
avait  déjà  avec  lui;  tnais,  suivant  Texpérience  dé  tous 
les  temps,  pour  mener  à  bonne  fin  toute  entreprise 
militaire ,  il  ne  faut  pas  être  arrêté  du  coté  dés  finances  ; 
et  le  banque  d'argent  était  devenu  tel  ôhez  le  roi 
d* Aragon,  que  ce  prince,  passant  de  Girone  à  Càs> 
tellon  d*Âmpurtas ,  n'avait  pas  eu  seulement  de  quoi 
payer  les  muletiers  qui  avaient  transporté  soh  bagi^e; 
qu*ii  avait  dû  engager,  pour  les  satisfaire ,  sa  propre 
robe  fourrée  de  martre.  Ainsi,  au  milieu  de  Thivcr,  tm 
vîeiUatd  presque  octogénaire  se  voyait  forcé,  pour  le 
payement  d'une  modique  somme,  de  renoncer  au 
seul  vêtement  qu'il  :eât  pour  se  garantir  contre  les 
r%ueurs  delà  saison  ;  et  ce  vieillard  était  un*  mÀiMatjpae  * 
maître  d'un  grand  empire ,  et  dont  le  <£lrderrait  bientôt 
étendre  son  sceptre  sur  les  deux  mondeis  1  '  i^»  - 

Le  roi  d'Aragon;  réduit  à  ne  plus  savoir  où  donber 
de  la  tête,  usa  du  dernier  moyen  qm  lui  restât '^^our 
secourir  Perpignan  :  il:  fit  partir  jpoor  dette  ville -les 
compagnies  qu'il  avait  auprès  de  lui,  smis  le  cbm<> 
mandement  de  Rodrigues  de  Bovadill'^  c'était  a«lifsi 
fancre  d'espérance  *  des  assiégés.  Mais  les  Français, 
maîtres  de  tous  tes  dehors  de  la  place,  snrvcfldiaieflt 
avec  tant  de  rigueur  toutes  les  avenues,  que  rien  m 
pouvait  plus  passer.  Ce  fiit  en  vain  que  Bovadill  dé- 
ploya un  grand  courage  et  beaucoup  dli^ileté  pour 
traverser  le  Roussilloh  en  combattani,,  f  oujours  et  sans 
relâche,  depuis  le  Pertus  jusqu'aux  approches  de  Per- 


13(1  LIVHE;  TH01S1ÈII& 

pigca^i;  il  vit  le$muraill<$6t 4e, Cette  ville. Ieij6  du  qkw 
de  mars,  mais  ne  put  les  jCranbbir.  Ad  r^te,  Tenlfitt 
de  ce  surcroit  de  bouches,  dans  une  place  déjà  affamétf 
n  aurait  fait  qu^ajoutcr  à  la  misère  dies  habitanUt  IttM 
contribuer. à  les  sauyelr.  lléduitâ  aun  demierst ieriiM 
deifiL  famine ,  ayant  dévoré  tout  ce  qu*ii  étajjt  pQsaîàb 
d?.  dévorer,  jUâqu  a.  des  cadav^s  mème^  utte  oièM 
ayant,  circonstance  horrible,  liourn,  dit-on v »tmi  W; 
coi)4  enfanjt  de  ia  cliaii:  du  premier,  déjàijnorti  ib» 
J^imM^  lutiveft  PcrpigfiaAAis  furent  dans  lactu^Ut 
obligation  .de  a^  soumettra  à  ce  roi  de  Franoti^Â'Jb 
oyaient  tant  de  sujet  de  redouter,  parce  qti-ils  i*aTaMnf 
beaucoup  olfensé.  Ils  capitulèrent  lé  i  o  de  mars  4  dvee 
la  permission  du  rOi  d* Aragon,  qui,  à  f oecasîoA  de 
cette  défense  ulémorabie  et  du.  motif. qni  lavail  aine* 
née,  donna  à  leur  ville  Ut  titre  de  Très-Fidèle'^  **»< 
; .  Leâ  Perpignanais  savaient  à  quel  prince  ils  avalent 
sil^e;  ils  savaient  que  Louis  était  vindicatifv^etjlear 
ocfndtlite  avait  trop justementirrité  son  cpurrtouk.  Con- 
traints par  la  plus  dure  loi  de  retomber  sous  aa  pair* 
sauce,  ils  avaieilt  tout  lieu  de  redotltei'la  nguetWide 
sa  vengeance  :  ils  s  étudièrent  dé  tous  -leurs  moyens»  Ji 
cm  diminuer  les  effets,  en  sefibrçaiU  de  le  lier  de  lent 
mieux  par  les  articles  de  la  capitulation.  Ces  airtidct 

'  Voyei  U  Bote  JV. 

*  Preuves,  n*  IX.  Otte  ca|iitulatu»n ,  quoi  qiif  (ii»f  Koftita,  fut  Cûtf 
tfM  les cofitolt de  Perpignan,  H  non  avet  l^^  raprUine  général' di^'iSi* 
ulogae.  Prvwrca,  n*  X. 


(nreiit  t^  q|ii  aurait  pu  Iqs  dei^ajflu^err  pqiq:  en,o)^t^i^r 
imiilepDept  uQ^  p^tie ,  imç  pl^^ô  ^i  se  ser^  £|Ou^ii&^ 
ayaiU  d ppu^r  it/^u£i  les  moyeps  (l^  rqsiftai^çe^;  ^%},^!^ 
qulw  a  le  t>lu^de,peifiô>;Çpnç6y,oir4iç:q^)i,que;ies.4eH/( 
généraux  d^  Ii*çw^.,lesip|aips^tiçept^t;^^  ^çor(^èrenl 

,  ,0<ï  ne.$î|ij;,  en  v4rité>  qfte  .pftnçpr  4q  ç^r  g^^f»)viv# 
qui  étaieot  c^peupdanj^  4^.fay,açi»  dpj^roi,  (pi^jpn)!^ 
y^ approuver,  «^ns!i;ft^tric^«)ij,w<G»fi^^  wpe  PApitji4i^ 

Bpi^4es,c?f:actèrsfslfl(9.l'aigi-^uri,^t4e,|^,wn»|Wi,'W 
mpyen  de  iaqueUi^  Ciejàt'.  d^ft^ ,  Jp»  .b^W .  ^vm^^  ,4^ 

i»j^çndre  ,«;V.autpri^é„  f^,^,çxpj;lsef;  ffpfifffç ,^^13^, 
lisent,  reiix.  4,qn^,lç,.r,oi;fie,Ii'rançp^çs  9XfÂVWP#4^f 
pv  gràe«  >.|jj»r  réqonupeftse^.  j»^,  ^e>y  ,fl^;||i^;fiïlJJf  i^^ 
qHJ,ipaposeaH  rqi  v jctçfiej^x,  dq^^t  U  cql^.^  pf^t jnsfcr 
mft^P  ê^rç,/e4ptf^fi^,^.fi>f;ifïft,d30s  d^cpifi^a  ^.djÇKffi 

eî,i¥i  défend  dly,  jqi{fiç^,fij,^^iq^  IfflUBftn  nit.t*}W 
j«ftP9|tSi;  qui  il»'».Pffi?ffnVlJe„i;esï>^feF.,fpHS  .}^  pi^^ijf 

!48«V  ';»pni?S»4çWW*;  4^,1».  viJtel  W?¥  îlÇfirf)i?l».f  «Bftr 
roi  de  ^établir  sçn  piulemeif  t ,  d[enlf  ver,  a|ic!uiiiç,,i)rine 


156  LIVHE  TROISIÈME, 

à  ceux  qui  en  ont  abusé ,  de  toucher  aux  piiVil^^ 
ecclésiastiques,  et  qui  restreint,  en  un  mot,  fautotM 
royale  dans  les  deux  comtés,  contn^e  si  leur  pô^pfth 
lation ,  se  donnant  volontairement  au  roi  de  Prttneè; 
disait  ses  réserves  dans  le  traité  par  lequel  eUeeifl^ 
sentirait  à  Télire  pour  ison  souverain.  Tout  estextM* 
ordinaire  dans  le  règne  de  Louis  XI ,  mais  cette  ^ca- 
pitulation n*est  pas  Tacte  qui  le  soit  le  moins,  htê 
généraux  qui  signèrent  ce  modèle  de  plaidoyer  pcfat 
la  défense  d*intérèts  personnels,  et  qui  s*obligèrèM; 
par  un  cartel  particulier,  à  le  faire  accepter  pài^  le  toi, 
80uspeined*ètre  réputés  infâmes  \  n*avaient-il8  audàllé 
connaissance  de  ce  qui  se  passait  dans  la  place,  ettôtl^ 
laient-ikfobtenirà  tous  prix  ?  Étaicnt-ce  des  misérablëi 
qui,  jugeant  leur  maître  encore  plus  mal  qu*il  ne  dè^ 
vait  Tètre ,  ne  se  faisaient  aucun  scrupule  de  promettriè 
ce  qu'ils  étaient  persuadés  qu*il  ne  tiendrait  pas ,  quoi- 
qu'ils en  jurassent  laccomplisscmcnt  en  son  nom  et 
de  la  manière  la  plus  solennelle,  les  satellites -d'im 
tyran,  et  c'est  \h  le  nom  que  l'histoire  contemporaine 
donne  &  Louis  XI,  étant  ordinairement  des  gensdigiles 
de  lui  ;  ou  bien  étaient-ré  des  soldats  braves  et  plèmi 
d'honneur,  connaissant  leur  nmatre  sous  d'autres  cou- 
leurs que  celles  dont  on  i'a  noirci,  et  cherchant» 
par  humanité ,  à  enchahier  son  premier  mouvement, 
h  leurs  propres  risques  ?  De  tels  sentiments  annonce- 
raient une  bien  grande  vertu.  Les  épithètes  Je  traître 

■  Tciyét  ce  cartel  k  U  %utiti  dt  U  capitulatîoii.  Prru^f^,  n*X. 


CHAPITRE   SIXIÈME.  W 

que  Louis  prodiguera  l)ientôt  à  Duffbu,  s6ti  cbUtr^x 
k  la  nouvelle  d'un  traité  qui  lui  liait  les  bras,  nous 
font  d'autant  plus  volontiers  incliner  vers  t-e  dertiîer 
sentnment,  que  nous  ne  tarderons  pas  à  voir  un  afutre 
des  favoris  de  Louis,  le  sire  BoflBle-de-Jtige,  refuèér  à 
Son  tour  de  servir  les  vengeances  de  ce  prince.       '  ' 

Quoi  qu^  en  soit  dés  itiotifs  qui  RttM  accepter  éW 
conditions  de  la  capitulaticfn ,  les  assiégés,  jfKmr  en  as- 
surei^  le  mieux  qu'ils  poiirraietit  l'exé(^tibn ,  ét^èrent, 
par  le  dernier  artide,  <(  que  les  lieutenants  èf  bâpitaihes 

• 

«généraux  jurassent  dès  ce  moment,  et  le  r6i  de 
«France  dans  le  terme  dé  deu^'tnois',  pàf  iiidtre  Sei- 
«gneur  Dieu  et  psir  la  dâftinàtton  éternelle  de  leurs 
«  âmes ,  sans  pouvoir  en  obtèmr  janlais^  labsolutioil  ;  y 
«  renonçant  expressémetit  et  donnant  leurs  ftmeséi  toWs 
«les  démons,  s'ils  n'observaient  pel9  les  attiélett  de  la 
«capitulation; ))'ajotttàm,  pdur  plus  de  prévoyance; 
que  s'il  y  manquait  quelques  mots ,  '  3s  devràieM  elfe 
interprétés  en  faveur  des  habitants;  iét 'que  ^  eux, 
lieutenants ,  ou  le  roi  ne  reniplissaient  pas  ponctuelle- 
ment toutes  léiirs'pit>messês.  Ils  pomraient  être-  dé- 
clarés, par  le  premier  vefm,éteommoniés,  damnés 
etpaijures.  ' 

'En  traitant  delà  reddition  deia'^lâce^  letf  <dbefs  des 
assiégés  avaient  fixé  au  troisième  jour  après  celui  de 
la  siimature  de  la  câpitidation ,  rouverture  dés  portes 

.*^  .■•«■II''  .    •         mu.  -Il    •  il      ..  ,fH'ir.Ii 

de  la  ville  aux  Français,  si  dans  l'inteurvi^e  lexpi  d'A- 
ragon n  envoyait  pas  à  leur  secours  un  corps  de  troupes 


139  UVAË  TAOlâlEME. 

9^iI^alU  pour  forcer  k  biociu,  et  contraûpidr^.  Jk  psunp 
iVaufais  i^  s  éloigner.  €e  troisièmf  jour  ôtffnt  v«nujQl 
aucunes  forces  aragdniiaise^iie^!  a  étauA  naopiré^s^tUïl 
(Hituts-ipvis  de  la  place  iureni  abais^ft.  :  les  FnfftçM» 
roi)tr,èrefi.t  dans  PerpignUu,  prétçdéft  jp^r  taureffi-dn^ 
Villanova»  Tua  de^  coufiuls^.par  Xluaou^.d^rVîitwf 
oyt  Viviers,  daropiseau,  0t.'par).<j0orgis  .Fiiny^if  Uw- 
g^pis,  George  Ciurar»»'doy«n.deii  iiouijresv:0()fi*n#T 
rpis Estèvç,  dQyen des.Uftleurs,  tous. six,, otages i^fH* 
p^  les  Fraiirfus«  le  jour  4e<la  sigilature  de  bi'capitM: 

lotion.*    .      ;•,     .  ■  ;  «li    CI      }  !•  •■  1  -1  .'1  .  j  •. 

-  ,JLa  p^rspejCtiye  d*iui  limité  qui  arrêterait  tou^#ii^ 
vpiigeaticefi,  au  moment  de  lès  elejK:erj  ne  pouvait  que 
^ulever  rind^nation  de  Louis.  Aussitôt  quîleut,C!^(|u 
4^  p^s  générant  :1a  c4Mttiais6anee  d^  bayas  wTilaaT 
qiiellesjl^  allaient  traiter  avec  lés  assilégés,  il  s^mpofila 
ri^ntre eui  en  jujurks^iet,  pow mnpêdier ia eoflaw^T 
mation  d*un  acCe  si  contraife  à  sbs  inientioiNit  qui 
étaient  d  atTaiMir  Perpignan  de  luanièroA  ce  qoé^ç^lpt 
ville  fut  dansTiiupossibilité  de  se  tévolter  yne.aeeondk 
fois,  il  fit  partir  sur«le-ebamp,.Iniberlide  Qatarna^ii 
sire  du  lk)Uchage»  celui  de  ses  confidents  en^fiiiii 
avait  le  plus  de  confiance,  avec  les  ordres  sui^tfttU  ^  • 
u  Instruction  À  M.  du  lk)urhage  de  oequ  il  a  à  j$ire 

'  Au  nombre  de9  pf  rsonnrs  (|iii  quittèrrnt  I*rr|Mga4in  uvrH  la  rapir 
tulaiion,  /iiriia  noinnii*  un  Blaiiclia*  sans  ilouU*  rrlui  qui,  èuA  pre- 
ntwr  nmtuf',  avàlCtfiftlrt  \f%  [toiriti  ilt  la  ville  au  roi  d^Vragôn/  XdrilS'. 


de  par  le  rQ^  4  l^\<c]^i^iilQ  v^oge  «pi'iL  faîi^é»e»te^ 
ment  en  Roussillon.       .•'•..    1     r.  ,    r>  i  :»  •    l'i-  • 
;,,«£t  prei|iièr.çn>fi|ty)èri  jeiiY^rra  le,plMsfaiHtiyemenl 
qu!il  .po^n^  (n^^ssirQ^  .y;¥OQHDu|£pu  et  M.  Àti  Lti4^v  .1  «  :  1 
,    «1^.  Sr,,9oyfiB}^/i1*A$t  d^is^fl^,  patomemant^riëil 

ianxari^i,i(9tiftU^t  desaiensfi-^rt-wjfi^fi'^M* ,  i^iii  •  ♦  ** 
«  3 .  De  retenir  tous  les  gens  .d'^irpc»  *  liA  |(|ttancl  des 
4^$s\ii4Hs  ^c0i^:  parU$,.  fiei  gn^nep  ltou»>lks.  lieute- 
nants des  dessusdits,  et]^*il  |yé!{ieutiga§ner>ieSlli0a»' 
t^rMlntR,yqu;>J,^|^e  l,ésgwflî4îar*Hfli  i  /  M)  i  -•:  ( 
....«ti./Qeic^a^Qr:  t0litdf)<ge^4fehms(idei(lft  v^ède 
P|3jrpigoen ,  que ifietiViagii^e^ ten^ oîimit^lQS'iinailresij et 
i^j^lewlstibsera  Uo^^^Q piè^ji}^  harodU)  u!>  i^fric;: 

p^ipière  ciiQfiiQiqw^i^P^tlaire^'ffe^td^Misà'des  poiii 

a  6.  De  faire  une  citadèile'.  >i    .m/j!»  tii  j;"  )i/  '-»l!  * 

général;  aussi  s* il  n'en  est  pas,  y  mettre  le   Pou- 
Ittfllei*.'.'  '  ■•'•■'"■••"''■'  •'    •••''•       J-'"'  '■•  *ti*i/   •'.•,■.•  iM  •' »  ' 

(c8.  Abattre  ..toutes  ïèsTortéi^eMes*  .résèr^^  Pèir- 

et  Laraquk;.Lë  PcmlaiUer  tienAti(fiËrdne9et'Go^[rik 
Faùcàult-de^Rinhévàï  HëftdWLïiï^Qque. "et  celUi  oue 

duoteau  de  'Perp^eny  'Ct  -Regnatilt'-diaxCheMnn^'v' 

Sâticei^liôfeâté:  '  ■'■  ■"  '•'■"  "■  '  '•'•'■.  ■'■  "i'  ;•"'  :  ''• ,."  "''**'"  ''■■  ' 

((  9 .  Mettra  tous  lep  i^pçil^s,  qui,  «e,  jSOflt  arçQe^  cQQtre 


140  LIVRE  TROISIÈME. 

leroy  dehors;  et  donnera 'leun  héritages,  qudcpe 
appointement  qui  ait  été  fait.  ' 

tf  10.  Donnera  les  terres  desdits  nobles  au- Pou- 
lailler, à  Boffile,  à  son  Ueutehaiit,  k  Regnaullndu- 
Chesnay  et  k  tous  les  autres  qu*fl  verra  qu^Hs  seront 
bien  aigres ,  pour  garder  que  les  gentilshommes  né  té^ 
tournent  plus  au  pays. 

«r  1 1 .  Leur  donnera  tous  les  censàis  de  ceuk  '  qlii 
seront  dessous  le  roi  d* Aragon. 

«  1  a .  Fera  venir  b  femme  de  Philippe  Aubeit  et 
sa  fifle,  pour  pourchasser  sa  délivrance,  et  si  le 'Pou- 
lailler la  veut  avoir  en  mariage  il  1  aura,  sinon,  Ré^ 
gnault'du-Chesnay  Taura.  Et  s*il  avait  été  proittis  par 
ledit  appointement  de  rendre  ledit  Philippe  Aubert, 
dira  k  sa  femme  que  le  roy  se  vent  assurer  de  son  mari 
et  d'elle,  et  que  pour  cette  cause  il  faut  qu'elle  et- ta 
fille  viennent  devers  le  roy  *. 

«  1 3.  Defaira  tous  les  officiers  de  k  ville,'  réservé 


'  Ce  Philippe  Aubert  était  un  Catalan  ou  Roussillonnais  qoi^  à 
ion  4f  la  gjranUe  influence  ([u*il  exerçait  sur  let  compatriolai,  avait  été 
attiré  à  Paris  par  Louis  Xf.  C^  prince ,  en  lui  conf<^rant  une  charge  da 
conseiller,  Tavait  aimi  forcé  àe  lui  prMer  serment  de  fidélité.  AufcsH 
ayant  voulu  ratovmer  en  Catalogne,  Lo«b  t^eaKUsait  de  lui  nmdn  M 
liberté  sur  ce  que,  recevant  de  lui  sa  pension  ordinaire,  il  était  de  ti 
maison  et  ne  devait  pas  la  quitter.  Ce  prince ,  qui  redoutait  la  présence 
de  ce  personnage  en  Catalogne,  alléguait  en  outre  qu'ayant  reçu  de  loi 
le  semant  auquel  étaient  tenas  tons  cens  de  son  conseil ,  il  M  l*avMt 
(tas  moins  trahi ,  puisqu'il  avait  (ait  tout  ce  qu*ii  avait  pu  pour  la  des» 
servir,  et  qu*il  n  avait  pas  dû  étrr  compris  dans  la  capitulation.  Il  est 
patlé  de  lui  dans  Tartirle  s  i .  Vnyei  cette  pièce. 


% 


CHAPITRE  SIXIÈHB.  141 

un  lieutenant  pour  la  justice;,  et  ôtera  tout  té  pouvoir 
à  ceux  de  ia^  ville,  eç -clefs,  et  touty  et  sauront  plu» 
nuls  offices. 

il  1 4*  Pour  les  réparations  de  la  ville,  commettra 
un  clerc  des  pays  du  roy,  qui  prencbra  ce  qu  il  pourra 
en  la  ville  pour  ce  faire,  et  ce  quil  ne  pourra,  le  .tré- 
sorier le  fournira. . 

«  1 5.  Contestera  le  comte  et  le  châtelain  (  les  deuil 
ambassadeurs  aragonnais  )-  sîila  sont  encore  là ,  et  les 
laissera  ^er  quieuid  ils  voudront,  et  essayera  d  avoir, 
quelque  trêve  afin  de  mettre  la  viUe  en  sAreté  pour  le 
roy  devant  que  là  guerre  y  vienne,  et  la  pius  longue 
qu*il  pourra,  afin  que  les  guerres  fussent  terminées^ 
avant  que  Tautre  coaunençât.  li -:  .    « 

n  i6.  En  cas  que  ledit  comte  et  châtelain  fiisâeoÉ 
partie,  envoyer  :Guyot  et  Chesnay  devers  léuxy  pour 
prendre  une  ttève  la  plus  longue  qu*â  pourra, .  et  sen^- 
tira  d*eux  s*ils  ont  volonté  de  tenir  au  roy  ce  qu*ila  ont 
promis  et  tenu;  bailler  toutes  les  béllâs  paroles  qu*on 
pourra. .     . 

«  17.  Dira  à  M.  tfAlbi,  en  l'entretenant,  qu'il 
prenne  hardiment  toutes  les  bonnes  églises  qui  y  va- 
queront, et.  puis^  qu'il  eti  avertisse  le  )roy,  lequel  y 
tiendra  la  main  pour  lui,  envers  et  contre  tous.  ',; 

«  1 8.  Pourvoira  à  tous  les  bénéfices  du  Roussillon, 
et  peuplera  les  monastères  de  Françaiis. 

«  1 9.  Mettra  tous  les  officiers  nouveaux  pour  gou- 
verner Vévèché,  tant  au  temporel  qu'au  spirituel. 


142  IJVBE  TROISIÊM*;. 

tt  lo.  Bailiera'  le  gotfvemMien'i  de  toil*'  lesf'béhé-* 
fic^,  tant  au  tèmpcirel  Yfii*an  s]p]'ritii'el,  et  en  f>6nM*a 
\o  mandrmcnt  paient  audit  d'Albi.  •  '  ' 

«  »  I  :  Dira  k  M.  d'Albi  qu'il  prenne r^(^hé'd*Eâillnes 
enitomniande,  et  bH'j  a  quél(i[itf«  liiAutai^'béfl^fidé' 
par  deçà'/ ifd'il  le  plromette,"  etptiis'qu^  tfen  tienne* 
rien,  et  quil  en  laisse  faire  le  roy,  lequel-  yrèiWédléWr 
bien^  ■  "  ••'-'■■       '   •■•••  ' 

'  icîa.  Si  la- trêve  n'était  faite,  et  qù'ily'falhltlMi!!' 
cents  laiir^esr,  il  y  làisseraVetit  deBoflîlë,  à^  ijoiittAûni 
et  do  M.  du  Lude;  êt^'il  y  fallait  quatre  cents  ItmcM;* 
H  y  laissera  mit -du  gouv^metir  de  Roûstnllônret  W 
renverra  Jean  ChAnu.'"'  '"    : 

«  2  3.  S'il  peut,  à  cette  heure,  repeupler  la  rîMe  è 
neuf,  il  le  fera;  et  aussi  a' il  ne  peut;  iien  teiasera'  la 
chaire  A  M.  d'Albi,  et  en  prendra  l>6bli^tiôn  de  hii  d« 
le  faii^o,  et  apportera  au  roy  son  obligation,  aign^  de 
samâin*  -! 

'    (I n l\,  Paira  bailler  les  dix  mille  ^cua  an  comtt»  M 
aurhâtelain,  et  prendra,  s'il  peut,  la  trêve  ave**'Wit. 

«  Pour  Puyssaitlan  : 

«  1  .Huet  d'  \niboi8e  aimi  le  gouvernement  de  Puys- 
sardan>  

>  Cet  é^éclié  l'tait  oi*cupA  par  Cbarlet  de  ^i•illt-Gc'laift,  d*origiatt 
rran< aise ,  qui  m>  liéniit ,  pI  reçut  ialilMiye  Je  Sa lut-Léouard-de-Fer^ 
ri^rrA.  I^uîs  le  fit  remplacer  par  Charles  de  Martiguy,  qui  fut  ton  am- 
baiMdeuf«ffi  ^ngletiiTsra  1A78. 


CH'APaTRC   SIXFÈMl:.  1«5 

«  3<  Après  <(ue  ledit  Hiiet  aura  eu  ledit  gdùvernè- 
ment,  M.  d'Albi*  lui  fera  promettre  qu'iimettm  hbta 
toute  la  bantle  çontra^ç  de  |Vlereadif r  et  dç,  fpn  neveu 
et  à  toute  cette  bande. 

'«3.  Diira'à  ihbndif  ' sieur  d'Albi  qu'il' essaye j"  par 
toAte^  leH  feçôriS  ijùTi  poorrtiV  d*àVoir'Lyvié'  (la  vîHe 
dé  Livia  )  (^èf  tient  itiës«iré  Caillât,  soft  pat*  promèsi^ 
êtnt^ailùn  iteXte th'ùier et i'p^ëi  qu'il  l'alita;  tpfil  1^ 
baffle  â  son  ffère  HuetTet  kptèi  ^èiedit'IftîetraûrÀ'J 
qtt'iltietine  dè^<pt<«in'è^âes  ce  (^u'H  vëh^'^eire  à  faire; 
G«p<l0dh  dmiiVi'ïtmqiie  pt-otuiessé  qu'il  àit'^âitë  aii 
fdy,  iU'a  toujOdW'tWlii  et  trbihjié.  ">  '»  '"  '  '  ' 

■  «a.  Que  ledit' ^filët' thiifë  bièii'Mei^dier' ef  si 
bande.  '     '"' 

i  6.  Qti^  s'ayd4  ^è  'Machicoi  et  dé  -itën  gens,  jus- 

iH  s<^A  pôuita  pastièi*.  qd'îl  TeAVoUè  dévéH'le'W,"à 
^fl  prenne  M  dé' M»  gèris'dù  d'àlitrés;  tatôti  ^'fl'^ 
ittedra  pbâï'  ledit  pays,  et  «^é'ié'rbjr  ieis  fôtiJ  payent  'et 
quHl'  ne  «ouffire  bdttitné  éH"Puyi>sàraàri'4ù*irV<è%'h 
nUAbékit  à  •hit'  6t  ififilAe  së'goUvéV^ë*|Jâ^  lui,  cki-'lè 
roy  tr«M  qu'il' MtJt  ««iil'cft^^'H^riè'  tfé  ^Mrt^èrhéûr  ^dh 
pays,  car  lewy-ii'à'flàncé'éti'àtilH!;'-'''''-'''  '  "•''  •■'''■''■ 
-<*6'.  Em^  i«ti'6S"èkbise^,'^edrit{b<eM  qitë'fc  pi^s 
sera'  en  «ùreié  'p0iir! le*  tbjî  et  ^tiè')e  (âsM^'eh 
seiia  hopa>,  s'en  revenirà  tdâtéida^ênee'éty'lais'ile^ 

1.  '.Il-,     ■•   »l    ■>"l\l>-        ••    I  ;.  .        :      '■'      '    I    '•>•>••     ."        >■  f-    .'t 

'  Louis  d  Amboise ,  évèque  d'Albi ,  différent  de  Jouffiroy,  cardinal 
t,.|l^         1  .j      il       •  :<•■  il'  '    ;  '11.    '•!  I  il      Ml    l">       î    !•     lu        ■  •! 


178  LIVRE  TROISIÈME, 

sation  de  rempire  imaginaire  qu*it  sVtait  forg^.  Il  ré- 
solut donc  de  ronimenrer  par  re  royaume  rexécution 
de  SOS  gigantesques  projets.  Charles,  en  pensant  à 
rOrient,  oubliait  quil  ^tait  entouré  d'ennemis  inté- 
ressés à  le  contrarier.  Il  crut  |x>urvoir  à  tout  en  s*ar- 
rommodant  avec  le  roi  d*Espagne,  et  c*cst  pour  s  aban- 
donner librement  à  ces  séduisantes  illusions ,  qu*î)  se 
montra  si  facile  sur  iabandon  du  Roussillon  h  TEspagne. 
■  i9a  Les  innombrables  pratiques  superstitieuses  aux- 

quelles se  livrait  Louis  XI ,  en  réagissant  sur  le  faible 
cerveau  de  son  fils,  avaient  rendu  ce  jeune  prince  tr^!«* 
accessible  h  toutes  les  impressions  d*une  dévotion 
minutieuse  :  c*e.st  par  ce  faible  trop  bien  connu  que 
le  catholique  roi  Ferdinand  lattaqua.  Le  moine  Jean 
de  Mauleon,  que  ce  prince  avait  envoyé  k  Charles, 
avait  déjc^  préparé  les  voies  de  la  renonciation  de  la 
France  au  Roussillon,  quand  des  plénipotentiaires 
furent  nommés  par  les  deux  puissances,  pour  la  con- 
clure. Ceux  de  France  furent  Louis  d*Amboise,  év^ie 
d*Albi,  Pierre  d'Absac ,  évéque  de  Lectoure  et  abbé 
delà  Grasse,  Jean  d*Anglade,  François  de  Cardono, 
maître  des  fmancesdc  France,  et  le  secrétaire  roval, 
Etienne  Petit;  ceux  d*Espagne  furent  Jean  de  Mauleon, 
Jean  d*Albion  et  le  secrétaire  roval,  Jean  Coloma.  Les 
commissaires  français  se  rendirent  d*abord  h  Fignièrrs, 
où  s  ouvrirent  les  conférences,  qui  furent  ensuite  trans- 
férées h  Narbonne.  Après  de  grands  débats  entre  ces 
pléni|>otentiaires,  il  fut  enfin  am>té  que  le  sieur  llamis. 


CHAPITRE   HUITIÈME.  179 

commandant  du  château  de  Perpignan,  et  Jean  d'Al- 
bion se  rendraient  à  Étampes  auprès  du  roi,  pour 
prendre  ses  derniers  ordres,  pendant  que  les  évèques 
d*Albi  et  de  Lectoure  attendraient  à  Perpignan  le  re* 
tour  de  ces  envoyés.  Le  secrétaire  Coloma,  au  lieu  de 
se  rendre  i  Perpignan  avec  les  commissaires  français, 
devait  aUer  prendre  sa  résidence  à  Geret. 

A  cette  époque,  Boi&le-^é-Juge,  qui  prenait  le  titre 
de  comte  de  Castres,  depuis  que  Louis  XI  lui  avait 
donné  ce  fief  provenant  de  la  confiscation  des  biens 
de  Jacques  d*Ârmaghac ,  perdit ,  par  suite  des  intrigues 
de  la  sœur  du  marquis  de  Mantoue,  la  vice-royauté  de 
Roufsillon,  qu'elle  fit  donner  &  son  mari ,  Gilbert,  comte 
de  Montpensier.  Ce  prince ,  dont  la  résidence  habi- 
tuelle était  à  Paris ,  abandonnait  la  direction  de  la  pro^ 
vioce  à  son  vice-gérant  Guillaume  de  Carmaing,  sei** 
gneur  de  Venez ,  qui  portait  le  titre  de  vicomte  de 
Rodés  par  son  mariage  avec  la  fille  unique  de  la  titU'^ 
laire  de  cette  vicomte.  La  crainte  de  perdre  dans  un 
changement  de  domination  les  terres  de  Ceret  et  de 
Millas,  qui  avaient  été  constituées  en  dot  à  sa  femme, 
portait  ce  seigneur,  qui  était  en  même  temps  gouv^^ 
neur  de  Perpignan ,  à  &ire  tous  ses  efforts  pour  em« 
pécher  la  restitution  des  comtés.  L'intérêt  privé  se 
colorant  u  du  prétexte  du  bien  général,  de  Venea 
s'étudiait  de  tous  ses  moyens  à  entraver  les  négocia- 
tions. Pour  avoir  k  la  tète  des  affaires  de  la  ville  des 
consuls  à  sa  dévotion ,  ce  gouverneur  empêcha  l'élcc- 

12. 


180  LIVRE  TROISIÈME, 

tion  des  nouveaux  magistrats  qu*on  devait  nommer  ia 
veille  de  la  saint-Jean,  suivant  lusagc,  et  il  en  installa 
d  autres  qu  il  avait  choisis  lui-même.  Les  plaintes  des 
habitants  étant  parvenues  au  roi ,  ce  prince  annula  les 
nominations  faites  par  de  Venex ,  et  les  commissaires 
plénipotentiaires  français  se  rendirent  de  Narbonne  k 
Perpignan  pour  prendre  connaissance  de  Taflhire ,  et 
faire  procéder  à  des  élections  régulières.  C'est  ici  sans 
doute  qu*il  faut  placer  ce  que  dit  Zurita ,  que  de  Ve- 
nez voulut  persuader  aux  commandants  du  château  et 
de  la  citadelle  que  les  évéques  d*Albi  et  de  Lectoure 
venaient  pour  livrer  la  ville  aux  Espagnols,  et  qu*il 
iàllait  s  y  opposer.  Les  élections  se  firent  suivant  l'u- 
sage, et,  le  6  septembre,  les  plénipotentiaires  les 
installèrent  à  Thôtel  de  ville.  Le  gouverneur  voulut 
sans  doute  y  mettre  empêchement,  puisque  nous 
trouvons  dans  Vaissette,  que  le  lendemain  y,  ces  com- 
missaires condamnèrent  de  Venez  à  une  amende  de 
cinquante  marcs  d*or .  Ce  gouverneur  ne  se  tint  pas  pour 
battu.  Huit  k  dix  jours  après,  de  nouvelles  élections 
devant  avoir  lieu  pour  les  autres  offices  municipaux , 
de  Venez,  à  la  tète  de  quelques  troupes  du  ban,  dont 
les  capitaines  étaient  tous  opposés  à  l*abandon  des 
comtés,  se  porta  à  Thôtel  de  ville,  empêcha  ces  élec- 
tions, expulsa  de  leurs  sièges  les  consuls  élus,  et 
instalb  à  leur  place  ceux  qu^il  avait  nommés  lui-même. 
Sur  cela,  les  commissaires  quittèrent  Perpignan,  it 
ils  chargèrent  de  rex<*rution  de  leur  sentence  un  juge 


CHAPITRE   HUITIÈME.  181 

de  Carcassonne.  Ce  juge,  accompagné  d'un  sieur  de 
la  Serpent,  entra  dans  Perpignan  le  a  8  du  même  mois,, 
muni  de  lettres-royaux  confirmant  Télection  des  con- 
suls populaires ,  et  faisant  commandement  aux  capi- 
taines de  leur  prêter  main-forte ,  sous  peine  de  la  vie 
et  de  leurs  biens.  Ces  subdélégués  installèrent  derechef 
les  consids  élus,  le  2  octobre ^  De  Venez,  forcé 
d*aller  rendre  compte  de  sa  conduite  au  roi ,  fut  pro- 
bablement absous  de  toute  condamnation,  puisqu'il 
retourna  à  son  poste,  où  il  continua  ses  oppositions.. 
Le  traité  négocié  par  les  commissaires  des  deux  na* 
tions  fut  conclu  à  la  fin  de  décembre;  traité  étrange» 
qui  enleva  à  la  France  les  deux  comtés  de  Roussillon 
et  de  Cerdagne,  et  par  lequel  un  vaste  territoire  fut 
échangé  contre  de  simples  et  insignifiantes  promesses*. 
Lesnégociateiu^s  français  crurent  avoir  assez  fait  pour 
la  politique,  en  proposant  par  manière  de  compliment, 
comme  dit  Tannaliste  d'Aragon  avec  beaucoup  de  sens, 
et  par  forme  de  justification  de  leur  conduite  devant 
les  grands  du  royaume,  opposés  à  la  restitution,  la 
condition ,  tout  à  fait  illusoire ,  que  le  roi  d'Espagne  et 
ses  successeurs  seraient  tenus,  quand  ils  en  seraient 
requis  par  les  rois  de  France ,  de  nommer  des  juges 
arbitres  non  suspects,  pour  examiner  la  question  de 
propriété  des  comtés ,  avec  obligation  de  s'en  tenir  à 
leur  décision  s'ils  déclaraient  que  ces  comtés  devaient 
revenir  à  la  France. 

»  Voyex  aux  Preuvet,  n*  XI. 


182  LIVRE   TKOISIÈME. 

Lue  clause  aussi  dérisoire  que  celle  dont  on 
pour  Ta  venir  toute  la  garantie  de  la  France  aor  la 
propriété  de  la  province  de  Roussillon  ;  cet  appel  dit  A 
la  bonne  foi  d*un  prince  tellement  connu  pour  n*enavoir 
point ,  qu*un  prince  d*ltalie  disait  que  pour  compter 
sur  les  serments  de  Ferdinand  il  voudrait  qu*il  jurât  par 
un  Dieu  en  qui  il  crût;  une  condition  aussi  abaurde 
que  celle  qui  soumettait  la  nomination  des  arbitres  A 
ceux  qui  étaient  intéressés  à  ne  pas  tenir  juste  la  ba- 
lance, à  Texclusion  totale  de  Tautre  partie  intéressée', 
condition  qui ,  en  définitive ,  ne  montrait  que  la  guerre 
pour  moyen  d*cxécution  y  n*aurait  arrêté  personne,  et 
moins  encore  Ferdinand  :  que  n aurait-il  pas  juré, 
quand  ce  n'était  que  des  serments  qu  on  exigeait  de 
lui! 

Ce  traité,  qui  portait  en  substance  qu*ii  y  aurait 
alliance  oflensive  et  défensive  entre  les  deux  nations; 
que  les  deux  comtés  seraient  rendus  à  TEspagne  sous 
la  condition  de  revenir  à  la  France  si  en  aucun  temps  la 
possession  était  reconnue  lui  en  apparteniru  pardesar- 
tt  bitr.  s  nommés  par  le  roi  d*Espagne^  »  que  Ferdinand 

'  Voyei  ce  traité  dans  les  Pièces  de  Godefiroy,  à  U  mite  de  IHîstoîre 
de  Charles  VI II. 

'  Voici  ce  singulier  article  :  •  Item  est  conventutn  et  concordatam 
tquod ,  licet  oos,  dictot  m  Franconm,  aimus  in  bona  paanMme  oaa- 
•  que  et  titulo  suifidenti  ad  tenendum  comitaïuni  Rosailîoaîs  el  Cerita- 
i  nise  —  pruniittimus  ipsis  |M»tcntissiniis  régi  rt  rt'giiue  llispanir ,  facere 
idari  possessionem  eoruin,quotiescanH|ue  i|>si  potriitisAimi  rei  rt  rr- 
«  gina  reiTriiit  et|iassavmiit  przsentesligairlronfederalionrs— provisu 


CHAPITRE   HUITIÈME.  183 

ne  pourrait  pas  marier  ses  filles  aux  princes  ennemis 
du  roi  de  France ,  ni  permettre  que  ceux  qui  devien- 
draient ses  gendres  se  déclarassent  contre  Charles  ; 
que  les  comtés  seraient  évacués  quinze  jours  après  la 
ratification»  ce  traité  fut  signé  par  le  roi  de  France,  le 
i8  janvier  i/igS,  etpar  le  roL  dEspagne,  le  19  du 
même  mois. 

Pour  toute  garantie  de  l'exécution  de  ce  qui  concerT  1493. 
nait  le  roi  d'Espagne ,  dans  ce  traité,,  on  n  exigeait 
qu'un  simple  serment  dci  Ferdinand  et  d'Isabelle, 
confirmé  par  les  villes  de  Saragosse  et  de  Barcelone, 
formalité  aussi  vaine  que  ridicule;  le  roi  de  France 
était  obligea  un  serment  pareil,  confirmé  aussi  par  les 
villes  de  Toulouse  et  de  Narbonne ,  pour  la  fidèle 
exécution  de  l'évacuation  de  la  province  :  ce  serment 
du  roi  de  France  devait  être  livré  avant  cette  évacua- 
tion, et  celui  du  roi  d'Espagne  devait  suivre  de  deux 
mois  b  prise  de  possession  des  comtés  ;  ainsi ,  en  sup- 
posant que  cette  formalité  singulière  du  serment  des 
villes  eût  été  bonne  à  quelque  chose,  ie roi  de  France 
se  trouvait  lié  par  sa  religion ,  avant  mêàae  de  savoir 

«qnod,  loties qootkft  n^t,  dicluft  m  fVviioomm ,  lisredetqae  et  taoéié- 
a  Bores  nostri,  voluerint  fàcere  videri  et  visiteri  jura  per  aos  priBAeniA  tp 
«  dictis  comitatibas,  tum  ratione  et  ex  causa  ingagiementî  et  impignora- 

•  tîonis  quam  aliaa,  qualitercumqne  sit,  nos  dicti  rex  et  régina  Hispa- 
«nîai,  liWffmkiiiqnii  et  suocessofee  nostri,  tenebimur  digère  et  sonefe 
«  arbitras  et  jiiinfii  neutres  pro  discutîendo  et  determinando  de  dietis 
■juribus,  et  tenebimur  nos,  rex  et  regina  Hispanis,  baBredesque  et  suc- 

•  cessores  nbstri ,  eligere  dictas  judices  et  de  illis  formis ,  intra  unum 
f  mcnsem ,  etc.  t  Art;  8' du  traité. 


184  LIVRE   TROISIÈME. 

si  le  roi  d'Espagne  se  croirait  encore  lié  par  la  sienne 
une  fois  qu  il  tiendrait  ce  qu'il  voulait  avoir,  et  c'est  ce 
qui  arriva  en  eflet.  Dans  toute  cette  affaire ,  Charles  se 
montrait  encore  plus  pressé  d'en  finir  que  le  roi  d'Es- 
pagne même;  on  eût  dit  que,  disant  une  excellente 
afiaire ,  il  avait  peur  que  son  adversaire,  se  ravisant,  ne 
revint  sur  le  marché.  Semblable  à  ces  enfants  d*iui 
père  avare ,  qui  sont  impatients  de  dissiper  la  fortune 
acquise  par  tant  de  privations,  qui  leur  est  enfin 
échue,  le  roi  de  France,  la  tête  pleine  de  chimères, 
hâtait  de  tous  ses  moyens  le  démembrement  d'une 
province  si  utile  à  la  sûreté  de  ses  frontières. 

Le  traité  était  signé;  mais  le  pariement  de  Paris, 
qui  avec  la  France  entière  accusait  de  prévarication 
les  plénipotentiaires  français ,  s'opposait  à  son  exécu- 
tion,  et  Gharies,  inquiet  de  cette  résistance,  n'osait 
pas  passer  outre.  Cet  incident  alarma  le  roi  d'Espagne , 
qui  avait  tout  lieu  de  craindre  que  le  roi  de  France 
n'ouvrit  enfin  les  yeux  sur  l'énorme  faute  qu'on  lui 
faisait  commettre.  Jusque-là  il  avait  flatté  les  il- 
lusions de  Charies  par  la  perspective  d'une  alliance 
qui  lui  permettrait  de  suivre  tranquillement  ses  fan- 
tastiques projets;  alors,  c'est  sa  conscience  qu'il  fit 
assiéger  :  il  corrompit,  dit-on,  deux  cordcliers,  Oli- 
vier Maillard,  prédicateur  du  roi,  et  Jean  de  Man- 
sicmc,  confesseur  de  la  duchesse  de  Bourbon.  Ces 
moines  obsédèrent  les  enfants  de  Louis  XI,  et  ceux- 
ci,  pour  cmjiecher  Tânie  de  leur  père  de  brûler  en 


CHAPITRE   HUITIÈME.  185 

purgatoire  \  se  raffermirent  dans  la  résolution  de 
rendre  les  deux  comtés.  En  vain  le  pariement  et  le 
consefl  voulurent-ils  encore  opposer  la  raison  d*état  à 
cet  inconcevable  abandon  d*unc  province  sans  rem- 
boursement ni  indemnité  ;  le  roi  agit  d'autorité ,  et  il 
fidhit  obéir. 

Tous  les  historiens  firançais,  de^  diverses  époques, 
prétendent  que  les  Perpignanais  s'étaient  si  bien  fa- 
çonnés au  régime  de  la  France ,  qu'ils  ne  virent  qu'avec 
le  plus  vif  chagrin  le  futur  retour  de  leur  pays  à  la 
couronne  d'Espagne,  et  que,  par  l'organe  de  leurs 
consuls,  ils  réclamèrent  contre  la  mesure  qui  allait  les 
fiûre  ainsi  changer  de  domination  :  c'est  encore  là  une 
erreur  d'amour-propre.  Les  consuls  de  cette  ville 
écrivirent,  il  est  vrai,  le  k  du  mois  de  juin,  à  la  du- 
chesse de  Bourbon ,  pour  lui  exprimer  le  dévouement 
des  habitants  de  Perpignan  au  roi  de  France  et  la  dé- 
solation qu'As  ressentaient  de  devoir  ^retourner  sous 
le  sceptre  d'Aragon;  mais  l'identité  de  pensées  et 
d'expressions  de  cette  lettre  avec  celles  de  la  lettre 
que  de  Venez  écrivit  le  même  jouf  à  cette  princesse 
prouve  suflisamment  que  ces  magistrats ,  appelés  ches 
ce  gouverneur,  ne  firent  que  signer  une  dépèche  pré- 
parée d'avance  ^.  A  qui  pourrait-on  persuader,  après 
ce  que  nous  avons  rapporté  plus  haut  des  violences 
de  ce  gouverneur  pour  empêcher  la  libre  élection  des 

'  Daniel,  Gamier,  etc. 

*  Voyes  ces  deox  lettres  aux  Preuves,  n*  XI. 


186  LIVRE   TROISIÈME, 

consuls,  que  ceux  qui  signèrent  cette  lettre  ei^pn- 
maient  les  vrais  sentiments  de  la  populaUon?  Si  le 
sage  Bofiiie  avait  exercé  encore  la  dignité  de  vicenroi, 
on  pourrait  croire  que  Fexpression  des  sentiments  ma- 
nifestés par  la  lettre,  sans  être  plus  vraie  au  fioad; 
était  au  moins  un  témoignage  d'afTection  accordé  pv 
ces  magistrats  au  chef  qui,  de  Taveu  même  de  Zuûtita, 
si  peu  indulgent  pour  les  Français,  avait  su  secooeî* 
lier  la  bienveillance  des  habitants;  mais  la  révocâtioD 
de  ce  gouverneur  général ,  et  la  dureté  de  son  suôces* 
seur^  avaient  excité  à  un  tel  point  le  mécontenlemeat 
des  Perpignanais,  qu*une  émeute  violente  avait  éclaté 
dans  la  ville  Tannée  précédente ,  et  que  pour  la  com*» 
primer  on  avait  dû  y  faire  descendre  du  château  en- 
quante  lauce^^  :  ces  faits  n'annoncent  pas  une  grande 
corres[K)ndancc  de  sentimeuts  entre  les  peuples  du 
Roussillon  et  les  Français.  Se  persuader  d*ailleuri  que 
ces  peuples  eussent  tout  à  fait  changé  leurs  affectkms 
en  moins  de  vingt  ans,  ce  serait  bien  mal  connaître 
les  hommes.  Quelques  individus  peuvent  bien  varia: 
dans  leur  opinion  en  moins  de  temps,  mais  une  popu- 
lation en  masse  ne  renonce  pas  aussi  facilement  à  •€§ 
idc'es  premières;  les  antipathies  nationales  ne  s*effii- 
cent  pas  avec  cette  promptitude;  et  qui  ne  sait  que 
lamotu*  que  nous  portons  à  la  nation  dont  notre  paya 
lait  partie,  nous  le  sentons  eiKore  plus  vivemepi 

'  Uoflîlo  rra  bien  quuto  ;  )  el  coiulr  (  dp  MoiitpmMirr  )  k»  tfsUvs 
iiiuy  a»|>cnuiii>utr  ZuriU ,  |>art  V ,  lib.  I ,  cap.  7.  *— '  ibidem. 


CHAPITRE   HUITIÈME.  187 

quaad  od  veut  nous  séparer  de  cette  même  nation  P 
Ceux  qui,  vingt  ans  auparavant,  avaient  coopéré  au 
soulèvement  en  faveur  du  roi  d'Aragon,  n'étaient  pas 
tous  morts;  leurs  enfants  avaient  vu  le  si^e,  et  souf- 
fert des  niaux  qu'il  avait  entraînés;  ils  connaissaient  les 
privilèges  de  gloire  dont  Juan  II  avait  récompensé  la 
valeur  de  leurs  pères,  et  devaient  désirer  d'en  jouir; 
pouvaientriU  donc  ne  pas  aspirer  à  reprendre  les  cou* 
leurs  d'Aragon?  Tout  concourait  à  leur. faire  partager 
Taversion  que  les  Catalans  portaient  aux  Français,  car 
le  souvenir  des  maux  passés ,  «ntretemu  par  une  haine 
nationale,  est  un  inextinguible  foyer  de  patriotisme. 
La  masst  des  Perpignanais  ne  partageait  donc  pas  les 
voeux  qu'exprimait  la  lettre  imposée  aux  consuls  :  aux 
preuves  que  nous  en  avons  déjà  il  va  s'âi  joindre  une 
plus  décisive  encore. 

Le  terme  assigné  pour  l'évacuation  dû  Roossillon 
était  expiré  depuis  longtemps ,  et  rien  n'annonçait,  de 
la  part  de  la  France^  la  volonté  fie  remplir  cet  enga- 
gement. Le  pariement  de  Paris  et  le  conseil  du  roi, 
toujours  opposés  à  cet  abandon,  faisaient  naître  sans 
cesse  des  obstacles , .  et  soutenaient  prohaMeitient  de 
Venez,  qui,  dans  le  poste  qu'il  occupait  è  Perpignan, 
continuait  à  susciter  des  inécidents  pour  £dre  neutre 
une  rupture.  Feignant  que  cette  rupture  avait  eor  lieu, 
il  réunit  un  jour  les  gens  de  guerre,  fait  entrer  trois 
cents  homined  dans  la  ville,  occupe  le  CastiUet,  et&it 
braquer  le  canon  du  château  contre  les  maisons,  pour 


188  LIVRE   TROISIÈME. 

contenir  les  habitants.  De  leur  coté,  ces 
réunissent  en  tumulte  et  en  armes ,  et  les  consuls  or- 
donnent  la  construction  de  fortifications  et  de  barri* 
cades,  principdement  autour  de  Thotel  de  ville.  Ces 
magistrats  établissent  aussi  des  postes  au  voisinage  du 
château,  pour  empêcher  le  pillage  de  certaines  bou- 
tiques de  marchands  menacées  par  les  soldats.  Les 
deux  partis,  sans  en  venir  à  un  engagement,  escar* 
mouchaient  entre  eux  comme  en  une  ^ce  cer- 
née par  Tennemi^  A  cette  époque  Tévèque  d*AIbi 
était  à  Thuir,  pour  terminer  l'œuvre  de  la  restitution. 
Les  Espagnols,  voyant  que  le  traité  ne  s*exéciitail 
pas ,  avaient  ourdi  une  conspiration  pour  enlever  Per- 
pignan ;  et  la  conduite  de  Tévèque  d*Albi  prouve  qa*fl 
la  favorisait  lui-même.  Le  chef  de  cette  conspiration 
était  Goloma ,  le  secrétaire  de  Ferdinand  et  Tun  des 
plénipotentiaires  espagnols.  Les  garnisons  des  ^ces 
étaient  un  mélange  de  Français ,  dltaliens  et  de  Cata- 
lans. Ces  compagnies,  qui  n'avaient  pas  reçu  leur 
solde  depuis  longtemps,  ne  cachaient  pas  leur  mé- 
contentement ,  et  ce  mécontentement  était  exploité  * 
dans  Perpignan ,  par  un  nommé  Sarriera ,  agent  de 
Coloma.  Ce  Sarriera  avait  gagné ,  entre  autres ,  un  ca- 
pitaine italien ,  nommé  Bernardin ,  cousin  de  Boffile, 
et  ami  intime  du  capitaine  qui  commandait  le  château  » 
en  labsence  de  Barras ,  son  gouverneur.  Soit  que  de 
Venez  eut  eu  vent  de  ce  complot,  soit  que  les  propos 

*  ZuriU. 


CHAPITRE   HUITIÈME.  189 

de  Bernardin  lui  eussent  rendu  suspect  ce  capitaine , 
il  l*avait  fait  sortir  de  la  yiUe  avec  sa  compagnie,  qui 
avait  été  cantonnée  dans  des  lieux  ouverts.  Bernardin, 
encore  plus  courroucé ,  s'était  entendu  alers  avec  les 
Àragonnais ,  pour  passer  de  leur  coté  en  cas  de  rupture, 
si  on  le  laissait  hors  de  la  place,  ou  pour  les  favoriser 
de  tous  ses  moyens,  si,  le  cas  échéant,  on  le  rappe- 
lait dans  Perpignan.  Un  de  ses  gens  d*armes  allait 
même  beaucoup  plus  loin.  Celui-ci,  nommé  Perrot- 
Planella,  proposait  à  Coloma  de  se  charger,  avec  vingt 
de  ses  camarades ,  ses  amis ,  d'exécuter  toute  entre- 
prise qu'on  voudrait  lui  confier,  se  faisant  fort  de  réus- 
sir. Le  succès,  suivant  lui,  serait  d'autant  moins  dou- 
teux, que,  les  compagnies  n'étant  pas  payées,  tous  les 
étrangers  sortiraient  de  la  ville,  que  les  habitants 
étaient  tous  pour  les  Àragonnais,  et  que  ce  qu'il  reste- 
rait de  Français  dans  la  place  serait  dans  l'impuissance 
d'opposer  aucune  résistance. 

Coloma  se  trouvait  à  Claira  iPrec  l'évèque  d*Âlbi 
quand  ces  ouvertures  lui  furent  faites  ;  il  les  accueillit 
avec  précaution ,  promit  de  grandes  récompenses  à 
qui  servirait  bien  le  roi  d'Aragon ,  et  engagea  Hanella 
k  s'emparer  de  la  porte  de  Canet ,  si  on  en  venait  à 
l'exécution.  Sarriera,  soutenu  par  les  gens  de  guerre 
qu'on  aurait  fait  venir  de  l'Âmpourdan ,  devait  se  tenir 
en  embuscade  ayec  quelques  chevaux,  prêt  à  entrer 
dans  la  ville  aussitôt  que  les  Perpignanais  se  seraient 
rendus  maîtres  du  château  et  de  la  citadelle,  ainsi  que 


VM)  LIVHE    TI\OISIKME. 

(le  la  pei*soniie  du  gouvemcar  et  do  i'nicaydo  :  leun 
chefs  étaient  Michel  d* Annendarès ,  AguUana  et  le 
commandeur  de  Saint- Antoine.  L*amiral  aragonnais, 
liernard-de-Villamarin ,  étant,  siu*  ces  entrefiiites, 
venu  mouiller  h  CoUioure  avec  trob  galères ,  le  com- 
plot lut  étendu  à  cette  ville ,  qui  devait  être  livrée  A 
cette  escadrille  dans  le  même  temps  que  Perpignan 
le  serait  à  Sarricra.  Il  fut  convenu  encore  qu'immé- 
diatement après  la  surprise  de  ces  deux  villes,  on 
inart'herdit  sur  Argelcs  et  sur  Elne,  avec  Tartiilerie 
des  galères,  afin  d'occuper  les  principales  places  du 
Roussillon  avant  que  les  Français  pussent  s'y  opposer. 
L  ciécution  de  ce  complot  avait  été  remise  au  mo- 
ment où  Ferdinand ,  qui  s  approchait  de  la  frontière 
avec  des  forces  considérables  pour  prendre  possession 
k  main  année  d'un  territoire  dont  un  traité  signé  li- 
brement, quelque  préjudiciable  qu'il  fût  i  la  France, 
larrendait  propriétaire  légitime,  serait  assez  près  pour 
assurer  la  conservation  des  places  enlevées  de  cette 
manière. 

Cette  conspiration,  très-bien  ourdie,  aurait  mis 
probablement  les  Espagnols  en  possession  des  deux 
comtés  quelque  temps  plus  tôt,  si  un  secret  confié  A 
tant  de  monde  avait  pu  être  gardé  rigoureusement; 
mais  quelques  indiscrétions  donnant  leveil  au  gou- 
verneur, il  demanda  au  roi  des  forrcs  pour  garder  les 
châteaux,  et  la  trame  fiit  déjouée  ^ 

*  ZanU«  tom.  V. 


CHAPITRE   HUITIÈME.  191 

Peu  de  jours  après  la  découverte  de  cette  conspira- 
tion, le  secrétaire  Coloma  Fut  sur  le  point  de  tomber 
lui-ineme  dans  un  guet-apens.  Cet  Espagnol,  quittant 
Glaira  pour  se  rendre  à  Figuières ,  traversait  le  Pertus , 
quand  il  &it  joint  par  le  commandant  du  château  de 
Bell^[ardef  qui  lui  dit  qu'étant  Breton,  et  ennemi  du 
roi  de  France,  il  voulait  passer  au  service. du  roi  d'A- 
ragon et  lui  livrer  sa  forteresse.  Coloma  et  lui  con- 
vinrent de  se  voir  secrètement  au  milieu  des  champè, 
en  compagnie  d  un  seul  écuyer.  Se  rendant  à  Pont- 
de-Molin  peu  de  temps  après,  le  Breton  dépêche  au 
secrétaire  un  messager,  pour  qu'il  vienne  le  joindre. 
Coloma  s'y  rend  en  effet,  et  le  Breton,  en  ayant  l'air 
de  lui  donner  des  nouvelles,  le  fait  cheminer  du  coté 
de  fat  Conquière.  Bientôt  une  hande  de  cavalia^s  ca* 
chés  derrière  qudques  arbres  vient  barrer  le  chemin 
derrière  l'Espagnol,  qui  est  contraint  de  prendre  la 
route  de  Belk^arde  :  heureusement  pour  lui  la  trahi- 
son avait  été  découverte.  Des  gens  qm  allaient  k  la 
Jonquière  ayant  aperçu  l'embuscade  avaient  donné 
l'alerte  daiis  ce  village  «  d'où  un  grand  nombre  de 
gens  armés^  &  pied  et.  à  cheval,  étaient  sortis  pour  se 
porter  à  Balle ,  entré  la  Jonquière  et  Bellegarde.  Foii*- 
dant  sur  les  Français  au  moment  où  ils  passaient  avee 
leur  proie,  ils  en  tuèrent  et  blessèrent  plusiein*s,:et, 
entre  ces  derniers,  l'auteur  de  cette  noire  perfidie.  Le 
résultat  de  cette  algarade  iîit  de  &ire  reprendre  les 
armes  à  tous  les  habitants  de  l'Ampourdan,  et  4e  faire 


192  LIVRE   TROISIÈME. 

jeter  des  garnisons  et  des  vivres  dans  toutes  les  places 
des  montagnes .  comme  si  la  guerre  allait  recommen- 
cer. La  conduite  de  ce  commandant  de  Bellegarde  était 
sans  doute  concertée  avec  de  Venez,  qui  cherchait  tou- 
jours à  provoquer  une  rupture  :  au  reste,  à  l'exception 
du  roi,  tout  ce  qu'il  y  avait  en  France  de  gens  prenant 
intérêt  aux  affaires  publiques,  la  désirait  autant  que  lui. 
Par  ses  lettres  du  7  juillet,  adressées  au  comte  de 
Montpensier,  qui  se  trouvait  en  Roussillon  k  cette 
époque,  Charles  VIII  avait  réitéré  Tordre,  déjà  donné 
auparavant,  mais  tenu  secret,  à  ce  qu'il  parait,  afin  de 
ne  pas  l'exécuter,  de  livrer  sans  plus  de  délais  les  deux 
comtés  aux  Espagnok  :  ces  ordres  eurent  le  même 
sort  que  les  premiers.  Bien  plus,  le  1 5  d'août  suivant, 
de  Venez,  soutenu  par  le  prince  et  secondé  par  les 
capitaines,  qui  tous  étaient  contre  l'évèque  d'Albi, 
qu'ils  qualifiaient  de  traître ,  voulut  s'emparer  de  la 
personne  de  ce  prélat;  mais  les  Perpignanais ,  dont 
celui-ci  servait  si  bien  les  voeux,  prirent  parti  pour 
lui,  et  on  en  vint  encore  une  fois  aux  mains.  Dans  œ 
nouveau  conflit  entre  la  population  et  les  gens  de 
guerre  de  France ,  tout  le  désavantage  étant  pour  ces 
derniers,  au  milieu  de  rues  étroites  et  tortueuses,  3a 
durent  se  retirer  k  la  citadelle  et  renoncer  k  leur  des- 
sein. Le  lendemain  les  habitants  en  armes  escortè- 
rent l'évèque  plénipotentiaire  au  grand  château  ',  où  il 
voulait  faire  sa  résidence.  Le  commandement  de  la 

*  I^  grand  châlMU  ^il  dififtifiit  df*  U  citAdrile;  voyei  U  nol^  Vf. 


CHAPITRE   HUITIEME.  193 

vQie  fut  alors  retiré  à  de  Venez,  et  donné  au  premier 
consul  ;  et  quant  aux  soldats  mutinés ,  Tévêque  les  fit 
rentrer  dans  le  devoir  en  leur  payant  leur  solde.  Enfin 
le  roi  qui,  comme  dit  Zurita,  ne  voulait  entendre 
parier  d'autre  chose  que  de  Texpédition  de  Naples , 
ayant  renouvelé  ses  ordres  de  la  manière  la  plus  im- 
pérative,  les  places  fiurent  remises  aux  Espagnols. 

Après  une  lutte  de  sept  mois  entre  le  roi  de  France , 
impatient  de  répudier  de  son  héritage  ce  qu*il  en  avait 
le  plus  coûté  à  son  père  à  acquérir  et  à  conserver,  et 
le  pariement  de  Paris ,  le  conseil ,  les  princes  et  d'au- 
tres grands  personnages,  animés,  les  uns  du  pur 
amour  du  bien  public,  les  autres  d'un  motif  moins 
noble,  mais  qui  se  dérobait  sous  le  masque  des  senti- 
ments patriotiques,  le  sacrifice  fut  consommé,  et  la 
province  de  Roussillon  fut  perdue  pour  la  France.  Le 
a  de  septembre  la  remise  des  fortifications  comïnença  1493. 
parle  castillet  de  Perpignan,  où  entra  Jean  d'Albion, 
avec  la  garnison  qui  devait  l'occuper.  Le  grand  château 
et  la  citadelle  furent  livrés  le  lendemain  à  Mossen- 
Ci^ar  et  au  capitaine  Lutier;  d'autres  officiers  parti- 
reift  ensuite  poiu*  être  mis  en  possession  des  autres 
places  de  la  province.  Quant  à  la  solennité  de  la  remise 
de  la  ville  de  Perpignan  et  des  deux  comtés,  elle  n'eut 
lieu  que  le  1  o,  entre  les  mains  de  Coloma,  qui  vint  de 
Flguières  pour  les  recevoir. 

Ferdinand  et  Isabelle ,  partis  de  Barcelone  le  6  de 
ce  mois  de  septembre ,  firent  leur  entrée  dans  Pér- 
it. i3 


194  LIVRE  TROISIÈME, 

pignan  le  i3  suivant,  vers  deux  heures  de  ¥i 
midi,  au  milieu  d*une  pluie  battante ^  L'un  et  Tautre 
renouvelèrenties  privilèges  des  habitants,  que  Louis  XI 
avait  dénaturés ,  prodiguèrent  les  récompenses  à  ceus 
qui  avaient  montré  le  plus  de  dévouement  à  leur  cauae, 
et  nommèrent  gouverneur  général  Louis  d*Oms,  fik 
de  ce  Bernard  qui  avait  eu  la  tête  tranchée  après  la 
prise  d'Elne  :  ils  retournèrent  à  Barcelone  le  9  octobre 
suivant. 

Ces  royaux  époux,  dont  le  r^^e  fut  signalé  par 
deux  événements  de  la  plus  haute  importance,  Tanéan- 
tissement  de  la  domination  arabe  en  Espagne  et  la 
découverte  du  nouveau  monde,  sont  arrivés  jtuqo*à 
nous  avec  une  renommée  tellement  resplendissante  de 
gloire ,  qu*il  semblerait  qu*à  l'exemple  des  historiena 
espagnols  on  ne  devrait  citer  leur  nom  qu'en  l'entou- 
rant du  plus  profond  respect  :  le  lecteur  sait  si  toutes 
les  vertus  dont  les  parent  à  l'envi  les  écrivains  de  relie 
nation  furent  en  effet  leur  partage. 

L'un  des  premiers  actes  de  Ferdinand,  après  la  prise 
de  possession  du  Roussillon,  fut  d'appliquer  à  cette 
province  Tédit  d'expulsion  des  Juifs,  prononcé  l'an- 

'  •  Christianistimus  Franatrom  r«x  Karolu»  de  Yaloft  reatitnit  boa 

•  comitatQS  Ross,  et  Cent,  inclyto  ac  iovictîssimo  AragODum  et  Ispaiiia' 
tregi  Ferdinando,  qui  uoa  cam  lerenisaima  regina  FJisabeIk,  fjos 

•  uiore,  inlranint  hanc  Perpiniiiiii  villam  io  \igilia  eialtationb  aaacl» 

•  crucis,  xiij  mensis  septimbrit;  et  eral  dies  veneris,  post  mendient, 
«hora  ferc  serunda,  imbribiis  copiotis  de  ccbIo  cadentibus.  •  Note  du 
registre  des  StalaCa  de  runiversilé  de  Ptrpigiian. 


CHAPITRE    HUITIÈME.  195 

née  précédente  contre  ceux  du  reste  de  l*Espagne. 
Nous  allons ,  dans  le  chapitre  suivant ,  examiner  rapi- 
dement quelle  fut  l'existence  civile  et  politique  de  cette 
classe  de  la  population  en  Roussillon. 


i3. 


196  LIVRE  TROISIEME. 


CHAPITRE  IX. 

Jui&.  —  Leur  établissement  à  Perpignan.  —  Leur  nombre.  *— 
Persécutions.  —  Leur  état  politique.  —  Leurs  usoret.  <— 
Leur  juridiction.  —  Leur  vanité.  —  Expulsion.  —  Spolia» 
tion. 

PtraiMBd  n.        Lçg  juifg    ^ette  classe  dliommes  si  émineininent 

'**  wIm  VIIL 

ii93.  industrieux  et  qui  se  vengeaient,  par  Topulence  qu*ils 
savaient  acquérir  aux  dépens  des  chrétiens ,  de  lliuini- 
liation  dans  laquelle  les  tenait  plongés  le  fanatisme  le 
plus  intolérant;  les  Juifs,  forcés  par  les  Romains  de 
quitter  leur  patrie ,  s  étaient  répandus  dans  le  monde 
entier;  TOccident  aussi  bien  que  TOrient  reçut  les  dé- 
bris dispersés  de  cette  population.  Les  Gaules  en  vi- 
rent arriver  une  bande  dès  le  v*  siècle,  et  Naribonne 
en  reçut  un  grand  nombre  dans  ses  murs.  Chassés  de 
Septimanie  par  Wamba,  ils  y  revinrent  sous  son  suc- 
cesseiu*,  et  s  y  maintinrent  ^  Perpignan  passait  k  peine 
sous  la  domination  aragonnaise,  que  déjà  une  de  leurs 
colonies  s'établissait  dans  cette  ville.  Soit  que  les 
comtes  de  Roussillon  n*eussent  pas  voulu  les  souflnr 
dans  leurs  états,  soit  que  Perpignan  fût  encore  trop 


*  Il  parait  qu  il  ft>n  était  établi  une  kande  du  càxé  de  Gain, 
qu'an  trèa-vieux  acte  parie  d*uD  quartier  de  ce  terroir  nommé  Stmefm 
MmrU  de  Imàticià.  (  Ank.  €€cln.  ) 


CHAPITRE   NEUVIÈME.  197 

peu  considérable  à  cette  époque  pour  les  attirer,  il  est 
certain  qu'en  1 1 7  3 ,  époque  du  voyage  du  célèbre 
Benjamin  de  Tudèle ,  il  ne  s'y  en  trouvait  encore  au- 
cun, puisque  ce  rabbin  fait  mention  de  ceux  de  Girone 
et  de  Narbonne ,  et  qu'il  ne  nonmie  même  pas  Perpi- 
gnan ,  où  cependant  il  a  dû  coucher.  Mais ,  dès  que  les 
rois  d'Aragon  devinrent  propriétaires  de  ce  comté ,  les 
Juifs  y  accoururent,  et  les  nouveaux  souverains  en- 
couragèrent leur  établissement  dans  Perpignan.  Le 
19  avril  \ili5  Jayme  le  Conquérant  leur  avait  déjà 
permis  d'y  acquérir  des  maisons  et  de  les  posséder  en 
franc  alleu,  les  exemptant  même  du  droit  de  foriscape 
ou  d'aliénation ,  s'ils  les  revendaient  à  d'autres  Juifs , 
mais  les  y  soumettant,  si  l'acquéreur  était  chrétien. 
Cette  disposition  fut  annulée  cinq  ans  après  par  la 
reine  Yolande ,  épouse  de  ce  monarque  et  lieutenante 
générale  du  royaume.  Alphonse  II  n'avait  consenti  à 
laisser  la  ville  primitive  de  Perpignan  au  lieu  où  elle 
était  bâtie ,  qu'à  condition  qu'on  peuplerait  la  colline 
du  Puy  de  Saint- Jacques ,  qui  la  dominait;  mais  les 
maisons  qu'on  avait  construites  sur  cette  hauteur  res- 
taient sans  valeur,  et  leurs  possesseurs  n'en  pouvaient 
tirer  parti,  faute  d'habitants.  Sur  leur  réclamation, 
Yolande,  par  une  pragmatique  donnée  à  Collioure ,  le 
16  des  calendes  d'avril  1260,  assigna  aux  Juifr  de 
Perpignan  une  résidence  forcée  sur  cette  colline ,  qui 
ne  faisait  point  encore  partie  intégrante  de  la  ville,  et, 
enleur  enjoignantd'y  transporterleur  domicile,  elle  leur 


198  LIVRE  TROISIÈME. 

accorda  jusqu'au  a  5  décembre  suivant,  pour  opérer 
ce  changement  de  résidence  ;  passé  ce  terme ,  tiMil 
Juif  qui  ny  serait  point  encore  établi  devait  payer  une 
amende  de  cinquante  marobotins  alphonsins^  Le 
quartier  que  ces  Juifs  occupaient  au  Puy  SaintnJacqaes 
formait  une  rue  qu'on  trouve  désignée ,  dans  les  an- 
ciens actes  y  par  le  mot  caU^  corruption  du  latin  eaUh. 
Quant  à  leur  quartier  même,  il  portait  le  nom  anbe 
de  Aijaîma^. 

Les  Juifs  de  rÂijaîma  furent  d  abord  sous  Tadminis- 
tration  de  deux  syndics  et  d'un  scribe  de  leur  nation, 
approuvés  par  l'autorité.  Cétait  aux  syndics  que  celle- 
ci  s'adressait  pour  donner  des  ordres  à  la  population  ; 
plus  tard  ils  eurent  pour  chef  un  bailli.  Par  lettres 
patentes  du  1 6  avril  i  SgS  Juan  I  défendit  qu'aucune 
commission  de  bailli  des  Juifs  de  Perpignan ,  lïkt-cile 
même  royale ,  pût  être  admise  par  le  gouverneur  de 
Roussilion ,  si  les  consuls  de  la  ville  n'avaient  été  préa- 
lablement entendus ,  conformément  aux  privilèges  de 
la  commune. 

Le  scribe  des  Juifs  était  chargé  du  recouvrement  des 
contributions ,  et  du  payement  des  tributs  et  cens  im- 
posés à  la  peuplade.  Les  tributs  étaient  le  plus  sou- 
vent arbitraires ,  et  se  percevaient  au  nom  du  roi ,  en 
celui  de  l'autorité  locale,  et  en  celui  de  l'église.  Au 

*  Cette  pièce  a  été  trauicnte  en  entier  pu  KotM,  lUnt  lOQ  Iféaioirt 
pour  Tordre  des  avocit*,  paga  66. 

*  ^!^  Khaima,  tuguriuni ,  casa,  iabemaculum.  Lrxic.  Arpla^. 


200  LIVRE   TROISIÈME. 

preuve  ii*était  accordée  qu*au  premier.  Dans  les  cir- 
constances où  un  Juif  devait,  de  nécessité,  être  admis 
au  serment  contre  un  chrétien ,  les  usages  de  Barce- 
lone, en  vigueur  en  Roussillon  à  cet  égard,  prescri- 
vaient la  formule  de  ce  serment,  qui  contenait  dix 
pages  d'imprécations  contre  le  Juif,  s'il  faussait  la  vé- 
rité. Le  Juif  qui  laissait  passer  deux  ans  sans  rédamer 
une  dette,  ou  sans  en  faire  régler  Tintérêt  par  le  juge» 
ne  pouvait  exiger  plus  du  double  de  son  principal, 
quelque  temps  qui  se  fût  écoulé  depuis  Temprunt. 

En  1289  Alphonse  II  avait  défendu  qu'aucun 
pût  jamais  être  admis  à  tenir  lieu  de  viguier,  de 
ou  d'assesseur;  il  leur  fut  interdit  ensuite  d'exercer 
aucune  chaîne  ou  fonction  publique,  pas  même  celle 
de  bourreau  ^ 

Un  Juif  qui  tombait  en  adultère  avec  une  chré- 
tienne perdait  tous  ses  biens. 

Le  Juif  ne  pouvait  se  faire  musulman  ni  le  musul- 
man Juif,  sous  peine  de  mort. 

Les  rois  de  Majorque  portèrent  différents  r^e- 
ments  sur  la  police  de  rAljaima.  Par  son  ordonnance 
de  1  a 65  Jaymc  I  prescrit  à  tout  Juif  ou  Juive  qui  au- 
rait reçu  en  gage  un  objet  volé,  ou  seulement  engagé 
sans  la  participation  du  propriétaire ,  de  (aire  connaître 
l'emprunteur,  et,  s'il  ne  IcpouVait,  le  gage  était  rendu 
au  réclamant  sans  indemnité  pour  le  préteur.  Eln  1  a  79 
le  même  roi  défend  h  tout  Juif  ou  Juive  de  prendre  une 

'  Jacobi  GnoI.  «dv.  Joibros. 


CHAPITRE   NEUVIÈME.  201 

chrétienne  pour  nourrice  de  son  enfant,  pour  femme 
de  chambre  ou  pour  servante ,  et  à  toute  fenune  chré- 
tienne de  s'engager  à  eux  en  cette  qualité,  sous  peine 
de  deux  cents  sous  d'amende  contre  Tune  et  iautre  ;  et, 
8*ils  ne  peuvent  pas  pa^ er  cette  somme ,  ils  seront  fus- 
tigés par  toute  la  ville.  La  même  peipe  serait  encourue 
par  toute  fenmie  chrétienne  qui  entrerait  dans  une 
maison  juive  pour  y  rendre  quelque  service  que  ce 
fût,  même  le  plus  insignifiant. 

Le  17  des  calendes  de  septembre  laSo  Jayme  I 
fixa  rimpot  foncier  que  les  Juifs  de  Perpignan  auraient 
à  payer  à  perpétuité  :  cet  impôt  fut  réglé  k  douze  de- 
niers par  livre ,  sur  la  valeur  de  leurs  biens. 

Les  Juifs  ne  pouvaient  jouer  aux  dés  pendant  les 
fêtes  de  TÂncien  Testament ,  ni  aux  noces ,  ni  en  nulle 
autre  circonstance ,  s'ils  n'en  avaient  reçu  la  permission 
du  bailli  royal ,  qui  savait  la  leur  fidre  payer  :  dans 
aucun  cas  ils  ne  devaient  jouer  avec  des  chrétiens. 
Les ^uls jeux  de  dés  permis  à  cette  époque,  tant  aux 
Juifs  qu'aux  chrétiens,  étaient  celui  qu'on  appelait  en 
catalan  taules  maUeta  ou  taales  ferrando,  et  celui  du 
cabieboch  :  nous  ignorons  en  quoi  ils  consistaient  pré- 
cisément. Il  était  défendu  k  tout  chrétien  d*aller  vendre 
des  comestibles  dans  la  call,  sous  peine  de  deux  sous 
d'amende ,  tant  contre  le  vendeur  que  contre  l'ache- 
teur. Aucune  denrée  ne  pouvait  être  exposée  en  vente 
par  les  Juifs  dans  l'Âljaîma;  ils  devaient  se  pourvoir  de 
tout  au  niarché.  Telle  était  l'horreur  que  les  Juiis  exci- 


202  LIVRE   TROISIÈME, 

taient  parmi  les  chrétiens,  que  nul  n'aurait  voahi 
manger  ce  que  Tattouchement  de  leurs  doigta  kd  «li- 
rait semblé  souiller.  Un  règlement  du  bailli  royd  ée 
Perpignan ,  du  8  des  calendes  de  septembre  i  ^99*  dé- 
fendit aux  marchands  de  fruits  de  leur  pennetire  4e 
rien  toucher  dans  les  paniers  ;  comme  les  lépreux ,  les 
Juifs  devaient  indiquer  ce  qu*ils  voulaient  acheter,  aana 
y  porter  la  main. 

Dans  le  principe  les  Juifs  étaient  libres  dana  TAI- 
jaima;  plus  tard  ils  y  furent  enfermés  chaque  «oir* 
Le  8  des  calendes  de  mai  1 296  Jayme  I  défendit  I 
tout  propriétaire  de  maisons  de  la  call  d^ouvrir  an* 
cune  porte  de  ces  maisons  sur  les  rues  des  chrétiena , 
et  il  ordonna  de  tenir  fermées  celles  qui  existaient  déjà, 
afin  qu*on  ne  pût  pénétrer  dans  cette  call  que  par  la 
grande  porte  destinée  à  cet  usage.  A  la  même  épo^pe 
il  fut  défendu  à  tout  Juif  baptisé  de  conserver  auGime 
relation  avec  ses  anciens  co-religionnaires ,  de  lea  fré- 
quenter, et  même  de  leur  parier,  sous  peine  de  TUigt 
sous  d*amende,  ou ,  s*il  ne  pouvait  les  payer,  de  TUigt 
coups  de  fouet. 

Le  roi  Martin ,  dont  la  politique  était  bien  moitta 
étroite  et  la  religion  moins  superstitieuse  que  celle  dea 
autres  rois  d* Aragon,  regardait  la  population  juive 
romme  importante  à  conserver,  parce  qu'elle  se  rea- 
sentait  de  l'industrie  des  Arabes,  avec  lesquds  elle 
était  en  contact  par  plus  d'un  point;  mais  Faveugle 
fanatisme  des  moines  et  dea  prêtres ,  qui  poursuivait 


CHAPITRE    NEUVIÈME.  205 

relâche  cette  caste  réprouvée;  la  dévorante  cupi- 
dité des  officiers  royaux  qui  la  pressuraient  de  toute 
\sl  force  de  leur  avarice;  la  jalousie  des  artisans  et  des 
ouvriers  chrétiens,  qui,  moins  habiles  qu*eux,  ne  ces- 
saient de  crier  que  le  travail  donné  aux  Juifs  était  du 
pain  arraché  aux  chrétiens;  ces  causes  réunies  susci- 
taient tant  de  persécutions  à  ces  malheureux,  que  force 
leur  était  de  s  expatrier.  Déjà ,  à  f  avènement  de  Martin 
au  trône,  le  nombre  des  Juifs  de  Perpignan  était  singu- 
lièrement réduit.  Le  manque  de  travail  en  avait  con- 
traint plusieurs  à  contracter  des  dettes ,  et  leurs  créan- 
ciers les  poursuivaient  avec  une  rigueur  inouïe.  Pour 
arrêter  ces  vexations,  Martin,  par  ordonnance  du 
3  octobre  iSgS,  motivée  sur  ce  que  ula  plus  grande 
«misère  et  la  plus  grande  désolation  régnent  dans 
«TA^aîma,  â  cause  des  fréquentes  exécutions  faites  à 
«  rinstance  des  créanciers;  considérant  que  cette  cir- 
«  constance  force  plusieurs  Jmfs  à  abandonner  leur 
«domicile,  et  peut  les  porter  à  s'éloigner  tous;  vou- 
«lant  empêcher  que  cette  Âljaima  ne  périsse,  sans 
«  prétendre  toutefois  que  les  créanciers  perdent  leurs 
«  créances ,  »  ordonne  au  gouverneur  de  Roussiilon , 
sous  rénonne  peine  de  deux  mille  florins  d*or,  de  fiure 
surseoir  à  toute  poursuite,  jusqu'à  ce  qu'il  en  soit au^ 
trement  ordonné  par  lui. 

Sous  la  protection  du  monarque ,  les  Juifs,  par  Tac* 
tivité  de  leur  industrie,  eurent  bientôt  rétabli  leurs 
ai&ires ,  et  ils  ne  tardèrent  pas  à  redevenir  eux-mêmes, 


204  LIVRE  TROISIÈME. 

créanciers  des  chrétiens ,  contre  qui  ils  obtinrent  do 
roi  la  permission  d'exercer»  à  leur  tour,  des  pommdtiai 
jusqu'à  la  prise  de  corps.  Cette  &culté  accordée  soi 
ennemis  de  la  religion  chrétienne,  de  (aire  emprisonnor 
des  chrétiens,  révoltâtes  Perpignanais ;  leurs coosids 
réclamèrent  vivement,  et  Martin,  trop  en  avint  de 
son  siècle ,  dut  révoquer  une  mesure  qu'il  avait  priae 
un  peu  imprudemment  peut-être,  et  qui  Jailleiin 
était  en  opposition  avec  les  usages  de  la  vflle.  Cette 
révocation,  qui  est  du  29  mai  1&09,  fut  comme  le 
signal  de  nouvelles  persécutions  contre  les  Juifii  :  alors 
les  désertions  se  multiplièrent,  et  en  moins  d'un  demi- 
siècle  l'Aljaîma  fut  réduite  à  rien.  Une  ordonnance 
de  Pèdre  IV,  rendue  dans  les  corts  tenues  à  Perpignan 
en  1 35 1 ,  avait  défendu  aux  Juifs  de  cette  ville,  sonf 
peine  de  soixante  sous  d'amende ,  de  tailler  ni  vendre 
de  la  viande  dans  les  boucheries  des  chrétiens  «  et  il 
en  avait  été  établi  une  dans  la  cdU  ;  pendant  la  pcaies 
sion  du  Roussillon  par  Louis  XI,  le  vice-roi,  Boffle» 
de-Juge ,  fut  dans  la  nécessité  d'ordonner  aux  boucfaen 
chrétiens  de  leur  vendre  la  viande  nécessaire  à  leur 
consommation ,  parce  que  déjà  il  n'existait  plot  de 
quoi  entretenir  une  boucherie  dans  cette  même  ctH. 
Une  cape  ou  manteau  particuUer  distinguait  les 
Juifs  des  chrétiens ,  mais  ce  vêtement  n'était  pas  de 
toute  saison.  Pour  qu'ils  ne  puissent  cesser  un  seul 
instant  d'être  flétris  du  sceau  de  la  réprobation ,  le 
bailli  de  Perpignan  leur  enjoint,  le  6  des  calendes 


CHAPITRE  NEUVIÈME.  205 

d^avril  1 3 1 6 ,  de  coudre  sur  leur  robe  de  dessus ,  au 
noilieu  de  la  poitrine  et  de  la  manière  la  plus  apparente , 
\Mne  roue  de  toile  ou  de  soie ,  d'un  empan  de  circon- 
Cérence ,  et  d'une  couleur  bien  tranchée  avec  celle  de 
la  robe.  Tout  saion,  ou  appariteur,  qui  en  aurait  ren- 
contré un  sans  ce  signe  infamant,  était  tenu  de  lui  en- 
lever sa  robe,  pour  être  vendue,  le  tiers  du  prix  res- 
tant à  l'officier  de  police ,  les  deux  autres  tiers  devant 
appartenir  au  trésor  royal. 

Les  usures  énormes  des  Juifs  appelèrent  plusieurs 
fois  l'attention  du  gouvernement.  Les  premières  or- 
donnances dont  les  recueils  des  actes  publics  de  Rous- 
sillon  conservent  le  souvenir  datent  du  règne  de 
Jayme  le  Conquérant.  Â  cette  époque  l'intérêt  des 
sommes  prêtées  était  égal  à  la  moitié  du  principal.  Par 
son  ordonnance  du  1 1  des  calendes  de  janvier  i  aa8 
ce  prince  défendit  de  prendre ,  pour  l'intérêt  de  l'ar- 
gent prêté,  plus  de  quatre  deniers  par  livre  d'argent, 
par  mois ,  ou  plus  du  sixième  de  la  vsdeiu*  prêtée ,  par 
an,  que  le  prêt  eût  lieu  sur  nantissement,  ou  non;  et 
pour  empêcher  qu'abusant  du  besoin  de  Temprunteur, 
le  prêteur  ne  prenne  des  voies  détournées  pour  éluder 
la  loi,  il  est  défendu  aux  tribunaux  de  s'en  rapporter 
au  serment  d'un  Juif,  en  matière  de  réclamation  de 
dettes  ;  et  l'emprunteur,  au  moment  de  passer  l'acte , 
doit  prêter  le  serment  suivant  :  «  Moi ,  N.,  je  jure  que 
<c  dans  le  présent  acte  je  n'ai  pratiqué  ni  vu  pratiquer 
«  aucune  fraude  ou  machination ,  à  l'effet  que  ce  Juif, 


206  LIVRE  TROISIÈME. 

a  ic*i  présent ,  puisse  rien  retirer  de  moi  ou  de  mes  co- 
((  débiteurs  ou  de  mes  cautions ,  relativement  i  cet 
((  emprunt,  en  contravention  aux  constitutions  du  sei- 
«gneur  roi;  je  jure  que  j  ai  reçu  telle  somme,  que  je 
u  lui  payerai  tant  d*intérêt,  et  que  je  n*ai  rien  donné 
a  ni  promis  de  plus.  »  Cette  ordonnance  fut  renouvelée 
en  1  a  &o  par  ce  même  roi,  et  en  i  a8o  par  le  premier 
roi  de  Majorque.  Ce  dernier  défendit  de  |dus  au 
Juifs  de  prendre  usure  d*usure,  et  de  iaire  implica- 
tion d  usure ,  au  renouvellement  des  papiers  et  con- 
trats ,  ou  de  toute  autre  manière.  Du  reste ,  la  voie  de 
s  enrichir  par  des  usures  énormes  n'était  pas  suivie  seu- 
lement par  les  Juifs  ;  bien  des  chrétiens  ne  se  faisaient 
aucun  scrupule  d'imiter  leur  exemple  et  contribuaient 
de  leur  côté  à  exploiter  la  misère  publique.  Un  acte 
de  vente  d  une  propriété  appartenant  à  des  mineurs, 
fait  en  1 298,  porte  que  le  tuteur  est  obligé  de  se  dé- 
faire de  cette  partie  de  la  succession  de  ses  pupilles, 
pour  les  arracher  à  la  ruine  usuraire  de  leurs  créan- 
ciers, tant  juifs  que  chrétiens  ^ 

Le  roi  d'Aragon ,  Jayme  U ,  avait  ordonné  que  tout 
écrit  ou  contrat  passé  à  titre  usuraire  ou  non,  parles 
Juifs  de  son  royaume,  ne  fût  plus  valable  après  un 
laps  de  six  ans ,  si  dans  cet  intervalle  le  créancier  n*avait 
fait  quelque  instance  judiciaire,  h  moins  toutefois  que 
le  contrat  ne  fût  en  faveur  d'un  mineur  ou  d'un  absent. 

*    Tarn  ju(l«t  ftub  gravaminibus  usuris  quam   cri»lianii.   Arek. 
fccle$. 


208  LIVRE   TROISIÈME, 

sous  celle  du  châtelain  du  château  royal  de  Peqiignan. 
En  i3()a  Juan  I  les  enleva  à  cette  juridiction  pour 
les  replacer  sous  celle  du  hailli  de  la  ville  ;  plus  tard 
ils  furent  soumis  à  celle  du  procureur  royal,  de  la- 
quelle, sur  la  demande  de  leurs  propres  syndics,  Al- 
phonse V  les  retira  en  i  À 1 7,  pour  les  mettre  sous  celle 
du  tribunal  du  domaine. 

Nous  devons  faire  remarquer  ici  la  singulière  difli^- 
rence  que  Pèdre  IV  mit  dans  sa  conduite  à  f  égard  des 
Juifs  de  Perpignan  et  à  Tégard  du  clergé  de  la  même 
ville ,  dans  une  situation  identique.  Nous  avons  parlé, 
en  son  lieu,  du  long  et  scandaleux  démêlé  qu'il  y  eut 
entre  les  consuls  de  cette  ville  et  f  évèque  d*Ellne,  au 
sujet  d  une  taxe  sur  le  vin  et  la  viande.  Cette  même 
taxe  avait  frappé  les  Juifs,  qui  réclamèrent  comme 
avaient  (ait  les  clercs.  Sur  cette  réclamation ,  Pèdre 
écrivit,  le  a  a  janvier,  aux  consuls  de  Perpignan,  qu'ils 
avaient  sans  sa  permission  et  contre  sa  volonté  frappé 
d*une  contribution  les  Juifs  de  leur  ville  ;  qu'il  se  sou- 
vient très-bien  cependant  qu'en  aucune  session  de 
corts,  et  en  aucune  autre  circonstance,  il  n'avait  voulu 
accorder  ni  à  eux  ni  h  d  autres,  que  ses  Juifs,  Jaiœi  nastri^ 
fussent  compris  dans  les  impositions  des  chrétiens  sur 
le  vin  et  la  viande  ;  que  les  Juifs  ne  devaient  être  tri- 
butaires que  de  lui  seul,  tandis  que  par  cette  voie  ils  les 
rendaient  tributaires  d  eux-mêmes.  Il  défend  en  consé- 
quence  de  leur  faire  payer  cette  taxe,  et  charge  le  gou- 
verneur de  Roussilloii ,  le  bailli  et  leurs  lieutenants , 


CHAPITRE   NEUVIÈME.  209 

de  lui  dénoncer  toute  nouvelle  contravention  de  ce 
genre,  et  de  la  faire  amender  au  double.  Cette  taxe 
n'était  pourtant  que  celle  autorisée  par  ce  prince  lui- 
même,  pour  Tamortissemeut  des  dettes  de  la  ville.  Les 
raisons  qu'il  disait  valoir  en  faveur  des  Juifs  pouvaient 
s*appliquer  également  aux  clercs,  qui  n  appartenaient 
pas  plus  que  les  Juifs  à  la  juridiction  municipale,  et  que 
les  consuls  ne  pouvaient  pas  non  plus  rendre  tribu- 
taires de  la  ville.  Ainsi,  pendant  que  Pèdre  abandon- 
nait entièrement  le  clergé  à  ces  consuls ,  et  qu'il  auto- 
risait tant  d'ignobles  vexations  contre  l'évèque  du 
diocèse ,  il  prenait  avec  une  vive  chaleur  la  défense  de 
rAljalma  contre  ces  mêmes  magistrats.  La  raison  de 
cette  différence  est  vraisemblablement  que  les  Juifs , 
pressurables  à  volonté,  avaient  toujours  leur  bourse 
ouverte  au  roi ,  au  lieu  que  le  clergé  ne  lui  payait  rien 
sans  l'autorisation  du  pape ,  et  sans  de  grandes  difficul- 
tés et  de  longues  instances. 

L'avarice  et  le  fanatisme  faisaient  généralement  re- 
garder aux  chrétiens  la  fraude  et  la  mauvaise  foi  envers 
les  Juifs  comme  chose  licite.  Personne  ne  s'en  faisait 
scrupule,  peuple,  magistrats,  inquisiteurs.  Les  abus 
de  ce  genre  étaient  devenus  si  criants  et  l'impudeur 
publique  si  révoltante,  qu'en  1 398  Martin  dut  ordon- 
ner au  gouverneur  de  Roussillon  de  chercher  dans  la 
rail  une  maison  pour  y  établir  une  cartetia  commune, 
c'est-à-dire  un  dépôt  des  étalons  de  toutes  mesures  en 
usage  dans  le  pays,  afm  que  chaque  Juif  pût  vérifier 
II.  i/i 


210  LIVRE   TROISIEME. 

si  on  ne  Tavait  pas  trompé  dans  le  mesurage  ou  le 
poids;  et,  dans  la  rrainte  que  rettedis|>osition  proter- 
trier  ne  fut  pas  exécutée,  le  roi  prononça  contre  re 
magistrat  lui-ménie  une  amende  de  mille  florins  d*or 
h  prendre  sur  ses  biens,  s*il  négligeait  de  remplir  ses 
ordres.  Quant  aux  inquisiteurs,  le  10  octobre  1&91 
la  reine  Marie  leur  défendit   impérativement  de  se 
mêler  en  rien  des  affaires  des  Juifk,  hors  les  cas  con- 
cernant la  foi.  Le  ton  de  sévérité  qui  règne  dans  la 
lettre  que  cette  princesse  écrivit  k  ce  sujet  au  gouver- 
neur indique  suffisanunent  le  peu  de  mesure  avec  la- 
quelle on  en  usait  envers  ces  malheureux.»  Ayantappris 
u  a ve(^  déplaisir,  disait-elle,  que  Tinquisiteur  établi  dans 
»  vos  contrées  ne  rougit  pas  d*outre*passer  les  bornes 
<(  de  son  ofTire,  et  de  porter  arbitrairement  la  mainsar 
«la  moisson  d*au(rui;  cpi*il  frappe  souvent  de  contri- 
«  butions  les  Juifs  de  cette  ville ,  tant  hommes  que 
«  femmes ,  quoicpril  sache  bien  qu'ils  n*ont  jamais  ap- 
«  partenu  h  sa  juridiction,  mais  qu'ils  dépendent  uni- 
«  quement  de  la  juridiction  royale ,  etc.  »  L*époux  de 
cette  reine  avait  déji^ ,  en  1 .4 1 7  •  défendu  h  ce  même 
gouverneur  et  au  bailli  royal  de  Perpignan  de  s'im- 
miscer en  rien  dans  les  afluiresde  rAIjalma,  sous  quel- 
que prétexte  que  ce  fût,  et  d  en  maltraiter  les  habitants. 
Le  préjugé  était  tellement  contraire  aux  Juifs,  leur 
persécution  semblait  si  légitime,  que,  dès  que  par  l'in- 
tervention delà  majesté  royale  un  s\sième  de  vexations 
était  anéanti,  on  en  inventait  iunnédiatenMMit  un  autre 


f 


CHAPITRE    NEUVIÈME.  211 

urle  remplacer.  Quand  parles  défenses  d*Âlphonse  V 
«n  ne  put  plus  leur  extorquer  de  i  argent  au  moyen  des 
svanies ,  on  chercha  k  leur  en  arracher  par  la  crainte 
de  la  juridiction  ecclésiastique.  Le  pape  Martin  dut 
faire  cesser  lui-même  ce  nouveau  scandale.  Dans  un 
induit  enregistré  à  Perpignan  le  2  4  avril  ilm^y  ce 
pontiCe  défend  expressément  de  contraindre  aucun 
Juif  à  recevoir  le  baptême. 

Nous  avons  dit  que  les  ouvriers  chrétiens  étaient 
jaloux  du  travail  qu*on  donnait  aux  Juifs.  Cédant  aux* 
vives  instances  des  consids  provoquées  par  les  plaintes 
continuelles  de  ces  ouvriers,  Alphonse,  le  a  7  juin  1427, 
fit  publier  dansPerpignan  un  règlement  portant  défense 
à  tout  chrétien  i^  de  donner  aucun  ouvrage  à  £ûre  à 
des  Jui&  ;  a"*  de  recevoir  personne  de  cette  caste  dans 
ses  maisons  pour  y  demeurer;  y  d'aller  à  rAljaïma, 
du  vendredi  soir  au  samedi  matin  ;  d"*  d'entrer  dans  la 
call  pour  y  boire,  manger  ou  jouer;  5**  d  y  entrer  après 
le  coucher  du  soleil,  et  aux  jours  de  fêtes  solennelles, 
le  tout  sous  peine  de  cinquante  sous  d'amende,  dont 
un  tiers  au  profit  du  dénonciateur. 

L'homme  se  retrouve  partout  avec .  ses  £aiiblesses. 
Les  Juifs,  malgré  leurs  constantes  humiliations,  étaient 
devenus  glorieux.  Au  commencement  de  ce  règne  de 
Ferdinand  II ,  qui  devait  leur  être  si  fatal ,  ils  s'étaient 
arrogé  le  titre  de  don,  originairement  distinctif  de  la 
noblesse,  mais  usurpé  depuis  quclquetemps  par  toute 
personne  qui  jouissait  d'une  certaine  aisance  :  à  Tins- 

i4. 


212  LIVRE   TnOïSlKME. 

tant  tous  les  chrétiens  (]ni  portaientre  mémo  titre,  par 
concession  ou  par  usurpation ,  le  quittèrent  unanime- 
ment; ce  ne  fut  plus  que  sous  le  ^^Rne  suivant  qu*on 
commença  à  le  reprendre.  Charles-Quint  lavant  donné 
de  nouveau  à  quelques  Catalans, en  signe  de  nohlesse, 
le  don  ne  tarda  pas  «^  se  replacer  de  lui-même  devant 
le  nom  de  tous  ceux  qui  prétendaient  à  quelque  dis- 
tinction '. 

C  est  en  mars  i  49^  que  fut  puhlié  en  Catalogne 
redit  dVxpulsion  des  Juifs  :  ceux  de  cette  caste  qui  ne 
se  seraient  pas  tait  l)aptiser  avant  le  mois  de  juillet 
suivant  devaient  quitter  TKspagne  pour  toujours.  D^s 
le  mois  d  avril  le  trop  célèbre  grand  inquisiteur,  Tor- 
quemada.  Ih  publier  dans  toutes  les  provinces  de  la 
monarchie  espagnole  un  rescrit  qui  intenHsait  k  tout 
chrétien,  sous  les  peines  les  plus  terribles,  d  avoir 
aucune  communication  avec  les  Juifs  passé  le  terme 
fixé  pour  leur  sortie  du  royaume  :  nul  ne  devait  plus 
alors  leur  fournir  ni  vivres  ni  secours  d*aucuue  espèce: 
le  funeste  bûcher  les  menaçait.  La  misère  et  le  déses- 
poir portèrent  plusieurs  de  ces  proscrits  h  changer  de 
religion ,  ce  qui  ne  fil  que  retarder  leur  ruine.  I^e  plus 
grand  nombre  de  ceux  qui  se  soumirent  ainsi  à  un 
baptême  de  (inconstance ,  accusés  plus  tard  d*étre  ton- 
jours  Juifs  dans  fànie,  ou,  suivant  Tc^xpression  consa- 
crée alors,  de  toujours  jud«iïser,  expièrent  au  miliini 

>   Ffliu  delà  IVfia;  cl,  |)oiir  tmitlf  n*%lc..4nA.  fArim   |i\n*  terl  M 
i>t  m.  Lihrr  prwii  ;  Lihrr  ordinal  vomt.  ée  (Àtlal.  passim. 


CHAPITBE   NEUVIEME.  SIS 

des  fianmies  le  (ort  àf.  n'avoir  p»  fui  une  patrie  inlios- 
pitati^re.  Ceux  qui  s'étaient  décide»  4  ce  grand  sacri- 
fice eurt-nt  eiix-Tnènu's  à  soulFrir  lout  ce  qu'il  est  pos- 
sible A  l'homnie  d'endurer  de  plas  iiH'reiix.  i\ppou»sé8, 
ii)our.iiitsde  faim,  dépouillés  pres<jiie  partout  du  peu 
qu'ils  aviiieiil  pu  sauver  de  leur  naurrage ,  car  c'est  le 
seul  aiitii  qu'on  puisse  donner  A  la  catastrophe  cpiîleur 
lit  perdre  h  peu  prts  tout  te  qu'ils  possédaient,  il  n'est 
|ws  d'horreurs  auxquelles  une  insatiahie  avaiif  e  ne  se 
portât  contre  eux.  En  Afrique,  où  ils  uvaienl  espéré 
de  trouver  un  refuse,  plusieurs  lui-ent  évcntrés  pour 
cpi'on  put  chercher  jusijue  dan»  leurs  entrailles  l'or 
qu'on  le»  soup^-oniiait d'avoir  avalé!  Et  il  »'est  rrotivé 
des  chrétiens,  que  dis-jc,  des  ministres  d'un  dieu  de 
rlémence  et  de  misérieorde ,  qui  ont  osé  voir  dans  de 
pareilles  atrocités  un  excellent  remède  dont  Dten 
s'était  sen-î  pour  dessiller  les  yeux  de  ces  inrortU]iés'.t! 
Horrible  langage  du  plus  exécrable  fanatisme! 

Le  nombre  des  Juifs  qui  so/tirent  d'Espagne  fut  de 
plus  de  cent  mille.  Il  en  passa  en  Portugal,  en  Fraïu-e, 
en  Italie .  en  Grèce  et  jusqu'en  Asie.  L'empereur  des 
Turcs,  Bajazet  11, dont  la  vue  éLiit  plus  profonde  que 
cellede  Ferdinand,  ne  put  s'enripécher  de  dire  en  voyant 
«iTÏver  ces  Juifs  expulsés  :  u  Est-ce  donc  là,  ce  roi  qu'oit 
«I  appelle  grand  politique ,  qui  appauvrit  sa  terre  pour 
■•  enrichir  la  notre  !  n 

Les  Juifs  de  Roussillon  ne  purent  être  expulsé»  que 


2ili  L1\HK  TROISIÈME. 

Tannée  suivante,  iiprès  que  Ferdinand  fut  rentré  en 
possession  de  re  rointé.  Le-  ai  septembre  lâgS  ce 
prince  signa  dans  F^erpignan  Textcnsion  de  cet  édit 
qui  forçait  res  nialiieureux  à  vider  le  territoire  des  deux 
comtés  dans  le  terme  de  trente  jours. 

Bien  des  historiens,  et  xMariana  à  leur  tête,  en  par- 
lant de  cet  acte  inique  autant  qu  impolitique,  peignent 
cette  mesure  connne  calamiteuse  pour  TEspagne,  i 
raison  de  la  grande  quantité  d*or  et  de  marchandises 
précieuses  dont  elle  occasionna  la  sortie  :  c*est  une 
erreur  démentie  par  les  faits.  Le  désastre  de  cette  me* 
sure  ne  fut  pis  de  priver  les  provinces  espagnoles  de 
richesses  niétalli(pies  ou  manufacturées,    mais  bien 
d*uiie  niasse  de  population  cpii  devait  les  aflaiblir  d'au- 
tant plus,  quelles  allaient  bientôt  s*appauvrir encore 
des  migrations  que  lavarice  précipiterait  au  delà  des 
mers.  D  ailleurs ,  ce  n'est  \yas  Fenlinand  qui  aurait  per* 
mis  la  sortie  des  richesses  matérielles  ;  la  plaie  pro- 
fonde que  se  fit  TEspagne  dans  cette  circonstance, 
comme  dans  celle  de  Texpulsion  des  Maures,  qui  suivit 
bientôt,  c*est  la  perte  de  la  partie  la  plus  industrieuse 
de  sa  population,  de  celle  qui  plaçait  alors  ce  royaume 
à  la  tête  de  b  civilisation  de  l*é|M)que,  perte  qui  la  fit 
rester  bientôt  en  arrière  des  pix)grès  que  firent  les 
sciences  et  les  arts  dans  le  reste  de  fKiirope ,  après  en 
avoir  inipriinr  elle  iiiénii*  le  mou  veinent. 

Le  délai  d*un  mois  que  les  lettres   patentes  |M)ur 
IVxérulion  de  Tédil  acrordaieiit  au\  Juifs  du  Uoussilloii 


CHAPITRE    NEUVIEME.  215 

avait  pour  objet  de  leur  iuisscr  l«s  inoj  eus  de  bc  d(^fair« 
«]e  leurs  biens ,  ni  surtout  d'acijuittcr  les  charges  qu'ils 
pouvaient  rester  devoir.  Comme  à  ceux  de  la  Péiiin- 
suic,  il  leur  était  défendu  d'emporter  le  produit  de  ces 
ventes  en  or.  en  ai^ut  ou  en  marrlitindiscs  dont  la 
sortie  du  royaume  était  prohibée  '  et  les  seules,  par 
conséquent,  qui  eussent  de  la  valeur,  il  ue  leur  restait 
donc,  après  avoir  réalisé  icui-  lurlunv.  qu'à  en  appli- 
quer le  montant  à  l'iieh^t  de  eertains  objets  d'une  va- 
leur assex  vile  pour  s'en  défaire  cnrrore ,  h  perle  peut- 
être,  dans  les  ftays  où  la  destinée  allait  les  jeter  apn'ïs 
«voir  payé  d'énormes  Irais  de  transport. 

Le  même  jour  qu'il  rendait  exécutoire  cet  édit  d'ex- 
pulsion, Ferdinand  en  signait  tm  autre  dans  Pcrp^>an, 
jHirtant  lu  peine  de  mort  eantre  tout  individu  de  laraee 
proserite,  qui  rentrerait  en  Koussillon,  sons  quelque 
prétexle  que  ee  fut,  même  pom*  traverser  seulement 
le  pays,  et  rontvc  tout  Roussillonnais  qui  les  recevrait, 
les  recèlerait  ou  qui  favoriserait  leur  retour  '. 

QueUpie  forme  tpie  gardât  Ferdinand,  dans  l'édit 
d'expulsion,  pour  gai'untir  aux  Juifs  la  libre  vente  de 
lem-s  biens,  il  est  certain  que  cet  acte  fut  un  véritable 
bijl  de  spoliation.  Commentées  malheureux  auraient- 
ils  trouvé  à  se  défaii-e  de  leurs  Immeubles ,  h  un  prix, 
non  pas  raisomiablc,  mais  vil,  lorsqu'ils  les  vendaient 

'  Édit  d'expuliioD,  Ai 
(.ii-CP.n'XVIll. 
'  IhiJeia. 


I 


2ïk  LIVKK  TKOISIÉME. 

Tannée  suivante,  après  que  Ferdinand  fut  rentré  en 
possession  de  ee  comté.  Le  ai  septembre  i&93  ce 
prince  signa  dans  Perpignan  Textcnsion  de  cet  Mit 
qui  forçait  ces  maliieureux  a  vider  le  territoire  des  deiUL 
comtés  dans  le  terme  de  trente  jours. 

Bien  des  historiens ,  et  Mariana  à  leur  tête,  en  per- 
lant de  cet  acte  inique  autant  qu  imi>olîtique,  peignent 
cette  mesure  <*onnne  calaniiteuse  pour  TEspagne,  i 
raison  de  la  grande  quantité  d*or  et  de  marchandiies 
précieuses  dont  elle  occasionna  la  sortie  :  r*est  une 
erreur  démentie  par  les  faits.  Le  désastre  de  cette  me- 
sure ne  fut  pas  de  priver  les  provinces  espagnoles  de 
richesses  métalliques  ou  manufacturées,    mais  bien 
d*une  masse  de  population  qui  devait  les  aOàibUr  d'au- 
tant plus,  quelles  allaient  bientôt  s  appauvrir  encore 
des  migrations  que  lavarice  précipiterait  au  delà  des 
mers.  D*aiUeurs ,  ce  n*est  pas  Ferdinand  qui  aurait  per- 
mis la  sortie  des  richesses  matérielles  ;  la  plaie  pro- 
fonde que  se  fit  TEspagne  dans  cette  circonstance, 
comme  dans  celle  delcxpulsion  des  Maures,  qui  suivit 
bientôt,  c  est  la  |>erte  de  la  partie  la  plus  industrieuse 
de  sa  population,  de  celle  qui  plaçait  alors  ce  royaume 
à  la  tête  de  b  civilisation  de  répo([uc,  perte  qui  la  fit 
rester  bientôt  en  arrière  des  progrès  que  firent  les 
sciences  et  les  arts  dans  le  reste  de  TEurope ,  après  en 
avoir  ini|)rimr  ellt^-nicnic  le  mouvement. 

Le  délai  d*un  mois  que  les  lettres   patentes  |M)ur 
l'exéculion de  ledit aceordaieni au\  Juifs  du  Koussilloii 


f 


CHAPITRE    iNEUVlÈME.  215 

savait  pour  objet  de  leur  laisser  les  moyens  de  se  défaire 
^e  leurs  biens ,  et  surtout  d'acquitter  les  charges  qu  ils 
pouvaient  rester  devoir.  Gomme  à  ceux  de  la  Pénin- 
sule ,  il  leur  était  défendu  d'emporter  le  produit  de  ces 
ventes  en  or,  en  ai^nt  ou  en  marchandises  dont  la 
sortie  du  royaume  était  prohibée  '  et  les  seules,  par 
conséquent,  qui  eussent  de  la  valeur^  il  ne  leur  restait 
donc,  après  avoir  réalisé  leur  fortune,  qu'à  en  appli* 
quer  le  montant  à  l'achat  de  certains  objets  d'une  va- 
leur assez  vile  pour  s'en  déÊdre  encore  «  à  perte  peut- 
être,  dans  les  pays  où  la  destinée  allait  les  jeter  après 
avoir  payé  d'énormes  frais  de  transport. 

Le  même  jour  qu'il  rendait  exécutoire  cet  édit  d'ex- 
pulsion, Ferdinand  ensignait  un  autre  dans  Perpignan, 
portant  la  peine  de  mort  contre  tout  individu  de  la  race 
proscrite,  qui  rentrerait  en  Roussillon,  sous  quelque 
prétexte  que  ce  fût ,  même  pour  traverser  seulement 
le  pays,  et  contre  tout  RoussiUonnais  qui  les  recevrait, 
les  recèlerait  ou  qui  favoriserait  leur  retom*  *. 

Quelque  forme  que  gardât  Ferdinand ,  dans  l'édit 
d'expulsion,  pour  garantir  aux  Juifs  la  libre  vente  de 
leurs  biens ,  il  est  certain  que  cet  acte  fut  un  véritable 
bill  de  spoliation.  Commentées  malheureux  auraient- 
ils  trouvé  à  se  défaire  de  leurs  immeubles ,  à  un  prix, 
non  pas  raisonnable ,  mais  vil ,  lorsqu'ils  les  vendaient 

'  Édii  d^expulsion,  Arck,  Dont,  Voyei  aux  Preuves,  U  dernière 
pièce .  n'  XVIII. 
*  Ibidem. 


2ili  LIVHK  TROISIEME. 

Tannée  suivante,  après  que  Ferdinand  fut  rentré  en 
possession  de  ce  romt6.  Le  2  1  septembre  i  àgS  ce 
prince  signa  dans  Perpignan  Textension  de  cet  édit 
qui  lorçait  ces  malheureux  à  vider  le  territoire  des  deiUL 
comtés  dans  le  terme  de  trente  jours. 

Bien  des  historiens,  et  Mariana  à  leur  tête,  en  par- 
lant de  cet  acte  inique  autant  qu  impolitique,  peignent 
cette  mesure  conune  calamiteuse  pour  TElspagnc  «  i 
raison  de  la  grande  quantité  d*or  et  de  marchandiies 
prérieuses  dont  elle  occasionna  la  sortie  :  c*est  une 
erreur  démentie  par  les  faits.  Le  désastre  de  cette  me- 
sure ne  fut  pas  de  priver  les  provinces  espagnoles  de 
richesses  métallicpies  ou  manufacturées,   mais  bien 
d*une  niasse  de  population  qui  devait  les  aflaiblir  d'au- 
tant plus,  quelles  allaient  bientôt  s'appauvrir  encore 
des  migrations  que  l'avarice  précipiterait  au  delà  des 
mers.  D'ailleurs ,  ce  n'est  pas  Fenlinand  qui  aurait  per- 
mis la  sortie  des  richesses  matérielles  ;  la  plaie  pro- 
fonde que  se  fit  l'Espagne  dans  cette  circonstance, 
comme  dans  celle  de  l'expulsion  des  Maures,  qui  suivit 
bientôt,  c'est  la  |>erte  de  la  partie  la  plus  industrieuse 
de  sa  population,  de  celle  qui  plaçait  alors  ce  royaume 
à  la  tête  de  b  civilisation  de  i'é|MK|ue ,  perte  qui  la  fit 
rester  bientôt  en  arrière  des  progrès  que  firent  les 
sciences  et  les  arts  dans  le  reste  de  Tturope ,  après  en 
avoir  imprimé  elle  incnir  le  mouvement. 

Le  délai  d*un  mois  que  les  lettres   patentes  |M)ur 
IVxécntion  de  fédil  arrordaient  au\  Juifs  du  lloussillon 


CHAPITRE    NEUVIEME  ai& 

^vait  pouroiijptdc  Irur  laisiîerlosiiiD^eiisdese  di^tairc 
'«le  leurtt  biens ,  et  surtout  d'Hcquitter  les  rhnrgcs  qu'ils 
puiivaienl  rester  devoir.  Coiiiuic  <i  ltux  dt.-  b  P<;mn- 
suie ,  il  leur  était  déi'endu  d'emporter  le  produit  dece§ 
ventes  en  or,  en  niigeiit  ou  en  marrhiindises  dont  la 
sortie  du  royaume  était  prohibée'  et  les  seules,  par 
(unséquent,  qui  euiisent  de  Ib  valrur,  tl  ne  leur  restait 
Houe,  après  avoir  réalisé  leur  fortune,  qu'à  en  appli- 
quer le  montant  à  l'achat  di*  certains  objets  d'une  va- 
leur assez  vile  pour  s'en  délidi'c  enrore ,  i  perle  peut- 
l'tre,  dans  les  pays  où  la  destinée  allait  les  jeter  après 
Hvoir  payé  d'énormes  frais  de  transport. 

Le  œêmRJour  ipi'il  rendait  exécutoiit  ret  édil  d'ex- 
pulsion, Fenlinand  en  signait  un  autre  dans  Herpig;nan, 
portant  ta  peine  de  mort  contre  tout  individu  de  lu  race 
proscrite,  qui  rentrerait  en  Kuussillon.  sous  quelque 
prétexte  que  ce  fût,  même  pour  traverser  seulement 
If  pays,  et  contre  tout  RoussiUonnais  qui  les  rei-evrail, 
lea  recèlerait  ou  qui  favoriserait  leur  retour  '. 

Quelque  forme  que  gardât  Ferdinand .  dans  i'édit 
d'expulsion,  pour  garantir  aux  .luifs  la  libre  vente  de 
leurs  biens,  il  est  certain  que  cet  acte  fut  un  véritable 
bill  de  spoliation.  Commentées  malheureux  auraient- 
ils  trouvé  à  se  défaire  de  lem's  immeubles ,  à  un  prix, 
non  pas  raisonnable,  mais  vil,  lorsqti'ib  tes  vendaient 


I 
I 


'   Édit  ileipulûon,   âkIi.   T)om.   VojM  »ui  Preiivi 
.•XVtlI, 


U  dcrnièm 


2Ui  LIVHK   TUOISIEME. 

sous  le  rouleau?  l^ouvflit>il  y  avoir  concurrence  pour 
racquisitioii  de  ces  biens,  quand  Tavarice  publique 
savait  ({ue  dans  un  mois  il  irait  de  la  vie  pour  les  ven- 
deurs s  ils  étaient  encore  dans  la  province,  et  qu'il 
était  défendu  de  surseoir,  pour  quelque  cause  que  ce 
fut,  À  Texécution  de  Tordonnance? 

Iminédiateincnt  après  la  promulgation  des  deux 
édits  dans  Perpignan,  des  officiers  royaux  s*étaient 
transportes  dans  rAljaïnna,  et,  parcourant  chaque 
maison,  de  la  rave  au  grenier,  ils  avaient  inventorié 
et  estimé  généralement  tout  ce  qui  s'y  trouvait,  meu- 
bles, bardes,  nippes,  provisions,  etc. :  cette  mesure 
était  prescrite  par  Ferdinand,  pour  être  assm*é  que 
les  Juifs  avaient  les  moyens  de  payer  re  qu*ils  pou- 
vaient devoir  au  iisr  et  aux  particuliers  '. 

'  Tout  ce  qui  se  rapporte  à  IVi pulsion  des  Juifs  est  dans  un  registre 
intitulé  :  Inrrn9an  drli  Juh  us.  Cet  invenlairc  ue  parie  guère  que  de  ma- 
telas de  iMMirre,  trè^iteu  suut  de  laiur,  et,  irc&œptioii  de  quelque» 
rot>e!(  (le  reniinc  lM»rdces  de  fourrures  c»u  de  «elours,  tout  le  reste  n*ctl 
que  de  la  sale  fn|)erie. 


/ 


f 


CHAPITRE   DIXIÈME.  21 


CHAPITRE  X. 

^  ^rdinand  viole  toutes  ses  promesses.  —  Alliance  très-sainte 
contre  la  France.  -^  Rançon  des  prisonniers  de  guerre.  — 
Trêve.  —  Louis  XII.  —  Nouveaux  parjures  de  Ferdinand.  — 
ÉTénements  divers. 

■ 

Pour  prix  des  sacrifices  que  le  roi  de  France  avait  i4<j3. 
si  impolitiquement  faits  au  roi  d'Espagne ,  en  lui  aban- 
donnant gratuitement  les  comtés  de  Roussiilon  et  de 
Cerdagne,  Ferdinand  avait  contracté  Tobligation  de  ne 
prendre  aucune  part  dans  la  guerre  que  Charics  Vm 
voulait  porter  en  Italie ,  et  de  ne  donner  pour  époux 
à  ses  filles  ni  le  roi  d'Angleterre  ni  le  roi  des  Romains. 
A  peine  les  garnisons  espagnoles  avaient-elles  prispos- 
session  des  deux  comtés,  que  les  princes  qui  portaient 
ombrage  à  Charles  devinrent  les  gendres  de  son  pré- 
tendu allié,  et  que  ce  monarque  perfide  organisa  ime 
nouvelle  ligue  contre  celui  qu'il  avait  si  indignement 
trompé.  «Ferdinand,  dit  le  père  Daniel,  devenu  pos- 
«sesseurdes  deux  comtés,  non  content  d'avoir  violé 
tt  les  traités  faits  avec  le  roi ,  en  traversant  par  toutes 
«sortes  de  moyens  les  desseins  de  ce  prince,  en  entrant 
a  dans  la  ligue  d'Italie,  en  envoyant  à  Ferdinand  d  Ara- 
«gon  (roi  de  Naples)  des  secoiu's  d'hommes  et  de 
«vaisseaux,  en  offrant  à  Emmanuel,  roi  de  Portugal, 


218  LIVUE   TROISIÈME. 

(«  une  de  ses  filles  en  mariage  pourvu  qu  il  voulût  re- 
<<  non(*er  aux  allianres  (|u*il  avait  faites  avec  la  France 
«  et  signer  la  ligue  contre  elle,  fit  encore  une  diversion 
«  du  côté  d(*s  Pyrénées.  » 

\a\  déloyauté  et  le  parjure  du  roi  d*Espagne  forçant 
(-harles  à  revenir  enfin  de  ses  illusions,  ce  prince  re- 
connut, mais  trop  tard ,  Ténorme  faute  quil  avait  faite 
en  livrant  le  Roussillon  à  l'ennemi  jure  de  la  France. 
Ferdinand  avait  soulevé  contre  ce  prince  le  roi  des 
Romains,  le  pa|K\  la  seigneurie  de  Venise  et  le  duc  de 
Milan.  Cette  ligue  de  toutes  les  puissances  contre  le 
roi  le  plus  véritablement  chrétien  de  tous  ceux  qui 
régnaient  alors  en  Europe,  y  compris  le  pape,  était, 
par  le  plus  étrange  abus  des  mots ,  qualifiée  de  trh- 
sainte. 

L*armée  française  avait  traverse  Tltalie,  et  5*était  pré- 
sentée aux  portes  de  Rome ,  dont  la  conduite  hostile 
du  pape  favait  forcée  de  s*emparcr.  Le  pontife  s* était 
réfugié  au  château  Saint -Ange;  mais  bientôt  un  acconl 
était  suryenu  entre  lui  et  Charles,  et,  en  exécution  de 
ce  traité,  Alexandre  VI  lui  avait  livré  fempercur  Zem, 
détrôné  par  Ikijazet,  son  frère.  Dans  ses  projets  de  con* 
quête, Charlescomptaitop|M)serceZemà  Bajaset;  inais 
celui-ci,  informé  dès  longtemps  parles  Vénitiens  des 
projets  du  roi  de  France,  s*était  adressi^au  |)a|>e,  et  le 
pontife  avait  eu  soin  d'empoisonner  le  malheureux 
Tun*  avant  de  s'en  dessaisir^  :  Zeni,  victime  de  la 

'    Mri.iniln*  VI  fui,  foiiiiiif  un  vail,  \c  %m  ri  li*  rriiiii-  |irrBuiiniriésk. 


CHAPiTRÈ  DIXIÈME  '   Sϧ 

dooblv  perfidie  de  son  fri-rc  et  du  i-hcf  des  chrélîen», 
expira  en  amvani  auprès  du  roi  de  France. 

Le  royaume  de  Naplcs  allait  être  ronquJs,  mais 
loutc  espérance  «tait  perdue  du  côté  de  Constanti- 
nople,  et  la  ligue  ourdie  par  Ferdinand  s'annorf^ait 
IbimidaMe  el  menat^ante.  A  Velletri ,  un  anil);ïssadeur 
de  ce  prinfc.  Antoine  de  Foiwcra,  tjui.  n'ayant  plu» 
trouvé  Charles  Ji  Paris,  avait  couru  sur  svs  trares,  lui 
avait  dit  que.  s'il  persistait  h  faire  la  guerre  au  roi  de 
Naples ,  il  aurait  alEiire  h  son  maître ,  en  dépit  des  Irai- 
ré«.  Pur  accommodomcnt  Ferdinand  proposait  de  re- 
mettre lejugement  de  la  question  touchant  la  ronronne 
de  ce  pays,  au  papo  Alexandre;  or  ee  pontife  était 
tellement  dans  la  dépendance  du  roi  d'Espagne,  que 
Goiuaivc ,  le  grand  capitaine ,  [>ouvait  impunément  le 
morigéner'.  Le  ton  d'arrogance  avcclequeU'anibassa- 
dcur espagnol  se  permettait  de  parler  au  roi  de  Franco 
remplissant  d'indignation  quelques  seigneurs  français 
présents,  ds  lui  impo.'>«''rent  silence  ens-iuémcs.  Alors 

Avant  de  (Xinvr  I*  lîarc  il  *t«il  mi  d^jA  rinq  cnCints  adulUrin»,  et 
(|Mii4  Baj<»«l,  qui  le  cnnna'uuil  bien,  voulul  w  d^llirf  r  i)p  MUI«  In- 
^rtodci  l'égartt  lie  «on  Irin,  il  écrivil  i  ce  pq»  poorigvill'empnl- 
lonDll,  loi  prumelUol,  en  rtcumpcuM,  trai*  cent  mille  ducab  pnur 
idiHter  qiirifjura  dnmainet  A  tr*  «nftnti.  Pour  |»r«iive  qu'il  avait  paginé 
lewlaîre,  Alnanilreluî  «ovoya  )«  corpa  île  2em,  auivaiit  lo  diwét 
bjtici.  Voyu  la  lellr«  île  rc  Turc ,  daiu  lei  pitcca  Je*  Uénrain»  6e 


'  n  rat  ruritui  ât  «nir  dam  Mariana,  livre  X.\V1,  cbap.  81,  la 
ittUn  dont  (lonulvc  nproi'bi-  au  pape  *M  déhmluMiil*,  et  le  me- 


I 
I 

i 


110  L1\1;E   TKUISIËME. 

Fonsera,  lacéi-ant  le  traité  d  alliance  entre  la  France  et 
rKspagiie,  quil  avait  appoi*tc  avec  lui,  somma  quel- 
ques capitaines  espagnols  qui  avaient  pris  du  service 
dans  larniée  Irancaisc  d*avoir  h  la  quitter  sous  trois 
jours  '.Charles  n*en  (*ontinua  pas  moins  son  belliqueux 
vo\age  et  réduisit  facilement  Naples  et  ses  provinces; 
mais  la  Ircs-sainte  alliance  rendant  sa  position  critique 
au  fond  de  lltalie ,  ce  monarque ,  pour  n*y  être  pas  en- 
fermé,  se  hâta  de  reprendre  le  chemin  de  France,  et, 
vainqueur  à  F^ornoue,  il  rentra  triomphant  dans  sa 
capitale. 

En  voyant  le  roi  de  France  heureusement  échappé 
au\  périls  dont  il  s'était  cflbrcé  de  f enviroimer.  Fer* 
dinand  craignit  avec  raison  que  ce  prince  ne  se  ven- 
geât d(*  sa  déloyauté,  en  cherchant  à  reprendre  le 
Houssillon,  et  il  songea  h  le  prévenir  dans  ce  pays. 
Apres  avoir  ravitaillé  les  places  et  chargé  Sarriera  de 
se  ménager  des  intelligences  sur  la  frontière  de  Franre, 
il  fit  entrer  en  Languedoc,  au  mois  de  novembre, 
IIein*i  ilenriquez.  de  Gusman ,  duc  de  Medina-Sidonia, 
capitaine  général  de  Koussillon,  avec  quatre  cents 
lances  et  autant  de  fantassins  qu  il  avait  réunis  h  Opol. 
Après  avoir,  dans  cette  taiilive  campagne,  pris  et  sac- 
cagé le  ciiatCiUi  de  Talayrac,  Hcin^iquez.  rentra  en 
Koushillon ,  einnienaiit  de  son  expédition  vingt  mille 
moutons ,  quatre  cents  têtes  de  gros  hélail  et  soixante 
prisonniers  de  guerre.  La  rançon  de  ces  prisonniers 

\tii\i'riii'-'riin|iirl . //ijf  «/en  tCllsp 


CHAPITRE  DIXIEME  981 

devint  cnsoïtc ,  dans  Pcqiigiian .  ];i  cause  de  vives  cou- 
lp«lati(ins. 

A  (■es  époqvips,  oi")  les  prisonniprs  faiw  h  la  fjiipppe 
np  pouvaient  rpcouvrer  leur  iibertt^  qu'A  prix  d'argent, 
1p  tant  de  la  rançon  des  soldiits  tétait  d'une  somme  ^gale 
h  relie  de  trois  mois  de  leur  solde;  qiinnt  am  olliders, 
<*lle  m^me  ran^ii  s'^al>li«sait  de  gi-*^  À  gré,  d'après 
leur  rang  ou  leur  fortune,  la  rançon  des  prisounicrs 
bits  isolf^ment  appartenait  de  droit  au  eapteur,  ainsi 
que  ses  armes  et  son  (équipage  ;  mais  pour  cent  cpii 
avaif  ni  M  pris  en  rommun ,  par  une  bande  armée ,  le 
montant  des  difr<6rentes  nuirons  formaïl  une  masse 
cpii  se  partageait  entre  ceux  qui  avaient  coopère!'  à  la 
capture,  suivant  un  tarif  proportionna  au  rang  el  au 
pnade  de  etiarnn.  An  retour  de  I'exp«^dition  de  Lan- 
guedoc, les  hommes  d'anues  r^'cbnitrent  deux  parts 
sur  la  rançon  des  soixante  eaptifs,  suivant  l'usage  qui 
avait  fait  rtNgle  juscpir-ià  ;  mais  les  gin/?tes  leur  rontes- 
tèrenl  eet  avantage,  prétendant  tpj'eux ,  c[ui  se  trou- 
vaient à  la  lite  de  la  cavalerie,  el  qui,  courant  les 
champs,  en  leur  qualité-  de  cavalerie  l^g^rc,  avaient  le 
pKis  de  mal ,  ne  devaient  pas  souffrir  que  d'autres  fu»- 
sent  mieux  ti-aif^  qu'eux.  La  dispute  sVeliauGfant,  ëf  I 
les  partis  menaçant  d'en  venir  aux  mains .  Henriqueittl 
fit  délivrer  h  rhacuii  une  seule  part ,  mettant  en  réservM 
la  double  part  rontestce  aux  hommes  d'armes,  jiisquTlf' 
ec  que  lo  roi  eût  prononcé  lui-mênte  sur  relte  contes- 
tation. 


222  LIVIIE   TUOISIKME. 

Le  bruit  se  répandit,  sur  ces  entrefaites,  qu*nn  cer- 
tain Giginta,  confuinax  condamne  h  mort  en  Italie 
pour  avoir  livré  aux  Français  la  ville  d'Ostie,  intri- 
guait pour  faire  tomber  maintenant  en  leurs  mains 
Collioure,  sa  patrie,  aussitôt larrivée  de  certains  bri*- 
f;antins  quon  armait  h  Narbonne;  et  cette  nouvelle 
(coïncidant  avec  celle  de  la  réunion  sur  la  frontière  de 
deux  mille  lances,  six  mille  Suisses  et  trois  mille  arba- 
létriers, falarme  devint  extrême.  Bien  que  ces  forces 
fussent  insulTisantes  pour  rien  entreprendre  contre 
Perpignan ,  elles  auraient  pu  causer  cependant  beau- 
coup d*inquiétude  dans  la  campafpie,  et  attaquer  avec 
avantage  quelque  autre  place  que  ce  fut  dans  le  comté. 
Le  capitaine  général  envoya  sans  perdre  de  temps, 
dans  chacun  de  ces  châteaux,  un  renfort  de  fantassins, 
d'arquebusiers  et  de  ces  artilleurs  qui  manœuvraient 
ce  ((ifon  appelait  des  ribaudequins  ^  et  il  se  porta  lui- 

'  Lr  nom  et  Ir  calibre  des  piî't*es  d'artillerie  de  cette  époque  étaient  : 
le  serpentin ,  canon  court  tirant  vingi-quatrr  li%res  de  balle»;  le  dra- 
gon ou  coulent  ri  ne,  tirant  \li\^t  li\rCH  de  balles;  la  demi -cou!ru%  fine, 
de  dix  livres;  Taspic,  canon  court,  de  doute  livres;  le  |)élican ,  d*  cinq 
livres;  le  sacre,  couleuvrïne  de  cioq  livres;  le  fauconneau  court,  da 
troi*«  litres;  le  fauconneau  long,  de  deui  livre»,  le  ribaudequiu  court, 
de  une  et  demie;  le  rilwiudef{uiii  long,  de  une  cl  un  quart;  IVaierilIon 
Cdiirl ,  de  riouie  onte»;  rénierillon  long  ,  de  dix  onces  ;  le  mousquet  de 
brome,  di'  cinq  onceK;ran(iiebu»4*  de  br«in»*,di'  une  once  et  un  quart  dr 
balles  de  fer,  ou  dix  scizicme:»  de  balles  de  plonib.Jl  y  avait  en  outre  des 
rannuiide  liatterie,  tirant  depuis  sii  juM[u*ii  quatre-viugt'Seise  livre» de 
liai  If 'H.  ArtiUtria  dr  Dinjo  l'fano. 

i'.'rsx  m  I  ^i|i  que  1rs  Français  introduiMn-nt,  iiendantla  c«iinpagar 


CHAPITRE  DIXIÈME.  225 

niémo  jt  (jolliotire  avpr  don  Alvar  dt- [/una.  fjouvcr- 
ncur  de  Roussillon.  et  don  Sanehe  de  Castille,  pour 
Ctiro  luie  enquête  »u  sujet  de  In  conspiration  àe  Ci- 
^inta.  L'n  nommti'  Pi,  ol  qui-lques  antres  habitants 
furent  arrt^tés,  mnis  mine  put  rien  di-couvrir  A  leur 
chaire,  n  parut  r^siiUer,  an  contraire,  des  divers  t^- 
inoigiivgcs,  que  Gi^nta,  ioùi  de  vouloir  renouveler 
son  crime ,  ne  elierrliait  que  i'ocrasion  de  renfrtT  en 
gràfp,  en  rendant  a»  roi  (pielqneflcrvieesîgnali^.ApiV^s 
avoir  !iii);menl(^  les  Torces  de  CoDioure  et  fait  démolir 
quelque»  maisoiifl  qui  gênaient  ie  eliâteau,  Henriqiiex 
passa  h  Eine,  où  il  laissa  ponr  gnnvemenp  Charie»  de 
Biedma:  il  pourvut  en  m^-me  temp»  à  la  dt^feiisc  du 
diâleaudDSalses.qui  était  en  mauvais  élal,  et  A  celle 
de  Puyeerda. 

La  campagne  s'ouvrit,  l'année  suivante,  d^sle  mois 
de  janvier,  par  la  prise  du  <'h;ito<in  de  Calailrny.  dans 
les  Corbit^re-s,  où  llenriqnei  entra  suns  opposition.  Ao 
niéme  moment  eent  hommes  d'armes  fran<;ais,  rent 
cinquante  vbevau-lt^gers  et  sept  rents  fentassinn  se 
jetaient,  de  leur  eôt«^.  sur  la  Salaiique,  qui  est  la 
|>laÎDe  baise  et  saline  {piî  borde  la  littoral  de  la  mer. 
Celle  troupe  emmenait  déjA  raille  cinq  cents  t^-lcs  de 
menu  b^^tail .  quand  les  e-avaliers  de  la  garnison  de  Per 
pif(nan,  se  réunissantaux  ipnèlcsdela  frontière,  semï- 
renl  A  sa  poursuite,  et  lui  firent  abandomier  une  partie 

d'Iuli» .  Tiiui^r  ilr*  IkiuIi 


f 


22'i  IJVKK  TROISIEME. 

fir  ce  hiitin.  A  son  retour,  Henriqucz  lit  ri^prer  \o% 
rortificatîoiis  dos  pinces,  of ,  pour  mettre  les  troupeaux 
^rabri  d'un  nouveau  coup  de  main,  il  donna  ordre  de 
les  conduire  en  Ampourdan. 

liC  château  de  Snlses  défendait  l'entrée  du  Rous- 
sillon  par  la  grande  route;  mais  il  y  a,  pour  arriver 
dans  cette  plaine,  une  seconde  route  resserrée  entre 
la  mer  et  Tétang  de  Salses .  k  travers  Tétroite  langue  de 
terre  qui  les  sépare  :  on  la  nomme  le  chemin  du  Grau 
(  (iradus)  de  Leucate.  Pour  barrer  ce  passage,  Henri- 
quez  fit  construire  h  la  hâte  un  château  en  bois ,  dana 
lequel  il  mit  dix  arbalétriers  et  autant  d^arquebusiers. 
Ce  blokbaus,  muni  de  trois  ribaudequins ,  était 
tellement  fort  par  sa  position ,  cpi'il  semblait  que  rien 
ne  devait  plus  passer.  Cependant,  malgré  cette  pré- 
caution, une  bande  de  Gascons  pénétra  en  Roussillon 
pendant  la  nuit,  et  se  mit  à  butiner.  Poursuivie  an  re- 
tour, elle  dut,  après  un  léger  engagement,  où  il  périt 
queUpies  soldats  de  |)art  et  d  autre,  renoncer  k  emme- 
ner plusieurs  centaines  de  moutons  qu'elle  avait  enle- 
vés il  Hivcsaltes. 

De  grands  eilbrU  se  préparaient  en  France  pour 
une  nouvelle  tentative;  plus  de  trente  pièces  de  gros 
calibre ,  ce  qui  faisait  h  cette  époque  un  très-grand  parr 
d'artillerie,  étaient  déj,^  n*unies  à  Reziers,  et  on  en 
formait  un  second  à  Aiguës -Mortes.  Les  seigneurs  de 
Saint  André  et  de  laRoche-Aymon  commandaient  les 
lroup«*s  disciplinées,  et  Alain  d*Albret,  pèn*  du  roi  de 


CHAIMTUK    UIXIKMK  225 

\avarrc.  étail  à  la  tète  du  ban  et  de  i'arrière-ban  de 
Gascugnc.  Otte  arm^e  entra  vn  Roussillon  le  8  oc- 
lobrc.  cl,  quoiqu'il  fût  d^jA  tard  quand  eilc  arriva  ce 
joiir-iAdevaiuSaUes,  cette  place  fut  aussitôt  tiivpstie. 
U^s  1.1  nuit  m^-ine  on  travailla  à  dresser  ïvs  hutlerit^s, 
»^t  avant  le  jour  le  leu  avait  M  ouvert,  Salses,  dont 
Henriqucxavaitr^pan^leKmiir.tet  fait  sa  place  d'nrnics. 
«^tait  respeclaMe.  Don  Diego  de  Aievedo ,  Bernard  de 
Sainl-Iiiifîo  eC  {^Usieurs  autres  chevaliers  s'y  trou- 
vaient avec  leurs  compagnies,  qui  comptaient  plus  de 
deux  cents  arquebusiers ,  et  vingt-neui' pièces  de  canon 
rn  défendaient  les  mnpartx.  L'attaque  fut  si  vivi'  et  si 
)ni|>t^lu«>use,  le  l'eu  de  l'artillenc,  déjà  parvenue  en 
t'rance,  à  cette  époque,  k  une  supériorité  remar- 
quable', fut  si  teiTÎbie.  que  ce  fort  ne  put  tenir.  Les 
Français  a^anl  ouvert  b  brèche  s'y  précipitent,  tuent 
Azevcdo  avec  trois  cents  houunes  qui  la  défendaient, 
et  serrent  les  autres  assiégés  contre  l'inrendie  qu'avait 
orciisionné  le  fcude  l'arlillerie.RéduilsA  Timpossibililé 
de  se  défendre ,  eeuï-ci  se  rendent  la  vie  sauve. 

Zurita  accuse  ici  les  Frani;ais  d'avoir  massacré  une 
iwrtie  de  ces  prisonniers  quand  ils  lurent  hors  du 
château  :  il  est  le  seul  historien  qui  cite  un  pareil  acte 
de  barbarie,  et  plus  d'un  passage  de  ses  annales  atteste 
que,  qimique  très-exact  d'ailleurs,  il  n'est  pas  tou- 
jours juste  envers  notre  nation.  Garnier.  de  son  côlè, 
fait  un  crime  .'i  Henriquox  de  n'itre  pus  sorti  de  P«r> 

>   Danirl.'Jùf  df  Franrf 


i 


226  LIVRE   TROISIÈME, 

pipiaii  pour  ailier  au  secours  de  cette  place  aver  ses 
forces,  qui  étaient  su|>^rieures  k  celles  des  assaillants. 
Ce  qu il  y  a  de  certain,  c*est  que  de  Perpignan  ce  g^ 
néral  pouvait  entendre  la  canonnade,  et  qu*il  ne  se 
init  en  marche  que  lorsqu'il  n'était  phu  temps  ;  mais 
Henriques  connaissait  la  force  de  Salses;  il  savait  que 
ce  point  était  susceptible  d'une  certaine  résistance,  et 
il  lui  était  impossible  de  prévoir  que  l'attaque  sendt 
aussi  impétueuse  et  le  succès  si  proyipt. 

La  perte  du  château  de  Salses  était  d'un  augure 
fâcheux  pour  les  Espagnols  :  il  jeta  la  consternation 
dans  tout  le  pays ,  qui  se  r^;ardait  déjà  comme  envahi; 
et  le  capitaine  général  s'était  empressé  lui-même  d'é- 
crire au  comte  de  Ribagorra ,  vice-roi  de  Catalogne,  de 
se  mettre  en  mesure  sur  la  ligne  des  Pyrénées.  Mal- 
heureusement les  Français  n'avaient  pas  ordre  de 
|x>usser  plus  loin  ,.et  cette  imprévoyance  de  la  cour  fit 
manquer  l'occasion  de  sVtablir  encore  en  RoussiUon. 

Il  était  décidé  que  les  Français  ne  feraient  que  des 
gaucheries.  Henriquei  s'était  porté  en  avant  avec  ses 
forces,  comme  pour  en  venir  aux  mains.  Cependant, 
loin  de  présenter  la  bataille  à  ses  adversaires,  il  leur 
envoya  un  héraut  demander  une  trêve ,  et  les  FVaii- 
çais,  qui  étaient  dans  la  plus  belle  position  pour  pous- 
ser leurs  succès,  raccordèrent.  Cet  armistice  inop- 
portun ,  signé  pour  deux  mois  finissant  au  1 7  janvier, 
sauva  le  Koussillon.  Mais  les  affaires  de  Charles  allaient 
mal  en  Italie,  et  vv  prince  n'avait  |nis  moins  l>esoiii  d«* 


CHAPITRE   DIXIEMK.  227 

repos  quu  le  roi  d'Ëspiigtie.  A  l'expiration  de  la  trôvu 
on  la  rL'uouvcla.  et  dos  nigociations  furent  entamées 
pour  le  rétablissement  de  la  pnix- 

lieiiriquei,  clist^é  des  pouvoirs  de  Ferdinand ,  de- 
vait «e  rendii-  h  Uivesaltes  avec  Nvêque  de  Ciilane  et 
le  docteur  Philippe  Pons,  lorsqu'il  périt  dans  Perpi- 
gnan d'une  façon  tragique.  Une  rixe  s'était  élevée  entre 
quelques  bahitJints  et  des  soldats  de  la  (garnison;  les 
soldat^avaientmi^répécàlii  main,  etl'un  d'eii\.  .Mvar 
deSouta.  avait  tué  un  inarchiuid.  nommé  Serra.  Ce 
meurtre,  dont  le  bruit  se  répandit  rapidement  dans  1« 
ville,  soulevant  la  population ,  elle  sëtait  portée  tuniitl- 
tueuseiuentvcrsUmaison  d'un  certain  Jean  de  Leyva, 
chczipiis 'était  réfugie  Alvar.  C'est  ;iu  moment  où  le  ca- 
pitaine général  accourait  pour  arrêter  ce  désordre ,  qu'il 
fut  atteint  par  une  pierre  laneée  d'une  fenêtre.  Le  coup 
fut  si  violent,  que  cet  ofliiier  en  mourut  peu  de  jours 
après.Cepreniiermalheurinanqua  d'en  occasionner  dé 
plu»  grands.  Le  romie  de  Rihagorra,  venu  h  l'ei-pignan 
sur  la  nouvelle  de  la  première  émeute ,  voulait  faire  sor- 
tir de  la  ville  la  garnison,  qui  jurait  de  venger  sur  )m 
habitants  la  mort  de  son  général,  (les  soldats  se  mutiné- 
renl.  et,  loin  d'obéir au\  ordres  du  prinee,  il»»*  pré- 
paraient k  foiidi-L-  sur  le»  Perpignan»!» .  qui,  de  leur 
côté,  se  trouvaient  en  mesure  de  les  l'eeevoir, Chaque 
parti  accusant  l'autre  de  trabison ,  et  se  montrant  pa- 
iement furieuK,  une  collision  semblait  inévitable.  Le« 
eheffc.  de  part  et  d'autre,  ne  saraient  plus  que  fnin 


♦ 


228  LIVRE   TROISIÈME, 

pour  éviter  une  (*atastrophe ,  quand  le  moyen  le  plus 
simple,  et  qui  aurait  dû  se  présenter  le  premier  à  leur 
esprit,  vint  suspendre  les  coups:  ee  fut  d*annoiieer 
qu  il  serait  fait  une  enquête  impartiale  pour  découvrir 
le  meurtrier  du  capitaine  général,  et  que  justice  serait 
rendue  ;  cette  promesse  apaisa  le  tumulte.  L'enquête 
eut  lieu,  et  il  en  résulta  que  la  piètre  qui  anit  firappé 
le  duc  de  Medina-Sidonia  avait  été  lancée  au  hasard,  et 
qu  elle  était  partie  dune  des  fenêtres  de  la  maison  même 
de  Jean  de  Levva.  Sur  cette  assurance,  tout  rentra 
dans  Tordre.  Une  seconde  enquête,  faite  peu  de  tempe 
après  par  ordre  de  Ferdinand ,  qui  avait  envoyé  pour 
cela  à  Perpignan  un  alcade  de  la  cour,  ne  fit  que  con- 
firmer la  première.  Il  fut  reconnu  que  les  seuils  cou- 
pables, dans  tout  ce  conflit,  étaient  Alvar  de  Sonia  et 
ses  compagnons,  qui  tous  s'étaient  déjà  réfugiés  en 
France.  Pour  prévenir  tout  nouveau  désordre,  on  ne 
laissa  dans  la  ville  que  le  nombre  de  soldats  nécessaire 
k  sa  défense  ;  les  autres  rentrèrent  en  Catalogne. 

Le  château  de  Salses,  complètement  démantelé  dans 
la  dernière  attaque  des  Français,  exigeait  de  si  grandes 
réparations  pour  le  rendre  tenable ,  que  les  vainqueurs 
n*avaient  pas  jugé  convenable  d'y  rester,  et  qu*fls 
l'avaient  abandonné  le  même  jour  qu'ils  l'avaient  |MÎs. 
Le  roi  d*Espagne  se  décida  à  en  faire  construire  un 
nouveau .  au  bas  de  la  colline  sur  laquelle  était  assis  le 
premier,  et  plus  près  du  chemin.  L*idée  ne  fîit  pas 
heureuse.  Ce  nouveau  fort ,  isolé  dans  un  lieu 


f 


CHAPITRE   DIXIÈME.  229 

<)on)iné,  à  demi-portée  de  canon,  par  les  collines  qui 
se  rattachent  aux  Corbières,  et  où  il  est  facile  de  faire 
arriver  de  Tartillerie ,  avait  le  double  désavantage  d'être 
facilement  battu  en  temps  de  guerre ,  et  d'être  d'une 
garde  dangereuse  en  tous  temps,  à  cause  des  marais 
qui  l'avoisinent.  Ces  travaux,  aussitôt  entrepris  que 
décidés,  furent  poussés  avec  la  plus  grande  activité. 
Quant  à  la  réparation  de  Claira,  qu'Henriquez  avait 
remise  à  cette  année ,  don  Sanche  de  Castille ,  nouveau 
capitaine  générai  de  Roussillon ,  ne  fut  pas  d'avis  de 
l'exécuter.  Cet  officier  regardait  les  places  de  Salses, 
de  Perpignan,  d'Elne  etde  CoUîoure,  comme  suffisantes 
pour  la  défense  de  la  frontière  ;  on  plus  grand  nombre 
lui  en  semblait  embarrassant,  à  raison  de  la  quantité 
de  soldats  qu'il  fallait  pour  les  garder,  outre  la  dépense 
qu'entraînait  l'entretien  de  l'artillerie  et  des  bâtiments. 
Pour  Claira  en  particulier,  la  position  de  cette  place  ^ 
près  du  Grau  de  Leucate  ajoutait  encore,  pour  elle, 
aux  inconvénients  généraux.  Le  passage  du  Orau  était 
tout  à  l'avantage  des  Français ,  parce  qu*il  est  beaucoup 
plus  étroit  sous  Leucate  que  du  côté  du  Roussillonf, 
d'où  il  résultait  que  les  Français  pouvaient ,  soos  k 
protection  de  leur  forteresse ,  effectuer  le  passage  de 
ce  défilé ,  tandis  que  les  Espagnols  se  trouvaient  arrêtés 
par  cette  même  forteresse ,  s'ils  voulaient,  de  la  Sa- 
lanque,  passer  en  Languedoc;  le  château  de  Claira 
était  donc  complètement  inutile  :  on  acheva  de  le  dé- 
manteler. 


250  LIVRE   TROISIÈME. 

Les  plénipotentiaires  chargés  de  négocier  la  ptii 
trouvaient,  ceux  de  France  à  Narbonne,  ceux  d*E»r 
pagne  à  Perpignan.  La  distance  qui  sépare  cet 
villes  nuisant  à  la  facilité  des  eommumcâtions,  ils 
rapprochèrent  :  les  premiers  s*établirei»l  k  Sigeae ,  ies 
seconds  à  Rivesaltes.  Ceux  d'Espagne  étaient  f  évè^pe 
de  Catane  et  Philippe  Pons ,  ceuxi  de  France  ïéwéqm 
d*Albi,  un  chétalicr  provençal,  nommé  Solîer,  et  le 
juge  de  Provence. 

Après  bien  des  pourparlers,  les  négociatioiis  n*a* 
vaient  encore  produit  qu'une  trêve  qui,  commençant 
au  5  de  mars  de  1/198  pour  les  Espagnob,  et  an 
1 5  avril  seulement  pour  les  autres  puissances  Kgoéca 
contre  la  France,  devait  durer  jusqu'au  mois  de 
vembre  suivant.  Les  deuK  principaux  ennemis  étai 
en  désaccord  sur  les  bases  de  la  paix;  Charles  VIII 
proposait  de  détrôner  le  roi  de  Naples,  comme  tut 
possédant  pas  ce  trône  à  litre  légitime ,  puisqu'il  étah 
fds  d'un  prince  que  la  tache  de  sa  naissance  en  aurait 
dû  faire  exclure  '  ;  et,  dans  ce  cas,  comme  celle  0011- 
ronne  ne  pouvait  revenir  qu'aux  rois  de  France  on 
d'Espagne,  de  se  la  partager  1  Ferdinand  voulait,  an 
contraire,  maintenir  ce  sceptre  entre  les  maioa  de 
celui  qui  le  possédait,  à  condition  que  celui-ci  indem- 
niserait pécuniairem^it  le  roi  de  France  des  finis  qu'il 
i4if8.       avait  faits  pour  cette  guerre.  Charles  avait  envoyé  en 

'  Ferdinand  fl,  mi  dr  Naplen ,  ^Uiit  ÙU  de  Ffnlinand  f ,  rnlani  ns- 
liirrl  du  roi  d*\nigon,  Alphonse  le  Savant. 


f 


^ 


CHAPITRE   DIXIÈME.  231 

ambassade. à  Ferdinand,  Guillaume  de  Poitiers,  sei- 
gneur de  Glairieux,  le  sej^neur  du  Bouchage,  et  trois 
autres  personnages.  Au  partage  du  royaume  de  Napies 
Qâiiieux  ajoutait  encore  la  demande  de  déclarer  unis 
pour  toujours  à  la  France  le  duché  de  Milan  et  Tétai 
de  Gènes,  et  4  TEspagne  le  royaume  de  Navarrô.  Le 
roi  d*Eâpagne  elivoya  Sà  réponse  par  une  autre  ain< 
bassâde  à  la  tête  de  laquelle  était  le  duc  d*Esirada. 

Au  moment  où  lôs  négociateurs  espagnols  pasisaient 
la  frontière ,  tout  se  disj^sait  en  Languedoc  pour  une 
attaque  sérieuse  du  Houssillon  par  des  forces  considé- 
rables de  terre  et  de  mer,  et  pour  le  siège  de  Perpignan . 
Ces  ambassadeurs  ne  manquèrent  pas  d^ea  informer 
don  Sanche ,  qui  fit  suspendre  à  TiUstant  les  traVaux 
du  nouveau  fort  de  Ssdses,  pour  porter  toute  «on  at^ 
tention  sur  la  i^paràtiosi  An  château  ^t  4u  oastiUfit  de 
Perp^vlan.  Des  troupes  lurent  envoyées  à  E3ae,  à 
Gollioure  et  à  Puycerda,  et  Ferdinand  kunooêmei. lais- 
sant à  la  tête  des  affaires  de  CastiHe  Tinfante»,  dafill^, 
se  mit  en  marche  pour  le  Houssillon  «vec  toutes  ses 
forces.  La  mort  lno|)inée  de  Charles  VIII  vint  rcinvet^ 
serd*un  seul  coùJp  les  espérances  4e$  Français  v€ti  dé- 
livrer le  Roussilkm  de  tpules  ses  inquiétudes.      •  >.    * . 
Ghaiiçl  mourut  d'apople^e,  le  samedi  avant  le 
dimanche  des  Rameaux  de  f  année  1 49&  Revemit  4es 
illusions ,  fruits  du  vice  de  son  éducation  «  U  ne  songeait 
plus  quà  faire  le  bonheur  de  son  peupliE),  autant,  du 
moins ,  que  ce  bonheur  pouvait  être  coiB^tible  nv^c 


232  livhf:  thoisiëme. 

ret  état  peniiaiient  de  guerre,  source  trop  réelle  de 
toutes  les  espèces  de  calamités.  On  sait  que  ce  prinae 
avait  chargé  la  cour  des  comptes  de  rechercher  com- 
ment saint  Louis  rendait  la  justice  au  pauvre  peuple, 
afin  de  Timiter.  Cest  à  ce  prince  et  à  son  expédition  de 
Naples  que  la  France  dut  ses  premiers  pas  vers  la  re- 
naissance des  arts.  Ayant  fait  Tachât  de  quelques  bons 
tableaux  en  Itah'e ,  Charies  se  proposait  de  les  pkœr 
dans  ie  château  d'Amboise ,  qu'il  faisait  construire ,  et 
que  des  architectes,  des  sculpteurs  et  des  peintres 
amenés  dltalie  devaient  décorer  des  productions  de 
leur  génie.  Cest  aussi  sous  ce  r^[ne  que  la  chinii]gie 
fit  lune  de  ses  plus  précieuses  conquêtes,  Topération 
de  la  taille  pour  Textraction  de  la  pierre  de  la  vessie; 
Un  malfaiteur  condamné  à  mort  la  subit  le  premier, 
et,  par  l'efiet  le  plus  singulier  des  bizarreries  des  choses 
humaines,  au  lieu  de  perdre  la  vie  pour  ses  crimes,  il 
se  vit,  par  suite  même  de  ces  crimes ,  délivré  de  la  plus 
douloureuse  infirmité. 

Lie  même  prince  qui  avait  disputé  à  la  duchesse  de 
Beaujeu  la  tutelle  de  Charies  VIII,  le  duc  d'Oriéani 
était  monté  sur  le  trône  de  France.  Signalant  son  avè- 
nement à  la  couronne  par  un  généreux  pardon  envers 
tous  ceux  dont  il  avait  eu  k  se  plaindre,  «Le  roi  de 
«France,  avait-il  dit,  ne  venge  pas  les  querelles d^in 
«  duc  d*Oriéans.  >• 
**99-  Un  traité  de  paix  avec  TRspagne  marqua  la  seconde 

année  du  nouveau  régne  en  France  :  il  entrait  dans  les 


Jt 


CHAPITRE    DIXIÈME.  235 

vues  de  Ferdinand  de  8*acconimoder  avec  cette  puis- 
sance, pour  la  mieux  tromper  plus  tard. 

Lie  traité  par  lequel  le  Roussillon  et  la  Cerdagne 
avaient  été  rendus  au  royaume  d'Aragon  réservait  au 
roi  de  France  la  faculté  de  pouvoir  soumettre  à  des 
arbitres  la  question  de  ses  droits  sur  ces  comtés,  quand 
bon  lui  semblerait.  Soit  que  IxMiis  XII  eût  manifesté 
Imtention  de  réclamer  le  bénéfice  de  cette  condition, 
soit  que  Ferdinand  la  regardât  comme  pouvant  être 
dangereuse  dans  qudques  circonstances  qu\>n  qe  pou- 
vait pas  prévoir,  U  résolut  de  s'en  affiranchir  et  intrigua 
pour  la  faire  effacer.  Le  moyen  qu'il  imagina ,  pour 
rendre  plus  facile  le  roi  de  France,  ce  fut  de fiiire  re- 
vivre lui-même  de  prétendus  droits  sur  la  Provence , 
laissée  par  testament  de  son  dernier  comte  au  roi 
LfOuis  XI,  et  sur  Montpellier,  dont  ses  ancêtres  avi^^nt 
jadis  possédé  une  partie  de  la  souveraineté.  La  guerre 
dltalie  était  le  vertige  de  l'époque  :  pour  poursuivre 
la  couronne  lointaine  et  chanceuse  de  Naples ,  Louis 
sacrifia  à  son  tour  les  dernières  ressources  qui  restaient 
à  la  France  pour  revendiquer  la  possession  du  Rous- 
siUon ,  qui  était  à  ses  portes  et  presque  à  ses  désirs. 

Avec  un  prince  du  caractère  de  Ferdinand ,  on  ne  >^oo- 
pouvait  pas  plus  compter  sur  la  religion  des  traités 
qu'on  ne  l'avait  pu  jadis  avec  Louis  XI  :  le  roi  de 
France  ne  devait  pas  l'ignorer ,  et  c'était  une  rais<Mi  de 
rester  sur  ses  gardes;  màisil  était  destiné  à  être,  comme 
son  prédécesseur,  la  victime  de  aa  bonne  foi.  Ses  pre- 


25/i  LIVRE  TIIOISIËME. 

mien  pas  en  Italie  avaient  été  cotironnés  d*uii  briUttit 
succès  ;  il  ctait  sur  le  point  de  rétablir  le^  affiûres  dtib 
France  au  fond  de  cette  péninsule ,  cfuand  Perdînailif, 
eflray é,  proposa  ce  partage  du  royaume  de  Ntpfea  €faSà 
arait  d'abord  retiisé' quand  Charies  le  lui  propbiÉi  lîtt* 
même.  Le  roi  de  Na[4es,  forcé  d'abandonneraontlélw 
et  de  choisir  entre  le  prince  qui  a^était  constaminêiit  el 
ouTertement  déclaré  aon  ennemi,  et  celui  qui  feln- 
hissait  en  se  disant  son  aHié ,  se  rendît,  en  Fnnœi  «I 
ii*eut  jamafs  Ueu  de  se  repentir  de  sa  confianoek  Smb 
royaume  fut  occupé  par  les  FVahçais  et  les  AragoiMus; 
Bientôt  Gonaalve ,  le  grand  capitaine,  s'empahi  pw 
trahisort  de  là  partie  qui  devait  rester  à  Louis  XD* 
|)endant  que  son  digne  maître  travaillait  k  soulcrvcrdt 
nouveau  contre  la  France  Tempereur,  le  pape  et  ici 
VéQÎtiens.  * 

f>immenses  préparatifs  pour  la  guerre  de  NeplaÉ^e 
faisaient  en  l*Vance  et  en  Espagne ,  et  celui  des  délia 
concurrents  qui  serait  le  plus  tôt  en  mesure  devait 
avoir  indubitablement  un  grand  avantage  sur  fentrob 
Ferdinand  le  savait,  et  il  eut  encore  recours  au  pkp- 
jure  pour  arriver  le  premier';  les  Français,  toujodn 
trompc's ,  se  laissèrent  tromper  encore  en  cette  oèca- 
sion.  Louis  ,  indigné  de  la  conduite  de  ce  princedans 
Taflairc  du  partage ,  avait  chassé  de  sa  com*  les  ambat^ 
sadeurs  d'Espagne ,  et  rompu  tout  commerce  avee  ce 
cabinet.  Ferdinand  songea  à  envoyer  &  Paris  quelqil*«n 
que  Ix>uiB  ne  pût  pas  refuser  d*écouter.  et  son  chou 


f 


CHAPITRE  DIXIÈME.  235 

s  arrêta  sur  rarchiduc  Philippe,  le  mari  de  Jeanne,  sa 
fille  4  Tenu  en  Gastille  pour  complaire  à  Isabelle,  mais 
(fB,  rebuté  de  ce  séjour,  tant  par  la  différente  des 
mœurs  et  des  usages  que  par  la  froideur  que  lui  témoi* 
gMÛt  son  beau-'père  »  voulait  retourner  en  Brabant  : 
c'est  sur  ce  prince  que  Ferdinand  jeta  les  yeux  poiit*  eti 
bire  rinstrument  d*uiie  nouvelle  perfidie.  Le  moyen 
qu'il  onploya  était  bien  usé;  tnaîis  par  un  avei:^emènt 
des  plus  inconcevables,  ce  qui  n'aurait  pas  réussi  au- 
près du  dernier  des  sujets  était  toujours  en  possession 
de  bieit  prendre  à  la  coui^.  Ferdinand  fit  proposer  au 
roi  de  France  le  mariage  de  i'ihfant  Charies  <le  Luxem- 
bourg ,  qui  fut  Clrartes-Quint ,  ?âgé  alors  de  deiix  ans , 
aVedla  princesse  Qâude^  fille  unique  de  Louis,  âgée 
eUennême  de  trois  ans;  et  Louis,  que  FerdfaiakMlse 
vantait  avec  impudeur  d  avoir  troihpé  phis  dé  dix- fois, 
n*eut  pas  la  prudence  d'apercevoir  le  piéj^e.  Le  thdté 
signé  en  conséqttence  à  Lyon  <  le  5  avril ,  donnait  à  là 
jeune  princesse  les  provinces  napblitaiiies  revenïiit  à 
là  France  par  f  &cte  de  partage,  et  le  roi  d'Ërfpagne  prd- 
mettait ,  dé  sou  côté,  de  eéder  à  Cbaries^  ion  jlëtit*^, 
la  Fouille  et  la  Calabre.  L'archiduc  Philippe  devait 
être ,  jusqu'à  f  accoiuplissément  du  mariage ,  Id  gardien 
de  ces  provinces  espagnoles ,  qui  seraient  à  cet  effet 
évacuées  par  Gonsalve  et  sou^  armée. 

Plein  d'honneur  et  de  pfobité ,' Louis ,  en  signant  le 
traité  du  5  avril,  avait  suspendu  tous  ses  préparatifs; 
mais,  ainsi  qu'on  pouvait  s'y  attendre,  Gonsalve  ne 


i5u.i. 


25(î  livre:  troisième. 

voulut  pas  reconnaître  Tautorité  de  Tarchiduc,  et  ce 
lut  au  moment  même  où  en  France  on  se  livrait  à  la 
joie  et  aux  réjouissances  pour  la  conclusioade  la  poi* 
qu'on  apprit  par  un  courrier  de  Marseille  qu*une  flotte 
espagnole  cinglait  vers  Naples,  et,  par  un  autre  courrier 
d'Allemagne,  que  deux  mille  lansquenets  embarqués  à 
Trieste  traversaient  également  le  golfe  Adriatique.  Le 
i*oi  d'Espagne  triomphant  rejeta  tout  l'odieux  de  cette 
fraude  sur  son  gendre,  qu'il  prétendit  n'avoir  agi  dans 
cette  af&ire  que  de  son  propre  mouvement.  Il  fit  [dos, 
il  accusa  ce  prince  d'avoir  cherché  à  le  dépouiller  lui* 
même  de  son  vivant ,  afin  d'acheter  par  cet  arrange- 
ment l'alliance  du  roi  Louis.  Philippe,  déshonoré  par 
son  beau-pére  et  honni  par  le  roi  de  France,  révéla  les 
turpitudes  du  premier,  en  montrant  ses  instructions 
écrites;  il  implora  la  clémence  de  Louis,  et  finit  par 
s'échapper  furtivement  de  France  pour  aller  cacher  sa 
honte  auprès  de  l'empereur  son  père^ 

Tout  en  faisant  la  guerre  à  Ferdinand ,  en  Italie , 
Louis  voulut  faire  quelques  démonstrations  du  côté  du 
Roussillon.  Les  maréchaux  de  Rieux  et  de  Gié  se  por- 

'  Garnier,  Hiti.  de  Franer,  Mariaiu  dit  que  If  roi  de  France  usa  de 
\iolencc  pour  forcer  l'arcliiduc  i  outre-passer  tes  pouvoirs,  ce  qu*oo  ne 
pourrait  gu^re  comprendre.  Garnie r  prouve  d'ailleurs  que  les  iuslmc- 
lions  dp  Philippe  fuient  oonfonnes  h  ce  qu*il  6t  en  Ie4  suivant ,  et  Goîe- 
dardini,  dans  son  Histoire  dltalie,  ne  dissimule  pas  la  mauv 
de  Ferdinand  dans  cetle  circonstance.  Ferreras ,  qui  dit  comme  ! 
«'onvicnt  ce|)en(Unl  que  Ferdinand  «%ait  prévenu  d*avancr  GoniaKede 
n'obëir  i  aucun  ardre  de  Philippe. 


238  LlVUb   TliOlSIEME. 

(le  la  défense  du  Tort  de  Salses ,  non  encore  entière- 
ment achevé.  L  approche  du  roi  d*Eftpagne  à  la  tétede 
forces  considérables  détermina  bientôt  les  Français  à 
abandonner  ce  sié^e ,  et  la  campagne,  qui  s'annonçait 
comme  si  terrible ,  se  réduisit  à  une  vaine  promet 
nade  en  Roussillon.  C'est  pendant  la  courte  durée  de 
ce  même  siège,  que  l'ingénieur  Ramire,  chargé  de  la 
construction  du  fort,  eut  recours  à  un  moyen  employé 
pour  la  première  fois  à  Naf^es  à  l'attaque  du  chiteau 
de  l'Œuf  t  par  Pierre  de  Navarre  »  celui  de  la  mine- 
Voyant  les  assaillants  dbriger  tous  leurs  efforts  contre 
un  boulevarty  Ramire  fit  placer,  comme  son  devan- 
cier, quelques  barils  de  poudre  dans  une  des  caves 
de  cette  partie,  dont  il  facilita  ensuite  la  prise;  et  quand 
les  Français  y  furent  entrés  en  grand  nombse,  il  y  fil 
mettre  le  feu  :  l'explosion  fit  perdre  la  vie  à  plus  de 
quatre  cents  hommes  ^ 

Le  roi  d'Espagne  entra  dans  Perpignan  le  1 9  octo- 
bre ,  avec  Tannée  la  plus  nombreuse  que  depuis  long- 
temps on  eut  vue  sur  ces  frontières.  Ce  même  jour  il 
annonça  son  arrivée  aux  Français  par  l'attaque  et  la 
prise  inunédiate  d'un  fortin  de  planches  construit  sur 
le  bord  de  la  mer,  au  passage  du  Grau.  Le  maréchal 
de  Rieux,  ne  se  trouvcuit  plus  en  force,  fit  filer  la  nuit 

'  Le  prciiiipr  oftsai  dos  niinrH  «It*  |;uerre  a\ait  Ho  lait  par  \tê  Oënoit 
«■11  I  i83 ,  (Irvaiit  Srri'ianella ,  \  îllt*  dr  T«>ftcaiic ,  mai^  miih  aucun  »urcés. 
Pii'iTi'  <lp  \a\am\  i^trou\diil  flans  vvMv  arnïM»,  avait  rlél«-iiioin  «le  ce! 
f«%ai .  rt  sut  en  linT  |»arti 


CHAPITRE    DIXIÈME.  239 

*  Suivante  son  artillerie  vers  Narbonne ,  et  il  rentra  lui- 
même  en  Languedoc.  Le  2  1  octobre  Tannée  espa- 
gnole,  forte  de  deux  mille  lances,  cinq  mille  ginètes  et 
plus  de  vingt  mille  fantassins,  avec  une  flotte  de  plus 
de  quarantegrosses  nefs  qui  suivait  la  cote,  pénétra  sur 
les  terres  de  France.  Le  2  8  le  duo  d' Albe  porta  son  camp 
sous  Leucate,  qui  fîit  forcé  de  se  rendre  ^  là  garnison 
restant  libre  de  rentrer  en  France.  La  Palme ,  Sigean , 
Fitou,  Roquefort  et  quelques  autres  lieux  fiirekit  aussi 
occupés  et  incendiés.  Si  nous  ne  dissimulons  pas  ce 
qu  a  fait  de  mal  Ferdinaàd ,  nous  ne  devons  rien  taire 
de  ce  qu*il  a  &it  de  bien.  Par  son  ordre  tous  les  bles- 
sés finançais  durent  transportés  à  Perpignan ,  où  ils  re* 
curent  les  mêmes  soins  que  les  Espagnols  sans  dis< 
tinotion  de  rang.  Une  trêve  de  cinq  mois  fîit  conclue 
à  la  fin  de  novembre,  et  Tannée  suivante  le  mariage  de 
Ferdinand ,  veuf  d'Isabelle  depuis  le  1 6  novembre , 
avec  Germaine  de  Foix,  nièce  de  Louis  XII,  amena 
la  paix. 

Ferdinand  n'était  roi  de  CastiUe  que  par  sa  femme: 
après  la  mort  dlsàbejle  il  dut  en  abandonner  le  titre, 
et  mettre  cette  couronne  sur  la  tête  de  Tarchiduc  Phi- 
lippe, son  gendre^  Étranger  akm  à  la  CastiUe,  fl  se 
retira  dans  son  royaume  d'Aragon.  Après  la  mort  de 

*  Le  lundi  au  point  du  jour,  3o  octobre  i5o3.  (QMiaXI,  G.  kjovê 
al  Rey  N.  S.,  Madrid ,  179^,  in-8*.  )  —  Sigean  s'était  rendu  à  G.  Ayora 
et  A  Pedro  Alvarez ,  commandant  un  détacbement  de  trente-cinq  cava- 
liers et  vingt  hommes  de  pied.  (J&ùiflai.  y  .    ' 


lôoA. 


i5o5. 


I  -toli 


2M  LIVRE   THOISIÈME. 

Philippe,  survenue  le  a  5  septembre  1 5o6,  Ferdinniil  • 
rentra  dans  Tadininistration  de  Théritage  de  sa  fille, 
dont  Tesprit  était  aliéné.  Enfin  le  vainqueur  de  Gie* 
'  >><^-  nade  succomba  lui-même  le  ^3  janvier  1 5 1 6,  laiamit 
à  sa  fdle  et  après  elle  k  son  petit-fils,  Charles  de  Luxem- 
bourg, toutes  les  couronnes  de  la  péninsule,  moins 
celle  de  Portugal. 

Ijouis  XII  avait  précédé  d*un  an  ce  prince  au  tom* 
beau  ;  il  était  mort  le  i*  janvier  1 5 1  S,  i  Tige  de  cîn- 
quante-trois  ans. 

Nous  avons  fait  connaître  le  caractère  de  Ferdinand 
par  sa  conduite  même.  Comme  roi,  Ferdinand  inC, 
dans  ses  relations  avec  les  autres  puissances»  le  pins 
fourbe  des  hommes.  C*cst  au  jeu  qu*il  sefit  sanscene 
de  la  bonne  foi  et  des  serments  les  plus  solennels,  que 
TElspagne  dut  la  grandeur,  la  puissance  et  le  vif  édat 
dont  elle  n  avait  jamais  brillé  avant  ce  règne,  qui  pré- 
para le  règne  glorieux  de  Charies-Quint.  Cest  k  cette 
même  cause,  que  la  France,  si  rétrécie  à  Tavénement 
de  Louis  XI  à  la  couronne,  avait  dû  son  agrandisse- 
ment sous  ce  monarque  et  l'acquisition  de  plusieors 
provinces  :  triste,  bien  triste  vérité  à  méditer!  Elle 
renferme  tout  le  système  de  Machiavel;  mais  c'est  que 
Machiavel  vivait  précisément  à  cette  époque,  et  qn*fl 
n  a  fait  que  réduire  en  théorie  et  en  préceptes  ce  que 
lui  enseignait  Texpénence  de  ce  qui  se  passait  sous  ses 
yeux.  Comme  administrateur,  Ferdinand  eut  desqua- 
lités auxquelles  fimpartialité  de  Thistoire  se  piait  Ji 


f 


CHAPITRE   DIXIEME.  241 

rendre  hommage.  Juste  et  équitable  envers  ses  peu- 
ples ,  il  les  protégea  contre  les  grands  dont  il  aimait  à 
rabaisser  Torgueil ,  et  c'était  là  encore  un  trait  de  plus 
de  ressemblance  de  ce  prince  avec  Louis  XI.  Ennemi 
<lu  faste ,  il  ne  (ut  ni  avare  ni  prodigue,  et  si,  pour  &iffe 
iace  aux  dépenses  considérables  de  son  règne,  il  cher- 
cha une  odieuse  source  de  finances  dans  la  confiscation 
des  biens  des  victimes  que  la  nouvelle  inquisition  éta- 
blie par  ses  soins  condanmait  par  milliers ,  du  moins 
il  ménagea  ses  peuples  du  côté  de  Timpôt.  Modéré 
dans  son  gouvernement,  il  couvrit  de  sa  royale  pro- 
tection les  sciences  et  les  arts;  enfin,  comme  son  père, 
il  ne  laissa  pas ,  dit-on,  dans  son  trésor  particulier  de 
quoi  suffire  aux  dépenses  de  ses  fiméraiUes. 

L'année  de  la  môtt  dlsàbelle ,  Tévêque  d*Elne ,  le 
cardinal  François  Lloris,  parent  du  pape  Alexandre  VI, 
iîit  élevé  à  la  dignité  de  patriarche  de  Constantinople. 
Porté  ensuite  à  Tévêché  de  Valence,  il  cumula  ce 
dernier  siège  avec  celui  d'Elne.  Lloris  fut  un  des  pré- 
lats qui  firent  le  plus  de  hpnte  à  T^lise^.  Successeur, 
dans  révêché  dElne,  du  trop  célèbre  César  Borgia, 
il  se  chargea  pour  ce  dernier  de  Thorrible  massacre  de 
Sinigaglia,  raconté  par  Machiavel;  et  quant  à  César 
Borgia ,  évêque  dËlne  avant  de  se  marier,  on  sait  que 
ce  fiit  Tun  des  plus  grands  scélérats  dont  ait  eu  à  rou- 
gir Thumamté. 

Jusqu'à  Lloris ,  le  siège  épiscopal  dElne  avait  été 
soumis  à  la  métropole  de  Narbonne  ;  Lloris  le  fit  placer 
II.  16 


242  LIVRE   TROISIÈME, 

sous  la  dépendance  immédiate  du  saint  siège ^  En 
1 558  le  concile  de  Tarente  Ibrrant  tous  les  évèqnèi 
sans  métro|K)litains  h  s'en  élire  un,  Tévêque  Martinei« 
qui  occupait  alors  cet  évèché,  opta  pour  Tarchevèque 
de  Tamigone. 

'  Nous  ayons  sous  les  yeui  un  catalogue,  sans  interruption,  de  dm- 
^uante<{uatre  évèques  dmine;  il  était  appendu  fort  aacMMiflBMBt  wmr 
les  parois  de  Téglise  d*£lne;  il  commence  aiusi  : 

I  Berengarius,  qui  Ecclesiam  sancti  Joannis  Perpiniani  ooniv- 
cravit,  gubemabat  Ecclesiam  anno  Domini  1 010,  et  finit  psr 
cette  bgne,  cpion  voit  bien  n*étre  pasla  dernière  :  S4  Fraa* 
ciscus  Ralmster,  et  Sala,  gubemabat  anno  1598.  Notco  do- 
cument n'est  rien  moins  que  conforme  au  travail  des  béné- 
dictins. Voici  la  série  des  noms,  k  partir  du  fameux  César 
Borgia  jusqu'à  Martinet. 

37  Osar  Borgia  Valentiuus,  papas  Alexandri  nepos.  S.  R.  £.  oifd., 

auno I A95. 

38  Franciflcufl  Lions,  Valentinus.  S.  R.  R.  canl.  regebat 

anno 1 199. 

39  Jaoobus  Serra ,  Valentinus,  patriarcba Constan. S.  R.  B., 

card.,  anno. .* 1 5o6. 

ho  Joannes  Vilalba  ,  Cathalanns,  gubemabat  anno i5i& 

4i  Beraardusde  Mesa,  Castellanus,  gub i5i7 

4  3  linillelmus  de  Valdenensa ,  Burgundns,  re|;efaat 1 5t&. 

43  Ferdinandus de  Valdes,Castellanus,  gub lâtf. 

\  4  I  lieron jmus  de  Oria ,  Genuensis.  S.  R.  E.  card.  reg.  an  •  1  S3o 

45  Jacobu»  Rich .  Catalanus,  gub.  an 1 53 1- 

46  Hieronymus  de  Requesens,  Catal.  gub • . .  • .  1 537 

47  Ferdinandus  a  LIoases,  Valentinus,  reg 1  SAs- 

48  Petrus  .Augustinus,  Casaragu»tanus,  rpiscopus ,  creatus 

anno i544. 

49  Micbael  Puig,  (jithalanus,  regimen  Rcdem  suscepit 

anno I&45. 

S»     Raphaël  Vbacb ,  Cathalanus,  gub.  an i&&3. 

ji      Lupus  Martinet  l«agonilU.  Aragonius,  reg.  au 558 


CHAPITRE    DIXIÈME.  243 

C'est  sous  le  règne  de  Ferdinand  que  s'établit  en 
Espagne ,  comme  en  Catalogne  et  en  Roussillon ,  l'usage 
de  parler  à  la  troisième  personnel 

La  lèpre  reparut  à  Perpignan  Tannée  qui  suivit  la 
mort  de  Ferdinand.  Le  5  octobre  1 5 1 7  les  consuls  de 
cette  ville  remirent  en  vigueur  Tancienne  ordonnance 
de  Jaymel,  qui  infligeait  la^tigation  aux  mazeaux 
étrangers  ^. 

La  ville  de  Perpignan  posséda  une  iniprûnerie 
dès  I  5oo*.  Mestre  Johan  Rosembacb ,  Âlamany ,  c'est- 
à-dire  de  nation  allemafide,  publia  encore  la  chirui^gie 
de  l'Italien  Père  de  Argilata^  ou  Ai^elata,  traduite  en 
catalan  par  En  Narcis  Sola ,  et  corrigée  par  trois  Per- 
pignanais  ^. 

Nous  allons  voir  plus  loin  que  si  Ferdinand  n^it  ^e. 
l'opiniâtreté  à  rétablir  l'inquisition,  le  peuple  et  les 
corts  surent,  lui  résister  avec  énergie. 

*  Carbonel ,  Chronic.  de  Esp.  T  209. 
'  Liber  ^rdinat. 

'  Drtviaritun  secundum  conMoekidinem  EccUêia  Elnensis,  Perpiniaiù» 
par  J.  Rosembacb,  in-6*.  {Hist.  de  Imprimerie,  sect.  xii,  prem.  part, 
p. 93,  49.) 

*  Francescb  Serrent,  Alfonso  de  Torelleo,  et  Johaa  Odabert,  1  vûl. 
in-P  de  trois  cent  huit  feuillets  ou  à%  cent  seize  p«^«  plus  dpuie 
pages  de  table.  Perpignan,  1 5o3. 


16. 


24/i  LIVRR   TROISIÈME. 


CHAPITRE   XI. 

Inquisition  ancienne  et  nouvelle.  — Saint  oflice  de  BoumSIim. 

—  Multiplicité  des  familiers.  —  Nombre  réglé  par  les  oorta. 

—  François  I"  et  Charles-Quint  aspirent  à  Tempire.  —  Nod- 
vellcs. guerres.  —  Siège  de  Perpignan.  —  Le  duc  d*AIbe.  — 
Roussillonnais  rachetés  par  François  I*. 

Ferdinand  réorganisa  dans  les  différente  royanmes 
de  la  monarchie  espagnole  Toffire  de  Tinquisition, 
prescjue  tombé  dans  Toubli  depuis  le  xin*  siècle ,  et  il 
lui  donna  une  forme  nouvelle  qui  la  rendit  mille  fois 
plus  tyrannique  et  plus  atroce  que  Tanciennc. 

Ce  tribunal ,  qu*on  ne  sait  comment  qualifier,  dont 
les  jtiges  provoquaient  les  dénonciations  par  tous  les 
moyens,  les  accueillaient  également  de  toutes  les 
sources  et  en  faisaient  un  mystère  à  l'accusé  afin  d'aug- 
menter la  somme  de  sa  culpabilité  des  faits  dont  il  était 
forcé  de  s'accuser  lui-même  en  cherchant  h  deviner  le 
grief  (pi*on  lui  imputait;  qui  n  ouvrait  jamais  une  porte 
«lu  repentir,  une  voie  à  Vinnocence,  et  ne  voulait  trou- 
ver que  des  coupables  dans  ses  accuses  ;  qui  faisait  de 
Teflroi  de  Tinculpé  une  présomption  terrible ,  et  d*un 
violent  soupçon  une  preuve  suflisante  excluant  celle 
du  contraire*;  qui  n'interrogeait  qu'au  nn'lieu des  tor- 

'  Violenta  eniin  su^pirio ad  cnmlemnanduni  Auffint .  ri  pn>baiioiiem 


CHAPITRE   ONZIÈME.  245 

tures,  ne  procédait  qu'au  milieu  des  ténèbres,  n'était 
astreint  à  aucun  code  et  ne  suivait  que  l'arbitraire^;  ce 
tribunal ,  institué  dans  les  temps  d'ignorance  et  de 
barbarie  avec  des  formes  bien  moins  cruelles,  devint 
la  plus  horrible  monstruosité ,  par  les  soins  de  Ferdi- 
nand ,  et  par  l'infernale  organisation  que  lui  donnèrent 
à  i'envi  les  grands  inquisiteurs  Torquemada,  Deza  et 
Lucero,  qui  dans  l'espace  de  vingt-deux  ans  pronon- 
cèrent, à  eux  setds,  cent  cinquante  et  un  mille  quatre 
cent  soixante  et  treize  condamnations  |  dont  douze  mille 
sept  cent  quatre-vingt-douze  aux  flammes*. 

L'hérésie  des  Albigeois  avait  donné  lieu  à  l'érection 
d'un  tribunal  ecclésiastique  chaîné  de  poursuivre  les 
hérésiarques  ;  mais  cette  première  institution  ne  cons- 
tituait pas  un  corps  permanent;  elle  ne  consistait  qu'en 
des  commissions  données  temporairement,  et  pour  un 
temps  toujours  assez  court,  aux  moines  de  la  fondation 
de  saint  Dominique.  Après  la  mort  d*Innocent  III , 
créateur  de  ce  saint  office,  Grégoire  IX,  son  suc- 
cesseur, donna  à  4'inquisition  ime  forme  stable.  La 
proximité  de  la  Catalogne  du  pays  des  Albigeois  fit 
étendre  l'inquisition  sur  toute  la  principauté. 

Le  roi  d'Aragon,  Jayme  II,  s'était  déclaré  le  protec- 
teur fervent  du  saint  office;  le  22  avril  1292  il  avait 
ordonné  à  toutes  les  cours  de  justice  de  ses  états  de 

coatrariam  non  admittit.  Ejmerici  Direciorimm  iMupùiU^rum,  p.  3^. 
Director.  inquisitoram. 
Llorente ,  HUt,  de  Tinquisit,  d^Esp. 


I 
s 


246  LIVRE   TROISIÈME. 

prêter  main-forte  au&  inquisiteurs  ;  mais  ses  peuples 
n  avaient  pas  jxirtagc  son  enthousiasme  :  plusieurs  in- 
quisiteurs et  grand  nombre  de  moines  qui  leur  étaient 
adjoints  p<^rirenten  divers  lieux,  victimes  de  la  furenr 
populaire. 

La  laveur  de  rinqtiisition  allait  toujours  croiiiant 
auprès  des  souverains  des  divers  états  de  la  Péninsule* 
où ,  À  la  honte  étemelle  de  l'humanité ,  on  avait  ▼■ 
même  un  roi,  Ferdinand  III,  de  Castille,  porter  sur  tes 
propres  épaules  le  bois  destiné  à  brûler  pfaisieaft  de 
ses  sujets,  sous  Imlâme  prétexte  du  bien  de  la  religion^. 
L*£spagne  avait  été  divisée  en  deux  grandes  proi^iilces 
inquisitoriales;  la  première,  sous  le  nom  deprovinee 
d'Espagne,  se  composait  des  royaumes  deCastilleet 
de  Portugal;  la  seconde,  sous  celui  de  province  d'A- 
ragon, comprenait  rAragon,la  Navarre,  Valence;  h 
Catalogne,  le  Roussillpn,  la  Cerdagne  et  les  flea 
Baléares.  Telle  était  Torganisation  de  la  première  ià 
quisition  d'Espagne ,  quand  Ferdinand  vint  la  tirer  de 
la  désuétude  dans  laquelle  elle  était  tombée. 

La  forme  nouvelle  que  Tépoux  d'Isabelle  donna  à 
cet  ancien  tribunal  avait  jeté  l'alarme  dans  TAragon. 
Jusque-IA  l'inquisition ,  quelque  rigoureuse  qu'elle 
fût ,  conservant  les  apparences  de  la  justice,  avait  oflRni 

'  Lucas  de  Toy,  Chrûn.  dn  monde:  Pulgar,  Hltt.  de  Ptdmrm:  VU^ 
rente,  Uisi.  dr  finquitit.  Alphonse  X,  fils  de  re  roi,  disait  de  ton  père 
(prH  eirelltil  en  tqtl  choies:  boire,  manger,  être  assis,  rire  coùèW, 
aller,  rester  en  place  et  che\auchrr  ;  il  aurait  pu  en  ajouter  une  hui* 
ti^nir 


248  LIVHE   TROISIÈME, 

pas  devait  être  condamné  comme  convaincu  :  telle 
était  la  forme  de  procédure  indiquée  aux  inquiAiteart 
dans  leur  directoire  '. 

Un  code  aussi  immoral  qu'arbitraire  et  sanguiaure 
souleva  ime  indignation  générale  dans  toute  l'étendue 
du  royaume  d'Aragon.  £n  Catalogne,  à  Valence,  i 
Majorque ,  en  Roussillon,  pays  où  la  confiscation  des 
biens  et  le  secret  des  dénonciations  étaient  contraints 
aux  libertés  publiques ,  l'irritation  des  esprits  fit  com- 
mettre une  foule  de  meurtres  ^.  Ces  excès  ne  changé» 
rent  rien  à  la  résolution  de  Ferdinand ,  et  causèrent  le 
supplice  d'un  grand  nombre  de  nouveaux  chrétiens, 
qu'on  accusa  d'être  les  moteurs  de  ces  graves  désordres  : 
un  mot  explique  l'obstination  de  Ferdinand;  ce  mot, 
c'est  le  besoin  d'argent.  Les  chrétiens  nouveaux  étaient 
de  riches  Juifs,  ou  des  enfants  de  Juifs  baptisés,  dont 
l'hérésie  déclarée  constante  par  l'inquisition,  entrainail 
la  perte  de  tous  les  biens  confisqués  au  profit  du  fise. 
L'inébranlable  fermeté  de  Ferdinand  triompha  par* 
tout ,  malgré  la  vive  résistance  de  la  Catalogne ,  qui  ne 
put  être  réduite  qu'en  i  A87,  c'est-à*dire  huit  ans  après 
l'établissement  de  cet  épouvantable  tribunal  en  Ca»> 
tille,  et  trois  ans  après  son  introduction  dans  f  Aragon. 

La  fermentation  n'était  pas  éteinte  dans  les  états 
patrimoniaux  de  Ferdinand.  En  1 5 1  o  les  corts  d'Ara* 
gon  adressèrent  des  remontrances  au  roi,  pour 


*  Vide  Direclorium  inquitilorum  Ëvmericî ,  SS  3,  1 1 , 1  a ,  1 5, 1 6  et  1 7. 
'  LIorentf. 


CHAPITRE   ONZIÈME.  249 

plaindre  de  renvahissement  des  inquisiteurs,  qui  ne  se 
bornaient  pas  aux  recherches  des  délits  concernant  la 
foi ,  mais  qui  allaient  jusqu'à  prétendre  r^er  lei»  im- 
pôts et  ajoutaient  chaque  jour  aux  franchises  qui  leur 
étaient  accordées  ;  qui ,  augmentant  aussi  hors  de  pro- 
portion le  nombre  de  leurs  familiers ,  diminuaient  con- 
sidérablement par  là  celui  des  contribuables  aux  chaires 
publiques  devenues  plus  onéreuses^  à  ceux  qui  de- 
vaient y  satisfaire;  elles  se  plaignaient  encore  que,  dès 
que  les  magistrats  voulaient  a'opposer  aux  prétentions 
des  inquisiteurs ,  ceux^i  les  menaçaient  des  f(mdres  de 
féglise ,  ce  qui  les  arrêtait  eux-mêmes ,  ne  voulant  pas 
8*exposer  à  l'ignominie  des  auto-da-fé,  «  comme  il  était 
«arrivé  à  des  vice-rois  et  à  des  gouverneurs  de  Bar- 
«celone,  Valence,  Majorque,  Sardaigne  et  Sicile,  et 
a  même  à  des  grands  d*Ëspagne  ;  »  elles  suppiiaieïitt  enfin 
le  roi  de  pourvoir  au  maintien  des  constitutions  du 
royaume ,  et  d'enjoindre  aux  inquisiteurs  de  donner  à 
leurs  procédtlres  toute  la  publicité  des  procédtu^s 
criminelles^.  ^ 

Ferdinand ,  dans  la  crainte  d'une  insurrection  de 
f  Aragon  et  de  la  Catalogne,  h*osa  pas  repousser  ouver- 
tement ces  plaintes ,  mais ,  comme  il  tenait  à  son  insti- 
tution et  qu'il  ne  votdait  pas  revenir  sur  ce  qu'fl  avait 
ordonné,  il  répondit  en' biaisant,  et  renvoya  ladis^ 
cussion  de  cette  afiaii*e  à  la  prochaine  seteion  des 
corts.  Pressé  de^  nouveau  en  1 5 1  d,  il  (tdlut  contenter 

>  Conttit.  de  Catal. 


250  LIVHK   TUOISIBMiL 

les  états,  et  il  donna  des  statuts  qui  fixaietit  b  jitfi'' 
diction  du  saint  office  en  la  renfennant  dans  set  véri* 
tables  limites  ^ 

On  sait  qu*il  en  coûtait  auiSf  i  peu  à  JKerdinand  pour 
engager  sa  parole  que  pour  la  violer  :  forcé ,  poiir  la 
tranquillité  de  son  royaume,  de  modifier  sa  premièif 
résolution ,  il  se  fit  expédier. par  le  pape,  le  3q  msH 
1 6 1 3,  un  bref  qui  le  dispensait  de  tenir  son  seroMol. 
A  cette  nouvelle,  un  cri  d*indignation  s  éleva,  «tua 
nouveau  soulèvement  eut  lieli.  Ferdinand ,  recodmk- 
sant  alors  l'impossibilité  de  soutenir  son  systèiBe.daila 
les  provinces  d* Aragon ,  fut  contraint  de  renonodf  tH 
bref  qu  il  avait  provoqué ,  et  d*en  demander  ua  UM 
contraire,  celui  de  la  confirmation  du  décret  itedu 
dans  la  session  des  corts  :  ce  nouveau  bref  <CI  4u 
12  mai  i5i5.  

Les  articles  arrêtés  dans  les  rorts  de  1 5 1  a  af  aieBl 
été  reconnus  insuffisants  pour  arrêter  les  envahitae- 
inents  toujours  croissants  des  inquisiteurs;  celles  Àt 
i5i8  demandèrent  dy  ajouter  quelques  nouyfflea 
dispositions  reconnues  indispensables.  A  cette  épojque 
Ferdinand  n'était  plus.  Charles-Quint,  noaant  f^^tOt 
entièrement  ces  réclamations ,  fit  une  réponse  amJbi- 
guê.  L'année  suivante,  cïomme  il  présidait  pontf.h 
première  fois  les  corts  de  Catalogue,  des  réiocfM» 
dans  le  même  sens  lui  furent  demandées  ennpUBt.et 
Cliades  ne  promit  prcs<|ue  rien,  cna\aiitraîr«ie|Mt>- 

'   CnnêM.  dr  (laial. 


r 


CHAPITRE   ONZIÈME.  251 

mettre  beaucoup;  mais,  bien  difTérent  de  son  aieui, 
il  fit  exécuter  fidèlement  ce  qu'il  avait  jtu^. 

L'orgueil  et  Tarrogance  des  inquisiteurs  étaient  tels, 
que  ce  n'était  que  ia  menace  à  la  bouche  qu'ils 
s'adressaient  k  l'autorité  séculière.  Voici  le  modèle  des 
lettres  par  lesquelles  ils  devaient  requérir  son  secourSi 

«Frère  N.,  de  l'ordre  des  prècheurSi,  inquisiteur  de 
«k  perversité  hérétique,  spécialement  délégué  par 
41  le  saint  siège  apostolique  dans  telles  terres ,  ou  dans 
«  les  domaines  de  tel  seigneui*,  aux  vénérables  et  chers 
«en  J.  C,  N.  bailli  (ou  sous-bai&i  où  N.  consuls)  de 
«  telle  ville  ou  de  tcd  lieu ,  salut  et  ordre  d'obéir  fiuv 
a  mellement  à  nos  mandats ,  où  plus  véritablement 
M  aux  mandats  apostoliques. 

«  Comme  tous  ceux  qui  dnt  été  revivifiés  à  la  fon- 
te taine  du  baptême ,  et  principafement  les  sei^èurs 
«temporels,  donstù^^  officieré  et  autres  recteurs  et 
a  présidents  au  régime  des  rillès ,  châteaux  et  autres 
«lieux,  sont  tenus  d'aider  lléglise  suivant  leur  pouvoir 
«et  leur  office,  dans  la  défense  de  notre . saîntef  £m 
«  orthodoxe  et  l'extiirpation  de  la  perversité  .hérétique , 
«  s'ils  veulent  rester  fidèles  et  être  réputés  tels  par  les 
«autres;  qu'ils  dotveht  jurer  de  le  fidre  quand  i}s  en 
«  seront  requis  par  les  évoques  ou  les  inquisiteurs  ^  s'ils 
«  veulent  éviter  lés  graves  et  nbmbt^uses  peincto  de 
«droit,  ainsi  que  l'enseignent  les  institutimfis  ouioni^ 
«^eé;  Noué,  qui  venons  dans -telle  vîHe  pour  cause 
«  de  foi ,  et  y  sommes  présent  èii  ce  moment ,  et  qui 


252  LIVRE  TROISIEME. 

tt avons  à  y  remplir  certains  devoirs  difficiles  de  Cm* 
a  pour  la  sainte  défense  de  cette  foi  et  f  extirpation  de 
«la  perversité  hérétique;  ce  que  nous  ne  pouvons 
«faire  romniodénient  si  ce  nest  avec  le  secours ^ne 
«nous  invoquons  de  vos  bras  séculiers;  cest  pour* 
«  quoi,  de  par  l'autorité  apostolique  dont  nous  joui* 
«  sons  dans  cette  partie ,  nous  vous  requérons  •  vous 
«et  chacun  de  vous,  vous  avertissons  et,  tout  en 
«  vous  avertissant ,  en  vertu  de  la  sainte  obéissance  et 
«  sous  les  peines  de  droit  vous  ordonnons  et  comman- 
u  dons  qu'après  les  trois  jours  prochainement  et  natu- 
«  rellement  suivant  celui-ci ,  dont  le  premier  complcn 
«pour  le  premier,  le  suivant  pour  le  second  et  le 
«  troisième  pour  le  troisième  jour,  et  qui  vaudront 
«  pour  une  péremptoire  ettriple  monition  apostolique, 
«tel  jour,  qui  sera  le  suivant  immédiat,  vous  venies 
«  dans  telle  terre ,  à  telle  heure  et  en  tel  lieu,  et  oom- 
«  paraissiez  personnellement  par  devant  nous ,  et  que 
«vous  y  prêtiez  corporellement  le  serment  sur  les 
«  quatre  saints  évangiles  de  Dieu ,  juriez  et  prometties 
«  que  tout  le  temps  que  vous  remplirez  loflice  de  votre 
«charge  vous  aiderez  fidèlement  et  efficacement 
u  r^ise  contre  les  hérétiques  et  leurs  complices  quand 
«  vous  en  serez  requis  par  nous,  de  bonne  loi  suivent 
«  votre  charge  et  votre  pouvoir,  et  que  vous  obser- 
«  verez  et  ferez  observer  inviolablement  dans  les  lenes 
«  soumises  à  votre  juridiction  et  à  votre  régime  les 
«  constitutions  promulguées  et  approuvées  |)ar  le  saint 


CHAPITRE  ONZIÈME.  255 

«  siège  apostolique  contre  les  hérétiques,  leurs  adhé- 
«  rents ,  receleurs ,  fauteurs  et  défenseurs ,  leurs  fds  et 
w  leurs  neveux.  Que  si,  ce  quà  Dieu  ne  plaise,  vous 
u  vous  rendiez,  ingrats  à  nos  monitions ,  mandats  et 
«commandements,  ou  plus  véritablement  aux  com- 
«  mandements  apostoliques,  et  que  vous  fussiez  re- 
«  belles  à  nos  avertissements  et  mandats  en  ne  com- 
«paraissant  pas  dans  le  terme  qui  vous  est  assigné, 
u  sachez ,  vous  et  chacun  de  vous  qui  seriez  ainsi  re* 
«belles,  contumax  et  désobéissants  envers  nous,  ou 
«  plutôt  à  la  véritable  sainte  ^lise  de  Dieu ,  que  vous 
«  êtes  noués  et  noués  par  une  sentence  d'excommuni- 
«cation,  laquelle  sentence  d'excommunication  nous 
«promulguons  par  cet  écrit  dès  aujourd'hui  pour 
«  alors ,  et  alors  comme  aujourd'hui  (votre  contumacie 
«l'exigeant  et  la  justice  le  requérant)  contre  vous  et 
«  chacun  de  vous  qui  serait  ainsi  désobéissant ,  contu- 
«max  et  rebelle  è  nous,  ou  plutôt  k  notre  très-saint 
«  père  le  pape  ;  vous  notifiant  que  si  vous  vous  laissez 
«  ainsi  nouer  par  notre  dite  sentence ,  nous  procéde- 
«  rons  contre  vous  à  d'autres  peines  plus  graves,,  suivant 
«  que  vous  les  aurez  encourues ,  ainsi  que  le  veulent 
«  le  droit  et  la  justice.  Donné  sous  notre  sceau,  tel  jour 
«de tel  mois,  en  telle  année  et  tel  lieu^.  ^ 

Rien  ne  nous  &it  connaître  que  ces  horribles  juge- 
ments rendus  par  l'inquisition  sous  le  nom  d'acte  de 
foi ,  et  qui  j  étaient  l'épouvante  dans  toutes  les  provinces 

1   Direct,  inqaisit.  p.  SgS. 


254  LIVHi:    TKlMSIliiMK. 

(rKs|>agiie  ;  que  les  relaxations  au  hrus  séculier,  qui  eu 
étaient  la  ronséqueure .  c'est-à-dire  que  de  barbares 
sarrifiees  humains  aient  eu  lieu  en  Roi»sillon  depuis 
le  rétablissement  de  Tinquisition  par  Ferdinand; 
aucunes  archives,  aucuns  registres,  aucuns  documents 
n*en  consen'ent  des  tracées .  et  dans  le  grand  nombre 
de  procès  rapportés  par  rhistoricnde  cette  déplorable 
institution .  il  n  en  est  aucun  qui  appartienne  à  cette 
province. 

Le  saint  oflice  d'Aragon  rugissait  de  devoir  se  rési- 
gner à  rester  dans  les  limites  que  lui  traçaient  les  cons- 
titutions locales ,  quand  il  voyait  celui  de  Castille  gvni- 
venierdespnti(|uemcnt  l'autre  moitié  de  TËspagne  et 
le  nouveau  monde.  Les  continuels  empiétements  de  ce 
tribunal  forcèrent  encore  plusieurs  l'ois  les  corta 
d'adresser  au  roi  de  nouvelles  ré(*lamations.  Le  nom- 
bre des  familiers  avait  tellement  pullulé ,  malgré  ce 
qui  avait  été  arrêté  dans  les  corts  de  1 5 1 3,  qu'on  ne 
pouvait  plus  faire  un  pas  sans  être  entouré  d'un  essakn 
d'espions  intéressés  h  faille  des  rapports.  EnRoussiUon, 
où,  comme  nous  lavons  montré  déjà,  tant  de  gens, 
pour  se  soustniireâ  la  juridiction  de  l'ordinaire ,  en- 
tniient  dans  la  eléricatun*,  le  saint  oflice,  qui  avait 
aussi  sa  juridiction  k  |iart ,  ne  pouvait  \ïas  manquer 
d'avoir  de  nombreux  ailidés  ;  quelquefois  même,  sous 
le  pn'*texte  de  la  commission  de  familier,  les  inquisi- 
teurs prenaient  sous  leur  pnitectionrertainsdélinquanta 
f^rils  voulaiiMit  snustrain*  aux  rerli«M*rh<*s  d«'  la  justice* 


CHAPITRE   ONZIÈME.  255 

séculière.  Cest  ainsi  qu'en  i533  le  procureur  royal 
de  Roussillon  et  le  juge  du  domaine  ayant  fait  enlever, 
pour  cause  de  banqueroute,  les  livres  et  écritures  d  un 
certain  André  Fabre ,  de  Perpignan ,  soi-disant  fami- 
lier dé  l'inquisition ,  lé  commissaire  du  saint  office 
leur  enjoignit  de  les  lui  restituer,  et,  sur  leur  refus, 
les  frappa  d'excommunication  et  d'une  amende  de  cinq 
cents  ducats  d'or.  Les  officiers  royaux  se  plaignirent 
an  grand  inquisiteur, le  cardinal  archevêque  de  Séville, 
qui,  le  3  septembre  de  la  même  année,  les  releva  de 
l'excommunication  et  de  l'amende,  et  manda  à  son 
délégué  de  rendre  la  connaissance  de  l'af&ire  de  Fabre 
au  }uge  à  qui  elle  appartenait,  pour  que  justice  fôt 
fidte  à  qui  et  par  qui  de  droit  ^. 

Les  mêmes  causes  qvce  nous  avons  déjà  s^inidées 
comme  paralysant  en  Roussillon  l'eflfet  des  meitteures 
ordonnances  de  l'autorité  suprême ,  quand  elles  con- 
trariaient des  intérêts  privés ,  avaient  fait  maintenir 
dans  ce  comté  la  multiplicité  des  agents  de  l'inquisi- 
tion, mal^é  l'ordre  d'en  réduire  le  nombre.  De  nou- 
velles plaintes  iurent  portées  au  commencem^fit  de 
1 559,  et  le  ^  mars  suivant  le  conseil  du  roi  «  informé 
«  par  les  consuls  de  PlArpignan  que  i'inquisition  avait 
«dans  cette  vUle  une  quantité  infime  de  fan^iers  qui 
«  ne  reconnaissaient  d'autre  juridiction  que  c^e  du 
«commissaire  du  saint  office;  que  cet  état  de  choses 
a  est  contraire  à  f  ordre  public ,  attendu  queees  finni- 

'   Arck.  Dom, 


^ 


256  LIVHF.   TROISIÈME. 

«  liers,  exerçant  les  professions  de  pécheurs  et  de  re- 
((Vendeurs,  ronimettaient  dans  ces  firoressions  de» 
A  délits  pour  lesquels  Fautorité  locale  ne  pouTut  pas 
((  les  rechercher,  les  rend  k  la  juridiction  de  ces  w»^«!Wff 
(I  consuls  pour  qu  ils  puissent  les  châtier  toutes  hm 
((  fois  quiis  le  mériteront  ^  n  Cet  abus  cessa  momcaie^ 
nément  comme  les  autres ,  et  ne  tarda  pas  k  repandire 
plus  fort  qu'auparavant.  De  nonUireuses  réclamatiofis 
eurent  encore  lieu,  et  en  i  Sgg  les  corts  de  Barccioiie 
obtinrent  que  le  nombre  des  familiers  fût  enfin  rédah 
et  maintenu  à  celui  fixé  par  Tarrét  des  corta  de  i5is. 
Il  fut  rég^é  en  conséquence,  que  le  grand  iiiqukitear 
retirerait  dans  le  délai  de  deux  mois,  s *il  était  ponnfliki, 
toutes  les  commissions  et  familiarités  délivrées  en 
Catalogne ,  Roussillon  et  Cerdagne ,  et  que  le  nombre 
des  nouveaux  commissionnés  serait  de  quatre  seule- 
ment pour  Barcelone  et  pour  toutes  les  villes  de 
quatre  cents  feux  et  au-dessus,  de  deux  pour  les  villes  de 
deux  cents  k  quatre  cents  feux;  et  que  pour  toutes  les 
autres  et  pour  les  villages  et  tous  autres  lieux  des  trais 
comtés,  il  y  aurait  quarante  familiers  en  tout,  répartis 
de  mani  j^re  à  ce  q  u  il  y  en  eût  un  seulement  pour  chaque 
deux  cents  maisons ,  soit  agglomérées  soit  éparses,  en- 
tant ,  autant  que  possible,  que  le  lieu  de  la  résideoee 
de  ces  familiers  fût  le  même  que  celui  des  barons.  On 
arrêta  de  plus  que  l'inquisiteur  nommé  pour  les  trais 
comtés  serait  tenu  de  jurer,  en  prenant  possession  de 

'    Lih.  Aft/rn 


4 


CHAPITRE    ONZIEME.  257 

sa  charge ,  d^observer  fidèlement  les  statuts  de  i  5 1 2 , 
et  que  le  notaire  du  saint  office  qui  recevrait  le  ser- 
ment en  délivrerait  un  certificat  authentique    à  la 
députation.  Si  l'inquisiteur  venait  à  manquer  à  quel- 
qu'une de  ces  capitulations,  les  députés  étaient  auto- 
risés à  retenir  les  six  cents  livres  de  censivesque  la  pro- 
vince lui  payait ,  jusqu'à  ce  qu'il  se  fut  rangé  à  son 
devoir  :  c'était  le  meilleur  moyen  de  le  forcer  à  ne 
plus  sortir  de  ses  attributions. 

L'inquisition  de  Roussillon  fut  abolie  quand  cette' 
province  passa  sous  le  régime  français.  Le  titre  d'in- 
quisiteur fut  conservé  à  l'évêque  de  Perpignan  jus- 
qu'à l'an  1 788 ,  où  ce  titre  fut  définitivement  sup- 
primé; le  nouvel  évêque  nommé  à  cette  époque,  de 
Leyris  d'Esponchés,  continua  néanmoins  à  jouir  du 
revenu  et  des  prébendes  attachés  à  ce  titrée 

Après  sa  rentrée  sous  la  domination  espagnole ,  le  ch«rfe»  v. 
Roussillon  goûta  ce  repos  auquel  il  n'était  plus  accou- 
tumé depuis  longtemps  et  dont  il  avait  un  si  grand 
besoin  à  la  suite  de  tant  de  désastres.  Ce  repos  ne  fut 
que  légèrehiSnt  troublé  pendant  les  guerres  de  la  riva- 
.    lilé  de  FrançoisJ*  et  de  Charles-Quint. 

*  L'état  àê  Roussillon  en  1761 ,  ms.  déjà  cité,  porte  ainsi  les  re- 
venus de  monseigneur  de  Gouy  d^Avrincourtfcomme  évéqne  d*]^e, 
quatorze  mille  livres  *,  comme  abbé  de  la  Real ,  deux  mille;  comme  abbé 
commandataire  d'Arles,  sept  mille;  comme  chancelier  de  l'université , 
cent  cinquante,  en  tout  vingt-trois  mille  eenfccinquante  livres.  On  croit 
que  le  tribunal  de  Tinquisition ,  à  Perpignan ,  était  dans  la  rue  actuelle 
de  la  Monnaie. 

II.  17 


2M  LIVKK    TKOISIKMK. 

Leinprrour  Maxiniilien ,  qui  au  liVu  d*avoir  Tam- 
bilion  (le  (l(*v(*nir  un  grand  prîiire  avait  celle  de  mou- 
rir pape,  ayant  quitté,  sans  avoir  la  tiare,  la  rouronnr 
impériale  avec  la  vie,  le  i  a  janvier  i  Sao,  les  rois  de 
F'raiice  et  d*Espagiiese  mirent  sur  les  rangs  pour  être 
portés  à  cette  dignité  par  la  diète  électorale.  Malheu- 
reusement pour  le  roi  de  France,  Maximilicn,  dans  sa 
manie  de  |>apauté,  s'était  assuré  l'assistance  de  Ferdî* 
nand,  en  lui  promettant  de  résigner  Tempirc  entre  les  ' 
mains  de  Charles,  leur  commun  petit-fds,  et,  k  cette 
(condition,  le  roi  d'Espagne  lui  avait  promis  les  suf- 
frages des  cardinaux  de  ses  états.  Autant  pour  né  pas 
revenir  sur  ses  promesses  que  pour  (*onserver  la  cou- 
ronne impériale  dans  sa  maison,  Maximilien  avait  £iit 
lui-même ,  avant  sa  mort ,  des  instances  auprès  des 
électeurs  en  faveur  de  l'archiduc  Charles. 

Dans  cette  circonstance  la  diète  électorale  n'auraîl 
pas  dû  examiner  les  titres  des  deux  princes  rivaux  k 
l'obtention  de  son  suilrage ,  mais  bien  les  motifs  qui 
devaient  les  faire  exclure  tous  deux  ;  car  ni  le  roi  de 
France  ni  celui  d'Espagne  ne  pouvaient  convenir  A 
l'empire.  Possesseurs  l'un  et  l'autre  d'une  grande  cou- 
roime  qui  leur  procurait  les  moy(*ns  delever  de  puis- 
santes amiées  indépendantes  de  rAllemagne,  François 
et  Charles  se  présentaient  égalenuMit  redoutables 
devant  la  confédération  gemiainquc.  En  passimt  par- 
dessus ces  considérations  vitales,  l«vs  |)rinces  dont  la 
réun%n    composait    l'empin*   p«*nlaient  tout   moyen 


CHAPITUE   ONZIÈME.  259 

non  pas  seulement  de  dominer,  mais  de  contenir  le 
chef  qu^ils  allaient  se  donner;  s  ils  n  avaient  plus  la  fa- 
culté de  lui  accorder  ou  de  lui  refuser  les  forces  qui 
devaient  constituer  sa  puissance,    s  il   pouvait  être 
puissant  sans  leur  concours,  c*en  était  fait  de  leur  in- 
fluence ;  au  lieu  d'imposer  eux-mêmes  leur  volonté  à 
ce  souverain ,  il  était  à  craindre  qu'ils  ne  fussent  forcés 
de  recevoir  la  sienne. 

A  ces  motifs  généraux  d'exclusion  applicables  aux 
deux  concurrents  il  s'enjoignit  d'autres  contre  chacun 
d  eux  en  particulier.  Ainsi ,  relativement  au  roi  d'Es- 
pagne ,  on  ne  devait  pas  laisser  trop  longtemps  l'em- 
pire dans  la  même  maison ,  de  peiu*  qu'il  n'y  devînt 
héréditaire  comme  la  suite  le  prouva;  et,  par  rapport 
au  roi  de  France ,  comme  la  couronne  impériale  avait 
appartenu  d'abord  à  des  princes  fiançais  sur  qui  elle 
avait  été  usurpée,  et  les  rois  de  cette  nation  la  consi- 
dérant toujours  comme  une  partie  soustraite  de  leur 
patrimoine,  si  elle  rentrait  encore  une  fois  sous  leur 
main ,  on  devait  croire  également  qu'elle  n'en  sortirait 
plus^  La  sage  politique  commandait  donc  de  repous- 
ser les  deux  compétiteurs^  :  le  destin  et  l'intrigue  en 
ordonnèrent  autrement. 

Pendant  que  les  deux  princes  rhraux  mettaient  tout 
en  œuvre  auprès  des  électeurs  pour  se  les  rendre  fa- 
vorables, et  auprès  du  pape,  dont  l'influence  était  tou- 
jours très-grande  dans  ces  sortes  de  choix ,  la  dîète 

'   Daniel,  Hist.  de  Fnnirr. 

'7- 


260  LIVRE   THOISIÈME. 

s  assemblait  à  Francfort.  Plusieurs  des  électeurs  étaieot 
d  abord  d^avis  de  ne  prendre  pour  empereur  qa*iin 
prince  d'Allemagne,  et,  s*il  faut  en  croire  Érasme,  la 
boule  de  Tempire  fut  déférée  dune  conunune  Toix i 
rélecteur  de  Saxe,  qui  la  refusa.  Ce  prince  était  fon 
des  mieux  disposés  en  faveur  du  roi  d'Espagne  :  aon 
refus  pour  lui-même  et  son  suflrage  pour  ce  dernier 
entraînant  tous  les  autres  votes,  Charles  d'Autridie, 
roi  de  toutes  les  Elspagnes,  fut  proclamé  empereu^lê 
a2  juin  i5ao. 

Les  deux  prétendants  à  l'empire  avaient  toujpim 
affecté  une  grande  modération  ;  ils  s'étaient  étudiéf  â 
garder  entre  eux  les  mêmes  égards ,  les  mêmes  proe^ 
dés,  les  mêmes  déférences  que  s'ils  n'avaient  pas  am- 
bitionné Tun  et  l'autre  le  même  diadème.  Mais  ces 
sentiments,  qui  n'étaient  pas  au  fond  de  leurâmé,  ne 
se  soutinrent  qu^autant  que  la  grande  question  fut  in- 
décise. Ils  avaient  affiché  trop  de  prétentions,  pour 
que  celui  qui  serait  rebuté  ne  se  sentît  pas  vivement 
blessé  dans  son  amour-propre.  Quand  l'arrêt  de  la 
diète  fut  connu ,  le  dépit  du  roi  de  France  fut  égal  â 
la  joie  du  roi  d'Espagne  :  le  cœur  de  François  I*8*al- 
céra  contre  son  fortuné  concurrent ,  et  un  avenir  san- 
glant s'ouvrit  devant  l'Europe. 

Quatre  ans  avant  sa  mort ,  Ferdinand  avait  enlevé 
la  Navarre  à  Jean  d'Albret ,  époux  de  Catherine  de 
Foîx ,  princesse  issue  de  la  maison  de  France.  Apr^ 
la  mort  de  ce  roi  il  avait  été  <y>nclu  h  Noy on  un  traité 


4 


CHAPITRE  ONZIÈME.  261 

t?ii  vertu  duquel  ce  royaume  de  Navarre  devait  être 
restitué  à  Henry,  prince  de  Béam. 

n  n  entrait  pas  plus  dans  la  politique  du  roi  d'Es- 
pagne de  renoncer  à  la  possession  de  la  Navarre ,  qu'il 
n  aurait  dû  être  de  la  politique  de  Charles  VIII  de  re- 
noncer à  la  possession  du  Roussillon  :  ce  que  Charles 
de  France  ne  sut  pas  faire ,  Charles  d'Espagne  était 
trop  habile  pour  le  négliger.  L'inexécution  du  traité  de 
Noyon  venant  fort  à  propos  déguiser  la  blessure  de 
lamour-propre ,  François  fit  passer  une  armée  dans  ce  »S'>. 
royaume ,  pour  commencer  à  se  venger  de  son  rival 
heureux.  Mais  la  fortmie  se  déclarant  bientôt  contre 
lui ,  aussi  bien  en  Navarre  qu'en  Italie ,  il  perdit  le  Mi- 
lanais ,  et  ne  tarda  pas  à  voir  une  formidable  coalition 
le  menacer.  Plus  malhem*eux  encore  à  Pavie ,  Fran-  **'*• 
çois  fut  le  troisième  roi  de  France  qui  connut  la  cap- 
tivité. 

Les  conférences  de  Cambrai  n'avaient  produit 
qu'une  paix  éphémère  :  une  nouvelle  guerre  les  suivit 
de  près.  Dans  cette  guerre ,  Charles-Quint  pénètre 
jusqu'au  cœur  de  la  Provence  par  l'Italie ,  et  il  en  sort  i536. 
avec  la  moitié  de  son  armée  de  moins.  François ,  ne 
trouvant  que  des  ennemis  en  Occident,  cherche  des 
secours  dans  l'Orient ,  et  il  se  ligue  avec  les  Turcs.  Le 
pape,  qui  voulait  réconcilier  les  deux  principaux  enne- 
mis ,  provoque  une  trêve  dont  la  durée  devait  être  de  ^ 
dix  ans ,  et  que  l'animosité  réciproque  fait  rompre  au 
bout  de  trois.  De  nouvelles  armées  françaises  se  met- 


^Àr' 


202  I.IVUË   TUOISIËME. 

teiit  en  cainpagiu*;  Fuiic  doit  agir  contre  le  Brabant  et 
\c  Luxembourg,  I autre  contre  le  Roussillon  :  la  for- 
tune est  aussi  contraire i  Tune  qu'à  lautre. 
i54a.  u  Si  Ton  va  faible  en  Roussillon,  disaient  les  du 

<(  lîellay  à  Fninçois  I**,  on  sera  accablé;  si  on  y  ▼&  en 
u  nombre ,  on  sera  ailanié.  »  Les  du  Bellay  n  étaient 
pas  pai*tisans  de  la  guerre  des  Pyrénées  ;  ils  auraient 
mieux  aimé  que  larméc  destinée  à  laire  cette  cam- 
pagne lut  envoyée  en  Italie ,  où  elle  aurait  obtenu  «  sui- 
vant eux,  de  plus  grands  résultats  :  ils  ne  voyaient  pas 
(|ue  la  conservation  du  Roussillon,  contigu  à  laFrance, 
était  facile  dans  tous  les  temps,  et  que  celle  de  Naples, 
«\  Textrémité  de  la  botte  d'Italie ,  devait  être  toujours 
onéreuse  et  souvent  impossible.  Mais  la  conquête  de 
Naples  était  la  folie  de  Tépoque ,  comme  celle  de  la 
i^alestine  avait  été  celle  des  siècles  précédents. 

Le  commandement  de  Tannée  destinée  contre  le 
Roussillon  avait  été  attribué  au  dauphin,  è  qui,  à  rai- 
son de  sa  grandes  jeunesse ,  avaient  été  donnés  potur 
conseils  le  maréchal  d'Annebaut  et  le  seigneur  de 
Monpezat,  lieutenant  du  connétable  en  Languedoc. 

On  avait  prétendu  tenir  secrète  la  destination  de  ces 
Ibrces,  afm  de  surprendre  Perpignan;  mais  pendant 
<|uà  la  cour  de  France  on  en  faisait  grand  mystère, 
en  Piémont ,  où  se  trouvait  d'Annebaut .  on  en  parlait 
publiquement ,  et  les  seigneui*s  qui  devaient  faire  par- 
tie de  fcxpédition.  pi*i*suadés  connue*  les  du  Rellay , 
quon  de\ait  mourir  de  faiin  en  Roussillon .  faisaient 


CHAPITRE   ONZIEME.  265 

filer  déjà  de  grandes  provisions  de  bouche  vers  Nar- 
Ijonne.  Il  ne  fut  donc  pas  difficile  à  Charles-Quint  de 
connaître  quel  était  le  point  menacé ,  et  de  ce  moment 
l'opération  fut  manquée. 

Les  instructions  du  dauphin  étaient  de  jeter  immé- 
diatement sous  Perpignan  une  partie  de  son  armée, 
sans  s'arrêter  devant  les  autres  forteresses ,  afin  que , 
cette  place  étant  investie  dès  l'apparition  des  Français, 
l'entrée  de  tout  secours  fût  impossible;  le  reste  de 
l'armée  devait  suivre  de  près',  et  le  roi  promettait  de 
venir  lai-même  sur  les  lieux ,  dans  l'espérance  de  se 
trouver  enfin  face  à  face  avec  l'empereur.  Il  ne  doutait 
pas  que  le  blocus  de  Perpignan ,  qu'il  croyait  dépourvu 
de  moyens  de  défense,  ne  déterminât  Charles  à  venir 
au  secours  de  cette  place,  et  qu'alors  une  bataille  dé- 
cisive ne  dût  avoir  lieu  ^  :  il  se  trompa  ;  Charles  avait 
calculé  autrement. 

Dès  la  fin  de  juillet  le  duc  d'Albe  avait  fait  entrer 
dans  Perpignan  huit  mille  hommes  des  vieilles  bandes 
espagnoles,  avec  toute  Tartillerie  et  les  munitions 
qu'on  avait  sauvées  de  la  funeste  expédition  tentée 
contré  Alger  l'année  précédente,  et  qui  étaient  consi- 
dérables. Pour  mieux  défendre  les  approches  de  la 
place,  ce  général  avait,  le  2  d*août  suivant,  fait  sautef 
la  première  arche  du  pont  de  la  Tet,  du  côté  de  la 
ville,  démolir  la  chapelle  de  Notre-Dame-du-Pont ainsi 
(|ue  l'église  de  Notre-Dame-des-Grâces,  qui  était  au 

'   Mém.  (le  Duhellajr. 


264  LlMiE   THOISIËME. 

iuiibourg,  vi  abattre  toutes  les  maisons  de  re  faubourg 
et  de  relui  des  Blanqueries;  tous  les  arbres  fruitiers 
et  autres  des  jardius  de  ces  faubourp;s  avaient  été  arra- 
rhés  et  de  farauds  terre-pleins  et  des  bastions  garnis 
d*une  nombreuse  artillerie  s  étaient  élevés  de  toutes 
parts  en  debors  des  murailles  ;  ainsi  Perpignan  qu'on 
eroyait  surprendre  se  trouvait  au  contraire  dans  un 
formidable  état  de  défense.  Outre  cela,  TAmpourdan 
se  rem|)lissait  de  gens  de  guerre  sous  le  commande- 
ment de  ce  même  due  dWlbe,  dont  le  quartier-géné- 
ral était  à  Ciirone. 

Ce  fut  le  u  I  août  que  les  premiers  détachements 
de  larmée  française  dépassèrent  la  frontière. 

Cette  avant-garde,  composée  de  sept  à  huit  mille 
(*bevau\  italiens,  courut  tout  le  Uoussillon  jusqu'au 
Pertus,  pillant  et  dévastant  tout  sur  sa  route,  enlevant 
les  vivres,  et  faisant  prisonniers  quelques  paysans. 
I)en\  jours  a|)rès,  le  dauphin  amva  avec  environ 
quarante-huit  nn'lle  bonmies ,  tant  Français  qu'Italiens, 
Suisses  et  Albanais.  Cette  armée  campa  h  Castel- 
Houssillon,  et  dressa  des  batteries  contre  la  porte 
d'KIne,  contre  la  red(>ut«' de  Saint -La7.are  et  contrôle 
fort  dit  des  Alh^nands.  élevé  sur  la  hauteur,  en  dehors 
du  bastion  actuel  de*  Saint-Jacques.  Lue  note  manus- 
crite d'un  rej^istre  de  t^omptes  de  féglise  de  la  Real, 
dans  laquelle  sont  puisés  ces  détails,  porte  <pie  durant 
\v  sié^i*  b\s  (lasrons  r<jururent  le  p.iys.  mais  que,  ne 
li(Mi\.uil  plus  rii  M  :i  |ir<ii(lie    pan'c*  fpie  les  Italiens 


M 


CHAPITRE  ONZIÈME.  265 

îVAraient  rien  laisse ,  ils  mirent,  de  dépit,  le  feu  à  tous 
*^^^  villages;  ainsi,  dit  cette  note,  furent  détruits  tous 
*^^^  lieux  de  Roussillon,  à  l'exception  de  Perpignan, 
5^ses,  Elne  et  Collioure. 

Pour  empêcher  Tarrivée  de  tout  secoiurs  à  Perpi- 

sian,  le  dauphin  avait  envoyé  des  forces  au  Pertus , 

«us  le  commandement  du  sieur  de  Thermes,  qui 

^^iriva  trop  tard  :  deux  mille  hommes ,  des  trente  mille 

^qpe  le  duc  d*Albe  avait  réunis  dans  TÂmpourdan, 

avaient  déjà  traversé  les  Pyrénées,  et,  passant  de 

nuit  au  milieu  des  postes  français,  ils  se  glissèrent 

dans  la  place. 

Perpignan,  quoique  investi  de  toute  part,  ne  souf- 
Grait  point  des  attaques  des  Français,  parce  que  le  feu 
continuel  de  son  artillerie  foudroyait  et  renversait  les 
ouvrages  des  assiégeants,  et  rendait  leurs  opérations 
aussi  difficiles  que  meurtrières;  aussi,  Dubellay,  en 
parlant  de  ce  siège,  dit  que  «  la  ville  était  si  bien  garnie 
«de  canons,  quelle  semblait  un  porc-épic  qui,  de 
«  tous  côtés,  étant  coiuroucé,  montre  ses  pointes.  » 

Les  assiégés  avaient  tenté  d'enlever  Tartillerie  des 
Français ,  qu  ils  savaient  mal  gardée  ;  on  commençait 
déj<^  k  emmener  les  pièces,  quand  le  sieur  de  Brissac, 
colonel  des  gens  de  pied ,  fondit  sur  la  troupe  espa- 
gnole ,  lui  douzième ,  et  la  chargea  avec  tant  de  vigueur 
qu'il  lui  fit  abandonner  sa  proie.  Cette  heureuse  témé- 
rité ne  fut  suivie,  pour  Brissac,  que  d'une  légère 
blessure ,  et  Boi vin  de  Villars  rapporte  que  le  dauphin , 


.>^ 


-; 


266  LIVRE  TROISIÈME. 

témoin  de  son  action ,  s*écria  que ,  s  ii  n  était  pas  le  fik 

du  roi  de  France,  il  eût,  ce  jour-là,  voulu  être 


sac*. 


Le  siège  de  Perpignan  coûtait  beaucoup  d*eflbffls 
et  n  aboutissait  à  rien.  Le  roi,  parvenujusqu'àSaUUet. 
près  de  Narbonne,  n  était  pas  sans  inquiétudes ,  à 
de  rapproche  de  la  saison  des  pluies.  Pour  être 
informé  de  la  situation  des  choses,  ce  monanqoe 
envoya  près  du  dauphin  le  comte  de  Saint-Pel  et 

I  amiral  de  Brion,  et  sur  leur  rapport  quil  y 
alors  moins  d*espoir  pour  la  prise  de  la  Tille 
le  jour  de  larrivée  du  camp,  le  roi  sauva  Famoiir* 
propre  de  son  fils  en  lui  donnant  Tordre  de  se  retiver. 

II  partit  lui-même  de  Sallèles  le  28  de  septembre* 

*  11  était  temps  de  décamper.  Le  lendemain  du  dépert 
de  Tannée  française  et  les  jours  suivants,  des  (dam 
tombant  par  torrents  enflèrent  à  tel  point  les  deux  n* 
vières  de  la  Tet  et  de  TAgly ,  que  dans  un  débordcuwt 
dont  on  voit  peu  d*exemples,  leurs  eaux  transfonnèrenl 
rette  partie  de  la  plaine  qui  les  sépare,  en  un  immeme 
lac  que  tous  ceux  qui  étaient  restés  derrière  durent  tra- 
verser à  la  nage.  Plusieurs  d*enire  eux  y  perdirent  le 
vie*. 

En  s  éloignant  de  Perpignan,  les  soldats  italifM 
avaient  enlevé  et  emmené  environ  trois  cents  femOMt 
ou  filles  roussillonnaises,  que  leurs  pères  ou  leurs 

^  Mrm.  f/r  IhàhrlUiY 

'  FfiiiM ,  d'âpre  le  iiiaiiUM:ril  de  Puignau. 


*  ^taicnl  empressi^s  de  rérlamer.  Les  ravisseurs  pie- 
^•*»ïdirem  n'avoir  fait  eu  cela  qu'user  de  reprt^iulles 
*^c»iiu-c  les  Espagnols. qui,  lespnaiiiers.  avaient  duiiné 
■  «Meniplc  de  ces  yiolenres  en  Italie  ,  et  ils  exigeaient 
*»«ie  ran(;on  de  leurs  eaplives.  Trop  loyal  poiu-  tolérer 
*A  n  Ici  brigand Hge ,  mais  forcé  de  ménager  encore  ces 
^•rangers  dont  il  avait  besoin  .  François  prit  le  parti  dr 
■acheter  de  ses  propres  deniers  toutes  ces  femmes,  qui 
fvrent  rendues  A  leui's  familles.  A  cette  promenade 
viiilitaire  se  bomt-rent  toutes  les  entreprises  de  Pran- 
^ois  ronlre  le  Roussillon.  L'année  suivante  Charles- 
l'oint  passa  en  Italie,  emmenant  avee  lui  mille  homme» 
de  la  garnison  de  Perpignan  '  et  laissant  au  duc  d'Albe 
le  8oin  des  affaires  de  la  guerre  sur  les  frontières  des 
Pyrénées.  Dans  le  courant  de  cette  année  et  de  relie 
qui  suit,  le  capitaine  générai  de  lloussillon  prit  et  dé- 
mantela la  plupart  des  bourgs  nimés  qui  se  trouvaient 
dans  les  Corbiî-res,  jusqu'à  Narbonne. 

La  guerre  dura  encore  deux  uns ,  et  se  fit  dans  le 
Lmemboui^,  le  BrahanI,  la  Picardie  et  le  Piémont. 
Le  général  des  Turcs,  lîarberousse,  après  avoir  essayé 
de  prendre  Nice .  alla  liivenicr  à  Toulon  avec  sa  flotte. 
Une  rixe  très-violente  entre  les  soldats  de  la  garni- 
SOD  de  Perpignan  et  les  habitants,  rixe  dont  nous 
n'avons  pas  pArlé  en  son  lieu ,  pour  ne  pas  interrompre 

'  C'ttt  k  pirlirde  cette  rpoijiir-  iju'il  y  n  tv  ^«nuMin  |>min«nonlc 
■tr  Irnugiei  diRi  Peqiignon    Eucàt  hUlor.  rt  mitil.  fur  b  jirminct  J* 

HtHUtilloil . 


268  LIVRE  TROISIÈME, 

la  série  des  événements  généraux ,  ensanglanta  cette 
ville  le  8  juin  1 53g.  François  de  Piémont,  capitaine 
génénd  de  Roussillon,  épousant  la  querelle  des  soldats, 
imposa  silence  aux  habitants  en  faisant  tirer  sur  les 
maisons  de  la  ville  Tartillerie  de  la  citadelle.  La  riic 
s^étant  renouvelée  le  i*'  mars  de  l'année  suivante,  le 
même  oITicier  fit  tirer  de  nouveau  le  canon  contre  la 
ville,  et  c  est  dans  cette  canonnade  que  furent  démcdis 
en  |)artie  les  clochers  des  églises  de  Saint-Jean  et  de  la 
KéaP. 

En  i53o  la  peste  avait  régné  dans  Perpignan,  et 
avec  elle  une  famine  affreuse  :  le  premier  de  ces  fléain 
se  déclara  le  ng  octobre ,  et  dura  jusqu'au  mois  d*août 
suivant  ^. 

*  Note  d'un  livre  de  comptes  de  U  ptroisse  la  Réel. 

Une  autre  note  de  ce  même  livre  nous  fait  connaître  la  manière  dool 
les  nouvelles  arrivaient  au  peuple  à  cette  époque  ;  la  voici  :  •  AoJ4 

■  dliui,  i**  septembre  1 5  ii,  rcmpereur  se  trouve  à  dix  lieaet  d« 

•  avec  plus  de  quarante  mille  hommes,  et  le  roi  d'Angleterre  s*fl8l  dé- 
«claré  pour  lui;  ils  vont  prendre  Paris.  L*intention  du  roi  de  Fraace 

■  était  de  s'eni[>arer  de  Milan  et  de  la  I^omUardic  ;  mais  comme  il  Mil 
«que  Tempereur  était  à  dix  lieues  de  Paris,  il  lui  envoya  deux  imlt 

•  sadeurs  pour  demander  la  paix  ;  mais  Tempereur  ne  voulot  pas  Isa 
>  écouler.  Sur  cela ,  le  roi  de  France  lui  a  envoyé  la  reine,  sa  fc 

■  qui  e»t  sœur  de  Pempercur,  avec  plusieurs  autres  dames,  et  Ti 
«  reur  a  refusé  aussi  de  Tentendre ,  disant  que  ce  ne  «ont  pas  là  d«i 

■  aflaires  de  femyies;  enfin,  il  lui  a  envoyé  le  dauphin  avec  beaooom 

•  de  monde ,  |>our  dédariT  que  le  roi  de  France  ferait  tout  ce  que  rem- 

■  pereur  \<>u<lrait;  alurs  reni|>ereur  a  été  ctiiileiit,  et  la  |ai&  s'est  faite. 

■  et  on  la  puldic  en  ce  moment.*  (Traduit  littéralement  du  catalan.  ) 

*  IWgistre  des  statuts  de  runiversilé. 


CHAPITRE   ONZIÈME.  2G9 

Eii  iSAg  révêque  d*Elne,  Michel  Puig,  défendit, 
ses  statuts,  à  tous  les  prêtres  de  son  diocèse  de 
porter  des  armes  offensives. 

François  1*  mourut  le  3i  mars  iSlxj,  et  Charles- 

C^uint,le  2  2  septembre  i558,  dans  le  monastère  de 

Saint-Just ,  où  il  s'était  retiré  après  avoir  abdiqué  la 

ciouronne  le  i*  janvier  i556.  Un  édit  de  ce  prince, 

de  Tan  i553,  avait  défendu,  sous  peine  de  galères 

perpétuelles,  d'extraire  du  Roussillon  et  de  la  Ger- 

dagne  aucun  esclave  maure,  pour  le  conduire  en 

France. 


270  LIVRE   TROISIEME 


1670. 


CHAPITRE  XII. 

I 

Mesures  d'intérêt  local.  —  Tentative  sur  Peq>ign«n.  —  Gm- 
frérie  de  saint  George.  —  Philippe  II.  —  Hiilippe  OL  «-» 
Expulsion  des  Morisques.  —  Translation  de  Tévèché 
à  Perpignan.  —  Maîn-araiée. —  Procès  des  sorcières.  — 
lippe  IV.  —  Projets  hostiles  contre  la  Catalogne.  -— 
dations. 

Henri  II,  successeur  de  François  l""  au  trône  de 
France,  avait  perdu  la  vie  à  la  suite  d  un  accident  sur* 
venu  dans  un  tournoi,  après  douze  ans  de  règne,  et  sa 
couronne  se  trouvait  sur  la  tête  de  son  jeune  fils  Fran- 
çois II ,  sous  la  tutelle  de  sa  mère ,  Catherine  de  Mé^ 
dicis. 

Cest  la  seconde  année  de  cette  trop  funeste  régenee 
qu'éclatèrent,  paria  conjuration  d'Amboise,  cet  af- 
freuses guerres  de  religion  qui  devaient  faire  couler 
pendant  soixante  et  dix  ans  le  sang  français  dans  loutea 
les  provinces. 

iiiiiipprii  Ces  guerres  amenèrent  deux  fois  les  protestants  en 
Roussillon.  Dans  leur  première  irruption,  en  iSyo, 
ils  pénétrèrent  jusqu'à  Estagel;  dans  la  seconde*  en 
i5()a,  une  de  leurs  bandes  se  jeta  sur  Vinça,  ou 
elle  perdit  iieaucoup  de  monde  de  la  main  des  ha- 
bitants.  Dans  rintervalle,  ccst-à-dire  en  1575,  Hii-    . 


^'i 


CHAPIÏKE   DOUZIÈME.  271 

**|>pe  II,  successeur  de  Charles-Quiul,  fil  fortifier 
^oJlioure  et  réparer  plusieurs  des  tours  ou  atalayas 
d^  la  c^te  ^ 

La  Catalogne,  la  Gerdagne  et  le  Roussillon  fiirent 
f^evables  à  Philippe  II   de  l'unité  de  poids  et  de 
rnesures  :  par  son  édit  de  1 585  ce  prince  avait  or- 
donné que,  puisque  les  trois  comtés  ne  formaient 
c|u  une  même  province ,  ils  devaient  ne  se  servir  que 
dies  seuls  poids  et  mesures  de  Barcelone.  Cette  même 
année  parut  un  autre  édit  qui  prohibait ,  dans  toute 
la  Catalogne,  les  arquebuses  portatives  qu  on  nommait 
poitrinals.  Le  peu  de  longueur  de  cette  arme,  alors  de 
nouvelle  invention ,  et  introduite  de  France  en  Rous- 
sillon, avait  favorisé,  dans  ce  comté,  une  foule  de 
meurtres  ;  Philippe  prononça ,  contre  celui  qui  en  se- 
rait trouvé  porteur,  la  peine  de  dix  ans  d*exil ,  s*il  était 
chevalier,  de  dix  ans  de  galères,  s'il  était  roturier,  et 
de  mort  si  c'était  un  Français.  La  même  prohibition 
s'étendait  aux  arquebuses  ayant  moins  de  trois  empans 
de  long,  dites  pistolets^.  A  cette   époque  le  Rous- 
sillon était  inondé  de  bandits  de  tous  les  pays ,  débris 

*  Feliu  de  la  Pena ,  Annales  de  Caial. 

*  Constit.  de  CataL  Les  arquebuses  furent  inventées  sous  Louis  XII  ^ 
leur  usage  continua  jusqu*au  xyiii*  siècle ,  sous  le  nom  de  mousquets. 
Le  porteur  tenait  réunis  dans  sa  main  les  deux  bouts  d*une  mècbe;  il 
en  appliquait  un  à  une  pincette  qui  tenait  lieu  de  cbien,  et  qn^on  ap- 
pelait serpentin,  lequel,  en  s  abattant  sur  le  bassinet,  mettait  feu  à 
Tamorce.  Une  petite  roue  qui  se  trouvait  à  la  batterie,  pour  le  mouve- 
ment du  serpentin ,  faisait  aussi  donner  à  cette  arme  le  nom  d'arque- 
buse à  muet. 


^ 


272  LIVRE   TROISIÈME. 

(les  haiiclrs  (le  gens  de  guerre,  qui,  sans  ini^tien  et 
sans  ressources,  h  la  paix,  vivaient  de  brigandage 
jus(|u'i\  ce  (|u\uie  nouvelle  guerre  leur  donnât  les 
moyens  dVxister  autrement.  Cet  état  de  désordre ,  qui 
se  prolongea  durant  plusieurs  années,  avait  excité 
une  telle  terreur  dans  ce  pays,  qu*on  n'osait  plus  sortir 
des  villes  el  des  villages.  En  \S^li,  lëvéque  d*Elliiese 
trouvant  ii  Tliiiir,  deux  chanoines  de  Saint-Jean  «  de 
Perpignan,  députés  par  le  chapitre  pour  aller  vers  ce 
prélat,  ne  consentirent  k  entreprendre  cette  course  de 
deux  lieu(*s,  qu  après  que  le  chapitre  se  fut  obligé,  par 
acte  notarié ,  de  les  racheter  s  ils  tombaient  entre  les 
mains  des  bandes  ^ 
1.^.  Cest   vers  cette  époque  qu  expira  en  Aragon  le 

pouvoir  du  justicia.  Un  certain  .\ntoine  Perei,  secré- 
taire du  roi ,  accusé  d*un  meurtre .  s  efait  évadé  de  sa 
prison  et  n'Iugie  en  .\ragon  ;  il  avait  invoqué  Tautorité 
du  justicia  contre  le  roi .  qu'il  accusait  d^avoir  fait  périr 
lui-même  Thounne  dont  on  lui  imputait  rhomicide. 
Quoique  le  justicia  Teùt  pris  sous  sa  protection,  les  offi- 
ciers royaux  ne  le  conduisirent  pas  moins  dans  les  pri- 
sons de  Sara<;osse.  L'inquisition  se  l'étant  fait  livrer  en- 
suite malgiv  Topposition  de  ce  même  justicia ,  une  sédi- 
tion éclata  :  les  rebelles  menacèrent  d'incendier  le  saint 
oilice.  et  se  firent  rendre  Perez.  Philip|H*  voulant  eu- 
Vf»veruneanne«M'ii  Aragon,  les  mutins  prinMitlesarmes 
pmir  •»*i»pposer  .1  leiitn'edes  M)ldat>  i'tran«;ers.  ce  qui 


CHAPITRE   DOUZIÈME.  273 

en  opposition  avec  les  privilèges  du  pays.  Lejus- 

ticia,  Jean  de  laNuza,  mourut  sur  ces  entrefaites;  son 

fils ,  du  même  nom  que  lui ,  se  mit  à  sa  place  sans 

titre  qui  ly  autorisât,  et  il  sortit  à  la  tête  des  mutins. 

Ceux-ci  se  dispersant  à  la  vue  de  larmée  castillane ,  la 

^uEa  fiit  pris  et  décapité  ^  et  la  chaîne  supprimée. 

Après  bien  des  traverses,  le  vent  de  ladversité  qui, 
suivant  les  expressions  d'Henri  IV  lui-même,  avait 
commencé  de  si  bonne  heure  à  souffler  sur  sa  tête, 
avait  enfin  permis  à  ce  prince  de  s'asseoir  sur  le  trône 
où  l'appelait  son  droit  d'hérédité.  La  France,  sur  qui, 
depuis  vingt  ans ,  les  furies  de  TElspagne  ne  cessaient 
de  brandir  leurs  poignards,  plus  tranquille  enfin  sous 
un  roi  qu'elle  avait  acheté  au  prix  de  tant  de  sang  et 
de  désastres,  avait  déclaré  une  guerre  nationale  k  la 
puissance  qui  avait  été  le  principal  mobile  de  ses  mal* 
heurs.  Le  désir  de  secourir  l'église  contre  les  hugue- 
nots avait  d'abord  paru  armer  Philippe  II  contre  la 
France;  mais  ce  prétendu  zèle  de  religion  n'était  que 
le  manteau  dont  la  politique  de  ce  monarque  couvrait 
fambitieux  projet  de  placer  une  de  ses  filles  sur  le 
trône  d'Henri. 

Le  roi,  dont  l'un  des  petits-fils  devait  un  jour  tenir  te 
sceptre  du  prince  qui  maintenant  voulait  lui  ravir  le 
sien,  signa,  le  17  janvier  i5g5,  son  manifeste  contre 
l'Espagne.  La  guerre  se  fit  au  nord  de  la  France  et  dans 
les  Pays-Bas,  avec  des  succès  balancés:  ce  fiit  deux 

^  Ferreras,  Hist.  dEsp,;  Anton.  Perei,  Relac, 

II.  18 


274  LIVRE  THOISIÈUE. 

alla  plus  tard  seulement,  quune  circonstance  particu- 
lière amena  une  tentative  de  surprise  contre  Pier- 
pigiian.  En  i5()7  le  gouverneur  de  Dourlens»  Telio- 
Porto-Carrero ,  avait  surpris  la  ville  d*Amieiis;  les 
Français  voulaient  avoir  leur  revanche,  et  le  cafMlaîne 
Gentil ,  célèbre  par  quelques  expéditions  hardies,  «rail 
persuadé  k  Henri  qu  on  pourrait  user  de  représailles 
sur  Perpignan.  Mais  la  surprise  d^Amiens,  tramée  dans 
le  plus  grand  silence,  n avait  eu  besoin  d*aucùhs  pré*^ 
paratifs,  tandis  quil  en  fallait  beaucoup  pour  arrirer 
jusquà  Perpignan.  Le  duc  de  Ventadour,  lieutenant 
général  du  Languedoc,  devait  réunir  des  forcea  qu*il 
n  avait  pas  sous  la  main ,  et  faire  des  dispositiona  qui 
ne  pouvaient  rester  secrètes.  On  sut  en  eflet  en  Roua- 
sillon  que  des  troupes  se  rassemblaient  au  pont  Saint- 
Esprit  ,  et  quoiqu'on  cherchât  à  faire  prendre  le  chai^ 
sur  leur  destination  en  ré|)andant  le  bruit  quelles  de- 
vaient aller  forcer  Fosseuse  -  Montmorency  dans  la 
citadelle  de  Mende  et  raser  cette  place,  personne  ne 
douta  qu  elles  ne  menaçassent  Perpignan.  Au  premier 
bruit  d'un  mouvement  de  troupes  en  Languedoc,  le 
capitaine  général  de  la  principauté,  don  Fcmandde 
Tolède,  accouru  h  Perpignan,  avait  fait  prendre  les 
amies  à  tous  les  habitants,  sous  peine  de  mort,  et 
avait  assigné  provisoirement  à  chacun  son  |ioste,  tan- 
dis que,  par  les  soins  du  vice-roi  de  Catiilogne,  douie 
mille  miliciens  de  la  viguerie  de  (lirone  et  cinq  cents 
(lu  romtr  de   Peralade  man*liai«*nt   \ers  cette  ville. 


CHAPITRE   DOUZIÈME.  275 

Le  bailli  de  Figuière  y  était  venu  de  son  côté  avec 
trois  cents  hommes,  et  le  viguier  de  Roussillon  y  avait 
fait  passer  un  corps  de  milices  du  Vallespir;  enfin  le 
chapitre,  laumônerie  et  la  communauté  des  habitants 
de  Girone  avaient  armé,  pour  leur  propre  compte,  et 
fait  partir  pour  la  même  destination,  troi^  cent  cin- 
quante miliciens  :  Perpignan  était  donc  plus  qu  en  me- 
sure de  résister  aux  cinq  régiments  de  milices  langue- 
dociennes que  le  maréchal  d*Omano  avait  reçus  du 
duc  de  Ventadour  pour  cette  expédition. 

Don  Fernand  de  Tolède  avait  réglé  que  le  château 
de  Salses  annoncerait  par  deux  coups  de  canon  Tentrée 
des  Français  en  Roussillon;  à  ce  signal,  la  citadelle  de 
Perpignan  devait  en  tirer  deux  autres ,  pour  avertir  les 
gens  de  la  campagne  d*être  sur  leurs  gardes.  Le  1 8  août,  1597 
de  dix  à  onze  heures  du  soir,  le  canon  d'alarme  se  fit 
entendre,  et  les  Français  découverts  durent  dès  ce 
moment  regarder  leur  entreprise  comme  manquée. 

Au  bruit  du  canon  de  la  citadelle,  les  tambours  et 
les  trompettes  avaient  appelé  tous  les  citoyens  aux 
armes;  en  un  clin  d*œil  toutes  les  fenêtres  de  Per- 
pignan s  étaient  illuminées  et  tous  les  postes  avaient 
été  garnis  de  défenseurs.  Des  gerbes  de  paille  enflam- 
mées  furent  jetées  de  toute  part  dans  les  fossés,  pour 
en  éclairer  la  profondeur  et  faire  connaître  de  quel 
roté  les  Français  porteraient  leur  attaque.  L*auteur 
d'une  des  relations  manuscrites  de  ce  coup  de  main, 

le  notaire  Puignau ,  expert  dans  le  métier  de  la  guerre 

18. 


276  LIVRE   TROISIÈME. 

quil  avait  faite  en  Italie  et  en  Portugal,  et  qui  wt 
trouvait  posté  au-dessus  de  la  porte  d*Elne,  découvrit 
le  premier  Tennemi  se  dirigeant  vers  cette  porte,  que 
le  capitaine  Gentil  voulait  pétarder.  Maift  avant  que  le 
pont  roulant  au  moyen  duquel  on  devait  attacher  le 
pétard  fût  prôt,  le  jour  parut,  et  les  Français  jugèrent 
prudent  de  se  retirer.  Une  note  d'un  registre  de  b 
communauté  des  prêtres  de  Saint -Jean  porte  qoe 
quarante  ecclésiastiques,  commandés  par  un  chanoiiie 
de  cette  église,  gardèrent  pendant  trois  jours  et  trois 
nuits  le  poste  le  plus  dangereux.  A  cette  époque  les 
prêtres  payaient  encore  de  leur  personne  comme  les 
autres  citoyens,  pour  la  défense  de  la  commune  pe* 
trie,  cependant  il  doit  y  avoir  ici  un  peu  de  vanterie. 
Quoique  réconcilié  avec  Téglise  romaine,  le  ni, 
({ui  portait  une  couronne  que  les  Elspagnols  avaient 
destinée  h  une  princesse  de  leiu*  nation,  devait  néœs* 
sairement  être  toujours  à  leurs  yeux  un  hérétique.  Le 
vulgaire  parodia,  â  Toccasion  de  réchauffourée  de 
Perpignan^  le  prodige  de  Josué,  et  attribua  ainsi  à  un 
miracle  le  salut  de  cette  ville.  Le  soleil ,  montant  sur 
rhorizon  deux  heures  avant  qu*il  ne  dût  y  paraître,  fit 
découvrir  les  Français,  et  déconcerta  leurs  mesures'. 
Et  un  homme  instruit ,  un  historien  a  pu  ajouter  fin  à 
un  conte  si  ridicule,  et  cest  en  1700  qu*il  n*a  pas 
craint  d'imprimer  une  pareille  absurdité^! 

*  PHiu  de  U  Pena  y  Fanel ,  AnaUs  de  Caialmna. 

*  Le  notaire  Puignau ,  auteur  de  Tune  des  relalions  mannaerilM  de 


CHAPITRE   DOUZIEME,  277 

En  s' éloignant  de  Perpignan ,  d'Ornano  sVlait  retîi'é 
sur  V'illelongue  de  la  Salanque.  Apr^s  s'y  être  reposé 
quelques  jours ,  il  marrha  de  luiîlsurla  petite  place  de 
Canet  pour  la  surprendre,  et  ne  fut  pus  plus  heureux 
lit  qu'à  Perpignan,  Partageant  ensuite  sa  Iroupe  en 
deuxliandcs,  il  les  envoya  contre  Rivesattes,  Clairo, 
Sainte- Marie .  Torelles,  Suinl-Laurent  et  Saint-Hipp»- 
ijle.  qui  furent  ravagés.  Enfin,  après  dix  jorn-sdest;- 
juui'  en  Roussillon,  ce  eanip  volant  rentra  en  Langue- 
doc,  emmenant  prisonnier  tout  ce  qu'il  avait  trouva 
dans  les  villages.  La  prise  d'Opol.  le  nj  du  mois  de 
mars  de  i'ann*^e  suivante ,  une  tentative  infmctueuse 
surlilcetune  irruption  dans  la  vaU(^e  de  Caroi,  turent 
les  opérations  de  la  rampagne,  et  les  derniers  évt^ne- 
meiitsde  cette  guerre,  à  laquelle  mil  fui  le  traité  de 
Vcrvins,  signé  le  i  de  mai.  Lit  souniission  du  due  de 
Mercœur,  deniier  soutien  de  1»  ligue,  venait  aussi, 
depuis  deux  mois,  d'éteindre  cette  infernale  association 
qui ,  pendant  un  quart  de  siècle ,  avait  fait  pleuvoir  sur 
la  France  tant  de  calamités. 

Philippe  ne  jouit  pas  longtemps  du  repos  qu'il  ve- 
nait de  domier  à  ses  peuples;  il  mourut  le  ta  sep> 
tembre  de  cette  même  aimée .  laissant  à  son  successeur 
le  soin  de  ratifier  le  traité  de  Vervins. 

cette  campognc,  que  Pim»  cïtoni  d'après  Kohm  ,  parce  qiir  mii  iimiiub- 
iiit  s'uBi  piTila.  pnratl  avoir  \e  premier  consigna  m  conlc  nliMnlp 
ilan*  M)n  juurnal  Pirrr«  Pssclial ,  aulro  aoUÏrr .  ijui  oaui  ■  taiMé  iiimÎ 
nnjouriut  de  tout  ce  qui  s'est  pas«£  de  renuiiiuablc  dint  li-coundoH 
«ie,  dilsiniplcnicptqiicl»  F'rintais  se  préaciit^ rr.nl  lieviiil  Prr|n|^iin 
ratr«  Iroia  r.t  i^uitra  heure»  du  nulin 


^ 


i7«  LIVHE   TKOISIÈMK. 

Philippe  11  passe,  aux  yeux  des  Kspagnols,  pour 
un  prince  sa^o  et  religieux.  Les  rois  de  France  qui 
régnèrent  de  son  temps  ne  conviennent  pas,  dît  Da- 
niel, de  la  justesse  de  cette  dernière  qualité.  En  eflett 
ils  avaient  par  devers  eux  trop  de  preuves  que  la  reli- 
gion iTétait  (*hez  ce  prince  que  le  manteau  de  l'am- 
bition. Henri  IV  savait ,  par  sa  propre  expérience,  que 
le  zèle  de  ce  monarque  contre  les  hérétiques  ne  Tem- 
pèchaitpasde  les  animer  contre  les  orthodoxes,  quand 
son  intérêt  s*y  trouvait;  pour  ce  qui  est  de  la  sagesse, 
Philippe  possédait  à  fond  cette  partie  de  Tart  de  gou- 
verner qui  apprend  h  allumer  le  feu  chez  ses  voisins 
pour  avoir  la  paix  chez  soi,  et  il  avait  le  rare  talent 
de  St'ivoir  choisir  des  ambassadeurs  cpii  le  secondaient 
h  merveille;  aussi,  comme  le  remarque  Rohertson, 
t*xrita-t-il  plus  de  mouvements  en  Kurope  sans  sortir 
de  son  cabinet,  qiie  n'avait  pu  le  faire  Charies-Quint 
en  la  parcourant  h  la  tête  de  S(*s  années. 

Sous  le  règne  de  Philippe  II  fut  fondée  en  Roua- 
sillon  une  association  du  corps  de  la  noblesse  et  des 
rhevaliei*s ,  semblable  h  celle  qui  existait  déjA  à  Bar- 
celone; et,  comme  celle-ci,  elle  prit  le  titre  de  con- 
IW'rie  de  Sainl-George  (San  Jordr),  (jette  confrérie. 
instituée  le  [\  d*aoùt  i.S(ia,  veillait  aux  intérêts  du 
cor|>s  des  nobles,  avait  ses  règlements,  ses  oiliciers, 
sii  caisse,  son  sceau,  son  se<Tétaire  et  ses  airhives. 
Tout  noble  de  titre,  damoiseau  ou  (*he\alier  de  Roua- 
sillon  en  était  de  drnil,  sans  être  tenu  de  s\  faire  ins- 


CHAPITRE   DOUZIÈME.  279 

orire.  Par  un  article  de  son  règlement,  cette  asso- 
ciation était  obligée  de  donner,  le  lendemain  de  la 
Saint-George,  ou  tel  autre  jom*  indiqué,  mi  tournoi 
h  pied  ou  à  cheval,  des  joutes,  des  courses  de  bagues 
ou  tout  autire  exercice  militaire ,  auquel  sci*aient  admis 
les  chevaliers  étrangers;  im  autre  article  prescrivait  au 
protecteur  ou  premier  officier  du  corps ,  et  aux  quatre 
conseillers,  qui  étaient  élus  tous  les  ans  par  |a  voie  du 
sort,  d*élire  de  la  même  tnanière  un  diaiuteneur  et 
six  aventuriers  ou  combattants,  pour  tenir  les. joutes 
ou  autres  jeux  chevaleresques  ^  .  ^î  '  *  î 

La  peste  ayant  exercé  de  grands  ravages  dans  Per- 
pignan en  1 563 ,  Philippe  prescrivit  dés  mesures  fort 
sages  pour  Tassainissement  de  la  ville.  Dank  la  lettre 
qu'il  écrivit  aux  consids  le  a  7  février  de  Tannée  6ui-> 
vante ,  il  leur  recommande  de  laisser,  après  que  le 
Te  Deum  aura  été  chanté ,  s*écouler  encore  quarante 
jours  avant  de  permettre  qu*aucmie  des  personnes 
qui  seraient  sorties  de  la  ville  ny  rentre,  parce  qiie, 
passant  d  un  air  pur  et  sain  dans  une  atmosphère  en* 
core  viciée  V  elles  en  seraient  facilement  iiicommodéos. 
«Pendant  ce  laps  de  temps ,  ajoute  le  prince,,  on  dé- 
«  vra  bien  nettoyer  les  rues  et  les  maisons ,:  en  ayant 
«  soin  de  faire  purifier  aux  firais  de  la  commune  cellei 
u  des  pauvres  qui  ne  pourraient  en  faire  eux-mêmes 
a  la  dépense.  Les  maisons  où  il  existe  encore  des'ina- 
utades  seront  exactement  surveillées  v  pour  que  per- 


280  LIVRE  TROISIÈME. 

4(  sonne  ny  entre  ou  nen  sorte  sans  pemuMJpii. 
tt  Chaque  nuit,  autant  que  faire  se  pourra ,  on  alliunen 
<c  de  grands  feux  dans  les  rues ,  et  Fartillerie  du  châteu 
«  majeur,  de  la  citadelle  et  du  castillet  fera  de  temps 
«  en  temps  quelque  décharge.  On  aura  TattenlMm  de 
0  brûler  tous  les  effets  qui  auront  servi  aux  malades  « 
«  si  ce  n*cst  ùiii  déjà  ^  » 

**<>*-  Sous  ce  même  roi  fut  achevée  la  citadelle  de  Per- 

iiitUpp*  m. 

pignan,  que  Charles-Quint  avait  fait  commencer*. 


Le  traité  de  Vervins  avait  mis  fin  à  la  guerre» 
il  navait  pu  faire  cesser  les  inimitiés  nationides  et  ré- 
tablir entre  les  peuples  des  deux  royaumes  le  peu 
d'harmonie  qui  existait  avant  les  hostilités.  Non-ieole- 
ment  les  Catalans  continuaient  à  traiter  les  Français 
en  ennemis ,  mais  on  parut  même  croire  en  Catalogne 
que  ces  derniers  avaient  voulu  se  rendre  maîtres  de 
Perpignan  par  intelligences,  au  milieu  de  la  paix; 
ils  connaissaient  bien  mal  Tàme  noble  et  loyale 
d*Henri  IV.  Les  consuls  de  cette  ville  en  conçurent 
la  crainte ,  et  se  mirent  en  état  de  défense  «  ainsi  que 
latteste  une  lettre  que  Philippe  III  écrivit  à  ces  ma- 
gistrats, \e  12  décembre  i6oa,  pour  leur  en  témoi- 
gner sa  gratitude  dans  les  termes  les  plus  flatteun'. 
La  guerre  ne  se  renouvela  que  sous  le  règne  sui- 
vant. 

Philippe  III  signala  son  règne  par  quelques  édita 
en  faveur  du  Roussillon ,  qu  il  importe  de  signaler. 

»  Liber  ordinal.  —  »  Vo>e«  U  iiote  VI.  —  *  Preuvrt,  n*  XII. 


CHAPITRE   DOUZIEME.  281 

Dès  la  secondi?  année  de  son  avcnemenl  au  trône ,  ce 
priiice  prouva  qu'il  voulait  être  v<^ritablemcnt  le  père 
de  ses  sujets,  en  créant  dans  la  Catalogne  et  les  deux 
comtes  un  ofTice  d'avocat  des  pauvres.  Sur  le  rap- 
port qui  lui  fut  fait  que  ces  malheureux  perdaient 
beaucoup  de  causes,  quelque  justes  qu'elles  fussent, 
Eaute  d'être  convenablement  dirigés,  il  ordonna  qu'il 
y  aurait  à  l'avenir,  uniquement  pour  eu\,  deux  avo- 
c^ta  et  deux  procureurs,  dont  le  salaire  serait  de  quatre 
cents  livres  pour  les  premiers  et  de  deux  cents  pour 
les  seconds.  Ces  avocats  et  ces  procureurs  étaient 
tenus  de  passer  U'ois  lieures  le  matin  et  autant  le  soir, 
dans  les  prisons,  pour  s'instruire  de  tout  ce  qu'ils 
pourraient  avoir  à  faire  dans  l'intérêt  et  pour  la  dé- 
fense des  prisonniers  pauvres,  de  qui  il  leur  était 
expressément  interdit  de  recevoir  directement  ou  in- 
directement aucun  argent  ni  cadeau  ni  autre  gratifica- 
tion quelconque;  et  pour  cela,  ces  jurisconsultes 
étaient  assujettis  h  la  visite,  comme  les  autres  officiers 
royaux.  Philippe  ne  borna  pas  là  sa  sollicitude.  Vou- 
lant empêcher  que  par  paresse,  par  indolence  ou  par 
tout  autre  motif,  ce»  mèn)ea  jurisconsultes  ne  missent 
de  la  né^igence  à  remplir  ce  devoir  paternel,  le 
nif^me  édit  crée  un  oiTice  de  solliciteur,  dont  le  titu- 
laire sera  obligé  d'aller,  deux  fois  par  semaine ,  visiter 
les  prisons  pour  recueillir  de  la  bouche  des  pauvres 
déleinis  des  renseignements  sur  l'état  où  se  trouvent 
leurs  alTaires,  et  solliciter,  presser,  s'il  le  &ut,  les 


282  LIVRH   TROISIÈME 

avoral5  do  s  en  occuper.  Ce  nest  pas  encore  asseA(  le 
roi  veut  que  ces  solliciteurs  rendent  eus.-inèai«0 
rom|)te  aux  docteurs  du  conseil  royal ,  dans  la  TiêHe 
des  prisons  à  laquelle  ceux-ci  sont  assujettis  chaque 
semaine,  des  diligences  faites  dans  chaque  cauae,"di- 
riarant  publiquement  si  c*estpar  la  faute  desavomls, 
des  pi*ocureurs  ou  des  juges,  que  ces  causes  é{»ou« 
vent  des  retards. 

La  prospérité  industrielle  de  la  principauté  et  de 
ses  dépendances  attira  aussi  lattention  de  Philippe. 
Un  édit  de  1 699  pourTaniélioration  de  la  fabricatioa 
des  velours,  satins,  damas,  taflTetas  et  autres  étoflet 
de  soie  dans  le  Roussillon,  prouve  que  cette  brandie 
d'industrie,  aujourd'hui  entitTcnient  éteinte»  y  ébdl 
alors  en  grande  activité.  La  même  année  parut  un 
autre  édit  sur  les  étoiles  de  laine  fabriquées  dans  lee 
trois  comtés.  «  Ces  étoffes,  dit  le  roi,  sont  de  mauvaise 
<i qualité,  ce  qui  fait  tort  au  pays,  d abord  en  ce  que 
uThabitint  ne  peut  porter  un  habit  bon  et  de  durée, 
uet  dépense  ainsi,  en  vêtements,  deui  fois  plusquil 
«ne  devrait  le  faire;  en  second  lieu,  parce  que  ces 
«  draps  ne  pouvant  entrer  en  conciurence  avec  ceux 
udes  autres  |)ays,  le  commerce  d*exportatioa  en 
«<  souffre  considérablement,  n  L'édit  détermine  la  lar- 
geur (|ue  les  pièces  devront  avoir,  pour  que  la  qualité 
<*n  soit  mieux  soignée  ^ 

LVvénnneiit  le  pins  remarquable  et  le  pliu»  ini|io- 

*    Lihrtttiritli  mitwn.  i 


CHAPITRE   DOUZIÈME.  285 

ilm^tique  du  règne  de  Philippe  III  lut  ia  complète  expul- 
ion  des  Maures. 
Cet  événement   désastreux  pour  TE^pagne  était 
appelé  depuis  longtemps  par  les  vœux  du  clergé. 
Déjà,  dix  ans  après  Texpulsion  des  Juifs,  H  avait  été 
question  de  celle  des  Maures,  et  notamment  de  ceux 
ifui  se  trouvaient  en  Catalogne  à  Tétat  de  captivité; 
mais  les  corts.de  Barcedoaje  de  iSo3  B*étaietit  em- 
pressées de  réclamer  contre  imen^esuré  qui'  port^niit 
un  notable  préjudice^  ceu^  qui>  en  ayaient  sur  leurs 
terres  \  Tindustrie  particulier e  à  ces  hommes  faisant 
de  leur  individu  une  propriété  précieuse.  Cette  assem- 
blée  ayant  demandé)  au  rc»  sa  parole   royale  que 
Texpulsion  n  aurait  pas  lieu,  Perdinatid  la  donna  et  la 
tint^.  Il  ny  eut  que  les  Maures  libres  de  Grenade,  à 
qui  il  (ut  ordonné  de  sortir  d*Espag»e  dans  le  t^rme 
d*un  mois.  Uexpulsion  différée,  et  toujcmri  sollidtée 
par  le  dei^é ,  fut  enfin  arrêtée.  ^ 

Le  personnage  qui  se  montrait  le  plus  acharné 
contre  ces  tristes  descendants  des  anciens  c<^nqûérants 
de  la  Péninsule ,  auxquels  on  donnait  le  nom  de  Mb- 
risques  depuis  que  leur  domination  avait  entièrement 
cessé ,  était  ^archevêque  de  Valence^  Ses  obsession^ , 
celles  des  autres  ecclésiastiques  auprès  de  Tarchevéque 

s  ■   < 

'  Los  (|uals  son  en  poch  nombre,  e  Aeria  mn  dun  e  desinicdo  4p|8 
l>aroD9  e  altres  parts  haon  dits  Moros  stan  poblats.  (  Cap.  xi^  en  cort 
relebrada  en  Barcelona  M.  D.  III.  ) 

*  ConstitiU.  de  Catal. 


284  LIVRE   TROISIÈME, 

de  Tolède ,  firère  du  duc  de  Lenne ,  ministre  el  finrori 
du  roi ,  furent  si  importunes ,  que  ce  ministre ,  soUidlé 
lui-même  par  le  prélat ,  fit  enfin  arrêter  irrévocable- 
ment  leur  bannissement,  quelque  efibrt  que  poMent 
(aire  encore,  et  quelque  bonne  raison  qu'eussent  A 
donner  ceux  que  la  mesure  lésait  dans  leurs  intéiéls, 
ou  qui  prévoyaient  le  mal  qui  devait  en  résidter  poor 
la  patrie.  Pour  avoir  un  prétexte,  on  accusa  ces  llo- 
risques  de  s'être  réjouis  du  malbeureux  résultat  qaV 
vait  eu  une  expédition  des  Espagnols  contre  Alger; 
d'avoir  pressé  le  grand  seigneur  et  les  rois  de  Fei  et 
de  Maroc  de  faire  une  descente  en  Espagne,  promet* 
tant  de  les  assister  en  se  révoltant;  d'avoir  com[dolé 
le  massacre  de  tous  les  vieux  chrétiens ,  au  jour  dn 
vendredi  saint,  et  d'avoir  commis  encore  d*aiilres 
crimes  dont  il  eût  été  bien  difficile  peut-être  d*adim* 
nistrer  les  preuves.  Les  prélats  ajoutaient  à  ces  griefs 
politiques  d*autres  inculpations  concernant  la  foi;  ik 
prétendaient  que  ces  musulmans  étaient  des  infidUes 
incorrigibles  (  accusation  bien  singulière  contre  des 
gens  qui  tenaient  à  leurs  croyances  ),  sur  lesquds  les 
sermons  ne  produisaient  aucun  effet,  et  è  l'égard  de 
qui  les  instructions  étaient  perdues'.  Les  barons  au 
pouvoir  de  qui  étaient  ces  Morisques  répondaient  A 
cette  dernière  accusation,  que  si  la  plupart  de  ces 
Morisques  restaient  obstinément  dans  leur  religion , 
la  faute  en  était  à  l'igiionincc  et  à  Tincapacité  des  ec- 

'  //îjl.  imirrrfl  iom.  LXXll,  ri  note  V 


CHAPITRE   DOUZIÈME.  285 

^(^siastiques  qui  entreprenaient  de  les  convertir,  à  la 
istinction  très-impolitique  qu'on  faisait  de  vieux  et 
e  nouveaux  chrétiens,  et  surtout  aux  violences  et 
siux  cruautés  de  Tinquisition.  Philippe  était  trop  éclairé 
pour  ne  pas  apercevoir  le  tort  que  la  perte  de  tant 
<l*hoinmes  intelligents  allait  causer  à  f industrie,  aux 
arts  et  h  Tagriculture  :  il  hésitait.  Pour  porter  le  der- 
nier coup ,  on  eut  recours  aux  miracles  et  aux  prophé- 
ties supposées,  et,  gouverné  entièrement  par  json 
favori ,  qui  Tétait  lui-même  par  son  frère  Farchevèque , 
le  prince  signa  enfin  Tédit  fatal ,  le  1 1  septembre  1 609.  1609. 
Obligé  de  se  séparer  de  plus  de  six  cent  mille  de  ses 
sujets,  Philippe  voulut  au  moins  pourvoir,  autant 
qu'il  était  en  lui,  à  leur  avenir,  et,  par  un  dernier 
effort  de  sa  sollicitude ,  il  employa  son  ascendant  pour 
leur  faire  obtenir  en  Afrique  un  bon  accueil  et  les 
meilleurs  établissements  possibles  ^  Rien  n^est  plus 
déchirant  que  le  tableau  de  ce  départ,  tracé  par  l'un 
des  apologistes  mêmes  de  cette  désastreuse  mesure  : 
qu'il  nous  soit  permis  d'en  insérer  ici  quelques  pas- 
sages. Nous  traduisons  le  plus  littéralement  possible, 
afin  de  conserver  au  langage  du  témoin  oculaire  l'em- 
preinte de  ses  émotions  et  de  ses  souvenirs. 

«Les  infortunés  Morisques  sortirent  aux  jours  dé- 
terminés par  les  ministres  du  roi ,  en  procession  dé- 
sordonnée, ceux  â  pied  mêlés  avec  ceux  è  cheval, 
en  grande  confiision,  accablés  de  douleur,  inondés 

'  Hist,  univers,  tom.  LXXII ,  et  note  V. 


284  LIVRE  TROISIÈME, 

de  Tolède ,  frère  du  duc  de  Lerme ,  ministre  et  favori 
du  roi ,  furent  si  importunes ,  que  ce  ministre ,  sollicité 
lui-même  par  le  prélat ,  fit  enfin  arrêter  irrévocable- 
ment leur  bannissement,  quelque  efibrt  que  pussent 
(aire  encore,  et  quelque  bonne  raison  qu'eussent  à 
donner  ceux  que  la  mesure  lésait  dans  leurs  intérêts, 
ou  qui  prévoyaient  le  mal  qui  devait  en  résidter  pour 
la  patrie.  Pour  avoir  un  prétexte,  on  accusa  ces  Mo- 
risques de  sêtre  réjouis  du  malheureux  résultat  qu*a- 
vait  eu  une  expédition  des  Espagnols  contre  Alger; 
d'avoir  pressé  le  grand  seigneur  et  les  rois  de  Fes  et 
de  Maroc  de  faire  une  descente  en  Espagne,  promet- 
tant de  les  assister  en  se  révoltant;  d'avoir  comploté 
le  massacre  de  tous  les  vieux  chrétiens ,  au  jour  du 
vendredi  saint,  et  d'avoir  commis  encore  d'autres 
crimes  dont  il  eût  été  bien  difficile  peut-être  d'admi- 
nistrer les  preuves.  Les  prélats  ajoutaient  à  ces  grieb 
politiques  d'autres  inculpations  concernant  la  foi;  ils 
prétendaient  que  ces  musulmans  étaient  des  infidèles 
incorrigibles  (  accusation  bien  singulière  contre  des 
gens  qui  tenaient  à  leurs  croyances  ),  sur  lesquels  les 
sonnons  ne  produisaient  aucun  effet ,  et  à  l'yard  de 
qui  les  instructions  étaient  perdues  ^  Les  barons  au 
pouvoir  de  qui  étaient  ces  Morisqucs  répondaient  à 
cette  dernière  accusation,  que  si  la  plupart  de  ces 
Morisqucs  restaient  obstinément  dans  leur  religion , 
la  faute  en  était  h  rignomnco  et  à  rinrai>acité  des  cc- 

'  !H»i.  UAircTS  toni.  liXXlI,  ri  note  V 


CHAPITRE   DOUZIÈME.  285 

olésiastiques  qui  entreprenaient  de  les  convertir,  à  la 
distinction  très-impolitique  qu*on  faisait  de  vieux  et 
de   nouveaux  chrétiens,  et  surtout  aux  violences  et 
aiux  cruautés  de  Tinquisition.  Philippe  était  trop  éclairé 
pour  ne  pas  apercevoir  le  tort  que  la  perte  de  tant 
cl*hommes  intelligents  allait  causer  h  Tindustrie,  aux 
arts  et  â  Tagriculture  :  il  hésitait.  Pour  porter  le  der- 
nier coup ,  on  eut  recours  aux  miracles  et  aux  prophé- 
ties supposées,  et,  gouverné  entièrement  par  Bon 
favori ,  qui  Tétait  lui-même  par  son  frère  Tarchevêque , 
le  prince  signa  enfin  Tédit  fatal,  le  1 1  septembre  1 609.       1609. 
Obligé  de  se  séparer  de  plus  de  six  cent  mille  de  ses 
sujets,  Philippe  voulut  au  moins  pourvoir,  autant 
qu'il  était  en  lui,  à  leur  avenir,  et,  par  un  dernier 
effort  de  sa  sollicitude ,  il  employa  son  ascendant  pour 
leur  faire  obtenir  en  Afrique  un  bon  accueil  et  les 
meilleurs  établissements  possibles  ^  Rien  n'est  plus 
déchirant  que  le  tableau  de  ce  départ,  tracé  par  Tun 
des  apologistes  mêmes  de  cette  désastreuse  mesure  : 
qu*il  nous  soit  permis  d*en  insérer  ici  quelques  pas- 
sages. Nous  traduisons  le  plus  littéralement  possible, 
afin  de  conserver  au  langage  du  témoin  oculaire  lem- 
preinte  de  ses  émotions  et  de  ses  souvenirs. 

«Les  infortunes  Morisques  sortirent  aux  jours  dé- 
terminés par  les  ministres  du  roi ,  en  procession  dé- 
sordonnée, ceux  à  pied  mêlés  avec  ceux  à  cheval, 
en  grande  confiision,  accablés  de  douleur,  inondés 

'  Hîst,  univers,  tom.  LXXII ,  et  note  V. 


286  LIVRE  TROISIÈME. 

(le  larmes,  élevant  des  plainles  tumultueuses  et  cort- 
iiises;  chai^gés  de  leurs  femmes  et  leurs -enfants,  de 
leurs  maladrs,  de  leurs  vieillards  et  des  maimotA, 
rouverts  de  poussi^rre,  suants  et  haletants;  les  uns  en 
chariot,  serrés  Ih  avec  leurs  meubles  et  bagages  «  les 
autres  ehevauchant  d^une  étrange  sorte  et  en  postiireà 
rustiques,  sur  des  selles  à  dossier,  sur  des  bâts  en 
joncs  ^  entre  les  jarres  où  Ton  porte  Teau;  entourés  de 
besaces,  de  tentes,  de  paniers,  de  robes,  de  saies,  de 
chemises,  de  linceuls,  de  manteaux,  de  monceaux  de 
chanvre,  de  pièces  de  lin  et  autres  objets  semblables, 
chacun  avec  ce  qu  il  possédait.  Les  uns  marchaient  à 
pied  •  déguenillés ,  mal  vêtus ,  un  pied  chaussé  d*iuie 
spaixlille  et  fautre  d*un  soulier,  d*autres  avec  leur  cape 
au  cou,  d*autres  avec  leur  besace  sur  les  épaules, 
d*antres  encore  avec*  diverses  enveloppes  et  chiffons; 
tous  saluant  ceux  qui  les  regardaient  ou  les  rencon- 
traient ,  leur  disant  :  u  Que  le  Seigneur  vous  garde  ici; 
((  seigneurs,  soyez  avec  Dieu!  »  Panni  ceux  qui  étaient 
sur  des  chariots  ou  sur  un  cheval  de  louage  (  parce 
qu  ils  ne  |)ouvaicnt  emporter  ou  extraire  du  royaume 
(|ue  ce  quils  [univaient  prendre  sur  eux,  comme 
l(*urs  vêtements  et  f aident  de  leurs  biens-meubles 
<puls  avaient  vendus),  (|ui  les  accompagnaient  jusqu'à 

>  S«»rtc  «le  |uinim  faÎH  a\('C<lf*A  trrMct  do  «parte  ft  rn  fonuf  de 
uraii'le.s  Ih's.i(  c»,  (luiii«>ii  sr  seri  «laii»  le  Midi  |Hiiir  pi»r(rr  de»  nro\uioiu 
Mir  1rs  iM-tf'H  tli*  Miiiiiuc  vi  (|u'oii  uppridit  Mirriii .  ci)  vi«Mi\  latin  et  ca- 
laldii ,  «'.yhim/'i.  i*n  cdMillaii.  mot  dmit  l)iiran<;i'  n'a  |»aA  coiuiii  rciiicte 
sii;iiirKMti(>ii 


r 


CHAPITRE   DOUZIÈME.  287 

1*  extrême  frontière,  on  voyait  de  temps  en  temps  pas- 
ser les  femmes  des  riches  Maures  avec  leurs  bijoux, 
de  grands  médaillons  d'argent  tombant  sur  leur  poi- 
^lirine  et  suspendus  à  leur  cou  avec  des  chaînes,  des 
«^oiUiers,  des  pendants  d'oreilles,  des  bracelets,  des 
<X)iraux.«  et  avec  mille  bigarrures  et  mille  couleurs  dans 
leur  costume   et  leurs  vêtements ,.  conune  si  elleis 
avaient  voulu  dissimuler  un  peu  les  souflrances  du 
oœur.  Les  autres,  en  bien  plus  grand  nombre,  sans 
comparaison,  allaient  à  pied,  las,  affligés,  éperdus, 
harassés,  tristes,  confus,   essoufflés,  enra^s,   cor* 
rompus,  ennuyés,  désolés,  exténués  de  soif  et  de 
bim;  car,  par  juste  châtiment  de  Dieu,  ils  n'avaient 
jamais  assez  et  ne  trouvaient  jamais  leur  suffisance 
de  pain  dans  le^  villages,  ou  d*éau  aux  fontaines, 
quoique  le  pays  soit  abondant,  et  que '  pour  leur 
argent  on  leur  donnât  du  pain  à  discrétion;  enfin, 
aussi  bien  ceux  qui  étaient  à  cheval,  malgré  leurs 
tristes  habits  de  fête,  que  ceux  qui  allaient  à  pied ,  tous 
souffiirent ,  au  début  de  leur  bannissement,  des  peiiles 
insupportables,  de  très-grandes  ani^tumes,  des  dou- 
leurs et  des  peines  aiguës  sut  le  corps  et  dans  f  âme  ; 
plusieurs  succotnbèrent  à  leur  affliction,  payant réai]ij 
et  lombre ,  en  route ,  parce  que  c'était  pendant  fêté 
que  ces  malheureux  sortirent;  et  plus  tard ,  quand  ils 
furent  hors  des  terres  de  notre  catholique  roi ,  il  en 
périt  en  peu  de  jours,  suivant  la  notice  qui  m'en  est 
parvenue,  tant  de  chagrin  que  de  mille  dures  pensées 


288  LIVRE  TROISIÈME. 

et  par  le  poids  de  mille  autres  inévitables  n 

plus  de  soixante  mille  ^.  n 

Cette  expulsion  ne  8'accom[dit  pas,  cepemknl, 
sans  effusion  de  sang.  Poussés  au  désespoir, 
infortunés  se  révoltèrent  plusieurs  fois.  Un 
nombre  d*entre  eux  se  réfugièrent  en  France,  «k 
Henri  IV  leur  procura  des  vaisseaux  pour  pmap  «■ 
Âfiique. 

En  i6oa  eut  lieu  la  tranriation  è  Perpignan 
siège  épiscopai  d'Elne ,  à  la  sollicitation  d*Oni 
Réart ,  alors  évéque  de  ce  diocèse.  La  buiie  qui  ■•- 
torisait  cette  trandation  fiit  présentée  au  chapiliv  le 
3  février,  et  la  cérémonie  s'en  fit  le  3o  juin.  Vérètfm 
de  Barcelone,  assisté  de  celui  d'Elne,  se  rendit  prooit» 
sionnellement  d'E^e  à  Perpignan ,  avec  tout  le  cfaiH 
pitre ,  emportant  les  reliques  des  saintes  patronnai  éa 
diocèse.  La  procession,  dans  laquelle  se  trounMH 
quarante-sept  croix  des  différentes  cures  du  diocètOt 
entra  dans  Perpignan  à  sept  heures  du  matin, 
autels  avaient  été  dressés  à  la  porte  d'Elne,  où  se 
valent  réunis  tous  les  prêtres  et  les  moines  des  diflft- 
rents  couvents  de  la  ville.  Les  reliques  des  sainles 
Eulalie  et  Julie ,  reçues  au  bruit  de  l'artillerie  de  le 
citadelle ,  furent  portées  à  Saint-Jean,  sous  l'escorte  des 
chevaliers  de  la  confrérie  de  Saint-Geoi^ges ,  qui 
allèrent  ensuite  exécuter  sur  la  place  de  la  Loge  cette 

*    Aioar  Cirdoiui,  ExpmUioH  JMstiJUuda  de  lot  Morisan  etpMk$, 
|itrt.  Il,  cap.  II. 


CHAPITRE   DOUZIÈME.  289 

pèce  de  tournoi  emprunté  des  Maures,  qu*on  appe- 
lait jeu  de  Cannes  ^ 

Il  tomba  en  Roussillon  une  si  grande  abondance  de 
neige  le  5  février  1 6o3  et  les  trois  joiu-s  suivants,  que 
cet  événement  fut  noté  comme  un  phénomène.  Dans 
les  rues  de  Perpignan  où  ce  météore ,  qui  y  est  très- 
rare  ,  couvre  à  peine  de  quelques  pouces  la  surface  du 
sol,  la  neige  s'éleva  au  delà  de  six  empans  ou  plus  de 
quatre  pieds  et  demi  ^: 

La  sécheresse  qui  désola  le  midi  de  la  France  en 
1 609  fit  entrer  en  Roussillon ,  le  1 3  du  mois  de  mai , 
une  procession  des  habitants  des  villages  fiançais  limi* 
trophes  de  ce  comté,  dans  laquelle  se  trouvaient  cin- 
quante flagellants.  Après  avoir  traversé  la  fix>ntière , 
cette  procession  se  rendit  à  Perpignan  ,  où  elle  fit  ses 
dévotions  devant  Tautel  de  Notre-Dame-des-Grâces , 
qui  se  trouvait  dans  féglise  des  Âugustins ,  et  devant 
Tauteldu  Christ,  dans  Téglise  de  Saint-Jean. 

Trois  ans  après ,  la  même  cause  amena  une  prise 
d*armes  de  la  ville  de  Perpignan  contre  celle  de  Ville- 
firanche ,  en  vertu  de  ce  qu'on  appelait  le  privilège  de 
la  main-armée. 

Le  droit  de  commune  impliquait,  dans  Torigine, 
celui  de  venger  par  la  force  des  armes  ses  propres  que- 
relles. La  conséquence  naturelle  de  ce  droit  était,  pour 
les  habitants  des  communes,  d*ètre  toujours  armés. 
La  charte  de  commune  de  Perpignan  traçait  la  marôhe 

*  Manuscrit  de  Pierre  Paschal.  —  *  Ihidem. 

II.  19 


290  IA\\\E   TROISIÈMK. 

que  SCS  citoynis  devaient  suivi'e  en  cas  d'injures  h 
venger  par  retle  voie.  Celui  qui  avait  reçuroffense, 
quel  qu  il  fût ,  devait  porter  sa  plainte  aux  officiers 
royaux  et  municipaux,  qui  jugeaient  s*il  y  avait  lieu  h 
en  poursuivre  la  réparation  parles  armes.  Si  la  nature 
de  l'injure  était  telle  que  l'emploi  de  ce  moyen  (Ùt  re- 
gardé romme   nécessaire,  TofTenseur  était  d*abord 
sommé  de  réparer  son  méfait,  et,  s'il  s'y  refusait,  le  vi- 
guier  de  Roussillon ,  le  bailli  et  les  consuls  de  Perpi^ 
gnan  faisaient  déployer  l'étendard  de  la  main-armée , 
ce  qui  était  l'appel  aux  armes  de  la  population.  I^a 
petite  armée  municipale  étant  organisée,  le  premier 
consul  de  la  ville  en  prenait  le  commandement,  et,  eri 
compagnie  du  viguier  et  du  bailli ,  elle  se  portait  vers 
le  domicile  de  rotTcnseur  pour  se  faire  justice.  Si  les 
concitoyens  de  celui-ci  embrassaient  sa  querelle  ets*ii 
s'ensuivait  mort  d'hommes,  nul  ne  pouvait  en  être  res- 
ponsable :  c'était  une  guerre  privée  V  Cet  usage  des 
temps  barbares  s'était  |)erpétué  en  Roussillon,  où  il 
reçut  encore  son   application  h    l'époque  oii  nous 
sommes  parvenus.  La  sécheresse  étant  très-obstinée 
en  iG]2,  les  consuls  de  Perpi^^nan  avaient  envoyé, 
suivant  ce  qui  se  pratiquait  dans  ces  sortes  de  circons- 
tances, un  syndic  de  la  ville  à  l'abbaye  de  Saint-Mar- 
tin  de  Canigou,  pour  requérir  le  transport  à  Perpignan 
des  rt^liques  de  Saint-(iauderic,   qui  se  conservaient 
dans  ce  monastère,  et  en  qui  les  Roussilloiniais  ont 

'  Voyfi  la  noto  VII,  ot  aui  Preuves  iIp  U  pirmirrr  |urtif ,  Ir  n*  \. 


CHAPITRE   DOUZIÈME.  291 

^ne  grande  confiance  pour  obtenir  de  la  faveur  du  ciel 
la  cessation  de  ce  qui  est  un  véritable  fléau  pour  leur 
pays.  Ce  syndic,  par  une  cause  qui  nous  est  inconnue, 
ayant  été  retenu  à  Villefranche  avec  les  reliques  du 
saint,  que  trois  religieux  accompagnaient  toujours  dans 
ces  déplacements  «  la  ville  de  Perpignan  déploya,  le 
17  décembre,  le  drapeau  de  la  main-armée ,  qui  fut 
planté  hors  des  murailles  de  la  place.  Ce  ne  (iit  pour- 
tant que  le  a  1  janvier  suivant  que  cette  armée  urbaine 
se  trouva  complètement  organisée.  Son  infanterie  se 
composait  des  corps  de  métier  marchant  sQus  leurs 
bannières  respectives,  et  la  cavalerie  était  formée  par 
les  chevaliers  de  la  confrérie  de  Saint-Georges  qui 
avaient  délibéré  de  faire  cause  commune  avec  les 
bourgeois  dans  cette  expédition  ^  Ce  jour-là  cette  petite 
armée  alla  coucher  à  Thuir,  d*o{i  en  trois  jours  elle 
arriva  au  plan  de  Sirac  où  elle  campa,  et  fit  le  dégât 
dans  une  propriété  appartenant  à  un  habitant  de  Ville- 
franche.  Ceux  de  cette  dernière  ville  firent  une  sortie 
le  lendemain  1 7,  et  furent  forcés  de  rentrer  dans  leurs 
murailles.  Les  Perpignanais  tirèrent  contre  la  ville  une 
vingtaine  de  coups  de  canon ,  avec  une  pièce  qu*ils 
avaient  amenée  ^  ils  arrachèrent  les  .plants  de  deux  ou 
trois  vignobles,  et,  après  ces  exécutions,  le  syndic 
captif  et  les  reliques  ayant  été  repdus,  le  second 
consul  de  Perpignan,   qui  commandait  Tannée  en 
Tabsence  du  premier,  donna  Tordre  du  retour.  La  re- 

'   Xaupi,  Rech.  hittor. 

19. 


292  LIVRK  THOISIEME. 

lation  d'un  témoin  oculaire,  chirurgien  dans  t'trmve 
|ierpif;naiiaisc .  qui  nous  donne  ces  détails',  nous  ap- 
prend que  les  pertes  essuyées  dans  cette  petite  cam- 
pagne furent,  du  rùto  des  Perpignanais ,  un  homme 
(ué  et  quelques  blessés,  et  du  côté  de  ceux  de  Ville- 
franche  ,  plusieurs  morts  et  un  grand  nombre  de  bles- 
sés. La  citasse  de  Saint-Gauderic  entra  triomphante 
dans  Perpignan ,  le  i  "  février. 

Une  nouvelle  occasion  de  faire  sortir  l'étendard  de 
la  main-armée  se  présenta  en  i6a8  :  nous  allons  en 
parler  tout  de  suite,  pourn'avoir  plus  à  revenir  surre 
sujet . 

Depuis  un  an  une  vive  mésintelligence  existait  entre 
la  Catalogne  et  le  Roussillon,  et  spécialement  entre 
Barcelone  et  Perpignan.  En  i  Gay  cette  dernière  ville 
avait  adressé  au  roi  un  mémoire  pour  demander  que 
les  deux  comtés  fussent  séparés  de  la  juridiction  du 
vice-roi  et  du  conseil  royal  deCatalt^nr,  surfe  motif 
que  tout  l'ai^cnt  du  pays  pas.<tait  à  Barcelone,  soit  pour 
procès  des  partirulicrs ,  soit  pour  les  fonds  de  la  dé- 
putalion ,  qui  ensuite  ne  faisait  aucune  dépense  pour 
ces  comtés  ;  cet  état  appauvrissait  ces  contrée» ,  qui 
recouvreraient  au  contraire,  disait  le  mémoire,  leur 
ancienne  prospérité  si  elles  étaient  constituées  en  pro- 
vince indépendante.  La  députation,  â  qui  re  mémoire 
avait  été  renvoyé .  réfuta  les  griels  proposés,  et  la  de- 
mande lut  rrjetée;  mais  la  publicité  donnée  À  la  r^ 
'   Minuinit  ilr  J.  t'.t<ii 


f 


.4i 

CHAPITRE    DOUZIÈME.  295 

ponse'  jeta  beaucoup  d  aigreur  entre  les  deux  pays. 
Quelques  Perpignanais  sortant  de  Barcelone  et  refusant 
de  pay  ercertains  droits  auxquels  ils  prétendaient  n'être 
pas  soumis,  une  rixe  s'éleva,  leurs  mulets  furent  saisis 
et  ils  durent  se  cacher  pour  sauver  leur  vie.  A  cette 
nouvelle ,  grand  tumulte  dans  Perpignan  :  l'étendard 
de  la  main-armée  fut  arboré  à  l'hôtel  de  ville  le  q  jan- 
vier 1629.  ^  charge  du  bailli  se  trouvant  vacante  en 
ce  moment ,  et  la  présence  de  cet  o0icier  royal  étant 
indispensable,  les  consuls  pressaient  le  gouverneur 
d'en  désigner  un.  Le  gouverneur  avait  demandé  déjà 
des  instructions  au  vice-roi ,  qui  lui-même  en  avait  ré- 
féré à  la  cour.  Un  messager  venu  de  Barcelone  annon- 
çant que  cette  ville  désirait  terminer  cette  affaire  par 
accommodement,  on  voulut  rentrer  l'étendard;  mais 
le  peuple,  qui  méprise  toujours  un  péril  qu'il  ne  voit 
que  de  loin ,  et  qui  est  d'autant  plus  audacieux  qu'il 
s'imagine  qu'on  le  redoute,  se  persuadant  qu'on  voulait 
mettre  des  bornes  à  son  courage ,  se  mutine,  et  la 
crainte  de  voir  cette  populace  furieuse  mettre  le  feu  à 
l'hôtel  de  ville,  suivant  sa  menace,  fit  annuler  la  déli- 
bération qui  venait  d'être  prise  dans  ce  sens.  Bientôt 
même,  l'irritation  devenant  toujours  plus  grande,  on 
dut  avoir  recours  à  l'évêque,  qui  se  présenta,  le  saint 
sacrement  dans  ses  mains ,  devant  les  attroupement» 
pour  les  engager  à  se  dissiper.  D'autre  part,  l'autorité 

'  Mémorial  hecho  por  el  princip.  de  CaUl.  en  repoesta  a  otro  kecha 
por  la  villa  de  Peq).,  etc.  Margant,  1637,  in-r  de  TingUdetii  pagea^ 


\ 


'in  LIVRE  TUOISIÈME. 

[irovinrialc  de  Barcelone,  considérant  la  prise  d*arnies 
de  Perpignan  comme  une  révolte,  avait  envoyé  dans 
celte  ville  rofficial  des  ordinaires  pour  arrêter  les  con- 
suls et  le  viguier.  Cet  oflicial  arrivant  à  Perpignan  le 
jour  même  de  cette  émeute,  on  l'engagea  à  tenir  sa 
mission  secrète ,  s  il  ne  voulait  être  mis  en  pièces  par 
la  populace ,  et  le  gouverneur ,  qui  par  ses  rapports 
avait  provoqué  cette  mesure,  n  e  se  regardant  pas  comme 
en  sûreté  dans  son  hôtel ,  se  retira  dans  un  couvent. 
L'étendard  sortit  de  Perpignan  le  i  o  février,  porté  par 
le  viguier  et  suivi  par  toutes  les  compagnies  de  gens 
de  métier,  auxquelles  s  étaient  réunis  grand  nombre 
de  bourgeois,  ainsi  que  les  chevaliers  de  Saint-Georges, 
qm'  avaient  spontanément  offert  leurs  ser\'ices  aux 
consuls.  Cette  expédition  préparée  avec  tant  de  bruit 
n'alla  pas  au  delà  d'Klne,  et  elle  se  bonia  à  la  saisie  de 
quelques  denrées  appartenant  à  des  Barcelonais  dans 
cette  ville  d'Elne,  h  Sainl-Cyprîen  et  en  quelques 
autres  lieux.  Le  2  du  mois  de  mars  deux  otTirials  et 
un  juge  de  l'audioiice  de  Barcelone  arrivèrent  à  Per- 
pignan, et  montcriMit  h  la  citadelle,  où  ils  séjournèrent 
jus([u*au  7  avril  suivant ,  sans  oser  descendre  dans 
la  ville.  Dans  Tintervallc  le  roi  d'Kspagne  mit  un 
terme  A  IVIferveseencc  populaire,  par  la  lettre  sui- 
vante, qu'il  écrivit  aux  consuls  en  réponse  à  leur  sup- 
plique. 

«A  nos  aniés  et  féaux,  les  consuls  de  notre  très- 
fidèle  ville  de  Perpignan,  le  roi. 


CHAPITRE    DOUZIEME.  295 

u  Nos  amés  et  féaux ,  afin  d'éviter  les  désagréments 

^ui  pourraient  s  ensuivre  si  les  difficultés  que  votre 

"v  iile  a  avec  celle  de  Barcelone  se  traitaient  autrement 

«^ue  par  les  moyens  de  la  justice,  je  vous  charge  et 

■iiande  instamment  qu'au  reçu  de  la  présente  vous  vous 

désistiez  de  toute&les  disppsitions  que  vous  avez  corn- 

Kxiei)cé  à  prendre  de  fait,  lesquelles  pe^vent  être  en* 

o usées,  et  que  vous  retiriez  immédiatement Tétendard 

delà  main-armée,  vou3  acquittant  pour  tout  le  passé 

si  vous  ne  poussez  pas  plus  avant  dans  aucune  de  ces 

dispositions,  et  vous  promettant  défaire  examiner  et 

reconnaître  les  privilèges  pt  papiers  que  vous  avez,  et 

de  vous  faire  rendre  justice  en  donnant  à  votre  syndic, 

Raphaël  Xatmar,  Taudience  dont  vous  me  suppliez. 

Que  si  vous  ne  faisiez  pas  ce  que  je  vous  mande  par 

ce$  présentes,  je  serais  très-mécontent  de  vous,  et 

vous  me  délieriez  à  Tinstant  des  grâces  que  je  veux 

vous  faire ,  et  qu*ont  méritées  votre  fidélité  et  votre 

loyauté.  Ponné  à  Madrid,  le  19  de  mars  1629.  Moi 

le  roi.  » 

En  même  temps  qu'il  envoyait  cette  lettre  aux  oon* 
suis  de  Perpignan ,  Philippe  IV  enjoignait  à  laudience 
royale  de  Barcelone  dmterrompre  toute  procédure 
commencée  sur  cette  affaire,  ce  qui  n  empêcha  pas 
Jautorité  municipale  de  pette  ville  de  faire  Vendre, 
nonobstant  fopposition  de  laudience  et  du  vioe-roi, 
la  maison  d*un  Perpignanais  établi  dans  Barcelone. 
Au  mois  de  septembre  suivant  cette  même  ville,  pour 


206  LIVRE   TROISIÈME. 

se  venger  de  sa  rivale,  Taccusa  d'avoir  voulu  se  livrer 
à  la  France,  ce  qui  donna  lieu  à  une  enquête  solennefle. 
Le  vice-roi  de  Catalogne  s'étant  transporté  à  Perpignan 
à  cette  occasion ,  le  corps  municipal  lui  envoya  une 
députation  pour  lui  exprimer  toute  Tindignation  qa^ 
ressentait  d*une  accusation  aussi  atroce  que  perfide, 
et  le  vice-roi  promit  de  faire  rechercher  et  punir  Faa- 
teur  de  cette  diffamation  ^ 

Les  procès  les  plus  scandaleux  auxquels  la  supers- 
tition puisse  donner  naissance  furent  jugés  dans  Per- 
pignan en  1618  :  nous  vouions  parler  des  procès  des 
sorciers.  Déjà  de  semblables  scandales  avaient  été 
donnés  en  France ,  neuf  ans  auparavant ,  et  il  avait  été 
constaté  par  une  enquête  judiciaire ,  faite  par  ordre 
du  pariement  de  Bordeaux,  quil  y  avait  eu  au 
four  du  palais  de  (lalien ,  près  de  cette  ville, 
réunion  présidée  par  le  diable  en  personne.  Ceci  n*est 
que  ridicule;  mais  ce  qui  est  affreux  et  inconcevable, 
c  est  que  des  malheureux,  poussés,  on  ne  sait  par  qud 
fanatisme ,  aient  osé  soutenir  au  milieu  des  supplices 
qu*ils  avaient  réellement  assisté  au  sabbat^.  Le  men- 
songe obstiné  a  donc  aussi  ses  martyrs,  comme  f  éter> 
nelle  vérité  !  Les  détails  nous  manquent  au  sujet  de 
ce  qui  se  passa  en  Iloussillon ,  sous  le  rapport  desfiuts 
criminels  imputés  aux  sorciers;  nous  apprenons  seu- 
lement de  deux  témoins  oculaires,  qu  un  enfant  nommé 

*  Manuscrit  de  J.  Om  ;  Xau|)i ,  Hfch.  mr  la  nobl. 

*  Dr  LaiiiTf ,  de  flncùiut.  de$  démons .  a  4  c  rti». 


• 


CHAPITRE   DOUZIEME.  297 

X-^urent,  prétendu  sorcier  lui-même,  ayant  déclaré 

«^*il  reconnaîtrait,  à  la  vue  des  personnes,  celles  qui 

étaient  de  la  bande,  on  arrêta  et  on  mit  en  jugement 

une  multitude  de  femmes ,  tant  de  Perpignan  que  des 

autres  lieux ,  et  que  plus  de  deux  cents  d'entre  elles , 

convaincues  de  ce  crime  imaginaire ,  furent  pendues  ^ 

Les  arrestations  ne  s'arrêtèrent,  à  ce  qu'il  parait ,  que 

lorsque  ce  petit  misérable  eut  enfin  découvert  un  sor- 

4Ûer  des   plus   considérables,   ce  que  Jérôme  Gros 

appelle  de  la  grossa  manega  :  celui-ci  Ait  livré  au  saint 

oflBce  qui,  plus  éclairé  ou  moins  barbare  que  les  juges 

ordinaires,  se  contenta  de  l'envoyer  aux  galères. 

Le  meilleur  des  rois ,  celui  qui  faisait  du  bonheur 
de  son  peuple  ses  plus  chères  pensées,  et  que  ces  pen- 
sées ne  quittaient  jamais;  qui  tout  en  disputant  sa 
couronne  à  des  sujets  révoltés  n'oubliait  pas  que  ces 
rebelles  étaient  ses  enfants  et  leur  fournissait  lui-même 
du  pain  ;  celui  dont  le  panache  était  toujours  le  pre- 
mier aux  champs  des  périls  et  sur  le  chemin  de 
l'honneur,  Henri  IV,  était  tombé  sous  le  fer  d'un 
assassin.  Son  fils,  Louis  XIII,  n'avait  pas  encore  ac- 
compli sa  neuvième  année ,  quand  un  fanatisme  d'au- 
tant plus  atroce  qu'il  n  avait  plus  depuis  longtemps 
ni  fondement,  ni  prétexte,  ni  excuse,  lui  donna  un 
sceptre  que  sa  débile  main  était  condamnée  à  ne  sa- 
voir jamais  tenir. 

De  l'autre  côté  des  Pyrénées,  Philippe  Illavait  aittii     puiipp«  iv. 

'  Manuscrits  de  Jérôme  Gros  et  de  Pierre  Paacbal. 


208  LIN  HE   TROISIÈME. 

laissé  une  couronne  qui  s'étendait  sur  les  deux  mondes , 
h  son  fils  Philippe  IV,  tout  aussi  incapable  que  Lonb 
d*en  supporter  le  poids ,  mais  qui  n'avait  pas,  conmie 
le  roi  de  France,  Favantage  d*être  remplacé  par  un 
ministre,  le  plus  habile  homme  dVtatdeson  siècle. 

Le  service  fîmèbre  célébré  dans  Perpignan  à  l'occa- 
sion de  la  mort  de  Philippe  III  donna  lieu ,  entre  les 
consuls  et  le  gouverneiu*,  à  une  contestation  de  oérd* 
moin'al  qui  se  prolongea  pendant  douze  ans.  Le  goii» 
verneur  s  était  rendu  à  Thotel  de  ville,  précédé  de  deua 
massiers,  contrairement  à  lusage  qui  nen  attribuait 
qu  aux  consuls.  Pour  protester  contre  cette  usurpation, 
CCS  magistrats  refusèrent  d'accompagner  le  gouverneur 
k  la  cérémonie  et  ce  dernier  se  rendit  seul  à  Téglise  de 
,6,,.  Saint  Jean,  où,  de  Thôtel  de  ville,  on  avait  déjà  envoyé 
faire  opposition  k  la  célébration  de  Toflice.  Comme 
c'était  le  premier  consul  de  la  ville  qui  tenait  le  deuii« 
le  clei^é  déféra  h  cette  opposition ,  et  dès  que  le  gou- 
verneur, arrivant  seul  h  Téglise ,  eut  pris  place  dans 
le  chœur,  révoque  se  relira,  l'autel  fut  déparé,  et  on 
défit  le  catafalque.  Le  lendemain,  ce  gouverneur,  qui 
s  appelait  don  Christoval  (lallar  y  deTreguer,  fit  cé- 
lébrer un  service  particulier  dans  féglise  des  Aiigus- 
tins,  auquel  il  assista,  et  le  service  solennel  n'eut  lieu 
à  Snint-Jean  que  quelques  jours  plus  tard,  en  présence 
(1rs  consuls'.  Les  neuf  jours  (|ui  avaient  précédé  celui 
auquel  devait  se  faire  le  service  ainsi  n^nis.  leprtv 

'   Maiiu>crilstl(>  Pirrrc  l*uft«.'lial  vt  tir  J.  Om 


4 

CHAPITRE  DOUZIÈME.  299 

ier  consul  avait  tenu  le  deuil  dans  sa  maison  »  où  tous 
corps  de  métiers  étaient  transportés  pour  faire  une 
^riflitede  condoléance.  La  nouvelle  de  la  mort  du  roi 
Cut  annoncée  dans  la  ville  à  son  de  trompes  mimies 
de  sourdines,  avec  défense  d'ouvrir  les  boutiques  pen- 
dant toute  la  neuvaine.  Cinq  jours  après,  une  nou- 
velle annonce  en  fut  fiûte  par  des  trompettes  à  cheval, 
suivis  par  les  difiSérents  officiers  de  la  ville ,  aussi  è 
Aeval.  '        '       .  «         . 

Une  galère  génoise  sur  laquelle  se  trouvait  la  prin-  i6 
cesse  Dorothée,  fille  de  l'empereur  Rodolphe,  âgée 
de  treize  ans,  se  perdit  le  sq  nov€»nbre  1622,  près 
de  Leucate.  Des  forçats  sauvèrent  à  la  nage  larchidu- 
chesseet  ses  dames,  qui  se  rendirent  à  Perpignan.  Les 
consuls  allèrent  attendre  cette  princesse  à  la  porte  de 
la:vîUe,  avec  une  compagnie  de  deux  cents  hommes 
et  plus  de  cent  torches  allumées,  et  cette  archiduchesse 
entra  dans  Perpignan  à  la  nuit  tombante,  au  bruit  de 
lartillerie  des  remparts  et  de  la  citadelle  ;  elle  i^epartit 
de  cette  ville  après  s'y  être  reposée  un  jour  ^ 

La  peste  se  déclara  dans  le  village  de  Pc^estre  en 
l63i,  apportée^  dit-on,  par  des  effets  appartenant  à 
une  femme  française.  De  PoUestre  elle  gagna  Perpi- 
gnan ,  où  la  plus  grande  mortalité  régna  jusqu'au  mois 
de  janvier  :  eh  trois  mois  lé  nombre  des  victimes 
9'éleva  à  six  mille.  On  accusa  de  cette  mortafité  ex- 
cessive l'incurie  des  consuls^. 

'  Manuscrit  de  J.  Gros. — ■  Ibidem, 


500  LIVRE  TROISIÈME. 

Les  guerres  civiles ,  qui  depuis  le  règne  fimeste  de 
Charies  IX  ne  cessaient  de  désoler  la  France,  aTUflnt 
trouvé  un  constant  appui  dans  les  Espagnols,  à  cette 
époque  les  implacables  ennemis  de  cette  couronne*  Le 
temps  venait  enfin  où  la  première  de  ces  puissances, 
en  faisant  rentrer  définitivement  sous  sa  dominatioD 
une  province  qui  en  était  séparée  depuis  cinqaièdett 
allait  se  venger  de  tous  les  troubles  que  la  seconde 
avaitfomentés  dans  son  sein  avec  tant  de  persévéraneià 
Sous  rétemel  et  banal  prétexte  de  défendre  la  reli- 
gion, l'Espagne,  quis*en  était  faite  le  champion  et  i|iii 
y  trouvait  son  compte,  ne  cessait  de  provoquer  les 
peuples  à  la  révolte  contre  leurs  souverains.  Aprfcs 
avoir  fait  soulever  la  Valteline,  elle  avait  excité  de  tons 
ses  efforts  la  révolte  des  huguenots  de  France ,  et  eUe 
avait  fini  |)ar  faire  perdre  la  fidélité  au  frère  même 
du  roi. 

Une  paix  toute  d'hostilités  était  un  état  plus  fildiem 
mille  fois  que  celui  d'une  guerre  ouverte.  La  surprise 
de  la  ville  de  Trêves  par  les  Espagnols,  avant  toute 
déclaration ,  fournit  au  cardinal  de  Richelieu,  premier 
ministre  de  Louis  XIII,  l'occasion  de  sortir  enfin  de 
cette  situation  équivoque,  et  de  prendre  ouvertement 
les  armes.  La  guerre  commen<^a  par  les  Pays-Bas, 
s  étendit  plus  tard  aux  frontières  des  Pyrénées  et  finit 
pour  les  agresseurs,  après  vingt-cinc|  ans  de  durée,  par 
la  perte  du  I^ortngal ,  du  Roussillon ,  de  partie  de  la 
(lerda^iie  et  de  partie  de  f  Artois. 


CHAPITRE    DOUZIÈME.  301 

Du  côté  des  Pyrénées ,  la  guerre  débuta  par  le  siège 
é  Leucate ,  que  la  politique  espagnole  fit  bien  moins 
e^ntireprendre  dans  le  but  d*essayer  une  trouée  en  Lan- 
l^edoc ,  que  pour  avoir  le  prétexte  de  couvrir  la  Cata- 
logne de  soldats  étrangers  ^u  pays.  L'intention  du  ca- 
binet de  Madrid  était  d'asservir  cette  province ,  que 
ses  libertés  et  ses  privilèges  sans  nombre  séparaient 
entièrement  du  reste  de  la  monarchie;  mais,  pour 
mener  k  bien  une  entreprise  aussi  délicate ,  il  aurait 
fidlu  k  la  tête  du  conseil  un  Richelieu,  et  il  ne  s  y  trou- 
vait qu  un  Olivarès.  Au  lieu  de  la  prudence  et  de 
Tadresse  qui  seules  auraient  fait  réussir  ce  projet  ha- 
sardeux, Olivarès  n  y  mit  que  de  la  rudesse  et  de  l'en- 
têtement,  aussi  ne  fit-il  que  soulever  les  Catalans 
contre  lautoritè  royale  et  mettre  dans  le  plus  grand 
péril  le  trône  du  prince  qui  lui  en  avait  abandonné 
les  intérêts. 

Le  comte  de  Cerbellon  avait  reçu  le  commandement 
de  l'armée  qui  devait  agir  contre  la  petite  place  de 
Leucate ,  à  l'extrême  frontière  du  Languedoc ,  que 
Ton  croyait  surprendre. 

Quelque  mystère  que  les  Espagnolseussent  mis  dans 
leurs  préparatifs ,  ils  n'avaient  pu  tromper  la  vigilance 
de  Richelieu  :  l'arrestation  de  divers  agents  sur  la 
frontièreavait  donné  l'éveil,  et, le  i o  septembre  1 634,  »*^*- 
on  avait  même  arrêté  à  Lapalme  et  conduite  Narbonne 
le  gouverneur  provisoire  de  la  citadelle  de  Perpignan, 
don  Jean  de  Menesès,  qui  explorait  secrètement  cette 


if..i7. 


502  LIVKE   TROISIÈME. 

partie  de  la  frontière  Irancaise^  QttiBnd  l*année-dc 
Ccrbeilon,  forte  de  onze  mille  làntassins  et  de  dji^lifth 
mille  chevaux  avec  soixante  et  dix  pièces  de  caiyn« 
entra  sur  le  territoire  français,  tout  était  prêt  pour 
lui  tenir  tête. 

Lcucate,  situé  au  bas  d  un  rocher  dont  la  mer  baigne 
le  pied ,  et  dont  les  étangs  de  Salses  et  de  Lapd 
resserrent  Tavenue  du  coté  opposé,  ne  pouvait 
attaqué  que  par  Tisthmc  étroit  que  ces  deux  étaii§i 
laissent  entre  eux.  Le  château ,  séparé  du  village ,  avait 
pour  gouverneur  un  sieur  de  Barri  de  Saint- AniUÔi^ 
dont  le  père,  pourvu  de  ce  même  commandeoMal 
sous  Henri  IV ,  avait  sacrifié  sa  vie  pour  la  codm^ 
vation  de  son  poste.  La  garnison,  de  quatre*vmg;la 
hommes  seulement,  disputa  pendant  quatre  jours  le 
passage  de  fisthnie  aux  efforts  de  Tannée  espagnole, 
qui  avait  franchi  la  frontière  le  29  août. 

L  occupation  du  village  de  Leucate  par  les  Eipa- 
gnols  isolant  le  château  au  milieu  des  ennemis.  Car- 
bellon  s  était  assuré  des  villages  de  Fitou  et  de  TreiHea. 
et  s*cm|)nrait  des  chenn'ns  pour  empêcher  Tapproche 
de  tout  secours.  Pendant  que  d*un  autre  coté  il  éle^ 
vait  des  retranchements  sur  le  haut  du  rocher  de  Len- 
cate,  pour  se  défendre  contre  les  forces  de  Languedoe 
et  qu*il  dressait  des  batteries  contre  le  cliàteeu,  il  di- 
rigeait une  autre  sorte  d  attaque  contre  la  probité  de 
Rarri  :  cinquante  mille  érus  et  \u\o  pension  de  deux 

^   M«nu!irrit  ilf  J.  <'.rn*. 


th.^ 


CHAPITRE    DOUZIÈME.  305 

A~viille  livres  étaient  le  prix  qu*on  lui  proposait  potir  une 

trahison; 

Le  duc  d'Hallwin ,  gouverneur  de  Languedoc ,  con- 
naissait la  détresse  du  château  de  Leucate.  Sans 
attendre  la  réunion  de  toutes  ses  forces ,  il  part  de 
Narbonne  le  a  3  septembre,  et  &it  attacjuer  les  retran- 
chements ëniiemis  le  a  6  aii  soir,  jour  de  son  arrivée  ; 
après  des  prodiges  de  valeur  de  part  et  d'autre,  ils 
furent  enlevés.  Le  combat  continua  en  arrière  des 
lignes,  jusqu'à  ce  que  Tobscurité  empêchât  de  distin- 
guer les  objets.  Les  Français  couchèrent  sur  le  champ 
de  bataille  pour  recommencer  le  feu  au  retour  du  jour, 
mais  les  Espagnols  profitèrent  de  la  nuit  pour  faire  leur 
retraite,  abandonnant  trente  pièces  de  canon,  les 
bagages  et  les  munitions  et  précipitant  le  reste  de  leur 
artillerie  dans  Tétang  de  Salses.  Cette  brillante  affidre 
valut  au  duc  d*Hallwin  le  bâton  de  maréchal  de  France, 
qu'il  porta  sous  le  nom  de  Schombérg^ 

*  On  lit  dans  les  nouveaux  Mémoires  de  littérature,  recueillis  par 
I  ahbé  d^Artigny,  tome  VI ,  le  passage  suivant ,  au  sujet  de  Taffaire  de 
Leocate: 

cOn  trouva  parmi  les  morts  une  douzaine  d^Espagnoles  armées  et 
t  velues  en  soldats.  On  demanda  aux  prisonniers  s^ils  connaîsMÎent  ces 
t  femmes,  et  sous  quel  capitaine  elles  portaient  les  armes.  Ds  répon- 
cdiient  que  non;  mais  Tun  d  eux  regardant  ses  camarades  avec  m^^Nria, 
«  leur  dit  d'un  ton  fier  el  majestueux  :  Digan  que  non  no  son  mvgeres , 
«  mugeres  son  los  que  fauyeron.  (  Dites  que  ce  ne  sont  pas  dea  ftÉmneè  : 
«ce  nom  ne  doit  être  donné  qo*à  ceux  qui  ont  fui.)  > 

Nous  ignorons  où  Tautenr  de  ce  mémoire  a  puisé  cette  tneodote, 
que  nous  ne  trouvons  dans  aucun  des  écrits  du  temps ,  à  notre  connais- 


504  LIVRE  TROISIEME. 

1639.  Après  réchec  de  Salses,  Tannée  espagnole  étah 

rentrée  en  Catalogne,  où  sa  présence,  secondant  les 
projets  du  cabinet  de  Madrid,  consolait  la  cour  du 
revers  qu'avaient  éprouvé  ses  armes.  Deux  ans  après, 
le  prince  de  Condé,  lieutenant  du  roi  en  Languedoc , 
et  le  maréchal  de  Schomberg  se  rendirent  maîtres , 
sans  opposition ,  de  Rivesaltes ,  Estagel,  Claira,  Canet« 
dont  ils  firent  démolir  les  murailles.  Le  château  d^Opol, 
que  sa  situation  rendait  inexpugnable,  fut  livré  par 
son  gouverneur,  qui  périt  trois  jours  après,  dans  Per- 
pignan, de  la  mort  des  traîtres.  Le  fort  de  Salses,  sus- 
ceptible de  soutenir  un  long  siège,  se  rendit  le  1 9  juillet 
après  quarante  jours  de  blocus,  non  sans  de  graves 
soupçons  de  perfidie. 

Le  ministère  espagnol  semblait  avoir  tout  fait ,  en 
remplissant  la  Catalogne  de  soldats  qui  y  commettaient 
mille  désordres;  il  se  décida  enfin  à  mettre  ses  forces 
en  campagne ,  et  le  1 A  de  septembre  elles  allèrent 
essayer  de  reprendre  Salses. 

Mnce-,  ce  qui  nous  donne  de  violents  doutes  sur  son  aotnentidlé,  c*ert 
ce  qu'il  ajoute  au  sujet  des  femmes  de  Perpignan ,  et  qui  est  réeU€niCBt 
apocryphe  : 

«Les  femmes  de  Perpignan,  dit-il,  voulurent  partager  en  queiq— 
«  manière  la  gloire  de  ces  amazones,  car,  lorsque  les  vaincus  furent  ém 
t  retour,  elles  vinrent  h  leur  rencontre ,  les  accablèrent  d*injam,  et 
«cju:itèrent  un  si  grand  tumulte,  que Cerbellon  fut  contraint  de  se i4- 
c  fugierdans  le  couvent  des  capucins,  où  il  resta  plusieurs  jours  en  at- 
•  toiulant  (|uc  Tcmcute  fût  apaiM'e,  et  qu'on  eût  fait  des  défenses  très- 
t  «presses  de  |Mirler  de  Leucate ,  ni  d*injurier  ceui  qui  s  étaient  trouva 
«  à  celte  malheureuse  expédition.  ■  Pages  69  et  sui\. 


CHAPITRE    DOUZIEME.  505 

Les  Français ,  restés  en  Roussillon  tant  que  les  Es- 
'pagnols  n  avaient  fait  aucun  mouvement  pour  les  en 
<!hasser,  venaient  de  forcer  le  ohâteau  de  Teutavei, 
^uandie  marquis  de  Spinola,  successeur  de  Cerbellon, 
sortit  enfin  de  Perpignan  avec  vingt-cinq  mille  honunes 
d'infanterie  et  quatre  mille  chevaux.  Pendant  que 
Schombei^  se  retirait  sur  la  firontière  française,  le 
prince  de  Condé  allait  en  Languedoc  presser  de  nou- 
velles levées ,  avec  lesquelles  il  ne  tarda  pas  à  venir  se 
placer  en  face  des  Espagnols.  Le  prince  aurait  pu , 
comme  lavait  fait  Schomberg  devant Leucate, attaquer 
dès  le  soir  même  les  retranchements  ennemis  :  il  ne 
le  fit  pas,  et  ce  fut  un  malheur;  un  orage  effroyable, 
qui  éclata  pendant  la  nuit ,  força  les  Français  à  cher- 
cher un  refiige  sur  les  hauteurs ,  et  étendit  une  vaste 
mer  entre  eux  et  Tennemi*. 

Malgré  les  torrents  de  pluie  qui  tombaient  sur  leur 
tète,  les  Espagnols  n  avaient  pas  bougé  de  leur  camp. 
Les  rivières  débordées  ne  permirent  pas  le  lendemain 
aux  provisions  d'arriver  jusqu'à  eux,  mais  elles  ne  les 
empêchèrent  pas  de  travailler  avec  une  admirable  ar- 
deur à  vider  Feau  qui  les  encombrait,  et  à  rétablir  lem^ 
lignes  quelmondationavaitbouleversées.Des  maladies, 
auxquelles  donnèrent  lieu  cette  constance  à  affron- 
ter forage  et  les  fatigues  qui  en  avaient  été  la  suite, 
enlevèrent  bientôt  à  cette  armée  un  grand  nombre 
d'hommes  qui  périrent  dans  les  hôpitaux,  ou  qui  y  lan- 

»  Note  vin. 

II.  ao 


\ 


306  LIVRE  TROISIÈME. 

guirent  pendant  toute  la  campagne.  Le  prince  de 
Condo  voulut,  le  i*  novembre,  avec  quelques-unes 
des  milices  dispersées  par  Torage  et  qu'il  était  parvenu 
à  rallier,  attaquer  les  retranchements  espagnols  ;  mais 
il  fut  repoussé  avec  perte  denviron  mille  trois  cents 
hommes,  et  il  dut  abandonner  è  ses  propres  moyens 
la  garnison  de  Salses,  qui  capitula  le  a 2  décembre'. 
La  reprise  de  cette  place  fut  suivie,  bientôt  après,  de 
l'insurrection  générale  de  la  Catalogne.  Comme  c*est 
cette  insurrection,  provoquée  par  le  système  d'oppres- 
sion adopté  par  la  cour  contre  cette  province,  qui  fit 
passer  définitivement  le  Roussillon  sous  la  couronne 
de  France,  il  importe  de  faire  connaître  (|urlles  étaient 
ces  libertés  dont  jouissaient  les  Catalans,  et  qui  cau- 
saient tant  d'envie  aux  autres  provinces  ainsi  qu*au  ca- 
binet espagnol.  Pour  cela,  il  nous  faudra  reprendre  les 
choses  d'un  peu  haut. 

^  On  lit  dans  le  manuscrit  dr  Pierre  Paschal  que,  le  37  juillet  de 
ctilp.  année  ir>3<j,  on  rommenra  ù  démolir  l'ancienne  église  de  Seint- 
Mathiru,  qui  riait  beauroii|>  plus  voisine  de  la  citadelle.  Ses  natériatti 
servirent  à  la  construction  de  la  Dou\elle  église.  Des  note*  du  temps 
disent  que  la  démolition  aVu  lit  à  coups  de  canon. 


LIVRE  QUATRIÈME 


CHAPITRE  PREMIER. 


Origine  de  la  révolution  de  Catalogne.  —  Motifs  de  la  cou- 
ronne dans  ses  hostilités  contre  la  province.  —  Premières 
difficultés  à  Toccasion  du  serment  royal.  —  Le  comte-duc 
d*01ivarès  cherche  à  faire  révolter  les  Catalans.  —  Violences 
des  soldats. 


A  répoque  de  la  dislocation  de  Tempire  d*Occident, 
les  Goths ,  après  avoir  soumis  à  leur  domination  une 
partie  de  la  Narbonnaise,  avaient  envahi  TEspagne,  où 
ils  avaient  fondé  une  vaste  et  puissante  monarchie 
élective.  Ce  principe  de  Télection,  la  religion  Tavait 
elle-même  ratifié  :  le  quatrième  concile  de  Tolède 
proclama,  dans  son  soixante  et  quinzième  canon ,  qu*À  la 
mort  du  roi  les  primats  du  royaume,  de  concert  avec 
les  prêtres,  lui  chobiraient  un  successeur  •  Le  troisième 
canon  du  cinquième  concile  de  la  même  ville»  pré- 
voyant même  le  cas  où  un  homme  sans  naissance  et 
sans  vertus  viendrait  à  s*emparer  du  trône,  voua  i  Ta- 
nathème  relui  qui  tenterait  d*usurper  la  couronne  sans 

ao. 


308  LIVRE   QUATRIÈME. 

le  vœu  unanime  de  la  nation  ou  sans  Télection  faite 

comme  de  droite 

Bientôt  les  Maures  envahirent  TEspagne;  mais 
Charles- Martel  et  son  fils  leur  ayant  arraché  la  Cata- 
logne, la  faculté  de  pouvoir  se  choisir  un  chef  sans 
égard  h  la  succession  fut  conservée  aux  Catalans  par  la 
permission  que  leur  accordèrent  les  conquérants  de 
se  replacer  sous  leurs  anciennes  lois.  Louis  le  Pieux 
donna  à  Bera,  Tun  des  plus  vaillants  Goths,  le  fief  de 
Barcelone,  avec  le  titre  de  comte  ;  Wifred  le  Velu  ren- 
dit cette  dignité  héréditaire  dans  sa  famille,  et  les 
comtes  de  IWcelone  fmirent  par  monter  sur  le  trône 
d'Aragon . 

Les  Catalans  prétendaient  que  leur  droit  d'élire  le 
souverain  n'était  pas  anéanti  par  cette  institution  d'hé- 
rédité, par  la  raison  que  les  comtes  ne  jouissaient  pas 
d'un  pouvoir  ahsolu ,  que  leurs  décisions  devaient  être 
consenties  par  les  corts  de  la  province,  et  qu'en  accep- 
tant, à  la  fm  d'un  régne ,  le  fils  du  dernier  comte  pour 
son  successeur,  celui-ci  ne  pouvait  gouverner  que  sui- 
vant le  code  des  lois  visigothes ,  seules  reçues  dans  la 
terre ,  ainsi  que  l'avait  autorisé  Charlemagne  ;  ils  ajou- 
taient que  le  successeur  du  it>i  mort ,  ou  le  nouveau 
comte  de  Barcelone,  ne  pouvant  être  reconnu  dans  la 
province  qu'après  qu'il  avait  juré  devant  les  corts  le 
maintien  des  privilèges  et  franchises,  ce  serment  rem- 
plaçait de  fait  le  principe  de  IVlection  et  en  Irnail  lieu. 

*  Lahb^i  Collfctio  concil.  lom.  V. 


CHAPITRE    PREMIER.  309 

La  faculté  d  élire  leur  souverain  était  contestée  aux 
datalans  par  la  cour  de  Madrid,  et  avec  toute  raison. 
La  Catalogne  était  une  partie  intégrante  du  royaume 
d*Aragon,  et  ce  royaume  se  trouvant  réuni  à  la  monar- 
chie qui  régissait  les  différents  petits  royaumes  de  la 
Péninsule,  devenus  simples  provinces  d*£spagne,  ceUe 
de  Catalogne  devait  nécessairement  se  soumettre  à  la 
loi  conservatrice  de  Tétat,  et  subir  le  vœu  de  la  majo- 
rité. Que  deviendrait  en  effet  le  principe  de  vie  d'un^ 
monarchie,  si  chaque  province  pouvait  accepter  ou 
refuser  pour  sa  part  le  roi  qui  succède  à  un  autre? 
Chaque  changement  de  règne  deviendrait  inévitable- 
ment le  signal  de  nouveaux  déchirements  politiques, 
de  nouvelles  guerres  civiles,  de  nouveaux  désoicdres. 
Ce  qui  n  était  pas  possible  pour  toutes  ne*  pouvait  pas 
être  un  privilège  pour  une  seule,  quand  ce  privilège 
aurait  été  contraire  à  la  loi  générale  et  fondamentale 
de  rétat. 

La  Catalogne  voulait  se  regarder  comme  une  prin* 
cipauté  indépendante,  placée  par  le  seul  fait  de  sa  vo- 
lonté sous  la  protection,  et  seulement  sous  la  protection 
de  TEspagne,  comme  un  territoire  libre ,  ne  reconnais- 
sant lautorité  du  monarque  espagnol  que  sous  son  bon 
plaisir;  mais  cette  prétention  était  fausse  et  illégale  : 
fausse ,  en  ce  que  la  Catalogne  n'ayant  jamais  &it  acte 
qu'elle  se  regardait  comime  étrangère  au  roya^me' 
d'Aragon,  du  temps  que  cette  couronne  était  indépen- 
dante de  celle  de  Castille,  les  rois  d'Aragon  n'araient 


.^10  LIVHE   QUATRIEME, 

pu  supposer  la  possibilité  de  cette  tardive  prétention; 
elle  était  illégale,  en  ce  que  le  royaume  d*Aragon  étant 
soumis  aux  lois  générales  de  la  monarchie,  pour  ce  qui 
concerne  Tordre  de  succession  au  trône,  et  la  Cola* 
lognc,  partie  intégrante  de  TAragon,  nayant  jamais 
récusé  cette  loi ,  elle  s'y  trouvait  assujettie  comme  le 
reste  de  ce  royaume. 

La  Catalogne  avait  toujours  été  considérée  comme 
partie  intégrante,  indivisible,  inséparable  de  TAragoD, 
depuis  qu'un  comte  de  Barcelone  était  monté  sur  le 
trône  de  ce  royaume,  et,  à  cet  égard ,  elle  était  sur  le 
même  pied  que  Valence  et  le  Roussillon,  Majorque  et 
la  Cerdagne.  Alphonse  III ,  aux  corts  de  Montso  de 
1 289, confirmantlunion  des ilcs  Baléares, disait  :«t Or- 
«  donnons  et  statuons  qu'en  aucun  temps  le  royaume  et 
«  îles  de  Majorque,  Minorcpie  et  Yvire  ne  soient  sépa- 
«  rés  ni  aliénés  de  la  seigneurie  de  Catalogne  et  de  TA- 
uragon.  )i  Jayme  II,  aux  corts  de  Barcelone  de  lagi. 
confinnant  à  son  tour  cette  union,  dit,  «  Statuons 
a  qu'en  aucun  temps  le  royaume  et  les  îles  de  Ma- 
ie jorque  ne  soient  séparés  ni  aliénés  de  la  seigneurie 
«de  Catalogne  et  desdits  royaumes  d'Aragon  et  de  Va- 
«  Icnce,  ni  du  comté  de  Barcelone^  ;  »  et  aucune  récla- 
mation ne  s'était  élevée  (*ontrc  cette  agglomératioii 
d'éléments  déclarés  indivisibles.  Pèdre  IV ,  qui  enleva 
le  royaume  de  Majorque  à  Jayme  ll«  ne  regarde  pas, 
dans  son  édit  d'union  ,  la  Catalogne  comme  une  prin- 

I  GpMlif.  Je  Catai. 


CHAPITRE   PREMIER.  311 

^ipauté  libre  et  non  forcément  dépendante  de  sa  cou- 
ronne :  «  Les  forces  réunies  en  un  faisceau  assurent 
«  mieux  la  paix  et  la  tranquillité  contre  les  attaques  en* 
«nemies;  et  lexpérience  a  appris  dans  ces  derniers 
«  temps  combien  la  division ,  tentée  par  nos  devanciers, 
«des  royaumes  d*Âragon ,  de  Valence  et  du  comté  de 
«Barcelone,  a  eu  un  fâcheux  résultat,  etc.  »  li  est 
donc  bien  évident  que  les  rois  d*Âragon  n  avaient  ja<» 
mais  supposé  qu*on  pût  leur  contester  le  droit  de  do- 
mination successive  et  héréditaire  sur  la  Catalogne* 
Mais  d'ailleurs,  ce  privilège  que  prétendait  avoir  la 
Catalogne  de  pouvoir  élire  son  seigneur,  elle  le  fon- 
dait sur  fusage  des  lois  visigothiques,  et  c  était  bien  à 
tort  quelle  en  invoquait  le  bénéfice,  puisque  ces  lois 
avaient  été  abrogées  solennellement  dans  les  corts  de 
Barcelone  de  Tan  i  ^5 1 ,  par  Jayme  I.  u Statuons,  dit 
«conseil  des  susdits,  que  les  lois  romaines  ou  gothes, 
«  décrets  et  décrétales ,  ne  soient  pas  reçues  dtos  lei$ 
«  causes  séculières ,  qu'elles  ne  soient  citées  ni  allé* 
ttguées,  et  qu  aucun  légiste  ne  puisse  les  invoquer 
a  dans  les  tribunaux  séculiers,  à  moins  que  ce  ne  soit 
«  dans  sa  propre  cause  ^  »  Tels  sont  les  termes  de  Tédit^ 
La  prétention  qui  s'élevait  sous  Philippe  IV  nétait 
donc  qu  une  mauvaise  raison  dont  le  mécontentemi^at, 
soit  injuste  soitlégitinie  de  la  province ,  voulait  coloirer 
sa  résistance  à  l'autorité  royale,  et  au  moyen  de  la- 
quelle elle  s'efforçait  de  justifier  sa  position. 

'   Constit.  ahrog.  de  Cattd. 


312  LIVKE   QUATRIÈME. 

Les  jurisconsultes  français,  pas  plus  que  les  jurit- 
consulles  espagnols ,  ne  reconnaissaient  aux  Catalans 
le  droit  de  se  clioisir  un  maître;  mais  ils  plaçaient  la 
question  sur  un  autre  terrain.  Suivant  eux,  la  Catalogne 
relevait  inunédiatement  de  la  France  et  n  appartenait 
qu*abusivemcnt  à  TElspagne.  Le  droit,  disaient-ils, 
naissant  du  fait ,  le  fait  était  établi  de  cette  manière  en 
faveur  de  la  France. 

Les  Maures ,  après  avoir  envahi  TEspagne  et  péné- 
tré jusqu'au  cœur  de  la  France,  en  avaient  été  chassés 
par  Chaiies-Martel  et  ses  successeurs.  Le  gouverneur 
de  Barcelone  Zatoum  avait  fait  sa  soumission  à  Charle- 
magne,  mais,  ayant  ensuite  manqué  à  sa  foi,  Charles 
l'avait  dépossédé,  et  avait  réduit  sous  son  autorité 
Barcelone,  Tortose  et  Lerida.  Ce  prince,  ainsi  que  son 
fils,  établirent  des  comtes  de  Barcelone,  et  la  Cata- 
logne, dépeuplée  par  les  Sarrasins ,  reçut  des  colonies 
françaises  que  lui  fournit  le  Languedoc.  Après  que  ce 
comté  de  Barcelone  eut  fait  partie  de  la  Septimanie 
pendant  un  demi-siècle ,  Charles  le  Chauve  len  déta- 
cha et  il  en  donna  l'investi ture  à  Wifrcd.  Les  investi- 
tures successives  faites  par  les  rois  de  France  sont  la 
preuve  de  leur  souveraineté  légitime  sur  ce  pays ,  qui 
ne  l'avait  jamais  mise  en  doute  dans  les  temps  anciens  ^ 
Les  formes  du  gouvernement  de  la  Citalogne,  qui 
s*étendait  sur  la  Cerdagne  et  sur  le  Roussillon ,  favori- 
saient au  reste  les  idées  démocratiques  de  ses  habitants; 

*  Mf  rcurr  de  Villorio  Siri ,  livre  V. 


CHAPITRE   PREMIER.  515 

un  gouverneur,  toujours  de  la  nation,  siégeait  assisté 
d'un  assesseur,  d'un  juge,  du  secrétaire  et  du  procu- 
reur fiscal.  Le  vice-roi  étant  dans  Barcelone,  ce  gou- 
verneur ne  pouvait  pas  exercer  la  justice  dans  la  ville; 
mais  rien  ne  pouvait  Tempécher  de  ladministrer  au 
dehors,  parce  qu*il  était  au-dessus  de  tous  les  ordi- 
naires. Après  lui  venait  le  conseil  des  Cent,  dont  les 
membres  pris  parmi  les  chevaliers,  les  bourgeois,  les 
avocats ,  les  médecins ,  les  marchands ,  les  artistes  et 
les  artisans,  étaient  présidés  par  Tun  d*eux,  sous  le  titre 
de  premier  conseiller  en  chef;  et  ce  président ,  dont 
les  fonctions  étaient  annuelles ,  on  le  choisissait  alter- 
nativement dans  chacune  des  classes  dont  nous  venons 
d'établir  la  hiérarchie.  Outre  les  tribunaux  pour  la  jus- 
tice civile  et  criminelle ,  U  y  avait  un  baiUiage  général 
pour  la  province ,  indépendamment  d'un  bailli  parti- 
culier qui  jugeait  les  différends  des  marchands  et  des 
artisans.  La  députation ,  qui,  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
était  le  syndicat  des  corts,  pour  suivre  les  afiaires  dans 
l'intervalle  des  sessions,  se  composait  de  trois  membres 
qui  étaient  renouvelés  tous  les  trois  ans.  Son  principal 
devoir  était  de  veiller  au  maintien  et  à  la  défense  des 
usages  du  pays,  de  ses  constitutions,  de  ses  droits  et 
privilèges  ;  et  c'est  sous  cette  attribution  que  nous  lui 
verrons  jouer  le  premier  rôle  dans  la  révolution  de 
Catalogne.  Quant  à  l'audience  royale ,  c'était  une  cour 
suprême ,  d'une  organisation  particulière  ^. 

*  Nous  eu  parierons  plus  loin,  au  chapitre  Ti. 


51A  LIVRE  QUATRIÈME. 

Suivant!  organisation  dont  nous  venons  de  présenter 
très-succinctement  les  bases ,  la  province  se  réserfWil 
à  elle- même  la  connaissance  de  toutes  ses  a(Iiunf« 
aussi  bien  que  son  administration  générale  et  poti* 
culière ,  elle  n  obéissait  guère  que  de  nom  au  vice^roi 
que  lui  donnait  le  roi  d*Espagne.  En  vertu  de  ses  privi- 
lèges ,  la  reconnaissance  même  de  ce  vice-roi  ne  pàm* 
vait  avoir  lieu  quautant  que  le  roi  était  venu  lui- 
même,  au  commencement  de  son  r^ne,  jurer,  m 
milieu  des  corts  convoqués  à  Barcelone,  le  maindcn 
des  lois,  privilèges  et  libertés  de  la  province  :  c'est 
cette  soumission  conditionnelle,  cette  prétention d*iD* 
dépendance ,  que  la  cour  d*Kspagiic  voulait  anéantit.  • 
En  mettant  à  Técart  la  prétention  au  droit  de  se 
choisir  leurs  comtes ,  ou ,  en  d  autres  termes,  de  po»* 
voir,  suivant  leur  caprice,  se  donner  à  tel  ou  tel  prince, 
di*oit  perdu  d  abord  par  le  seul  fait  de  l'usurpation  hère* 
ditaire  de  Tautorité  souveraine  par  les  anciens  comtes 
du  pays,  usurpation  consacrée  par  une  possession 
interrompue  de  près  de  sept  siècles,  sans 
ni  contestations,  et  abandonnée  ensuite  par  la  renon- 
ciation des  corts  de   ia5i  à  Tusage  des  lois  visigo- 
diiques  qui  en  établissaient  le  principe,  et  en  ne  consi- 
dérant le  vœu  des  Catalans  que  sous  le  rapport  du 
maintien  de  leurs  ibrs,  de  leurs  privilèges,  immunités, 
libertés  et  i'ranrliises,  on  ne  peut  les  blâmer  d'avoir 
cherché  h  (*onserver  par  la  force  ce  qu*une  violence 
brutale  et  outrageante  voulait  leur  tirracher.  Ces  pri- 


CHAPITRE    PHEMlEh.  515 

vilëges,  ces  libertés  leur  avaient  été  concédés  volon- 
tairement, librement,  de  plein  gré  et  avec  entière 
connaissance  de  cause  par  des  comtes  ou  des  rois  qui, 
ajant  eu  k  se  féliciter  de  leurs  services  et  de  leur  dé^ 
vouement,  leur  en  avaient  ainsi  témoigné,  peut-être 
trop  largement,  peut-être  aussi  sans  assez  de  discerne- 
ment et  avec  quelque  imprudence,  toute  Tétendue  de 
leur  gratitude  ;  mais  enfin  ils  en  jouissaient  paisible- 
ment  depuis  des  siècles;  chaque  nouveau  roi  promet- 
lait  solennellement  de  n*y  rien  changer,  et  Philippe  IV 
avait  fait  lui-même  ce  serment  :  rien  de  plus  juste  alors 
de  leur  part  que  de  chercher  à  se  maintenir  dans 
cette  possession.  Tous  les  raisonnements  qu*on  fit  à 
cette  époque ,  pour  prouver  que  les  Catalans  avaient 
tort  de  prendre  les  armes  ne  sont  que  des  sophismes  ; 
le  principal  ouvrage  publié  dans  ce  but  est  celui  du 
prieur  du  couvent  de  Saint-Ânne,  Augustin  Bius,  sous 
le  titre  de  Cristal  de  la  vérité.  Dans  cet  ouvrage  «  pleib 
de  paradoxes  et  de  diatribes  contre  les  Français,  Rius 
avance  que  les  peuples,  à  raison  de  leur  devoir  de  fi* 
délité ,  et  pour  le  maintien  de  la  paix ,  ne  peuvent 
jamais  exiger  que  les  exceptions  instituées  en  leur 
dveur  par  les  rois  prédécesseurs  du  roi  régnant  et 
jurées  par  celui-ci  soient  strictement  observées  par 
lui;  il  veut  établir  que  ces  rois,  jurant  Tobservation 
des  pactes  faits  avant  eux ,  même  avec  force  de  loi»  ne 
sont  pas  rigoureusement  tenus  de  remplir  leurs  6og«^ 
gements,  tandis  quau  contraire  le  vassal  qui  a  juré 


316  LIVRE   QUATRIÈME, 

fidélitc  cl  obéissance  ne  peut  être  dégagé  par  rien  au 
monde  de  raccoinplissement  de  ce  devoir.  On  conçoit 
quen  présence  du  pouvoir  absolu,  et  entièrement 
dans  son  intérêt,  on  puisse  prêcher  une  doctrine  qui 
est  Tasservissement  brutal  des  peuples  ^  mais  elle  n*en 
est  pas  moins  absurde ,  honteuse  et  immorale.  Rius 
n'ouvrait  aux  Catalans  que  la  voie  des  supplications» 
des  remontrances,  des  plaintes,  des  réclamations;  il 
s*appuyait  sur  divers  passages  des  constitutions  de  Ca- 
talogne et,  entre  autres,  sur  la  loi  rendue  par  la  reine 
Marie,  aux  corts  de  Barcelone  de  i  A^a.  Cette  loi  in- 
dique en  effet  les  protestations  et  les  remontrances 
comme  moyen  légal  de  se  faire  rendre  justice,  en  cas 
de  violation  des  privilèges  et  constitutions;  mais  elle 
ajoute  que  ces  moyens  seront  employés  jusqu'à  due 
conclusion ,  de  telle  sorte  que  lesdits  usages  et  autres 
lois  et  privilèges  susdits  soient  conservés  et  défendus. 
Comment  arriver  à  cette  conclusion,  les  remontrances 
ne  suffisant  pas  sans  la  voie  de  la  force?  Une  loi  natu- 
relle ,  antérieure  à  toutes  les  lois  écrites ,  dit  que  qui 
veut  la  fm  veut  les  moyens,  et  Marie  établissant  en 
principe  que  les  privilèges  doivent  être  conservés  et 
respectés ,  consent  tacitement  aux  moyens  de  les  faire 
conserver  et  respecter  autrement  que  par  les  protes- 
tations, quand  celles-ci  ne  suffiront  pas;  sans  cette  con- 
dition, la  loi  des  corts  ne  serait  plus  qu*une  déception, 
et  telle  n'était  pas  Tintention  des  membres  do  cette 
assemblée.  Ce  que  Marie  ne  dit  pas ,  Pèdre  IV  lavait 


CHAPITRE    PREMIER.  517 

et  proclamé  hautement,  lors  de  Tunion  du  royaume 
Majorque  à  V Aragon  :  Si  lui  ou  quelqu'un  de  ses 

successeurs  voulait  désunir  ces    parties    du  même 

royaume ,  les  peuples  étaient  maîtres  de  s'y  opposer 

par  la  force  des  armes.  . 

Mais ,  d  un  autre  côté ,  tout  avait  changé  autour  de 

la  Catalogne ,  quand  elle  seule  voulait  rester  immuable 
derrière  le  rem  part  de  ses  privilèges  et  de  ses  anciennes 
institutions.  Ces  privilèges,  ces  libertés  n'étaient  plus 
en  harmonie  avec  la  marche  de  la  nouvelle  monarchie 
qui,  surtout  depuis  Ferdinand  II,  tendait  manifeste- 
ment à  fabsolutisme  et  se  débarrassait  graduellement 
de  tout  ce  qui  lui  faisait  obstacle.  De  plus,  ces  privi- 
lèges étaient  enviés,  jalousés  par  les  autres  provinces 
de  l'empire  qui,  moins  bien  partagées,  supportaient 
toutes  les  charges,  tandis  que  la  Catalogne,  retranchée 
derrière  ses  fors ,  ne  s'occupait  que  de  ses  propres  in- 
térêts. Le  gouvernement  voulant ,  et  ici  c'était  son 
devoir ,  faire  concourir  à  la  défense  de  Tétat  et  à  la 
prospérité  générale,  les  efforts  de  tous  les  peuples 
indistinctement,  se  trouvait  dans  l'obligation  de  pren- 
dre quelques  mesures  pour  détruire  cet  égoîsme  d'une 
province  qui  s'isolait  de  toutes  les  autres  ;  qui  recourait 
à  la  commune  patrie  quand  elle  avait  besoin  de  son 
assistance ,  mais  n'entendait  pas  lui  accorder  eUe-mème 
ses  secom*s ,  en  alléguant  que  ses  privilèges  l'en  dis- 
pensaient, ou  qui,  si  elle  consentait  à  les  donner, 
semblait  imposer  en  même  temps  le  poids,  si  lourd 


320  LIVRE   QUATRIÈME, 

dignité'» ,  la  députation  et  le  conseil  des  Cent  décidèrent 
que  le  roi  n  étant  pas  encore  venu  prêter  son  scnnentv 
le  vice-roi  ne  serait  pas  reçu.  Cette  affaire  se  traîna 
ainsi  pendant  deux  ans;  enfin  la  députation  et  la  ville 
de  Barcelone  députèrent  à  Madrid,  pour  presser  le 
monanpie  de  venir  tenir  les  corts  :  Philippe  donna  sa 
parole  royale  de  se  rendre  en  Catalogne  dans  le  cou- 
rant de  raruiéc  suivante,  et,  sur  un  engagement  aussi 
formel,  toute  opposition  à  ladmission  du  vice-roi  iîit 
levée. 

Philippe  vint  en  effet  à  Barcelone  en  1 6a  6,  comme 
il  Tavait  promis;  mais  ce  voyage,  qui  aurait  dû  être  le 
signal  de  Tunion  des  Catalans  avec  leur  souverain,  ainsi 
qu  il  en  avait  toujours  été  sous  les  règnes  précédents, 
fut,  en  rétat  où  en  étaient  les  choses,  le  principe 
des  malheurs  du  pays  et  de  la  révolution  qui  devait  en 
être  la  triste  et  inévitable  conséquence  :  la  faute  provint 
bien  moins  du  roi  que  de  son  premier  ministre. 

En  montant  sur  le  trône ,  Philippe  avait  confié  le 
timon  des  affaires  au  favori  de  son  enfance,  don  Gus* 
nian,  comte-duc  d*01ivarès,  dont  le  caractère  souple, 
insinuant  et  ambitieux  s'était  dès  longtemps  préparé 
les  voies  de  la  grandeur.  Du  moment  que  le  roi  prit 
les  rênes  de  Tétat  il  lui  donna  le  conseil  d*arcabler  les 
Catiilans.  Voici  ce  que  Thistoriogniphr  Siri  met  dans  la 
bouche  d*un  ambassadeur  qui  possédait,  suivant  lui, 
la  confiance  des  plus  grands  personnages  Av  la  cour 
d*Kspa;;ne  :  «Les  personnes  les  mieux  instruites  des 


CHAPITRE  PREMIER.  521 

«  aâàires  du  cabinet  espagnol  assurent  que  le  principal* 
«  conseil  suggéré  par  le  comte-duc  à  Philippe  IV,  lors- 
«qu*il  commença  à  régner,  fut  de  donner  aux  Catalans 
«quelque  sujet  de  se  révolter,  afin  de  pouvoir  ensuite 
«les  dépouiller  légitimement  de  ces  privilèges  qui  les 
<»  portaient  à  s  élever  avec  tant  d'orgueil  contre  Tauto- 
«rité  royale.  11  lui  dit  que  le  principal  secret  des  mo- 
tt  narques  était  de  favoriser  les  séditions  dans  les  peu- 
u  pies  qui  ne  peuvent  supporter  ni  la  servitude ,  ni  la 
«liberté,  poiu*  avoir  droit  de  changer  par  la  force  des 
«  armes  la  demi-liberté  dans  laquelle  ils  vivaient ,  en 
«  une  servitude  entière ,  et  de  les  traiter  enfin  comme 
«des  peuples  subjugués.  Cette  doctrine,  qui  disait  es- 
«  pérer  au  roi  d^étendre  son  empire ,  flattait  agréable- 
«ment  son  oreille.  Le  comte-duc  ne  trouva  aucun 
a  obstacle  du  côté  de  ce  prince  pour  frapper  au  vif  les 
«  Catalans,  afin  que  la  douleur,  excitant  en  eux  un  plus 
«grand  ressentiment,  offrît  aussi  plus  de  sujet  de  les 
«châtiera» 

Dans  de  telles  dispositions,  il  n'était  pas  difficile 
d'arriver  au  but.  Plein  de  hauteur,  le  comte-duc  d'OH- 
varès  blessa  les  Catalans ,  à  qui  non-seulement  il  ne 
témoigna  aucun  égard ,  mais  pour  qui  il  montra  au 
contraire  le  plus  grand  éloignement ,  et  qu'il  affectait 
même  de  prétendre  réduire.  La  première  tentative 
qu'il  fit  contre  les  privilèges  de  la  province  fut  d'exiger 
qu'elle  payât  l'impôt  nommé  el  qvdiUo,   comme  les 

*  Mercare  de  Viltorio  Siri,  livre  IV. 

II.  ai 


322  LIVRE  QUATRIÈME, 

autres.  Les  coris  ayant  réclamé,  le  ministère,  qui  peut- 
être  ne  se  sentait  pas  encore  assez  fort,  s*était  désisté 
de  sa  prétention  ;  mais  la  tentative  avait  produit  son 
effet  moral  :  elle  avait  suffi  pour  montrer  aux  Catalans 
un  ennemi  dans  la  personne  du  second  chef  de  Tétat. 
A  peine  eurent-ils  fait  cette  découverte ,  que  la  fierté 
et  la  rudesse ,  traits  distinctifs  du  caractère  national , 
leur  firent  prendre  tous  les  moyens  d'accroître  sa  haine. 
Leur  dédain  pour  le  ministre  leur  fit  attaquer  haute- 
ment et  à  visage  découvert  Tidole  devant  laquelle  était 
prosternée  toute  TEspagne,  et  ils  n'hésitèrent  pas  à 
puhlicr  que  c'était  chose  indigne  de  la  majesté  royale, 
que  de  laisser  un  favori  distribuer  la  justice  suivant 
son  gré  et  ses  caprices. 

Une  scène  tumultueuse  qui  eut  Heu  pendant  la  tenae 
des  corts,  que  Philippe  présidait  pour  la  première  fois, 
contribua  encore  à  augmenter  contre  les  Catalans  Tan- 
tipathie  du  ministre  et  laigrcur  instillée  dans  le  cceur 
du  roi.  Le  3  mai  i6a6,  au  milieu  de  rassemblée,  et 
en  la  présence  du  souverain,  le  duc  de  Cardone,  fun 
des  principaux  seigneurs  catalans,  outré  des  injures 
que  ]e  comte  de  Santa-Coloma,  Catalan  lui-même, 
mais  partisan  d*OUvarès,  se  permcttiit  contre  ses  pro- 
pres concitoyens,  mit  IVpée  à  la  main  contre  ce  sei- 
gneur, qui  avait  tiré  la  sienne  le  premier.  Une  foule  de 
menibres  présents  imitant  cet  exemple  et  se  rangeant 
auprès  de  celui  des  deux  rhampîonsdont  ils  partat^eaienl 
1rs   sentinuMits,    la  srèiie  allait    être    ensanglantée. 


V 


CHAPITRE    PREMIER.  525 

quand  les  plus  sages,  s* interposant  entre  les  deux  partis, 
firent  remettre  Fépée  dans  le  fourreau.  Le  roi,  efirayé 
de  cette  action  audacieuse ,  et  pressé  parle  comte-<luc , 
moteur  de  la  querelle  et  qui  ne  se  regardait  plus  comme 
en  sûreté  à  Barcelone,  en  partit  en  secret  le  lendemain 
matin '^  Dès  que  cette  évasion  fut  connue  dans  la  ville, 
le  conseil  des  Cent  députa  son  conseiller  en  chef  pour 
aller  témoigner  au  roi  la  peine  que  la  ville  et  les  corts 
avaient  ressentie  de  ce  départ  clandestin  et  lui  offinr, 
par  une  sorte  d'indemnité  de  la  scène  si  scandaleuse  et 
si  irrévérencieuse  dont  on  favait  rendu  témoin,  une 
somme  de  cinq  cent  mille  écus  qui  fut  acceptée. 

Philippe  revint  à  Barcelone  en  1 632  et,  cette  fois, 
une  discussion  eut  lieu  entre  le  comte-duc  lui-même 
et  Tamiral  de  Castille.  La  noblesse  et  le  peuple  de  la 
ville  s'empressèrent  de  prendre  parti  pour  le  dernier, 
en  haine  du  ministre^,  ce  qui  ne  fit  qu'ajouter  de  nou- 
veaux motifs  à  l'aversion  qu'Olivarès  leur  avait  vouée. 
Décidé  à  les  poursuivre  de  toutes  les  manières,  ce 
ministre  affecta,  dès  ce  moment ,  de  ne  les  plus  consi- 
dérer que  comme  des  rebelles ,  et  il  les  rendit  tels  en 
effet. 

L'occasion  de  faire  le  bien,  quelque  firéquente 
qu'elle  soit ,  ne  l'est  jamais  autant  que  celle  de  Ëdre  le 
mal.  Olivarès  voulait  humilier  les  Catadans  :  l'occasion 
ne  pouvait  pas  manquer.  Avant  de  quitter  Barcelone, 

*  Félin  de  la  Pena,  Annal,  de  Catal. 
«  Siri,IV. 

31. 


32'i  IJVKE   QliMHIKME. 

Philippe  avait  iioiiinié  vice-roi  de  la  principauté  le 
cardinal-inlant ,  son  oncle.  Au  moment  où  ce  prince 
allait  prctcr  son  sennent,  le  protonotaire  ou  secrétaire 
d'état  commanda  h  tous  les  grands  réunis  pour  cette 
cérémonie  d*ôter  leur  bonnet  et  de  rester  la  tête  dé- 
couverte, sans  aucune  exception,  pas  même  pour  le 
duc  de  Cardone  :  c'était  une  infraction  aux  droits  delà 
provin(*o.  Le  duc  de  Cardone  obéit,  et  Tun  après  lautre 
tous  les  assistants  suivirent  son  exemple.  Cet  acte  de 
faiblesse  fut  vivement  blâmé  par  le  conseil  de  ville, 
qui  trouva  avec  raison  que  ces  seigneurs  auraient  dû  se 
retirer  au  lieu  d'abandonner  leurs  prérogatives.  Des 
plaintes  furent  portées  h  la  cour,  et  le  ministre  triom- 
phant fit  donner  droit  au  cardinal.  Le  conseil  des  Cent, 
irrité,  défendit  alors  h  tous  ses  membres  de  concourir 
h  rien  désonnais  ave<^  le  vice-roi,  cl  ce  décret  fut 
exécuté  le  jour  même  delà  Fête-Dieu  :  aucun  d'eux  ne 
parut  à  la  cérémonie. 

Le  cardinal-infant  ayant  été  envoyé  en  Flandre  peu 
de  temps  après,  le  duc  de  Cirdone  fut  nommé  vice- 
roi  à  sa  place  :  c'était  pour  le  ministère  un  raflinement 
de  plaisir  (|ue  de  faire  d'un  Catalan  même  l'instrument 
de  SCS  vengeances  contre  la  Catalogne.  La  première 
opération  imposée  au  vice-roi  fut  la  poursuite  de  cette 
même  tentative  qui  avait  i  choué  déjà  une  fois  :  celle 
de  faire  payer  le  tjuinto.  Quelques  réclamations  qu'on 
fît .  cette  fois  il  fallut  obéir. 

Dans  le  svstème  d'hostilités  combinées  contre  la 


CHAPITRE    PREMIER.  325 

Clatalogne,  il  fallait  afiaiblir  Barcelone  en  privant  cette 
ville  de  la  plus  grande  partie  des  avantages  dont  elle 
jouissait.  Pour  premier  moyen  d  exécution,  il  fut  or- 
donné au  vice-roi  de  transporter  à  Girone  Taudience 
royale  de  Catalogne ,  mesure  à  laquelle  le  conseil  de 
ville  s  opposa  vainement.  Depuis  ce  moment,  chaque 
jour  fut  signalé  par  quelque  nouvelle  persécution  :  les 
pécheurs  catalans  forcés  de  servir  comme  matelots; 
les  cautions  refusées  pour  les  prisonniers  du  pays  que 
les  lois  de  la  province  affranchissaient  d*une  détention 
de  plus  dtun  mois  quand  ils  of&aient  ces  garanties;  les 
Catalans  retenus  arbitrairement  sur  les  galères  après 
l'expiration  du  terme  de  leur  engagement;  la  ville  de 
Barcelone  privée  de  sa  juridiction  sur  les  médecins; 
une  foule  de  causes  enlevées  aux  tribunaux  de  la  pro- 
vince pour  être  portées  à  la  connaissance  de  tribunaux 
étrangers  ;  les  demi-annates  étendues  sur  la  Catalogne 
suivant  le  bon  plaisir  du  gouvernement;  la  faculté  de 
mettre  en  séquestre  les  abbayes,  au  préjudice  de  la 
principauté ,  tout  cela  en  violation  des  droits  et  des 
privilèges  du  pays;  des  alcaydes  etgarnisons  étrangères 
mis  dans  les  places  fortes ,  au  mépris  du  droit  qu  avait 
la  province  de  se  garder  elle-même  ;  la  levée  des  droits 
dévolue  à  la  députation,  dont  on  la  priva;  ses  magasins 
enfoncés  pour  en  enlever  les  marchandises  qui  s*y 
trouvaient;  les  avocats  et  assesseurs  adjoints  à  la  dé- 
putation, forcés  de  se  retirer,  la  faculté  de  pouvoir 
remplacer  h  volonté  les  oiliciers  dont  les  constitution^ 


326  LIVRE   QUATRIÈME, 

rendaient  les  chai^ges  triennaics;  Tordre  publié  à  son 
de  trompe ,  que  tout  Catalan ,  sans  exception ,  qui  aTait 
porté  les  armes  eût  à  les  reprendre  pour  faire  la  guerre, 
sous  peine  de  vie  ;  une  foule  d'autres  mesures ,  de  plui 
en  plus  tyranniques  et  violatrices  des  libertés,  que 
chaque  instant  voyait  éclore ,  poussaient  k  cette  inaar- 
rection  que  le  ministre  pressait  avec  tant  d*ardeur«  ^*il 
attendait  avec  tant  d'impatience  :  nocher  imprudent 
et  présomptueux ,  qui  ne  savait  pas  qu'on  ne  joue  pas 
impunément  avec  les  tempêtes,  sur  une  plage  hérissée 
de  récifs,  qui,  pour  satisfaire  la  plus  ignoble  des 
passions ,  ne  craignait  pas  de  compromettre  la  gloire 
du  prince,  la  sûreté  de  l'état ,  l'intégrité  de  la  couronne, 
et  de  pousser  la  monarchie  sur  les  bords  d'un  abîme 
où  ses  inhabiles  mains  n'étaient  pas  capables  de  rarrê^ 
ter.  C'est  cette  intention  coupable  qui  avait  (ait  entre- 
prendre rex|)édition  de  Leucate. 

Après  le  funeste  résultat  de  cette  campagne,  le  lo- 
gement des  gens  de  guerre  devint  une  nouvelle  source 
d'oppression.  Les  ordres  les  plus  odieux  avaient  été 
donnés  aux  généraux  |)Our  écraser  la  province  et  ses 
hai>itants.  Le  comte  de  Cerhellon,  officier  plein 
d'honneur  et  qui  s'était  couvert  de  gloire  en  Italie, 
forcé  d'accepter  un  commandement  qu'il  prévoyait 
devoir  compromettre  son  nom  par  les  fins  dans  les- 
quelles s'entreprenait  cette  campagne,  était  mort  de 
rhagrinà  Perpignan,  peu  de  temps  après  la  catastrophe 
drLeurate,  et  le  romte-dnr  l'avait  remplaré  par  un 


L-(iiiv(.-iiancc,  Icmarquisd 
RuIbusoM.  lit!  dur  de  Cardonp  avait  eu  aussi  pour  sac- 
c^ssrur,  dans  la  digntti^  de  vice-roi.  le  comte  de  Santa- 
Colonia  ,  tout  dévoué  au  miuistre ,  au  préjudice  de  too 
propre  pays ,  et  qui  devait  payer  de  sa  vie  ce  funeste 
dévouPDiPut. 

Les  iiisti'uotions  que  ce  vîrc-roi  rrcevsil  de  la  cour 
)e  ressuntait'ut  de  iL-sprit  qui  unîinait  le  comie-dlic  : 
(■Itvs  sont  la  honte  de  ccliiî  qui  i>^  dictait  comme  de 
relui  qui  présïdnit  à  leur  eiiéeutioii.  Dans  une  dépêche 
du  3  octobre  i63if,  dan»  laquelle  les  Français  snni 
traités  de  (calvinistes,  ce  ministre  ajoutait ees mots,  de 
Kit  propre  main  :  «Qu'il  no  reste  pas.  dans  touti.-  la 
«province,  un  nrlisan  qui  n'aille ^  la  {i^ierre  et  aucune 
ti  femme  qui  ne  sei-vc  à  porter  sur  se»  épaules  la  paille 
«et le  foin  et  tout  ce  qui  est  nécessuro  au  bien-être 
«  do  la  cavalerie  et  de  l'armée. — Quant  k  votre  lit .  s'il 
"  n'est  pas  bon ,  enlevé»  le  leur  aux  chevaliers  le*  plu» 
•■nobles  de  lu  province,  jusqu'Jï  les  faire  coucher  par 
"  IfiTe  '. — Si  vous  aves  besoin  de  pioniiicr» ,  écrivait- 
H  il  te  1  /i  du  mîïmc  mois,  prenez-en  |>artoul  où  il  s'en 
«  trouvera,  dussiet-vous  les  faire  garrotter. — Qu'on  crie 
»  contre  votre  Aeigneuric  jusqu'à  la  lapider,  il  en  résul- 
«  tera  votre  gloire  cl  le  bien  de  la  province.  »  Le  1 6  jai»- 
vier  suivant  il  le  charge  de  forcer  la  noblesse  de  lever 


'  Co^iia  dr  tut  curfeu.  rie,  {'.a  iettrm  ont  6t^  ini|iriaién  i  li  «uila  d« 
■liv«TBv«  briH'bun)»  ilu  temps,  publia»  1  Barrrlonc  ;  eWn  wiit  auMÎ 
dan*  le  IbieaMl  i'Kvàtrr! 


328  LIVKE   QUATRIÈME. 

des  soldats  à  ses  irais  et  de  veiller  à  ce  que  ceux  qui 
sont  sous  les  armes  soient  logés  non  pas  seulement 
bien ,  mais  plus  que  bien.  Vainement  Tintérêt  du  bien 
public  est-il  invoqué  à  tout  instant  dans  ces  détestables 
dépécbes  ;  la  furie  est  le  fond  des  pensées ,  et  la  haine 
la  plus  mortelle  en  est  le  seul  sentiment. 

La  soldatesque  n  a  jamais  besoin  d*ctre  poussée  au 
mal  ;  trop  portée  à  tous  les  excès  par  la  grossièreté  de 
ses  mœurs  et  par  Tbabitude  de  la  vie  licencieuse  des 
camps,  elle  exige  une  surveillance  de  tous  les  instants 
pour  ne  pas  abuser  de  sa  force  contre  le  citoyen  pai- 
sible, trop  souvent  encore  victime  de  cette  propension 
au  désordre;  mais  de  quoi  n^est-elle  pas  capable  si  on 
Texcite  au  lieu  de  la  contenir?  L*armée  espagnole,  se 
voyant  autorisée  à  violenter  les  habitants,  usait  large- 
ment d*une  aussi  funeste  condescendance.  Les  Cata- 
lans indignées  avaient  déjà  manifesté  plusieurs  fois 
leur  mécontentement,  et  chacun  pouvait  facilement 
prévoir  que  Icxaspération  à  laquelle  on  les  poussait 
finirait  par  quel(|ue  catastrophe. 
>(>.^!K  De  violentes  rixes  eurent  d'abord  lieu  en  Roussillon. 

La  ])remitTe  s(*èiie  de  désordre  qui  se  passa  à  CoUioure 
parait  avoir  eu  pourorij^ine  la  cause  la  plus  frivole; 
mais  létal  de  frénésie  auquel  étaient  poussés  les  Cata- 
lans devait  donner  un  caractère  de  gravité  aux  événe- 
ments les  plus  futiles.  L'ii  soldat  castillan  prend  des 
mains  d*unefenmie  une  cruche  pleine  d'eau,  et  en  place 
le  goulot  entre  ses  lèvres ,  au  lieu  de  faire  jaillir  frau 


CHAPITRE    PREMIER.  329 

dans  sa  bouche  sans  toucher  au  vase,  suivant  la  mode 
du  pays.  Injiuîé  par  quelques  Catalans ,  à  cette  occa- 
sion ,  ce  soldat  est  soutenu  par  ses  camarades  ;  des 
coups  se  donnent,  une  bataille  a  lieu,  et  le  gouverneur, 
don  Antoine  de  l^enmenat,  la  fait  cesser  en  tirant  le 
canon  du  château  sur  les  combattants  ^  À  la  nouvelle 
de  cette  sanglante  querelle,  le  vice-roi,  qui  se  trouvait 
à  Perpignan ,  donne  ordre  aux  soldats  étrangers  de  se 
rendre  dans  cette  dernière  ville,  et  leur  arrivée  est  le 
signal  d'une  nouvelle  collision.  Le  29  juillet  ils  se  ren- 
contrent avec  des  soldats  catalans  dans  les  rues  de 
Perpignan,  un  feu  de  mousquets  et  d*arquebuses 
commence,  et  dure  pendant  une  heiu'e  entière;  cinq 
personnes  y  perdent  la  vie,  et,  pour  séparer  les  partis, 
un  religieux  se  jette  entre  les  combattants,  le  saint 
sacrement  à  la  main.  Féliu  de  la  Pena  dit  que  ce  cha- 
ritable moine  périt  dans  le  conflit ,  mais  un  témoin 
oculaire ,  le  notaire  Paschal ,  qui  cite  aussi  ce  trait  de 
dévouement,  ne  parie  pas  de  cette  funeste  issue.  Le 
vice-roi,  pour  séparer  les  étrangers  des  soldats  du  pays, 
fit  monter  les  premiers  à  la  citadelle.  Il  parait  qu*on 
ne  les  y  laissa  pas  après  le  départ  de  Santa-Coloma, 
puisque  le  1 3  septembre  une  nouvelle  rixe  eut  encore 
lieu.  Un  paysan  rentrant  en  ville  avec  des  paniers  de 
raisin,  du  produit  de  ses  vendanges,  un  soldat  castillan 
voulut  les  lui  enlever;  les  Catalans  prennent  le  parti 
de  leur  compatriote,  les  Castillans  viennent  au  secours 

^  Felia  de  la  Pena,  Annal,  de  CaUd.  XX,  3. 


330  LIVRE   QUATRIEME. 

(lu  lcui\  uiir  hataille  à  coups  d'arquebuse  s'engage 
cuire  des  bandes  qu  on  évalue  è  huit  mille  hommes, 
et  la  nuit  seule  peut  mettre  fin  à  la  mêlée ,  après  une 
durée  déplus  de  six  heures,  et  après  quun  grand 
nombre  de  morts  et  de  blessés  a  couvert  de  sang  les 
pavés'. 

*  Manuscrit  de  Fierrc  Paschal. 


CHAPITRE   DEUXIEME.  331 


CHAPITRE  II. 

inuatlon  du  système  d*oppressioD.  —  Doléauces  des  Cata- 
^^ns  repoussées.  —  Elxplosion  de  la  révolte.  —  Mort  du  viee- 
ux)!. -^  Emeute  dans  Perpignan.  -^  L'armée,  chassée  de  Ca- 
talogne ,  se  jette  en  Roussillon.  —  Désastre  de  Perpignan 

> 

L*irritation ,  qui  était  déjà  si  grande  en  Catalogne , 
avait  été  portée  à  son  plus  haut  période  par  le  retour 
de  Tannée  espagnole,  après  la  reprise  du  fort  de  Salses. 
Cette  armée  n*était  qu  un  ramassis  des  bandits  de  tous 
les  pays  :  Flamands,  Milanais,  Napolitains^  Sidliens, 
Castillans,  Valenciens,  Âragonnais  et  gens  d'autres 
lieux  encore,  s  y  trouvaient  pêle-mêle. 

Dans  Tobjet  de  diminuer  les  forces  delà  province,  ,64o. 
le  comte*duc  avait  ordonné  au  vice*roi  d'enrôler  six 
mille  Catalans  pour  les  envoyer  en  Italie;  mais  conune, 
par  les  constitutions  du  pays,  aucim  soldat  catalan  ne 
pouvait  être  extrait  de  la  principauté,  le  roi^  qui  crai- 
gnait une  commotion  prénoaturée,  avait  écrit  lui-même 
au  vice-roi  d'user  d'artifice  pour  les  expatrier  :  recom- 
mandation indigne  de  la  majesté  du  trône,  dont  la 
loyauté  la  plus  scrupuleuse  devrait  sans  cesse  diriger 
les  actions. 

Le  ministre  à  qui  doit  être  imputée  la  pensée  de 


532  LIVRE   QUATRIÈME. 

toutes  (*es  odieuses  menées  épuisait  encore  la  princi- 
pauté ,  en  exigeant  qu'elle  pourvût  à  la  nourriture,  à  h 
solde  et  à  l'entretien  des  troupes  qui  la  couvraient, 
d'après  un  tarif  que  le  vice-roi  avait  été  chargé  de 
dresser  lui-même  et  qu*on  trouve  à  la  suite  d*une  de 
ses  lettres  ^  Indépendamment  de  l'énorme  quantité  de 
fourrages  qu'on  exigeait  pour  la  cavalerie,  et  de  la 
fourniture  des  quartiers  pour  le  logement  du  train, 
des  bagages  et  de  tout  le  matériel  de  l'armée ,  on  fiiisait 
encore  surcharger  les  villages  de  soldats  que  les  habi- 
tants étaient  obligés  de  nourrir  comme  ils  Texigeaient. 
Le  comte  de  Santa-Coloma ,  qui  reconnaissait  Timpot^ 
sibilité  où  se  trouvait  l'habitant  de  fournir  plus  long- 
temps ik  de  pareilles  dépenses,  réclamait  lui-même, 
le  1 2  février,  un  allégement  au  poids  dont  on  accablait 
la  Catalogne;  mais  les  plaintes  d'un  homme  qu*on 
savait  cependant  tout  dévoué  au  comte-duc,  loin  d'être 
écoutées ,  ne  servirent  qu'à  faire  redoubler  de  rigueur, 
afm  de  faire  éclater  cette  révolte  générale  qu  on  sem- 
blait attendre  avec  tant  d'impatience.  Poussé  par  son 
favori ,  le  roi  trouva  mauvais  que  Santa-Coloma  n*eùt 
pas  exécuté  rigoureusement  ses  ordres ,  et,  en  réponse 
à  sa  dépêche,  il  lui  mandait  le  38  du  même  mois  :  «  Si 
uvous  avez  lu  mes  lettres  avec  attention,  vous  avec  vu 
«  qu'il  vous  est  enjoint  de  loger  les  gens  de  guerre  dans 
((  les  villages ,  de  façon  qu'ils  y  soient  toujours  plus 
«nombreux  (|ue  les  habitants.  De  cette  manière,  se 

'  Lfltre  du  1 9  mars. 


CHAPITRE    DEUXIÈME.  333 

isani  respecter  par  eux ,  tout  s*aplanira  et  s'ajustera 
omme  il  convient.»  Un  langage  si  impertinent,  si 
politique  et,  disons-le,  si  immoral,  n  est  que  celui  de 
passion  haineuse  que  la  main  d'Olivarès  plaçait  sous 
plume  du  prince.  Dans  la  lettre  que  ce  favori  adressa 
e  son  côté  au  vice-roi,  lettre  dans  laquelle  Olivarès 
^r^écapitule  les  vrais  griefs  de  la  cour  contre  les  Catalans, 
:*est-à-^ire  les  produits  de  cet  égoisme  qui  les  rendait 
étrangers  à  la  monarchie,  et  qui  était  réellement  con- 
^mnable,  il  lui  dit  qu  un  homme  comme  lui  aurait 
dû  faire  déjà  des  exemples. 

L'autorisation  donnée  aux  soldats  de  maltraiter  les 
habitants ,  autorisation  véritablement  renfertnée  dans 
ces  mots  de  la  lettre  d*01ivarès  dont  nous  venons  de 
parler,  ull  n*est  pas  étonnant  que  ceux  quon  laisse 
«  manquer  du  nécessaire  se  livrent  à  des  excès  dont  on 
«ne  peut  les  rendre  responsables;»  paroles  d'autant 
plus  inconcevables  qu'elles  sont  la  réponse  à  ces  au- 
tres paroles  du  vice-roi ,  «  Les  capitaines  eux-mêmes 
«  rapportent  que  quand  bien  même  les  villages  vou- 
«  draient  faire  de  nouveaux  efforts ,  ils  n'auraient  pas 
a  de  quoi  sustenter  les  soldats,»  cette  autorisation, 
disons-nous ,  portait  ses  firuits  :  ces  soldats  se  livraient  ^ 
sans  contrainte  à  tous  les  genres  de  violences  et  de  bri- 
gandages. Les  nombreuses  et  vives  plaintes  des  habi- 
tants ayant  porté  le  vice-roi  à  réunir  ime  junte  pour 
adresser  des  doléances  au  monarque,  le  courroux  des 
Catalans  rendit  orageuse  cette  assemblée.  Le  vote  du 


35(1  LIVRE   QUATRIÈME, 

marquis  de  Villafraiica  fit  pressentir  ce  qui  ne  pouvait 
tarder  d'arriver.  Après  avoir  eiposé  combien  étaient 
injustes  les  charges  dont  on  frappait  une  province  qui 
avait  fourni  d elle-même,  pour  la  présente  guerre, 
vingt-cinq  mille  hommes,  il  proposa  de  diviser  les 
soldats  espagnols  de  manière  à  ce  qu*il  n'en  restât  pee 
plus  de  dix  par  paroisse,  ce  qui  aurait  allégé  lefàrdeen 
pour  tous ,  et  aurait  en  nu*me  temps  forcé  ces  scJdats 
à  rester  dans  leur  devoir.  «  Le  caractère  du  Catden , 
a  ajouta-t-il ,  est  peu  endurant.  En  voyant  son  paya 
a  ravagé  par  des  bataillons  armés ,  il  doit  ou  se  son- 
u  mettre  ou  se  préparer  k  la  résistance.  Le  premier 
u  parti  sefa  très-difficile  à  ses  inclinations  coun^^euseï, 
«  tandis  que  le  dernier  est  tout  conforme  à  son  homeiir 
«  martiale  ^» 

Les  doléances  de  la  junte  parvinrent  au  roi  plus 
modérées  qu'elles  n  avaient  été  proposées.  Les  Catalans 
rappelaient  au  monarque  les  services  qu'ils  avaient 
rendus  dans  la  dernière  guerre ,  les  efforts  de  la  pro- 
vince pourfonner  une  année  nombreuse  et  la  fournir 
do  vivres,  de  bagages  et  de  moyens  de  transport,  le 
tout  à  ses  frais,  faisant  sans  cesse  de  nouvelles  levées 
pour  tenir  au  com])lct  le  nombre  de  ses  soldats  que 
dérimaient  les  travaux  de  la  guerre  et  les  maladies; 
les  pertes  effrayantes  que  fit  l'armée  catalane  dans  les 
différents  combats,  et  qui  do  vingt-cinq  mille  les  ré- 
duisit à  huit  millr  en  moins  do  quatre  mois;  iisajou- 

(  Friiii  (le  U  Pena 


CHAPITRE   DEUXIEME.  SSfi 

^'Â^ml  que  de  nuuvciius  efforts  ayant  organisé  une 
'^^roiidearm^e.  c'était  princif>al(.'meiit  à  sa  videur  c|ii'on 
^'^raildù  les  su<-cè&  obtenus  dans  la  dernière  eipéditioii, 
^».  lorsque  la  Catalogne,  fifcrc  de  son  dévoueiiivul . 
■^attendait  aux  tVdii:itations  de  sa  majest<^  et  aux  r^ 
«Mimpenses  que  le  trône  ne  refuse  jamaÎA  À  une  con- 
duite loyale  et  g(^néreiise,  elle  n'éprouvait,  aucontraîrt^ 
qu«  des  rigueurs  et  un  Iraitemeiil  pire  que  si  clic 
ï'i-lait  monti-t-e  en  ennemie.  Cette  oppression,  aggra- 
vée par  des  uicurtrcs,  des  incendies ,  des  sacrilt^s 
leU  que  des  barbiires  :<euls  pourraient  s'en  rendre  cou- 
[lables,  avaient  aigri  lesesprits  à  tel  point,  qu'il  nu 
pouvait  en  nïsultcr  c{uii  de  grands  dommages  pour 
U  chose  publique.  La  pi^ce  se  terminait  par   une 
bumble  supplique  au  roi.  de  faire  porter,  avec  toute 
la  promptitude  que  réclamait  la  gravité  des  cireoiis- 
tARCes,  un  remède  eflicaeu  k  ces  maux,  ofm  que  ses 
(idoles  sujets,  animés  par  cette  récompense,  se  mis- 
sent en  mcsm'e  d'en  mériter  di^  plus  grandes'. 

Ces  remontrance»,  au  lieu  d'obtenir  i'elTct  qu'elles 
devaient  produire .  no  firent  qu'aggraver  lus  torts  des 
Catalans  aux  yeux  de  la  cour,  et  la  Catalt^ne  fut  irai- 
tée  en  pays  conquis.  Le  détail  des  excès  que  commet- 
taient les  soldats  est  cnrayanl;  ce  n'est  partout  que 
meurtres,  viols,  pillage  chéries  pai'tîcuUei's ,  saiTÎlé- 
ge»  et  ])rofanation5  dans  les  églises,  incendies  et  dé- 
vastations dans  les  fennes  et  les  campagnes. 
'   Fcliu  de  la  fei'ia. 


♦ 


336  LIVRE  QUATRIEME. 

Par  une  longaniinito  qui  n  est  pas  ordinaire  dans  le 
caractère  catalan,  les  paysans  avaient  d*abord  eu  re- 
cours aux  tribunaux  contre  ces  excès;  mais,  enc<M« 
par  Tordre  exprès  du  comte-duc,  le  vice-roi  avait  dé- 
fendu aux  avocats  de  prêter  leur  ministère  k  ces  sortet 
de  causes.  Alors  les  Catalans  exaspérés  virent  qu*fla 
n  avaient  plus  de  justice  à  attendre  que  de  leurs  armes, 
et  ils  les  saisirent  :  le  terrible  cri  de  via-fora^  retentit 
dans  toute  la  province,  et  le  besoin  pressant  de  la 
vengeance  mit  en  peu  de  temps  sur  pied  toute  la  popu- 
lation. De  nouveaux  ordres  de  la  cour  précipitèrent 
lexplosion  au  lieu  de  Tarrèter.  L*irritation  était  réci* 
proque  à  Madrid  et  en  Catalogne,  et  le  ministre  ne 
voulait  guérir  le  mal  qu  en  taillant  dans  le  vif.  On  était 
au  moment  du  carnaval.  Les  corts  s  étaient  assemblées 
extraordinairement,  et  leur  réunion,  quoique  déguisée 
sous  un  titre  diiTérent^' ,  nen  était  pas  moins  iil^;Me. 
puisqu'elle  n  avait  pas  été  ordonnée  par  le  roi.  Diveis 
membres  s'étaient  prononcés  avec  véhémence  contre 
le  gouvernement,  et  fun  d*eux  en  était  venu  jusqu'i 
proposer  de  supprimer  les  amusements  que  comporte 
cette  époque ,  et  de  se  vêtir  de  deuil  comme  dans  une 
calamité  publique.  La  cour,  qui  en  fut  informée  par 

*  Cest  un  cri  d*aUnne  qui  ne  m  pouuait  que  dans  les  ciroonstaaeet 
Ips  plus  critiques;  celait  comme  le  tocsin  oral.  On  le  pouaait  aoHi 
dans  les  incendies:  \îa-Jora,Joch! 

'  On  avait  donné  à  cette  réunion  le  nom  à^Auemhlèe  de»  bru.  ou 
des  états,  ce  qui  n>n  détruisait  pu  Hllégalité,  puisqu'au  roi  seul  en 
cippartrnaît  la  ronvoration. 


CHAPITRE   DEUXIÈME.  557 

1«  vice-roi,  ayant  ordonné rairestation  des  principaux 
séditieux,  on  jeta  dans  les  prisons  un  député  du  clergé , 
viommé  Claris,  chanoine  d'Urgel  et  président  de  ras- 
semblée ,  un  député  militaire  nommé  François  de  Ta- 
marit,  et  deux  conseillers'  du  conseil  des  Cent.  Le 
second  de  ces  prisonniers  devait  être  transféré  dans  la 
citadelle  de  Perpignan,  mais  cette  translation  ne  put 
avoir  lieu.  Le  a  a  mai,  environ  quinze  cents  paysans, 
précédés  par  une  croix,  entrèrent  processionnellement 
dans  Barcelone  et  parcoururent  les  rues  en  proférant 
le  cri  ordinaire  des  révolutions  espagnoles  :  a  Vive  le  roi 
«  et  meure  le  mauvais  gouvernement!  »  La  populace  se 
réunit  à  cette  prétendue  procession,  et  tous  ensemble 
se  portèrent  à  la  prison ,  d*où  ils  enlevèrent  les  pri- 
sonniers politiques,  qu*ils  ramenèrent  en  triomphe 
dans  leurs  maisons.  Contents  de  cette  facile  victoire, 
qu  on  ne  leur  disputa  pas ,  ils  se  retirèrent  ce  jour-là 
sans  commettre  d  autres  désordres, 

La  nouvelle  de  cette  première  émeute  inquiéta  Tin- 
dolent  monarque  espagnol  qui,  moins  haineux  que  son 
ministre ,  n  avait  pas  peut-être  Fintention  bien  arrêtée 
de  pousser  les  choses  aussi  loin.  Ce  prince  s  empressa 
de  mander  au  vice-roi  de  prendre  des  mesures  effi- 
caces pour  étouffer  ce  germe  de  révolte  :  il  n*en  était 
plus  temps  ;  la  fermentation  des  esprits  était  telle, 
qu*il  fallait  que  Tinsurrection  parcourut  toutes  ses  pé- 
riodes. L^occasion  d*éclater  avec  violence  se  présenta 

un  mois  après  cette  émeute  en  (aveur  des  prisonniers. 

11.  aa 


i6io. 


538  LIVIIE  QUATHIEME. 

JiO  7  juin,  jour  do  lii  Fête-Dieu,  époque  à  laquelle 
les  bandes  de  moissonneurs  arrivent  ordinairement  k 
Ikircelone,  pour  se  mettre  à  la  disposition  de  ceux  qui 
veulent  les  employer,  un  incident  qui  n*eût  jamais  pu 
compromettre  la  tranquillité  publique  dans  un  temps 
ordinaire  devint  le  signal  de  bouleversements  dont 
les  résultats  devaient  ébranler  dans  ses  fondements  b 
monarcbie  des  deux  mondes.  En  entrant  dans  la  vflle, 
ces  moissonneurs,  gens  toujours  turbulents  et  dange- 
reux, s'étaient  portés  sur  la  place  de  la  Rambla,  où  îb 
ont  coutume  de  se  tenir.  I^  domestique  d*un  alguasil 
examinant  avec  beaucoup  d'attention  un  de  ces 
paysans,  une  querelle  s  élève  entre  eux ,  et  le  paysan, 
(|ui  avait  sans  doute  des  raisons  poiur  désirer  de  n*étra 
pas  reconnu,  s'enfuit  dans  la  grande  rue,  poursuivi 
par  son  adversaire,  qui  le  frappe  de  deux  coups  de 
couteau.  A  ses  cris,  ses  compagnons  se  précipitent 
dans  c<'tte  rue,  où  se  trouvait  Ir  palais  du  vice-roi.  Les 
soldats  qui  y  étaient  de  garde,  sans  s'enquérir  de  la 
cause  de  ce  tumulte,  imaginent  d'en  disperser  les  au- 
teurs k  coups  de  fusil ,  et  leur  feu  tue  un  des  moisson- 
neurs. A  cette  vue ,  la  rage  s'empare  des  autres ,  et  tous 
sVerient  qu'il  faut  bnMer  le  ])alais  du  vice-roi.  I)e  toute 
part  on  se  dis|iose  h  f;)ire  succéder  felfet  h  la  menace. 

Aux  cris  de  ces  bandes  furieuses,  les  moines  de 
Suiiit-Fi*anrois ,  dont  le  couvent  était  en  face  du  palais, 
sortent  en  toute  diligence,  et,  pour  arrêter  IVxécution 
(fun  dessein  aussi  désespéré,  ils  posent  une  rroix  sur 


p 


I 


CHAPITRE   DEÏÏXIKMK,  5oO 

'  boùd^à  flntasM^  puur  produire  l' incendie  ,  mais  le» 

rviobsoniiRurs  la  retirent  et  continuent  leurs  prépara- 

sjls.  Mon  les  religieux  vont  clierclier  le  saint  »aci'«> 

»-nent,  qu'ils  plucent  sur  un  autel  dressé  A  lii  liâte  de- 

^■ant  leur  porte.  Cette  fois  lys  paysans  n'osenl  passer 

outre;  mais  ils  cnurent  assuuvîr  leur  vengeance  uir 

«('autres  (édifices,  qu'ils  livrent  aux  Hammes  avec  tout 

€P.  qui  s'y  trouvait.  Les  domestiques  de  l'holol  du  duc 

de  l'Vrmndina ,  voulant  lo  défendre,  sont  tous  massa- 

vrèM.  Dans  ce  même  temps ,  quelqu'un  ayant  fait  courir 

le  biiiil  que  le  conseiller  Joseph  Massana  venait  d'êtr** 

tué  par  un  e<mp  paiiti  d'une  fenétie.  la  populace,  (ju'on 

eherchaiti  mettre  de  la  partie,  fie  croit  outragée  dans 

la  personne  de  l'un  des  chefs  de  son  aduiinistmtioii,  et 

n^pond  aussitàl  À  l'appel  qn'ou  lui  f»il  :  de  cet  instant 

il  ne  resta  plus  aucun  moyen  de  rétablir  l'ordre. 

Au  moment  où  le  tunnille  commençait  dans  lu 
grande  rue.  les  membres  du  conseil  des  Cent  se  trou-, 
valent  réuui«  à  la  cathédrale  pour  la  solennité  du 
jour.  Informés  de  ce  qui  se  passait ,  ils  avaient  r«mnt 
chesle  comte  de  Santa-Coloma .  pour  le  sauver  des 
mains  des  moissonneurs;  mais  ceux>ri  avaient  déjà 
i-enoncé  à  incendier  ce  palais,  l^es  conseillurs,  qui 
connaissaient l'aïuniostlé  du  peuple  conti'c  le  vice-roi, 
jugeant  prudent  de  profiter  de  eti  moment  de  répil 
pour  le  faire  évader,  le  conduisirent  À  l'arsenal  de  la 
marine,  qui  leur  paral^isaJI  oiVrir  pour  lui  {diude 
chances  de  tiùreté.  Sur  ces  entrefaites,  on  vurtait  da 


5/lO  LIVRE   QIIATIUKME. 

(lérouvrir  clans  l'hôtel  du  conseil  royal,  livré 
flammes ,  la  correspondance  du  vice-roi  avec  le  gou- 
vernement ,  et  cette  d<^couverte ,  qui  dévoilait  le  secret 
du  plan  d  oppression  médité  et  suivi  contre  la  Cata- 
logne, ajoutant  une  nouvelle  force  k  la  fureur  dont 
était  déjîi  transporté  le  peuple  de  Barcelone,  avait 
décidé  h  prendre  paii  h  Tinsurrection  tous  ceuv  qui 
jusquc-l(^  scn  étaient  abstenus.  liC  tumulte  venait 
d*augmenter  de  la  manière  la  plus  ellrayante;  des  voci- 
férations, des  cris  de  rage  s  élevaient  de  toute  part, 
croissaient  d'instant  en  instant ,  se  rapprochaient  tou- 
jours davantage  de  Tendroit  où  se  trouvait  Santa* 
Coloma.  Jugeant  bien  qu*il  ne  pouvait  plus  y  avoir 
pour  lui  aucune  voie  de  salut  s  il  n^ahandonnait  pas 
Barcelone ,  ce  vice-roi  se  décide  à  s  embarquer  sur  une 
galère  génoise  qui  était  «^  Tancre  dans  le  port,  et  il  en 
demande  fembarcation  ;  mais  il  a  Timprudence  de 
(|uitter  sa  retraite  avant  que  cette  embarcation  ait 
touché  le  rivage,  et ,  aperçu ,  il  est  aussitôt  frappé  d'un 
coup  mortel. 

Les  soldats  de  Tarmée  espagnole,  dont  les  innom- 
brables excès  avaient  tant  contribué  h  amener  cette 
crise,  poursuivis. alors  <^  outrance  par  les  Catalans* 
coururent  chercher  un  refuge  en  Roussillon,  et  se 
présentèrent  devant  Perpignan  if  i  i  juin  :  un  dé- 
sastre épouvantable  y  signala  leur  arrivée. 

Un  des  privilèges  des  Catalans  était  de  n  être  pa.^v 
tenus  au  logement  des  gens  de  guerre.  |ya|)rès  les  lois. 


%«jutcs  les  troupes  devaifiii  être  casernées  daiis  les 
CVHis.et.siuiie  circonstance  extraordinaire  amenait  un 
l^slu»  grand  nombre  de  soldats  que  les  quartiers  n'en 
%3uuvai(.'nt  recevoir,  il  fallait  le  cuiiscntL'iiicnt  du  corps 
municipal  pour  que  l'excédant  fût  rei;u  chez  les  [wrli- 
culiers.  Au  moment  où  les  bandes  chassies  de  la  Cata- 
logne se  ruaient  sur  le  Roussîllon .  la  ville  de  Perpignan 
venait  d'être  le  th(^àtre  d'un  grave  désordre  à  l'occiision 
de  res  logements.  Le  k  de  juin  les  consuls  avaient  pris 
une  délibération  dont  l'objet,  resté  inconnu,  fut  sup- 
posé relatifs  la  réception,  dans  la  ville,  des  soldats 
du  prévôt.  Le  bruit  s'élant  répandu  en  même  temps 
que  le  premier  consul ,  don  Juan  des  Camps ,  avait  été 
le  moteur  de  cette  décision ,  le  peuple  se  porta  tumul- 
tueusement vers  sa  maison,  où  heureusement  il  ne  se 
trouvait  pas;  mais  celte  maison  fut  pillée,  malgré  ief 
eflorts  de  la  garde  de  la  porte  Saint-Martin,  aceouruii 
pour  la  défendre.  L'émeute  ne  cessa  qu'assez  tard  aux 
décharçes  réitérées  de  l'artillerie  de  la  citadelle  tirée  sur 
cette  partie  de  la  ville.  Personne  ne  périt  de  la  canon- 
nade, mais,  au  milieu  de  Iei  rixe,  deux  soldats  étaient 
morts  et  plusieurs  autres  avaient  été  blessés  '- 

La  commotion  tpit  venait  d'avoir  lieu,  sur  le  simple 
soupt^'on  que  l'autorité  voulait  doimer  le  logement  en 
ville  k  quelques  compagnies ,  ne  laissait  Hucuii  doute 
sur  les  dis]K)sitions  du  peuple  de  Perpignan  contre  ce 
It^ement.  Quand  les  bandes  reOuanl  de  la  Catalogue 


i 


542  LIVRE    QIATRIEME. 

se  préseiitèi*ent  devant  cette  ville,  la  demande  d'ad- 
mettre les  soldats  chez  les  particuliers  fut  adressée  aox 
consuls  par  le  marquis  Xeri  de  La  Rena ,  capitaine  gé' 
nierai  de  Roussillon ,  et  par  les  principaux  capitaines 
de  larméc  :  Philippe  de  Guevarra,  Liéonard  Mida« 
le  comte  de  Tirconcllo,  Jean  de  Arc,  Martin  de 
Los  Arcos  et  Pernand  Xirino,  qui  signèrent  toui  la 
lettre. 

La  réputation  de  ces  soldats  les  avait  devancés  en 
Roussillon;  on  n'ignorait  ni  les  désordres  qu  ils  avaient 
excités  en  Catalogne  ni  les  excès  qui  les  en  faisaient 
chasser.  Les  consuls  répondirent  à  la  demande  do  lo* 
gement  «  que  les  habitants  donneraient  volontiers  leur 
uvie,  leurs  enfants,  leur  fortune  pour  le  service  ém 
«roi,  mais  que  l'expérience  avait  appris  combien  9 
«était  préjudiciable  de  donner  le  logement,  et  que 
«  cette  même  expérience  avait  porté  le  comte  de  Santa» 
ttColoma  è  leur  donner,  par  trois  fois  différentes, 
c(  Tordre  de  faire  monter  au  château  toutes  les  troupes 
uqui  se  présenteraient  devant  la  ville,  sans  en  ad> 
((  mettre  aucune  dans  l'intérieur.  »  Cette  réponse  ayant 
niécontenté  les  officiers,  trois  d'entre  eux,  La  Rena, 
Guevarra  et  Mola  écrivirent  de  nouveau  ce  même 
jour,  1 1  juin ,  «  que  leur  dernière  résolution  était  que 
n  les  troupes  fussent  reçues  dans  la  ville  cette  nuit 
«  mt^me,  décidés  qu  ils  étaient  à  consen'er  envers  les 
»  amis  et  envers  les  einiemis  le  crédit  et  lu  réputation 
0  (|ui  convenaient  h  leui*s  armes.  » 


CHAPITRE    DEUXIÈME.  543 

Quelque  dangereux  que  parut  le  parti  de  retiiser  la 
«lemande  de  ces  officiers ,  le  peuple  ne  voulait  pas  en- 
tendre parler  de  logements  de  militaires.  Les  consuls 
cherchèrent  à  entrer  en  accommodement  avec  le  ca- 
pitaine général,  en  l'assurant  que  ses  soldats  ne  man- 
queraient de  rien  dans  les  quartiers  et  qu'ils  en  fai- 
saient eux-mêmes  leur  alTaire.  Martin  de  Los  Arcos, 
gouverneur  de  la  citadelle,  descendant  alors  à  l'bôtel 
de  ville ,  assura  le  corps  municipal  que  lea  soldats 
Rentreraient  point  dans  la  ville»  pourvu  qu*on,y  re- 
çût le  général  et  les  principaux  capitaines.  Cette  de- 
mande étant  accordée  par  les  consuls ,  de  Los  Aroos 
remonta  à  la  citadelle  \  mais  La  Rena,  qui  voulait  faire 
piller  la  ville  ^  ne  se  contenta  pas  de  cette  réponse  «  et, 
sans  autre  explication  «  il  fit  commenoer  à  cancxuier 
les  maisons  et  à  lancer  un  certain  nombre  de  bombes. 
A  une  attaque  aussi  imprévue  que  peu  méritée,  les 
Perpignanais  prirent  les  armes ,  des  barricades  s*âe- 
vèrent  de  toute  part  dans  les  ruea^  et  on  se  dispcna 
k  la  défense.  L'évêque  de  Perpignan ,  effimyé  deè  ter- 
ribles conséquences  que  pouvait  avoir  utie  résolution 
aussi  désespérée^  s'était  revêtu  à  la  hàle  de  ses  orne^ 
ments  pontificaux,  et,  le  saint  sacrement  dans  ses 
mains  et  sans  dais ,  3  monte  à  la  citadelle ,  aocom^ 
pagné  de  tout  son  clergé.  A  cet  aspect,  le  feu  cessa  ^ 
et  les  pourpariers  recommencèrent.  Les  chefs  de  Var^ 
mée  adressèrent  aux  consuls  la  note  suivante  : 

«  On  donne  deux  heures  de  délai  pour  répondre. 


54A  LIVRE  QUATRIÈME. 

a  Ce  que  la  ville  doit  faire  pour  éviter  le  chêthniBit 
u  des  armes  de  sa  majesté  est  ce  qui  suit  : 

«  i""  Qu*on  se  décide  k  loger  tout  ou  partie  de  l*i 
a  mée  comme  il  convient  au  service  de  sa  majesté; 

«  2''  Qu*on  s  oblige  k  donner  Tartillerie  et  les 
<t  nitions ,  pour  qu'on  les  place  au  point  qui  scn  k 
tt  plus  convenable  au  service  de  sa  majesté; 

«  3"^  Qu  on  détruise  toutes  les  fortifications  et  bw- 
« ricades  qu'on  a  faites  contre  larmée  de  sa  majesté; 

tt  4*  Qu'on  se  mette  en  mesure  de  prendre,  avec 
a  Taide  de  larmée ,  les  complices  et  rebelles  du  prévAt 
«  général  ^  ; 

tt  5*  Qu'on  écrive  des  billets  à  toutes  les  villes  da 
«  comté  pour  leur  faire  comprendre  que  la  rébdUott 
ttctles  troubles  de  quelques-uns  ont  causé  le  diilfc* 
tt  ment  éprouvé,  et  que ,  si  elles  ne  font  pas  ce  qui  esl 
ic  commandé  et  ce  qui  est  convenable  au  service  de 
ttsa  majesté,  ceux  de  cette  ville  aideront  toujouis  à 
«  les  châtier  comme  elles^le  méritent. 

«  Ont  signé ,  le  marquis  de  La  Rena ,  Juan  de  Afce» 
«  le  comte  TirconcU ,  don  Âlvar  de  Quinones ,  Piiir 
«  lippe  Guevarra  et  Léonard  Mola.  n 

La  remise  de  cette  sommation  avait  été  suivie  de 
ia  convocation  du  conseil  de  ville,  afin  d'aviser  à  ce 


'  Nous  ne  trouvons  dans  les  nuinusciits  du  temps,  ni  dan»  lea  pî 
publiées  à  cette  époque  sur  toutes  ces  aflaires,  ni  dans  les  histofMiB 
rien  qui  éclaircisse  cette  question  des  soldats  du  prévAt.  Peut-ètra  ce 
prévM  avait-il  fait  punir  quelques-uns  des  soldats  coupables  dVicès»  K 
cette  conduite  aurait  attiré  sur  lui  et  ses  gens  la  haine  de  Tarmét. 


CHAPITRE   DEUXIÈME.  545 

qui!  y  avait  à  faire;  mais,  comme  personne  n'osait 
ouvrir  un  avis ,  on  se  détermina  à  consulter  le  peuple 
lui-même,  qui  se  trouvait  réuni  en  foule  autour  de 
rbôtel  de  ville.  La  demande  du  logement  fut  unani- 
mement rejetée ,  et  les  habitants  se  montrèrent  plus 
que  jamais  décidés  à  repousser  de  tous  leurs  efforts 
des  soldats  qui,  précédés  par  d'aussi  funestes  antécé- 
dents, s'annonçaient  à  Perpignan  d'une  manière  aussi 
hostile.  Sur  ce  vœu  général,  les  consuls  répondirent 
à  la  sommation  dans  les  termes  suivants  ^  : 

«Au  premier  article,  que  les  désordres  commis  en 
«  Catalogne  par  les  soldats  et  les  menaces  qu'ils  font 
«  contre  la  ville  éloignent  encore  plus  le  peuple  de  les 
«  loger  ;  qu'ils  ont  fait  tout  ce  qu'ils  ont  pu  pour  les  y 
«décider,  sans  réussir;  qu'ils  pourvoiront  à  ce  qu'il 
«  ne  manque  rien  aux  soldats  dans  les  cantonnements 
«hors  de  la  ville. 

«  Au  deuxième  article ,  qu'ils  ont  l'artillerie  et  les 
«  munitions  pour  le  service  de  sa  majesté  et  la  dé- 
«  fense  de  la  ville ,  et  que  le  tout  est  toujours  à  la  dis- 
«  position  de  sa  majesté. 

a  Au  troisième  article»  qu'il  n'est  pas  temps  oppor- 
«  tun  pour  arrêter  les  soldats  du  fNrévôt,  parce  que  ce 
«  serait  augmenter  les  inquiétudes  du  peuple  ;  qu'en 

^  Toutes  ces  pièces  se  trouvent  dans  le  Liber  ordinaiuumm,  de  U 
manière  que  nous  les  donnons  ici  \  nous  ne  faisons  que  les  traduire.  Lea 
lettres  qui  accompagnaient  probablement  ces  pièces  ne  sy  troavent 
pas. 


546  LIVRE   QUATRIÈME. 

u  temps  et  lieu  on  donnera  toute  assistance  pour  ifue 
«  le  service  de  sa  majesté  soit  rempli. 

«Au  quatrième  article,  qu'il  ne  leur  appartient  pM 
a  d'écrire  aux  autres  villes,  que  c'est  là  rafiTaire  dm 
a  gouvernement,  n 

Le  courroux  de  La  Rena ,  &  cette  réponse  «  te  ma»- 
Testa  par  un  nouveau  feu  du  château  contre  b  viHe. 
L'évèque  remonte  encore  À  la  citadelle  sous  la  prolM- 
tion  du  saint  sacrement  ;  il  veut  faire  entendre  nmm 
au  capitaine  général,  Itii  montrer  les  défenses  réitdfëés 
du  vice-roi  de  recevoir  aucun  soldat  dans  la  ville  :  La 
Rena  ne  veut  rien  écouter;  il  se  contente  dedoimar 
au  prélat  une  sorte  d'altimatam,  dans  lequel  il  déclare 
«que  ce  n'étaient  pas  les  désordres  des  soldats»  nuds 
«  bien  le  refus  des  logements  qui  avait  occasionné  œ 
a  qui  était  arrivé  en  Catalogne  ;  que  tout  le  comté 
((  étant  en  insurrection  et  les  armes  k  la  main ,  c*éliit  à 
u  la  ville  k  donner  un  bon  exemple;  que,  si  on  ne  les 
tt  recevait  pas ,  ce  qui  s'ensuivrait  serait  la  fiiule  des 
«consuls;  qu'ils  attendront  deux  heures,  sans  phu, 
((  pour  la  réponse,  avertissant  que  s'ils  se  logent  par 
u  force  ils  brûleront  et  saccageront  tout ,  et  que  la 
«  faute  ne  leur  en  pourra  être  imputée.  » 

Ils  donnaient  jusqu'au  lendemain ,  i  A  du  counuit. 
pour  dérider  le  peuple. 

Cet  ultimatum  jeta  les  consuls  dans  une  nouvelle 
perplexité  :  ils  étaient  trop  certains  cpie  l'exécution 
suivrait  la  menace  ;  mais  comment  faire  consentir  las 


CHAPITRE    DEUXIÈME.  5k7 

l:M.aibitaiits  à  ce  qu*on  exigeait  d'eux?  Les  membres  du 
^néeil  municipal ,  les  nobles ,  des  prêtres ,  des  moines 

répandent  au  milieu  des  groupes;  ils  exhortent, 
^Dressent,  supplient  de  consentir,  dansTintérêt  de  la 
^viile ,  à  ce  qui  est  demandé  par  dès  forces  auxquelles 
MXï  ne  pourra  pas  résister,  de  ne  pas  attendre  que  des 
forcenés  décidés  à  tout  oser  les  y  contraignent  par  la 
violence,  ce  qui  ne  pourrait  se  faire  sans  le  pim 
extrême  péril  pour  eux^  pour  leurs  familles,  pow 
leurs  maisons.  Les  menaces  dû  ces  bandits  smit  ef- 
£x)yables ,  mais  on  ne  sait  que  trop  qu^ils  sont  gens  à 
les  accomplir.  Enfui,  à  force  de  peines  et  de soms ,  on 
parvint  k  obtenir  Tassentiment  de  la  population,  et 
les  tx)nsuls  répondirent  k  La  Rena  «  qu'Us  le  prient 
«d'envoyer  quelqu'un  pour  disposer  la  manière  dont 
i(le  logement  devra  se  faire,  afin  qu'il  ne  résulte  au- 
a  cun  risque  pour  la  place ,  dans  un  moment  oà  Ven* 
«  nemi  est  en  armes  pour  venir  L'astti^er^  » 

Toutes  les  exigences  semblaielit  être  satisfaites, 
et  la  ville  ne  devait  plus  rien  redouter  ;  mais  l'armée 
voulait  le  pillage.  La  Rena  manda  aut  consuls  de  ae 
rendre  le  lendemain  matin  près  de  lui  pour  arrêter  \é 
mode  de  logements.  Dans  cette  entrevue  il  fut  oon^ 
venu  que  deux  cent  cinquante  maisons  aendent  dîs^ 
posées  pour  recevoir  ies  troupes  «  et  on  s'ocovpa  ans* 
sitôt  du  soin  de  les  approprier  k  cette  destination.  Vers 
neuf  heures  du  soir  La  Rena  fit  dire  qu'on  eût  k  en 
préparer  un  plus  grand  nombre  pour  les  soldats,  et 


548  LIVRE   QUATRIÈME, 

une  en  pai^ticulier  pour  lui  :  on  y  consentit  eueore; 
mais  entre  dix  et  onze  heures  du  soir,  sur  le  préteile 
que  la  mesure  ne  s'exécutait  pas  avec  assez  de  promp> 
titude,  un  feu  si  terrible  de  canons  et  de  mortifln 
foudroie  la  ville ,  qu'en  peu  d'heures  cinq  cent  soixante- 
quatre  maisons  sont  renversées  ou  incendiées,  et 
qu'un  bien  plus  grand  nombre  est  plus  ou  moins  en- 
donmiagé.  Les  soldats  qui  bivouaquaient  autour  delà 
place  se  présentent  à  la  pointe  du  jour  devant  les 
j)ortes  ;  mais  les  habitants  exaspérés  les  repoussent  à 
coups  de  mousquets,  du  haut  de  leurs  muraflles. 
La  résistance  et  le  feu  de  la  citadelle  ne  cessent  tpîk 
midi,  et,  pendant  ce  combat,  les  soldats  perdent  on 
grand  nombre  des  leurs  et  en  ont  plus  de  six  cents  de 
blessés. 

La  ville  avait  fait  tous  ses  eflorU^  ;  elle  ne  pcaTah 
se  défendre  plus  longtemps  sans  s'exposer  k  une  en- 
tière ruine.  Au  milieu  du  jour,  l'évèque,  accompagné 
du  procureur  royal,  don  Gabriel  de  Lupia ,  s'achemina 
de  nouveau  vers  le  château,  pour  porter  la  soumisiion 
des  habitants  et  implorer  la  démence  des  chefs.  IXa* 
l>ord  repoussé  par  la  Rena,  qui  l'accusait  de  Tavoir 
trompé  deux  fois  avec  son  saint  sacrement',  le  prâat 
parvint  enfin  à  se  faire  écouter.  Le  feu  des  batteries 
cessa ,  mais  ce  fut  pour  faire  place  h  des  excès  d*un 
autre  genre. 

Forcés  de  se  soumettre  à  discrétion ,  les  ronsub  de 

'   PnclmmoâioH  calûlicm a  la  .V  piaiham  dr  Felipe  ,  rd .  p.  64 


CHAPITRE    DEUXIÈME.  5W 

^  «rpignan  avaient  fait  dire  à  La  Rena  que  la  TÎlle  lui 
-"fciit  ouverte,  et  qu'il  fit  ce  qu'il  voudrait.  Ce  qu'il 
oulut,  ce  fut  de  faire  saccager  pendant  trois  jours  les 
rincipales  maisons  de  celles  qui  restaient  debout  : 
i ,  luie  ville  amie  et  qui  n'avait  pris  aucune  part  à 
L'insurrection  de  la  Catalogne,  se  trouva  comme  enlevée 
d'assaut,  et  ses  décombres  fumants  encore  du  bom- 
bardement, le  deuil  et  la  désolation  de  ses  habitants, 
les  cris  de  désespoir  des  femmes  et  des  enfants,  privés 
de  leur  asile  et  plongés  subitement  dans  une  horrible 
indigence,  les  hurlements  d'une  soldatesque  ivre  de 
vin,  de  colère  et  de  sang,  donnèrent  à  l'Europe  la 
mesure  de  tout  ce  que  peut  l'aveugle  fureur  d'un  mi- 
nistre poursuivant,  dans  la  ruine  d'une  population, 
la  destruction  de  ses  lois  et  de  ses  libertés. 

Traitant  les  Perpignanais  en  rebelles  vaincus,  on 
les  désarma,  on  dressa  des  potences  sur  les  places 
publiques  et  au  débouché  des  principales  rues,  on  em- 
pêcha qui  que  ce  fût  du  dehors  d'entrer  dans  la  ville, 
on  organisa  un  système  d'inquisition  sur  tout  ce  qui  se 
faisait;  nul  ne  put  envoyer  des  lettres  au  dehors  sans 
la  permission  des  chefs,  ni  en  recevoir  sans  qu'elles 
n'eussent  été  lues  d'abord  par  eux;  aucun  habitant  ne 
pouvait  aller  vaquer  aux  travaux  de  la  campagne  sans 
payer  aux  sentinelles  des  impôts  assez  considérables; 
aussi  lit-on  ces  mots  dans  la  plainte  du  conseil  des 
Cent  au  roi  :  «  Un  pays  qui  était  le  jardin  de  la  prind- 
«pauté,  et  dont  l'abondance  de  tous  fruits  sustentait 


550  LIVRE    QUATRIÊMR 

«  les  autres  régions ,  a  été  converti  en  landes  et  en  mi 
«  désert  inculte  ^  i» 

Le  duc  de  Gardone,  seigneur  chéri  des  Gitalant, 
avait  été  nommé  vice-roi  à  la  place  du  comte  de  Sasta* 
Coloma.  Forcé  d'accepter  encore  une  fois  cette  di- 
gnité ,  qu'il  avait  déji  exercée  i  la  satisfaction  de  le 
province  dans  des  temps  moins  diflicites,  Gardone 
voyait  bien  que  le  seul  moyen  cle  ramener  un  pea  de 
calme  au  milieu  d'un  si  violent  orage,  c'était,  de  la 
part  du  gouvernement,  un  changement  de  systèaaaA 
l'égard  de  la  province,  et,  de  sa  propre  part,  une  fer* 
meté  qui  put  poursuivre  et  faire  punir  les  auteun  de 
tant  de  criminels  excès.  A  peine  était-il  informé  de  ce 
qui  venait  de  se  passer  h  Perpignan ,  que  déjà  il  était 
en  marche  pour  cette  ville,  où  il  arriva  te  2 g  juin, 
accompagné  des  évcques  de  Vie  et  d'Urgel,  d'an  dé- 
puté et  du  conseiller  en  chef  de  Barcelone.  Leviee-rai. 
après  avoir  mis  hors  de  la  ville  les  soldats  qui  t'en 
étaient  emparés  de  vive  force,  et  qui  furent  cantonnés 
dans  les  villages ,  fit  arrêter  et  enfermer  dans  la  priMHi 
ordinaire  le  marquis  de  I^  Rcna  et  les  principaux  an* 
teurs  des  désastres.  Révoquant  ensuite  la  défense  fiiite 
aux  avocats  d'assister  les  citoyens  dans  leurs  plaintei 
contre  les  soldats,  il  enjoignit  aux  tribunaux  de  povr- 
suivre,  au  contraire,  les  coupables. 

La  manière  dont  s'y  prenait  le  nouveau  vice-roi 
était  celle  que  commandait  rimpartialr  justice;  c'était 

*   Pmrlam.  vmiol. 


352  LIVRK   QUATRIÊHF: 

vouer  coupable;  cétait  déclarer,  par  conséquent , 
justes  et  mérités  les  traitements  indignes  et  barbares 
qu*on  avait  fait  éprouver  à  la  province;  et,  comme  le 
pardon  n  aurait  été  accordé  qu  au  prix  du  sacrifice  de 
ceux  des  privilèges  qui  contrariaient  le  gouvemement, 
c*eùt  été  la  principauté  elle-même  qui  en  aurait  fiût 
volontairement  Tabandon  :  tout  le  système  était  li. 

lia  ville  de  Barcelone  envoya  à  Madrid  des  ambas- 
sadeurs porter  ses  nouvelles  doléances  au  pied  da 
trône,  rejetant  sur  le  ministre  riiorrcur  de  tout  ce 
qui  s  était  passé;  mais  le  comte-duc  ne  les  laissa  pas 
arriver  jusqu*au  roi  :  il  chercha  k  les  eflrayer  sur  les 
conséquences  de  la  guerre  que  la  couronne  allait  bon 
à  la  province ,  et  une  lettre  autographe  d*un  religieus« 
envoyé  de  Barcelone  pour  porter  des  pièces  à  V\ 
hassade,  témoigne  de  la  terreiu*  quon  lui  avait  i 
pirée^  Dans  Tinipossibilité  de  remplir  leur  mission 
aupr«*s  du  monan(ue,  les  envoyés  de  Barcelone  adres- 
sèrent à  la  reine,  aux  princes,  aux  grands  du  royaume 
et  aux  ambassadeurs  des  puissances  étrangères,  uoe 
sorte  de  mémoire,  sous  le  titre  de  l^roclamatian  ca- 
thnli(iuc  à  la  mxijesté  compatissante  de  Philippe  le  Grami, 
par  le  conseil  des  Cent,  dans  lequel  étaient  longue* 
miMit  exposés  et  les  griefs  de  la  province  et  les  ser- 
vices quelle  avait  rendus  dans  tous  les  temps  à  h 
moniirciiie,  sen-ices  qui  lui  avaient  mérité  les  récom- 
pcnsi^s  dont  on  vonhiit  la  dépouiltcr. 


CHAPITRE    DEUXIÈME.  353 

C'est  dans  une  conférence  que  ces  envoyés  eurent 
vec  le  comte-duc ,  qu'élevant  pour  la  première  fois  la 
rétention  de  n  être  soumis  au  roi  d'Elspagne  que 
yarce  qu  ils  le  voulaient  bien ,  ils  se  comparèrent  ridi- 
^^ulement  aux  peuples  du  Latium,  qui,  bien  que  sou- 
mis, disaient-ils,  à  Tarquin  TÂncien,  avaient  été  ad- 
mis cependant  à  la  qualité  d*aUiés  de  Rome,  ce  qui  fut 
un  des  principaux  fondements  de  la  grandeur  romaine  ; 
ils  demandaient,  en  conséquence,  que  le  roi  d'Es- 
pagne les  traitât  de  la  même  manière,  puisque  les  Ca- 
talans étaient  ses  sujets  volontaires  ^  Ce  discours  t 
aussi  arrogant  que  déplacé  et  faux  en  principe ,  (ut  re- 
gardé comme  un  manifeste  de  guerre.  Le  ministre  fit 
emprisonner  les  envoyés  de  Barcelone ,  et  Temploi  de 
la  force  ouverte  fiit  résolu  contre  une  province  qui 
venait  de  compromettre  la  justice  de  sa  cause  par  un 
véritable  acte  de  rébellion. 

La  dédaration  de  guerre  de  la  couronne  contre  la 
Catalogne  fut  décidée  dans  le  conseil  du  roi,  mais  elle 
ne  passa  pas  sans  opposition.  L'opinion  du  comte 
d'Onate  fut  principalement  remarquable.  Après  avoir 
montré  combien  la  douceur  serait  préférable  à  la  sér 
vérité,  pour  ne  pas  pousser  k  une  révolte  ouverte  la 
Catalogne,  qu'on  avait  excitée  déjà  à  la  sédition; 
après  avoir  examiné  la  situation  intérieure  de  l'Es- 
pagne ,  et  déploré  les  malheurs  d'une  guerre  civile ,  ce 
vertueux  citoyen  terminait  par  cette  péroraison  :  «La 

»  Merc.  de  Vitt.  Siri. 

II.  a3 


354  LIVnK   QUATRIÈME.» 

u  Catalogne  pleure,  ne  la  désespérons  pas;  letCata- 
ttlans  gémissent,  prêtons  l'oreille  à  leurs  plaintes.  La 
(I  meilleure  méthode  des  bons  médecins ,  dans  le  tnir 
((  tement  d  une  maladie  aiguë ,  c'est  d'aider  la  nature 
u  par  des  remèdes,  afm  de  la  conduire  doucement  à  la 
(c  fin  vers  laquelle  elle  paraît  tendre.  Que  le  roi  sorte 
«  de  sa  cour,  qu'il  accoure  auprès  de  ceux  qui  Tappci- 
u  lent  et  qui  ont  besoin  de  sa  vue;  qu'il  place  son  att- 
u  torité  et  sa  personne  au  milieu  de  ceux  qui  le  chéris- 
((  sent  et  qui  le  craignent,  et  alors  tous  l'aimeront  sans 
«  cesser  de  le  redouter.  Qu'il  recherche  et  qu'il  chfttie« 
«qu'il  console  et  réprimande;  il  trouvera  un  bel 
d  exemple  à  suivre  dans  son  auguste  bisaïeul ,  loraqae« 
upour  ramener  la  tranquillité  dans  la  Flandre*  ce 
«  prince  s'y  rendit  avec  une  pompe  indigne  sans  doute 
«  d'un  César,  mais  avec  le  cœur  d'un  César,  et  que . 
«  n*ayant  pour  compagnon  que  sa  valeur  même,  il  en- 
«  tra  dans  la  ville  de  Gand  mutinée  et  furieuse,  et  la 
«rendit  à  l'obéissance,  sans  employer  d'autre  force 
«  que  sa  seule  présence. 

«Que  sa  majesté  sorte,  je  le  répète;  qu'elle  se 
tt  rende  en  Aragon;  qu'elle  pousse  juscpi'en  Catalogne; 
u  qu'elle  se  montre  h  ses  sujets  ;  (pi'elle  les  contente, 
«qu'elle  les  voie,  qu'elle  les  console  :  mieux  et  |^ns 
u  heureusement  triomphent  les  yeux  du  prince  que  les 
«  armées  les  plus  considérables  ^  »  Un  discours  si  géné- 
reux ,  si  ptriotiqne,  ne  put  détenniner  le  roi  :  Pliilippe 

'   Feliii  do  ifl  Pena. 


CHAPITRE    DEUXIÈME.  355 

voyait  encore  que  par  les  yeux  de  son  favori. 

La  nouvelle  de  la  résolution  de  la  cour  fut  à  peine 
cM>nnue  en  Catalogne,  que  les  corts  se  réunirent,  et 
cpie  la  détermination  de  se  défendre  jusqu^à  Teitré- 
mité  y  fut  prise,  de  lavis  des  théologiens,  qui  décla- 
rèrent qu*il  était  permis  de  prendre  les  armes  quand 
il  s'agissait  de  sa  propre  sûreté  ^ 

Suivant  les  ordres  de  Madrid,  les  troupes  royales 
commandées  par  le  marquis  de  Los  Vêlez,  capitaine 
général  d*Âragon ,  s'étaient  approchées  de  Tortose ,  où 
ce  général  s'était  ménagé  des  intelligences ,  et  dont  les 
portes  lui  furent  ouvertes.  De  là  il  fit  faire  des  pro- 
positions aux  Catalans ,  s'o£Erant  de  s'interposer  entre 
eux  et  la  cour  pour  leur  faire  avoir  leur  pardon. 

La  défection  de  Tortose  causa  de  vives  inquiétude9 
à  Barcelone;  c'était  un  exemple  funeste  :  Tortose  fut 
notée  d'infamie ,  et  on  résolut  de  la  punir.  Outre  le  be- 
soin si  impérieux ,  dans  toute  entreprise  éminemment 
chanceuse ,  d'arrêter  par  une  sévérité  exemplaire  ceux 
qui  seraient  tentés  de  séparer  leur  cause  de  celle  de  la 
masse ,  on  sentait  l'urgence  de  recouvrer,  avant  tout , 
une  place  qui  laissait  l'entrée  de  la  Catalogne  ouverte 
aux  ennemis.  Pendant  qu'on  faisait  des  dispositions 
pour  la  reprendre ,  on  travaillait  aux  fortifications  de 
Lerida ,  et  l'on  chargeait  de  sa  défense  un  gentilhomme 

'  Cette  pièce  fut  imprimée  sous  ce  titre  :  J.  M.  J.  Jmdfcaew  m  conê- 
ciencia  de  mtr  près  lo  principat  de  Catahr^a  hu  armas ,  etc.  Elle  fat  ré- 
futée par  oo  religieux  de  Tortose. 

23. 


356  LIVhE   QUATRIÈME. 

rinçais,  iioiiiiiir  Saiiil-Paiil,  qui  était  voiui  oRnr  ses 
scrvin»>  h  la  province. 

I.e  rardinal  do  Rirholicu,  dans  le  testament  poli- 
tique qifon  lui  attribue,  se  d^^fend  d avoir  eu  aucune 
part  à  rinsurrection  de  la  Catalogne,  et  son  historien 
Auberj'  assure  que  ce  n  est  qu'avec  beaucoup  Jindif- 
férence  que  cette  éniinence  reçut  la  proposition  de  la 
favoriser.  Richelieu  était  trop  habile  politique  pour 
ne  pas  se  mettre  en  mesure  de  rendre  cet  événement 
profitable  h  la  France,  quand  il  fut  bien  assuré  qu*il 
devait  avoir  lieu.  Des  le  a 9  août  des  ordres  étaient 
donnés  h  la  frontière  pour  fourm'r  des  secours  aux  Ca- 
talans, s'ils  en  réclamaient,  et  la  certitude  d'être  sou- 
tenus par  les  Fnmçais  n'avait  pas  peu  contribué  k  leur 
faire  lever  hautement  l'étendard  de  la  révolte. 

Cependant  la  députation,  attentive  à  la  sûreté  du 
pays,  (*nv()\ait  h  .son  poste  Guillaume  d'Annengol, 
gouverneur  du  château  de  Bellegarde,  avec  un  renfort 
de  soldats  et  de  vivres,  pour  s'oppo.scr  au  retour  en 
Catalogne  des  troupes  royales  qui  s'étaient  jetées  en 
Kou.ssillon ,  si  elles  cherchaient  à  repasser  les  Pyré- 
nées. Klle  faisait  partir  en  même  tenq>spour  Leucate, 
Krançois  de  Villaplana,  chargé  de  s'entendre  avec 
d'Kspenan,  gouverneur  de  celte  place,  et  avec  Du- 
plessis-Besançon ,  que  Richelieu  avait  envoyé  sur  la 
frontière,  numi  d'instnu'tions  pour  traiter  au  nom  de 
Louis  \]||  avec  les  Catalans  :  voil<^  le  moment  où  la 
(latalogn<' devin!  compIrtenuMil  relieile  <*!  iTiminelie. 


CHAPITRE    DEUXIÈME.  557 

où  ses  chefs  acquirent  incontestablement  Tépithète 
c3e  traîtres ,  puisqu'ils  livraient  leur  pays  aux  Français, 
cfui  étaient  en  guerre  avec  la  nation  dont  ils  faisaient 
partie.  Jusque-là  ils  avaient  été  dans  leur  droit,  en 
défendant  leurs  constitutions ,  dont  le  maintien  av^t 
été  librement  juré  par  le  monarque  qui  voulait  les  dé- 
truire; mais  rien  ne  pouvait  les  autoriser  à  se  jeter 
entre  les  bras  des  ennemis  de  la  commune  patrie. 
Poussés  à  bout  par  leur  propre  gouvernement,  cest 
ce  gouvernement  qui  était  le  premier  criminel  ;  mai9 
im  crime  nen  justifie  jamais  un  autre.  Que  devaient 
iaire  les  Catalans  dans  la  position  où  ils  se  trouvaient? 
Résister  de  tous  leurs  moyens ,  puisque  leur  cause  était 
juste ,  mais  céder  ensuite  à  la  loi  de  la  nécessité  ;  car 
rien  au  monde  ne  doit  faire  transiger  avec  Thoiuieur 
et  pactiser  avec  Tennemi  de  sa  nation. 

Los  Vêlez ,  général  de  Tannée  royale  »  avait  engagé 
les  Aragonnais  à  envoyer  une  députation  de  bon  voi- 
sinage aux  Catalans ,  pour  leur  montrer  labime  vers 
lequçl  ils  couraient.  Les  Catalans  traitèrent  ces  dépu- 
tés avec  la  considération  qu  ils  méritaient ,  mais  ib  dé- 
clarèrent qu  aucune  voie  d'accommodement  ne  pour- 
rait être  ouverte  tant  que  les  Castillans  menaceraient 
leur  pays. 

Après  le  départ  de  ces  députés ,  Duplessis-Besançon 
entra  à  son  tour  à  Barcelone,  et,  aux  derniers  jours 
du  mois  d'octobre,  il  conclut,  au  nom  du  roi  de 
France ,  un  traité  que  ce  prince  ne  ratifia  qu'à  la  mi- 


558  LIVRK  QUATRIÈME. 

décembre.  La  France  s'obligeait  à  soutenir  Fiiidépen- 
dance  de  la  Catalogne,  en  lui  fournissant  des  officiers 
de  toutes  armes  et  un  certain  nombre  de  troupet 
aguerries  avec  toutes  les  munitions  nécessaires,  ie 
tdut  h  un  prix  convenu ,  payable  d*avance  et  de  mois 
en  mois.  Douze  otages  devaient  être  donnés  par  la 
province ,  et  être  pris  dans  chacun  des  trois  bras  ec* 
désiastique ,  militaire  et  royal  ;  trois  d*entre  eux  ta* 
rent  envoyés  à  Paris,  pour  remplir  en  même  temps, 
auprès  du  roi ,  les  fonctions  d'ambassadeurs  de  la  prin- 
cipauté'. 

En  même  temps  que  ces  choses  se  passaient  dana  la 
Catalogne,  en  Roussillon  don  Juan  de  Garay,  Perpl- 
gnanais,  successeur  de  La  Rena  au  commandement 
de  Tarmée,  tentait  quelques  expéditions  contre  les 
bourgs  que  ses  exactions  et  les  violences  des  soldats 
avaient  aussi  forcés  à  la  révolte.  Le  1 6  de  septembre 
ce  capitaine  général  avait  reçu  de  la  cour  fordre  de 
conquérir  toutes  les  places  et  villes  de  Roussillon  qui 
s'étaient  déclarées  contre  lui  :  Millas  et  Ille  étaient  de 
ce  nombre.  Garay  sortit  do  Perpignan  le  a  3  du  même 
mois ,  avec  quelques  petites  pièces  d*artillerie.  Mflbs 
lui  ouvrit  ses  portes,  mais  lUe  ferma  les  siennes,  et 
Garay  se  proposa  de  Ten  laii'e  repentir. 

Le  gouverneur  de  Leucate,  dont  les  consuls  d'IUe 
avaient  n>clamé  le  secours,  sciait  empressé  de  faire 
passer  dans  cette  ville  quelques  com|>:ignics  de  Fran- 

'   Lr\«»Mir.  Htsf.  de  lAmit  XÎU. 


CHAPITRE  DEUXIÈME.  359 

çais,  sous  le  commandement  de  d*Aubigny;  Garay 
l^ignorait.  Il  avait  chargé  don  Juan  de  Arce  d'aller  at- 
tacher un  pétard  à  la  porte  de  la  ville ,  qu'il  ne  croyait 
pas  susceptible  de  faire  gradde  résistance  :  de  Arce  fiit 
repoussé,  et  Garay,  blessé  lui-même,  se  retira  à  Sah- 
Feliu.  Quelques  jours  après  il  se  çx}xt  en  mesure  de 
venger  son  affront  en  attaquant  de  nouveau,  la  ville 
avec  quatre  mille  hommes  et  qucdqiieii  pièces'de  gtos 
calibre  qu'il  avait  fait  venir  de  Perpignan.  Après  une 
canonnade  de  douze  beurei ,  une  large  brèche  se  pré- 
sentant ,  le  capitaine  général  la  fait  assaillir^  à  quatre 
heures  du  soir.  Ce  premier  làssaut  repousBé  «  il  eo  (mi 
donner,  à  huit  heturea,  un^eound  qui  ne  réussit  pas 
mieux;  un  troisième^  encore  tenté  à  quatre  hewos  du 
matin,  nest  pas  plus  heuteux,  et  Garay  «  qui  a  pârdd 
beaucoup  de  monde,  se  .décide  à  la  retiràiÉe.  B  laisse 
ses  troupes  à  Millas  «/rfauir  et  Ëlnè  «  et  rentre  honteu- 
sement dans  Perpignan.  Le  luademain  les  soldais 
laissés  à  Milkis  aUèrent  ravager  Gornella  et  îùceiidier 
son  église;  enfin,  le  2  octobr^^>  sur  Je  bhnt^qiie 
Schombei^  entrait  en  Roussilldh,  touë  cet  détache*- 
ments  retournèrent  à  Perpignan. 


360  LIVRE   QUATRIEME. 


CHAPITRE  III. 


»  Catalans  se  donnent  k  la  France.  — Troupes  firançaises  cb 
Catalogne.  —  Misère  dans  Perpignan.  —  Famine.  —  Ranri- 
iaiUement  -—  Torrecusa. 


La  tentative  des  Barcelonais  pour  reprendre  Tor- 
tose  avait  été  infructueuse.  Les  troupes  royales  ae 
renforçaient,  et  le  petit  nombre  des  Français  qui 
étaient  entres  en  Catalogne  avec  d*Kspenan ,  gouver- 
neur de  Leucate ,  n'avait  pu  empêcher  cette  amiée 
de  faire  des  progrès  dans  le  pays.  Plusieurs  villages 
étaient  tombés  au  pouvoir  des  royaui,  et  Cambrib 
avait  vu  massacrer  la  presque  totalité  de  ses  habitants 
par  les  bandes  forcenées  que  Los  Vêles  n  était  pas 
maître  de  contenir.  Ce  général ,  porté  à  la  vice-royauté 
de  Catalogne,  occupa  Tarragone  le  a&  décembre, 
marcha  sur  Martorell  qu'il  prit,  et  fut  bientôt  sous  les 
murs  de  Barcelone. 

La  position  dos  Catalans  devenait  de  plus  en  plus 
cTitique.  D*ELspcnan,  obligé  de  capitulera  Tarragone, 
avait  dû  rentrer  en  France  avec  les  siens,  et  les  Bar- 
celonais n*avaient  plu.s,  pour  tout  secours,  que  quel- 
ques ofliciers  iraurais  isolés.  Dans  ce  danger,  ils  se 
drcidcrent  h  se  donner  h  la  France,  v\  don  Joseph  de 


CHAPITRE   TROISIÈME.  561 

.^^argarit  et  don   François  Jean  de   Vergos,  leurs 
^otages-ambassadeurs  auprès  de  Liouis  XIII  «   fiurent 
^^hai^és  d'offrir  à  ce  prince  ia  souveraineté  de  la  pro- 
"vince. 

Barcelone  était  investie  par  les  troupes  royales,  *^^*' 
qui  avaient,  s'il  &ut  en  croire  Levassor,  Tordre  de 
mettre  tout  à  feu  et  à  sang  dans  la  Catalogne  ^  Lios 
Vêlez  tenta  encore  une  fois  auprès  des  habitants  de 
Barcelone  les  voies  de  la  persuasion ,  pour  les  Ceire 
revenir  à  lobéissance ;  mais  les  Barcelonais ,  dont  Tir- 
ritation  semblait  s  accroître  en  proportion  des  périls, 
répondirent  que  jamais  ils  n'entreraient  en  négocia- 
tions tant  que  le  pied  des  Gastâlans  foulerait  le  sol  de 
la  principauté^. 

Los  Vêlez  avait  £adt  son  devoir  d'homme  de  bien  « 
il  fit  celui  de  fidèle  soldat,  fl  attaqua  la  place  avec  vi- 
gueur; mais  les  Barcdonais  se  défendirent  courageux 
sèment,  et,  la  fortune  secondant  leur  intrépidité i»  ils 
fiorcèrent  en  peu  de  jours  les  assiégeants  à  la  retraite. 
Barcelone  était  libre;  mais  le  péril  était  loin  d'être 
dissipé  ;  tout  faisait  prévoir  au  contraire  que  l'armée 
royale ,  qui  s'était  retirée  à  Tarragone ,  ne  tarderait 
pas  à  revenir  avec  des  forces  plus  imposantes,  et  que 
la  valeur  des  habitants  échouerait  contre  le  nombre» 
Duplessis-Besançon ,  qui  était  toujours  dans  la  pre- 
mière de  ces  villes,  fiit  chargé  de  se  rendre  auprès  du 

^  T.evai8or,  Mut.  de  Louis  XIII. 
*  Felia  de  la  Pena. 


562  LIVRE   QUATRIÈME. 

roi  de  France,  pour  rinfomier  de  la  levée  du  riëge»  et 
lui  présenter  la  nouvelle  délibération  des  corts 
la  donation  de  la  province. 

Uichdiou  aurait  mieux  aimé  voir  la  Catalogne 
constituer  en  république  indépendante,  aoùs  la  pro- 
tection de  la  France ,  que  de  la  recevoir  à  titre  de  pro- 
vince libre ,  et  il  avait  chargé  Dupleasia  d*eii  fiuM  k 
proposition  aux  corts  :  on  peut  deviner  ses  rakdn^. 
i  )ans  la  première  hypothèse ,  le  ministre  de  Louis  XIII 
était  bien  assuré  que  les  Catalans  feraient,  à  qàdqnt 
époque  que  ce  iiit,  les  plus  grands  efforts 
maintenir  en  liberté  :  leur  intérêt  les  y  obligeait  i 
dis  qu'en  les  recevant  au  contraire  comme  siraplaft 
sujets  de  la  couronne,  c'était  la  France  qui  dcvaS 
elle-même  faire  ces  elForts  pour  conserver  cette  pro- 
vince. Les  dépenses  auxquelles  le  royaume  se  •tMil*> 
vait  déjà  entraîné  ne  paraissaient  pas  à  Rididien  aal^ 
fisamment  garanties  par  la  possession  d\in  paya  qiâl 
n'était  pas  assuré  de  conserver  perpétuellement, 
à  cause  de  sa  position  au  delà  des  Pyrénées,  qtt*à 
son  de  l'inconstance  et  de  la  susceptibilité  poiiHqde 
si  bien  connues  de  ses  habitants.  Mais  les  Galalana  ^fm- 
quiétaient  peu  d'un  avenir  dont  rien  ne  pouvait  wé- 
pondi-e ,  et  beaucoup  du  présent,  qui  était  tout  poor 
eux ,  puisqu'il  ne  se  montrait  qu  environné  de  périkt; 
ils  pensaient  qu'en  se  donnant  entirrement  à  la  Franœii 
c*rtt(*  puissance  ferait  bien  plus  de  sacrifices  pour  les 
déiendre  qu  elle  ne  voudi*ait  jamais  on  consentir  quand 


/ 


CHAPITRE   TROISIÈME.  563 

£1  ne  s'agirait  que  d*une  simple  protection  :  ils  persis- 
^rent  à  demander  de  faire  partie  du  royaume ,  et ,  le 
^3  janvier,  les  corts  signèrent  Tacte  de  donation  de  >c^* 
la  province  au  roi  de  France.  Cette  donation  ne  fut 
acceptée  cependant  que  huit  mois  après  :  la  France  se 
trouvait  avoir  alors  un  intérêt  pressant  à  dotniner,  en 
Catalogne ,  à  raison  des  événements  de  la  guerre ,  et 
cette  considération  fit  passer  par-dessus  toutes  les  au- 
tres. Louis  prit,  le  i8  septembre  seulement ^  le  titre 
de  comte  de  Barcelone ,  et  il  donna  son  ÉpfMrobatkm 
aux  articles  du  pacte ,  qui  devaient  être  insérés  dans 
le  serment  que  lui  et  ses  sucoeà^eurs  auraient  à  prêter 
en^  cette  qualité.  La  substatiee  de  ces  articles  était 
que  le  roi  de  France  observerait  et  ferait  obëerver  les 
usages ,  constitutions  et  actes  de^  étaté  du  pays ,  leà 
droits  municipaux,  concordats,  pragmatiques  et  toutes 
autres  dispositions  iqui  se  tJnouvaient  insérées  'dans  lé 
livre  des  constitutions;  qu*il  ne  nomknerait  que'déë 
sujets  catalans  aux  archevêchés,  évêchés  et  bénéfices 
ecclésiastiques  quelconques;  qu*fl  coâëéh^erait  aux 
conseillers  de  la  ville  de  Barcelmie  le  dMit  et  la  pos^ 
session  de  se  couvrir  en  sa  présence,  et  de  (aire  pùttêt 
partout,  même  k  la  cotu*,  les  insignes  de  leur  dignité; 
qu'il  ne  pourrait  y  avoir,  dans  le^  trois  comtés»  de  iù- 
gement  de  gens  de  guerre ,  quels  qu'ils  fiiMent^  tjtte  du 
consentement  des  consuls  ou  jtiTats  des  conanMes; 
qu'il  promettrait  (  le  roi  )  que  la  principauté  de  Cata- 
logne et  les  comtes  de  Roussillon  et  de  Cerdagne  ne 


364  LIVRE  QUATRIÈME. 

seraient  jamais,  en  tout  ou  en  partie,  etpourqud«|iie 
raison  que  ce  fut,  démembrés  de  la  couronne  de 
Krance ,  et  qu  au  lieu  du  someten  général  (  ce  qui  fé- 
pondait  à  peu  près  à  la  convocation  du  ban  et  de  Tar- 
ricre-ban  ) ,  les  trois  comtés  s  obligeraient  à  lever  et  à 
entretenir  un  corps  de  cinq  mille  fantassins  et  de  cinq 
cents  chevaux,  pour  être  employés,  toutes  les  fina 
quil  en  serait  besoin,  dans  Tintérieur  de  la  province. 
mais  jamais  au  dehors^.  On  voit,  par  ces  conditions» 
que  les  Catalans  se  conservaient  dans  la  jouissance  de 
tous  les  droits ,  privilèges  et  libertés  que  leur  aooor^ 
daient  leurs  constitutions,  mais  qu'ils  ne  faisaient  nulle 
mention  du  prétendu  droit  de  changer  leur  souverain 
en  cas  de  violation  de  ces  mêmes  constitutions ,  droit 
auquel  n  avaient  jamais  cru  ni  pensé  leurs  ancêtres, 
dont  ils  ne  pouvaient  se  dissimuler  eux-mêmes  la  ▼*- 
nité,  et  quiis  n  avaient  mis  au  jour  que  pour  ccdoier 
une  véritable  révolte,  d*une  certaine  apparence  de 
légalité. 

L'acceptation  du  titre  de  comte  de  Barcelone  par 
Louis  XIll  étant  décidée ,  le  cardinal-ministre  semUa 
mettre  plus  de  chaleur  à  soutenir  la  cause  des  Cata- 
lans, au  secours  desquels  il  avait  envoyé  quelques 
troupes  dès  le  commencement  de  Tannée.  Le  a  o  lé- 
vrier le  comte  de  Lamottc-Houdancourt  était  entré 
à  Barcelone  avec  le  titre  de  vice-roi ,  et  au  mois  d*avril 
suivant,  à  la  tète  de  neuf  mille  honunes  d*infanterie 

*  Aubery,  Hiti.  du  cardintU  de  Hielubfu. 


CHAPITHE   TKOISIÈME.  565 

de  deiiv  mille  cinq  cents  chevaux,  il  avait  marché 
^•ontre  Tarragone,  que  bloquait,  du  côté  delà  mer, 
Henri  de  Sourdis ,  archevêque  de  Bordeaux.  Le  siège 
de  cette  place,  où  s  était  enfermé  Tltalien  Frédéric 
Colona ,  prince  de  Botro ,  successeur  du  marquis  de 
Los  Vêlez  au  titre  de  vice-roi  et  de  commandant  des 
forces  royales  d*£spagne  en  Gatalc^e ,  traîna  en  lon- 
gueur, et,  le  6  de juUlet,  la  flotte  firançaise  fiit  battue 
par  celle  de  Philippe.  Cet  échec  ne  put  être  imputé 
ni  au  manque  de  courage  du  prélat- amiral,  ni  à  son 
imprudence;  la  faute  en  appartenait  tout  entière  au 
prince  de  Condé,  qui  voidut  faire  rester  cette  armée 
navale  dans  une  position  désavantageuse  et  exposée 
aux  coups  des  forces  supérieures  espagnoles,  malgré 
les  représentations  de  Tarchevêque.  En  mars  le  mar- 
quis d*Argenson  était  entré  dans  Barcelone  avec  la 
qualité  de  surintendant  de  justice  et  des  pleins  pou- 
voirs pour  l'organisation  de  la  province;  ainsi  la 
France  avait  pris  possession  de  fait  longtemps  avant 
que  la  donation  eût  été  oiBciellement  agréée. 

La  ville  de  Perpignan ,  où  se  trouvait  concentrée 
Tannée  royale  chassée  de  Gatal(^e ,  sans  être  encore 
investie ,  éprouvait  déjà  toutes  les  horreurs  de  la  fa- 
mine. Depuis  que  la  France  soutenait  Tinsurrection  de 
la  Cditalogne ,  les  soldats  cantonnés  dans  les  villages 
avaient  dû  rentrer  dans  cette  place,  et  ces  villages, 
que  les  désordres  de  ces  mêmes  soldats  avaient  forcés 
aussi  de  se  soulever,  ne  portaient  plus  aucune  denrée 


562  LIVRE   QUATRIÈME. 

i*oi  de  France,  pour  rinforiiicr  de  la  levée  du  nége,  et 
lui  présenter  ta  nouvelle  délibération  des  coïts  poor 
la  donation  de  la  province. 

Richelieu  aurait  mieux  aimé  voir  la  Catalogne  te 
constituer  en  république  indépendante,  sous  la  pro- 
tection de  la  France ,  que  de  la  recevoir  à  titre  de  pro* 
vince  libre ,  et  il  avait  chargé  Duplessis  d*eii  fiûre  la 
proposition  aux  corts  :  on  peut  deviner  ses  raiaoïii. 
Dans  la  première  hypothèse ,  le  ministre  de  Louis  XIII 
était  bien  assuré  que  les  Catalans  feraient,  à  qadqne 
époque  que  ce  fàt,  les  plus  grands  efforts 
maintenir  en  liberté  :  leur  intérêt  les  y  obl^eah; 
dis  qu  en  les  recevant  au  contraire  comme  simples 
sujets  de  la  couronne,  c'était  la  France  qui  derail 
elle-même  faire  ces  eiforts  pour  conserver  cette  |lro- 
vince.  Les  dépenses  auxquelles  le  royaume  se  trdiÉ* 
vait  déjà  entraîné  ne  paraissaient  pas  à  Richetieo  sof- 
fisamment  garanties  par  la  possession  d  un  pays  qoSl 
n  était  pas  assuré  de  conserver  perpétuellement, 
à  cause  de  sa  position  au  delà  des  Pyrénées,  qu'à 
son  de  finconstance  et  de  la  susceptibilité  politiqàe 
si  bien  connues  de  ses  habitants.  Mais  les  Catalans  a'm- 
quiétaient  peu  d*un  avenir  dont  rien  ne  pourah  vè- 
pondi-e  ,  et  beaucoup  du  présent,  qui  était  tout  poar 
(Hix,  puisqu'il  ne  se  montrait  qu  environné  de  pérfli.; 
ils  pensaient  queri  se  donnant  enticrcmeiit  à  la  FmDoe» 
ccttt*  puissance  fcnu't  bien  plus  de  sacrifices  pour  les 
déicndre  qu'elle  ne  voudrait  jamais  on  consentir  quand 


CHAPITRE   TROISIÈME.  563 

il  ne  s'agirait  que  d*une  simple  protection  :  ils  persis- 
tèrent à  demander  de  faire  partie  du  royaume ,  et ,  le 
2  3  janvier,  les  corts  signèrent  Tacle  de  donation  de  »«i' 
la  province  au  roi  de  France.  Cette  donation  ne  fui 
acceptée  cependant  que  huit  mois  après  :  la  France  se 
trouvait  avoir  alors  un  intérêt  pressant  à  dominer,  en 
Catalogne ,  à  raison  des  événements  de  la  guerre ,  et 
cette  considération  fit  passer  par-dessus  toutes  led  au- 
tres. Louis  prit,  le  18  septembre  seulement^  le  titre 
de  comte  de  Barcelone ,  et  il  donna  son  approbation 
aux  articles  du  pacte ,  qui  devaient  être  insérés  dans 
\e  serment  que  lui  et  ses  successeurs  auraient  à  prêter 
en  cette  qualité.  La  substance  de  ces  articles  était 
que  le  roi  de  France  observerait  et  ferait  observer  les 
usages ,  constitutions  et  actes  deè  états  du  pays ,  les 
droits  municipaux,  concordats,  pragmatiques  et  toutes 
autres  dispositions  qui  se  trouvaient  insérées  <lans  le 
livre  des  constitutions;  qu*il  ne  nommerait  que  dés 
sujets  catalans  aux  archevêchés,  évêchés  et  bénéfices 
ecclésiastiques  quelconques;  qu*ii  coAsérVerait  aux 
conseillers  de  la  ville  de  Barcelone  le  droit  et  la  pos^ 
session  de  se  couvrir  en  sa  présence,  et  de  (aire  porter 
partout,  même  k  la  cour,  les  insignes  de  leur  dignité; 
qu'il  ne  pourrait  y  avoir,  dans  les  trois  comtés  «  de  io^ 
gement  de  gens  de  guerre ,  quels  qu'ils  foMent,  (jiie  du 
consentement  des  consuls  ou  jurats  des  communea; 
qu'il  promettrait  (  le  roi  )  que  la  principauté  de  Cata- 
logne et  les  comtés  de  Roussillon  et  de  Cerdagne  ne 


368  LIVRE   QUATRlËMi:. 

importante  pour  faciliter  la  prise  de  CoUioure.  Cette 
place ,  assicgée  le  i  & ,  se  rendit  le  a  7,  sur  le  bruit  que 
le  prince  de  Condé  arrivait  avec  de  nouvelles  forces. 
Le  besoin  de  faire  entrer  en  Catalc^ne  une  partie  de 
ces  troupes  fit  suspendre  ensuite  les  opérations  mili- 
taires en  Roussillon  :  trois  mille  hommes  allèrent  aider 
les  Catalans  à  faire  le  siège  de  Tarragone.  Pendant  oe 
temps  don  Gaspard  de  Lupia-y-Villanova  et  Manuel 
Daxi ,  dont  Tun  résidait  à  Millas  et  1  autre  h  Tbuir, 
faisaient,  c^  la  tète  des  compagnies  de  partisans,  de 
fréquentes  courses  contre  les  troupes  castillanes  qui 
se  trouvaient  aux  environs  de  Perpignan.  Le  i&  juil- 
let une  de  ces  compagnies  s  étant  avancée  jusqu'à  un 
jardin  entre  le  Vernet  et  Saint-Elstève ,  la  cavalerie  de 
Perpignan  Tattaqua ,  et  lui  fit  plusieurs  prisonniers. 

Ce  même  jour  la  nouvelle  prématurée  dune  grande 
victoire  remportée  en  Catalogne  sur  les  Français 
donna  lieu ,  dans  Perpignan ,  à  des  fêtes  qui  durèrent 
trois  jours.  Un  Te  Deam  fut  chanté  dans  toutes  les 
églises,  les  habitants  illuminèrent  leurs  maisons,  et, 
chacun  oubliant  un  instant  ses  misères,  des  exerdœs 
chevaleresques  furent  exécutés  sur  la  place  de  la 
Loge'.  Mais  cette  joie  fit  place  k  une  profonde  cons- 
ternation, quand  on  sut  positivement  que,  loin  d'être 
victorieuse,  Tarmée  royale  d*Elspagne  avait  été  com- 
plètement battue. 

|ja  famine  était  déjà  très-grande  dans  Perpignan; 

*  ManuMTÎt  du  noUirf  Patchal 


CHAPITRE  TROISIÈME.  369 

on  ne  trouvait  plus  de  viande  de  mulet  ou  d'âne ,  et 
les  soldats  faisaient  la  chasse  aux  chiens  dans  les  rues, 
tt  Mes  enfants  et  descendants ,  s*écrie  le  notaire  Pas- 
a  chai,  je  vous  en  prie  avec  instances,  si  jamais  vous 
«  entendez  parler  de  guerre ,  éloignez-vous  à  ce  seul 
umot,  car  les  soldats  nous  traitent  plus  mai  que  des 
«  esclaves.  »  Après  avoir  dit  que  les  prêtres  séculiers  et 
réguliers  sont  sortis  de  la  ville,  ne  laissant  dans  chaque 
église  que  le  nombre  d'ecclésiastiques  indispensables 
pour  le  service  divin ,  le  même  écrivain  rend  compte 
de  la  manière  dont  il  a  célébré  la  Noël,  a  N'ayant  pu 
«  trouver,  dit-il,  dans  tout  Perpignan  le  moindre  mor- 
n  ceau  de  viande  pour  nous  régaler,  nous  l'avons  fait 
((  avec  une  sardine  salée ,  dont  nous  avons  fait  trois 
a  parts  (  pour  lui,  sa  femme  et  sa  fille)  ;  et  encore,  c'a 
«  été  pour  nous  une  grande  joie  que  de  l'avoir.  Les 
«autres  fêtes  nous  n'avons  mangé  que  de  la  soupe,  et 
<f  en  petite  quantité.  »  Lie  1 1  .décembre ,  le  froid  ayant 
été  très-intense,  deux  sentinelles  sur  les  remparts, 
et  une  au  château  furent  trouvées  gelées,  et  le  même 
jour  il  périt  également  de  froid  deux  autres  soldats , 
dans  une  sortie  qui  avait  été  poussée  jusqu'à  Vingrau. 
Pour  achever  le  tableau  de  la  déplorable  situation  de 
Perpignan  à  cette  époque,  nous  emprunterons  encore 
les  deux  traits  suivants  au  même  témoin  oculaire* 
<(  Maintenant  qu'on  ne  peut  plus  trouver  ni  chiens ,  ni 
«  chats ,  ni  rats,  nous  en  sommes  venus  à  manger  les 
«semelles  de  no^  souliers,  les  parchemins  ramollis  « 
II.  a4 


\ 


570  LIVHE   QUATRIÈME, 

«et  toutes  les  herbes  possibles,  telles  que  pariétaires, 
«chardons,  doure-amère,  gentiane,  mauve,  orties  et 
((  toutes  autres  ((u  on  pourrait  nommer.  Cest  une  v^- 
«rite  que  dans  ce  moment  le  fils  refuse  à  son  père, 
die  père  à  son  fils,  Tami  à  son  ami,  ce  qu*il  a  pour 
'«4>-  «soutenir son  existence.  —  Aujourd'hui,  ai  janvier, 
a  me  trouvant  à  prendre  le  soleil  sous  le  porche  du 
u  glorieux) Saint-Jacques,  j*ai  vu  arriver  au  cimetière 
«  deux  soldats  qui  se  sont  mis  h  brouter  les  herbes  qui 
<i  V  croissent,  comme  auraient  fait  des  animaux. Cétait 
<(  chose  qui  atterrait,  que  de  les  voir  manger  ces  herbes 
u  avec*  dc^lices,  tant  ils  mouraient  de  faim  ^  » 

J.a  France,  en  guerre  avec  TAllemagne,  la  Lor- 
raine, TEspa^ne  et  ses  Pays-Bas,  la  Savoie  et  ritaJie, 
était  encore  agitée  à  l'intérieur  par  les  factions  que  ne 
cessaient  dr  susciter  la  reine-mère,  le  frère  du  roi,  et 
les  grands  du  royaume  attachés  h  quel(|u*un  de 
points  de  mire  des  mécontents.  Divisés  de  but,  t 
étaient  unanimes  dans  leurs  efforts,  qui  tendaient  au 
renversement  du  canlinal  de  Richelieu,  colosse  de 
puissance  insupportable  à  tous,  au  monarque  lui- 
même  dont  il  maîtrisait  les  volontés ,  mais  qui  devait 
subir  son  inévitable  loi.  Seul  contre  tous,  ce  ministre, 
dont  rame  était  aussi  forte  que  son  ^énie  était  vaste  et 
profond',  havait  vaincre  k  la  fois  |>ar  ses  fermes,  dures 
et  inébranlables  résolutions,  les  ennemis  du  dehors 
et  ceux  qui  lui  était*nt  opposés  dans  le  sein  du  royaume. 

*  ManiiMTil  île  V   Pasrhal 


CHAPITRE  TROISIÈME.  371 

Vrai  roi  de  France ,  sous  la  livrée  de  Téglise ,  le  faible 
prince  qui  en  portait  le  titre  n'était  que  le  bouclier 
quil  opposait  à  ses  ennemis  personnels,  tandis  que 
son  bras  seul  triomphait  de  la  coalition  des  couronnes 
et  de  la  force  des  armées.  Orgueilleux,  ingrat,  cruel, 
vindicatif;   mélange  confus   et  composé  bizarre  de 
toutes  les  grandeurs  et  de  toutes  les  petitesses  ;  pas- 
sant ses  jours  à  nouer  des  intrigues  et  souffler  la  dis- 
corde chez  les  autres  peuples,  à  éteindre  et  déjouer 
des  cabales   domestiques   dont  la  catastrophe   était 
presque  toujours  sanglante  ;  poëte  profane  et  docteur 
ascétique ,  composant  à  la  fois  des  traités  de  contro- 
verse et  des  pièces  de  théâtre;  poëte  erotique  et  con- 
quérant mitre,  faisant  soutenir  des  thèses  d'amour 
avec  les  formes  des  thèses  de  théologie,  et  soumettant, 
sous  le  titre  de  généralissime ,  toute  la  Savoie ,  après 
avoir  triomphé  de  la  Rochelle  ;  libertin  bas  et  crapu- 
leux et  amant  audacieux  et  insolent,  quittant  les  bras 
de  rimpudique  Marion  Delorme  pour  aller  offrir  un 
impur  et  téméraire  hommage  à  Tépouse  du  roi  de 
France,  et  croyant  arriver  au  cœur  de  cette  princesse 
par  le  troc  de  la  pourpre  romaine  contre  un  habit  de 
baladin^;  apte,  en  un  mot,  à  tous  les  rôles,  et  n*en 
dédaignant  aucun  :  tel  était  le  ministre  dont  Tinfluence 
se  faisait  ressentir  dans  toute  TEurope ,  et  que  la  France 

'  «Riclielieu  était  vêtu  d'un  pantalon  de  velours  vert;  il  avait  à  set 
«jarretières  des  sonnettes  d'argent;  il  tenait  en  main  des  castagnettes 
«  et  dansa  la  sarabande  que  joua  Boccau.  •  Mèm.  du  comte  de  firienne. 


^ 


372  LIVHE   QUATRIÈME. 

opposait  avec  tant  de  supériorité  à  celui  qui,  à 
exemple,  gouveniait  FEspagne  sous  le  nom  de  Vbi' 
lippe  IV.  * 

C  était  moins  la  lutte  de  deui  rois  puissants  qui 
embrasait  le  monde ,  que  celle  de  deux  ministres  in- 
trigants, également  vains ,  également  ambitieux,  wêSb 
inégalement  partagés  des  qualités  qui  font  réussir; 
aussi,  Fastre  du  Mançanarès  devait-il  s*éclipser  entiè-- 
rement  devant  celui  de  la  Seine.  Richelieu  possédait 
au  plus  baut  degré  ce  qui  manquait  presque  complu 
tement  à  son  émule  :  un  coup  d*œil  juste  et  pénélmit« 
un  jugement  solide  et  sûr,  une  connaissance  réflédiie 
des  hommes  et  des  choses.  Toute  la  sollicitude  de  ce 
ministre  s  était  tournée  vers  le  Roussillon;  il  pressslt 
Louis  de  se  rendre  en  personne  au  siège  de  Perpignan  « 
dans  le  double  objet  de  donner  plus  d'importance  à 
cette  guerre  aux  yeux  des  Catalans,  et  d'augmenter 
leur  énergie  en  jurant  au  milieu  d'eux  le  maintien  de 
leurs  constitutions  et  de  leurs  privilèges.  Liouis,  dont 
Tâme,  quoique  ajiathique,  n'était  pas  insensible  à  la 
vraie  gloire,  avait  entendu  la  voix  de  son  mentor, 
et  des  ordres  venaient  d'être  donnés  pour  réimir 
une  puissante  armée  en  Roussillon.  Le  marédud  de 
Brézé  la  devançait  avec  le  titre  de  vice-roi  de  Cata» 
logne. 

Brézé  était  arrivé  en  Roussillon  au  moment  où  le 
troisième  convoi  pour  le  ravitaillement  de  la  garnison 
de  Perpignan  mouillait  à  Collioure. 


CHAPITHE   TROISIÈME.  373 

Sentant  combien  il  importait  d*empêcher  ces  pro- 
visions d'entrer  dans  la  place,  Brézé  fit  ses  disposi- 
tions pour  couper  toute  communication  entre  les  deux 
villes.  Il  rappela  de  Catalogne  un  détachement  de 
trois  cents  hommes,  pour  porter  son  infanterie  à  sept 
mille  hommes  et  sa  cavalerie  à  huit  cents ,  et  il  marcha 
sur  Argelès,  où  il  établit  une  ligne  de  retranchements 
depuis  le  pied  de  la  montagne  jusqu'à  la  mer.  Une 
partie  de  cette  petite  armée,  sous  les  ordres  de  d'Ar- 
pajon  et  de  d*Argencourt,  fiit  chargée  de  la  garde  de 
ce  passage,  tandis  que  Tautre  partie,  sous  les  ordres 
dn  maréchal  et  de  d'Espenan,  se  portait  sur  le  re- 
vers de  la  montagne  pour  défendre  les  défilés  de  la 
vallée  de  Sorède. 

Le  marquis  de  Torrecusa ,  commandant  des  forces 
qui  protégeaient  le  convoi,  était  convenu  avec  le  mar- 
quis de  Mortara,  gouverneur  de  Perpignan ,  qu'il  Im- 
formerait  par  trois  coups  de  canon  tirés  du  fortSaintr 
Elme,  du  moment  où  il  serait  nécessaire  qu'il  sortît 
lui-même  de  la  place  pour  venir  à  sa  rencontre  avec 
sa  garnison.  Le  8  janvier  Torrecusa  se  met  en  marche 
au  commencement  de  la  nuit,  et,  faisant  un  détoiu*,  il 
passe  par  le  col  de  la  Massane,  entre  dans  la  vallée  de 
Sorède,  fond  sur  les  Français,  qui  ne  l'attendaient  pas, 
et  les  met  en  déroute.  Maître  de  la  montagne,  il  des- 
cend avec  quatre  petites  pièces  de  canon  sur  les  re- 
tranchements français,  qu'il  force,  après  une  résis- 
tance énergique ,  et  dont  il  s'empare,  ainsi  que  du  fort 


1 


574  LIVKE  QUATHlÈiME. 

qui  les  couronnait.  Alors  le  canon  du  fort  Saint«I2iiie 
donnant  à  Mortara  le  signal  du  départ,  trois  régimenlf 
sortent  de  Perpignan  avant  le  jour,  et  marchent  mv 
Ârgelès.  Arrivé  sur  les  bords  de  la  petite  rivière  de  la 
Massane ,  qui  se  jette  à  la  mer  sous  cette  ville»  Blortaim 
rencontre  quelques  détachements  français  qu'il 
de  son  parti,  et  auxqueb  il  fait  le  salut ,  suivant  ï\ 
du  temps;  mais  une  vive  décharge  de  mouaqueteiâe 
le  détrompe,  en  lui  enlevant  une  centaine  d'hoEQBMft. 
Au  jour,  les  Français,  s*apercevant  qu'il  règne  pan 
d'ordre  dans  cette  sortie,  veulent  s  opposer  à  sajcHMV 
tion  avec  Torrecusa;  une  vive  escarmouche  s'engage, 
Mortara  a  son  cheval  tué,  et  Torrecusa  p^  fkor 
sieurs  des  seigneurs  qui  l'accompagnaient.  CependMift 
la  jonction  s'exécute,  et  Brézé,  reconnaissant  rùnyoe- 
sibilité  d  empêcher  le  passage,  se  retire  k  Sallèles  et  à 
Elne.  Huit  cents  hommes  qu'il  avait  laissés  à  Âigelès 
furent  obligés  de  se  rendre  au  bout  de  trois  jours  :  In 
Français  furent  renvoyés  à  £llne  avec  leurs  armes;  In 
Catalans  furent  dirigés  sur  la  Catalogne  désarmés  et 
nu-tête,  comme  rebelles  à  leur  roi^ 

La  retraite  des  Français  laissant  libre  le  chemin  de 
Perpignan,  Mortara  fit  entrer  dans  la  citadelle  oenl^v-. 
sept  sacs  de  blé,  que  les  soldats  gaspillèrent  sans  que^' 
les  habitants  pussent  en  avoir  la  moindre  part.  «Lm 
tt  soldats  vont  dans  les  moulins,  dit  le  notaii-e  Paschal, 
u  prennent  de  force  des  poignées  de  bli%  et,  pressés 

'  Manuscrit  de  P.  Paschal. 


CHAPITRE    TROISIÈME.  375 

«  par  la  faim,  le  mangent  ainsi;  ils  prennent  de  même 
«4  la  farine ,  et  la  mangent  à  mesure  qu*on  la  fait  :  j*at- 
M  teste  ce  que  j*ai  vu.  » 

Au  nombre  des  officiers  qui  accompagnaient  le 
marquis  de  Mortara  dans  cette  sortie ,  nous  trouvons 
un  Français  qui  s'était  distingué  à  Tattaque  des  retran- 
chements espagnols  sous  Leucate,  en  iGâg,  Banî  de 
Saint- Aunez,  fils  du  gouverneur  de  cette  place.  Qudle 
raison  avait  donc  pu  porter  le  fils  de  celui  qui  avait  si 
vaillamment  défendu  ce  fort,  le  petit*fils  de  celui  qui , 
sous  Henri  IV,  avait  sacrifié  sa  vie  pour  le  salut  de 
cette  même  forteresse ,  et  dont  Taîeule  s*y  était  elle* 
même  comportée  en  héroïne  ^  à  trahir  ainsi  ses  de- 
voirs et  ses  serments  ?  C'est  ce  que  Thistoire  ne  nous 
apprend  pas.  Les  déplorables  malheurs  des  temps, 
pendant  les  trois  derniers  règnes,  et  sous  le  &ihle 
Louis  XII] ,  en  armant  fréquemment  les  Français  les 
uns  contre  les  autres,  avaient  tellement  rdâché  les 
liens  qui  doivent  unir  les  sujets  au  prince,  dans  l'in- 
térêt commun  de  la  patrie,  que  le  mot  trahison  sem- 
blait avoir  perdu  quelque  chose  de  son  infamie,  qu  on 

'  Voyex  THist.  gén.  de  Languedoc,  tome  V.  -—  En  166O  ce  Suai- 
Aunez,  qui  était  retiré  à  Barcelone,  ayant  tenu  quelques  propos  contre 
Louis  XIV,  Lafeuiilade,  qui  fut  depuis  maréchal  de  France,  partit  ea 
poste  de  Paris  pour  aller  lui  en  demander  raison  :  le  duel  n^èut  pas 
lieu  À  raison  de  TÂge  avancé  et  des  infirmités  de  Saint-Aunei.  Un  autre 
Saint-Aunez  servait  en  Catalogne  à  la  fin  de  cette  guerre,  en  qualité 
de  lieutenant  général  pour  le  roi  de  France.  Voyei  Lettres  dm  cttrâinèt 
Mat  afin,  tome  II. 


7)70  LIVRE   QUATRIÈME, 

ne  se  laisuit  presque  pas  de  scrupule  de  changer  de 
bannière  et  de  prendre  les  armes  contre  son  pays.  L'é- 
lévation du  cardinal  de  Kichelieu,  sa  morgue,  ses  ri- 
gueurs, en  rendant  ce  ministre  odieux  à  la  reine-mère, 
aux  princes,  aux  plus  grands  seignem*s  du  royaume, 
contribuaient  encore  à  augmenter,  au  milieu  de  ce  re- 
lâchement moral,  le  nombre  des  conspirateurs  ou  des 
traîtres  :  c'est  ainsi  que  nous  voyons  paraître  tour  à 
tour,  dans  ce  nombre,  les  noms  les  plus  illustres  et  qui 
avaient  brillé  du  plus  vif  éclat  dans  les  fastes  de  la 
monan^hie.  Pour  ne  pas  remonter  plus  haut  que  le 
règne  auquel  nous  sommes  parvenus,  nous  trouvons 
dans  cette  flétrissante  nomenclature  les  ducs  de  Mont- 
morency, de  Lavalette,  de  Vendôme,  de  Bouillon; 
nous  voyons  le  favori  de  Louis  XJII ,  le  jeune  et  mai- 
heureux  Cinq-Mars,  pour  servir  quelcpies  sourdes  in- 
trigues et  venger  quelques  légères  blessures  d  amour- 
propre,  s'unir,  avec  toute  rétuurderie  de  renfance, 
aux  ennemis  de  Tétat,  et  cherclier  les  moyens  de  faire 
entamer  la  France  par  les  armées  espagnoles,  au  mo- 
ment même  où  il  jouissait  delà  plus  intime  confiance 
du  roi;  nous  voyons  le  frère  même  du  monarque  se 
traîner  de  conspiration  en  conspiration ,  sans  jamais  en 
être  l'objet  ni  le  héros ,  pas  même  It*  plastron.  En  eflet , 
soigneux  de  faire  sa  paix  particulier!*  quand  le  danger 
devenait  pressant,  ce  prince  abandonnait  ii  Uniiv  la  ven- 
geance du  cardi[ial,  ou,  en  d'autres  termes,  à  la  hache 
des  bourreaux ,  la  tète  de  ceux  cpii  avaient  été  assez 


f 


CHAPITRE    TROISIEME.  577 

dupes  pour  chercher  leur  sûreté  derrière  son  nom  royal. 

Les  troupes  qui  avaient  conduit  jusqu'à  Perpignan 
la  première  partie  du  convoi  des  grains  étaient  ren- 
trées à  GoUioure  le  1 1  de  janvier,  et  deux  coups  de 
canon  tirés  du  château  de  Saint-Ellme,  au  milieu  de  la 
nuit,  avaient  appris  à  Mortara  leur  retour  sans  acci- 
dent dans  cette  ville.  Mais  les  mulets  n'avaient  pas  été 
renvoyés,  et  Torrecusa,  que  Tétat  des  affaires  de  la 
Catalogne  appelait  dans  ce  pays,  était  pressé  de  se  dé- 
barrasser de  ce  qu*il  lui  restait  de  grains  sur  les  vais- 
seaux :  il  se  décida  à  faire  porter  ce  restant  par  ses  sol- 
dats eux-mêmes.  On  confectionna  cinq  mille  petits 
sacs ,  dont  chacun  devait  faire  la  charge  d'un  fantassin , 
et  quatre  cents  de  plus  grands  pour  placer  derrière 
chaque  cavalier,  et  le  dimanche,  a 6  du  même  mois, 
on  se  mit  en  marche. 

Torrecusa  ignorant  la  position  des  Français,  et  les 
supposant  postés  sur  la  rive  gauche  du  Tech  pour  lui 
en  disputer  le  passage,  avait  d'abord  pris  la  résolution 
de  s'arrêter  sur  le  bord  de  cette  rivière,  pour  conti- 
nuer sa  route  à  la  faveur  de  Tobscurité  de  la  nuit; 
mais,  changeant  d'avis  sur  le  soir,  il  se  porta  sur  Sal- 
lèles  pour  y  laisser  reposer  ses  troupes  jusqu'au  len- 
demain. Harassés  de  fatigue  sous  le  double  fardeau 
de  leurs  armes  et  des  sacs  de  blé,  dont  la  pluie  tombée 
en  abondance  dans  la  journée  avait  encore  augmenté 
le  poids,  les  soldats  ne  pouvaient  plus  avancer.  A 
Sallèles ,  Torrecusa  apprend  que  les  Français  sont  à 


1 


578  LIVRE    QUATRIEME. 

Saint-Nazaire ,  à  une  demi-lieue  de  lui,  et  cette  nou- 
velle le  force  de  bivouaquer  toute  la  nuit.  Le  lende- 
main ,  le  jour  paraissait  à  peine  que  ce  général  voit 
les  Français  manœuvrant  pour  Tentourer.  Il  Tait  former 
à  la  hâte  des  retranchements  avec  les  sacs  de  blé 
mêmes,  et  deux  compagnies  de  mousquetaires  vont 
occuper  un  bois  voisin.  La  cavalerie  françabe,  cou- 
rant se  placer  derrière  ces  compagnies  pour  les  isoler, 
les  charge  et  leur  fait  éprouver  quelques  pertes  ;  mais 
Torrccusa  envoie   h  leur  secours  quelques  bomies 
troupes,  et  les  Français  sont  forcés  de  se  retirer.  Maître 
alors  de  la  campagne,  le  général  espagnol  ramasse  les 
fourgons  et  chariots  abandonnés  par  les  Français ,  et 
se  rend  h  Ëlne,  où  il  s'arrête  deux  jours.  Le  ag,  re- 
prenant la  route  de  Saint-Nazaire,   il  aperçoit  près 
d'un  monticule  isolé ,  nommé  lo  \lant  de  la  Terra^  les 
Français  qui,  enhardis  par  un  renfort  de  cinq  cents 
chevaux  i'raichement  arrivés,  lattendaient  de  pied 
ferme.  Torrecusa  voulait  se  porter  sur  Canet  pour  évi- 
ter une  action;  mais,  atteint  par  la  cavalerie,  il  fut 
contraint  de  s'arrêter  et  de  se  défendre.  Dans  le  mou- 
\emcut  qui  s  opéra  alors,   ses  escadrons,   en  cher- 
chant ù  éviter  le  choc  des  escadrons  français,  se  reu- 
versèrent  sur  les  vieilles  handes  de  Prosper  Colona  et 
de  Podcrigo ,  qu'ils  mirent  en  désordre ,  et,  dans  le 
même  temps,  les  cavaliers  français  «  fondant  sur  les 
lrou|)es  moins  aguerries,  les  poussèrent  dans  un  fossé 
on  rarlillerie  les  écrasait. 


CHAPITRE   TROISIÈME.  379 

Le  régiment  de  cavalerie  française  de  Gassiou  venait 
d*enlever  les  bagages  des  ennemis.  I>ésireux  de  pour- 
suivre ses  avantages,  il  essaie  d*envelopper  Tarrière- 
garde  espagnole,  composée  dltaliens;  mais  ces  Ita- 
liens étaient  de  vieux  soldats  :  soutenus  par  le  feu  de 
deux  pièces  de  campagne,  ils  arrêtent  ces  escadrons, 
et  rejoignent  ti*anquiliement  le  reste  du  convoi.  Cette 
manœuvre,  exécutée  avec  audace,  étonne  les  Français, 
qui  n'osent  plus  les  attaquer.  ToiTecusa,  témoin  de 
cette  hésitation ,  se  remet  audacieusement  en  marche 
pour  Perpignan ,  escorté  par  la  cavalerie  française  qui , 
en  voltigeant  autour  de  lui ,  met  toute  son  adresse  à 
percer  à  coups  de  carabine  les  sacs  de  blé  que  por- 
taient les  soldats  :  cette  manœuvre  eu  détruisit  en- 
viron sept  cents ,  dont  le  grain  s*écoula  par  les  trous 
des  balles. 

11  n'était  arrivé  à  CoUioure  qu'une  partie  des  na- 
vires du  convoi  ;  l'autre  partie ,  qui  était  restée  à  Roses . 
vint  mouiller  sur  la  plage  de  Sainte-Marie ,  le  lende- 
main de  l'entrée  de  Torrecusa  dans  Perpignan.  Ce 
général  marche  aussitôt  de  ce  côté ,  et  fait  entrer  dans 
la  place,  sans  accident,  cette  seconde  partie  du  ravi- 
taillement. Laissant  ensuite  Mortara  pour  gouverneur 
de  Collioure,  Torrecusa  se  rembarque  avec  ses  sol- 
dats pour  Tarragone. 

Au  moyen  des  munitions  qui  venaient  d'entrer  dans 
Perpignan,  cette  place  aurait  dû  être  approvisionnée 
pour  longtemps  ;  mais  le  gaspillage  dont  nous  a  parlé 


580  LIVRE   QUATRIÈME. 

Paschal ,  et  l'impéritie  du  gouverneur  laissé  dans  la 

place  par  Torrecusa ,  furent  cause  que  les  soldali , 

qui  seuls  en  profitaient,  n*en  eurent  pas  pour 

mois. 


"^ 


CHAPITRE  QUATRIÈME.  381 


CHAPITRE  IV. 

Révolte  du  Portugal.  —  Le  cabinet  de  Madrid  revient  sur  ses 
mesures.  —  Siège  de  Collioure.  —  Tentatives  de  secours.  — 
Blocus  de  Perpignan.  —  Intrigues  dans  le  camp  français.  — 
Voyage  du  roi  d*Espagne  en  Aragon.  —  Tentatives  de  se* 
cours  pour  Perpignan. 

Le  tour  si  alarmant  qu'avaient  pris  les  affaires 
d'Elspagne  faisait  enfin  ouvrir  les  yeux  au  gouverne- 
ment du  roi  catholique.  Le  comte-duc  s'apercevait 
qu'en  cédant  à  des  passions  haineuses,  dans  le  poste 
éminent  où  il  se  trouvait  placé ,  on  ne  mène  jamais  à 
bien  les  affaires  publiques;  Texpérience  la  plus  cruelle 
lui  apprenait  que  le  système  qu'une  folle  présomption 
lui  avait  fait  adopter  contre  la  Catalogne,  loin  de  ré- 
duii^e  cette  province  et  d'en  faire  tomber  les  habitants 
à  ses  pieds,  n'avait  fait  qu'irriter  leur  amour-propre, 
exalter  au  plus  haut  degré  le  caractère  national ,  qu'il 
eût  fallu  connaître  et  ménager,  et  les  précipiter  dans 
les  bras  d'un  autre  maître;  il  voyait,  sans  doute  avec 
la  douleur  la  plus  profonde,  que  cette  insurrection, 
qu'il  avait  si  longtemps  provoquée ,  était  ime  tempête 
qu'il  n'était  plus  en  sa  puissance  de  conjurer;  il  recon- 
naissait ,  mais  trop  tard,  que  la  révolte  d'un  peuple  est 
toujours  d*un  exemple  très-dangereux  pour  les  autres 


582  LlNftl::   QLATRIÈM£. 

peuples  soumis  à  Ja  même  domination  «  parce  que 
chaque  pays  renferme  inévitablement  des  mécontientai 
des  brouillons ,  des  gens  turbulents,  outre  cette  mawe 
qui  n*existe  que  par  les  désordres,  et  la  populace  qui 
cède  toujours  à  l'impulsion  du  mal. 

Les  Catalans  avaient  trouvé  des  imitateurs  dam  les 
Portugais,  impatients  du  joug  que  leur  avait  impoeé 
Philippe  II  en  les  réunissant  à  la  couronne  d'Espagae, 
et  qui  s'étaient  donné  pour  roi  le  duc  de  Bragaoee;  le 
plus  proche  héritier  de  leurs  anciens  souverains.  Plus 
tard  un  simple  pécheur  napolitain,  Thomas  Anidlo 
ou ,  par  syncope,  Masaniello,  souleva  contre  le  goiK 
vemcment  la  populace  de  sa  patrie,  et  en  peu  d'annéee^ 
outre  la  Catalogne ,  le  Portugal  et  les  Açores,  en  Eu- 
rope, TËspagne,  par  les  fautes  de  son  ministre,  pefdil 
encore  Tile  de  Mozambique,  Goa  et  MacaodansTAM^ 
et  le  reste  du  Brésil  dans  l'Amérique.  L'impéritie  d^ 
livarès ,  signalée  dans  les  trois  parties  du  monde  par 
des  catastrophes ,  plaça  sur  les  bords  d*un  abime  im- 
mense la  monarchie  la  plus  florissante,  la  plus  étendue 
et  la  plus  redoutable  qui  fût  alors.  Il  fallut,  pour  lav^ 
ver  Ictat,  revenir  sur  des  mesures  ordonnées,  cequW 
gouvernement  ne  fait  jamais  sans  danger,  on  tout  m 
moins  sans  compromettre  sa  gloire;  il  fallut  flatter, 
caresser  ceux  qu  on  avait  persécutés  avec  tant  de  bar» 
barie ,  supplier  des  peuples  qui  ajoutaient  maintenant 
à  leurs  anciens  griefs  ce  méprisant  dédain  qu  inspire 
toujours  lorgueil  forcé  de  s*humilier  lui-même  :  OU» 


f 


CHAPITRE  yUATKlÈMK.  385 

varès  avait  dû  en  venir  à  proposer  au  roi  un  édit  por- 
tant pardon  général  à  tous  les  Catalans,  avec  promesse 
de  ne  plus  attenter  désormais  aux  privilèges,  iranchises 
et  constitutions  de  la  province. 

Cet  édit,  signé  le  a 4  janvier  de  cette  année  1 64a , 
avait  été  envoyé  en  Catalogne  accompagné  d*une  ex- 
hortation aux  peuples  de  cette  principauté  à  revenir  à 
leur  véritable  roi.  Maladroit  jusqu*à  la  fin ,  le  comte- 
duc  crut  augmenter  ses  moyens  de  réussite  en  s*effor- 
çantde  jeter  du  ridicule  et  du  discrédit  sur  la  puissance 
à  laquelle  les  Catalans  venaient  de  se  donner  :  c'était 
une  gaucherie.  Olivarès  aurait  dû  savoir  que  ce  n*est 
pas  au  moment  où  on  s* engoue  d*un  nouvel  ami,  quon 
prête  Toreille  aux  sarcasmes  que  peut  lancer  celui 
qu*on  abandonne.  L'exhortation  aux  Catalans  était  une 
critique,  non  pas  sévère  ou  même  exagérée  des  usages, 
des  manières  et  surtout  des  mœurs  des  FVançais,  mais 
impudente  et  calomnieuse.  Les  réflexions  et  les  con- 
seils qui  la  terminaient ,  justes  et  sages,  et  qui  pour> 
raient  encore  trouver  leur  application  en  d'autres 
temps,  valaient  beaucoup  mieux,-  et  auraient  dû 
suffire  :  «  Vous  ne  poiures  jamais,  ô  Catalans,  y  était- 
ail  dit,  jouir  d'une  liberté  absolue,  c'est-à-dire  être 
«  indépendants  de  tout  souverain;  et  quand  vous  f  ob- 
«  tiendriez  cette  liberté ,  elle  vous  seiait  très-nuisible 
tt  par  plusieurs  raisons  :  d'abord,  parce  que  vous  n'eu 
«jouiriez  pas  en  paix,  mais  dans  des  guerres  conti- 
unuelles,  à  l'exemple  des  Hollandais;  ensuite,  parce 


58k  LIVRE   QUATRIÈME. 

«que  la  splendeur  de  Barcelone,  capitale  de  TOtR 
a  principauté ,  tient  à  son  union  et  à  son 
«avec  TEspagne  qui  la  rend  riche  et  magnifique; 
«  fois  privée  de  ce  commerce,  elle  deviendra  hienlôt 
«  une  ville  sans  importance  :  ses  habitants  ne  dohreot 

r 

«  déjà  que  trop  s*en  être  aperçus,  n  Ici  les  Français  tOBt 
traités  d*hérétiques ,  et  les  Catalans  menacés  de  le  de- 
venir avec  eux.  u  Ne  vous  laissez  point,  rataUfif 
«  braves  et  généreux ,  réduire  à  cet  état  de  misère»  le 
«plus  grand  du  monde;  metlez-vous  à  Tabri  decepé-. 
«  ril  aussi  évident  que  funeste  pour  vous  et  pour  TOtre 
«  prospérité.  Ëflacez  le  souvenir  de  votre  révolte  per 
«  un  zèle  ardent  à  servir  votre  roi  et  à  montrer  que  les 
«  Portugais  peuvent  bien  avoir  été  animés  par  TOtre 
u  exemple ,  mais  non  pas  par  vos  conseils  et  par  votre 
«secours.  Le  roi  catholique,  votre  souverain  «  TOire 
«  père,  est  plus  porté  à  vous  accorder  le  pardon  que 
«  vous  ne  Tétiez  à  le  demandera  » 

Le  roi  de  France ,  décidé  à  se  rendre  k  Barceloiie 
pour  prêter  lui-même  le  serment  qu'avait  déjà  prêté 
en  son  nom  le  maréchal  de  Brézé^et  pour  préaiderm 
siège  de  Perpignan,  rappela  à  Paris  le  prince  de 
Condéy  k  qui  il  voulait  laisser  le  commandement  de 
cette  ville  pendant  son  absence,  et  il  chargea  les 
réchaux  de  La  Meilleraye  et  de  Schombergdu 
mandement  de  larmée  du  Roussillon.  Ce  prince  sortit 

*  Mercure  de  Vîttorio  Siri*  IV. 

*  Voyei  r«  tiennent  aai  Preuvet,  n*  XIII  R 


"1 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  385 

du  Louvre  le  a  5  du  mois  de  janvier,  faisant  emporter 
avec  lui  tous  les  insignes  de  la  majesté,  afin  de  donner 
plus  de  solennité  à  la  cérémonie  de  son  serment  comme 
comte  de  Barcelone,  et  il  entra  dans  Narboniie  le 
10  mars,  après  avoir  passé  à  Lyon  une  revue  des 
troupes  qui  devaient  faire  la  campagne.  Une  seconde 
revue  générale  ayant  eu  lieu  à  Sigean ,  La  Meillei^aye 
alla  attaquer  Claira  et  ensuite  Argelès ,  qui  se  rendit 
sans  opposition. 

Le  port  de  Collioure  était  le  seul  où  les  Elspagnols 
pussent  aborder  pour  secourir  Perpignan;  il  était  donc 
indispensable  de  commencer  par  soumettre  cette  place. 
Son  investissement  par  Schomberg,  déjà  entrepris 
depuis  quelque  temps ,  fut  continué  par  La  MeiUeraye 
avec  seize  mille  hommes. 

Collioure ,  commandé  par  Mortara ,  renfermait 
trois  mille  bons  soldats ,  dont  deux  mille ,  postés  sur 
les  hauteurs  qui  environnent  la  ville ,  n  en  furent  dé- 
logés qu'après  une  rude  mêlée.  On  attaqua  ensuite  le 
fort  de  Sainte-Thérèse ,  à  l'extrémité  duquel  s'élevait 
une  ancienne  tour,  et  que  foudroyaient  trois  batteries. 
Des  brèches  assez  larges  se  montraient  déjà  et  la  tour 
elle-même  semblait  prête  à  se. renverser;  cependant, 
quelques  efforts  que  Ton  fît  pour  la  faire  crouler  afin 
que  ses  décombres  pussent  combler  le  fossé,  cette  tour 
ne  tombait  pas.  De  nouvelles  batteries  firent  un  feu  si 
vif  pendant  les  deux  derniers  jours  de  ce  mois  de 
mars,  que  les  trois  brèches  devinrent  praticables, 
n.  25 


^ 


386  LIVRE   QUATRIÈME. 

La  cour  d*Kspagne ,  qui  mettait  un  ai  grand  intéffèl 
k  la  conservation  de  Collioure,  parce  qu  elle  nlgnoiail 
pas  qu*au  sort  de  rctte  place  se  rattachait  celui  de 
Perpignan,  s  occupait  des  moyens  de  lui  faire  parvenir 
des   secours.   Trois   mille  hommes  des  meilleqret 
troupes  qui  restaient  à  la  défense  de  TËspagne,  el  la 
plupart  officiers  réformés,  furent  placés  sous  les  onhpet 
de  don  Pierre  d'Aragon,  Tainé  des  en&nts  du  duc  dm 
Cardone  et  nommé  vice-roi  de  Catalogne ,  pour  être 
conduits  en  Roussillon.  Don  Pierre,  justement  eflEmyé 
de  la  témérité  d  une  entreprise  qui  ne  tendait  k  rien 
moins  qu*à  faire  traverser  à  une  troupe  si  peu  nom- 
breuse trente-six  lieues  de  pays  révolté,  par  dea  che- 
mins rudes  et  difficiles ,  chercha  à  en  détourner  le 
cour;  mais  le  ministre,  que  la  contradiction  irritait» 
lui  fit  répondre  par  le  roi  lui-même,  qu'il  ne  devait 
pas  balancer  k  exécuter  ce  quon  lui  ordonnait  :  « Lea 
((Sujets  peuvent  proposer  dos  difficultés,  ajoutait  le 
«  prince,  mais  quand  les  ordres  leur  ont  été  réitérés, 
«ils  ne  doivent  pas  répliquer.  Quils  partent  donc. 
«dussent-ils  périr'. n  Don  Pierre  partit.  11  chercha  k 
tromper  les  Français  en  feignant  de  vouloir  attaquer 
Tremps;  mais  La  Motte,  loin  de  s*écarter  du  chemin 
que  devaient  suivre  les  Espagnols ,  se  |>orta  sur  Bala- 
guer.  Parvenu  k  l'endroit  qu'on  ap|>elle  les  Trente- 
Pas,  don  Pierre  s'efforce  encore  de  faire  prendre  le 
change  aux  Français,  en  faisant  mine  de  les  investir; 

>   Frliuiiela  IVna. 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  387 

mais  La  Motte  Fa  encore  deviné,  et,  sans  s'inquiéter 
de  ses  démonstrations,  il  jette  des  soldats  à  la  garde 
du  défilé,  pendant  que  Brézé  fait  prendre  les  armes 
aux  paysans  de  la  Catalogne.  Le  a  5  mars  les  deux 
années  se  rencontrent,  et  les  Espagnols  sont  battus. 

Dans  le  temps  que  don  Pierre  ralliait  ses  bandes 
dispersées,  La  Motte  se  portait  sur  Martorell.  Le 
a8  de  mars  les  Espagnols  s*étant  remis  en  marche, 
La  Motte  les  attaque  de  nouveau  sur  les  bords  de 
la  Noya,  et  cette  fois  il  les  force  de  renoncer  à  pous- 
ser plus  loin.  Dans  l'impossibilité  de  retourner  à  Tar- 
ragone,  parce  que  les  Français  lui  en  ont  barré  le 
passage ,  entom*é  de  tous  côtés  par  son  ennemi  et  sans 
aucun  moyen  de  sortir  de  ce  mauvais  pas,  épuisé  de 
fatigue  et  de  faim  comme  ses  soldats,  qui  n'avaient  rien 
mangé  depuis  deux  jours,  don  Pierre  fut  contraint  de 
se  rendre  sans  coup  férir. 

Ces  différentes  affaires,  dans  lesquelles  La  Motte- 
Houdancourt  avait  déployé  des  talents  militaires ,  va- 
lurent  à  ce  général  le  bâton  de  maréchal  de  France , 
que  Louis  lui  envoya  de  Narbonne. 

Don  Pierre  d*Âragon  et  les  principaux  chefs  de  sa 
petite  armée  avaient  été  conduits  à  Barcelone.  Les 
Français ,  pour  (aire  honneur  à  leurs  alliés,  les  avaient 
chargés  de  désarmer  les  vaincus;  mais  les  braves 
prisonniers  aimèrent  mieux  briser  leurs  épées  que 
de  les  rendre  à  des  rebelles.  Cette  noble  fierté,  très- 
mortifiante  pour  les  Catalans ,  fit  dire  à  ceux-ci ,  avec 

a5. 


\ 


588  LIVRE  QUATRIÈME. 

un  sentinirnt  do  drpit,  sinon  de  vérité,  que  la  perte 
nVtait  pas  grande,  puisque  ccs<^pées  n'étaient  bonnes 
à  rien*. 

Pendant  ee  temps  le  siège  de  CoHioure  se  poussait 
a  ver.  artivilr.  IjOs  bnVhes  de  la  denii-lnne  du  fort  de 
Saint<»-TI)érose  étaicMil  praticables,  et  les  soldats  de- 
mandaient lassant  :  eVtait  le  premier  d'avril.  Avant 
de  I  ordonner,  La  Meillei*avc  aurait  voulu  voir  la  tour 
sVerouler,  paire  (pie,  avee  le  ehnteau ,  elle  défendait 
ces  bnVlies  et  pouvait  n^ndre  cet  assaut  très-meurtrier. 
II  lit  pousser  une  mine  sous  cet  ancien  édifice,  qui 
re.sla  inébranlable.  Alors  de  l'avis  de  son  conseil  il  se 
décida  à  faire  assaillir  les  trois  brècbes  «^  la  fois.  Ces 
trois  assauts,  donnés  \r  a  avril,  n'*ussiriMit,  et  les  assié- 
gés se  réfugièrent  dans  le  cluiteau.  A  la  suite  d'une 
sortie  cpi'ils  tentèreni  le  lendemain,  les  Français,  qui 
les  poursuivaient  lepé*:  dans  les  reins,  s'emparèrent 
de  tous  les  ouvrages  extérieurs,  et,  maîtres  de  la  con- 
tresearpe,  ils  se  logèrent  dans  le  fossé. 

I)e|)uis  cinc] jours  \n\\\r  lartillerie  tonnait  contre  le 
cbàfeau.  et  les  nuirailles  n'en  étaient  point  entamées  : 
on  eut  recours  à  la  mine.  l/(*xca\ation  était  h  peine 
conunencée,  que  le  roc  lier  sur  leipiel  It*  château  est 
assis  .se  montra  h  nu  ,  et  lit  douter  du  succès  de  l'opéra- 
tion. ()iicliai*gea  cependant  le  fourneau  et  on  y  mit  le 
feu.  Alors,  contre  l'attente  générale,  non-seulement 
rexplosiftn  lit  sauter  tout  le  front  crun  bastion,  mais, 

'   l-VIiii  i\v\.-%  iVnn. 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  389 

la  fortune  se  déclarant  contre  les  assiégés ,  les  ruines 
de  ce  bastion  allèrent  combler  le  seul  puits  qui  four- 
nissait de  Teau  à  la  place ,  ce  qui  en  décida  à  Tinstant 
même  la  reddition.  La  brave  garnison  sortit  avec  tous 
les  honneurs  de  la  guerre,  et  fut  envoyée  à  Pampelune; 
les  malades  furent  transportés  à  Tarragone  sur  des 
navires  que  Mortara  eut  la  permission  de  faire  venir  de 
Roses. 

Libre  d'employ  er  toutes  ses  forces  contre  Perpignan, 
La  Meilleraye  avait  proposé  à  Louis  XIII,  qui  était 
toujours  à  Narbonne,  de  soumettre  cette  place  par  la 
puissance  des  armes;  mais  ce  prince,  connaissant  la 
détresse  qui  y  régnait,  aima  mieux  la  faire  succom- 
ber par  la  famine. 

Depuis  trente  mois  Perpignan  se  trouA^ait  réduit  à 
Tétatle  plus  déplorable.  La  disette  y  était  excessive; 
des  irruptions  fréquentes  dans  les  villages  environnants 
avaient  procuré  jusque-là  quelques  légers  secours, 
mais ,  après  la  prise  de  Colliom*e ,  le  blocus  devenant 
très-rigoureux ,  il  ne  resta  plus  aucun  moyen  de  rem- 
placer le  peu  de  vivres  qu'il  y  avait  encore  à  con- 
sommer. 

Louis  connaissait  toute  Timpoiiance  de  Perpignan , 
place  regardée  alors  comme  inexpugnable ,  et  ce  mo- 
narque tenait  à  très-grande  gloire  de  s  en  rendre 
maître.  Dès  qu'il  eut  appris  la  chute  de  Collioure,  il 
quitta  Narbonne  et  vint  s'établir  à  Saint-Estève ,  petit 
village  à  une  lieue  de  Perpignan.  La  Meilleraye  se 


590  LIVRE  gi  ATKIËME. 

porta  a\cr  rinq  rr^^imeiits,  les  compagnies  royales  et 
six  cents  clirvaux ,  au  pied  de  Taqueduc  sur  la  route 
d'Kspa^nc;  les  rcf^imcnts  do  cavalerie  d*Enghien  et  de 
La  Mcillerayc  furent  postés  à  Pia;  ceux  d'Enghien,  de 
Condc,  de  Polignac,  de  Brissac  et  de  Lcran  infanterie, 
se  logeront  h  Hompas,  et  le  régiment  italien  de  Maxa- 
rin  fut  cantonné  près  de  Saint-Ëstève. 

Le  a  G  avril  le  roi,  accompagné  des  maréchaux  de 
La  Meilieraye  et  deSchomberg,  avait  (ait  une  recon- 
naissance autour  de  la  place,  pour  en  déterminer  la 
circonvallation.  Les  lignes,  partant  de  Castel-Roua* 
sillon,  se  dirigèrent  vers  le  ruisseau  de  Bompas, 
de  fautre  coté  de  la  Tet ,  et  le  suivirent  jusqu'au 
Vernet;  à  moitié  dislance  du  \  ernet  à  Saint-Estève, 
où  était  toute  la  maison  du  roi ,  les  lignes  fléchis- 
saient pour  se  rendre  t^  Malloles  et  h  la  colline  dv. 
Saint-lloch,  au  bas  de  laquelle  se  termintsrent  les  re- 
tranchements. De  ce  point  jusqii*à  Castcl-Roussillon. 
Tespacc  était  occupé  par  les  ganics  de  cavalerie.  Le 
quartier  du  roi  était  auprès  de  Saint-Flstève,  dans  une 
métairie  qui  depuis  cette  époque  a  conservé  le  nom  de 
mas  (Ici  rcy. 

La  garnison  de  Perpignan  se  composait  de  truis 
mille  hommes  de  vieilles  et  bonnf*s  troupes,  sous  le 
eoiiim;uidemt*nt  de  don  KIorèsdWvilu  et  de  don  Diego 
(iavallero.  Quoique  h*  canon  du  rem|}art  grondât sou- 
\eiil  du  matin  au  soir,  il  ne  taisait  aucun  mal  au\ 
assiégeants  :  les  Français  n'avaient  qu'i^  attendre,  les 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  591 

bras  croisés ,  que  ceux  qu  ils  tenaient  comme  dans 
une  prison  renonçassent  d'eux-mêmes  k  leur  capti- 
vité volontaire. 

Si  le  camp  royal  de  France  était  en  parfait  repos 
sous  le  rapport  des  opérations  stratégiques,  il  ne  Tétait 
pas  sous  celui  du  déchaînement  des  passions.  Devenu 
le  champ  de  bataille  de  Tintrigue ,  il  retentissait  des 
débats  d  une  lutte  à  mort  entre  le  cardinal-ministre  et 
le  grand  écuyer  Cinq-Mars.  Le  premier  était  resté  & 
Narbonne ,  dans  une  sorte  de  défaveur,  pendant  que 
son  imberbe  rival,  &  Tapogée  de  sa  fortune,  avouait 
presque  tout  haut  fintention  de  se  défaire  par  un 
meurtre  de  son  premier  protecteur  devenu  son 
mortel  ennemi. 

Dans  le  même  temps  que  les  familiers  de  la  cour 
de  France  attendaient  avec  une  vive  anxiété  le  dé- 
noûment  d*une  tragédie  dont  les  premiers  actes  se 
jouaient  sous  leurs  yeux,  ceux  de  la  cour  d'Espagne 
n  éprouvaient  pas  moins  d'inquiétude  en  calculant  les 
instants  qu'avait  à  durer  encore  la  faveur  du  premier 
ministre ,  dont  la  marche  désespérée  des  choses  faisait 
regarder  la  chute  comme  inévitable.  Le  roi  d'Espagne, 
voyant  ses  affaires  s'empirer  chaque  jour,  et  le  roi  de 
France  quitter  Paris  au  milieu  de  l'hiver  pour  assister 
en  personne  au  siège  de  la  dernière  place  qui  restlt  à 
r Aragon  au  delà  des  Pyrénées,  avait  pris  une  réso- 
lution qui  lui  aurait  très-bien  réussi  un  an  plus  tôt  quand 
dX  )nate  la  conseillait  :  celle  de  se  rendre  en  Catalogne 


3^2  LIVRE    QUATRIÈME. 

pour  révcillrr  dans  le  cœur  des  peuples  de  cette  pro- 
vince le  sentiment  de  leur  ancienne  fidélité.  Ce  voyage, 
dont  rintéret  était  si  pressant,  le  monarque  ne  put 
rexécutcr  cpraprès  avoir  surmonté  tous  les  obstacles 
que  le  ministre  ne  cessait  de  faire  naître  par  Torgane 
du  conseil  de  Castille;  et  encore,  comment  Texécu- 
la-t-il  ? 

Le  peuple,  qui  attribuait  tous  ses  maux  au  comte- 
duc,  sindi{^nait  des  longueurs  qui  arrêtaient  toujours 
ce  voyage  annoncé  depuis  si  longtemps,  et,  un  jour 
que  Philippe  allant  Taire  une  chasse  au  loup  traversait 
le  pont  de  Ségovie ,  les  personnes  qui  se  trouvaient  là 
oseront  lui  crier  que  ce  n*étaient  pas  les  loups  qui  les 
dévoraient,  niais  bien  le  roi  de  France.  «Que  votre 
«  majesté  aille  h  la  chasse  h  CoUioure ,  ajoutait-on ,  cela 
«vaudra  mieux.  »  Les  pasquinades,  les  épigrammes, 
les  sarcasmes  devenaient  chaque  jour  plus  mordants. 
Le  roi  déclara  enfui  au  conseil  qu  il  voulait  partir:  un 
seul  conseiller,   le  marquis  de  Grana ,  ambassadeur 
de  fempereur,  applaudit  «^  cette  résolution  ;  tous  les 
autres,  esclaves  soumis  d'Olivarès ,  trouvèrent  encore 
des  raisons  dVtat  pour  |)rouver  ipie  le  roi  ne  devait 
pas  quitter  la  capitale  ;  ils  dressèrent  par  écrit  leurs 
remontrances,  cpie  le  roi,  sortant  en  ce  moment  de 
son  apatiiie,  décliira  avet^  colère,  déclarant  que  son 
départ  ne  dépendait  (pic  de  sa  volonti*. 

(le  voya^^e,  sur  lecpiel  le  consi*il  délibérait  depuis 
vin;;t  mois,  ctimt  enfin  décidé,  on   ordonna  la  for* 


CHAPITRE  QUATRIÈME.  395 

mation  d*un  corps  d*arinée  pour  accompagner  le  mo- 
narque ,  et  le  commandement  en  fut  confié  au  bâtard 
du  comte-duc ,  que  ce  ministre  avait  fait  reconnaître 
solennellement  par  toute  la  cour.  Philippe,  imitant  cet 
exemple ,  fit  reconnaître  avec  la  même  solennité  le  fds 
naturel  qu*il  avait  eu  d*une  comédienne  nommée  la 
Calderona,  et  ce  fils,  âgé  alors  de  treize  ans,  et  qui 
s  appelait  don  Juan  d'Autriche ,  reçut  le  commande- 
ment des^oupes  dirigées  contre  le  Portugal,  sous  la 
tutelle  d*un  conseil  de  généraux  expérimentés. 

La  députation ,  qui  ne  devait  remplir  ses  fonctions 
que  sous  les  yeux  du  roi ,  quand  il  se  trouvait  .dans  la 
province,  s  était  empressée  de  quitter  Barcelone  et  de 
se  rendre  auprès  de  Louis  XIII ,  dès  que  ce  prince  (îit 
entré  en  Roussillon  :  sa  résidence  fut  fixée  â  Thuir  le 
3  3  mai.  Par  la  même  raison  Taudience  royale  alla  s'éta- 
blir à  Pezilla ,  où  elle  débuta  par  ordonner  la  confisca- 
tion des  biens  de  tous  les  Roussillonnais  qui  avaient 
quitté  le  pays  pour  se  rendre  en  Elspagne.  Un  orage  af- 
freux qui  éclata  sur  le  camp  français,  le  a  6  de  ce  mois  de 
mai,  aurait  pu  être  fatal  aux  assiégeants,  si  la  garnison 
assiégée  avait  été  en  position  d'entreprendre  quelque 
chose  d'offensif;  mais,  épuisés  par  les  fatiguer,  exté- 
nués par  la  faim,  décimés  par  les  maladies,  les  soldats 
de  cette  garnison  attendaient,  avec  cette  longanimité 
particulière  aux  Elspagnols ,  le  succès  des  efforts  qu  ils 
savaient  qu'on  faisait  pour  les  secourir.  Cependant,  à 
la  mi-juin,  don  Diego  Cavallero,  ayant  demandé  un 


VJ'J  LIVUK   QUATRIEME. 

sauf-conduit  pour  se  rendre  au  camp  français,  jeta 
avant  (|nel(|ues  propositions  pour  la  soumission  de  h 
place;  mais  ses  conditions  étaient  telles  que  les  maré- 
chaux de  Fi-ance  ne  voulurent  pas  les  écouler.  A  cette 
épo((ue  Louis  nVtait  plus  au  camp  :  les  chaleurs  ex- 
cessives du  Koussillon  avaient  tellement  aflccté  sa 
s;uité,  iUjk  tr^s-affaiblie  à  son  départ  de  Paris,  qu'il 
avait  du  chercher  depuis  quelques  jours  une  tempé- 
rature moins  élevée. 

Olivarés  n  avait  pas  perdu  de  vue  Perpignan.  Après 
de  longues  délibérations,  le  conseil  avait  enfin  décidé 
<|u'il  serait  formé  deux  corps  d'armée,  fun  sous  les 
ordres  de  Leganés  ,  pour  fopposer  au  maréchal  de  La 
Motte,  fautre  sous  ceux  deTorrecusa,  pour  forcer  le 
passa(;e  des  Pyrénées  et  délivrer  le  Roussiilon. 

Ilîircelone  avait  ses  espions  i^  la  cour.  Informée  des 
dispositions  arrêtées,  elle  en  prévint  Schomherg,  qui 
se  hâta  d'assembler  la  noblesse  de  (lascogne,  pendant 
que  le  comte  d'Alais  réunissait  celle  de  Provence.  De 
son  coté  l^a  Meilleraye,  laissant  aux  lignes  de  circon- 
vallation  une  gai*d(*  suflisante,  étendit  le  reste  de  son 
année  le  long  de  la  plage  et  fortifia  le  Pertus.  Le 
marquis  de  Hrézé,  amind  de  la  flotle  française  ,  eut 
ordre  de  stationner  sur  la  côte  de  Koussillon. 

I.e  marquis  de  Legan^s,  nommé  vice-roi  deCata* 
iognt*  pour  f  Kspagne ,  avait  paru  dans  la  plaine  de 
laiTagoiie  aviM-  huit  mille  l'antassiiis  et  deux  mille 
chevaux  ;  mais  celle  armée  n  était  rompciséc  que  de 


CHAPITRE   QUATHIÈME.  395 

gens  enrôlés  malgré  eux ,  et  qui  désertaient  à  chaque 
pas ,  si  bien  que  les  généraux  français  avaient  plus  à  faire 
à  donner  des  passe-ports  qu'à  prescrire  des  disposi- 
tions militaires. 

Le  roi  d*E^pagne ,  triomphant  de  toutes  les  ruses  du 
comte-duc ,  avait  enfm  quitté  Madrid  le  a  /i  avril ,  et 
était  arrivé  à  Arganda  le  a  8,  ayant  ainsi  fait  trois  lieues 
en  quatre  jours.  Le  a  9  un  courrier  du  marquis  de 
Leganès  traversant  cette  ville,  le  roi  se  fait  remettre 
les  dépêches,  et  parleur  lecture  il  acquiert  la  con- 
viction qu'il  est  trompé  sur  la  situation  des  afiaires  : 
les  lettres  qui  lui  étaient  adressées  personnellement 
donnaient  les  plus  belles  espérances ,  tandis  que  celles 
qui  étaient  pour  le  ministre  faisaient  tout  paraître 
désespéré.  Une  pareUle  découverte  eût  été  une  leçon 
utile  pour  tout  autre  souverain  ;  celui  d'Espagne  (ut 
peut-être  (âché  de  l'avoir  faite;  du  moins  il  n*en  profita 
pas ,  et  JOlivarès  continua  d'être  ministre  et  favori. 

Les  murmures  du  peuple  espagnol  augmentaient 
chaque  jour,  et  son  indignation  s'exhalait  en  plaintes 
amères  contre  cet  Olivarès,  toujours  à  la  tête  d'une 
monarchie  délabrée  par  son  impéritie,  et  toujours  fé- 
cond à  trouver  des  prétextes  pour  retarder  le  voyage 
du  roi.  Ce  voyage,  qui  aurait  dû  se  &ire  avec  toute  là 
célérité  et  avec  tout  l'appareil  militaire  qu'exigeaient 
les  graves  circonstances  qui  TaVaient  fait  entreprendre 
ne  s  oxécuLiit  (ju  avec  la  plus  désolante  lenteur,  et  en 
compagnie  d'une  troupe  de  comédiens  pour  amuser 


5%  LIVHK   QL'ATRIEME. 

riiidolcnt  monarque  dans  tous  les  lieux  de  son  passage; 
aussi  disait-on  hautement  que ,  tandis  que  le  roi  d'Es- 
pagne* assistait  à  la  romédio,  ieroi  de  France  lui  pré- 
parait la  tra<2[rdic'  \  Kniin,  après  avoir  misdix-sept  jours 
«^  se  rendre  de  Madrid  à  Aranjuez,  Philippe  termina 
ià,  pour  cette  fois,  sa  helliqueuse  expédition.  Soit  que 
les  artifices  du  comle-duc  Tussent  parvenus  à  le  per- 
suader de  riiiutilité  de  cette;  c*ourse,  soit  que  sa  fai- 
blesse  se  lassant  de  lutter  contre  tous  ses  courtisans, 
qui,  enticTcmcnt  dévoués  au  favori,  auraient,  pour  lui 
être  agréahles,  laissé  périr  la  monarchie  (triste  mais 
inévitable  condition  des  rois  dominés  par  des  favoris, 
de  n\''tre  (Mivironnés  cpie  d'espions  et  de  traîtres!),  il 
eut  pris  le  parti  do  ne  plus  disputer  une  victoire  trop 
fatigante  pour  sa  paresse,  il  déclara  publiquement 
qu*il  nuirait  pas  plus  loin. 

La  certitude  du  voyage  du  roi  avait  relevé  de  leur 
abattement  les  provinces  limitrophes  de  la  Catalogne; 
la  nouvelle  de  la  subite  détermination  que  ce  prince 
venait  de  prendre*  frappa  ces  peuples  de  stupeur,  et 
jeta  partout  le  découragement.  Les  cris  des  Valencicns 
et  des  Aragoniiais,  dont  les  teiTcs  se  trouvaient  déji 
entamées  par  les  Français,  ayant  pu  cependant  tra- 
verser les  nnirailles  du  palais  du  roi,  IMiiiippc,  après 
un  mois  de  séjour  h  Aranjuez,  se  décida  de  nouveau 
â  se  rendre  en  Catalogne  :  il  se  remit  en  marche  pour 
Cueiira. 

'  \itt.  Mri. 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  597 

Pendant  que,  s  oubliant  encore  au  milieu  des  fêtes, 
des  courses  de  taureaux ,  des  parties  de  chasse  que  le 
"ïTiinistre  lui  faisait  prodiguer  dans  cette  dernière  ville, 
^e  roi  d'Espagne  donnait  à  ses  plaisirs  tout  le  mois  de 
juin  ,  la  reine  ,  sa  femme,  Elisabeth  de  France,  sœur 
de  Louis  XIII,  à  qui  était  confiée  la  conduite  des  affaires 
pendant  labsence  du  roi ,  déployait  à  Madrid  la  plus 
grande  activité  pour  former  des  régiments  et  ramasser 
des  finances.  L'énergie  de  cette  princesse  électrisant 
enfin  son  époux ,  Philippe  s  arrache  à  sa  Capoue  et 
vient  à  Molina.  Là  se  tint  un  conseil  dans  lequel  il 
fut  résolu  qu  on  tenterait  encore  une  fois  de  traverser 
la  Catalogne,  pour  aller  au  secours  de  Perpignan.  On 
ne  sait  vraiment  comment  concevoir  cette  obstina- 
tion à  vouloir  toujours  faire  parvenir  des  troupes  en 
Roussillon  par  la  voie  de  la  terre,  qui  était  fermée  de 
toute  part,  lorsqu'on  avait  celle  de  la  mer  toujours 
ouverte,  et  qu'en  jetant  ces  mêmes  troupes  sur  la 
plage  de  Canet  ou  de  CoUioure  on  avait  en  sa  faveur 
toutes  les  chances  de  succès.  C'était  bien  là  ce  que 
désirait  le  conseil  ;  mais  Torrecusa ,  qui  était  chargé  de 
la  conduite  de  ce  secours ,  voulait  faire  une  campagne 
brillante,  et  ce  fut  lui  qui  fit  pencher  la  balance  en 
faveur  du  projet  le  plus  audacieux.  Torrecusa  était 
brave  et  habile,  mais  il  se  montra  présomptueux,  et  il 
sacrifia  les  intérêts  de  son  pays  adoptif  ^  au  désir  de 
chercher  une  ^oire  personnelle  qu'il  ne  put  atteindre. 

'  Charles  Caracciolo,  marquis  de  Torrecusa,  éudt  Italien. 


398  LIVRK   QlrATIUKME. 

Suivant  \v  plan  arrrté,  le  marquis  de  Tavara  de- 
vait harrdcr  les  Catalans  du  roté  de  Tamigone,  cl  le 
mar(|uis  de  Lo^rancs  donner,  du  roté  de  Lerida,  des 
alarmes  aux  Fran(;ais,  afin  de  les  occuper  les  uns  et 
les  autres  et  de  faciliter  la  marche  de  1  orrceusa  à  tra- 
vers la  principauté.  Ln  avantage  remporté  par  le  mar- 
quis d*lnoyosa  ,  gouverneur  de  Tarragone,  venait  en 
ce  moment  de  rassurer  les  esprits  et  de  se  montrer 
comme  le  présage  de  plus  importants  succès.  La 
nouvelle  d'une  victoire  remportée  par  la  flotte  es- 
pagnole, sur  les  côtes  de  Catalogne,  parvenant  au  roi 
Philippe  dans  le  même  temps,  tous  les  cœurs  nagè- 
rent dans  la  joie,  et  les  félicitations  sortirent  de  toutes 
les  houches.  Cependant  les  détails  ofliciels  de  la  ba- 
taille navale  et  la  cruelle  vérité  vinrent  bientôt  chan- 
ger lalégresse  en  deuil  et  les  plus  brillantes  espérances 
en  de  sinistres  pressentiments  :  la  prétendue  victoire 
n  était  qu  une  défaite  due  à  Timpéritie  du  duc  de  Civita- 
Real,  qu'Olivarés  avait  donné  pour  amiral  i  la  flotte 
espagnole. 

Torrecusa  avait  joint  ses  forces  h  celles  du  mar- 
quis de  iMortara,  qui  commandait  en  Aragon,  et  son 
armée  se  trouvant  alors  de  seize  mille  hommes,  il 
s  était  rendu  à  Tarragone  pour  man-hersur  Pequgnan. 
La  cour  d'Kspagne,  jouet  de  tous  veux  qui  voulaient 
sannist'r  de  sa  cri*dulité,  venait  d'apprendre,  ou  du 
nu)ins  le  laissait  croire,  que  le  gouvcTueur  de  cette 
dernière  ville  était  parvenu  à  aciieter,  h  force  d'argent 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  599 

h  des  Français  mêmes ,  des  navires  et  des  provisions , 
ce  qui  lui  donnait  de  quoi  se  soutenir  encore  pendant 
tout  le  mois  d'août  ^ 

Le  roi  d*Espagne  était  enfm  arrivé  à  Saragosse. 
A  la  fm  du  mois  d  août  il  sut  avec  certitude  que  la 
flotte  toscane,  commandée  par  le  prince  Mathias, 
frère, du  grand  duc,  venait  de  mouiller  à  Vinaros.  Cet 
amiral  reçut  aussitôt  Tordre  d'attendre  dans  ce  port 
les  vaisseaux  chargés  de  mimitions  pour  Perpignan  et 
de  côtoyer  l'armée ,  pour  aller  ensemble  délivrer  cette 
ville.  Au  moment  où  le  convoi  réuni  allait  mettre  à  la 
voile  t  Tavis  parvint  à  Mathias  que  des  négociations 
venaient  d'être  entamées  entre  le  gouverneur  de  Per- 
pignan et  les  Français  i  et  que  la  capitulation,  dont  les 
bases  étaient  arrêtées,  portait  que  la  place  serait  ren- 
due le  9  du  mois  de  septembre,  si  elle  n'était  pas  se- 
courue avant  cette  époque*  Une  conférence  entre  le 
prince  et  Torrecusa  eut  lieu  à  la  suite  de  cette  nou- 
velle ,  et  il  fut  convenu  que  pendant  que  les  troupes 
de  terre  continueraient  leur  marche  à  travers  la  Cata- 
logne ,  la  flotte  irait  combattre  celle  des  Français , 
qu'on  croyait  ^  Barcelone.  Mathias  ne  trouvant  plus 
ces  vaisseaux,  qui  étaient  retournés  à  Toulon,  jeta 
quelques  soldats  dans  Roses  et  revint  à  Tarragone. 
Cest  ainsi  que  l'amour-propre  de  Torrecusa  fit  perdre 
Perpignan  au  roi  d'Espagne ,  et  avec  cette  place  le 
Roussillon  pour  toujours.  En  eflet  si,  au  lieu  de  faire 

>  M(TC.  àe  ViU.  Siri,  liv.  V;  Uvassor,  HiM.  de  LomM  Xlll 


U(H)  LIVRE    QLATRIEMK. 

adopter  nu  roi  le  |ilan  de  secourir  Perpignan  parterre, 
re  général  avait  laissé  prévaloir  Tavis  de  la  majorité 
du  conseil,  la  ilotte  toscane,  beaucoup  supérieure 
aux  fondes  que  la  France  pouvait  lui  opposer  sur  les 
cotes  de  Catalogne ,  aurait  eu  le  temps  d*embarquer, 
avec  des  munitions  de  bouche  ,  les  troupes  destinées 
pour  le  Roussillon  ,  et  de  les  transpoiier  sur  la  plage 
de  ce  comté.  Nous  ignorons  quelles  raisons  empêchè- 
rent ce  même  Torrecusa  de  prendre  ce  parti  quand 
parvint  la  nouvelle  de  la  future  capitulation  de  Perpi- 
gnan. Florès  dWvila  sétait  réservé  la  faculté  d'infbr- 
mer  les  généraux  espagnols  de  cette  capitulation  qui. 
n*gléc  le  39  d*aoùt,  ne  devait  être  exécutoire  que  le 
9  septembre,  à  deux  heures  de  f  après-midi.  L* officier 
chargé  de  porter  cette  nouvelle  avait  ordre  de  faû 
diligence  la  plus  extr(**ine ,  et  plus  de  huit  jours 
taient  encore  h  sYcouler  avant  le  terme  fatal,  quand 
le  prince  en  reçut  le  prenn'cr  lavis.  Dans  ce  laps  de 
huit  jours  il  était  de  toute  impossibilité  qu  une  année 
pût  se  rendre  par  terre  en  Roussillon,  presque  toujours 
combattant  sur  sa  route,  tandis  que  par  mer,  soit  par 
un  vent  favorable,  soit  |)ar  la  force  des  rames  des 
galères,  on  pouvait  espérer  darriver  h  temps.  La  voie 
delà  nuT  présentant  donc,  seule,  quelques  cliances 
de  succès,  Torrecusa  sembler  bû*n  coupable  de  ne 
l'avoir  |)as  adoptée. 

Ca*  général  cependant  s'avançait  toujours,   impo- 
s:nit  à  l^a  Motte  par  fandace  même  de. sa  marche.  Ce 


CIIAPITHE  QUATRIEME.  401 

iiiarérhal  ne  pouvait  concevoir  la  hardiesse  d*une  en- 
treprise qui  tendait  à  faire  traverser  cinquante  lieues 
do  pays  insurgé  à  une  armée  qui  n'était  pas  supérieure 
aux  forces  quon  pouvait  lui  opposer,  outj'e  la  diffi- 
culté du  passage  des  Pyrénées,  parfaitement  gardées, 
et  Tarmée  du  blocus  qui  était  toute  fraîche  pour  se 
mesurer  avec  des  soldats  harassés  de  fatigues  et  épui- 
sés de  combats.  Le  succc^s  aurait-il  couronné  tant  de 
témérité  ?  c'est  ce  que  Tissue  seule  aurait  pu  faire  con- 
naître. Quoi  qu'il  en  soit,  l'audacieux  et  brave  Torrecusa 
fut  bientôt  forcé  de  s'arrêter,  par  la  certitude  que  sa 
périlleuse  expédition  était  désormais  sans  objet. 

A  la  fm  d'août  la  famine  était  parvenue  à  ce  point, 
dans  Perpignan ,  que  les  bourgeois  ne  laissaient  plus 
sortir  leurs  enfants  de  leurs  maisons ,  dans  la  crainte 
qu'ils  ne  fussent  enlevés  par  les  soldats  pour  être 
mangés  :  c'est  du  moins  ce  que  dit  l'historiographe 
italien  de  Louis  XIIP.  Dans  les  derniers  temps  le 
gouverneur  avait  voulu  expulser  de  la  place  les  bouches 
inutiles,  mais  les  assiégeants  les  avaient  forcées  d'y 
rentrer  afin  de  hâter  la  consommation  du  peu  d'ali- 
ments impurs  qui  restaient  encore;  enfin,  le  a 9  du 
même  mois,  le  capitaine  napolitain  Fino  et  un  autre 
officier  avaient  été  envoyés  par  Davila,  pour  traiter 
de  la  capitidation  *^  :  une  suspension  d'armes  avait  eu 
lieu  immédiatement  après  la  signatur^v 

i  '  Vitiorio  Siri. 

'  Ceiie  capitulation  se  troavp  rapporta  dana  le  Mercure  de  Siri. 
II.  ifi 


^02  LIVRE   QUATRIÈME. 

Le  jour  nirnir  que  cette  ronvention  fut  signée,  les 
g<^n(^ranx  franrais,  (^iniis  do  rompassion  |>ourlesPer- 
pignanais,  h  qui  il  restait jk  peine  un  souille  dévie, 
leur  avaient  permis  de  venir  s*approvisîonnerau  camp 
(le  tout  re  dont  ils  avaient  un  si  pressant  besoin.  Ce- 
pendant, pour  <^viter  que  cette  grâce,  que  la  seule 
conimis(^ration  accordait  au  malheur,  ne  pût  tourner 
au  préjudice  des  intérêts  du  roi  de  France,  on  ne  lais- 
sait emportera  chacun,  chaque  jour,  que  ccquiétaif 
suffisant  pour  la  consommation  de  la  journée.  Le  9  du 
i«4«.  mois  de  septembre  aucune  armée  espagnole  n'ayanf 
pani,  les  Français  entrèrent  dans  Perpignan  et  ils 
plantèrent  sur  le  donjon  de  la  citadelle  de  Louis  \] 
rétendard  de  F'rance,  qui  ne  devait  plus  en  être  abaissé. 
Le  marquis  de  Varennes  fut  chargé  provisoirement  du 
commanch'inent  de  la  place,  qu*il  céda  bientôt  au 
marquis  de  Vaul)ecourl ,  nommé  définitivement  k  ces 
fonctions. 

L*importante  conqur^te  que  venaient  de  faire  les 
arme.i  de  FVance,  et  que  s'empressèrent  de  célébrer 
poètes  et  prosateurs',  coïncidant  avec  le  supplice  de 
Cinq-Mars  et  Av  de  Thou  ,  les  deux  nouvelles  furenl 
annoncées  au  roi  par  Kichelieu,  dans  une  lettre  eom- 
inencant  par  ces  mots  mémorables  :  «Sire,  vosenne- 

'  1^1  filbliollirtmede  la  France,  dr  Leluii^;  ri  Fontètr,  dnnn«le  lilrr 
Hr  drtiiff!  (tiivra^cK  f|iii  fiircnt  jiiihlios.  tant  m  wn  f|uVii  prose,  au  tu 
ji't  dp  la  priic  df*  Pi'r|iigiun.  Paniii  les  pn-iiiipr!»  Ir  plus  mnân|nalile 
pM  Ir  |Mirinf>  du  |>«-n'  (^haiiiit.  intitulé  -  Pirfiinuinum  cafiinm 


CHAPITRE  QUATRIÈME.  405 

«K  mis  sont  morts,  et  vos  armes  s<)ntdans  Perpignan.  » 
L'Elspagne  ne  possédait  plus,   en  deçà  des  Pyré- 
nées ,  que  le  château  de  Salses ,  et  cette  place  ne  pou- 
vait pas  être  un   obstacle  à  Taccomplissement  des 
destinées  du  Roussillon;  les  vivres  y  manquaient,  et 
la  flotte  du  marquis  de  Brézé ,  revenue  sur  la  plage 
de  Ginet,  empêchait  l'arrivée  de  tout  secours  par 
mer.  Ce  château  était  à  peûie  investi ,  que  don  Hen- 
rique  de  Quiroga ,  qui  en  était  gouverneur,  demanda 
une  capitulation  honorable ,  qui  lui  fut  accordée  le 
1 5  septembre,  et^qui  ne  différa  guère  de  celle  de  Per- 
pignan. Comme  dans  cette  ville  la  garnison  sortit 
tambours  battants,  enseignes  déployées,  mèche  allumée 
et  balle  en  bouche^  avec  un  certain  nombre  de  pièces 
de  canon  et  de  coups  à  tirer,  et  emportant  tous  ses 
bagages.  Richelieu  voulait  faire  démolir  ce  fort,  et  il 
avait  raison  ;  mais  Schomberg  insista  pour  sa  conser- 
vation, prétendant  qu'elle  était  nécessaire  à  la  défense 
de  Perpignan ,  et  on  le  laissa  subsister. 

Richeheu  ne  jouit  pas  longtemps  de  son  double 
triomphe  :  il  mourut  le  6  décembre  de  cette  année , 
trois  mois  après  la  prise  de  Perpignan.  Louis  XIII  ne 
survécut  lui  même  que  de  cinq  mois  à  son  ministre  : 
il  expira  le  i  U  mai  1 6&3. 

'  Avant  l'invention  des  cartoudies,  la  pondre  pour  charger  les 
mousquets  était  placée  dans  une  suite  de  petits  cornets  su^ndos  à  la 
bandoulière,  et  les  balles  étaient  dans  une  bourse  doù  on  les  tirait 
pour  les  tenir  avec  les  dents,  pendant  qu'on  mettait  la  poudre  pour 
charger  Tarme. 

36. 


'N 


UWi  LIVRE  QUATRIÈME. 

Ce  prince ,  à  qui*un  caractère  droit  et  franc, 
piété  douce  et  sans  bigoterie  faisaient  pardonner  Tés- 
tréme  faiblesse  de  son  caractère,  fut  très-r^^retté  em 
Catalogne ,  où  les  poètes  et  les  beaux  esprits  céiéhrt 
rent  à  Tenvi  ses  louanges.  Par  ordre  du  conseil  de» 
Cent  on  imprima  un  recueil  de  celles  de  ces  pièces 
réputées  les  meilleures,  et  cette  assemblée  les  dédieè 
Louis  XIV  ^ 

*  Voyei  aux  Preuvr»,  n*  XfV. 


l 


CHAPITRE    CINQUIEME.  405 


CHAPITRE  V. 

La  France  ne  respecte  pa»  les  privilèges  des  Catalans.  —  Mé- 
contentements. —  Déclaration  de  Philippe.  —  Pierre  de 
M arca.  —  Défaveur  des  Français.  —  Prise  de  Barcelone.  — 
Le  Roussillon  cherche  à  secouer  le  joug.  —  Lassitude  géné- 
rale. —  Paix  des  Pyrénées.  -—  Dâimitation  des  firontières. 

Le  premier  mois  de  Tannée  qui  vit  finir  le  (ils  de       ^^^^ 
Henri  IV  et  commencer  le  règne  trop  long  de  Louis    La«u  xiv. 
XJV  avait  vu  expirer  la  désastreuse  feveur  du  comte- 
duc  d'Olivarès.  L'aveugle  amitié  de  Philippe  IV  pour 
ce  favori,  ou  plutôt  Thabitude  d'être  dominé  par  lui 
était  telle ,  que  malgré  toute  Timpéritie  dont ,  comme 
ministre,  Olivarès  n  avait  que  trop  donné  des  preuves, 
il  fallut  encore  que  la  reine,  indignée  de  la  mauvaise 
éducation  que  recevait  Tinfant  Balthasar,  son  fils,  sous 
rinfluence  de  ce  ministre ,  qui  n  avait  pas  eu  honte  de 
lui  donner  pour  gouverneur  son  enfant  naturel ,  et  ré- 
voltée de  l'espèce  d'esclavage  dans  lequel  il  prétendait 
la  tenir  elle-même,  eût  recours  à  l'intrigue  pour  le 
faire  renvoyer.  Avec  le  secours  de  l'empereur,  de  la 
duchesse  de  Mantoue,  ex- vice-reine  de  Portugal,  et 
de  la  noiu*rice  de  son  époux,  elle  parvint  à  dessiller 
complètement  les  yeux  de  ce  prince,  qui^  le  1 7  janvier 
1 6 À 3,  se  décida  enfin  à  signer  les  lettres  d'exil.  Cette 


'106  LIVRE   QLATKIËMb. 

belle  iiiuiuiirliic  espa^llole,  quOlivarcs  avait  reçue 
en  dépôt  si  ^raiidr,  si  prospère ,  si  prépondérante  dans 
le  système  |)olitiqiie  deTEiirope,  si  riche  par  ses  im- 
menses |iossessions  océaniennes,  il  la  rendit  faible, 
pauvre,  délabrer,  agonisante,  entourée  d*ennemis, 
dont  les  moins  redoutables  nVtaienl  pas  les  enfants 
qui  s'étaient  arrachés  de  son  propre  sein. 

La  jalousie  des  Catalans  pour  leurs  privilèges  venait 
de  produire  une  ivvolution  dont  la  France  avait  pro- 
fité, par  Tunique  raison  que  eclle-ci,  «^  cause  de  son 
voisinage  et  de  la  guen*e  qu  elle  faisait  en  ce  moment 
ik  TËspagne,   était  la  seule  puissance  en  |H)sition  de 
soutenir  finsurrection  de  ce  {leuple.  Le  besoin  d*étre 
secouru  avait  donc  étouifé  momentanément  les  anti- 
pathies, tant  nationales  que  de  l(K:alitc;  fappui  reçu 
des  Français  avait  lait  naître,  en  faveur  de  la  France, 
une  sorte  d'enthousiasme  qui  dans  les  premiers  i 
tiuits  avait  étourdi  la  Catal(»giit*  sur  fambition  de 
protection;  mais  cet  enthousiasme  ou  cet  engouement 
éphémère,  qui  n'était  WnnU:  que  sur  uiiecircuiistaiice 
fortuite,  une  nécessité  de  moment,  et  que  n  alimentait 
pas  la  conlonnité  di*  niirurs,  d'habitudes,  de  vues  ni 
de  sentiments,  ne  pouvait  être  (|ue  passsiger,  il  devait 
.Ve\an(»tiir  aussitôt  qu'une  iKuivelh*  circonstance  met- 
trait en  opp<isilion   les  principes  diUiM'ents  des  deiii 
peuples  :  c'est  ee  qui  ne  manqua  pas  d'arriver. 

Les  (Catalans  avai(*nt  \f)ulu  prouver  aux  souverains 
lie   la  Péninsule  qu'ils  n'étaient  pas   un  peuple  serf. 


CHAPITRE    CINQUIÈME.  407 

soumis  à  tous  les  changements  qu  il  pouvait  leur  plaire 
^introduire  dans  leurs  constitutions  ;  le  cabinet  fran- 
çais ,  en  les  aidant  dans  ce  qu  il  regardait  moins  comme 
Teifet  d'un  élan  national  en  faveur  de  véritables  droits 
acquis,  que  comme  une  révolte  dont  la  politique  corn* 
mandait  de  tirer  parti  dans  sa  propre  cause,  ne  se  con- 
duisait guère  que  d'après  ces  vues,  et  mettait  peu 
d  étude  à  dissimuler  ses  arrière -pensées.  Aussi  la 
bonne  intelligence  entre  les  deux  nations  commençait- 
elle  déjà  à  se  refroidir ,  à  la  mort  de  Louis  XIII ,  et 
quelques  signes  de  mécontentement  s  étaient  manifestés 
en  voyant  que  la  France  s  occupait  plus  de  Perpignan, 
entièrement  k  sa  convenance,  que  de  la  Catalogne, 
menacée  par  les  forces  de  la  Castille.  Des  murmures 
éclatèrent  ensuite  à  Toccasion  de  la  nomination  d'un 
Français  au  poste  de  gouverneur  de  cette  ville ,  après 
sa  reddition.  La  députation  se  plaignit  au  roi  de  oe 
que  cette  nomination  s'était  faite ,  non-seulement  sans 
son  consentement,  mais  en  opposition  avec  les  cons- 
titutions  de  la  province;  elle  déclarait  ne  pas  tenir  k 
ce  que  le  Catalan  qui  serait  élevé  à  ce  poste,  en  exé- 
cution des  privil^es  jurés,  fut  chargé  du  commande- 
ment des  troupes  et  de  la  direction  des  aSaires;  elle 
consentait  k  ce  qu'un  Français,  au  choix  du  roi,  jouit 
de  ces  prérogatives  à  raison  des  circonstanees  ac- 
tuelles, mais  elle  désirait,  pour  la  conservation  du 
principe ,  qu'un  iMitional  portât  le  titre  de  gouverneur, 
sauf  k  abandonner  k  l'homme  de  confiance  du  mo- 


'i()8  LIVKË  QUATRIÈME, 

iiarquc  toutes  les  attributions  de  la  rliarge.  Il  ne  pou- 
vait y  avoir  de  réclamation  plus  juste  et  de  compo- 
sition plus  i*aisonnable  :  la  France  ny  eut  aucun 
cgard ,  et  ce  fut  un  tort  qui  entraîna  pour  elle  la  désaf- 
fection de  la  Catalogne.  Les  intrigues  et  la  dé£iveur 
<fui  avaient  entouré  le  lit  de  mort  du  cardinal  de  Ri- 
chelieu lui  avaient  fait  perdre  de  vue,  à  cet  égard,  les 
intérêts  de  la  monarchie,  et  les  nouveaux  conseillers 
de  la  couronne  s*étaient  plus  attachés  à  agir  d'autorité 
dans  la  principauté  qu*à  ménager  des  intérêts  non 
encore  bien  aileniiis ,  et  qu'il  eût  été  si  important  de 
ne  pas  blesser.  Les  députés,  n  obtenant  aucune  satisikc- 
tion ,  virent  bien  qiie  les  libertés  du  pays  ne  seraient 
pas  mieux  garanties  par  le  gouvernement  de  la  France 
quelles  ne  lavaient  été  par  celui  de  Philippe  IV\  et  le 
mécontentement  alla  toujours  croissant  :  le  mécon- 
tentement des  peuples  est  un  de  ces  ouragans  qui,  ne 
sannonçant  d*abord  que  par  une  nébulosité  imper- 
ceptible, couvrent  en  |)(HI  d'instants  le  ciel  d'obscu- 
rité, et  fmissent  par  une  eilroyable  explosion  de  foudres 
et  de  tempêtes. 

Dans  la  nouvelle  situation  des  esprits,  les  tentatives 
que  ne  cessaient  de  faire  les  partisans  de  l'Espagne 
pour  ramener  la  Catalogne  h  sa  première  obéissance 
ne  (levaient  plus  rencontrer  la  même  opposition  :  ces 
partisans  redoublèrent  d'elVorts.  Déj;^  l'oreille  était 
moins  révoltée  au  nom  du  roi  Philippe,  que  n'accom- 
pagnait   plus  le    nom  odieux  d'Olivarè.s;  Avyh  cette 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  409 

^masse  de  population  qui  se  précipite  si  facilement  vers 
les  extrêmes,  qui,  incapable  de  rien  juger  par  ses  pro- 
pres lumières,  est  toujours  aveuglément  obéissante  à 
qui  a  rhabitude  de  la  diiîger,  n  était  presque  plus 
flottante  entre  les  deux  partis;  le  sang  castillan  qui 
avait  rougi  son  poignard  était  essuyé ,  et  la  pointe 
fatale  menaçait  déjà  le  Français  qu*elle  caressait  la 
veille.  Alors  commença  à  circuler  avec  moins  dediffi- 
culte ,  à  être  recherchée  avec  curiosité,  è  être  lue  avec 
certain  intérêt  la  déclaration  du  a  &  janvier  de  Tannée 
précédente.  Cette  déclaration,  imprimée  en  catalan, 
et  qu'on  avaitrepoussée  d*abord  avec  une  sorte  d'hor- 
reur, fut  méditée  et  commentée ,  et  donna  matière  à 
de  sérieuses  réflexions.  Le  roi  y  tenait  un  langage  tout 
paternel.  Il  commençait  par  faire  Téloge  de  la  loyauté 
de  la  nation  catalane ,  de  la  fidélité  avec  laquelle  elle 
avait  servi  ses  ancêtres  pendant  plus  de  neuf  siècles, 
avec  laquelle  elle  l'aurait  servi  lui-même  sans  les  er^ 
reurs  dans  lesquelles  l'avaient  précipitée  quelques 
malintentionnés;  il  exprimait  sa  ferme  volonté  que 
les  usages  de  Barcelone ,  les  constitutions  générales  de 
la  principauté ,  ses  libertés ,  ses  immunités ,  ses  privi- 
lèges ,  ses  franchises  fussent  observés  à  Tavenir  comme 
ils  l'avaient  été  sous  les  rois  qui  l'avaient  précédé,  et 
il  manifestait  le  plus  grand  regret  d'avoir  voulu  entre- 
prendre contre  ces  mêmes  libertés.  Après  avoir  dit 
qu'à  peine  il  eut  acquis  la  connaissance  exacte  des 
griefs  qui  avaient  forcé  les  Catalans  à  se  séparer  de  lui, 


410  LIVRE  QUATRIÈME. 

il  avait  donné  des  ordres  pour  leur  procurer  tofék  k 
soulagement  possible,  mais  qu*il  a  la  certitude 
pièces  ont  été  soustraites  à  leur  connaissance  »  et 
avoir  déclaré  que  ce  qui  s*était  passé  k  Camhriil  et  à 
Perpignan  s  était  fait  contre  sa  volonté,  ses  ordraq^aift 
toujours  été ,  au  contraire ,  de  maintenir  ses  peilpki 
dans  Tobéissance  par  la  douceur  et  la  bonté  i  û 
les  Français  comme  ne  cberchant  qu*à  les  troi 
quii  obscurcir  la  ^oire  d*une  province  si  ùàiàB%  3 
ac<!use  notre  nation  d*ètre  seule  la  cause  de  ioiia  les 
maux  de  leur  pays;  il  ajoute  que  les  Catalans  doivtal, 
k  Texemple  de  leurs  ancêtres,  nous  expulser  de  loons 
terres,  pour  qu*étant  débarrassés  d'aussi  dangc— i 
voisins  ils  puissent  jouir  de  tous  les  honneilia^  fk- 
veurs  et  récompenses  qu*il  se  propose  de  leur  accofdv; 
si  potu*  opérer  cette  expulsion  ils  ont  besoin  d*amèi 
et  d*aif[ent,  Philippe  leur  en  fournira,  sur  la  dennanlr 
des  villes  et  des  bourgs  ;  le  roi  proclame  enfin  Fonhii 
et  rentière  absolution  de  tout  ce  qui  aura  pu  être  Ut 
contre  son  intérêt,  dans  c^es  temps  de  troubles»  anéui- 
tissant  pareillement  toute  demande  d'impôts  arriéréi, 
et  s  engageant  k  une  foule  d  autres  concessions  let  |ihla 
capables  de  faire  naître  le  désir  de  revenir  au  gpran 
paternel. 

Ln  roi  qui  confesse  les  fautes  de  son  gouvernement, 
r'est  un  père  qui  avoue  des  torts  au  sein  de  sa  iknuUe  : 
quel  entant,  revenu  k  lui-même,  résisterait  à  un  ai 
cordial  abandon  !  Les  Catalans  n'étaient  pas  insnigéa 


I 


CHAPITRE    CINQUIÈME.  411 

pour  le  plabir  de  Têtre;  quand  ils  purent  lire  sans  pré- 
ventions et  sans  passion  le  manifeste  de  leur  roi,  ma- 
nileste  intempestif  quand  il  fut  publié,  mais  plus  tard 
parfaitement  à  sa  place ,  ils  se  sentirent  émus  des  re- 
grets que  témoignait  le  monarque  d  avoir  toléré  des 
infiractions  à  leurs  libertés  et  à  leurs  privilèges;  ils 
n'examinèrent  plus  si  c'était  véritablement  des  malin- 
tentionnés qui  avaient  fiait  perdre  à  la  province  sa 
fidélité  ;  si  ce  n'était  pas ,  au  contraire ,  la  conduite  sy a* 
tématiquement  oppressive  et  vexatoire  du  gouverne* 
ment  qui  avait  rompu  les  liens  qui  jusque-là  avaient 
uni  les  sujets  ail  monarque;  ils  ne  recherchèrent  plus 
s'il  était  vrai  que  le  prince  fût  resté  complètement 
étranger  à  ce  qui  avait  occasionné  les  horribles  excès 
commis  dans  leur  pays  ;  ils  oublièrent  tout,  et  ne  s*at- 
tachèrent  qu'aux  désaveux  du  souverain  ;  ils  s'arrête^ 
rent  à  l'espoir  de  voir  leurs  constitutions  et  leurs  li* 
bertés  respectées  à  l'avenir  par  leur  ancien  mntre , 
lorsque  le  nouveau,  auquel  ils  s'étaient  donnés  dans 
un  moment  de  délire ,  se  montrait  si  peu  disposé  k  leur 
en  maintenir  la  possession.  Le  moment  de  la  colère 
était  passé;  la  réflexion  les  ramenait  naturellement 
vers  le  pays  auquel  les  associait  une  longue  suite  de 
siècles ,  avec  lequel  les  identifiaient  la  conformité  de 
goûts  et  de  vieilles  habitudes.  Si  des  honunea  trop 
compromis  pour  ne  pas  empêcher  de  tous  leur»  efforts 
le  retour  de  la  domination  espagnole  n'avaient  cherché 
à  étouffer  les  généreux  sentiments  qui  germaient  alors 


412  LIVRE  QUATRIÈME. 

dans  les  cœurs  catalans,  de  ce  moment  ratraruMC 
que  la  parole  royale  donnait  k  la  principauté  TninR 
ramenée ,  par  une  nouvelle  révolution ,  dans  les  btm 
de  son  monarque. 

Cependant,  si  cette  déclaration  ne  produisit  pas 
eflet  aussi  immédiat ,  elle  disposa  sourdement  les 
prits  au  retour  du  régime  primitif;  elle  contribua 
tout  à  faire  ouvrir  les  yeux  sur  les  vues  intércuéai 
de  la  France.  Le  voile  qui  avait  caché  quelques  i 
tants  les  prétendus  défauts  nationaux ,  qui  ne  sont 
réalité  c|ue  la  dilTérence  de  mœurs  et  d'habitudes 
les  deux  peuples ,  commença  à  se  déchirer,  et  lea 
eiennes  préventions  reprirent  leur  empire. 

Pour  donner  aux  Catalans  une  preuve  de  la  sinoérilé 
de  ses  promesses,  Philippe  avait  dédaré  que 
d*entre  eux  qui  seraient  pris  les  armes  à  la  main 
considérés  comme  des  enfants  égarés,  et  non  pina 
comme  des  rebelles;  en  effet,  dès  cette  année,  quand 
les  premiers  mécontentements  éclatèrent  contre  la 
France,  tous  ceux  des  Catalans  qui  tombèrent  entn 
les  mains  des  Espagnols  furent  sur-le-champ  rendus  à 
la  liberté. 
i644.  Louis  XIV  était  sur  le  trône,  sous  la  régence  de  sa 

more,  quand  la  CaLilognc,  de  plus  en  plus  mécontenle 
des  Français,  commençait  à  invoquer  TËspagne  comme 
lihénitrice.  Ce  changement  complet  dans  les  dispcm» 
tions  dos  Catalans  donnant  lieu  à  la  régente  de  craindre 
la  p(*iie  d(»  la  plus  Ix'lle  conquête  du  n^nc  préoé- 


CHAPITRE    CINQUIÈME.  413 

dent,  son  gouvernement  crut  la  prévenir  en  nommant 
pour  cette  province  un  haut  administrateur  qui ,  sous 
le  titre  de  visiteur  général,  devait  s  occuper  exclusive- 
ment de  la  réformation  des  abus  attentatoires  aux  pri- 
vilèges des  habitants.  Les  attributions  de  cette  charge 
sont  ainsi  définies  dans  les  provisions  de  celui  qui  en 
fut  pourvu  :  ((  Étant  bien  informés  que  dans  les  temps 
«difficiles,  et  lorsqu'il  y  a  eu  des  contraventions  no- 
«  tables  aux  constitutions  du  pays,  les  rois,  nos  prédé- 
a  cesseurs ,  comtes  de  Barcelone ,  Roussillon  et  Cer- 
c(  dagne,  ont  envoyé  et  établi  des  visiteurs  généraux  en 
«  ladite  province ,  qui  sont  des  officiers  ordinaires,  pour 
«  procéder  à  la  réformation  de  tous  abus  et  au  main- 
a  tien  du  repos  et  de  l'union  des  peuples  sous  Tautorité 
«royale  et  la  conservation  des  lois  et  coutumes  de  la 
«province,  etc....»  Ce  visiteur  général  fiit  Pierre  de 
Marca,  conseiller  du  roi,  ancien  président  de  la  coui* 
de  parlement  de  Navarre  qui,  après  la  mort  de  sa 
femme ,  était  entré  dans  les  ordres  sacrés  et  avait  été 
nommé  h  Tévcché  de  Conserans.  Marca  s'empressa  de 
passer  en  Catalogne;  il  s'y  occupa  beaucoup  et  longue- 
ment de  rechercher  dans  toutes  les  archives,  tant  de 
la  province  que  des  villes,  des  églises  et  des  monas- 
tères ,  ce  qui  pouvait  tenir  aux  droits  du  pays ,  à  ses 
privilèges  et  surtout  aux  immunités  ecclésiastiques; 
mais  il  négligea  entièrement  la  seule  chose  qu'il  im- 
portait le  plus  de  constater  à  l'instant  même,  celle  qui 
était  la  plus  pressante  ,  la  seule  urgente,  dans  l'état  de 


414  LIVRE  QUATRIÈME. 

la  crise  actuelle ,  c*est-à-dire  de  faire  cesser  les  attciDlw 
journellement  portées  à  ces  droits,  à  ces  pririlége»; 
de  redresser  en  un  mot  ce  qui  causait  les  mmiume», 
les  plaintes  et  le  mécontentement.  Si  ayant  de  fouiHflf 
avec  un  soin  si  minutieux  dans  tous  les  anciens  titrai 
pour  connaitr  bien  pertinemment  lorigine  d&  tdb 
prétention  et  de  savoir  si  elle  s*appuyait  sur  des  drails 
bien  avérés,  le  visiteur  général  avait,  suivant  la  kUsi 
de  son  institution ,  travaillé  sincèrement  à  la  réibr» 
mation  des  abus  qui  s  introduisaient  si  notoiremant 
chaque  jour;  s'il  avait  £aiit  quelques  concessiona  pae» 
visoires  et  réparé  les  torts  les  plus  patents;  si,  éclairé 
par  des  rapports  de  cette  nature,  le  gouvememapi 
avait  prouvé ,  par  des  £adts  plus  encore  que  par  dea 
promesses,  qu'il  voulait  faire  droit  aux  réclamatiOM 
sur  des  objets  dont  les  antécédents  pouvaient  au  moana 
démontrer  la  longue  possession ,  sinon  la  l^timilé; 
la  France  aurait  pu  retenir  encore  les  Catalans  sons  aa 
puissance  ;  mais  le  gouvernement,  au  lieu  de  f(^mnignnr 
de  la  confiance  à  ses  nouveaux  sujets,  de  nommer  diaa 
nationaux  aux  postes  vacants  dans  leur  pays,  et  qai 
leur  revenaient  de  droit,  suivant  les  constitutions  dont 
on  avait  juré  le  maintien ,  laissait  percer  en  toute  oc- 
casion une  défiance  ofiensante  pour  la  province,  et  qai 
nécessairement  devait  tout  perdre. 

Une  fois  entamé,  le  crédit  des  Français  ne  fit  ploa 
que  décliner  de  jour  en  jour;  alors  cette  haine  de 
localité  que  Tintérèt  du  moment  ne  comprimait  phia 


CHAPITRE   CINQUIÈMK.  'il5 

reparut  plus  énergique  qu'auparayani  :  c'est  l'elTet  or- 
dinairede  toute  réaction. 

Tant  que  les  Catalans  avaient  secondé  les  Français, 
ceuK-ci,  avec  très-peu  de  forces,  purent  obtenir  de 
grands  avantages  sur  les  Espagnols  :  partout  une  popu- 
lation belliqueuse  devenait  son  auxiliaire;  mais  quand 
cette  affection  qui  avait  uni  instantanément  les  deux 
peuples  eut  cessé  d'exister,  les  Français,  réduits  à 
leurs  propres  moyens,  commencèrent  à  être  mal- 
heureux. 

Informé  de  ce  changement,  Philippe  accourut  à 
Saragosse  :  il  sentait  que  sa  présence  pouvait  être  un 
aiguillon  de  plus  aux  bonnes  dispositions  que  les  Ca- 
talans montraient  pour  lui.  Cette  fois  ce  prince,  que 
ne  contrariait  plus  le  mauvais  génie  de  TElspagne,  fit 
ce  voyage  avec  toute  la  célérité  que  ses  intérêts  lui 
auraient  commandé  d*y  mettre  deux  ans  auparavant  : 
il  arriva  pour  être  témoin  du  triomphe  de  ses  armes  è 
Lerida. 

Isolés  de  la  population ,  dont  ils  en  étaient  venus  k 
se  faire  un  ennemi  dangereux ,  les  Français  n  éprou- 
vèrent plus  que  des  désastres  pendant  le  reste  de  cette 
campagne.  Ils  voulurent  assiéger  Tarragone  et  perdi- 
rent Âgramont,  Balaguer  et Àger.  Ces  mauvaif  succès, 
et  des  intrigues  de  cour,  firent  remplacer  La  Motte- 
Houdancourt  par  le  comte  d*Âlincourt,  qui  Ait  depuis 
le  maréchal  de  Villeroi,  et  dont  les  débuts  fiirent 
d'abord  brillants,  parce  qu'on  lui  avait  donné  quelques 


^s..,^ 


t(*Mt 


tilG  LIVRE   QUATRIÈME, 

forces  de  plus.  Ce  général  s'empara  de  Roses  en  mû 
i6!ib,  battit  les  Espagnols  dans  la  plaine  de  Lloren» 
en  juin  suivant ,  et  reprit  Balaguer  en  octobre. 

Toute  Tannée  suivante  se  passa  sans  événements 
■r.^7.  mémorables.  En  mai  16^7  lé  prince  de  Condé.  tup- 
cesseur  du  comte  d*Âlincourt ,  mit  le  si^  derant 
Lerida ,  et  fut  contraint  de  le  lever  le  mois  suivant  « 
faute  de  moyens  pour  le  continuer.  L*année  i64S  fiii 
signalée  par  la  prise  de  Tortose  et  par  les  ravages  de 
la  peste  en  Catalogne. 

Le  logement  des  gens  de  guerre,  que  rimpolitiipie 
duc  de  Vendôme,  successeur  du  prince  de  Condé. 
voulut  imposer  aux  Catalans,  imposition  si  contraire 
aux  privilèges,  qui  avait  tant  contribué  k  soulever  la 
Catalogne  contre  FEspagne,  et  dont  la  suppreiaion 
était  lun  des  articles  compris  dans  le  serment  prêté 
par  le  roi  de  France  en  qualité  de  comte  de  Barcelone* 
devint  la  cause  de  nouveaux  troubles,  et  amena  la 
totale  extinction  du  peu  de  crédit  qui  restait  encore 
aux  Français  de  lautre  côté  des  Pyrénées.  Forcés  alors, 
par  la  désaifection  unanime  des  peuples,  den  venir 
aux  moyens ,  toujours  dangereux ,  des  rigueurs,  la  sé- 
vérité déployée  contre  quelques  personnes  suq>ectes 
irrita  la  population ,  et,  à  partir  de  ce  moment,  il  fallut 
ajouter  rbàtimcnts  sur  châtiments  pour  maintenir  la 
province  dans  une  apparence  de  soumission. 
ir.:..  Barcelone  fut  assiégée  au  commencement  du  mois 

d*aoùt  par  don  Juan  d*Autriclie,  (ils  naturel  de  Philippe. 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  k\7 

Le  petit  nombre  de  Français  qui  restaient  encore  dans 
cette  province,  et  leurs  partisans,  moins  nombreux 
encore,  sV  étaient  renfermés. 

Barcelone  aurait  eu  besoin  d*une  très-forte  garnison 
pour  résister  à  la  fois  aux  attaques  extérieures  et  au 
mécontentement  des  citoyens,  dont  tous  les  vœux 
étaient  pour  les  assiégeants;  mais  les  troubles  de  la 
Fronde  occupaient  les  soldats  français  contre  leurs 
concitoyens,  et  ceux  qu*on  pouvait  distraire  de  cette 
(îmcste  destination  ne  formaient  que  des  secours  in- 
signifiants :  Barcelone  dut  succomber.  Cette  ville  hit 
replacée  sous  Tobéissance  de  son  roi  le  k  octobre  1 65 1 . 
Après  sa  chute,  les  Français nayantplus aucun  moyen 
de  se  soutenir  en  Catalc^e ,  toute  cette  principauté 
retourna  insensiblement  et  sans  efforts  sous  la  puis- 
sance de  TEspagne.  Le  seul  boui^  de  Bianes,  qui  avait 
refusé  de  recevoir  la  garnison  royale  de  Castille ,  fut 
saccagé. 

Les  Roussillonnais  étaient  catalans  depuis  trop  de  ,6i^ 
siècles,  pour  ne  pas  faire  cause  commune  avec  ces 
peuples,  pour  ne  pas  partager  leur  antipathie  contre 
les  Français.  En  voyant  la  principauté  débarrassée  de 
ceux  qu'on  ne  regardait  plus  que  comme  des  oppres* 
seurs ,  ils  cherchèrent  à  s*en  délivrer  è  leur  tour,  et 
réclamèrent  le  secours  de  leurs  compatriotes.  Des 
députés  envoyés  au  marquis  de  Mortara ,  vice-roi  de 
Catalogne ,  fassurèrent  que  les  Français  étaient  très- 
faibles  en  Roussillon ,  et  que  le  pays  n  attendait  que 
II.  37 


'118  KIVKK  QUATHIÈME. 

s'd  présence  pour  se  soulever  et  arborer  les  rouleurs 
espii<;iioles  ;  don  (jaliriel  de  Lupia,  incstre  de  camp 
et  «gouverneur  (Ir  (latalo^ne,  ne  demandait  même  que 
quelque  (*a\aleric  pour  aider  les  paysans  ii  rétablir  la 
domination  de  Philippe  sur  toute  la  frontière.  Mor- 
tara  envoya  en  ell'et  dos  troupes  du  côté  des  Pyrénées, 
et  il  s'en  l'allul  de  bien  peu  que  le  Roussiilon  auAsi 
n'érhappàt  à  la  Franc-e. 

Les  Espagnols,  campés  à  Figuières,  avaient  envoyé 
des  dél;K:liem(>nts  faire  le  sié^^e  de  lielle^anle,  qui 
manquait  de  vivres,  et  un  vaste  complot  ourdi  pardon 
l'homas  de  l^myuls,  «gouverneur  de  Uoussiilon  pour 
le  roi  de  Franche,  et  par  Joseph  du  Vivier,  nommée 
révêché  de  Perpignan',  était  sur  le  point  d*éclater. 
I^  nohlt^sse  avait  déjà  repris  l'écharpe  rou<;e,  et  partout 
le  peuple  se  mettait  en  mouvement.  Dans  Perpi^an 
on  devait  profiter,  dit-on,  de  la  circonstance  de  la 
rcrnicturcdes  portes  pendant  la  proc(*ssion de  la  Fête- 
Dieu,  pour  éfçorf^er  lt»s  Français  ri  se  rendre  maître  de 
la  ville.  Suivant  la  tr.i(h'tion.  ce  fut  une  fdle  du  quar- 
tier de  Saint-Jarcpies  <|ui  découvrit  le  complot  k  son 
amant.  Le  duc  de  Noailles.  ^{oiivenieur  général  de 
Roussiilon  et  de  Ccrda<;nc,  avec  c|uel({ues  compa^^ies 
de  ^cns  du  pays  quon  nommait  em*olés  volontaires. 
et  (pli  à  ce  tilre  jouissaient  de  divers  privilèges  qui 
les  attachaient  au  parti  français,  imposa  au  peuple, 
força  la  noblesse  à  la  soumis>i(ni.  délivra  IWIleganie. 

'   Vfivfc  ta  noir  VIII  Au. 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  419 

qui  n'avait  plus  de  vivres  que  pour  un  jour  ^  et,  retenant 
ainsi  le  Roussillon  dans  l'obéissance,  sauva  à  la  France 
la  honte  d'avoir  été  aussitôt  expulsée  qu'appelée  dans 
le  pays  :  c'est  à  cette  circonstance  seule  que  leRous* 
sillon  doit  d'être  resté  uni  à  la  couronne. 

L'insurrection,  comprimée  en  Roussillon,  avait 
éclaté  en  Cerdagnç ,  où  la  fomentait  un  cousin  de 
Thomas  de  Banyuls.  Les  insurgés  s'emparèrent  de  la 
Tour-Cerdane  et  de  la  Tour-de-Carol ,  et  Ëivorisés  par 
la  plus  grande  partie  des  liabitants  de  Puycerda,  ils  en- 
trèrent dans  cette  ville,  égorgeanttout  ce  qu'ils  croyaient 
partisan  de  la  France.  Noaillés  courut  dans  la  Cerdagne 
avec  ses  compagnies  et  deux  cents  fantassins  français, 
sauva  le  château  de  Puycerda,  qui  tenait  encore,  et 
força  tout  le  comté  à  reconnaître  l'autorité  de  Louis. 
A  la  (in  de  juillet  une  armée  de  quatorze  mille  hommes 
d'infanterie  et  quatre  mille  de  cavalerie,  sous  les  ordres 
de  don  Joseph  de  Margarit,  nommé  vice-roi  de  Rous- 
sillon et  du  maréchal  d'Hocquincourt,  entra  en  Cata- 
logne ,  s'empara  de  Castellon  et  de  Figuières ,  et  mit 
le  siège  devant  Girone  le  a  3  septembre.* Obligée  de  le 
lever  à  la  fm  de  novembre,  cette  armée  fut  attaquée 
dans  sa  retraite,  le  3  décembre,  mais  Hocquincourt 
battit  les  Espagnols  et  leur  fit  éprouver  de  grandes 
pertes.  Rentrée  en  Catalogne  Tannée  suivante,  cette 
même  armée  fit  une  trouée  sur  TÂragon,  où  elle 
saccagea  plusieurs  villages. 

'  Patra ,  Ditcoun  ptmr  le  due  de  So<nlle$,  tom.  I  de  set  Œuvres. 

^7- 


i65l. 


^20  LIVRE  QUATRIÈME. 

La  fermentation  existait  toujours  en  Routaîllon,  «l 
de  nouvelles  tentatives  patriotiques  pour  TexpolMMi 
des  Français  se  succédaient  sans  relâche.  De  toute  put 
on  excitait  le  peuple  à  prendre  les  armes.  Ces  effiirlii 
déjoués  en  divers  endroits,  réussirent  un  momoit  A 
Villcfrancbe  :  les  couleurs  espagnoles  furent  «rboiéei 
dans  cette  place,  dans  le  courant  de  juin,  et  Tannée 
française  monta  en  Gonflent  |>our  les  faire  abattre.  Les 
moines  de  Saint- Martin-du-Canigou  augurant  mdl'lk 
cette  levée  de  boucliers,  et  voulant  soustraire  au 
profanations  des  Français ,  redevenus  des  bérétiqnct 
aux  yeux  de  la  populatioti  depuis  qu'ils  n'étaient  pkm 
pour  elle  des  protecteurs ,  avaient  envoyé  à  Barcdoae 
les  reliques  de  Saint-Gauderic  ,  très-vénéréei  -  «n 
Roussillon.  Le  a  3  juillet,  après'vingt  jours  de  siège  el 
quelques  assauts,  Villefranche  fut  emportée  et«  suÎTiBt 
Tatroce  droit  de  la  guerre,  une  partie  des  habitants 
périt  de  la  main  du  vainqueur.  La  prise  de  cette  Tflfe 
n'éteignit  pas  la  sédition.  Le  Roussillon  était  un  priys 
occupé  par  Tennemi ,  et  pour  ses  habitants  la  patrie 
était  toujours' de  l'autre  côté  des  Pyrénées;  c'était  donr 
pour  eux  un  devoir  de  nationalité  que  de  rhercber  k 
secouer  le  jou^.  Des  rassemblements  avaient  lieu  dans 
la  Gerdagne,  et  ce  pays  devenait  un  foyer  dangereux 
contre  les  Français.  Le  prince  de  Goiidé ,  revenu  an 
commandement  de  farmée  de  Gatalogne,  voulut  se 
rendre  maitre  de  Puycerda ,  pour  commander  tonle 
la  vallée.  Il  remonte  la  Tet ,  et  se  dirige  vers  le  coi  de 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  421 

la  Perche ,  en  faisant  pratiquer  des  chemins  pour  le 
passage  de  Tartillerie.  C*est  au  moment  où  il  était  par- 
venu sur  cette  montagne ,  et  que  toutes  les  difficultés 
étaient  vaincues ,  qu  il  apprit  que  les  Espagnols  se  dis- 
posaient à  faire  le  siège  de  Roses. 

n  ne  restait  plus  à  la  France ,  dans  toute  la  Cata- 
logne ,  que  ce  seul  port  pour  s  y  ménager  un  débar- 
quement ;  sa  conservati(»i  était  trop  importante  pour 
ne  pas  renoncer  à  tout  pour  le  secourir  :  Gondé  se 
prépara  donc  à  revenir  sur  ses  pas.  Mais  le  locsip  avait 
sonné  dans  toutes  les  montagnes.  Les  paysans,  réunis 
à  la  garnison  de  Puycerda,  se  portent  sur  la  sommité 
des  monts ,  fondent  sur  les  Français  occupés  à  re* 
charger  les  bagages ,  dont  ils  enlèvent  une  partie,  tuent 
quelqueshommesetfontcinq  cents  prisonniers. D*autre 
part,  le  régiment  français  de  la  reine  voulant  pénétrer 
dans  le  Capcir  par  les  défdés  de  TÂriége ,  Thomas  de 
Banyuls ,  avec  environ  cinq  cents  paysans ,  se  porte 
vers  ces  goi^es,  et,  bientôt  rejoint  par  la  garnison  de 
Puycerda,  il  met  le  régiment  français  en  déroute  et 
lui  prend  ses  bagages  presque  en  entier  avec  plus  de 
six  cents  soldats. 

Condé  surprit  les  Espagnols  devant  Roses,  le  s  4  de 
juillet,  passa  de  là  à  Saint-Celoni  où  il  dispersa  la  ca-* 
Valérie  ennemie,  courut  le  pays  tout  Tété,  se  présenta 
devant  Mataro  et  Barcelone,  et  rentra  en  RoussiUon 
à  la  fm  de  septembre.  Remonté  en  Cerdagne  pour  faire 
le  siège  de  Puycerda,  il  fut  à  peine  deysMUt  cette  ville, 


^22  LIVRE  QUATRIÈME, 

dont  il  attendait  une  longue  résistance ,  qu'il  teqvA  li 
demande  d'une  capitulation.  Deux  causes  amenèrcal 
cette  reddition  inopinée  :  une  contestation  qui  s'étHt 
élevée  entre  les  chefs ,  pour  le  remplacement  du  go»- 
vemeur  tué  par  un  boulet  de  canon ,  et  de  grands  dé? 
gâts  produits  par  l'explosion  d'une  poudrière  alteftite 
par  la  foudre.  De  Puycerda  l'armée  firançaise 
la  Seu  d'Urgel,  qu'elle  occupa  sans  diflficullé, 
que  Berga  et  Gampredon  ;  mais  elle  ne  iîit  pas 
heureuse  à  Vie ,  dont  elle  fut  obligée  d'abandonner  It 
si^e  peu  de  jours  après  l'avoir  entrepris. 

Les  années  i655  et  suivantes  n'offrent  rien  d'iâk? 
portant.  Des  sièges  commencés  et  abandonnés,  tuoidl 
par  les  Français ,  tantôt  par  les  Espagnols  ;  quekpis 
combats  avantageux  aux  uns  ou  aux  autres  ;  des 
et  des  revers  alternatifs ,  le  tout  circonscrit  dans 
étroit  espace;  des  marches  et  contre-marches  en  Ce* 
talogne  et  en  Roussillon,  et,  en  somme,  rien  de  twmmÉ^ 
quable  jusquau  moment  où  se  termina  enfin  cette 
longue  lutte.  La  lassitude  était  générale ,  et  le  betoiH 
de  repos  commun  aux  deux  partis  ^ 
,6^«.  Pendant  qu*une  sorte  d'engourdissement  retenail 

dans  l'inaction  les  deux  armées ,  Loui&XIV,  qui  s'était 
assuré  que  le  Roussillon  resterait  désormais  uni  à  se 

'  On  iit  àkuA  les  KsmU  hitluriqii«s  «t  luiiilaires  sur  la  provincs  éM 
Roussillon,  ■  En  i65S  le  gouverneur  de  Vîllelranche  voulut  iWivr 
•  ceite  place  aui  Français;  •  mais  h  cette  époque  les  Français  en  éuiem 
iiiaitres  itos  eonlAstalîon. 


CHAPITRE   CINQUIEME.  425 

couronne,  s  occupait  de  fonder  son  autorité  dans  cette 
province  par  des  lois  et  des  règlements,  et  il  cherchait 
k  lui  donner  une  forme  de  gouvernement  qui  s*accor- 
dftt  avec  celle  des  autres  provinces  du  royaume.  Le 
do  mai  1 656  ce  prince  rendit  une  déclaration  mémo» 
ràble,  pour  arrêter  les  usurpations  sur  Tautorité  royale 
et  pour  protéger  les  peuples  contre  Tavidité  des 
grands.  Des  ecclésiastiques ,  des  barons,  des  chevaliers 
allaient  t  au  milieu  des  troubles  de  la  province,  jusqu'à 
confisquer  à  leur  profit  les  biens  de  ieura  vassaux 
tombant,  ou  prétendus  tombés  dana  le  orime  de  lèse- 
majesté.  Par  une  mesure  aussi  juste  que  politique,  ee 
prince  réforma  également  Tabus  criant  des  donations 
de  biens  des  particuliers  faites  arbitrairement  par  ses 
généraux  k  ceux  qu  ils  voulaient  fafVoriser^  sous  ie  facile 
prétexte  de  rébellion  de  la  part  des  individus  qu'ils 
spoliaient. 

Enfin  la  paix,  tâtonnée  pendant  vingt  ans,  fut  aignée 
par  les  deux  puissances. 

Dès  Tan  i6/io  Olivârès  avait  envoyé  à  Paris  un 
agent  particulier,  nommé  Breth,  pour  fiaiii;^  secrète- 
ment des  ouvertures  que  le  cardinal  de  Richelieu  avait 
rejetées.  Plus  tard  la  France  avait  à  son  tour  fiiit 
quelques  propositions  pour  amener  un  raccommode* 
ment;  mais  à  cette  époque  la  révolte  de  la  Catalc^e 
était  venue  compliquer  la  question,  et  la  coiàBervatÛMi 
du  Roussillon ,  que  la  France  donnait  pour  base  de  ses 
négociations ,  avait  été  eonstamiacqfit  repouâsée.  Aux 


V2/4  LIVHE   QUATRIÈME. 

contV'rericcs  de  Munster,  en  16&7,  cette  condition  de 
garder  le  Roussillon,  en  rendant  la  Catalogne,  avait 
été  posée  par  les  plénipotentiaires  français;  en  i656« 
après  la  mort  du  pape  Innocent  \,  ennemi  juré  de  la 
France,  le  cardinal  Mazarin,  devenu  premier  ministre 
après  la  mort  de  Louis  XIII ,  avait  encore  cherché  à 
donner  la  paix  aux  doux  puissances  par  la  médiation 
du  nouveau  pontife  Alexandre  VIL  Mais,  à  cette 
époque,  la  possession  du  Roussillon,  devenue  de  la 
part  de  la  Fniiicc  ta  condition  sine  (jua  /ion,  n'était 
plus  la  borne  de  ses  pnHentions;  Mazarin  voulait  encore 
obtenir,  pour  Louis  \IV,  la  main  de  Tinfantc  Marie- 
Thérèse,  fdle  unique  de  Philippe  IV,  ce  qui  aurait 
donné  au  roi  de  France  des  droits  à  la  couronne 
d'Espagne,  à  la  mort  de  ce  prince  :  cette  raison  fit  re- 
166S.  jeter  la  demander.  Kniin,  en  ]658,  Philippe,  qui  crai- 
gnait que  la  France,  après  les  brillantes  conquêtes 
qu'elle  avait  faites  dans  les  Pays- Ras,  ne  tournât  toute 
la  force  de  ses  armes  du  roté  de  rKspagne,  et  qui,  se 
vovant  vieux  et  cassé ,  ne  voulait  pas  laisser  en  état  de 
guerre  ronlre  un  roi  jeune  et  plein  d'ardeur  pour  la 
gloire  les  deiLx  eniants  qu'il  venait  d'avoir  de  son 
nouveau  mariage  avec  Marie-Anne  d'Autriche,  se  dé- 
cida à  faire  la  paix  aux  conditions  qu'on  y  mettiiit. 

Mazarin,  esprit  souple  et  délié,  et  le  négociateur  le 
plus  habile  de  son  épnque,  après  être  parvenu  aux 
laveurs  de  la  cdur  par  la  protertiini  du  prince  de 
Condé,  avait  fini  par  en  écarter  son  bienfaiteur  lui- 


CHAPITRE   CINQUIEME.  425 

nième ,  qui,  pour  se  soustraire  aux  pièges  dont  1  uigrat 
Italien  environnait  ses  pas,  avait  cherché  un  refuge 
dans  les  états  du  roi  d'Espagne.  En  i656  ce  Mazarin 
avait  envoyé  très-secrètement  à  Madrid  Hugues  de 
Lionne,  qui  fut  depuis  secrétaire  d'état,  et  qui  toutes 
lés  nuits  avait,  avec  don  Louis  de  Haro,  neveu  d'Oli- 
Tarés  et  son  successeur  au  ministère,  des  entrevues 
dans  lesquelles  étaient  débattues  les  prétentions  de  la 
France.  Le  ministre  d'Espagne  avait  fait  partir  à  son 
tour,  pour  Paris,  avec  le  même  mystère,  don  Antoine 
Pimentel,  personnage  mal  disposé  pour  le  prince  de 
Condé ,  et  qui ,  le  8  mai  i  ôSg  ,  convint  avec  Maxarin       ^^h- 
d  une  suspension  d'armes  entre  les  deux  puissances  ;  le 
8  jm'n  suivant  ce  plénipotentiaire  signa  avec  le  mi- 
nistre de  France  un  traité  dit  Traité  de  Paris,  par  lequel, 
contre  le  vœu  du  cabinet  de  Madrid,  les  intérêts  du 
prince  de  Condé  étaient  sacrifiés.  Philippe,  indigné 
de  la  précipitation  avec  laquelle  Pimentel  avait  ter- 
miné des  affaires  aussi  délicates,  n'imagina  pas  d'autre 
moyen  pour  revenir  sur  la  signature  de  son  agent  que 
d'attirer  h  la  frontière  le  ministre  de  France  «  afin  de 
s'y  aboucher  avec  son  propre  ministre.  Le  but  osten- 
sible de  ces  conférences  était  de  r^er  certains  ar- 
ticles qtie  le  traité  de  Paris  n'avait  pas  prévus,  et  qui 
auraient  pu  rallumer  les  guerres;  mais  le  véritable 
motif  pour  l'Espagne  était  de  toutremettre  en  question 
dans  ces  pourparlers.  L'ile  des  Faisans,  dans  la  rivière 
deBidassoa,  proposée  pom*  le  lieu  des  conférences. 


Vil)  LIVRE  QUATRIÈME. 

ne  fut  pas  acceptée  d'abord  par  la  France ,  parce  ipie 
l'Espagne  s  en  prétendait  seule  souveraine;  cependant* 
comme  ce  point  mitoyen  entre  les  deux  royaumes 
était  le  plus  convenable  pour  les  négociations ,  il  fut 
décidé  que  cette  ilc  serait  considérée  comme  com- 
mune aux  deux  nations.  Cet  article  réglé,  vint  celui  du 
cérémonial.  Les  deux  ministres  convenaient  qu  avant 
d*ouvrir  les  conférences  ils  se  devaient  réciproque- 
ment une  visite  :  Tembarras  était  pour  faire  la  pre- 
mière. Mazarin ,  se  retranchant  derrière  sa  pourpre 
romaine , pnHendait  quil devait  la  recevoir; don  Louis 
de  Haro  déclarait  que  sa  qualité  de  grand  d'Espagne 
ne  lui  permettait  pas  de  la  faire  :  il  fut  enfin  arrêté 
<|ur  celte  première  visite  aurait  lieu  «^  la  salle  mêm^ 
des  confén*nces,  où  chacpie  ministre  entrerait  en  même 
temps.  Une  salle  fut  donc  construite  en  planches,  avec 
des  appartements  r^aux ,  h  la  même  distance  des  deux 
rives  deTile,  et  avec  un  pont  jeté  siirTunet  Vautfe 
bras  de  la  rivière  :  tout  fut  pareil  de  part  et  d*autie 
dans  la  salle,  tables  .  fauteuils  et  portes. 

Le  i3  août,  jour  de  Touverturt*  des  conférences, 
Mazarin  se  rendit  à  file  des  Faisans,  en  p;rande  pompe, 
ac(-()m|)a«{nédes  maivcbaux  de  Graminont,  de  Villeroi 
et  (le  (^ierambaut,  du  ^rand  maître  de  l'artillerie,  du 
duc  de  Crequi,  du  bailli  de  Scnivn*,  et  pivcédé  d'en- 
viron cjuatre  cents  hommes,  tant  nious(|uetaires  À  pied 
c|ue  gardes  k  cheval.  Six  carrosses  suivaient  le  sien, 
remplis  par  vingt  pn'>lats  ayant  k  leur  tête  les  arche- 


•  J 


CHAPITRE  CINQUIÈME.  427 

éques  de  Toulouse  et  de  Lyon ,  et  derrière  eut  un 
x>rtégede  près  de  cinq  cents  personnes.  Centcinquante 
mousquetaires  étaient  déjà  postés  au  bord  de  Ifii  Bi* 
dassoa ,  et  vingt-cinq  avaient  déjÀ  la  garde  du  pont , 
pour  ne  laisser  passer,  suivant  ce  qui  avait  été  conventi, 
que  soixante  personnes  de  qualité  avec  le  cardinal,  et 
soixante  gardes.  De  lautre  côté  de  la  rivière,  deux 
compagnies  de  gardes  k  cheval  »  élite  des  troupes  de 
Catalogne ,  le  pot  en  tête ,  Tépée  nue  à  la  tnain^  6t  por- 
tant la  casaque  k  la  livrée  du  premier  miniirtre,  éfaient 
hii^és  en  bataille  et  gardaient  leur  pont.  Don  Louis 
arriva  parle  chemin  de  Fontar^bie,  porté  danê  une 
litière  précédée  de  huit  trompettes  revêtus  de  casaques 
de  velours  vert,  et  sonnant  avec  des  instruments  d*Al** 
gent,  et  suivie  de  quinse  can*osàes.  Les  portes  des  ap- 
partements s'ouvrant  en  même  temps,les  deux  ministres 
entrèrent  dans  la  salle ,  tendue  par  moitié  de  là  tapis- 
serie du  cardinal  et  de  celle  de  don  Louis.  Cehli'^ci 
avait  avec  lui  le  secrétaire  d*état  Colomà  ;  Maxarin  était 
accompagné  du  secrétaire  d'état  de  Lionne.  La  cour 
de  France  se  trouvait  alors  à  Saint-Jean*de-Lux.  Les 
seigneurs  de  la  suite  du  roi ,  qui  ne  votdaiéint  pas  le 
céder  aux  Espagnols  en  magnificence ,  s'étaient  parée 
de  leurs  vêtements  les  plus  somptueut,  ce  qui  donne 
occasion  à  de  Brienne  de  remarqtier  que  les  FVânçâift 
remportaient  par  la  richesse  des  dentelles  d*or  et  d'ar- 
gent, et  les  Espagnols  par  le  nombre  des  pierreries  ^ 

'  Mimoifr$  île  Bntnne. 


V28  LIVIΠ  QUATRIEME. 

fiCs  conférences  durèrent  jusqu*au  mois  de  no- 
vembre, gràre  aux  lenteurs  aflectées  de  don  Louis  de 
Haro ,  (|ui,  pour  obtenir  des  conditions  meilleures  de 
rimpatience  du  cardinal,  s  étudiait  à  opposer  un  flegi 
calculé  à  la  pétulante  vivacité  de  son  adversaire  ; 
Mazarin  en  avait  su  prendre  son  parti.  Don  Louis 
contesta  longuement  la  possession  de  la  viguerie  de 
Gonflent ,  de  la  partie  de  la  Cerdagne  que  réclamait 
]Vlazarin  et  du  Capcir,  par  la  raison  que  dans  le  traite 
de  Paris  on  n  avait  parlé  nominativement  que  de  la 
cession  du  Roussilloii.  Poussé  sur  ce  point,  rEs|)agnol 
en  venait  «î  consentir  k  se  dessaisir  de  ces  pays,  eo 
écbange  des  villes  de  Bétbune  et  de  Saint- Venant; 
mais  Mazarin  tint  bon.  Don  Jjouis  se  rabattit  ensuite 
sur  le  Conllent,  dont  il  voulait  bien  abandonner  la 
possession  i^  la  France ,  mais  sans  que  le  nom  de  ce 
canton  fiit  mentionné  dans  le  traité  ;  il  consentait  seu- 
lement i^  ce  qu'on  dit  que  la  France  posséderait  les 
terres  des  montagnes  (|ui  étaient  du  côté  de  la  France, 
et,  persuadé  qu  ainsi  le  ('.onflent  resterait  h  TËspagne, 
il  espérait  par  cette  échappatoire  consen'er  ce  canton. 

La  ("trte  de  Catalogne  était  si  mal  lliite,  et  la  position 
des  montagnes  si  embrouillée,  que  Mazarin,  qui  se 
Tétait  Tait  présenter,  avoue  qu*il  était  impossible  d*y 
rien  reronnaitre  :  ce  fut  une  raison  pour  lui  d'insister 
sur  l'insertion  de  ce  nom  de  (lonllent  au  traité,  et. 
pour  lobtenir.  il  en  lit  la  condition  de  son  approbation 
à  ce  c|u'(»n  proposait  en  faveur  du  prince  de  Condé. 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  429 

Fiiifiii,  le  7  de  novembre ,  ce  célèbre  traité,  dit  des 
Pyrénées,  fut  signé  à  la  satisiaction  du  cardinal,  et, 
quand  tout  fîit  ainsi  terminé ,  don  Louis  demanda  en 
grâce  à  Mazarin  de  lui  obtenir,  de  la  reine-régente  de 
France,  son  pardon  pour  le  flegme  avec  lequel  il  s*était 
conduit  dans  cette  négociation,  et  dont  il  savait  que 
cette  princesse  s'était  plainte  plusieurs  fois^ 

Ce  traité  des  Pyrénées  se  composait  de  cent  vingt- 
quatre  articles  relatifs  au  rétablissement  du  commerce, 
aux  bénéfices  donnés  et  reçus ,  aux  dettes ,  aux  places 
à  se  rendre  réciproquement,  aux  arrangements  parti- 
culiers avec  les  princes  qui  avaient  pris  part  à  la  guerre, 
au  pardon  du  prince  de  Condé ,  et  généralement  à 
toutes  les  espèces  d'intérêts  qui  avaient  été  compromis 
dans  le  cours  de  ces  longues  hostilités;  il  réglait  pa- 
iement le  mariage  du  roi  avec  Tinfanted^Espagne,  et 
déterminait  la  manière  dontdevait  se  faire  la  restitution 
des  places  et  pays  que  chacun  s*abandonnait  récipro- 
quement, la  délimitation  des  nouvelles  frontières  et  la 
rançon  des  prisonniers.  Ce  qui  concernait  la  cession 
du  Roussillon  et  autres  pays  de  la  même  province  à 
la  France  fut  Tobjet  des  articles  &a  et  43.  Diaprés  ces 
articles ,  les  antiques  limites  des  Gaules  et  de  l*£spagne 
devaient  séparer  de  nouveau,  àiavenir,  les  deux  mo- 
narchies, et,  en  conséquence  de  ce  principe,  la  Cata- 
logne restait  à  TElspagne  et  le  Roussillon  à  la  France. 

'   Ijettrrs  du  cardinal  Ma:arin  sur  la  néyociÊiion  de  la  paix  des  Pyri- 


I 


ntes. 


450  LIVRE  QUATRIEME.. 

A  la  première  de  ces  puissances  devait  appartenir  mmI 
la  Cerdagne,  sauf  les  villes  et  terres  qui  se  trouTii  ■  ■iffUl 
dans  les  monts  du  côté  du  Languedoc,  ainsi  qu'il  auajl 
réglé  par  des  commissaires  délimitateurs.  LeConflflMl 
devait  rester  à  la  France ,  sauf,  pareillement,  les  vfllBfe 
et  terres  qui  pourraient  se  trouver  .du  coté  de  1*8» 
pagne.  Amnistie  pleine  et  entière  était  accordée iltOM 
les  Catalans.  Les  Roussillonnab  qui  avaient  soivi  le 
parti  de  TEspagne ,  et  qui  rentreraient  dans  la 
sion  de  leurs  biens ,  étaient  tenus  de  résider  au  lien 
leur  serait  assigné  par  le  roi  de  France ,  si  leur 
dcnce  en  Roussillon  ne  lui  était  pas  agréable,  sans 
cela  cesser  de  jouir  des  libertés,  privilèges  et 
cbises  que  leur  assuraient  les  constitutions  de 
pays.  Lesévâques,  abbés  et  tous  ecclésiastiqu 
conques,  pourvus  de  bénéfices  avec  Tapprohation  dÉ 
pape,  demeurant  dans  les  terres  de  Tune  des  pailiest 
pourraient  jouir  sans  trouble  ni  empêchement  dès 
fruits,  rentes  et  revenus  attachés  à  ces  bénéfices, 
quils  se  trouvassent  sur  les  terres  de  la  partie  adr* 
Toutes  donations  de  biens  confisqués  sur  des  Cetaisals 
ou  desRoussillonnais  devaient  cesser  d'avoir  leur  efliit 
le  jour  de  la  publication  du  traité  de  paix;  les 
propriétaires  en  roixt^naient  la  possession ,  mais 
pouvoir  exiger  de  ceux  à  qui  ces  biens  avaient  été  cédés 
aucune  restitution  des  fruits  perçus  en  vertu  de 
donations  ^ 

^  Ce  traité  sr  trouve  dam  THittoire  de  France  do  p^  DuimI, 


CHAPITRE   CINQUIÈMK.  «1 

Aussitôt  que  la  conclusion  du  traité  de  paix  (ut 
connue  oiTiciellement  en  Roussillon,  les  consuls  de 
Perpignan  envo\èrent  à  Toulouse,  où  était  venue  la 
cour  de  France ,  une  députation  d'un  certain  nombre 
d'habitants  ayant  à  leur  tête  don  François  de  Blanes, 
pour  demander  au  roi  la  confirmation  de  leurs  privi- 
lèges et  constitutions ,  ce  que  Louis  s  empressa  d'ac- 
corder, en  mettant  de  sa  propare  main  son  approbation 
au  bas  du  placet  qui  lui  avait  été  présenté  :  ce. fut  le 
6  janvier  l66o^ 

Suivant  l'article  4^  du  traité  des  Pyrénées,  les  nou-  i<6o. 
velles  limites  des  deux  royaumes»  eu  Catalogne, 
devaient  être  déterminées  par  des  commissaires  des 
deux  puissances  qui  se  réuniraient  au  plus  tard  un 
mois  après  la  signature  du  traité  ;  mais  des  difficultés 
survenues  dans  l'exécution  de  cet  article  retardèrent 
la  nomination  de  ces  commissaires  jusqu'au  mois  de 
février.  La  cour  se  trouvant  toujours  à  Toulouse ,  le 
roi  chargea  de  cette  nouvelle  négociation  le  même 
Pierre  deMarca,  archevêque  de  Toulouse  depuis  1 659, 
qui  avait  été  nommé  visiteur  général  de  la  Catalogne 
en  i6kli,  et  qui  avait  accompagné  Masarin  à  la 
Bidassoa ,  en  lui  donnant  pour  adjoint  l'Italien  Hya- 
cinthe Serroni,  évèque  d'Orange.  Les  commissidres 
espagnols  furent  Michel  Salva  de  Valgomera ,  lieute* 

I  Reifuéte  prèseniée  au  roi  par  tèvéque'dEUe  (  pièce  d^une  con testa» 
tion  entre  ce  prélat  et  le  conseil  souverain,  et  dont  il  sen  parlé  plus 
lard). 


452  LIVRE  QUATRIÈME. 

liant  du  grand  trt'*sorier  de  la  couronne  d'Aragon  »  et 
Joseph  Ronieu-Ferrer,  membre  du  conseil  des  Cent 
do  Barcelone.  Quelque  mérite  qu  eussent  ces  person- 
nages, ils  notaient  pas  de  force  à  lutter  avec  le  prin- 
cipal commissaire  français,  qui  à  un  caractère  extrê- 
mement ambitieux  unissait  une  érudition  vaste  et 
profonde ,  et  qui  depuis  quinze  ans  se  nourrissait  delà 
lecture  des  histoires,  titres,  actes  et  écrits  de  toute 

m 

rspj>co  concernant  le  pays  sur  lequel  il  était  appelé  k 
prononcer  un  jugement. 

Marca,  parti  de  Toulouse  le  n)  février,  se  rendit 
à  Perpignan ,  d'où ,  le  8  mars  suivant,  il  envoya  prier 
le  marquis  de  Mortara,  vice-roi  de  Catalogne,  de  dé- 
terminer le  lieu  où  se  tiendraient  les  conférences.  Le 
chanoine  Pont,  nouvellement  élu  abhé  dWries,  partit 
pour  Barcelone  avec  les  instructions  suivantes  : 

((  Premièrement  il  saluera  monsieur  le  marquis  de 
Mortara  et  l'assurera  des  services  de  M.  rarchevéque 
de  Toulouse  et  de  M.  févèque  d'Orange.  11  conférera 
avec  lui  touchant  le  lien  où  se  doivent  faire  les  confé- 
rences pour  les  limites  des  deux  royaunu?s,  et  du  temps 
auquel  ledit  seigneur  archevêque  de  Toulouse  et 
M.  fêvéque  d'Orange,  commissaires  députés  par 
S.  M.  T.  C,  pourront  s'assembler  avec  les  commis- 
saires Av  S.  M.  C,  pour  régler  les  susdites  limites. 

«  H  lui  fera  tMit«*ndrt>  que  si  l'on  attt*nd  de  conférer 
sur  ce  lieu-là  avec  les  commissaires  de  S.  M.  C.  après 
(|u'ils  seront  arri\és  h  (lirone,  il  y  aura  de  In  longueur 


CHAPITRE  CINQUIÈME.  M5 

et  des  difficultés  pour  en  convenir;  de  sorte  que,  pour 
les  éviter,  MM.  les  commissaires  du  roi  ont  mieux 
aimé  envoyer  ledit  sieur  abbé  à  Barcelone  pour  traiter 
de  ces  choses  avec  ledit  seigneur  marquis.  Il  lui  offrira 
de  leur  part  les  lieux  de  Céret,  de  Canet  et  dlUe,  en 
Roussillon ,  et  de  Prades ,  en  Gonflent,  où  lesdits  com- 
missaires feront  loger  commodément  MM.  les  comnii5- 
saires  d*Espagne  et  leur  rendront  tous  les  honneurs 
dus  à  leur  qualité,  leur  baillant  même  la  droite  :  si 
ledit  seigneur  marquis  n'aime  mieux  que  rassemblée 
se  passe  à  Figuièrcs ,  d  o ii  Ton  a  fait  sortir  les  troupes 
pour  cet  effet,  où  il  fera  traiter  de  même  façon 
MM.  les  commissaires  du  roi ,  comme  il  est  contenu 
en  la  lettre  que  M.  Tévêque  d'Orange  a  écrite  k  M.  le 
marquis ,  de  concert  avec  ledit  seigneur  archevêque. 

0  II  priera  M.  le  marquis  de  Mortara ,  de  la  part  de 
M.  l'archevêque  de  Toulouse,  de  faire  en  sorte  de 
recouvrer  un  gros  livre  in-folio  manuscrit,  où  sont 
comprises  les  lois  de  Charlemagne,  sous  le  nom  d'An- 
segisus  abbas\  lequel  livre  emprunté  des  religieux  de 
Ripoll  ledit  archevêque  laissa  au  couvent  de  Saint- 
Pierre  de  Barcelone ,  lors  de  sa  retraite  de  cette  ville , 
et  il  Teût  pu  emporter  en  France  si  son  honneur  ne 
Teût  convié  de  le  laisser  à  ceux  à  qui  il  appartient.  Et 
au  ras  qu'on  le  trouve ,  il  priera  M.  le  marquis  de 

'  Ce  sont  les  sept  livres  que  Baluze  fit  entrer  par  la  suite  dans  le 
premier  volume  de  sa  collection  des  Capitulaires  des  rois  de  France, 
sous  le  titre  de  Capitalarium  KaroU  magni  et  Ladovici  /ni. 

II.  .  a8 


«4  LIVHK   giATIUÈME. 

Mortura  de  Ir  pivtcr  audit  seigneur  archevesquc,  qui 
le  restituera  fidèleinciil  à  M.  le  marquis  avant  son 
dé])art  de  Houssilion  ;  son  désir  nV*tant  autre  que  de  le 
eonfércr  aver  les  livres  de  ces  lois  qui  sont  imprimés, 
comme  il  avait  dessein  de  le  faire  si  la  peste  ne  Teût 
obligé  de  sortir  de  Itarcelone. 

u  EnPm,  il  priera  M.  le  marquis  de  Mortara  de  faire 
copier  tout  entière  la  concorde  de  la  reine  Eléonor  et 
du  cardinal  de  Comniinge,  qui  est  dans  Tarchir royal 
de  Barcelone,  parce  que  c*est  une  belle  pièce  qui  regarde 
les  droits  de  IVglise  et  du  roi.  La  plus  gnmde  partie 
des  articles  de  cette  concorde  ont  été  imprimés,  mais 
non  pas  les  préfaces,  qui  contiennent  les  bulles  des 
papes  et  les  comnu'ssions  de  la  reine ,  qui  sont  curieuses 
pour  riiistoirc  (ecclésiastique. 

•  Fait  à  Porpigiian,  le  8  du  mois  de  mars  1^60. 

«  MatiCa,  arcIieY(!f|uc  de  Toulouse'.! 

Le  vice-roi  de  Catalogne,  jugeant  la  ville  de  Fi- 
guières  peu  commode  pour  les  conférences,  choisit 
celle  de  Cérct.  Marca  et  Serroni  s  y  rendirent  le  1 5  d'a- 
vril, et  les  connnissaires  espagnols  y  amvèrent  le  1 9  : 
la  première  réunion  eut  lieu  le  a  1 . 

Aux  termes  convenus  par  les  traités  de  Paris  et  des 
Pyrénées,  les  nouvelles  frontières  de  la  France  et  de 
TKspagne  devaient  être  les  mêmes  cpie  cellesqui  avaient 

'   (irUf  pirrr,  (|iii  %r  rmi^rrvt*  ilansla  rjiuilir  «Ir  tPl  :ilil<t*  Puiil.  nnii» 
j  (■!<■  roiiiiiiiinii|(ii-i>  |ijr  M  lii*  Sjinl-M.iln.  .iii«  im  Mui^iirrlt  t  tii*  (icrri. 


CHAPITRE  CINQUIÈME.  «5 

jadis  séparé  les  Gaules  de  la  Tarragonaise  :  le  premier 
point  sur  lequel  les  commissaires  avaient  à  s'accorder, 
c'était  de  déterminer  quels  étaient,  d'entre  les  Pyrénées, 
les  monts  qui  avaient  formé  cette  séparation.  Ici  les 
auteurs  anciens  devenaient  le  livre  de  la  loi  :  ils  furent 
commentésde  part  et  d'autre.  U  résultait  de  leur  accord 
que  les  anciennes  limites  partaient  du  voisinagtf^il^ 
temple  de  Vénus.  Ce  temple,  les  Catalans  le  plaçaient 
à  Port-Vendre;  Marca  le  portait  sur  le  cap  de  Creus  ; 
mais  comme  il  était  bien  avéré  que  les  limites  antiques 
étaient  au  point  de  Cervaria ,  d'après  le  témoignage 
très-précis  de  Mêla,  le  point  de  départ  de  la  ligne  di- 
visoire  des  deux  royaumes  fut  fixé  au  nord  de  l'anse 
deCervera. 

Le  Vallespir  fut  ensuite  mis  en  question.  Les  Cata* 
lans  avançaient,  non  sans  raison  peut-être,  pour  la 
partie  haute  de  ce  canton,  qu'il  appartenait  à  la  Tar* 
ragooaise  \  mais  Marca  soutint  qu'il  était  des  Gaules  : 
il  fut  adjugé  à  la  France ,  non  par  la  conviction  qu'il 
eût  réellement  fait  partie  des  Gaules,  mais  parce  qu'il 
était  une  dépendance  actuelle  du  Roussillon ,  qui  aux 
termes  précis  du  traité  devait  revenir  en  totalité  i  cette 
puissance.  La  possession  du  Confient,  déjà  Vivement 
débattue  aux  conférences  de  là  Bidassoa ,  le  fut  encore 
à  celles  de  Céret.  Les  Espagnols  demandaient  cette 
viguerie  en  entier,  comme  se  trouvant  dans  les  mon*- 
tagnes  de  Catalogne  ;  Marca  détnontra  qu'elle  devait; 

'  Voyei  la  noie  IX. 

a8. 


W6  LIVHK    QUATRIÈME. 

an  contraire,  rester  en  entier  h  la  France  puisque  toutes 
ses  appartenances  étaient  c^  la  partie  des  monts  qui  re- 
garde 1(*  Languedoc,  ainsi  que  le  docteur  Raymond  de 
Trohat  Tavait  dcdaré  à  Mazarin,  aux  conférences  de 
Tile  des  F'aisans  ^.  N*ay ant  pu  s'accorder  ensuite  au  sujet 
de  la  Cerdagne,  dont  Marca  réclamait  la  plus  grande 
partie,  lesconmiissaires  terminèrent  leurs  conférences 
en  remettant  h  la  décision  des  plénipotentiaires  le  ju- 
gement de  cette  difTiculté. 

Ce  (|ui  avait  été  arrêté  changeait  complètement  la 
lettre  de  l'article  ^ii  du  traité,  et  la  future  division  de 
la  Cerdagne  ne  devait  pas  moins  Taltérer  encore  :  il 
fallut  revenir  sur  le  texte  de  cet  article,  et  le  rédiger 
dans  un  sens  nouveau  qui  s  accordât  ave(^  le  résultat 
des  conférences  de  Céret.  Les  deux  ministres,  revenus 
dansf  lie  des  Faisans  pour  arrêter  les  articles  du  mariage 
de  Louis  \IV  avec  finlante  d'Espagne,  convinrent, 
le  8  de  mai ,  d'un  nouvel  accord  qui  fut  signé  le  1 3  du 
même  mois,  sous  le  titre  den  FAplication  de  farticle  &a 
«  du  traité  des  Pyrénées.  >»  Par  cette  nouvelle  n*daction 
tout  le  Roussillon  et  tout  le  Confient  étaient  reconnus 
pour  appartenir  à  la  France,  (|uelque  part  qu  en  fussent 
situées  les  dépendances,  et  toute  la  Catalogne  et  la 
Cerdagne  restèrent  h  rEs|)agne ,  sauf,  pour  ce  dernier 
comté,  la  vallée  de  Carol  et  une  portion  du  territoire 
Cerdan,  pour  communiquer  avec  cette  vallée.  Pour 
prévenir  toute  dilliculté  ultérieure,  il  fut  réglé  que  cette 

i    l.tUrrs  i/u  lanlinal  .Vd.ann.  loin.  II. 


CHAPITRE    CINQUIÈME.  457 

portion  de  la  Cerdagne  cédée  à  la  France  formerait, 
avec  la  vallée  de  Carol,  un  total  de  trente-trois  villages 
et  qii*on  compterait  comme  tel  tout  village  détruit , 
pourvu  qu'il  y  restât  encore  quelques  maisons.  Pour 
l'exécution  de  cette  disposition,  Tévêque  Serroni  et  don 
Salva  de  Valgomera  se  réunirent  à  Livia ,  et  le  i  a  de 
novembre  ils  arrêtèrent  le  partage  de  cet  ancien  c<MB||é 
de  Cerdagne,  tel  qu'il  existe  aujourd'hui*. 

Louis  XrV,  accompagné  de  la  reine-mère,  régente, 
et  de  toute  la  cour,  avait  fait  son  entrée  dans  Perpi- 
gnan le  a  avril  de  cette  année  1 660,  et  il  était  reparti       1660. 
de  cette  ville  après  y  avoir  séjourné  douze  jours*. 

'  Preuves ,  n' XV. 

*  Registre  des  statuts  de  Tuniv. 


-'t3K  LIVHK  QUATRIÈME. 


CHAPITHE    VI. 

Gouvernement  du  Houssîllon  sou»  la  monarchie  d*Espagfie.  — 
Conseil  aouverain.  —  G)n8litulion  militaire.  —  Sagam.  — - 
Conspiration  en  Gonflent.  —  Miquelets. 

Le  Roussilloii  en  eiilier  et  une  partie  de  la  Cerd^ne 
sont  irrévocablement  acquis  à  la  France;  un  acte 
solennel  lui  en  consacre  la  proprirté.  La  prescription 
des  temps  anciens  Tcmportc  surFusurpation  des  temps 
modernes.  Reconnus  comme  des  portions  intégrantes 
du  sol  français ,  héritier  du  sol  des  Gaules ,  ces  terri- 
toires reviennent  k  leur  domaine  naturel.  Le  traité 
des  Pyrénées  apparaît  donc,  dansThistoire,  non  comme 
une  de  ces  transactions,  rniitsde  rimpérieuse  nécessité, 
sanctionnant  la  séparation  d*une  province  à  la  suite 
d'une  victoire ,  et  par  la  seule  autorité  de  la  loi  bru- 
tale du  plus  fort,  mais  connue  un  acte  éclatant  de 
justice,  qui,  après  plusieurs  siècles  de  démembrement. 
réiiitcf^re  h  son  tout  liomo«;ène  une  partie  de  ce  tout 
dont  la  distraction  était  contre  nature. 

Tant  que  le  Roussillon  et  la  portion  de  Cerdagne 
cédée  c^  la  France  étaient  restés  sous  la  domination 
espagnole,  ces  deux  comtés  se  trouvaient  compris  dans 
toutes  les   nu\sunHft  qui   concernaient    la   Catalogne. 


CHAPITRE   SIXIÈME.  U9 

sans  pour  cela  Ikire  partie  intégrante  de  la  principauté; 
ils  étaient  en  commun  avec  la  Catalogne  pour  ce  qui 
concernait  l'autorité  royale  ou  qui  émanait  de  Tomni- 
potence  des  corts,  touchant  les  intérêts  généraux  de 
la  population;  ils  en  étaient  séparés  dans  tout  ce  qui 
tenait  au  régime  local. 

Lorsque  Ferdinand,  par  son  mariage  avec  Théoir 
tière  du  trône  de  Castille,  dut  quitter  SaragosseW 
Barcelone  pour  habiter  Madrid,  il  créa,  pour  le  rem» 
placer  en  Aragon  et  en  Catalogne,  des  vice-rois  dont 
lautorité  s'étendait  sur  tous  les  domaines  de  sa  cou- 
ronne patrimoniale.  Le  vice-roi  de  Catalogne  était  tenu 
de  jurer  de  ne  rien  innover  dans  le  gouvernement 
des  trois  comtes  de  Barcelone,  de  Cerdagne  et  de 
Roussillon ,  et  ce  serment  devait  être  prêté,  d  abord  à 
la  frontière  de  la  province  au  moment  où  ce  dignitaire 
la  franchissait  pour  prendre  possession  de  sa  chaige^ 
ensuite  à  Barcelone.  Le  droit  de  rendre  la  justice 
étant  inhérent  à  la  souveraineté ,  les  rois  la  rendaient 
par  eux-mêmes  ou  par  leurs  chanceliers.  £n  Elspagne, 
cette  cour  de  justice  suprême,  sous  le  roi  ou  son 
chancelier,  portait  le  nom  d*audience  royale.  Devenu 
administrateur  du  royaume  de  Castille,  le  même  Fer- 
dinand, dans  l'impossibilité  de  gérer  par  lui-même  « 
comme  avaient  fait  ses  prédécesseurs,  cette  branche 
si  importante  de  la  souveraineté,  institua,  pendant  la 
session  des  cortsde  Barcelone  de  1 493,  sous  ce  même 
nom  d'audience  royale,  un  tribunal  permanent  qui , 


V'iO  LIVHE   QUATRIÈME. 

outre  l'attribution  de  rendre  la  justice  supérieure, 
avait  encore  une  part  dans  le  gouvernement  civil  de 
la  Catalogne  et  des  deux  comtés.  Cette  nouvelle  cour 
de  justice,  composée  d'abord  de  huit,  et  ensuite  de 
douze  conseillers  avant  à  leur  tète  le  cliancelier  ou  le 
vice-chancelier,  ou  à  leur  défaut  le  régent  de  la  chan- 
cellerie qui  était  leur  substitut ,  jugeait  seule  toutes  les 
aibires  civiles;  dans  les  causes  criminelles  elle  s'ad- 
joignait deux  autres  officiers  nommés  juges  de  cour, 
qui  recevaient  les  informations,  dirigeaient  la  pro- 
cédure ,  taisaient  les  rapports  et  avaient  voix  délibé- 
rdtive. 

Chargée  de  maintenir  Tordre  dans  les  cours  infé- 
rieures ,  laudicncc  royale  avait  sous  sa  dépendance 
les  hôtels  de  ville  des  trois  comtés ,  à  la  réserve  de 
ceux  de  Barcelone  et  de  Perpignan;  elle  réglait  leur 
économie  intérieure,  leurs  opérations  municipales» 
la  perception  de  leurs  octrois  et  l'emploi  de  leurs  re- 
venus. Le  vice-roi,  hors  les  affaires  purement  mili- 
taires, ne  pouvait  rien  prescrire  sans  consulter 
l'audience  royale,  et,  forcé  de  suivre  son  avis,  il  devait 
le  motiver  expressément  dans  ses  ordonnances  ^ 

Le  Iloussiilon  et  la  Cerdagne,  envoyant  leurs 
députés  aux  corts  de  la  province,  concoui*aicnt  ainsi 
pour  l(*ur  part  ii  la  législation  locale,  et  se  trouvaient 
placées,  dans  l'intervalle  des  sessions-,  sous  la  protection 

'   Xaiipi ,  lifchrrchfi  hisinriijuft  jor  la  nohîrttr  df  Caîido^nr. 

*  hn  sMsioDt  cl»  corU  furent  d'abonl  annuvllra,  puis  trieiinalr«. 


CHAPITRE    SIXIÈME.  Udl 

des  procureurs  généraux  de  ces  corts  ou  députés. 

Les  deux  comtés  dépendaient  encore  de  la  Catalogne 
en  ce  qui  concernait  Tofiice  du  maître  rationnel  ou 
grand  trésorier.  Quant  à  ce  qui  tenait  au  régime  local, 
le  Roussillon  et  la  Cerdagne  étaient  placés  sous 
Tautorité  d*un  gouverneur  général  dont  le  tribunal , 
sous  le  nom  de  gubernacio  (  gouvernement  ) ,  siégeait 
à  Perpignan.  La  haute  police  des  deux  comtés  et  les 
grandes  aflaires  du  commerce  appartenaient  à  cette 
juridiction,  qui  recevait  en  outre  le  serment  de  tous 
les  officiers  royaux,  connaissait  de  toutes  leurs  causes, 
accordait  les  lettres  de  révision  et  de  restitution  en 
entier,  donnait  des  sauvegardes  et  des  lettres  de  ma- 
nutention ,  réprimait  les  entreprises  des.  supérieurs 
ecclésiastiques ,  et  pouvait  évoquer  à  elle  les  causes 
des  seigneurs  titrés.  Par  le  ministère  d*un  assesseur  et 
de  sept  gradués,  la  gahemacio  exerçait,  jusqu'à  ime 
certaine  somme,  une  juridiction  souveraine  sur  les 
matières  soumises  à  sa  décision. 

Perpignan  avait  une  chambre,  dite  du  re<d  fatri- 
moni  ou  domaine  royal  :  c'était  la  cour  du  procureur 
royal.  Cet  officier  réunissait  dans  sa  chaîne  les  attri- 
butions de  procureur  féodal ,  de  capitaine  des  ports 

et  elles  se  tinrent  ensuite  plus  rarement.  Les  décisions  qoe  prenait  le 
roi,  de  concert  avec  les  corts  étaient  des  Ion.  Si  dans  llmervalle 
des  sessions  le  besoin  exigeait  que  le  roi  rendit  quelque  ordomiaace 
d'administration  générale,  cette  ordonnance  portait  le  nom  dtprag- 
maikiwe  et  n'avait  de  valeur  que  jntqn'à  la  prodiaine  réunion  des 
corts.  'i    >    ■ 


Vvl  LIVKK:   QUATRIEME. 

tant  de  terre  que  de  iner^  de  maître  des  eaux  et 
forets ,  et  de  commissaire  des  amortissements.  Le  pn>- 
(*ureur  roval  administrait  tous  les  biens  domaniaux, 
en  recevait  les  revenus,  citait  cliargé  de  Tentretien  des 
bâtiments  royaux ,  de  la  solde  des  officiers  du  prince, 
et  exerçait  une  juridiction  civile  et  criminelle  sur 
toutes  ces  matières  :  Tappel  de  ses  jugements  était 
]M>rté  à  l'audience  royale.  Le  tribunal  du  procureur 
royal  se  composait  d'un  assesseur,  d  un  avocat  du  rot, 
d'un  procureur  du  roi  et  de  quatre  consultants. 

Lors  de  la  révolution  de  Catalogne,  Louis  XIII 
venant  en  personne  au  siège  de  Perpignan,  laudience 
royale  et  la  députation ,  qui  ne  devaient  pas  se  séparer 
du  roi  tout  le  temps  qu'il  était  dans  la  province, 
s'étaient  rendus,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  auprès  de 
sa  ])ersonne  en  Koussillon.  Après  le  départ  de  ce 
prince,  elles  retournèrent  à  Barcelone.  Mais  bientôt 
la  Catalogne  reprit  l'obéissance  de  son  souverain,  et 
les  deux  comtés  restèrent  seuls  sous  la  main  des 
Français.  Alors  cbacun  des  deux  rois ,  qui  s'intitulait 
également  comte  de  Barcelone,  de  Koussillon  et  de 
Cerda<^e,  nommant  ses  officiers  militaires  et  de 
justice,  il  y  eut  un  vice-roi  espagnol  et  un  vice-roi 
fraiirais ,  une  audience  royale  «^  Ban*elone  et  une  à 
Perpignan ,  (|ui  prit  le  nom  de  conseil  royal.  Celle-ci 
fut  composée  de  ceux  des  conseillers  de  l'audience  de 

*  On  doiiiif  le  mmi  fl«'  |>orta  ëux  fh'lili's  t{r%  iiiuntagneft  qui  donami 
sLi{è%  k  fiiflVmite»  valloi'S ;  les  anriri»  les  a|t|H*laietit  fiori* 


CHAPITRE   SIXIÈME.  ^M 

Barcelone  qui ,  trop  compromis ,  n  avaient  pas  voulu 
rentrer  sous  la  domination  de  Philippe.  Il  y  eut  aussi 
un  maître  rationnel  dans  les  deux  capitales.  Cet  état 
de  choses  subsista  jusqu  à  la  paix.  A  celte  époque , 
Louis  XIV  donnant  une  organisation  définitive  à  la 
province  qui  restait  unie  à  sa  couronne ,  il  chercha  à 
combiner  pour  elle  un  gouvernement  qui ,  sans  trop 
s*écarter  de  celui  que  lui  assuraient  ses  constitutions , 
se  rapprochât  cependant  aussi  de  celui  des  autres 
provinces  du  royaume.  La  charge  de  vice-roi,  qui 
n  avait  pu  être  que  temporaire,  fut  remplacée  par 
celle  de  gouverneur  générai  des  deux  comtés,  comme 
il  en  était  sous  le  régime  espagnol,  et  le  comte d*Ây en, 
qui  en  fut  investi ,  eut  sous  lui  un  lieutenant  général, 
qui  retint  d'abord ,  de  Tusage  espagnol ,  le  titre  de 
capitaine  général ,  abandonné  ensuite  et  remjdacé  par 
celui  de  commandant  de  la  province. 

Les  quatre  juridictions  de  la  gubemadon ,  de  la 
députation ,  du  procureur  royal  et  du  maître  rationnel 
ou  grand  trésorier,  Auvent  supprimées  en  même  temps 
que  celle  de  Taudience  royale  ou  conseil  royal,  à 
laquelle  elles  se  trouvaient  subordonnées,  et  de  la 
fusion  de  ces  cinq  cours  on  en  créa  une  nouvelle  qui, 
sous  le  nom  de  conseil  souveraia,  remplit  pour  ije 
Roussillonrof&ce  des  cours  de  parlement.  Le  i  o  juillet 
1660  révêque  d'Orange,  Sferroni,  ayant  été  député 
par  le  cardinal  Mazarin  pour  installer  ce  nouveau 
f'onscil,  il  réunit,  d'une  part,  don  François Sagaira , 


VïU  LIVRK   QUATRIEME, 

gouverneur  spécial  du  Roussillon  ^  et  avec  lui  les  trois 
Tneuihrcs  du  tribunal  de  la  gubernacion ,  le  procureur 
royal ,  avec  les  autres  membres  de  la  cour  du  domaine 
et  le  grand  trésorier;  d'autre  part,  don  Joseph  Fon- 
tanella^,  régent  delà  chancellerie,  avec  les  sixmembres 
de  Taudicnre  royale  de  Barcelone ,  qui  étaient  restés 
en  Franco^,  et  il  leur  communiqua  Tédit  donné  à 
Saint-Jean-de-Luz ,  le  1 8  du  mois  de  juin  précédent, 
portant  dissolution  de  leurs  tribunaux  et  juridictions. 
Immédiatement  après  que  le  notaire  Albafulla  eut 
dressé  acte  de  Tadhésion  donnée  k  cet  édit  par  les 
personnes  ainsi  réunies,  Serroni  donna  communication 
dun  second  édit  du  même  jour,  portant  création  d*un 
conseil  souverain,  qui  fut  organisé  immédiatement, 
tt  pour  connaître  de  toutes  les  aflain*s  de  la  connais- 
usanrc  qui  appartenait  au  conseil  royal  et  tout  juger 
«  souverainement  et  en  dernier  ressort ,  suivant  les 
«lois  et  ordonnances  du  pays,  et  y  procéder  autant 
«  (pnl  se  pourra  en  la  forme  et  manière  qui  se  pra- 

'  (>  titre  de  gouverneur  lui  est  (lonn6  [>ar  le  roi  «Idiis  une  lettre  du 
ih  juin  i65^. 

^  Foiitanella  ^tait  filsi  d^in  célèbre  jurisconsulte  de  ISarcHone ,  n- 
gardé  coniinr  le  llanibeau  du  barreau  de  (Catalogne.  Il  ctait,  en  i64i , 
l'un  des  tn>is  anM'Sseur^  de  la  «Imputation  ,  et  relui  i]ui  par  son  inérite 
et  si's  talent!«  avait  If  plus  contribut-  A  faire  n'Mer  le  Rtiussillon  siius  U 
domination  rranrtii!ie.  l/)uis  Pavait  envoyé  rommi*  négociateur  au  ooii- 
UnVsde  Munster;  il  le  rn'*a  vicouite  eu  avril  it>.^9. 

'  Ccii  s\\  nieinbn-s  fiaient  :  Pliilip|>e  dr  <!u|)(ins,  JiiM'pli  (Jucrall, 
FranroisMnrti  v  Viiladuinar,  Nii-ola^  Manalt,  f.sidon'  Prat.  et  KavnionJ 
'rn»b.-il 


CHAPITRE   SIXIÈME.  445 

«  tique  dans  les  autres  cours  souveraines  du  royaume; 
«  se  réservant  néanmoins  S.  M.  de  changer,  réfonner, 
c(  amplifier  lesditeslois  et  ordonnances,  ou  dy  déroger 
M  ou  les  abolii'  ou  d'en  faire  de  nouvelles  et  tels  r^le- 
M  ments ,  statuts  et  constitutions  qu  elle  verra  être  plus 
a  utiles  et  avantageuses  à  son  service  ou  au  bien  de  ses 
a  sujets.  » 

Pour  donner  au  gouverneui*  général  de  la  province 
la  faculté  d'avoir  entrée  au  conseil  souverain ,  à  l'imi- 
tation du  droit  dont  jouissaient  les  vice-rois  de 
Catalogne  de  siéger  à  Taudience  royale,  le  roi  ordomia 
que  ce  gouverneur,  quand  il  lui  plairait  de  s  y  rendre, 
aurait  place  avec  le  premier  président,  prenant  celle 
que  le  roi  occuperait  lui-même,  s'il  était  présent,  et 
opinant  le  dernier,  sans  pouvoir  recueillir  les  voix, 
signer  les  arrêts  ni  faire  aucune  fonction  de  la  charge 
de  président.  Le  docteur  François  Sagarra,  gouverneur 
du  Roussillon ,  fut  créé  premier  président  à  mortier 
de  cette  nouvelle  cour,  dont  Joseph  Fontanella  fut 
premier  président.  Quant  aux  fonctions  de  procureur 
général,  elles  furent  confiées  à  trois  Français  successi- 
vement ;  le  premier  fut  le  sieur  de  Maqueron,  nommé, 
comme  les  autres  membres  de  la  nouvelle  cour,  par 
provisions  du  i  o  juin  1 660,  et  qui  remplit  en  même 
temps  la  charge  d'intendant  de  la  province.  Ses  deux 
successeurs,  le  sieur  Carlier  et  le  sieiu*  Camus  de  Beau- 
lieu  ,  réunii^cnt  aussi  à  leur  charge  celle  d'intendant  : 
enfm  h  la  mort  de  ce  dernier,  en  1704,  les  fonctions 


tifif}  LIVRE    <^LjATIUKME. 

de  procureur  général  turent  confiées  au  sieur  Desprét, 
Roussillonnais  d  origine  française,  qui  obtint  des  dis- 
penses parce  que  son  oncle,  le  chanoine  Després, 
siégeait  h  la  même  cour  en  qualité  de  conseillera  Don 
Marti  de  Villadomar,  nommé  avocat  général  le  lo  de 
juin,  fut  secondé  deux  mois  après,  dans  ces  fonctions, 
par  Raymond  de  Trobat,  qui  en  1680  fut  nommé 
président  de  cette  cour  et  intendant  de  la  province*. 

Lne  des  premières  opérations  dont  eut  à  s*occuper 
le  conseil  souverain,  ce  fut  de  procéder,  par  l'ordre  du 
roi ,  à  renregistrement  du  code  des  constitutions  de 
Catalogne ,  ce  que  Tédit  de  création  désignait  par  lois 
et  ordonnances  du  pays,  qui  continuaient  à  former  le 
code  nmnicipal  du  Roussillon. 

Le  conseil  souverain  eut  aussi,  plus  tard,  dans  ses 
attributions  la  connaissance  des  refus  de  la  cour  de 
Rome,  ainsi  que  les  bulles  et  provisions  de  bénéfices 
ecclésiastiques  de  nomination  royale,  connaissance 
qui  dans  le  reste  du  royaume  était  réservée  au  grand 
conseil  :  cette  e\ce|)tion  fut  fondée  sur  ce  principe  que 

'  Arch.  durontfiî  souvmtin .  an  [jrrffr  f/ii  tribunal  tie  Pfrpiynan.  CTesl 
:i  tort  qu'on  a  impriiiit' flans  la  iStatiMîquede»  rlr|iartenifntB  pyrénétiift, 
qu'a  la  iTc*uti(in  dv.  celte  cour  souveraine  les  fonctions  import«nlei dt 
i)rr»run'ur  gcncral  furent  ronfif-fii  à  un  notaire  «le  \illage,  par  la  Mnlc 
raiv)n  qu*il  comprenait  et  parlait  la  langue  fram  aise. 

'  O  Raymond  de  Trobat,  dont  les  provinion^  d'a\cKat  généni  loal 
du  G  d'août  1 8G0,  avait  i'iv  ap|»^lë  par  Matarin  pour  raasiïitvr  aux  coa- 
ftTenre^dr  l'ilf  des  Faisant,  n  raiM>n  de  la  connaissance  |Mirfaite  qu'il 
avait  de  la  tnp(>;;riphie  des  deux  comtés  de  Roussillon  et  de  Cerdagnr. 
Vovei  les  Ijettres  de  ce  cardinal -ministre,  loni.  II. 


CHAPITRE   SIXIÈME.  kkl 

ules  évocations  n*ayant  pas  lieu  en  Roussiilou,  le 
tt  grand  conseil  ne  pouvait  y  avoir  de  juridiction  ^  » 
Comme  cette  même  cour  connaissait  souverainement 
des  appels  de  toutes  les  justices,  tant  royales  que  sei- 
gneuriales ,  dans  toute  l'étendue  de  la  province ,  on  lui 
portait  aussi  ceux  du  consulat  de  mer  de  Pei^ignan. 
Par  dérogation  aux  privilèges,  un  édit  du  mois  de  mai 
1711^  avait  transporté  au  parlement  de  Toulouse  la 
connaissance  des  appels  de  Tamirauté  de  Collioure* 
Cet  abus  fut  réparé  par  une  déclaration  du  10  dé- 
cembre 1718,  portant  que  «  suivant  les  constitutions, 
u  lois  et  pragmatiques  du  RoussiUon ,  les  habitants  ne 
a  peuvent  être  traduits  hors  de  leur  ressort.  » 

L* ancienne  cour  du  domaine  royal  de  RoussiUon , 
fondue  dans  celle  du  conseil  souverain  par  Tédit  de 
1 660,  en  fut  séparée  de  nouveau  en  vertu  de  lettres 
patentes  du  20  novembre  166a.  Elle  fut  érigée  alors 
en  consistoire  du  domaine»  qui  eut  pour  directeur 
général,  avec  attribution  souveraine,  ce  François 
Sagarra  qui  était  premier  président  k  mortier  du  con- 
seil souverain  et  gouverneur  du  RoussiUon.  Par  lettres 
de  cachet  du  q  6  février  suivant  le  roi  adjoignit  à  ce 
directeur  général  deux  avocats  généraux  et  un  pro- 
cureur général.  A  la  mort  de. Sagarra,  sur  la  tête  de 
qui  on  avait  accumulé  beaucoup  de  titres  et  d'honneurs, 
le  roi  rendit  un  nouvel  édit  (  1688),  portant  que  «la 

^  Déclaration  <lu  1 5  juin  1713. 
*  Arch.  Dom. 


ViM  LINHK    QLATIUKMK. 

M  .srparatioii  dr  juridiction  du  consistoire  du  domaine 
«roviii  (le  Koussilloii  de  la  ruur  du  conseil  sonveraih 
«  delà  provin(*e.  excitant  des  divisions  et  de  la  jalousie 
(t  |)anni  les  ju^cs  de  ce  conseil,  »  il  en  o|)/>rait  de  nou- 
veau la  réunion  h  cette  cour ^  Ija  chambre  du  domaine 
du  conseil  souverain  connaissait  de  toutes  les  affaires 
des  eaux  et  forets,  dont  il  n'y  avait  pas  de  maîtrise  en 
lloussillon.  Ses  archives  sont  encore  les  plus  impor- 
tantes de  la  province,  bien  qu'elles  aient  été  mutilées 
à  diverses  époques. 

La  vénalité  n'avait  |)as  lieu  pour  les  charges  du 
conseil  souverain,  ni  pour  les  autres  ofTices  de  juri- 
diction ordinaire:  les  seules  places  de  ^rellier  pouvaient 
être  achetées'-. 

En  accordant  le  droit  de  coninniiie  à  Perpignan, 
Podre  ilF  lui  avait  pareillement  concédé  celui,  inhérent 
à  cet  aflranchisseiuent,  de  pouvoir  venger  par  les 
armes  ses  propres  querelles,  l'ne  conséquence  de  re 
droit   était,   pour   ses  habitants,  le  privilège  d'être 

'  (If  ttr  chambre  du  iloiiiainc  rn>ai  «'prouva  viicurv  d  autres  modîG- 
lalinnH,  Kin^  ccr^srr  toulrfnin  i\v  lAÎrr  piirli»'  du  ntiisoil  snuvrrain.  En 
1737,  pour  fairr  irirrricr  i^^noral  du  n»i,  il  fui  rtablî  un  comtiritMÎiv 
du  doinaniL*  à  vir.  Le  17  juin  17.XJ  cvUe  juridiiiiou  lui  compoaécil'ttii 
pn'Nidc'iit ,  de  drii\  conseillent  rt  d  un  ppM-nrrnr  du  nû.  (le  Mint  les  ar 
(lii\rs  do  crtti'jui'itlii'tiriii  tpu'  n«>us  dt->i;^iiiin>  jtai  Anh.  Dom. 

'  En  iti^â  et  m  1700  le  nii  rejeta  ie^  pni|wiMtion5  qui  lui  ftaienl 
l.iiteH  |N»iir  ériger  en  rlKir^ea  \êiiali'9  I<*h  uHifen  du  ctiniieîl  «niiverain. 
I..1  c«>nl|»,l^nie  di-»  trailrfiilo  iniiil  Dllert.  puni  •  i-l  idijri .  uni*  ><imnir  di- 
<rni%  rent  mille  ixu*'  sur  \*->  jnriditiiiiii*>  M'i-tiuiliUre^  ilu   Roussillun 
V  iivr;  la  iW'li*  \ 


CHAPITRE    SIXIÈME.  ^^i9 

toujours  annés,  celui  de  se  défendre  eux-mêmes  contre 
Tennemi  extérieur  et  de  ne  recevoir  dans  leur  pays  de 
force  étrangère  que  sur  leur  demande ,  quand  ils  ne  se 
regardaient  pas  comme  assez  forts  pour  repousser  un 
ennemi  trop  supérieur.  Le  premier  consul  de  la  ville 
était  de  droit  colonel  de  la  population  armée.  Par  édit 
du  7  mai  i  liUS  Alphonse  IV  avait  attribué  à  ce  ma- 
gistrat la  garde  des  clefs  de  la  place ,  tant  en  temps  de 
paix  qu'en  temps  de  guerre  S  et  Ferdinand  II  Tavait 
institué  capitaine  général  de  la  ville  et  de  son  ter- 
roir, disposition  qui  fut  confirmée  par  Gharies-Quint , 
le  19  novembre  iSSy;  enfin,  le  1 3  juillet  iSgg, 
Philippe  III  avait  prescrit  à  ses  généraux  en  Roussillon 
de  ne  rien  entreprendre  sans  la  participation  du  premier 
consul  de  Perpignan^.  Ces  distinctions  si  honorables 
et  si  flatteuses,  accordées  au  premier  citoyen  de  la  ville, 
étaient ,  en  quelque  sorte ,  une  conséquence  du  droit 
qu  avait  la  population  de  se  garder  elle-même ,  et  ce 
droit  était  précieux  pour  la  couronne.  Ce  n* était  pas, 
en  eflet,  un  petit  avantage  pour  le  souverain,  que 
d  avoir  les  frontières  de  ses  états  couvertes  par  une 
population  qui  se  chargeait  de  veiller  elle-même  à  sa 
propre  sûreté,  qui  mettait  tout  son  amour-propre  dans 
ce  glorieux  devoir,  et  qui  se  montrait  toujours  prête  à 
tous  les  sacrifices,  pour  prouver  qu'elle  méritait,  sous 
ce  rapport,  la  confiance  entière  du  monarque. 

'   Livre  vert  mij. 

^  Livre  vert  maj.,  livre  vert  min. 

11.  39 


/ir>0  LIVRE   QUATIUÈMK. 

l/amieiiipiit  âv  la  population  de  Perpignan  néuit 
donc  pas  seulement  un  droit ,  rVtait  pour  elle  une 
obligation  résultant  de  ce  droit  même.  Les  consnls 
étaient  chargés  de  veiller  k  ce  que  les  armes  dont  les 
habitants  étaient  tenus  d  être  toujours  pourvus  fussent 
constamment  en  bon  état,  et  nous  avons  parlé,  au 
chapitre  m  du  livre  troisième  de  cette  histoire,  de 
l'espèce  d^annes  que  tout  (*hel'dc  maison  devait  aYoir 
h  sa  disposition.  Les  ecclésiastiques  n*étaieiit  [Ms  eui- 
mêmes  exempts  du  service  militaire  civil  :  on  voit  au 
code  des  constitutions  de  Gitalognc ,  qu*au.\  corts  de 
Itiircelone  de  i3G9  Pèdrc  iV  ordonna  aux  clercs  de 
Perpignan  de  faire  des  approvisionnements  d  armes  et 
d'attirail  militaire;  nous  avons  vu  les  prêtres  de  Saini 
Jean  chargés  de  la  défense  d'un  poste,  lors  de  la  ten- 
tative de  surprise  de  Perpignan  par  Ornano,  et  plus 
lanl  on  voit  encore  ceux  de  Puycerda  défendre  vaii- 
lamment  la  brèche. 

Les  populations  armées  de  la  Catalogne  et  du  Ilous 
sillon  devaient  voler  an  secours  du  prince  h  son  pre 
mier  appel.  In  article  des  usages  de  Itarcelone,  qui 
faisait  loi  pour  toute  la  province,  leur  imposait  le  de 
voir  de  coin-ir  h  sa  délense  pei*soniielle  ou  h  celle  de 
ses  états,  dès  qu'elles  a|)prenaient  (|ne  quelque  danger 
les  menaçait.  ((  Si  le  prince,  dit  cet  article,  par  quelque 
M  cas  que  ce  soit ,  se  trouve  assiégé ,  ou  s'il  tient  nu^me 
uses  cnnenus  assicgi's.  (|iii(M)M<|ni*  entendra  dire  que 
*'  (luelque  |)rince  marche  contn*  lui  pour  lui  faire  la 


CHAPITRE    SIXIÈME.  451 

«guerre  ou  pour  attaquer  ses  états,  drs  qu*il  en  sera 
«  averti  par  des  lettres  ou  des  messages  ou  par  des  feux 
u  allumés ,  suivant  Tusage  du  pays^;  soit  clievalier,  soit 
«fantassin,  ayant  lage  requis  pour  combattre,  qu'il 
«  marche  à  Tinstant;  et  s'il  y  manque  le  pouvant  faire, 
u  qu'il  perde  à  jamais  tout  ce  qu'il  tient  du  prince  ;  et 
«  pour  réparer  ce  manquement  à  ses  devoirs ,  qu'il 
«  prête  foi  et  hommage  siu*  les  évangiles ,  car  nul  ne 
«  doit  faillir  au  prince  en  si  grand  péril  et  nécessité^,  n 
Cet  article  était  désigné  sous  le  titre  de  Princepsnanufne, 
mots  par  lesquels  commence  le  texte  latin. 

Jusqu'au  xv*  siècle  cet  article  du  Princeps  namque 
avait  suffi  seul  pour  couvrir  de  bandes  de  paysans 
armés  les  terres  de  la  Catalogne,  à  l'approche  de 
l'ennemi  ;  plus  tard  l'organisation  militaire  de  l'Europe 
éprouvant  de  grands  changements ,  des  modifications 
durent  être  apportées  dans  le  système  d'appel  aux 
armes  de  la  population.  A  cette  époque ,  au  lieu  de  ces 
secours  temporaires  d'hommes  et  d'argent  que  les 
souverains  avaient  jusque-là  demandés  à  leurs  peuples 
au  moment  même  de  faire  la  guerre,  ils  commencèrent 
à  avoir  des  troupes  régulières  et  des  subsides  perpé- 
tuels. Auparavant  les  levées  ne  restaient  sur  pied  que 
pendant  la  durée  de  la  guerre;  à  la  paix  chacun  rentrait 
dans  ses  foyers;  vers  le  xv*  siècle  on  forma  des com- 

^  Ces  feux  étaient  allumés  sur  les  tours  de  gard«  ou  tUaUtyos  des 

montagnes. 

*  Constitut  de  Catal. 


/j:)2  LIVKK  Ql  atuikmk. 

pa^nios  llxivs ,  rt*staiit  sous  les  drapeaux  eu  temps  de 
paix  roinuK*  vu  ttMiips  do  guerre,  et  on  put,  par  re 
uioycii,  laisser  des  «^(irnisous  pennanentes  dans  les 
plares  l'enuées.  A  la  suite  de  ehangement  de  système 
dans  la  eoni position  des  eorps  armés  des  nations. 
Alplionse  IV  or*îanisa  d'une  nouvelle  manière  l'arme 
ment  spontané  de  la  population  militante  de  ses  états. 
Aux  eorts  de  Bareelone  de  i  ^'i2  il  établit  ee  qu*on 
appela  somet(*n  général ,  par  op|iosition  au  someten 
saeramental,  institué  en  ï*i()i  par  Jayme  II,  pour 
rrxteiinînation  des  hrigîuids  qui  iiilestaient  alors  toute 
ladatalo^iie  ^  Kn  vertu  de  retle  organisation  nouvelle, 
dés  rpie  reiuieini  paraissait,  tous  les  habitants  des  trois 
eointés  devaient  prendre  les  armes  ati  eri  public  fait 
par  ordre  du  roi,  et  marrlier  sous  la  eonduitc  de  leurs 
oflfieiers  nnuiicMpaux  et  sous  les  ordres  de  leur  viguier. 
Ainsi  réunis,  ils  ne  |)ouvai(*nt  plus  se  séparer  que  quand 
le  roi  le  leur  permettait.  Outre  ees  levé«?s  en  masse  de 
la  population,  le  menu*  roi  or};anisa  les  levées  parti- 
euliéres  que,  sous  le  nom  d'Iiost  et  eavaleade,  les 
sei^^ururs  avaient  Ir  droit  d'exij^er  de  leurs  vassaux 
pour  leur  garde  persoimelle  aussi  bien  que  pour  celle 

'    1^1'  mot  soin* Un»  corriipltoii  tir  snnum  rnùUens,  i-\|iriiiiv  la  mrmc 
cliosi'  que  iiiilrr  iii<it  inmui.  qui  \iriit  du  wrhr  Itufwr  lrdp|M*r,  rt  lic  SM 
I  M'/Miini ,  nom  qu'on  dunii.iil  .iririfiiiirinriil  .iiiK  l)<*ITnHS  ;    1^  juriscnn 
siiltf  .l:irf|iii:H  dr  (.iili»  .1  ctTit  1111  TriUti-  sur  l'ori<;iiu*.  ic^  inotiU  et  Vur 
gaiiivilidii  du  Ktumti'n  .  \t\\ri  il»ii9  x-n  (4''.u\r4*N  ii*  bivùlartum  joni  rmisn 
L).-iiis  l'>i|>|>  iiatioii .  tôt  .un  v\\  l\i|qii') .  rt  %"nultn  \v  rroulljt  de  l'.ippi'l , 
qui  M-  l.ii-«.iil  piir  tiii'i' 


CHAPITRE    SIXIÈME.  455 

du  prince  même.  C'est  au  moyen  de  cette  constitution 
guerrière  que  nous  avons  vu  les  Roussillonnais  et  les 
Catalans  résister,  avec  leurs  simples  ressources,  aux 
efforts  des  armées  régulières  que  la  France  envoyait 
contre  eux. 

Dans  le  traité  de  Péronne ,  par  lequel  Louis  XIU 
acceptait  le  titre  de  comte  de  Barcelone,  il  avait  été 
dit  que  la  Catalogne  lèverait,  pour  tenir  lieu  du 
someten  général  et  du  droit  d*host  et  de  cavalcade , 
un  corps  de  cinq  mille  hommes  d*infanterie  et  de  cinq 
cents  chevaux  qu'elle  entretiendrait  jusqu'à  la  fin  delà 
guerre.  Le  Roussillon  restant  français  par  la  paix  des 
Pyrénées,  le  contingent  qu'il  devait  fournir  à  ce  corps 
de  troupes  catalanes  fut  organisé  en  mi  régiment  qui 
porta  d'abord  le  nom  de  royal-Mazarin ,  et  qui  prit 
ensuite  celui,  plus  convenable,  de  royal-Roussillon. 
En  1696  la  portion  de  milice  fournie  par  la  ville  de 
Perpignan  fut  organisée  en  un  régiment  de  deux 
bataillons,  ou  vingt  compagnies  de  cinquante  hommes, 
dont  les  capitaines  étaient  choisis  par  les  consuls 
parmi  les  chevaliers  et  les  citoyens  nobles  :  le  premier 
consul,  qui  avait  toujours  été  le  chef  de  la  population 
armée  de  la  ville,  continua  à  être  colonel  de  ce  régi- 
ment uri)ain.  Cette  organisation  fut  confirmée  par  des 
ordonnances  rendues  le  1  o  novembre  1  ^33 ,  le  1 3  de 
janvier  1  y/jS  et  le  i*'  mai  lySG.  La  première  de  ces 
ordoniiaii(M\s  rendit  à  cette  milice  le  nom  de  someten 
de  Perpignan ,  et  lui  donna  pour  lieutenantKïolonel  un 


kbk  LIVRE   QUATRIÈME. 

citoyen  delà  première  classe.  Son  drapeau  portait  pour 
devise  :  régi  suo  semper  JHelissiina.  On  organisa  de  la 
même  manière  un  someten  des  autres  miiicea  de  h 
province ,  qui  furent  réparties  en  trente-quatre  com- 
pagnies, pour  la  garde  des  huit  places  fortes  du  Roiw- 
sillon  ^  Ce  someten  était  tenu  de  marcher  ma  cri 
public  fait  par  Tordre  du  capitaine  générai  de  la  pro- 
vince. Quand  ces  milices  remplaçaient  dans  les  forti 
les  garnisons  de  troupes  réglées  appelées  à  farmée, 
elles  leur  étaient  assimilées  et  recevaient  la  même 
paye  qu'elles. 

Anne  de  Noailles,  fds  de  François  de  Noailles,  comte 
d*Ayen,  qui  avait  été  gouverneur  général  deRousnlloB 
et  pays  conquis,  depuis  la  révolution  de  Catalognet 
fîit  nommé  gouverneur  général  de  la  nouvelle  provinea 
de  Roussillon,  le  i*  février  1 660,  et  créé  duc  et  pair 
en  décembre  1 663.  Ayant  donné  sa  démission  de  tas 
charges  et  dignités  en  faveur  de  son  fils ,  AnneJulef , 
ce  gouvernement  passa  sur  la  tète  de  celui-ci,  qui,  en 
1 697,  le  transmit  de  la  même  manière  à  Adrien-Mail- 
rice,  son  fils.  Le  gouvernement  de  Roussillon  se  per- 
pétuant ainsi  dans  cette  famille,  le  duc  d*Ayen,  depuis 
duc  de  Noailles  et  maréchal  de  France ,  fils  d* Adrien- 
Maurice  ,  en  obtint  à  son  tour  la  survivance  le  9  fe- 
vrier  1718,  à  Tàge  de  cinq  ans,  et  le  conserva  juaqu*à 
la  révolution. 

^  Cv  M»nt  :  G»llioun*.  Ir  fort  Sainl-FJnif,  Belirgarde,  le  fort  de» 
Bains,  PraUnle-Mollo,  Hal»«a,  Villefranch«et  MontloQ». 


CHAPITHË   SIXIEME.  455 

Sous  le  gouverneur  général ,  il  y  avait  un  capitaine 

général  ou  commandant  de  la  province,  qui  fut  d'abord 

un  sieur  de  Chouppès,  remplacé  en  1 66 1  par  le  sieur 

deChâtillon^ 

Trois  ans  s  étaient  écoulés  depuis  que  le  Roussillon  i663. 
était  devenu  français,  et  toutes  les  branches  de  Tad- 
rainistration  publique  étaient  oi^nisées.  Des  grandes 
familles  du  pays,  les  unes,  voulant  se  maintenir  sous  la 
domination  de  TEspagne  ,  avaient  transféré  leur  do- 
micile de  Tautre  côté  des  Pyrénées ,  les  autres  s'étaient 
soumises  à  vivre  sous  le  régime  firançais.  Celles-ci 
devaient  jurer  d observer  les  lois  de  leur  nouvelle 
patrie  :  la  première  de  ces  lois  était  la  fidélité. 
Louis  XIV  exigea  ce  serment ,  qui  fut  reçu  le  3  du  mois 
de  décembre  1 663 ,  parle  viguier  de  Roussillon,  pour 
les  familles  nobles  de  Perpignan^.  A  cette  époque, 
Louis ,  débarrassé  par  la  mort  de  Mazarin  de  la  tuteUe 
des  premiers  ministres'^,  ne  gouvernait  plus  que  par 
lui-même. 

*  Les  autres  commandants  de  la  province  furent,  les  sieurs  de  Chas- 
seron,  en  i68i  ;  de  Quinson,  en  1698;  de  Fimar^'on,  en  1713*,  de 
Caylas,  en  1 780 ;  de  Rocosel ,  ea  1  ^36 ;  de ChasieUm ,  en  1 739;  d'An- 
gier,  en  1743 ,  et  de  Mailly  en  1749. 

*  Voici  ta  formule  de  ce  serment:  <N.  ha  promesdeserbon  y  fael 

•  vassal  del  rey  nostre  senyor  christianissim|^que  Deu  guarde,  y  de  no 

•  prendre  diners  ni  acceptar  dadivas  ni  gratificacîons  de  nîngns  princeps 

•  forasters,  sens  expressa  licencia  de  dita  S.  M.  y  que  donin  toit  los 
«  avisos  que  sabra  que  saran  contra  sa  corona ,  als  officiais  de  dita  S.  M.  • 
{Arch.  Dom.) 

'  Mazarîn  était  mort  le  9  mars  1661 . 


i-iG  LIMiK   QIATKIEME. 

Cettr  iiiênie  aiiiire  1 663 ,  prrit  à  Perpignan ,  de  la 
main  du  bourreau ,  la  romme  de  François  de  Foî\  et 
de  lk*arn ,  Tune  des  branches  de  la  maison  de  Foix  et 
de  Caudale,  établie  en  Roussillon  depuis  Louis  XP. 
Cette  dame ,  accusée  d'avoir  fait  assassiner  son  amant, 
de  qui  elle  avait  éprouvé  un  sanglant  outrage ,  fut  dé- 
capitée sur  la  place  de  la  l^oge.  Elle  avait  supporté  la 
question  sans  rien  avouer,  et  ne  Tutcondamnée,  dit-on, 
que  sur  des  indices  assez  vagues  et  qui  n'étaient  point 
assez  probants*'. 
i665.  Le  mariage  de  Louis  XTV   avec  Tinlante  Marie- 

Thérèse  était  une  des  conditions  du  traité  des  Pyré- 
nées :  cette  alliance ,  recben*hée  dans  des  vues  inté- 
ressées ,  ne  pouvait  pas  présager  aux  peuples  un  long 
repos.  Bien  qu avant  de  consentir  à  cette  union. 
TEiSpagne  nVùt  ri(*n  négligé  pour  i'aire  renoncerlajeune 
princesse  à  toutes  espérances  sur  riiéritage  paternel; 
comme  au  moment  où  on  lui  avait  lait  signer  ces  re- 
nonciations Tinfante  éLiif  mineure,  et  cpie  les  engage- 
ments pris  de  cette  manière  étaient  nuls  devant  la  loi, 
le  roi  de  France  n^ivait  pas  manqué,  dès  qu'il  fut  son 
époux,  de  protester  contn*  la  violence  de  l'autorité 
paternelle  .sous  Tempire  dt*  laquelle  les  renonciations 
avaient  été  si«;nées.  Pliilippr  IV  moui  ut  le  i  y  septem- 
bre I  665  ,  laissant  son  .sceptre  i^  (iharlesll,  son  fds, 
qui  avait   à  peine  complété  sa  quatrième  ainu'^e.  A  la 

lloscli,  TUuli  tir  h'tnni.  n    i  i  .t. 
'    \iiM-liiir,   Ui>t.  fjrnrttininqui  ,  tnni    \\\. 


:     t- 


i6fi;. 


CHAPITRE    SIXIÈME.  ^57 

nouvelle  de  cette  mort,  Louis  s*empressa  de  réclamer 
la  reconnaissance  des  droits  de  sa  femme  à  la  souve- 
raineté du  Brabant,  qui  d  après  les  lois  particulières  du 
pays  devait  revenir  au  premier  des  enfants  de  Philippe 
à  Texclusion  de  ceux  du  second  lit.  La  royale  veuve , 
Marie-Anne  d'Autriche,  régentedu  royaume  d'Espagne, 
refusa  de  reconnaître  ces  droits,  et  Louis  se  prépara 
à  les  soutenir  par  les  armes. 

La  guerre  qui  commença  en  1667  se  fit  principa- 
lement dans  les  pays  contestés;  ce  ne  fut  qu'accessoi- 
rement qu'elle  s'étendit  aux  frontières  des  Pyrénées. 
Le  jeune  roi  de  France ,  à  la  tête  de  son  année,  et  sous 
la  direction  du  vicomte  de  Turenne,  débuta  par  la 
prise  de  Charleroi ,  et  fit  de  rapides  progrès  dans  les 
Pays-Bas.  Du  côté  du  Roussillon,  Tattaque  vint  des 
Elspagnols.  Au  mois  d'août  le  duc  d*Ossuna,  vice-roi 
deCatalogne,  sortit  de  Puycerda  avec  quelques  troupes, 
traversa  le  Conflentet  le  Roussillon  dégarnis  desoldats, 
soumit  les  bourgs  et  villages  ouverts,  et  se  porta  devant 
Bellegarde.  En  novembre  i668  il  y  eut  entre  les  «6««- 
paysans  du  Vallespir  et  les  Français  une  affaire  assez 
vive,  mais  qui  n'était  que  la  suite  de  mouvements  sé- 
ditieux qui  avaient  éclaté  au  mois  de  mai  de  Tannée 
précédente ,  et  auxquels  avait  donné  prétexte  l'impôt 
sur  le  sel ,  qui ,  par  les  constitution^  de  Pèdre  II  et  de 
Jayme  II,  ne  pouvait  pas  avoii'  lieu  dans  la  Catalogne 
et  les  deux  ronités. 

r>ans  cette  première  émeute  du  mois  de  mai,  les 


^ 


'1Ô8  LIVRE   QUATRIÈME, 

paysans  8*étaient  bornés  k  tuer  quelques  employés 
gabelles,  du  coté  de  Banyuls;  mais  quand  le  YÂcenroiiit 
Catalogne  eut  pénétré  dans  le  Roussillon,  et  que 
paysans  se  sentirent  appuyés  par  leurs  anciens 
patriotes ,  à  qui  ils  n*avaient  pas  encore  eu  le  temps  lit 
devenir  étrangers  et  avec  qui  ils  ne  cessaient 
mêmes  de  faire  cause  commune,  ils  se  réimirent 
grand  nombre  dans  le  haut  Vallespir,  que  le  gouver- 
neur de  Roussillon  dut  marcher  contre  eux  avec  les 
troupes  de  la  province. 

Ce  gouverneur  était  François  de  Sagarra ,  piemisr 
président  k  mortier  du  conseil  soi^verain  de  Rouaailkn 
personnage  qui  jouissait  auprès  du  roi  de  France  de  ii 
confiance  la  plus  illimitée ,  et  dont  le  nom ,  objet  4e 
terreur  a  cette  époque,  est  encore  aujourd'hui  ane 
sorte  d*épouvantaii  dans  les  montagnes.  Ce  SsgttWb 
était  lun  des  Catalans  qui  avaient  embrassé  avec  le  jkm 
d  ardeur  le  parti  français ,  k  la  révolution  de  la  priaei» 
pauté.  Son  audace,  sa  bravoure,  son  activité  luiavsieat 
acquis,  dans  la  guerre  de  localité  qui  suivit  finsur* 
rection  de  la  Catalogne  contre  la  France ,  une  repu* 
tation  que  Louis  XIV  signalait  hii-mèroe  dans  ee 
préambule  d'une  de  ses  commissions  :  «Notre  sné 
«  conseiller  François  de  Sagarra ,  écuyer,  dont  la  pru- 
«  dcnce  et  f  habileté,  Tadresse  et  force  d*àme,  la  fidélité 
0  et  la  probité  nous  ont  été  assez  démontrées  par  les 
«  services  utiles  et  constants  rendus  k  nous  et  à  Is 
u  patrie,  toutes  les  fois  que  Tocrasion  s  en   est  of- 


CHAPITRE   SIXIÈME.  W9 

«  ierte,  etc.  ^  »  C'est  à  ces  qualités  éprouvées  que  Sagarra 
avait  dû  d*être  choisi  pour  remplir  le  poste  délicat  de 
gouverneur,  au  moment  où,  la  Catalogne  se  trouvant 
replacée  sous  Tobéissance  du  roi  d*Espagne,  le  Rous- 
sillon  s  efforçait  d*y  retourner  lui-même,  et  où  Thomas 
de  Banyuls ,  son  prédécesseur,  venait  de  trahir  la  con- 
fiance du  monarque  français,  en  usant  de  l'autorité 
dont  il  lavait  revêtu  pour  soulever  le  Roussillon  contre 
la  France.  Des  rigueurs  ayant  dû  être  déployées  pour 
retenir  dansla  soumission  les  peuples  des  deux  comtés, 
Sagarra  avait  été  placé  à  la  tête  du  conseil  royal  pour 
la  poursuite  des  rebelles ,  charge  qu  il  cumulait  avec 
celle  de  gouverneur^.  C'est  en  cette  dernière  qualité 
qu'en  1 668  il  marcha,  à  la  tête  d'un  millier  de  fantas- 
sins et  de  quelque   cavalerie,  contre   les  paysans 
insurgés  du  Vallespir.  Ces  paysans  étaient  à  Prats-de- 
MoUo ,  dont  ils  gardaient  les  avenues.  Au  défilé  du 
Pas-du-Loup  ils  fondirent  sur  la  troupe  de  Sagarra, 
dont  ils  tuèrent  une  partie  et  forcèrent  l'autre  k  se  re- 
plier, d'abord  sur  Corsavi ,  ensuite  sur  Arles ,  où  ils  la 
tinrent  enfermée  pendant  neuf  jours.  Au  bout  de  ce 
temps,  Sagarra,  obligé  de  capituler,  convint  avec  les 
paysans  que  la  gabelle  ne  ferait,  à  l'avenir,  aucune 
recherche  dans  le  Vallespir,  k  partir  du  pont  de  Céret, 

^  Arch.  Dom. 

*  Le  gouverneur  particulier  du  RousûUoo  était  en  même  temp 
vîce-géraot  du  gouverneur  général  des  deux  comtés,  et  on  le  trouve 
également  désigné  sous  Tun  ou  Tautre  de  ces  titres.  Voyea  aui  Preuves, 
n'XVI. 


-^ 


W)  LIVRE  QUATRIÈME. 

et  que  les  communes  se  chargeraient  elles-ménies  de 
lâchât  du  sel  k  un  prix  modéré,  pour  le  distribuer 
ensuite  au\  habitants ^  Le  traité  d*Ai\-la-Chapette  rint 
mettre  un  teiTnc  h  cette  guerre  des  deux  nations,  dont 
les  résultats  pour  la  France  furent  la  conservation  des 
conquêtes  faites  dans  les  Pays-Bas. 
1670.  De  nouveaux  troubles  éclatèrent  encore  dans  le 

Vailespir  en  1 670,  toujours  à  Toccasion  desgabdiee. 
Un  certain  Just,  de  Prats-de-Mollo,  avait  été  arrêté; 
aussitôt  les  paysans  coururent  aux  armes,  et  m 
nombre  de  cinq  cents  ils  entrèrent  dans  cette  ville, 
sous  la  conduite  d  un  nommé  Joseph  Trinxeria.  Le 
gouverneur  de  Prats-de-Mollo,  menacé  par  ces  furieUv 
s*était  retiré  dans  Téglise  avec  la  garnison ,  bien  résida 
de  s*y  défendre,  lorsqu*un  incident  imprévu  rmA 
tenniner  brusquement  cette  échaufiburée.  La  femme 
et  les  enfants  de  ce  gouverneur  tombèrent  au  pooTOV 
de  Trînxeria,  qui  proposa  de  les  échanger  contre 
Just.  Cet  échange  fait ,  les  paysans  quittèrent  la  ville 
et  rentrèrent  chez  eux  ;  quant  à  leur  chef,  ne  voulant 
pas  s*en  tenir  à  (*ette  courte  expédition,  il  réunit 
environ  quinze  cents  mécontents  avec  lesquds  fl 
descendit  à  Céret  et  fit  prisonnière  une  compe- 
gnie  de  cavalerie  qui  s*y  trouvait.  Une  première 
tentative  pour  délivrer  ces  prisonniers  ayant  échoué, 
le  commandant  de  Iloussillon  envoya  contre  Trin- 
\(*ri(i    le    marquis    de   Chamilh    avec    quatre   mille 

'    Kriiii  ilr  la  l'rnA. 


CHAPITRE   SIXIÈME.  401 

hoinines^  qui  forcèrent  cette  bande  à  se  disperser. 
Trinxeria  passa  en  Catalogne ,  où  il  se  fit  bientôt  un 
nom  formidable. 

Les  Hollandais,  dont  la  prospérité  commerciale  et 
les  grandes  conquêtes  dans  Tlnde  avaient  singulière- 
ment enflé  la  vanité,  étaient  devenus  d'une  fierté 
insupportable  à  toutes  les  autres  puissances.  Les 
évéques  de  Liège  et  de  Munster,  ayant  eu  avec  eux 
quelques  démêlés,  s*étaient  alliés  avec  le  roi  de  France, 
qui,  de  son  côté,  avait  à  venger  son  amour-propre 
cruellement  blessé  par  Torgueilleuse  allégorie  d*une 
médaille  frappée  pour  Tinsulter.  Non  moins  choqués 
du  ton  d'arrogance  de  cette  république,  l'empereur  et 
le  roi  d'AngleteiTe  promettaient  au  roi  de  France  de 
rester  neutres,  et  sur  ces  assurances  Louis  avait  com- 
mencé les  hostilités  en  1673.  Mais  la  grandeur  de  la  ,67». 
France  inquiétait  encore  plus  les  autres  puissances 
européennes  que  la  fatuité  de  la  Hollande.  L'Elspagne , 
ix)mpant  la  première  la  neutralité ,  s'était  aUiée  avec 
cette  république,  et  avait  ainsi  jeté  les  fondements 
d'une  nouvelle  coalition  que  l'empereur  s'empressa  de 
nouer.  Une  ligue  formidable  fut  donc  signée  entre 
l'empire,  l'Espagne,  la  Hollande  et  le  Brandebourg. 
La  guerre  de  la  France  avec  ces  puissances  commença 
en  octobre,  et  s'étendit  sur  les  frontières  du  Roussillon, 
que  l'Espagne  cherchait  à  recouvrer. 

Quelques  villes  avaient  été  brûlées  parles  Espagnols 

'  Feliii  dp  In  Pena.  O  nombre  de  quatre  mille  nous  semble  exagéra. 


\r.    \ 


I 


462  LIVRK  QUATRIEME. 

dans  la  Flandre  française  ;  ou  voulut  user  de  repré- 
sailles en  Catalogne ,  et,  le  6  de  novembre ,  un  corps 
de  trois  mille  fantassins  et  de  sept  cents  chevaux,  sous 
les  ordres  du  lieutenant  général  Le  Bret,  entrfl  en 
Ampourdan.  Le  dur  de  San  (.ierman,  vice-roi  de  Ca- 
talogne, se  porta  sur  Figuières  avec  huit  cents  chevaux 
et  (pielques  compagnies  de  paysans  de  la  viguerie  de 
Girone.  Après  quelques  escarmouches  assez  meur- 
trières, les  Français  rentrèrent  en  Roussillon,  bornant 
toute  leur  expédition  à  Tincendie  de  la  Jonquière  et 
de  la  Venta-Nova,  hôtellerie  voisine. 

Depuis  que  les  Catalans  avaient  secoué  cette  domi- 
nation française  qu*ils  avaient  sollicitée  à  si  grands  cris, 
leur  haine  contre  leurs  voisins  semblait  s*étre  acrme 
de  tout  le  d('>pit  cpi'ils  ressentaient  de  les  avoir  appelés 
connue  libérateurs.  La  campagne  si  insignifiante  de 
Le  llret  en  Ampourdan  eut  les  conséquences  les  plus 
funestes.  L*incendie  de  deux  hicoques  n*était  rien  en 
comparaison  des  dévastations  que  commettaient  les 
Catalans  sur  le  territoire  français,  dans  toutes  leurs 
incursions  ;  cependant  ces  peuples  furent  si  outres  du 
désastre  de  la  Jcmquière,  que  les  pay.sans  jurèrent  de 
se  venger  sur  tous  les  Français  qui  tomberaient  entre 
leurs  mains. 
r./.  Ia)  mois  de  mars  de  xli'jfi  vit  échouer  une  con.spî» 

ration  dont  robjet  était  de  rendre  \v  Koussillon  ik 
rKsp:i;{iie.  Sur  le  prét(*\te  i\iw  Philippe  n'avait  pas  le 
droit  d'aliéner  lt*s  deux  comtes,  et*  «pii  était  vrai,  et 


CIIAPITUE    SIXIÈME.  ^65 

que  le  roi  de  France  ne  maintenait  pas  les  privilèges 
de  la  province,  un  grand  nombre  de  personnes,  tant 
du  Roussillon  que  du  Gonflent,  avaient  ourdi  un  vaste 
complot  pour  livrer  ces  pays  aux  troupes  espagnoles. 
La  même  cause  qui  avait  fait  découvrir  la  conspiration 
de  Thomas  de  Banyuls ,  lamour,  fit  encore  avorter 
celle-ci.  Un  capitaine  d'infiinterie,  nommé  Courte,  en 
garnison  à  Villefranche,  faisait  sa  cour  aune  demoiselle 
du  pays.  Celle-ci  lui  ayant  parlé  de  quelques  liaisons 
de  son  frère  avec  des  Elspagnols  suspects.  Courte  l'en- 
gagea à  les  surveiller,  dans  Imtérét  de  leurs  amours. 
La  jeune  fdle  découvrit  que  ie  jour  du  vendredi  saint 
Perpignan  et  Villefranche  devaient  être  surpris  par 
des  soldats  espagnols,  qu*on  devait  faire  entrer  insen- 
siblement dans  ces  places  déguisés  en  paysans ,  et  que 
les  conjurés  devaient  tenir  cachés  dans  leurs  maisons. 
Courte  en  donna  avis  à  Perlan,  commandant  de  Ville- 
franche,  qui  en  informa  Le  Brct.  Le  renfort  de  troupes 
françaises  qu*on  fit  entrer  dans  les  places  menacées 
donnant  Téveil aux  conjurés,  plusieurs  s  échappèrent; 
les  autres  furent  arrêtés  et  décapités  à  Perpignan ,  et 
tous  leurs  biens  furent  confisqués.  Perlan ,  qui  n'avait 
eu  que  la  peine  de  transmettre  au  lieutenant  général 
les  renseignements  qu'il  avait  reçus  de  Courte,  fut 
récompensé  parla  donation  des  biens  de  Tundes  prin- 
cipaux conjurés  ;  quant  aux  deux  auteurs  de  la  décou- 
verte du  complot,  ils  furent  jetés  l'un  et  l'autre  en 
prison ,  Courte ,  pour  n'avoir  pas  voulu  montrer  des 


Irttivs  (ir  sii  iiiailivsso,  aiiii  deinrnagcrsa  n*|}utation, 
et  crlli'-ri  pour  1rs  avoir  rentes  :  r  rst  toute  la  ré- 
coinptMiso  (|ii*iis  reriireiit.  Remis  en  liberté  quinie 
jours  après,  Courte  rejoignit  son  régiment;  quant  à  la 
malheureuse*  jeune  fille,  flétrie  dans  Topinion,  dés- 
honorée publiquement,  et  déchirée  par  la  pensée 
qu*elle  avait  donné  au  bourreau  la  tétc  de  son  firère. 
elle  alla  ensevelir  dans  un  rouvent  sa  honte  et  ses 
remords  ^ 

Le  village  espagnol  de  Massanet,  situé  au  revers  des 
Pyrénées,  h  trois  lieues  de  Céret,  était  devenu  la  place 
d armes  des  iniquelets'-' catalans,  dont  le  nombre  était 
très-considérable,  et  qui  étaient  la  terreur  de  toute  la 
frontière.  Lue  première  tentative  contre  ce  village, 
faite  au  mois  de  décembre  précédent  par  Le  Bret.  et 
d'autres  tentatives  renouvelées  en  janvier  et  février, 
n avaient  «u  pour  résultat  que*  la  perte  d'un  grand 
nombre  de  Français  tués  dans  les  diflerentes  ren- 
contn\s,  ou  froidement  égorgés  par  les  paysans.  Les 

'  (>  f(ui  se  r;i|ip«>rli*  •!  crUr  coiiN|iiriitinii  rst  miitrnu  très  en  détail 
flans  iiii  |>etit  oii\ra^f*  iiititiili*.  lirlation  i/r  «r  ^ui  s'rsl  posté  m  Cola- 
lotjnr ,  par  un  oHit-irr  tl«>  ramuM*,  qui  mid  compte  îles  campagnes  de 
167.')  cl  itiyti-  Nous  on  a\oii^  ntrail  ce  que  iifiui  rap|)orton». 

-  \aV  iKim  fie  init^uiUU,  iulnttluit  daiiA  le  \\i'  .siôclc.  paraît  venir 
(1*1111  miiiîii  Mirlirl  Miquclut  de  Prat»,  conipa^iion  de  Ccsar  Borgia. 
dur  d«*  \  aleiitinois,  qui  s  «'tait  rendu  fainfux  a  Nnpieadansce  genre  de 
i;urrn*  de  |Kirlisaii»,  di'Miîiif*  aujourd'liui  kius  Ii*  nom  de  umrriiUu,  \jB 
mmi  df  mitfutliti  l'ut  d'almrd  doniif  aux  pa\s.inA  qui  sVtairnt  %olon- 
t.iirf-nirnl  jfiints  à  Miquelnt.  et  on  Tétf-ndit  rnsuiti*  aui  compagnies nr- 
i;.ini!M'i'A  ru  tirnillpurs  dr  mnnta«jnr». 


CHAPITRE    SIXIÈME.  llàb 

ravages  de  ces  paysans ,  à  qui  le  someten  avait  fait 
prendre  les  armes,  et  qui  ne  se  séparaient  pas  des 
miquelets ,  devenant  un  fléau  pour  la  contrée,  le  mar- 
quis de  RivaroUes,  gouverneur  de  Perpignan,  et  le 
gouverneur  du  fort  des  Bains  s'étaient  concertés  pour 
faire  en  Âmpourdan  une  expédition  qui  pût  y  mettre 
un  terme.  Ces  officiers  passèrent  en  effet  la  frontière, 
au  commencement  du  mois  d'avril;  mais  leurs  moyens 
étaient  trop  faibles  contre  toute  une  population  en 
armes  :  ils  furent  mis  en  déroute  et  éprouv*èrcnt  de 
grandes  perles.  RivaroUes ,  entouré  lui-même  par  les 
paysans ,  et  sur  le  point  d'être  égorgé ,  essaya  de  tenter 
leur  avarice  en  offrant  de  racheter  sa  vie  pour  une 
forte  somme  d'argent,  et  il  fut  assez  heureux  pour 
être  écouté.  Ce  salut  vénal  fut  le  commencement  du 
retour  des  paysans  à  des  sentiments  plus  humains  :  ils 
cessèrent  les  massacres,  et  reçurent  à  composition  les 
prisonniers.  Le  gouverneur  du  fort  des  Bains,  qui 
s'était  caché  pour  échapper  à  une  mort  trop  certaine, 
se  montra  alors ,  et  traita  aussi  de  sa  rançon  :  ce  furent 
là  les  premiers  prisonniers  faits  par  les  paysans  dans 
cette  guerre'. 

^  Feliu  de  la  Pena ,  XXI ,  3. 


11  3o 


466  LIVRE  QUATRIEME. 


CHAPITRE   VII. 

Les  GiUlanft  en  Roussillon.  —  Bellegirde  et  le  feli  àeê  BÉint. 
—  Défaite  de  Schomberg  devant  Maurellas.  — Raragotf  dhf 
miquelets.  —  Schomberg  en  Ampourdan.  —  Repriie  <k 
Beilegarde.  —  Le  maréchal  de  Noailles.  —  Défaite  des  Eap»» 
gnols.  —  Prise  de  Puycenla.  —  Eyéneraents divers.— Qms» 
tructîon  de  Montlouis.  —  Le  maréclial  de  Bellefonds.  — Tréftt 
de  vingt  ans.  —  Hôpitaux  de  Perpignan. 

i-owiXiv.  La  guerre  entre  la  France  et  TEspagne  a  trop 
*•'**  souvent  pris ,  de  Vautre  côté  des  Py  rentres,  ce  caractère 
atroce  que  lui  avaient  rendu  en  1673  les  sometèils 
des  montagnes  de  Calalogne,  et  que  de  nos  jours  nos 
armées  ont  vu  se  renouveler  avec  tant  de  férodtë. 
Après  le  sacrifice  de  bien  des  victimes,  la  barbarie 
avait  enfin  cédé  h  la  cupidité,  et  devant  Tappât  de Tor 
le  sang  avait  cessé  d'être  froidement  répandu.  Les 
grandes  opérations  militaires  qui  avaient  lieu  au  nord 
de  la  France  laissaient  le  midi  dégarni  de  troupes,  et 
les  frontières  du  Roussillon  continuaient  à  être  A  la 
merci  de  ces  paysans  catalans,  qui  ne  cessèrent  d*y 
exercer  leurs  brigandages.  Le  duc  de  San  Genoan , 
vice-roi  de  Barcelone,  travaiUait  à  organiser  une  armée 
pour  entrer  en  campagne.  Par>*enu  à  réunir,  au  moyen 
de  Napolitains,  d'Allemands,  d'Kspagnols  un  corps  de 


^ 


CIÎAPÎTRE    SEPTIÈME  467 

huit  mille  lioiuinos  d'iiifaiiterie  et  de  deux  mille  cinq 
cents  chevaux,  il  traversa  les  Pyrénées  par  le  coi  de 
Portel,  et  le  i  7  mai  il  vint  camper  devant  Maurellas, 
qui  se  rendit  ii  l'instant.  La  garnison  était  de  quatre 
cents  hommes,  tant  soldats  que  miliciens.  San  Ger- 
man  retint  prisonniers  les  premiers ,  les  autres  furent 
renvoyés  dans  leurs  foyers.  Le  lendemain  ce  vice-roi 
passa  le  Tech  et  battit  nos  troupes ,  qui  malgré  leur 
petit  nombre  s^étaient  portées  en  avant.  Le  lieutenant 
général  Le  Bret  tomba  dans  une  embuscade  où  il  perdit 
beaucoup  de  monde  et  où  il  fut  blessé  lui-même  d'un 
coup  de  sabre.  Le  Boulon  fut  occupé  le  a  o  du  même 
mois,  et  ce  jour-l«^  San  German  envoya  une  partie 
de  ses  troupes  bloquer  le  fort  de  Bellegarde. 

Pendant  que  le  gouverneur  de  Campredon,  qui  avec 
les  paysans  de  sa  viguerie  et  quatre  pièces  de  canon 
s'était  présenté  devant  Prats-de-Mollo ,  était  forcé  à  la 
retraite,  les  paysans  et  les  miquelets  de  l'armée  du 
vice-roi  s'étendaient  sur  toutes  les  montagnes  du 
Vallespir,  depuis  les  bains  d'Arles  et  le  Pertus  jusqu'à 
CoUioure  ,  clans  le  double  objet  d'empêcher  l'arrivée 
de  tout  secours  aux  places  de  cette  ligne,  et  de  pro- 
téger le  passage  de  leurs  propres  convois  :  ce  mouve- 
ment eut  lieu  le  a  a . 

Une  batterie  de  neuf  pièces  de  canon  avait  été 

dirigée  contre  Céret.   Trois   brèches   étant  bientôt 

ouvertes  dans  ses  faibles  murailles,  et  ces  brèches 

étant  assaillies  à  la  fois  par  les  Elspagnols,  les  Napolitains 

3o. 


Um  LIVRE   QUATRIÈME, 

ci  les  Âilemands,  cette  ville  dut  se  rendre.  Les  troii 
cen  t  soixante  hommes  qui  la  défendaient  furent  envoyé» 
prisonniers  k  Barcelone. 

San  German  tenait  à  occuper  Arles ,  afin  de  pmer 
le  fort  des  Bains  des  secours  qu*il  en  retirait!  Arfei 
étant  une  ville  ouverte ,  la  conquête  en  (ut  fiicfle  ? 
quatre  cents  Catalans,  sous  les  ordres  de  Manuel  de 
Lupia ,  y  restèrent  pour  garnison  ;  quant  au  fort  des 
Bains,  où  commandait  un  officier  nommé  de  Brue&l« 
bloqué  dès  le  7  de  mai ,  il  n*avait  été  complètement 
investi  que  le  2  3 ,  et  depuis  ce  moment  il  ne  8*était  pts 
passé  de  jour  sans  que  les  Français,  en  cherchant  à  y 
introduire  des  secours,  n eussent  donné  lieu  k  qnd* 
que  escarmouche.  Le  transfuge  Joseph  Trinxeria  défit 
d*abord,  à  la  tête  des  paysans,  un  détachement  de 
cinq  cents  hommes  qui  cherchaient  à  s'y  jeter,  et 
s  empara  quelque  temps  après  d*un  convoi  de  cent 
quarante  mulets  chargés  do  munitions  pour  cette 
place. 

Le  Roussillon  était  simul tanément  attaqué  sur  deoi 
points  différents.  Pendant  que  le  vice-roi  s*établitttit 
dans  le  Vallespir,  le  gouverneur  de  Puycerda,  à  la  tète 
de  sa  garnison ,  de  quelques  milices  et  d'un  certain 
nombre  de  paysans  du  someten,  traversait  la  Cerdagne 
française  qu'aucune  place  ne  défendait  encore,  et  des- 
cendait sur  Villefranche  ;  mais  avant  d'arriver  sous  les 
murs  de  cette  ville ,  >son  avant-garde  fut  écrasée  dans 
une  double  embuscade  que  lui  avait  dressée  le  gourer- 


CHAPITRE    SEPTIÈME.  (i69 

neur  français.  Le  gros  de  la  troupe  arrivant  bientôt , 
ils*engagea  un  combat  très-vif,  qui  dura  depuis  le  grand 
matin  jusqu'à  midi,  moment  auquel  chacun  se  retira  , 
laissant,  avec  la  victoire  indécise,  un  bon  nombre  de 
morts  sur  le  champ  de  bataille. 

La  prise  du  fort  de  Bellegarde ,  clef  du  Roussillon 
et  porte  de  la  France  de  ce  côté ,  était  ce  qui  tenait  le 
plus  à  cœur  au  duc  de  San  German.  Trois  détache- 
ments de  son  armée  furent  chaînés  d*en  faire  le  siège. 
Le  premier,  composé  du  régiment  de  la  reine  et  de 
deux  cents  Catalans ,  fut  posté  au  pied  de  la  colline, 
du  côlé  du  Roussillon;  le  deuxième,  formé  des  Alle- 
mands, s'éUiblit  sur  la  pente  de  cette  même  colline, 
et  le  troisième,  où  étaient  des  Napolitains,  resta  de 
l'autre  côté,  sur  les  terres  d*Ëspagne;  le  reste  de  l'armée 
conserva  ses  positions  entre  Maurellas  et  le  Tech. 

Le  général  de  Fartillerie  espagnole,  don  François 
de  Velasco ,  fit  commencer  le  feu  de  ses  batteries  le 
3i  mai;  ce  même  jour  le  commandant  du  fort, 
jugeant  le  point  occupé  par  le  régiment  de  la  reine  le 
plus  accessible  à  une  sortie ,  s'y  porta  avec  une  partie 
de  sa  garnison,  et  rentra  presque  aussitôt  dans  la  place. 
Le  résultat  de  cette  entreprise,  que  n'avait  suivie  ni 
succès  ni  revers,  et  que  la  suite  prouva  n'être  qu'unç 
démonstration  pour  sauver  l'honneur  du  drapeau ,  fut 
de  faire  renforcer  ce  côté  par  quelques  détachements  de 
plus.  Celle  augmentation  de  moyens  de  résistance  sur 
ce  point  uVinpirait  en  aucune  manière  le  sort  de  la 


470  LIVRE   QUATRIÈME. 

place;  cependant  elle  jeta  ralannedansrflme  peuâevie 
de  son  gouverneur,  qui  ne  prolongea  paa  plus  long^ 
temps  sadéfense  :  le  Ajuinil  se  rendit,  sous  la  condilioB 
de  retourner  à  Perpignan  avec  sa  garnison.  Cette 
conduite  déshonorante  fit  mettre  en  jugemyt  oel 
officier,  qui  en  fut  quitte  pour  un  an  de  priMD;  ton 
lieutenant  se  sauva  en  Espagne. 

Maître  d  une  Forteresse  qui  lui  donnait  les  moyeM 
de  garder  les  passages  des  Pyrénées  sans  être  obligé 
d'en  couvrir  de  monde  toute  la  crête ,  le  vice-roi  con- 
gédia les  sometens  et  envoya  au  siège  du  fort  des  Beû» 
le  régiment  de  la  Chamberga\  avec  le  corps  de  Napo- 
litains que  commandait  Jean  Pignatelli.  La  tranchée 
(ut  ouverte  devant  cette  place  dans  la  nuit  du  5  au  6 
juin.  Pignatelli,  blessé  dès  le  premier  jour,  moimit  à 
Ccret,  où  on  Favait  traiispoilé. 

Le  comte  Frédéric  de  Schomberg,  ditt'érent  de» 
maréchaux  de  Schomberg  ducs  d'Hallwin  père  et  (ib*, 
nommé  au  commandement  de  Tannée  qu*on 


'  Le  maréchal  de  Schoml>er^  a\ait  introduit  Tiisage  d*oiie 
qui  couvrait  le  Holdat  ju!<qu*aux  genoux,  et  que  les  Espagnolt  avaMt 
adoptée  |iour  essai,  sur  un  de  leurs  régîinent«;  c*ett  de  celle canifiM 
qu'il  portait  le  nom  de  nyinicHt  dr  ta  Cham^iya.  Le  roi  ChafJat  II 
donna  cette  même  cavique  à  quelques-un»  de  ses  gardes.  Feltn  de  U 
Pena. 

'  Ce.  (*omte  de  Schomberg  (  Krédéric- Armand  )  n*Hait  pat  lie  la 
uiemc  l'auiillc  que  les  autres  Schoui)ierg-<l  llallwin.  (  eiu-ci  élaîtnC 
originaires  de  la  Misnie  et  r.ilholiques,  l'autre  était  de  Tn^vrt  et  pfo- 
te>tant.  t^e  ronitr  de  Vlionihert;  fut  aussi  fait  maréchal  de  KrancT, 
iiiai!«  il  dut  sortir  du  rttvaunie  quand  sa  n*lipon  y  fut  persttitlér. 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  471 

blait  en  Roussilioii,  avait  établi  un  camp  de  lautre 
côté  de  la  Tet ,  en  face  de  Perpignan  ,  pour  y  organiser 
ses  levées.  Au  milieu  du  mois  de  mai  la  force  de  ce 
camp  n'était  encore  que  de  neuf  mille  hommes  ;  ce 
nombre  étant  parvenu  à  celui  de  douze  mille  fantassins 
et  trois  mille  cavaliers,  par  la  réunion  de  trois  régi- 
ments qui  formaient  les  garnisons  de  Perpignan  et  du 
fort  de  Salses,  et  par  l'arrivée  de  quelques  nouvelles 
levées  de  Languedoc  et  de  Roussillon,  Schombei^, 
dans  la  vue  de  faciliter  l'arrivée  de  quelques  secours 
au  fort  des  Bains,  qu'il  savait  aux  abois,  se  décida  à 
risquer  luie  attaque  contre  les  Espagnols.  San  German 
s'empressa  de  raj)peler  les  sometens  aux  armes. 

Les  Français  se  présentèrent  le  i  o  juin  devant  les 
espagnols,  près  du  village  de  Saint-Jean-Pla-de-Corts  ^ 
Accueillis  par  le  feu  de  deux  pièces  de  canon  chaînées 
k  balles  de  mousquets,  qui  commencèrent  à  jeter  le 
désordre  dans  leurs  rangs,  ils  furent  dispersés  parla 
cavalerie ,  et  forcés  de  se  retirer  derrière  le  Tech ,  où 
San  German  n'osa  les  poursuivre.  Le  lendemain  le 
vice-roi  jugeant  nécessaire  de  renforcer  des  détache- 
ments et  de  l'artillerie  qui  se  trouvaient  devant  le  fort 
des  Bains  et  h  Céret,  ses  lignes  de  Maurellas,  que  rien 
cependant  ne  menaçait,  les  rappela,  et  par  cette  ma- 

*  Le  château  de  Saint-Jean-Pla-<le-Cort9  fut  bâti  |>ar  BérengerCas- 
telan ,  Svbile,  sa  femme  et  Hubert  dWries,  en  vertu  de  la  permission 
donnée  par  Aiplionse  11,  le  1 1  juin  1 188.  Ce  village  sappelle  aussi 
^aint  Jean  de-Pag^s,  du  nom  d'un  de  ses  anciens  seigneurs. 


1 


'i72  MVHK   QUATRIEME. 

iiœuvrc  dégagea  ce  Ibrt,  qui  en  était  aux  dernières 
extrémités  :  c  est  ainsi  que  l'action  de  Schombeq;  im- 
posant aux  Espagnols ,  l'objet  (ju*ii  s  était  propose  se 
trouva  rempli  et  le  fort  des  liains  fut  sauvé.  Cette  place 
n'était  pas  mieux  approvisionnée  que  celle  de  Belie- 
garde,  mais  elle  avait  ce  qui  manquait  à  l'autre,  un 
lionune  de  cœur  pour  commandant. 

Le  a  3  juin  l'armée  française  investit  Saint-Jean- 
Pla-de-Corts,  qui  se  rendit  au  bout  de  vingt-quatre 
heures  :  cent  cinquante  soldats  qui  en  formaient  la 
garnison  furent  conduits  nus  et  garrottés  à  Perpignan, 
sans  qu'on  sache  ce  qui  leur  attira  un  traitement  si 
ignonn'nieux^  Ici  lannaliste  Feliu  de  la  Pena,  dont 
l'aveugle  haine  contre  les  Français  ne  peut  être  égalée 
que  par  son  excessive  superstition,  se  récrie  avei. 
raison  contre  cette  conduite  de  Schombei^;  mais  cet 
écrivain  n'a  pu  trouver,  quelques  pages  plus  haut,  un 
seul  mouvement  de  pitié  en  faveur  des  Français  dont 
il  nous  apprend  lui-même  le  massacre  par  les  paysans 
catalans  :  déplorable  ciTct  de  cette  passion  dans  laquelle 
une  sotte  vanité  nationale  entraine  fliistorien,  qui  ne 
veut  voir  (le  Thonneur,  du  courage  ou  de  la  probité  que 
chez  ses  compatriotes.  Le  duc  de  San  (lerman  envoya 
au  général  français  un  trompette,  poiu'  se  plaindre  de 
cette  sévérité  réprouvée  par  les  lois  de  la  guerre.  Dans 

'  l,c  M'iil  Kcliii  (le  iii  Vi'ùix  l'tarir  de  cvWv  rirronstaiirr ,  CDiiiinr  srul 
aussi  il  iitiiis  a  appris  l«'  iiiu5»acn'  di'i  priMMinicrs  Irjni.aiN  |kiir  1rs 
|ia\>ans  iat«iian> 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  475 

rignoraiice  où  nous  sommes  des  raisons  qui  firent  in- 
lliger  i^  des  ennemis  vaincus  un  traitement  si  humiliant, 
nous  ne  pouvons  savoir  jusqu'à  queV  degré  cette  action 
de  Schomberg  peut  mériter  le  blâme.  Schomberg  était 
homme  dlionneur,  et  il  ne  se  serait  pas  permis  un 
acte  si  contraire  au  droit  des  gens  sans  de  graves 
motifs.  Nous  soupçonnons  que  ces  prisonniers  étaient 
des  Roussillonnais  transfuges,  contre  qui  le  général 
était  en  droit  de  sévir  :  la  conjuration,  déjouée  trois 
mois  auparavant,  la  présence  de  Trinxeria  et  des 
paysans  du  Vallespir  dans  le  camp  ennemi,  autorisent 
puissamment  cette  conjecture. 

Schomberg  tomba  quelques  jours  après  dans  un 
piège  que  lui  tendit  San  German.  Le  bailli  de  Géret 
était  venu  lui  dire  qu'il  lui  apportait  les  clefs  de  sa  ville, 
que  les  Espagnols  venaient  d'évacuer  parce  qu'ils  ren- 
traient en  Gatalogne.  Dans  la  nuit  du  a  7  juin  ce 
général  fit  prendre  les  armes  k  son  armée,  et  à  la  pointe 
du  jour  on  aperçut  en  effet  des  mulets  défilant  vers 
le  col  duPertus.  Le  Bret,  chargé  d'aller  occuper  Géret 
et  d'inquiéter  l'arrière-garde  espagnole,  traverse  le 
Tech  et  s'engage  dans  les  ravins ,  où  l'attendaitl'in&n- 
terie  espagnole ,  couchée  à  plat  ventre  pour  n'être  pas 
aperçue.  A  l'exception  des  trois  régiments  tirés  des 
garnisons  de  Perpignan  et  de  Salses ,  qui  étaient  de 
vieilles  troupes,  tout  le  reste  de  l'armée  française  ne  se 
rom|)osait  que  de  recrues  c[ui  n  avaient  aucime  idée 
de  la  Ruene.  Surpris  de  cette  attaque  inopinée,  ces 


474  LIVRE  QUATRIÈME. 

jeunes  soldats  ne  surent  pas  tenir  tête,  et  le  défOiAc 
se  mit  dans  tous  les  rangs.  Schomberg  marche  n 
secours  de  Le  Bret  avec  toute  son  armée,  et  une  acdOB 
générale  s'engage .  L'aile  gauche  des  Elspagnols  com- 
mençait à  lléchir;  San  German  la  renforce  de  qudqim 
escadrons,  et,  par  ce  secours  donné  à  propos,  décide 
l'avantage  de  ce  côté.  A  l'aile  droite  la  victoire  Ji*éldl 
déjà  prononcée  en  faveur  des  Elspagnols,  qui  forcèveat 
les  Français  de  reculer  jusqu'à  leur  place  d*armes.  A 
la  vue  du  désordre  de  son  armée,  Schomberg  fit  sonner 
la  retraite,  et,  réunissant  autour  de  lui  tout  ce  cpi'il  j 
avait  de  plus  brave  et  de  plus  résolu  dans  $eB  troupeiL 
il  fit  bonne  contenance  pour  donner  le  temps  aux 
soldats  débandés  de  rentrer  dans  le  camp,  et  pour  4^ 
arrêter  San  German,  qui  en  eflet  n'osa  pas  passer  outre. 
L<  s  Français,  dans  cette  malheureuse  affiiire,  eareiil 
beaucoup  de  morts  et  de  blessés,  et  parmi  les  pii» 
sonniers  se  trouva  Charles  de  Schomberg,  fib  dn 
générai  ;  six  cents  chevaux ,  un  grand  nombre  de 
mulets  et  une  bonne  partie  de  l'artillerie  française 
tombèrent  au  pouvoir  des  Espagnols'.  Un  officier  de 
l'armée  française  témoin  de  cette  bataille,  et  qui  a  écrit 
la  relation  d'une  partie  des  événements  de  cette  guerre, 
nous  apprend  que  la  panique  fut  telle  parmi  les  non- 
vclles  levées,  qu'elle  donna  naissance  à  des  maladies 
(|ui  fu'cnl  périr  plus  de  neuf  mille  de  cesjeunes  soldats 
>ur  onze  mille  '^.  Tel  fut  le  résultat  de  la  trahison 'du 

''   I>r (laisse! .  Hrlaiion  r/r  rr  qui  irst passé  ru  Calaloynt.  —  ■  IH^m. 


^ 


CHAPITRE  SEPTIÈME.  475 

bailli  de  Céix^t.  Plus  tard,  quand  les  Français  rentrè- 
rent dans  cette  ville,  les  habitants,  qui  craignaient  que 
pour  les  punir  de  cette  perfidie  le  général  ne  fît  in- 
cendier leurs  maisons,  se  rachetèrent  de  tout  châti- 
ment au  prix  d'une  somme  d  aident.  Le  duc  de  San 
German  profita  de  sa  victoire  pour  pousser  jusqu'au 
Tech  ses  lignes  de  Maurellas,  et  ii  construisit  entre 
Céret  et  ce  fleuve  un  petit  fort  pour  en  défendre  le 
passage. 

La  fête  du  roi  de  France,  célébrée  dans  le  camp 
français,  le  a 5  août,  par  des  décharges  de  mousque- 
terie  et  d'artillerie  k  poudre ,  attira  pour  réponse ,  du 
camp  ennemi,  des  décharges  k  boulet  qui  firent  beau- 
coup de  mal.  Ce  camp  français,  établi  à  Saint-Jean-de- 
Pages  depuis  le  1 6  jidn,  était  placé  d'une  manière  si 
défavorable,  que  les  annes  espagnoles,  qui  portaient 
alors  plus  loin  que  les  nôtres,  tuaient  du  monde  à 
chaque  coup ,  sans  réciprocité  de  notre  part^ 

Louis  \1V ,  pour  opérer  une  diversion  favorable  à 
Schomberg,  avait  résolu  de  faire  attaquer  Barcelone 
par  une  armée  navale.  Vingt-deux  galères  parurent,  h 
la  mi-août,  devant  Roses,  où  elles  devaient  attendre 
le  reste  de  la  flotte.  Un  chef  d* escadre  andalousien 
voulut,  dit-on,  livrer  à  cette  escadre  le  fort  du  Bouton, 
qu'il  ronmiandait.  Dans  cet  infâme  dessein,  cet  officier 
»*était  embarqué  un  soir  dans  un  bateau  pour  joindre 
les  «:;alcrcs;  mais,  ne  pouvant  j  parvenir,  il  se  réfugia 

t   IV  ('.aii>2k>l,  lUUUwn  de  rr  tfut  t'est  pauè  en  Cmlah^He. 


476  LIVRE  QUATRIÈME. 

au  monastère  de  Saiut-Plerre-de-Rodei,  ob  fl  M 
arrêté  :  reconduite  Roses  «  il  y  fiit  fusillée 

L*armée  navale  de  France ,  après  avoir  opéré  M 
jonction ,  se  trouvait  forte  de  vingt  vaisseaux  et  vingt* 
cinq  galères.  Assaillie  par  une  violente  tempête  devant 
lembouchure  du  Ldobregat ,  ie  3  septembre  »  elle  hà 
forcée  de  s'éloigner  des  côtes  de  Catalogne;  et 
jour,  fatal  aux  Français  «  Schomberg  échoua  dans 
nouvelle  tentative  contre  les  lignes  de  Maurellaa.  Ce 
général  avait  fait  attaquer  en  même  temps  le  fort  qui 
défendait  le  Tech  et  le  retranchement  qui  couvrait  la 
pont  de  Céret,  pendant  que  de  forts  détachements 
marchaient  vers  le  col  de  Banyuls  pour  attirer  de  oa 
côté  une  partie  des  forces  de  Tennemi  :  aucune  de 
opérations  ne  réussit^.  Quatre  jours  après,  sur  la 
vellc  d*un  débarquement  de  cinq  mille  hommes  de 
renfort  pour  Tarmée  de  San  German,  conduits  à  Barce- 
lone par  Tamiral  hollandais  Tromp ,  Schomhei^  aban- 
donna ses  positions  et  cantonna  ses  troupes  k  Perpi- 
gnan, Elno  et  Villefranche  ^.  San  German  ne  quitta 
M aurellas  que  le  1 7  octobre  ;  il  retourna  à  Barcelone 
après  avoir  établi  de  fortes  garnisons  à  Bellegarde.  A 
Agullana  et  à  la  Jonquière. 

Le  temps  que  les  deux  armées  avaient  passé  à 

^  Fcliu  de  la  Pena. 
*  Ihidrm. 

^  Dr  r^i8»ci  «Ion ne  |>nur  ruison  <lu  départ  de  Schomberg  le  bmil 
qui  cfturut  ilaii»  le  camp,  que  les  Ë»|)agnol>  allaient  atsi^ger  l^lîoorr. 


# 


i 


CHAPITRE    SEPTIÈME.  kll 

s'observer  sur  les  bords  du  Tech  avait  ét^  employé 
par  les  paysans  et  les  miquelets  à  dévaster  toute  la 
partie  française  de  la  Cerdagne.  Schomberg  désirait 
de  mettre  un  terme  à  des  déprédations  qui  rendaient 
inhabitables  toutes  ces  montagnes.  Convaincu  que  la 
force  ouverte  ne  pouvait  rien  contre  des  bandes  qui  se 
trouvent  partout  et  qu'on  ne  rencontre  nulle  part  quand 
on  les  poursuit,  qui  disparaissent  à  mesure  qu'on  se 
présente  pour  les  combattre,  et  se  portent  rapidement 
sur  un  autre  point  qu'elles  dévastent,  pendant  qu'on 
cherche  à  les  surpendre  à  l'endroit  où  on  les  supposait, 
il  avait  voulu  leur  faire  tendre  des  pièges  par  don  Juan 
de  Ardena,  général  de  sa  cavalerie;  mais  cet  officier 
donna  lui-même  dans  une  embuscade,  à  son  arrivée  en 
Cerdagne ,  et  fut  tué  de  la  main  même  du  chef  de  ces 
guérillas ,  le  nommé  Lambert  Manera ,  bailli  de  Mas- 
sagoda ' . 

Les  fortes  armées  que  la  France  était  dans  la  néces-  1675. 
site  d'entretenir  dans  les  Pays-Bas  ne  lui  laissaient  pas 
les  moyens  de  renforcer  celle  de  Roussillon;  les  Espa- 
gnols, au  contraire,  alliés  des  Hollandais  et  des  impé- 
riaux, alors  les  nations  les  plus  belliqueuses  de  l'Europe, 
pouvaientmettre  sur  tous  les  points  de  leurs  frontières 
des  forces  imposantes ,  et  s'assurer  de  cette  manière 
une  supériorité  décisive  en  nombre,  en  expérience  et 

*  De  Caissel  dit  que  plusieurs  villages  de  la  Cerdagne,  qui  n*avaieni 
pas  fait  leur  soumission ,  furent  rois  au  pillage  par  Tordre  de  Schom- 
berg, resté  à  Olette. 


478  LIVRE  QUATRIEME, 

en  habileté.  Cet  étal  de  choses,  qui  avait  duré  jusqsll 
Tautoinne  de  1 67/1 ,  cessa  lorsque  Messine,  se  rérol* 
tant  contre  TËspagne  et  réclamant  le  secours  de  fai 
France ,  Charles  II  dut  à  son  tour  affaiblir  son  année 
de  Catalogne  pour  renforcer  ses  troupes  de  Sicile.  Le 
terme  des  prospérités  des  Espagnols  était  donc  arrivé 
avec  Tannée  1675.  Â  cette  époque  leur  firontièra 
dégarnie  fit  passer  de  notre  côté  le  même  genre  d'aran- 
tage  qui  avait  existé  jusque^À  contre  nous*  Avant  de 
rien  entreprendre,  dans  cette  nouvelle  situation  des 
armées,  Schomberg  organisa  quelques  compagnies  de 
miquelets,  pour  les  opposer,  dans  la  Cerdagne  et  dana 
le  Valiespir,  à  ceux  de  Catalogne  que  commandaient 
Trinxeria  et  le  bailli  de  Massagoda ,  terreur  et  fléaa 
des  contrées  limitrophes ,  et  dont  le  premier  aunft 
même  une  fois  poussé  ses  incursions  jusqu'aux  portai 
de  Perpignan ,  s*il  fallait  s*en  rapporter  k  i'annalîtte 
catalane 

L  opération  la  plus  importante  de  la  campi^e, 
d  après  le  nouveau  plan  que  traçait  la  force  respectÎTe 
des  deux  frontières,  devait  être  la  reprise  du  fort  de 
Ik'Uegarde,  dont  la  possession,  en  assurant  aux  Espa- 
gnols la  libre  traversée  des  I^rénées ,  leur  donnait  on 
avantage  immense.  Cette  place,  déjà  très-forte  par  socf 
assiette  sur  le  sommet  d  une  colline  isolée  et  conique, 
était  encore  défendue  \mr  une  nombreuse  garnison» 
et  pouvait  être  sorourue  facilement  du  côté  de  la  Jon- 

'   Feliu  de  la  Ppna. 


<r 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  /i79 

quière.  Pour  s*en  rendre  maître,  il  fallait  d^abord 
Tisoler  de  rarmée  espagnole  :  Schomberg  commença 
pars^établir  dans  TAmpourdan.  Les  passages  du  Pertus 
et  de  Panissas  lui  étaht  interdits ,  et  trouvant  le  col  de 
Portel  couvert  de  paysans  armés ,  il  se  décida  à  passer 
par  le  col  de  Banyuls,  et  prit  ainsi  à  revers  toute  la 
chaîne  des  Albères.  Ce  passage  s'effectua  le  9  mai.  Les 
Albères  furent  remontées  du  côté  de  TAmpourdan,  et 
larmée  française  assit  son  camp  entre  AguUana  et  la 
Jonquière. 

A  la  première  nouvelle  du  mouvement  des  Français, 
le  duc  de  San  Gcrman  s*était  porté  sur  Hostalric;  mais 
quand  il  vit  Scliomberg  établi  dans  TAmpourdan,  il 
passa  à  Gironc  avec  son  armée,  ne  laissant  en  obser- 
vation h  Pont-dc-Molins,  que  deux  mille  fantassins  et 
sept  cents  cavaliers,  sous  les  ordres  de  Guillem  Cascar. 
Le  1  a  mai  Schomberg  marcha  sur  ce  corps  d'obser- 
vation ,  dont  la  retraite  le  laissa  maître  de  Figuières  et 
de  toutTAmpourdan.  Bascara,dont  San  German  avait 
fait  sa  place  d  armes,  ne  tarda  pas  elle-même  à  ouvrir 
ses  portes.  I^  armée  française  se  porta  ensuite  sur  les 
bords  du  Ter,  dont  San  German  occupait  la  rive 
droite.  Une  première  tentative  pour  traverser  cette 
rivière  ne  réussit  pas;  une  seconde  fut  plus  heureuse  : 
les  retranchements  des  Espagnols  furent  forcés;  leur 
cavalerie  se  réfugia  dans  les  montagnes ,  et  leur  infan- 
terie alla  s'enfermer  dans  Girone. 

I/intention  de  Schomberg  n'était  pas  de  faire  le  siège 


m)  LIVRE   QUATRIÈME. 

de  cette  place  ;  cependant  s*en  voyant  si  près  H  s*y 
arrêta,  et  le  lendemain  il  s*empara  de  quelques  ou- 
vrages extérieurs.  Un  fort  construit  en  planches  et  un 
autre  avec  des  fascines  furent  enlevés,  et  la  demi-lune 
de  Saint-Lazare  éprouva  le  même  sort,  après  une  vire 
résistance  dans  laquelle  les  deux  partis  perdirent  bien 
du  monde.  Du  côté  des  Espagnols  périt  le  célèbre  chef 
de  guérillas,  Lambert  Manera,  bailli  de  Massagoda. 
Après  avoir  obtenu  ces  succès ,  il  semble  que  Schom- 
bei)^  aurait  dû  persister  dans  ses  attaques,  qui  auraient 
amené  infailliblem^t  la  prise  de  la  ville  ;  il  h*en  fit 
rien  :  il  évacua  les  positions  dont  il  s  était  emparé ,  et  » 
sans  qu  on  sache  par  quel  motif,  il  se  retira  à  Veigès^ 
où  il  passa  tout  le  mois  (ie  juin  dans  Tinaction.  En 
juillet  il  s  occupa  de  Bellegarde. 

n  n  était  pas  donné  à  ce  château  de  faire,  dans  le 
cours  de  cette  guerre ,  une  honorable  réputation  au 
c^itaines  des  deux  nations  chargés  de  sa  défense. 
Quoiqu  il  ne  fût  pas  très-bien  approvisionné,  il  avait 
neuf  cents  honunes  de  garnison  et  pouvait  résister 
jusqu'à  ce  que  San  Gcrman  eût  pu  réunir  asses  de 
forces  pour  venir  le  délivrer  :  ce  vice-roi  estimait  qa*il 
pouvait  tenir  un  mois.  L'n  renfort  qui  devait  arrivera 
cette  garnison  ayant  été  surpris  et  repoussé,  le  a 5  dé 
juillet,  quatrième  jour  du  siège,  le  gouverneur  capitula. 
C*est  bien  à  tort  que  quelques  écrivains  ont  cité  cette 

'  De  CaUsel ,  dans  sa  Keiation ,  dit  que  cette  attaque  n  avait  eu  po«r 
f>hjet  que  d'accoutumer  les  soldats  au  feu. 


4 


CHAPIThE    SEPTIÈME.  /|8I 

rapide  conqiicHe  dos  Français  comme  un  fait  glorieux  : 
il  ne  saurait  y  avoir  gloire  d  un  côté  quand  il  y  a  eu 
lâcheté  de  lautre.  Vingt-cinq  miquelets  roussillonnais 
transfuges  étaient  partis  de  ce  fort  deux  jours  aupa- 
ravant à  travers  les  rochers,  et  par  un  des  articles  de 
la  capitulation  trois  personnes  masquées  eurent  la 
faculté  de  sortir  avec  le  gouverneur  sans  qu*on  pût  les 
arrêter  ni  les  voir  au  visage  ^ 

La  chute  de  Bellegarde  rendait  aux  frontières  du 
Roussillon  leur  sécurité,  et  àTarmée  française  la  liberté 
(  rentrer  en  Catalogne  sans  obstacle.  Schombeig 
ramena  son  armée  en  France  pour  l'y  laisser  reposer 
pendant  les  grandes  chaleurs,  et,  en  passant,  il  fit 
enlever  par  un  détachementle  vieux  château  d'Ultrera, 
situé  au  haut  d'un  rocher,  et  dont  les  Espagnols  s'étaient 
emparés  Tannée  précédente^.  Au  commencement  de 

'  Do  Caissei,  Relation  de  ce  qui  s  est  passé  en  QUtdogne. 

*  Nous  trouvons  dans  un  vieux  manuscrit  du  temps  Tanecdote  sui- 
vante, relative  à  U  prise  de  ce  château.  Son  gouverneur,  don  Diego 
Rodor,  avant  été  atteint  et  renversé  sans  connaissance ,  par  le  ricochet 
(Pun  projectile  mort,  son  domestique,  qui  le  crut  tué,  jeta  Talarme 
dans  la  garnison,  qui  se  rendit  aussitôt,  et  fut  prisonnière  avec  son 
gouverneur,  très-surpris  de  cette  lâcheté  quand  il  eut  repris  ses  sens. 
A  cette  époque  don  François  de  Béam,  seigneur  de  Sorède,  était  en 
discussion  de  juridiction,  au  sujet  du  terri;oire  de  U  Pava,  où  estsiloé 
(  c  château ,  avec  Tarchidiacre  de  Vallespir,  â  qui  il  appartenait,  â  nuson 
de  la  chapelle  de  Notre-Dame  del  Castell,  bâtie  dans  ce  château.  La  dame 
de  Béaru ,  liée  d*amitié  avec  Le  Bret,  qui  commandait  le  détachement 
franrais,  profitant  de  la  circonstance  de  la  prise  de  ce  château,  obtint 
de  ce  général  de  faire  démolir  la  chapelle,  dont  la  statue,  les  orne- 
ments et  les  cloches  furent  emportés  â  Sorède.  Cette  dame  donna  un 
II.  3i 


40()  LIVRE    QLAÏRIEMK. 

adopter  an  roi  le  plan  de  secourir  Perpignan  partcn'e, 
re  g<!^néral  avait  laissé  prévaloir  Tavis  de  la  majorité 
du  conseil,  la  flotte  toscane,  beaucoup  supérieure 
au\  forces  que  la  France  pouvait  lui  opposer  sur  les 
côtes  de  Catalogne,  aurait  eu  le  temps  d*embarquer, 
avec  des  munitions  de  bouche  ,  les  troupes  destinées 
pour  le  Roussillon  ,  et  de  les  transporter  sur  la  plage 
de  ce  comté.  Nous  ignorons  quelles  raisons  empêchè- 
rent ce  même  Torrecusa  de  prendre  ce  parti  quand 
parvint  la  nouvelle  de  la  future  capitulation  de  Perpi- 
gnan. Florès  d'Avila  s*était  réservé  la  faculté  d'infor- 
mer les  généraux  espagnols  de  cette  capitulation  qui, 
réglée  le  a  9  d*août,  ne  devait  être  exécutoire  que  le 
9  septembre,  à  deux  heures  de  laprès-midi.  L*oflicier 
chargé  de  porter  cette  nouvelle  avait  ordre  de  faire  la 
diligence  la  plus  extrême ,  et  plus  de  huit  jours  res- 
taient encore  k  s  écouler  avant  le  terme  fatal ,  quand 
le  prince  en  reçut  le  premier  l'avis.  Dans  ce  laps  de 
huit  jours  il  était  de  toute  impossiliilité  qu  une  armée 
pût  se  rendre  par  terre  en  Roussillon,  presque  toujours 
combattant  sur  sa  route ,  tandis  que  par  mer,  soit  par 
un  vent  favorable,  soit  par  la  force  des  rames  des 
galères,  on  pouvait  espérer  d'arriver  h  temps.  La  voie 
delà  mer  présentant  donc,  seule,  quelques  chances 
diî  succès,  Torrecusa  sembh»  bien  coupable  de  ne 
l'avoir  pas  adoptée. 

Ce  général  ce|)endant  s'avançait  toujours,   impo- 
sant à  La  .Motte  par  l'audace  même  de  sa  marche.  Ce 


CHAPITUK  QLATUIEME.  401 

marorhal  ne  pouvait  concevoir  la  hardiesse  d'une  en- 
treprise qui  tendait  à  faire  traverser  cinquante  lieues 
(!('  pays  insurgé  à  une  annexe  qui  n'était  pas  supérieure 
aux  forces  qu'on  pouvait  lui  opposer,  outre  la  diffi- 
culté du  passage  des  Pyrénées,  parfaitement  gardées, 
ei  farmée  du  blocus  qui  était  toute  fraîche  pour  se 
mesurer  avec  des  soldats  harassés  de  fatigues  et  épui- 
sés de  combats.  Le  succès  aurait-il  couronné  tant  de 
témérité  ?  c'est  ce  que  l'issue  seule  aurait  pu  faire  con- 
naître.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'audacieux  et  brave  Torrecusa 
l'ut  bientôt  forcé  de  s'arrêter,  par  la  certitude  que  sa 
périlleuse  expédition  était  désormais  sans  objet. 

A  la  tm  d'août  la  famine  était  parvenue  à  ce  point, 
dans  Perpignan ,  que  les  boui^eois  ne  laissaient  plus 
sortir  leurs  enfants  de  leurs  maisons ,  dans  la  crainte 
(|u'ils  ne  fussent  enlevés  par  les  soldats  pour  être 
mangés  :  c'est  du  moins  ce  que  dit  l'historiographe 
italien  de  Louis  XIIP.  Dans  les  derniers  temps  le 
gouverneur  avait  voulu  expulser  de  la  place  les  bouches 
inutiles,  mais  les  assiégeants  les  avaient  forcées  d'y 
rentrer  aiin  de  hâter  la  consommation  du  peu  d'ali> 
ments  impurs  qui  restaient  encore;  enfui,  le  29  du 
même  mois,  le  capitaine  napolitain  Fino  et  un  autre 
oflicier  avaient  été  envoyés  par  Davila,  pour  traiter 
de  la  eapitidation '^  :  une  suspension  d'armes  avait  ou 
lieu  immédiatement  après  la  signaturfv 

'  ViUorio  Siri. 

-  OUe  rapitulation  se  trouve  rapportée  fiant  ie  Mercure  de  Siri. 
Il  56 


402  LIVRE   QUATRIÈME. 

Le  jour  même  que  cette  convention  (ut  signée,  les 
généraux  français,  émus  de  compassion  pour!esPer- 
pignanais ,  c^  qui  il  restait  h  peine  un  souffle  de  vie , 
leur  avaient  permis  de  venir  s'approvisionner  au  camp 
de  tout  ce  dont  ils  avaient  un  si  pressant  besoin.  Ce- 
pendant ,  pour  éviter  que  cette  grâce ,  que  la  seule 
commisération  accordait  au  malheur,  ne  pût  tourner 
au  préjudice  des  intérêts  du  roi  de  France,  on  ne  lais- 
sait emporter  k  chacun,  chaque  jour,  que  ce  qui  était 
suffisant  pour  la  consommation  de  la  journée.  Le  9  du 
»•*»•  mois  de  septembre  aucune  armée  espagnole  n'ayant 
paru,  les  Français  entrèrent  dans  Perpignan  et  ils 
plantèrent  sur  le  donjon  de  la  citidelle  de  Louis  \] 
f  étendard  de  France,  qui  ne  devait  plus  en  être  abaissé. 
Le  marquis  de  Varennes  fut  chargé  provisoirement  du 
commandement  de  la  place ,  qu'il  céda  bientôt  an 
marquis  de  Vaubecourt ,  nommé  définitivement  â  ces 
fonctions. 

L'importante  conquête  que  venaient  de  faire  les 
arme»  de  France,  et  que  s'empressèrent  de  célébrer 
poètes  et  prosateurs',  coïncidant  avec  le  supplice  de 
Cinq-Mars  et  de  de  Thou ,  les  deux  nouvelles  fiirent 
annoncées  au  roi  par  Richelieu ,  dans  une  lettre  com- 
mençant par  ces  mots  mémorables  :  «  Sire,  vos  enne- 

'  I^  Hib1iothèqi|ecle  la  France,  de  Leiong  et  Fontèle,  donna  le  tilrr 
de  douze  ouvrage»  qui  furent  publiés,  tant  en  vers  quVn  proie,  au  su- 
jet de  la  prÎM  de  Perpignan.  Panni  les  |>reniiers  le  plus  remarquable 
eut  le  poème  du  p^n*  Chanut,  intitulé  :  Prrfùmiamum  raptum 


CHAPITRE  QUATRIÈME.  '405 

'(  mis  sont  morts,  et  vos  armes  s<3nt  dans  Perpignan.  » 
Ij'Espagne  ne  possédait  plus,  en  deçà  des  Pyn^- 
liées,  que  le  château  de  Salses,  et  cette  place  ne  pou- 
vait pas  être  un  obstacle  à  Taccomplissement  des 
destinées  du  Roussillon;  les  vivres  y  manquaient,  et 
la  flotte  du  marquis  de  Brézé ,  revenue  sur  la  plage 
de  Canet,  empêchait  Tarrivée  de  tout  secours  par 
mer.  Ce  château  était  k  peine  investi,  que  don  Hen- 
rique  de  Quiroga ,  qui  en  était  gouverneur,  demanda 
une  capitulation  honorable,  qui  lui  fut  accordée  le 
I  5  septembre,  el^qui  ne  différa  guère  de  celle  de  Per- 
pignan. Comme  dans  cette  ville  la  garnison  sortit 
tambours  battants,  enseignes  déployées,  mèche  allumée 
et  balle  en  bouche^  avec  un  certain  nombre  de  pièces 
de  canon  et  de  coups  k  tirer,  et  emportant  tous  ses 
bagages.  Richelieu  voulait  faire  démolir  ce  fort,  et  il 
avait  raison  ;  mais  Schomberg  insista  pour  sa  conser- 
vation, prétendant  qu'elle  était  nécessaire  à  la  défense 
de  Perpignan ,  et  on  le  laissa  subsister. 

Richelieu  ne  jouit  pas  longtemps  de  son  double 
triomphe  :  il  mourut  le  Ix  décembre  de  cette  année , 
trois  mois  après  la  prise  de  Perpignan.  Louis  XIII  ne 
survécut  lui  même  que  de  cinq  mois  à  son  ministre  : 
il  expira  le  i&  mai  i663. 

'  Avant  Tinvention  des  cartoDches.  la  poudre  pour  charger  les 
mousquets  était  placée  dans  une  suite  de  petits  cornets  suspendus  à  la 
bandoulière,  et  les  balles  étaient  dans  une  bourse  doù  on  les  tirait 
pour  les  tenir  avec  les  dents,  pendant  qn^on  mettait  la  poudre  pour 
charger  Tamic. 


UOli  LIVRE  QUATRIÈME. 

Ce  prinro,  à  qiii'un  caractère  droit  et  franc,  une 
piét<^  douce  et  sans  bigoterie  faisaient  pardonner  Tex- 
trénie  faiblesse  de  son  caractère,  fut  très-regretté  en 
Catalo(;ne ,  où  les  poètes  et  les  beaux  esprits  célébrè- 
rent h  fenvi  ses  louanges.  Par  ordre  du  conseil  des 
Cent  on  imprima  un  recueil  de  celles  de  ces  pièces 
réputées  les  meilleures,  et  celte  assemblée  les  dédiai 
Louis  XIV  V 

*    VoYCI  aux  PiTUVM,  II*  XIV 


CHAPITRE    GINQUIEMB.  405 


CHAPITRE  V. 

I^  France  ne  respecte  pas  les  privilèges  des  Catalans.  —  Mé- 
contentements. —  Déclaration  de  Philippe.  —  Pierre  de 
Marca.  —  Défaveur  des  Français.  —  Prise  de  Barcelone.  — 
I^  Roussillon  cherche  à  secouer  le  joug.  —  Lassitude  géné- 
rale. —  Paix  des  Pyrénées.  —  Dâimitalion  des  fironlières. 

Le  premier  mois  de  Tannée  qui  vit  finir  le  fils  de       »«43. 
Henri  IV  et  commencer  le  r^ne  trop  long  de  Louis    lo«u  xiv. 
XiV  avait  vu  expirer  la  désastreuse  faveur  du  comte- 
duc*  d'Oiivarès.  L*aveugle  amitié  de  Philippe  IV  pour 
ce  favori,  ou  plutôt  Thabitude  d*être  dominé  par  lui 
était  telle ,  que  malgré  toute  Timpéritie  dont ,  comme 
ministre,  Olivarès  n  avait  que  trop  domié  des  preuves, 
il  fallut  encore  que  la  reine,  indignée  de  la  mauvaise 
éducation  que  recevait  Tinfant  Batthasar,  son  fds,  sous 
finfluence  de  ce  ministre ,  qui  n  avait  pas  eu  honte  de 
lui  donner  pour  gouverneur  son  enfant  naturel ,  et  ré- 
voltée de  fespèce  d'esclavage  dans  lequel  il  prétendait 
la  tenir  elle-même,  eût  recours  à  Tintrigue  pour  le 
faire  renvoyer.  Avec  le  secours  de  l'empereur,  de  la 
duchesse  de  Mantoue,  ex-vice-reine  de  Portugal,  et 
(le  la  noiu*rice  de  son  époux,  elle  parvint  à  dessiller 
complètement  les  yeux  de  ce  prince,  qui,  le  1 7  janvier 
I  ()/ilV  se  décida  enfin  h  signer  les  lettres  d'exil.  Cette 


406  LlVllË   QUATHIËML 

belle  inoiiarcliie  espagnole,  quOlivarès  avait  reçue 
en  dépôt  si  grande,  si  prospère ,  si  prépondérante  dans 
le  système  politique  de  TEurope ,  si  riche  par  ses  im- 
menses possessions  océaniennes,  il  la  rendit  faible, 
pauvre,  délabrée,  agonisante,  entourée  d^ennemis, 
dont  les  moins  redoutables  n'étaient  pas  les  enfants 
qui  s'étaient  arrachés  de  son  propre  sein. 

La  jalousie  des  Catalans  pour  leurs  privilèges  venait 
de  produire  une  révolution  dont  la  France  avait  pro- 
fité ,  par  Tunique  raison  que  celle-ci ,  à  cause  de  son 
voisinage  et  de  la  guerre  qu'elle  faisait  en  ce  moment 
à  l'Espagne,   était  la  seule  puissance  en  position  de 
soutenir  l'insurrection  de  ce  peuple.  Le  besoin  d'être 
secouru  avait  donc  étouffé  momentanément  les  anti- 
pathies, tant  nationales  que  de  localité;  fappui  reçu 
des  Français  avait  fait  naître,  en  faveur  de  la  France, 
une  sorte  d'enthousiasme  qui  dans  tes  premiers  m- 
tants  avait  étourdi  la  Catalogne  sur  l'ambition  de  sa 
protection;  mais  cet  enthousiasme  ou  cet  engouement 
éphémère,  qui  n'était  fondé  que  sur  une  circonstance 
fortuite,  une  nécessité  de  moment,  et  que  n'alimentait 
pas  la  confoniiité  de  mœurs,  d'habitudes,  de  vues  ni 
cU^  sentiments,  ne  pouvait  être  que  passager,  il  devait 
s'évanouir  aussitôt  qu*une  nouvelle  circonstance  met- 
trait (*n  opposition   les  principes  diiférenti  dos  deii\ 
peuples  :  r  est  ce  qui  ne  manqua  pas  d'airivcr. 

Les  Catalans  avaient  voulu  prouver  aux  souverains 
de  la  Péninsule  qu'ils  n'étaient  pas   un  peuple  seri*. 


CHAPITRE    CINQUIÈME  407 

soumis  à  tous  ies  changements  qu  il  pouvait  leur  plaire 
d'introduire  dans  leurs  constitutions;  le  cabinet  fran- 
rais  ,  en  ies  aidant  dans  ce  qu  il  regardait  moins  comme 
letret  d*un  élan  national  en  faveur  de  véritables  droits 
acquis,  que  comme  une  révolte  dont  la  politique com* 
mandait  de  tirer  parti  dans  sa  propre  cause,  ne  se  con- 
duisait guère  que  d'après  ces  vues,  et  mettait  peu 
(Fétude  à  dissimuler  ses  arrière -pensées.  Aussi  la 
bonne  intelligence  entre  les  deux  nations  commençait- 
elle  déjà  à  se  refroidir,  à  la  mort  de  Louis  XIII,  et 
quelques  signesde  mécontentements  étaient  manifestés 
en  voyant  que  la  France  s  occupait  plus  de  Perpignan, 
entièrement  k  sa  convenance,  que  de  la  Catalogne, 
menacée  par  les  forces  de  la  Castille.  Des  murmures 
é(*latèrent  ensuite  à  foccasion  de  la  nomination  d*un 
Français  au  poste  de  gouverneur  de  cette  ville,  après 
sa  reddition.  La  députation  se  plaignit  au  roi  de  ce 
que  cette  nomination  s  était  faite ,  non-seulement  sans 
son  consentement,  mais  en  opposition  avec  les  cons* 
titutions  de  la  province;  elle  déclarait  ne  pas  tenir  k 
<e  que  le  Catalan  qui  serait  élevé  à  ce  poste,  en  exé- 
cution des  privilèges  jiurés,  fût  chargé  du  commande- 
ment des  troupes  et  de  la  direction  des  afiaires;  elle 
consentait  à  ce  qu*mi  Français,  au  choix  du  roi,  jouit 
de  ces  prérc^tives  à  raison  des  circonstances  ac- 
tuelles, mais  elle  désirait,  pour  la  conservation  du 
principe ,  qu  un  national  portât  le  titre  de  gouverneur, 
<iau(  k  abandonner  k  Thomme  de  confiance  du  mo- 


408  LIVRE  QUATRIÈME. 

Marque  toutes  les  attributions  de  la  charge.  Il  ne  pou- 
vait y  avoir  de  réclamation  plus  juste  et  de  compo- 
sition plus  raisonnable  :  la  France  n  y  eut  aucun 
égard ,  et  ce  fut  un  tort  qui  entraîna  pour  elle  la  désaf- 
fection de  la  Catalogne.  Les  intrigues  et  la  défaveur 
qui  avaient  entouré  le  lit  de  mort  du  cardinal  de  Ri- 
chelieu lui  avaient  fait  perdre  de  vue,  à  cet  égard ,  les 
intérêts  de  la  monarchie,  et  les  nouveaux  conseillers 
de  la  couronne  s'étaient  plus  attachés  à  agir  d'autorité 
dans  la  principauté  qu  à  ménager  des  intérêts  non 
encore  bien  aifermis ,  et  qu'il  eût  été  si  important  de 
ne  pas  blesser.  Les  députés,  n'obtenant  aucune  satisfac- 
tion ,  virent  bien  que  les  libertés  du  pays  ne  seraient 
pas  mieux  garanties  parle  gouvernement  de  la  France 
qu'elles  ne  l'avaient  été  par  celui  de  Philippe  IV,  et  le 
mécontentement  alla  toujours  croissant  :  le  mécon- 
tentement des  peuples  est  un  de  ces  ouragans  qui,  ne 
s'annonçant  d'abord  que  par  une  nébulosité  imper- 
ceptible, couvrent  en  peu  d'instants  le  ciel  d'obscu- 
rité, et  finissent  par  une  eiTroy  able  explosion  de  foudres 
et  de  tempêtes. 

Dans  la  nouvelle  situation  des  esprits,  les  tentatives 
que  ne  cessaient  de  faire  les  partisans  de  l'Elspagne 
pour  ramener  la  Catalogne  h  sa  première  obéissance 
ne  devaient  plus  rencontrer  la  même  opposition  :  ces 
partis^ms  redoublèrent  d'efforts.  Déjà  l'oreille  était 
moins  révoltée  au  nom  du  roi  Philippe,  que  n'accom- 
pagnait   plus  le   nom  odieux  d'Olivarès;  déjà  cette 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  409 

masse  de  population  qui  se  précipite  si  facilement  vers 
les  extrêmes,  qui,  incapable  de  rien  juger  par  ses  pro- 
|)rcs  lumières,  est  toujours  aveuglément  obéissante  & 
(|ui  a  l'habitude  de  la  diriger,  n était  presque  plus 
flottante  entre  les  deux  partis;  le  sang  castillan  qui 
avait  rougi  son  poignard  était  essuyé ,  et  la  pointe 
fatale  menaçait  déjà  le  Français  qu'elle  caressait  la 
veille.  Alors  commença  à  circuler  avec  moins  dediffi- 
culte ,  h  être  recherchée  avec  curiosité,  à  être  lue  avec 
certain  intérêt  la  déclaration  du  a  4  janvier  de  Tannée 
précédente.  Cette  déclaration,  imprimée  en  catalan, 
et  qu'on  avait  repoussée  d'abord  avec  une  sorte  d'hor- 
r(>ur,  fut  méditée  et  commentée ,  et  donna  matière  k 
(\v  sérieuses  réflexions.  Le  roi  y  tenait  un  langage  tout 
paternel.  Il  commençait  par  faire  Télexe  de  la  loyauté 
de  la  nation  catalane,  de  la  fidélité  avec  laquelle  elle 
avait  servi  ses  ancêtres  pendant  plus  de  neuf  siècles, 
avec  laquelle  elle  l'aurait  servi  lui-même  sans  les  er- 
reurs dans  lesquelles  l'avaient  précipitée  quelques 
malintentionnés;  il  exprimait  sa  ferme  volonté  que 
les  usages  de  Barcelone ,  les  constitutions  générales  de 
la  principauté,  ses  libertés,  ses  immunités ,  ses  privi- 
lèges ,  ses  franchises  fussent  observés  à  l'avenir  conune 
ils  l'avaient  été  sous  les  rois  qui  l'avaient  précédé,  et 
il  manifestait  le  plus  grand  regret  d'avoir  voulu  entre- 
prendre contre  ces  mômes  libertés.  Après  avoir  dit 
qu'/i  peine  il  eut  acquis  la  connaissance  exacte  des 
«griefs  qui  avaient  forcé  les  Catalans  k  se  séparer  de  lui. 


410  livre:  quatrième. 

il  avait  donné  des  ordre»  pour  leur  procurer  tout  le 
soulagement  possible,  mais  quil  a  la  certitude  que  ces 
pièces  ont  été  soustraites  à  leur  connaissance ,  et  après 
avoir  déclaré  que  ce  qui  s*était  passé  à  Cambrill  et  à 
Perpignan  s  était  fait  contre  sa  volonté,  ses  ordres  ayant 
toujours  été,  au  contraire,  de  maintenir  ses  peuples 
dans  Tobéissance  par  la  douceur  et  la  bonté*  il  peint 
les  Français  comme  ne  cherchant  qu*à  les  tromper, 
quà  obscurcir  la  gloire  dune  province  si  fidèle;  il 
accuse  notre  nation  d*ètre  seule  la  cause  de  tous  les 
maux  de  leur  pays;  il  ajoute  que  les  Catalans  doivent, 
k  Texcmple  de  leurs  ancêtres ,  nous  expulser  de  leurs 
terres,  pour  qu*étant  débarrassés  d*aussi  dangereux 
voisins  ils  puissent  jouir  de  tous  les  honneurs  «  fa- 
veurs et  récompenses  qu*il  se  propose  de  leur  accorder  ; 
si  pour  opérer  cette  expulsion  ils  ont  besoin  d*annes 
etd*argent,  Philippe  leur  en  fournira,  sur  la  demande 
des  villes  et  des  bourgs  ;  le  roi  proclame  enfin  foubli 
et  rentière  absolution  de  tout  ce  qui  aura  pu  être  (ait 
contre  son  intérêt,  dans  c^s  temps  de  troubles,  anéan- 
tissant pareillement  toute  demande  d*impotê  arriérés, 
et  s  engageant  à  une  foule  d  autres  concessions  les  plus» 
capables  de  faire  naître  le  désir  de  revenir  au  giron 
paternel. 

In  roi  qui  confesse  les  fautes  de  son  gouvernement, 
r*est  un  père  qui  avoue  des  torts  au  sein  de  sa  famille  : 
quel  enlant,  revenu  k  lui-même,  résisterait  à  un  si 
cordial  abandon  !  Les  Catalans  n  étaient  pas  insui^gés 


CHAPITRE    CINQUIÈME.  411 

poui*  le  plaisir  de  Fêtre;  quand  ils  purent  lire  sans  pré- 
ventions et  sans  passion  le  manifeste  de  leur  roi,  ma- 
nifeste intempestif  quand  il  (ut  publié,  mais  plus  tard 
parfaitement  à  sa  place ,  ils  se  sentirent  émus  des  re- 
grets que  témoignait  le  monarque  d  avoir  toléré  des 
infractions  à  leurs  libertés  et  à  leurs  privilèges;  ib 
n'examinèrent  plus  si  c'était  véritablement  des  malin- 
tentionnés qui  avaient  fait  perdre  à  la  province  sa 
fidélité  ;  si  ce  n*était  pas,  au  contraire ,  la  conduite  sys- 
tématiquement oppressive  et  vexatoire  du  gouverne- 
ment qui  avait  rompu  les  liens  qui  jusque-là  avaient 
uni  les  sujets  aU  monarque;  ils  ne  recherchèrent  plus 
s'il  était  vrai  que  le  prince  fïkt  resté  complètement 
étranger  à  ce  qui  avait  occasionné  les  horribles  excès 
commis  dans  leur  pays;  ils  oublièrent  tout,  et  ne  s'at- 
tachèrent qu'aux  désaveux  du  souverain  ;  ils  s'arrêtè- 
rent à  fespoir  de  voir  leurs  constitutions  et  leurs  li- 
bertés respectées  à  l'avenir  par  leur  ancien  maître, 
lorsque  le  nouveau,  auquel  ils  s'étaient  donnés  dans 
un  moment  de  délire ,  se  montrait  si  peu  disposé  k  leur 
en  maintenir  la  possession.  Le  moment  de  la  colère 
était  passé;  la  réflexion  les  ramenait  naturellement 
vers  le  pays  auquel  les  associait  une  longue  suite  de 
siècles,  avec  lequel  les  identifiaient  la  conformité  de 
goûts  et  de  vieilles  habitudes.  Si  des  hommes  trop 
compromis  pour  ne  pas  empêcher  de  tous  leur»  efforts 
le  retour  de  la  domination  espagnole  n'avaient  cherché 
;'i  étouffer  les  généreux  sentiments  qui  germaient  alors 


412  LIVRE   QUATRIÈME. 

dans  les  cœurs  catalans,  de  ce  moment  Tassurance 
que  la  parole  royale  donnait  k  la  principauté  Taurait 
ramenée ,  par  une  nouvelle  révolution ,  dans  les  bras 
de  son  monarque. 

Cependant ,  si  cette  déclaration  ne  produisit  pas  mi 
eflet  aussi  immédiat ,  elle  disposa  sourdement  les  es- 
prits au  retour  du  régime  primitif;  elle  contribua  sur- 
tout à  faire  ouvrir  les  yeux  sur  les  vues  intéressées 
de  la  France.  Le  voile  qui  avait  caché  quelques  ins- 
tants les  prétendus  défauts  nationaux ,  qui  ne  sont  en 
réalité  (|ue  la  différence  de  mœurs  et  d*habitudes  entre 
les  deux  peuples ,  commença  à  se  déchirer,  et  les  an- 
ciennes préventions  reprirent  leur  empire. 

Pour  donner  aux  Catalans  une  preuve  de  la  sincérité 
de  ses  promesses,  Philippe  avait  déclaré  que  ceui 
d*entre  eux  qui  seraient  pris  les  armes  à  la  main  seraient 
considérés  comme  des  enfants  égarés,  et  non  plus 
comme  des  rebelles;  en  effet,  dès  cette  année,  quand 
les  premiers  mécontentements  éclatèrent  contre  la 
France,  tous  ceux  des  Catalans  qui  tombèrent  entre 
les  mains  dr's  Espagnols  furent  sur-le-champ  rendus  h 
la  liberté. 
i64i.  Louis  XIV  était  sur  le  trône,  sous  la  régence  de  sa 

mère,  quand  la  Catalogne,  de  plus  en  plus  mécontente 
des  Français,  commençait  à  invoquer  TFlspagne  comme 
libéralrire.  Ce  changement  complet  dans  les  disposi- 
tions des  Catiilans  donnant  lieu  à  la  régente  de  craindre 
la  pciic  (le  la  plus  b(*lle  conquêtes  du   règne  préf*é- 


CHAPITRE    CINQUIÈME.  413 

(Inil,  son  gouvernement  crut  la  prévenir  en  nommant 
pour  rette  province  un  haut  administrateur  qui ,  sous 
le  titre  de  visiteur  générai ,  devait  s'occuper  exclusive- 
ment de  la  réformation  des  abus  attentatoires  aux  pri- 
vilèges des  habitants.  Les  attributions  de  cette  chaîne 
sont  ainsi  définies  dans  les  provisions  de  celui  qui  en 
fut  pourvu  :  <(  Etant  bien  informés  que  dans  les  temps 
«  difficiles ,  et  lorsqu'il  y  a  eu  des  contraventions  no- 
H  tables  aux  constitutions  du  pays,  les  rois,  nos  prédé- 
«  resseurs ,  comtes  de  Barcelone ,  Roussiilon  et  Cer- 
«  dague,  ont  envoyé  et  établi  des  visiteurs  généraux  en 
«  ladite  province ,  qui  sont  des  officiers  ordinaires,  pour 
«  procéder  à  la  réformation  de  tous  abus  et  au  main- 
<(  tien  du  repos  et  de  Tunion  des  peuples  sous  lautorité 
a  royale  et  la  conservation  des  lois  et  coutumes  de  la 
<i  province,  etc....»  Ce  visiteur  général  fut  Pierre  de 
iMarca,  conseiller  du  roi,  ancien  président  de  la  cour 
de  parlement  de  Navarre  qui,  après  la  mort  de  sa 
femme,  était  entré  dans  les  ordres  sacrés  et  avait  été 
nommé  k  Tévêché  de  Conserans.  Marca  s'empressa  de 
passer  en  Catalogne  ;  il  s'y  occupa  beaucoup  et  longue- 
ment de  rechercher  dans  toutes  les  archives,  tant  de 
la  province  que  des  villes,  des  églises  et  des  monas- 
tères ,  ce  qui  pouvait  tenir  aux  droits  du  pays ,  à  ses 
privilèges  et  surtout  aux  immunités  ecclésiastiques; 
mais  il  négligea  entièrement  la  seule  chose  qu'il  im- 
portait le  plus  de  constater  à  l'instant  même,  celle  qui 
était  la  plus  pressante  ,  la  seule  urgente,  dans  l'état  de 


414  LIVRE   QUATRIÈME. 

la  crise  actuelle ,  c'est-à-dire  de  faire  cesser  les  atteintes 
joumelienient  portées  à  ces  droits ,  à  ces  privilèges  ; 
de  redresser  en  un  mot  ce  qui  causait  les  murmures, 
les  plaintes  et  le  mécontentement.  Si  avant  de  fouiller 
avec  un  soin  si  minutieux  dans  tous  les  anciens  titres, 
pour  connaitr  bien  pertinemment  Forigine  de  telle 
prétention  et  de  savoir  si  elle  s*appuyait  sur  des  droits 
bien  avérés,  le  visiteur  général  avait,  suivant  la  lettre 
de  son  institution ,  travaillé  sincèrement  à  la  réfor- 
mation des  abus  qui  s  introduisaient  si  notoirement 
chaque  jour;  s*il  avait  fait  quelques  concessions  pro- 
visoires et  réparé  les  torts  les  plus  patents;  si,  éclairé 
par  des  rapports  de  cette  nature,  le  gouvernement 
avait  prouvé ,  par  des  faits  plus  encore  que  par  des 
promesses,  quil  voulait  faire  droit  aux  réclamations 
sur  des  objets  dont  les  antécédents  pouvaient  au  moins 
démontrer  la  longue  possession  »  sinon  la  légitimité , 
la  France  aurait  pu  retenir  encore  les  Catalans  sous  sa 
puissance  ;  mais  le  gouvernement,  au  lieu  de  témoigner 
de  la  confiance  h  ses  nouveaux  sujets,  de  nommer  des 
nationaux  aux  postes  vacants  dans  leur  pays,  et  qui 
leur  revenaient  de  droit,  suivant  les  constitutions  dont 
on  avait  juré  le  maintien,  laissait  percer  en  toute  oc- 
casion une  défiance  offensante  pour  la  province,  et  qui 
nécessairement  devait  tout  perdre. 

Lne  fois  entamé,  le  crédit  des  Français  ne  fit  plus 
que  décliner  de  jour  en  jour;  alors  cette  haine  de 
localité  que  Tintérét  du  moment  ne  comprimait  plus 


CHAPITRE    CINQUIEMi:.  'il5 

reparut  plus  i^nei^ique  qu*auparayaiil  :  c  est  l'effet  or- 
dinaire de  toute  réaction. 

Tant  que  les  Catalans  avaient  secondé  les  Français, 
ceux-ci,  avec  très-peu  de  forces,  purent  obtenir  de 
grands  avantages  sur  les  Espagnols  :  partout  une  popu- 
lation belliqueuse  devenait  son  auxiliaire  ;  mais  quand 
cette  affection  qui  avait  uni  instantanément  les  deux 
peuples  eut  cessé  d'exister,  les  Français,  réduits  à 
leurs  propres  moyens,  commencèrent  à  être  mal- 
heureux. 

Informé  de  ce  changement,  Philippe  accourut  à 
Saragosse  :  il  sentait  que  sa  présence  pouvait  être  un 
aiguillon  de  plus  aux  bonnes  dispositions  que  les  Ca- 
talans montraient  pour  lui.  Cette  fois  ce  prince,  que 
ne  contrariait  plus  le  mauvais  génie  de  TEspagne ,  fit 
ce  voyage  avec  toute  la  célérité  que  ses  intérêts  lui 
auraient  commandé  d  y  mettre  deux  ans  auparavant  : 
il  arriva  pour  être  témoin  du  triomphe  de  ses  armes  h 
Lerida. 

Isolés  de  la  population ,  dont  ils  en  étaient  venus  k 
se  faire  un  ennemi  dangereux,  les  Français  néprou- 
vèrent  plus  que  des  désastres  pendant  le  reste  de  cette 
campagne.  Ils  voulurent  assiéger  Tarragone  et  perdi- 
rent Agramont,  Balaguer  et  Ager.  Ces  mauvais  succès, 
et  des  intrigues  de  cour,  firent  remplacer  La  Motte- 
Houdancourt  par  le  comte  d*Alincourt,  qui  fiit  depuis 
le  maréchal  de  Villeroi,  et  dont  les  débuts  fiirent 
d'abord  brillants,  parce  qu'on  lui  avait  donné  quelques 


410  LIVUE    QUATRIÈME. 

forces  de  plus.  Ce  général  s'empara  de  Roses  eu  avril 
tf»M»-        ]6^5,  battit  les  Espagnols  dans  la  plaine  de  Llorens 
en  juin  suivant ,  et  reprit  Balaguer  en  octobre. 

Toute  Tannée  suivante  se  passa  sans  événements 
tfi\:-  mémorables.  En  mai  16À7  ^^  prince  de  Condé,  suc- 
cesseur du  comte  d'Alincourt,  mit  le  siège  devant 
Lerida ,  et  fut  contraint  de  le  lever  le  mois  suivant , 
faute  de  moyens  pour  le  continuer.  L  année  16&8  fut 
signalée  par  la  prise  de  Torlose  et  par  les  ravages  de 
la  peste  en  Catalogne. 

Le  logement  des  gens  de  guerre ,  que  Timpolitique 
dur  de  Vendôme,  successeur  du  prince  de  Condé, 
voulut  imposer  aux  Catalans,  imposition  si  contraire 
aux  privilèges,  qui  avait  tant  contribué  à  soulever  la 
Catalogne  contre  TEspagne,  et  dont  la  suppression 
était  Tun  des  articles  compris  dans  le  serment  prêté 
par  le  roi  de  France  en  qualité  de  comte  de  Barcelone, 
devint  la  cause  de  nouveaux  troubles,  et  amena  la 
totale  extinction  du  peu  de  crédit  qui  restait  encore 
aux  Français  de  lautre  côté  des  Pyrénées.  Forcés  alors, 
par  la  désalTection  unanime  des  peuples,  d'en  venir 
aux  moyens ,  toujours  dangereux ,  des  rigueiurs,  la  sé- 
vérité déployée  contre  quelques  personnes  suspectes 
irrita  la  population ,  et,  à  partir  de  ce  moment,  il  fallut 
ajouter  (*hàtiments  sur  châtiments  pour  maintenir  la 
province  dans  mie  apparence  de  soumission. 
iri.'.i  Rar(M*lone  fut  assiégée  au  commencement  du  mois 

d*aoùt  |)ar  don  Juan  d'Autriche,  fils  naturel  de  Philippe. 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  'il7 

Le  petit  nombre  de  Français  qui  restaient  encore  dans 
cette  province,  et  leurs  partisans,  moins  nombreux 
encore,  s'y  étaient  renfermés. 

Barcelone  aurait  eu  besoin  d'une  très-forte  garnison 
pour  résister  à  la  fois  aux  attaques  extérieures  et  au 
mécontentement  des  citoyens,  dont  tous  les  vœux 
étaient  pour  les  assiégeants;  mais  les  troubles  de  la 
Fronde  occupaient  les  soldats  français  contre  leurs 
concitoyens,  et  ceux  qu'on  pouvait  distraire  de  cette 
funeste  destination  ne  formaient  que  des  secours  in- 
signifiants :  Barcelone  dut  succomber.  Cette  ville  fut 
replacée  sous  l'obéissance  de  sonroi  le  A  octobre  1 65 1 . 
Après  sa  chute,  les  Français  n'ayant  plus  aucun  moyen 
de  se  soutenir  en  Catalogne,  toute  cette  principauté 
retourna  insensiblement  et  sans  efforts  sous  la  puis- 
sance de  l'Espagne.  Le  seul  bourg  de  Blanes,  qui  avait 
refusé  de  recevoir  la  garnison  royale  de  Castille ,  fîit 
saccagé. 

Les  Roussillonnais  étaient  catalans  depuis  trop  de  ,6&3. 
siècles,  pour  ne  pas  faire  cause  commune  avec  ces 
peuples,  pour  ne  pas  partager  leur  antipathie  contre 
les  Français.  En  voyant  la  principauté  débarrassée  de 
ceux  qu'on  ne  regardait  plus  que  comme  des  oppres- 
seiu-s ,  ils  cherchèrent  à  s'en  délivrer  è  leur  tour,  et 
réclamèrent  le  secours  de  leurs  compatriotes.  Des 
députés  envoyés  au  marquis  de  Mortara,  vice-roi  de 
Catalogne ,  l'assurèrent  que  les  Français  étaient  très- 
faihles  en  Roussillon,  et  que  le  pays  n'attendait  que 
11.  a^ 


418  LIVRK  QUATRIÈME, 

sa  présence  pour  se  soulever  et  arborer  les  raideurs 
espagnoles  ;  don  Gabriel  de  Lupia ,  mesire  de  camp 
et  gouverneur  de  Catalogne,  ne  demandait  même  que 
quelque  cavalerie  pour  aider  les  paysans  à  rétablir  la 
domination  do  Philippe  sur  toute  la  iVontière.  Mor- 
tara  envoya  en  elFet  des  troupes  du  côté  des  Pyrénées, 
et  il  s  en  fallul  de  bien  peu  que  le  Roussillon  aussi 
n  échappât  k  la  France. 

Les  Espagnols,  campés  à  Figuières,  avaient  envoyé 
des  déUichemcnts  faire  le  siège  de  Bellegarde,  qui 
manquait  de  vivres,  et  un  vaste  complot  ourdi  pardon 
'I  bornas  de  Banyuls,  gouverneur  de  Roussillon  pour 
le  roi  de  France ,  et  par  Joseph  du  Vivier,  nommé  à 
révèché  de  Perpignan  ^ ,  était  sur  le  point  d*éclater. 
La  noblesse  avait  déjà  repris  Técharpe  rouge,  et  partout 
le  peuple  se  mettait  en  mouvement.  Dans  Perpignan 
on  devait  profiter,  dit-on ,  de  la  circonstance  de  la 
fermeture  des  portes  pendant  la  procession  de  la  Fête- 
Dieu,  pour  égorger  les  Français  et  se  rendre  maître  de 
la  ville.  Suivant  la  tradition,  ce  fut  une  fille  du  quar- 
tier de  Saint-Jac(|ues  cpii  découvrit  le  complot  à  son 
amant.  Le  dur  de  Noailles,  gouverneur  général  de 
Roussillon  et  de  Cerdagne,  avec  quelques  compagnies 
de  gens  du  pays  quon  nommait  enrôlés  volontaires, 
et  qui  à  ce  titre  jouissaient  de  divers  privilèges  qui 
les  attachaient  au  parti  fraii<;ais,  imposa  au  peuple, 
força  la  noblesse  à  la  souiuissicm,  délivra  Bellegarde, 

*  \nyn  b  note  VUl  6i«. 


'j20  livre   quatrième. 

La  fermentation  existait  toujours  en  Roussilion ,  et 
de  nouvelles  tentatives  patriotiques  pour  Tcxpulsion 
des  Français  se  sucr^^dîiient  sans  relâche.  De  toute  part 
on  excitait  le  peuple  à  prendre  les  armes.  Ces  efforts, 
déjoués  en  divers  endroits,  réussirent  un  moment  Â 
Villefranrhe  :  les  couleurs  espagnoles  furent  arborées 
dans  cette  place,  dans  le  courant  de  juin,  et  Tarmée 
française  monta  en  Gonflent  |)Our  les  faire  abattre.  Les 
moines  de  Saint-Martin-du-Canigou  augurant  mal  de 
cette  levée  de  boucliers,  et  voulant  soustraire  aux 
profaniitions  des  Français,  redevenus  des  helvétiques 
aux  yeux  de  la  population  depuis  qulls  nVtaient  plus 
pour  elle  des  protecteurs  .  avaient  envoyé  à  l^reelone 
les  reliques  de  Saint-Gauderic ,  très-vénérées  en 
Roussilion.  Le  a  H  juillet,  après'vingt  jours  de  siège  et 
quelques  assauts,  \  îllefranche  fut  emportée  et,  suivant 
l'atroce  droit  de  la  guerre ,  une  partie  des  habitants 
périt  de  la  main  du  vainqueur.  La  prise  de  cette  ville 
nVïteignit  pas  la  sédition.  Le  Roussilion  était  un  pays 
occupé  par  Tennemi.  et  pour  ses  habitants  la  patrie 
était  toujours  de  l'autre*  côté  des  l^y rénées;  c'était  donc 
pour  eux  un  devoir  de  nationalité  que  de  chercher  h 
secouer  le  joug.  Des  rassemblements  avaient  lieu  dans 
la  Gerdagne,  et  ce  pays  devenait  un  foyer  dangereux 
contre  les  Français.  Le  prince  de  Gondé,  revenu  au 
commandement  de  farmée  de  Gatiilogne,  voulu!  se 
rendn*  maître  de  Puyccrda ,  pour  commander  toute 
la  vallée.  Il  n*monte  la  Tet .  et  se  dirige  vers  le  col  de 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  421 

la  l^erche ,  en  faisant  pratiquer  des  chemins  pour  le 
passage  de  rartillerie.  C'est  au  moment  où  il  était  par- 
venu sur  cette  montagne ,  et  que  toutes  les  difficultés 
citaient  vaincues ,  qu  il  apprit  que  les  Espagnols  se  dis- 
posaient k  faire  le  siège  de  Roses. 

n  ne  restait  plus  à  la  France ,  dans  toute  la  Cata- 
logne ,  que  ce  seul  port  pour  s*y  ménager  un  débar- 
quement;  sa  conservation  était  trop  importante  pour 
ne  pas  renoncer  à  tout  pour  le  secourir  :  Condé  se 
prépara  donc  à  revenir  sur  ses  pas.  Mais  le  tocsin  avait 
sonné  dans  toutes  les  montagnes.  Les  paysans,  réunis 
à  la  garnison  de  Puycerda,  se  portent  sur  la  sommité 
(les  monts ,  fondent  sur  les  Français  occupés  à  re- 
charger les  bagages,  dont  ils  enlèvent  une  partie,  tuent 
quelques  hommes  etfont  cinq  cents  prisonniers.  D*autre 
part,  le  régiment  français  de  la' reine  voulant  pénétrer 
dans  le  Capcir  par  les  défdés  de  TÂriége,  Thomas  de 
Banyuls ,  avec  environ  cinq  cents  paysans ,  se  porte 
vers  ces  gorges,  et,  bientôt  rejoint  par  la  garnison  de 
Puycerda,  il  met  le  régiment  français  en  déroute  et 
lui  prend  ses  bagages  presque  en  entier  avec  plus  de 
six  cents  soldats. 

Condé  surprit  les  Espagnols  devant  Roses,  le  a  &  de 
Juillet,  passa  de  là  à  Saint-Celoni  oii  il  dispersa  la  ca^ 
Valérie  ennemie,  courut  le  pays  tout  Tété,  se  présenta 
devant  Mataro  et  Barcelone,  et  rentra  en  Roussillon 
à  la  fm  de  septembre.  Remonté  en  Cerdagne  pour  faire 
le  sié};e  de  Puycerda,  il  fut  à  peine  devapt  cette  ville. 


'ii2  LIVRE   QUATRIÈME, 

dont  il  attendait  une  longue  résistance ,  qu  il  reçut  la 
demande  d  une  capitulation.  Deui  causes  amenèrent 
cette  reddition  inopinée  :  une  contestation  qui  s*était 
élevée  entre  les  chefs,  pour  le  remplacement  du  gou- 
verneur tué  par  un  boulet  de  canon,  et  de  grands  dé- 
gâts produits  par  Texplosion  d*une  poudrière  atteinte 
par  la  foudre.  De  Puycerda  farmée  firançaise  passa  à 
la  Seu  d*lJrgel,  quelle  occupa  sans  difficulté,  ainsi 
que  Berga  et  Gampredon  ;  mais  elle  ne  fut  pas  aussi 
heureuse  à  Vie ,  dont  elle  fut  obligée  d'abandonner  le 
siège  peu  de  jours  après  Tavoir  entrepris. 

Les  années  i655  et  suivantes  nofirent  rien  d'im- 
portant. Des  sièges  commencés  et  abandonnés ,  tantôt 
par  les  Français ,  tantôt  par  les  Espagnols  ;  quelques 
combats  avantagcia  aux  uns  ou  aux  autres  ;  des  succès 
et  des  revers  alternatifs ,  le  tout  circonscrit  dans  un 
étroit  espace;  des  marches  et  contre-marches  en  Ca- 
talogne et  en  Roussillon,  et,  en  somme,  rien  de  remar- 
quable jusquau  moment  où  se  termina  enfin  cette 
longue  lutte.  La  lassitude  était  générale ,  et  le  besoin 
de  repos  commun  au\  deux  partis'. 
ifiô6.  Pendant  qu'une  sorte  d'eiigourdi.ssement  retenait 

dans  Iniaction  les  deux  armées ,  Loui&XIV,  qui s*étaît 
assiu*é  que  le  lloussillon  resterait  désonnais  uni  à  sa 

'  Un  lit  dfeii.t  le*i  KiiMii»  liisturic|tieN  fi  iiiilitairtîs  iiir  iii  pru«iiR'«  de 
KuuMillon,  f  Kn  i6SS  ie  gim\criiriir  de  \ illvlraiirhc  voulut  inrrr 
•  cette  place  au&  Fraiiçaist;  •  mai»  ù  cfttc  èpoqui*  les  Français  m  cUirnt 
maîtres  sau^  roiilestation. 


CHAPITRE    CINQUIÈME.  425 

couronne,  s  occupait  de  fonder  son  autorité  dans  cette 
|)roviiicc  par  des  lois  et  des  règlements,  et  il  cherchait 
à  lui  donner  une  forme  de  gouvernement  qui  s'accor- 
dât avec  celle  des  autres  provinces  du  royaume.  Le 
Qo  mai  1 656  ce  prince  rendit  une  déclaration  mémo* 
rable ,  pour  arrêter  les  usurpations  sur  1  autorité  royale 
rt  pour  protéger  les  peuples  contre  Tavidité  des 
farauds.  Des  ecclésiastiques ,  des  barons*  des  chevaliers 
allaient,  au  milieu  des  troubles  de  la  province,  jusqu'à 
confisquer  à  leur  profit  les  biens  de  leurs  vassaux 
tombant,  ou  prétendus  tombés  dans  le  crime  de  lèse- 
majesté.  Par  une  mesure  aussi  juste  que  politique,  te 
prince  réforma  également  Tabus  criant  des  donations 
de  biens  des  particuliers  faites  arbitrairement  par  ses 
généraux  k  ceux  qu  ils  voulaient  favoriser,  sous  le  facile 
prétexte  de  rébellion  de  la  part  des  individus  qu'ils 
spoliaient. 

Kiifin  la  paix,  tâtonnée  pendant  vingt  ans,  fut  signée 
|)ar  les  deux  puissances. 

Dés  fan  i6/io  Olivarès  avait  envoyé  à  Paris  un 
a<;ent  particulier,  nommé  Breth,  pour  fait^  secrète- 
ment  des  ouvertures  que  le  cardinal  de  Richelieu  avait 
rejetées.  Plus  tard  la  France  avait  k  son  tour  &it 
(pielques  propositions  pour  amener  un  raccommode* 
ment;  mais  à  cette  époque  la  révolte  de  la  Catalc^e 
était  venue  compliquer  la  question,  et  la  conservation 
(lu  Koussillon,  que  la  France  donnait  pour  base  de  ses 
négociations,  avait  été  constamment  repoussée.  Aux 


42/i  LIVRE   QUATRIÈME. 

conférences  de  Munster,  en  i6&7,cette  condition  de 
garder  le  Roussillon,  en  rendant  la  Catalogne,  avait 
été  posée  par  les  plénipotentiaires  français;  en  i656, 
après  la  mort  du  pape  Innocent  X,  ennemi  juré  de  la 
France,  le  cardinal  Mazarin,  devenu  premier  ministre 
après  la  mort  de  Louis  XIII ,  avait  encore  cherché  à 
donner  la  paix  aux  deux  puissances  par  la  médiation 
du  nouveau  pontife  Alexandre  VII.  Mais,  à  cette 
époque,  la  possession  du  Roussillon,  devenue  de  la 
part  de  la  France  la  condition  sine  qaa  non,  nétaii 
plus  la  borne  de  ses  prétentions;  Mazarin  voulait  encore 
obtenir,  pour  Louis  XIV,  la  main  de  Tinfantc  Marie- 
Thérèse,  fdle  unique  de  Philippe  IV,  ce  qui  aurait 
donné  au  roi  de  France  des  droits  à  la  couronne 
d^Espagne,  à  la  mort  de  ce  prince  :  cette  raison  Ct  re- 
i66s.  jeter  la  demande.  Enfin,  en  ]658,  Philippe,  qui  crai- 
gnait  que  la  France,  après  les  brillantes  conquêtes 
qu*elle  avait  faites  dans  les  Pays-Ikis,  ne  tournât  toute 
la  force  de  ses  armes  du  côté  de  f Espagne,  et  qui,  se 
voyant  vieux  et  cassé ,  ne  voulait  pas  laisser  en  état  de 
guerre  contre  un  roi  jeune  et  plein  d'ardeur  pour  la 
gloire  les  deux  enfants  qu*il  venait  d'avoir  de  son 
nouveau  mariage  avec  Mario-Anne  d'Autriche ,  se  dé- 
cida à  faire  la  paix  aux  conditions  qu'on  y  mettait. 

Mnzarin,  esprit  souple  et  délié,  et  le  négociateur  le 
plus  habile  de  son  époque ,  après  être  |>arvenu  aux 
laveurs  de  la  rciur  par  la  protection  du  prince  de 
Condé,  avait  fini  par  en  écarter  son  bienfaiteuj*lui- 


CHAPITRE  CINQUIEME.  425 

iiiênie  y  qui,  pour  se  soustraire  aux  pièges  dont  i  uigrat 
Italien  environnait  ses  pas,  avait  cherché  un  refuge 
dans  les  états  du  roi  d*Espagne.  Eln  1606  ce  Masarin 
avait  envoyé  très-seerctement  à  Madrid  Hugues  de 
Lionne,  qui  fut  depuis  secrétaire  d'état,  et  qui  toutes 
les  nuits  avait,  avec  don  Louis  de  Haro,  ueveu  d*01i- 
varès  et  son  successeur  au  ministère,  des  entrevues 
dans  lesquelles  étaient  débattues  les  prétentions  de  la 
France.  Le  ministre  d*E^pagne  avait  fait  partir  à  son 
tour,  pour  Paris,  avec  le  même  mystère,  don  Antoine 
Pimentel ,  personnage  mal  disposé  pour  le  prince  de 
Condé ,  et  qui ,  le  8  mai  1  GSg  ,  convint  avec  Masarin       ^^h- 
d  une  suspension  d  armes  entre  les  deux  puissances  ;  le 
8  juin  suivant  ce  plénipotentiaire  signa  avec  le  mi- 
nistre de  France  un  traité  dit  Traité  de  Paris,  par  lequel, 
contre  le  vœu  du  cabinet  de  Madrid,  les  intérêts  du 
prince  de  Condé  étaient  sacrifiés.  Philippe,  indigné 
de  la  précipitation  avec  laquelle  Pimentel  avait  ter- 
miné des  afTaires  aussi  délicates, nimagina pas  d*autre 
moyen  pour  revenir  sur  la  signature  de  son  agent  que 
d'attirer  à  la  frontière  le  ministre  de  France,  afin  de 
s'y  aboucher  avec  son  propre  ministre.  Le  but  osten- 
sible de  ces  conférences  était  de  r^er  certains  ar- 
ticles que  le  traité  de  Paris  n'avait  pas  prévus,  et  qui 
auraient  pu  rallumer  les  guerres  ;  mais  le  véritable 
motif  pour  l'Espagne  était  de  tout  remettre  en  question 
dans  ces  |)Ourparlers.  L'ile  des  Faisans,  dans  la  rivière 
deBidassoa,  proposée  pour  le  lieu  des  conférences. 


V20  LIVRE  QUATRIEME. 

ne  fut  pas  acceptée  d'abord  par  la  France  •  parce  que 
TEspagne  s*cn  prétendait  seule  souveraine;  cependant, 
comme  ce  point  mitoyen  entre  les  deux  royaumes 
était  le  plus  convenable  pour  les  négociations ,  il  fîit 
déridé  que  cette  tic  serait  considérée  comme  com- 
mune aux  deux  nations.  Cet  article  réglé,  vint  celui  du 
cérémonial.  Les  deux  ministres  convenaient  qu'avant 
d^ouvrir  les  conférences  ils  se  devaient  réciproque- 
ment une  visite  :  fembarras  était  pour  faire  la  pre- 
mière. Mazarin,  se  retranchant  derrière  sa  pourpre 
romaine,  prétendait  qu il  devait  la  recevoir; don  LxMria 
de  Haro  déclarait  que  sa  qualité  de  grand  d*E^pagne 
ne  lui  permettait  pas  de  la  faire  :  il  fut  enfin  arrêté 
que  cette  première  visite  aurait  lieu  à  la  salle  mêmt 
des  conférences,  où  chaque  ministre  entrerait  en  même 
temps.  Une  salie  fut  donc  construite  en  planches,  avec 
des  appartements  égaux,  à  la  même  distance  des  deux 
rivrs  de  Tile,  et  avec  un  pont  jeté  sur  fun  et  l'autre 
bras  de  la  rivière  :  tout  fut  pareil  de  part  et  d'autre 
dans  la  salle,  tables ,  fauteuils  et  piortes. 

lie  i3  août,  jour  do  l'ouverture  des  conférences, 
Maiarin  se  rendit  à  file  des  Faisans,  en  grande  pompe, 
acconi|}agné  des  marérliaux  de  (iramniont,  de  Villeroi 
et  de  Clerambaut,  du  grand  maître  de  f  artillerie ,  du 
dur  de  Crequi,  du  bailli  de  SouviV*,  et  pivrédé  d'en- 
viron quativrents  hommes,  tant  mousquetaires  à  pied 
que  gardes  k  cheval.  Six  carrosses  suivaient  le  sien, 
remplis  par  vingt  pn*lats  ayant  k  leur  tête  les  arche 


CHAPITRE  CINQUIÈME.  'i27 

vêques  de  Toulouse  et  de  Lyon ,  et  defrière  eux  un 
cortège  de  prèsdecînq cents  personnes.  Centcinquante 
mousquetaires  étaient  déjà  postés  au  bord  de  la  Bi- 
dassoa ,  et  vingt-cinq  avaient  déjà  la  garde  du  pont , 
pour  ne  laisser  passer,  suivant  ce  qui  avait  été  convenu, 
que  soixante  personnes  de  qualité  avec  le  cardinal,  et 
soixante  gardes.  De  lautre  côté  de  la  rivière,  deux 
compagnies  de  gardes  h  cheval,  âite  des  troupes  de 
Catalogne ,  le  pot  en  tête ,  Tépée  nue  k  la  tnain,  et  por- 
tant  la  casaque  à  la  livrée  du  premier  ministre,  étaient 
rangés  en  bataille  et  gardaient  leur  pont.  Don  Louis 
arriva  parle  chemin  de  Fontarabie,  porté  dans  une 
litière  précédée  de  huit  trompettes  revêtus  de  casaques 
de  velours  vert,  et  sonnant  avec  des  instruments  dW* 
gcnt,  et  suivie  de  quinze  carrosses.  Les  portes  des  ap- 
partements s*ouvrant  en  même  tetiTps,les  deux  ministres 
entrèrent  dans  la  salle ,  tendue  par  moitié  de  la  tapis- 
serie du  cardinal  et  de  celle  de  don  Louis.  Celui«-ci 
avait  avec  lui  le  secrétaire  d*état  Goloma  ;  Masârin  était 
accompagné  du  secrétaire  d*état  de  Lionne.  La  cour 
(le  France  se  trouvait  alors  à  Saint-Jean-de-LU2.  Les 
seigneurs  de  la  suite  du  roi,  qui  ne  voulaient  pas  le 
céder  aux  Espagnols  en  magnificence,  s*étaient parés 
(te  leurs  vêtements  les  plus  somptueux,  ce  qui  donne 
occasion  h  de  Brienne  de  remarquer  que  les  FVânçâis 
reni|)ortaient  par  la  richesse  des  dentelles  d*or  et  d'ar- 
gent, et  les  Espagnols  par  le  nombre  des  pierreries  ^ 

'   Mémoires  (le  Brienne. 


^128  LIVRE  QUATRIEME. 

Les  conférences  durèrent  jusqu*au  mois  de  no* 
vembre ,  grâce  aux  lenteurs  affectées  de  don  Louis  de 
Haro ,  qui,  pour  obtenir  des  conditions  meilleures  de 
Timpatience  du  cardinal,  s  étudiait  à  opposer  un  flegme 
calculé  à  la  pétulante  vivacité  de  son  adversaire  ;  mais 
Mazarin  en  avait  su  prendre  son  parti.  Don  Louis 
contesta  longuement  la  possession  de  la  viguerie  de 
Gonflent,  de  la  partie  de  la  Gerdagne  que  réclamait 
Majiariii  et  du  Gapcir,  par  la  raison  que  dans  le  traité 
de  Paris  on  n  avait  parlé  nominativement  que  de  la 
cession  du  Roussillon.  Poussé  sur  ce  point,  TEspagnol 
en  venait  à  consentir  à  se  dessaisir  de  ces  pays,  en 
échange  des  villes  de  Béthune  et  de  Saint -Venant; 
mais  Mazarin  tint  bon.  Don  Louis  se  rabattit  ensuite 
sur  le  Gonflent,  dont  il  voulait  bien  abandonner  la 
possession  à  la  France ,  mais  sans  que  le  nom  de  ce 
canton  fût  mentionné  dans  le  traité  ;  il  consentait  seu- 
lement à  ce  qu  on  dit  que  la  France  posséderait  les 
terres  des  montagnes  cpii  étaient  du  côté  de  la  France, 
et,  persuadé  qu  ainsi  le  Gonflent  resterait  à  TEspagne, 
il  espérait  par  cette  échappatoire  conserver  ce  canton. 

La  carte  de  Catalogne  était  si  mal  faite,  et  la  position 
des  montagnes  si  embrouillée ,  que  Mazarin ,  qui  se 
Tétait  fait  présenter,  avoue  qu  il  était  impossible  d*y 
rien  reconnaître  :  ce  fut  une  raison  pour  lui  d'insister 
sur  finsortion  de  ce  nom  de  Gonflent  au  traité,  et, 
pour  Tobteuir,  il  en  fit  la  (*ondition  de  son  approbation 
h  vc  (|u  on  proposait  vn  faveur  du  prince  de  Gondé. 


CHAPITRE   CINQUIÈME.  429 

Kiifm,  le  7  de  novembre,  ce  célèbre  traité,  dit  des 
Pyrénées,  fnt  signé  à  la  satisfaction  du  cardinal,  et, 
quand  tout  fut  ainsi  terminé ,  don  Louis  demanda  en 
grâce  à  Mazarin  de  lui  obtenir,  de  la  reine-régente  de 
France,  son  pardon  pour  le  flegme  avec  lequel  il  s^était 
conduit  dans  cette  négociation,  et  dont  il  savait  que 
cette  princesse  s*était  plainte  plusieurs  fois^ 

Ce  traité  des  Pyrénées  se  composait  de  cent  vingt* 
quatre  articles  relatifs  au  rétablissement  du  commerce, 
aux  bénéfices  donnés  et  reçus ,  aux  dettes ,  aux  places 
h  se  rendre  réciproquement ,  aux  arrangements  parti* 
cuiiers  avecles  princes  qui  avaient  pris  partà  la  guerre, 
au  pardon  du  prince  de  Condé,  et  généralement  à 
toutes  les  espèces  d'intérêts  qui  avaient  été  compromis 
dans  le  cours  de  ces  longues  hostilités;  il  réglait  ^- 
lement  le  mariage  du  roi  avec  Tinfante  d*Elspagne  ,  et 
déterminait  la  manière  dontdevait  se  &ire  la  restitution 
des  places  et  pays  que  chacun  s'abandonnait  récipro«- 
quement,  la  délimitation  des  nouvelles  frontières  et  la 
rançon  des  prisonniers.  Ce  qui  concernait  la  cession 
du  Roussillon  et  autres  pays  de  la  même  province  & 
la  France  fut  Tobjet  des  articles  &a  et  &3.  Daprès  ces 
articles ,  les  antiques  limites  des  Gaules  et  de  l*£spagii6 
devaient  séparer  de  nouveau,  àTavenir,  les  deux  mo- 
narchies, et,  en  conséquence  de  ce  principe,  la  Cata- 
logne restait  à  TElspagne  et  le  Roussillon  à  la  France. 

>   Ijettns  (la  cardinal  Mazarin  sur  la  mé^ocititiom  de  la  paix  deg  Pyri- 


neci 


450  LIVRE   QUATRIÈME 

A  la  première  de  ces  puissances  devait  appartenir  aussi 
la  Cerdagne,  sauf  les  villes  et  terres  qui  se  trouveraient 
dans  les  monts  du  coté  du  Languedoc,  ainsi  qu'il  serait 
régf  é  par  des  commissaires  délimitateurs.  Le  Gonflent 
devait  rester  à  la  France ,  sauf,  pareillement,  les  viiles 
et  terres  qui  pourraient  se  trouver  ^du  côté  de  l'Es- 
pagne. Amnistie  pleine  et  entière  était  accordée  à  tous 
les  Catabns.  Les  Roussillonnais  qui  avaient  suivi  le 
parti  de  l'Espagne ,  et  qui  rentreraient  dans  la  posses* 
sion  de  leurs  biens ,  étaient  tenus  de  résider  au  lieu  qui 
leur  serait  assigné  par  le  roi  de  France,  si  leur  rési- 
dence en  Roussillon  ne  lui  était  pas  agréable,  sans  pour 
cela  cesser  de  jouir  des  libertés ,  privilèges  et  firan- 
chises  que  leur  assuraient  les  constitutions  de  leur 
p^ys.  Lesévéques,  abbés  et  tous  ecclésiastiques  quel- 
conques, pourvus  de  bénéfices  avec  l'approbation  du 
pape ,  demeurant  dans  les  terres  de  l'une  des  parties, 
pourraient  jouir  sans  trouble  ni  empêchement  des 
fruits,  rentes  et  revenus  attachés  h  ces  bénéfices,  quoi- 
qu'ils se  trouvassent  sur  les  terres  de  la  partie  adverse. 
Toutes  donations  de  biens  confisqués  sur  des  Catalans 
ou  des  Roussillonnais  devaient  cesser  d'avoir  leur  eflet 
le  jour  de  la  publication  du  traité  de  paix;  les  anciens 
propriétaires  en  reprenaient  la  possession ,  mais  sans 
pouvoir  exiger  de  ceux  à  qui  ces  biens  avaient  été  cédés 
aucune  restitution  des  fiiiits  perçus  en  vertu  de  ces 
donations  ^ 

'  Ce  traite  se  trouve  dans  riliitoire  de  France  du  p^re  Daniel 


CHAPITRE    CINQUIEME.  Ml 

Aussitôt  que  la  conclusion  du  traité  de  paix  fut 
connue  officiellement  en  Rous^illon,  les  consuls  de 
Perpignan  envoyèrent  k  Toulouse,  où  était  venue  la 
cour  de  France,  une  députation  d'un  certain  nombre 
d*habitants  ayant  à  leur  tête  don  François  de  Blanes, 
pour  demander  au  roi  la  confirmation  de  leurs  privi- 
lèges et  constitutions,  ce  que  Louis  s  empressa  d'ac- 
corder, en  mettant  de  sa  propre  main  son  approbation 
au  bas  du  placet  qui  lui  avait  été  présenté  :  ce  fut  le 
6  janvier  1660  ^ 

Suivant  larticle  U^  du  traité  des  Pyrénées,  les nou-  1660 
velles  limites  des  deux  royaumes,  en  Catalogne, 
devaient  être  déterminées  par  des  commissaires  de$ 
deux  puissances  qui  se  réuniraient  au  plus  tard  un 
mois  après  la  signature  du  traité  ;  mai$  des  difficultés 
survenues  dans  Texécution  de  cet  article  retardèn^nt 
la  nomination  de  ces  commissaires  jusqu'au  mois  de 
février.  La  cour  se  trouvant  toujours  à  Toudouse ,  le 
roi  chargea  de  cette  nouvelle  négociation  le  même 
l^ierredeMarca,  arcbevêque  de  Toulouse  depuis  1 65a, 
qui  avait  été  nommé  visiteur  général  de  la  Catalogne 
en  16 4/1,  et  qui  avait  accompagné  Maxarin  à  la 
Bidassoa,  en  lui  donnant  pour  adjoint  lltalien  Hya- 
cinthe Serroni,  évèque  d'Orange.  Les  commissidre$ 
(\spagnols  furent  Michel  Salva  de  Valgomera ,  lieute- 

*   Reiflute  présentée  au  roi  par  ï évèque' dEine  (  pi^ce  d'une  cooiesta- 
tion  entre  ce  prélat  et  le  conseil  souverain,  et  dont  il  sera  parlé  plu» 

lard  ] . 


M2  LIVRE  QUATRIÈME. 

nant  du  grand  trésorier  de  la  couronne  d* Aragon ,  et 
Joseph  Romeu-Ferrer ,  membre  du  conseil  des  Cent 
de  Barcelone.  Quelque  mérite  qu'eussent  ces  person* 
nages ,  ils  n  étaient  pas  de  force  k  lutter  avec  le  prin- 
cipal commissaire  français ,  qui  à  un  caractère  extrê- 
mement ambitieux  unissait  une  érudition  vaste  et 
profonde ,  et  qui  depuis  quinze  ans  se  nourrissait  de  la 
lecture  des  histoires,  titres,  actes  €*t  écrits  de  toute 
espèce  concernant  le  pays  sur  lequel  il  était  appelé  i 
prononcer  un  jugement. 

Marca,  parti  de  Toulouse  le  19  février,  se  rendit 
à  Perpignan ,  d*où ,  le  8  mars  suivant,  il  envoya  prier 
le  marquis  de  Mortara,  vice-roi  de  Catalogne,  de  dé- 
terminer le  lieu  où  se  tiendraient  les  conférences.  Le 
chanoine  Pont ,  nouvellement  élu  abbé  d' Aries ,  partit 
pour  Barcelone  avec  les  instructions  suivantes  : 

<i  Premièrement  il  saluera  monsieur  le  marquis  de 
Mortara  et  lassurera  des  services  de  M.  f archevêque 
de  Toulouse  et  de  M.  féveque  d'Orange.  11  conférera 
avec  lui  touchant  le  lieu  où  se  doivent  faire  les  confé- 
rences pour  les  limites  des  deux  royaumes,  et  du  temps 
auquel  ledit  seigneur  archevêque  de  Toulouse  et 
M.  iVvéque  d*Orange.  commissaires  députés  par 
S.  M.  T.  C. ,  pourront  s'assembler  avec  les  commis- 
saires de  S.  M.  C,  pour  régler  les  susdites  limites. 

u  II  lui  fera  entendre  que  si  Ion  attend  de  conférer 
sur  ce  lieu-là  avec  les  commissaires  de  S.  M.  C.  après 
qu'ils  seront  arri\és  h  Girone,  il  y  aura  de  la  longueur 


CHAPITIIK  CINQUIEME.  tl^5 

et  des  difficultés  pour  en  convenir;  de  sorte  que,  pour 
les  éviter,  MM.  les  commissaires  du  roi  ont  mieux 
aimé  envoyer  ledit  sieur  abbé  à  Barcelone  pour  traiter 
de  ces  choses  avec  ledit  seipneur  marquis.  11  lui  offrira 
de  leur  part  les  lieux  de  Céret,  de  Canet  et  dliie,  en 
Roussilion ,  et  de  Prades ,  en  Gonflent,  où  lesdits  com- 
missaires feront  loger  commodément  MM.  les  commis- 
saires crEspagnc  et  leur  rendront  tous  les  honneurs 
dus  h  leur  qualité,  leur  baillant  même  la  droite  :  si 
ledit  seigneur  marquis  n'aime  mieux  que  rassemblée 
se  passe  à  Figuièrcs,  d'où  Ton  a  lait  sortir  les  troupes 
pour  cet  efTet,  où  il  fera  traiter  de  même  façon 
MM.  les  commissaires  du  roi ,  comme  il  est  contenu 
en  la  lettre  que  M.  Tévêque  d'Orange  a  écrite  h  M.  le 
marquis ,  de  concert  avec  ledit  seigneur  archevêque. 

«  Il  priera  M.  le  marquis  de  Mortara ,  de  la  part  de 
M.  Tarchevêque  de  Toulouse,  de  faire  en  sorte  de 
HTOuvrcr  un  gros  livre  in-folio  manuscrit,  où  sont 
comprises  les  lois  de  Charlemcigne,  sous  le  nom  d'An- 
scrjisus  abbas\  lequel  livre  emprunté  des  religieux  de 
Hipoll  ledit  archevêque  laissa  au  couvent  de  Saint- 
Pierre  de  Barcelone ,  lors  de  sa  retraite  de  cette  ville , 
et  il  Teùt  pu  emporter  en  France  si  son  honneur  ne 
Tcùt  convié  de  le  laisser  à  ceux  à  qui  il  appartient.  Et 
au  (*;js  qu'on  le  trouve ,  il   priera  M.  le  marquis  de 

*  Ce  Hont  les  sept  livres  que  Ikiluze  fit  ciiirer  par  la  suite  dans  \e 
|)reinif*r  volume  de  sa  collection  des  Capitulaires  des  rois  de  Franco, 
sous  le  titre  de  Capitulariam  KaroU  magni  et  Lndorici  pii. 

II.  .  a8 


434  LIVRE   QUATRIÈME. 

Mortara  de  le  prêter  audit  seigneur  archevesquc,  qui 
le  restituera  fidèlement  à  M.  le  marquis  avant  son 
départ  de  Roussillon  ;  son  désir  n*étant  autre  que  de  le 
conférer  avec  les  livres  de  ces  lois  qui  sont  imprimés, 
comme  il  avait  dessein  de  le  faire  si  la  peste  ne  l'eût 
obligé  de  sortir  de  Barcelone. 

«Enfin,  il  priera  M.  le  marquis  de  Mortara  de  faire 
copier  tout  entière  la  concorde  de  la  reine  Éléonor  et 
du  cardinal  de  Comminge,  qui  est  dans  Tarchif  royal 
de  Barcelone,  parce  que  cest  une  belle  pièce  qui  regarde 
les  droits  de  leglise  et  du  roi.  La  plus  grande  partie 
des  articles  de  cette  concorde  ont  été  imprimés,  mais 
non  pas  les  préfaces,  qui  contiennent  les  bulles  de.n 
papes  et  les  commissions  de  la  reine ,  qui  sont  curieuses 
pour  rhistoire  ecclésiastique. 

■  Fait  à  Peq>ignan ,  le  8  du  mois  de  mars  i  GGo. 

«  Maiu:a,  arclic\'ôquc  de  Toulouse  ^  • 

Le  vice-roi  de  Catalogne,  jugeant  la  ville  de  Fi- 
guières  peu  commode  pour  les  conférences,  choisit 
celle  de  Céret.  Marca  et  Serroni  s*y  rendirent  le  1 5  d'a- 
vril, et  les  commissaires  espagnols  y  arrivèrent  le  1 9  : 
la  première  réunion  eut  lieu  le  3  1 . 

Aux  termes  convenus  par  les  traités  de  Paris  et  des 
Pyrénées,  les  nouvelles  frontières  de  la  France  et  de 
rKspagne  devaient  être  les  mêmes  que  celles  qui  avaient 

'  Celle  pirce,  qui  se  conserve  clans  la  fainille  île  cet  Mw  IViil,  nous 
a  ^1^  roniniunii|iiée  |uir  M  île  Sainl^Malo,  an>  ieii  Miu4-pn't<  I  de  (!«Tel. 


CHAPITRE  CINQUIÈME.  M5 

jadis  séparé  les  Gaules  de  la  Tarragonaise  :  le  premier 
point  sur  lequel  les  commissaires  avaient  à  s'accorder, 
c'était  de  déterminer  quels  étaient,  d'entre  les  Pyrénées, 
les  monts  qui  avaient  formé  cette  séparation.  Ici  les 
auteurs  anciens  devenaient  le  livre  de  la  loi  :  ils  furent 
commentésde  part  et  d'autre.  Il  résultait  de  leur  accord 
que  les  anciennes  limites  partaient  du  voisinage  Al 
temple  de  Vénus.  Ce  temple,  les  Catalans  le  plaçaient 
h  Port-Vendre;  Marca  le  portait  sur  le  cap  de  Creus; 
mais  comme  il  était  bien  avéré  que  les  limites  antiques 
étaient  au  point  de  Cervaria ,  d'après  le  témoignage 
très-précis  de  Mêla,  le  point  de  départ  de  la  ligne  di* 
visoire  des  deux  royaumes  fut  fixé  au  nord  de  l'anse 
de  Cervera. 

Le  Vallespir  fiit  ensuite  mis  en  question.  Les  Cata* 
lans  avançaient,  non  sans  raison  peut-être,  pour  la 
partie  haute  de  ce  canton ,  qu'il  appartenait  à  la  Tar- 
ragonaise \  mais  Marca  soutint  qu'il  était  des  Gaules  : 
il  fut  adjugé  k  la  France ,  non  par  la  conviction  qu'il 
eût  réellement  fait  partie  des  Gaules,  mais  parce  qu'il 
était  une  dépendance  actuelle  du  Roussillon,  qui  aux 
termes  précis  du  traité  devait  revenir  en  totdUté  i  cette 
puissance.  La  possession  du  Gonflent,  déjà  Tivement 
débattue  aux  conférences  de  la  Bidassoa ,  le  fut  encore 
à  celles  de  Céret.  Les  Espagnols  demandaient  cette 
vigucrie  en  entier,  comme  se  trouvant  dam  les  mon*- 
tagnes  de  Catalogne  ;  Marca  démontra  qu'elle  devait» 

'  Voyez  ta  noie  IX. 

a8. 


456  LIVRE    QUATRIÈME. 

au  contraire,  rester  en  entier  à  la  France  puisque  toutes 
ses  appartenances  étaient  à  la  partie  des  monts  qui  re- 
garde le  Languedoc,  ainsi  que  le  docteur  Raymond  de 
Trobat  Tarait  déclaré  à  Mazarin ,  aux  conférences  de 
nie  des  Faisans  ^  N'ayant  pu  s'accorder  ensuite  au  sujet 
de  la  Cerdagne,  dont  Marca  réclamait  la  plus  grande 
ptrtie,  les  commissaires  terminèrent  leurs  conférences 
en  remettant  à  la  décision  des  plénipotentiaires  le  ju- 
gement de  cette  difficulté. 

Ce  qui  avait  été  anvté  changeait  complètement  la 
lettre  de  Tarticle  &3  du  traité,  et  la  future  division  de 
la  Cerdagne  ne  devait  pas  moins  Taltérer  encore  :  il 
fallut  revenir  sur  le  texte  de  cet  article,  et  le  rédiger 
dans  un  sens  nouveau  qui  s  accordât  avec  le  résultat 
des  conférences  de  Céret.  Les  deux  ministres,  revenus 
dansTile  des  Faisans  pour  arrêter  les  articles  du  mariage 
de  Louis  XIV  avec  Tintante  d'Espagne,  convinrent, 
le  8  de  mai ,  d'un  nouvel  accord  qui  fut  signé  le  1 3  du 
même  mois,  sous  le  titre  dcn  Explication  de  l'article  &3 
«du  traité  des  Pyrénées.  >iPar  cette  nouvelle  rédaction 
tout  le  Roussillon  et  tout  le  Confient  étaient  reconnus 
pour  appartenir  à  la  France,  quelque  part  qu'en  fussent 
situées  les  dépendances,  et  toute  la  Catalogne  et  la 
Cerdagne  restèrent  à  TEspagne ,  sauf,  pour  ce  dernier 
comté ,  la  vallée  de  Carol  et  une  portion  du  territoire 
Cerdan,  pour  communiquer  avec  cette  vallée.  Pour 
prévenir  toute  difficulté  ultérieure,  il  fut  réglé  que  cette 

*  Litirrt  du  cardinal  Masarin.  tom.  II. 


CHAPITRE    CINQUIÈME.  457 

portion  de  la  Cerdagiie  cédée  à  la  France  formerait, 
avec  la  vallée  de  Carol,  un  total  de  trente-trois  villages 
et  (juon  compterait  comme  tel  tout  village  détruit, 
pourvu  qu  il  y  restât  encore  quelques  maisons.  Pour 
l'exécution  de  cette  disposition,  Févêque  Serroni  et  don 
Salva  de  Valgomera  se  réunirent  à  Livia ,  et  le  1 3  de 
novembre  ils  arrêtèrent  le  partage  de  cet  ancien  coÊOfà 
de  Cerdagne,  tel  qu'il  existe  aujourd'hui  ^ 

Louis  XIV,  accompagné  de  la  reine-mère,  régente, 
et  de  toute  la  cour,  avait  fait  son  entrée  dans  Perpi- 
gnan le  1  avril  de  cette  année  1 66o,  et  il  était  repiarti       i66o. 
de  cette  ville  après  y  avoir  séjourné  douze  jours*. 

*  Preuves ,  n*  XV. 

*  Registre  des  statuts  de  i'univ. 


438  LIVRE  QUATRIÈME. 


CHAPITRE   VI. 

GouTamement  du  RoassUlon  soas  la  monarchie  d*Eapagiie.  — 

«llJCkMMdl  flouverain.  —  G>nfllitution  militaire.  —  SasaiTa.  -— 

•  '■■* 

G)D8piration  en  G>nflent  — MiqueleU. 

Le  Roussillon  en  entier  et  une  partie  de  la  Gerdagne 
sent  irrévocablement  acquis  à  la  France;  un  acte 
solennel  lui  en  consacré  la  propriété.  La  prescription 
des  temps  anciens  Temporte  surFusurpation  des  temps 
modernes.  Reconnus  comme  des  portions  intégrantes 
du  sol  français ,  héritier  du  sol  des  Gaules ,  ces  terri- 
toires reviennent  à  leur  domaine  naturel.  Le  traité 
des  Pyrénéesapparait  donc,  dansrhistoirc,  non  comme 
une  de  ces  transactions,  fruitsde  Timpéricuse  nécessité, 
sanctionnant  la  séparation  d*une  province  à  la  suite 
d*une  victoire ,  et  par  la  seule  autorité  de  la  loi  bru- 
tale du  plus  fort,  mais  comme  un  acte  éclatant  de 
justice,  qui,  après  plusieurs  siècles  de  démembrement, 
réintègre  à  son  tout  homogène  une  partie  de  ce  tout 
dont  la  distraction  était  contre  nature. 

Tant  que  le  Roussillon  et  la  portion  de  Gerdagne 
cédée  h  la  France  étaient  restés  sous  la  domination 
espagnole,  ces  deux  comtés  se  trouvaient  compris  dans 
toutes  les  mesurea^  qui  concernaient   la  Gatalognr . 


GHAPITR£  ;  9IJUEMB.  499 

saofi  pourcela  fidrepattic  intégrante  étih  ^principauté; 
ils  étaient  en  oomamn  atec  là  Catalogne  poarce.qni 
conceniait  Tantcrité  royale  ou  qui  émanait  de  f  onfiliî^ 
potence  des  cortti.  toaicliantlbs  intéréta  généiMH^  db 
la  popuktran;  .ils'én:étaient  séparéa  datif  tout  ee.iqtft 

temdtaU'régpBKtlDCfliL.  •;  ^'^  -:  n  .•f-l-.. .'.- i -.ir* 

Loirsqte  Ferdinw^,  jpiÉ}/-4lHi  iDat^^ 
tière  du  trottej -.de :fiairiMi»,)  dot  ^lù^tm.'SUÊgmÊifÊL 
Barcelone  piHythahbctiiybdiiifc^iifiBiéai,  |Mlr  âftiQlIpfc 
placer  en  Asagpn  et.eB  dOilaif^gM ,  >dbi  vkMNMaidQi|t 
Tautorité  s'éttnlailiiDr^tMfcjbi  ddoiaînM 
renne  patrimonide.  Le  vice-roi  de  Catalogne  était  Maoi 
de  jurer  de  ile.iriènMiÉiiateBi^daoftiie  gborwiOmt 
des  trok  comtéa:ide  BÊndàm^i  dc>fiitt4at^(n .  çfci;^ 
RoussiUon  ,^  et  ce  attnentdeRnibtoélprèil  «HljabdMbl 
la  frontière  de  la:pwifp^aetoiMmeiaA»i<rfflf^aMip 
la  frapclnssait  pour  pvfodnifbiMiîiÀjdi  aiidbnpii 
ensuite  à  BÊÉq^koMlyhkiûnité^lwéné^ 
étantinbérentAkiMitaribbwlél  }»wmihittuhàm^ 
parremL-mèmea  on-par  leups  dbiandèiifln^^rEsp^gpf} 
cette  cour  in  jnstiih  inprtiMiL  nniiHo  mi  oiHubiH 
chancelier^  parttAjteiio^tf flwdJHlBWigqyafaA Dbmbi| 
adminiilrat)eur)dvrafiaBfliè  dé  OMliRaji  WMrffagiBp»^ 
dinand,  dflBrlSinpoaaibilit^  dé  |firerfiBDlBi-iilèq|Éfb 
tomme  ttaieill  finieeri  piéddi  JHf^li  ■tsy  jqelfttiMMain 
si  import»nie.d>làniÉnaaiàirt;  iMlihÉI,  pahAÉi  i| 


session  des  c«rt«AK  teS»f«Pff Mteîk^  îïj.fBl?^ 
nom  d'audieneeMfak«'iiMiJMna|il  pBn<îwMlil  iii 


/i40  LIVRE   QUATRIÈME. 

outre  Tattribution  de  rendre  la  justice  supérieure, 
avait  encore  une  part  dans  le  gouyemement  civil  de 
la  Catalogne  et  des  deux  comtés.  Cette  nouvelle  cour 
de  justice,  composée  d*abord  de  huit,  et  ensuite  de 
douze  conseillers  ayant  k  leur  tète  le  chancelier  ou  le 
vice-chancelier,  ou  à  leur  défaut  le  régent  de  la  chan- 

lerie  qui  était  leur  substitut ,  jugeait  seule  toutes  les 
)s  civiles;  dans  les  causes  criminelles  elle  s'ad- 
joignait deux  autres  officiers  nommés  juges  de  cour, 
qui  recevaient  les  informations,  dirigeaient  la  pro- 
cédure ,  Oaiisaient  les  rapports  et  avaient  voii  délibé- 
rative. 

Chargée  de  maintenir  Tordre  dans  les  cours  infé- 
rieures ,  laudience  royale  avait  sous  sa  dépendance 
les  hôtels  de  ville  des  trois  comtés ,  à  la  réserve  de 
ceux  de  Barcelone  et  de  Perpignan  ;  elle  réglait  leur 
économie  intérieure,  leurs  opérations  municipales» 
la  perception  de  leurs  octrois  et  Temploi  de  leurs  re- 
venus. Le  vice-roi ,  hors  les  affaires  purement  mili- 
taires, ne  pouvait  rien  prescrire  sans  consulter 
f  audience  royale,  et,  forcé  de  suivre  son  avis,  il  devait 
le  motiver  expressément  dans  ses  ordonnances  ^ 

Le  Roussillon  et  la  Cerdagne,  envoyant  leurs 
députés  aux  corts  de  la  province,  concoui*aicnt  ainsi 
pour  leur  part  «^  la  législalion  locale,  et  se  trouvaient 
placés,  dans  Tinterv aile  des  sessions''^,  sous  la  protection 

'  Xaupi ,  Recherches  historiquei  sur  la  nohUsêe  dr  CataloifHe, 

*  Les  setMOM  des  corts  forent  d*abonl  annuelles,  puis  triennales. 


CHAfilTRfi  I  SIXIÈMB.  Ul 

des  procureurs  généniu fde  Gdi  coctS'^ûtt. députés» 
Les  deux  oomtésdépendaienleueoneiie  la  OttalogBé 
en  ce  qui  coneemtit  f  office  du  mstiw  MtMmnel-ioa 
grand  trésorier*  Quant àcè  qui  tenait  au  fégimelocd* 
le  BoussiUon  et  k  <2etdagnè  étaient  ^planéa*}  sous 
Fautorité  d\u»  gourlsnieuB 'général  dont,  le  t^^ 


sous  te  nomt^e  f  tsimaris »  ^  gèuvcgnesaflat >)  ♦  »aiégc|||| 
à  Perp%natt.  La  kmie  poÙorfidasi  dauBibantéa  êia||p 
grandes  aflhiresi  du  nwnnaaarflii^PhrlMiaienfaà  iciMa 
juridiction ,  qui  lecefait  Jeà^  ortra.  itl  aamucaifcdf  Aaiiis 
les  officiars  royauafrOrtinrisaaiff  dlé'taéttea^lauinianifeeB» 
accordait  les  lettrta'deiréff^MOiii  etiidk  «tftilvtioi^^ 
entier,  donnait )dMaÉufi^gafdwiCiid«S{ktMes4lÉ^^ 
nutention,  réprirtiaitiiasiàaitBaBriaBs  ^dcsmopÉrhaÉi 
ecclésiastiques^  e»;itouwraïfciéwrn^prtr JfaAHflA^ 
des  seigneur»  tilréfti  I^  feîrttoiarttft  dSnnMacsaaaf  aft 
de  sept  plÊlàniB^iÊL  piehmm-in^ 
certaine  sonune».  unerijuridieiioÉl  saywiiaMalaMQlaÉ 
matières  sommÎMa  àÉa^jdéoisaaki^^n  ^  ^uuo-^  xfiob  rjï 

Perpignan .  «vittf  uoA 'diainhnMi'îteiib^  1^ 
moni  on  donuotte  roypltMMtaitflbcQnridii  ptMoiapj» 
royal.  Cet  dfcaer .jiémiisait  Aafta>  ihaig^  J^pfÉMÉD 
butions  dft  piiotewnt'fièdali»ideiaapil«ine  id^ifiiBli 

et  «y»  te  ^iMi'èmà  ^'kMi^mà^  . 

rt»,  lie  SHMertiivartlIl  tMlliëMlMMMi^  «{«««^PiaAI 
d  adminbtntioo  féaénb,  cett»  oidoaanHS  forlril  b  mk  éê/ng' 


W2  LIVHË   QUATRIEME, 

tant  de  terre  que  de  mer^  de  maître  des  eaux  et 
forêts ,  et  de  commissaire  des  amortissements.  Le  pro- 
cureur roval  administrait  tous  les  biens  domaniaux, 
en  recevait  les  revenus,  était  cliai^é  de  fentretien  des 
bitiments  royaux,  de  la  solde  des  officiers  du  prince, 
et  exerçait  une  juridiction  civile  et  criminelle  sur 
toutes  ces  matières  :  fappel  de  ses  jugements  était 
porté  à  Taudience  royale.  Le  tribunal  du  procureur 
royal  se  composait  d'un  assesseur,  d  un  avocat  du  roi , 
d*un  procureur  du  roi  et  de  quatre  consultants. 

Lors  de  la  révolution  de  Catalogne,  Louis  XIII 
venant  en  personne  au  siège  de  Perpignan ,  Taudience 
royale  et  la  députation ,  qui  ne  devaient  pas  se  séparer 
du  roi  tout  le  temps  qu*il  était  dans  la  province, 
s'étaient  rendus,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  auprès  de 
sa  personne  en  Roussillon.  Après  le  dépari  de  ce 
prince,  elles  retournèrent  à  Barcelone.  Mais  bientôt 
la  Catalogne  reprit  l'obéissance  de  son  souverain,  et 
les  deux  comtés  restèrent  seuls  sous  la  main  des 
Français.  Alors  chacun  des  deux  rois ,  qui  s'intitulait 
également  comte  de  Barcelone,  de  Roussillon  et  de 
Cerdagne,  nommant  ses  officiers  militaires  et  de 
justice,  il  y  eut  un  vice-roi  espagnol  et  un  vice-roi 
français ,  une  audience  royale  à  Barcelone  et  une  à 
Perpignan ,  qui  prit  le  nom  de  conseil  royal.  Celle-ci 
fut  composée  de  ceux  des  conseillers  de  l'audience  de 

^  On  donne  le  nom  de  ports  au^  délilrt  des  nionUgnet  qui  doni 
acc^s  à  diflereutes  vallées  ;  les  anciens  les  appelaient  fiorUr 


h!iU  LIVRE   QUATRIÈME. 

gouverneur  spécial  du  Roussillon  ^  et  avec  lui  les  trois 
membres  du  tribunal  de  la  gubernacion ,  le  procurem* 
royal ,  avec  les  autres  membres  de  la  cour  du  domaine 
et  le  grand  trésorier;  d*autre  part,  don  Joseph  Fon- 
tanella^  régent  de  la  chancellerie,  avec  les  six  membres 
de  Taudience  royale  de  Barcelone ,  qui  étaient  restés 
en  France^,  et  il  leur  communiqua  Tédit  donné  à 
Saint-Jean-de-Luz ,  le  1 8  du  mois  de  juin  précédent , 
portant  dissolution  de  leurs  tribunaux  et  juridictions. 
Immédiatement  après  que  le  notaire  Albafulla  eut 
dressé  acte  de  l'adhésion  donnée  à  cet  édit  par  les 
personnes  ainsi  réunies,  Serroni  donna  communication 
dun  second  édit  du  même  jour,  portant  création  d*un 
conseil  souverain ,  qui  fut  organisé  immédiatement, 
«  pour  connaître  de  toutes  les  affaires  de  la  connais- 
«sance  qui  appartenait  au  conseil  royal  et  tout  juger 
«souverainement  et  en  dernier  ressort,  suivant  les 
«lois  et  ordonnances  du  pays,  et  y  procéder  autant 
«  qu'il  se  pourra  en  la  forme  et  manière  qui  se  pra- 

'  Ce  titre  de  gouverneur  lui  eft  donné  |>ar  le  roi  dans  une  lettre  du 
9&  juin  i65^. 

*  FontanelU  était  fils  d'un  célèbre  jurisconsulte  de  Barcelone,  re- 
gardé comme  le  flambeau  du  barreau  de  Catalogne.  Il  était,  en  i64i , 
Tun  des  trois  assesseur»  de  la  députation ,  et  celui  qui  par  son  mérite 
et  ses  talents  avait  le  plus  contribué  à  faire  rester  le  Roussillon  s«ius  la 
domination  française.  Louis  Tavait  envoyé  romme  négociateur  an  con- 
grès de  Munster;  il  le  créa  vicomte  en  avril  16^(9. 

'  Ces  six  membres  étaient  :  lMiilip|)e  de  Copons,  Joseph  ^^hierall. 
François  Marti  y  Villadomar,  Nicolas  Manalt,  Isidore  Prat,  el  Kaymond 
TiHibat. 


CHAPITRE   SIXIÈME.  ^^5 

<(  ti(jur  dans  les  autres  cours  souveraines  du  royaume; 
((  se  réservant  néanmoins  S.  M.  de  changer,  réformer, 
«  amplifier  lesdites  lois  et  ordonnances,  ou  d'y  déroger 
u  ou  les  abolir  ou  d'en  fiaire  de  nouvelles  et  tels  r^le- 
u  nients,  statuts  et  constitutions  qu'elle  verra  être  plus 
«  utiles  et  avantageuses  à  son  service  ou  au  bien  de  ses 
((  sujets.  » 

Pour  donner  au  gouverneur  générai  de  la  province 
la  faculté  d'avoir  entrée  au  conseil  souverain ,  k  l'imi- 
tation du  droit  dont  jouissaient  les  vice-rois  de 
Catalogne  de  siéger  à  l'audience  royale,  le  roi  ordomia 
que  ce  gouverneur,  quand  il  lui  plairait  de  s'y  rendre, 
aurait  place  avec  le  premier  préaident,  prenant  celle 
que  le  roi  occuperait  lui-même,  s'il  était  présent,  et 
opinant  le  dernier,  sans  pouvoir  recueillir  les  voix, 
signer  les  arrêts  ni  faire  aucune  fonction  de  la  charge 
de  président.  Le  docteur  François  Sagarra,  gouverneur 
du  Roussillon ,  fut  créé  premier  président  à  mortier 
de  cette  nouvelle  cour,  dont  Joseph  Fontanella  fîit 
premier  président.  Quant  aux  fonctions  de  procureur 
général,  elles  furent  confiées  à  trois  Français  successi- 
vement ;  le  premier  fut  le  sieur  de  Maqueron,  nommé, 
comme  les  autres  membres  de  la  nouvelle  cour,  par 
provisions  du  i  o  juin  1 660,  et  qui  remplit  en  même 
temps  la  charge  d'intendant  de  la  province.  Ses  deux 
successeurs,  le  sieur  Carlier  et  ie  sieur  Camus  de  Beau- 
lieu  ,  réunirent  aussi  à  leur  charge  celle  d'intendant: 
enfin  h  la  mort  de  ce  dernier,  en  1706*  les  fonctions 


446  LIVRE    QUATRIEME. 

de  procureur  général  furent  confiées  au  sieur  Després, 
Roussîllonnais  d  origine  française ,  qui  obtint  des  dis- 
penses parce  que  son  oncle,  le  chanoine  Després, 
siégeait  À  la  même  cour  en  qualité  de  conseiller  ^  Don 
Marti  de  Villadomar ,  nommé  avocat  général  le  i  o  de 
juin ,  fut  secondé  deux  mois  après,  dans  ces  fonctions, 
par  Raymond  de  Trobat ,  qui  en  1 680  fut  nommé 
président  de  cette  cour  et  intendant  de  la  province^. 

Une  des  premières  opérations  dont  eut  à  s  occuper 
le  conseil  souverain,  ce  fut  de  procéder,  par  Tordre  du 
roi ,  à  Icnregistrement  du  code  des  constitutions  de 
Catalogne ,  ce  que  Tédit  de  création  désignait  par  lois 
et  ordonnances  du  pays,  qui  continuaient  à  former  le 
code  municipal  du  Roussillon. 

Le  conseil  souverain  eut  aussi,  plus  tard,  dans  ses 
attributions  la  connaissance  des  refus  de  la  cour  de 
Rome,  ainsi  que  les  bulles  et  provisions  de  bénéfices 
ecclésiastiques  de  nomination  royale,  connaissance 
qui  dans  le  reste  du  royaume  était  réservée  au  grand 
conseil  :  cette  exception  fut  fondée  sur  ce  principe  que 

'  Arrk.  Juionseil  souverain,  aa  (fr^ff^  du  tribunal  de  Perpignan.  Cest 
à  tort  qu'on  a  inipriuie  dan»  la  Statislique  des  dê|iarteiDeiitft  pyrénétDt, 
qu'à  la  rrûaiioo  de  cette  cour  souveraine  Ici  fonctioni  importanlct  de 
procureur  général  furent  contî<'*ea  à  un  notaire  de  village,  par  la  seule 
raîv>n  qu'il  comprenait  et  parlait  la  langue  franraise. 

*  O  Raymond  de  Trobat,  dont  les  provisions  d  avocat  géoénl  sont 
du  G  d'août  1 8G0 ,  avait  éti-  ap|)elé  par  Maurin  pour  lasaiiter  aus  con- 
férenceiide  Vi\v  des  Faisans,  à  raison  de  la  connaissance  parfaite  qu*il 
avait  de  la  topo;;rapbie  des  deui  comtés  de  Roussillon  et  de  Cerdagne. 
Vovct  le»  Ijetires  de  ce  rardinal-minislfe,  tom.  II. 


CHAPITRE   SIXIÈME.  k'xl 

(des  évocations  n*ayaiit  pas  lieu  en  Roussiilon,  le 
((grand  conseil  ne  pouvait  y  avoir  de  juridiction*.» 
Comme  cette  même  cour  connaissait  souverainement 
des  iippels  de  toutes  les  justices,  tant  royales  que  sei- 
gneuriales ,  dans  toute  l'étendue  de  la  province ,  on  lui 
portail  aussi  ceux  du  consulat  de  mer  de  Perpignan. 
Par  dérogation  aux  privilèges,  un  édit  du  mois  de  mai 
1711*^  avait  transporté  au  parlement  de  Toulouse  la 
connaissance  des  appels  de  lamirauté  de  Collioure. 
Col  abus  fut  réparé  par  une  déclaration  du  ao  dé- 
cembre 1718,  portant  que  «  suivant  les  constitutions, 
((  lois  et  pragmatiques  du  Roussillon ,  les  habitants  ne 
((  peuvent  être  traduits  hors  de  leur  ressort.  » 

L'ancienne  cour  du  domaine  royal  de  Roussillon , 
fondue  dans  celle  du  conseil  souverain  par  Tédit  de 
1 660,  en  fut  séparée  de  nouveau  en  vertu  de  lettres 
patentes  du  20  novembre  i66a.  Elle  fut  érigée  alors 
en  consistoire  du  domaine,  qui  eut  pour  directeur 
général,  avec  attribution  souveraine,  ce  François 
Sagarra  qui  était  premier  président  à  mortier  du  con- 
seil souverain  et  gouverneur  du  Roussillon.  Par  lettres 
de  cachet  du  26  février  suivant  le  roi  adjoignit  è  ce 
directeur  général  deux  avocats  généraux  et  un  pro- 
cureur général.  A  la  mort  de, Sagarra,  sur  la  tête  de 
qui  on  avait  accumulé  beaucoup  de  titres  et  d'honneurs, 
le  roi  rendit  un  nouvel  édit  (  1688),  portant  que  «la 

'  Déclaration  <lu  1 5  juin  1710. 

*   \ri:}x.  Dom 


'l'iH  LIVHK    QUATHIKMK. 

(I  si'paratiou  de  juridiction  du  consistoire  du  domaine 
«roval  de  Roussillon  de  la  cour  du  conseil  souverain 
u  de  la  province ,  excitant  des  divisions  et  de  la  jalousie 
Cl  pamn'  les  juges  de  ce  conseil,  )>  il  en  opérait  de  nou- 
veau la  réunion  h  cette  cour'.  La  chambre  du  domaine 
du  conseil  souverain  connaissait  de  foutes  les  affaires 
des  eaux  et  forêts,  dont  il  n'y  avait  pas  de  maîtrise  en 
Roussillon.  Ses  archives  sont  encore  les  plus  impor- 
tantes de  la  province,  bien  qu'elles  aient  été  mutilées 
à  diverses  époques. 

La  vénalité  n'avait  pas  lieu  pour  les  chai^ges  du 
conseil  souverain,  ni  pour  les  autres  oflices  de  juri- 
diction ordinaire:  les  seules  places  de  grenier  pouvaient 
être  achetées  ■'*. 

En  accordant  le  droit  de  commune  à  Perpignan, 
Pèdre  III  lui  avait  pareillement  concédé  celui,  inhérent 
à  cet  affranchissement,  de  pouvoir  venger  par  les 
armes  ses  propres  querelles.  l?ne  conséquence  de  ce» 
droit  était,   pour  ses  habitants,  le  privilège  d'être 

'  Cette  chambre  ilu  ilouiaiiic  royal  é|)rou\a  encore  d'autres  modifi- 
cations, Mnn  cemcr  toiitefoi.n  de  faire  partie  du  conseil  souverain.  En 
1737,  pour  faire  te ferrier  général  du  roi,  il  fut  établi  un  conimitsaîn* 
du  domaine  à  vie.  Le  17  juin  i7.'>g  ccUe  juridiction  fui  conipoaéed'un 
président ,  de  deux  conseillers  et  d'un  pnicurcnr  du  roi.  Ce  sont  les  ar- 
(iiives  de  cette juriilictinn que  nous  désignons  |>ar  Arth.  Dom. 

*  En  1695  et  en  1700  le  roi  rejeta  len  pn»po«itions  qui  lui  MaienI 
fiiites  |iuur  ériger  en  cbari(es  \éiiales  les  ot]ic*es  du  conseil  souverain 
La  coin|»agnie  dr»  lraitant^  avait  olferl,  |iour  rrl  iil>j«*l .  une  scimnie  dt 
iroit  cent  mille  rcu«  sur  les  )undicli"ns  sfiftndaires  dn  linussilluii 
Vo\ej.  la  n«iic  \ 


CHAPITRE    SIXIÈME.  WJ 

toujours  amiés,  celui  de  se  défendre  eux-mêmes  contre 
l'ennemi  extérieur  et  de  ne  recevoir  dans  leur  pays  de 
lorcc  étrangère  que  sur  leur  demande ,  quand  ils  ne  se 
f'(»gardaient  pas  comme  assez  forts  pour  repousser  un 
ennemi  trop  supérieur.  Le  premier  consul  de  la  ville 
<*tait  de  droit  colonel  de  la  population  armée.  Par  édit 
du  7  mai  i448  Alphonse  IV  avait  attribué  à  ce  ma- 
gistrat la  garde  des  clefs  de  la  place ,  tant  en  temps  de 
paix  qu'en  temps  de  guerre  ^  et  Ferdinand  II  Favait 
institué  capitaine  général  de  la  ville  et  de  son  ter> 
roir,  disposition  qui  fut  confirmée  par  Chaiies-Quint , 
le  19  novembre  iSSy;  enfin,  le  1 3  juillet  1599, 
Philippe  III  avait  prescrit  à  ses  généraux  en  Roussillon 
(le  ne  rien  entreprendre  sans  la  participation  du  premier 
consul  de  Perpignan^.  Ces  distinctions  si  honorables 
et  si  flatteuses,  accordéesau  premier  citoyen  de  la  ville, 
étaient ,  en  quelque  sorte ,  une  conséquence  du  droit 
qu avait  la  population  de  se  garder  elle-même,  et  ce 
droit  était  précieux  pour  la  couronne.  Ce  n*était  pas, 
en  eflét,  un  petit  avantage  pour  le  souverain,  que 
d'avoir  les  frontières  de  ses  états  couvertes  par  une 
population  qui  se  chargeait  de  veiller  elle-même  à  sa 
propre  sûreté,  qui  mettait  tout  son  amour-propre  dans 
ce  glorieux  devoir,  et  qui  se  montrait  toujours  prête  à 
tous  les  sacrifices,  pour  prouver  qu*elle  méritait,  sous 
ce  rapport,  la  confiance  entière  du  monarque. 

'   Livre  vert  maj. 

^  Livre  vert  niaj.,  livre  vert  min. 

11.  ao 


450  LIVRE   QUATRIÈME. 

L^armement  de  la  population  de  Perpignan  n  était 
donc  pas  seulement  un  droit,  c'était  pour  elle  une 
obligation  résultant  de  ce  droit  même.  Les  consuls 
étaient  chargés  de  veiller  k  ce  que  les  armes  dont  les 
habitants  étaient  tenus  d  être  toujours  pourvus  Rissent 
constamment  en  bon  état,  et  nous  avons  parlé,  au 
chapitre  m  du  livre  troisième  de  cette  histoire,  de 
Tespèce  d*armes  que  tout  chef  de  maison  devait  avoir 
k  sa  disposition.  Les  ecclésiastiques  n  étaient  pas  eux- 
mêmes  exempts  du  service  militaire  civil  :  on  voit  au 
code  des  constitutions  de  Catalogne ,  qu  aux  corts  de 
Barcelone  de  i3()9  Pèdre  IV  ordonna  aux  clercs  de 
Perpignan  de  faire  des  approvisionnements  d'armes  et 
d'attirail  militaire;  nous  avons  vu  les  prêtres  de  SainI 
Jean  chargés  de  la  défense  d'un  poste,  lors  de  la  ten- 
tative de  surprise  de  Perpignan  par  Ornano,  et  plus 
tard  on  voit  encore  ceux  de  Puycerda  défendre  vail- 
lamment la  brèche. 

Les  populations  armées  de  la  Catalogne  et  du  Rous 
sillon  devaient  voler  au  secoui*s  du  prince  k  son  pn> 
mier appel.  Un  article  des  usages  de  Barcelone*  qui 
faisait  loi  pour  toute  la  province,  leur  imposait  le  de 
voir  de  courir  k  sa  défense  pei*soniielle  ou  k  celle  de 
ses  états ,  dès  qu'elles  apprenaient  cpie  quelque  danger 
les  menaçait.  «  Si  le  prince,  dit  cet  article,  par  quelque 
u  (*as  que  ce  soit ,  se  trouve  assiégé ,  ou  s  il  tient  même 
«ses  ennemis  assiégés,  quiconque  entendra  dire  que 
"  quelque  prince  marche  contiv  lui  pour  hu'  faire  l:i 


CHAPITRE    SIXIÈME.  !i5l 

«guerre  ou  pour  attaquer  ses  états,  d<^s  qu'il  en  sera 
((  averti  par  des  lettres  ou  des  messages  ou  par  des  feux 
u  allumés,  suivant  l'usage  du  pays*;  soit  chevalier,  soit 
«fantassin,  ayant  l'âge  requis  pour  combattre,  qu'il 
M  marche  à  l'instant;  et  s'il  y  manque  le  pouvant  faire, 
«  qu  il  perde  à  jamais  tout  ce  qu'il  tient  du  prince  ;  et 
«pour  réparer  ce  manquement  à  ses  devoirs,  qu'il 
«prête  foi  et  hommage  sur  les  évangiles,  car  nul  ne 
«  doit  faillir  au  prince  en  si  grand  péril  et  nécessité^.  » 
Cet  article  était  désigné  sous  le  titre  de  Princepsnamqne, 
mots  par  lesquels  commence  le  texte  latin. 

Jusqu'au  xv*  siècle  cet  article  du  Princeps  namqae 
avait  sufTi  seul  pour  couvrir  de  bandes  de  paysans 
armés  les  terres  de  la  Catalogne,  à  l'approche  de 
l*cnnemi  ;  plus  tard  l'organisation  militaire  de  l'Europe 
éprouvant  de  grands  changements,  des  modifications 
durent  être  apportées  dans  le  système  d'appel  aux 
armes  de  la  population.  Â  cette  époque ,  au  L'eu  de  ces 
secours  temporaires  d'hommes  et  d'argent  que  les 
souverains  avaient  jusque-là  demandés  à  leurs  peuples 
au  moment  même  de  faire  la  guerre,  ils  commencèrent 
à  avoir  des  troupes  régulières  et  des  subsides  perpé- 
tuels. Auparavant  les  levées  ne  restaient  sur  pied  que 
pendant  la  durée  de  la  guerre;  à  la  paix  chacun  rentrait 
dans  ses  foyers;  vers  le  xv*  siècle  on  forma  des  corn- 

'  Ces  feux  étaient  allumés  sur  les  tours  de  garde  ou  tdaUgm»  des 

montagnes. 

*  Constitut  de  Caial. 


452  LIVHK    QUATRIÈME, 

pagnies  fixes ,  restant  sous  les  drapeaux  en  temps  de 
paix  comme  en  temps  de  guerre,  et  on  put,  parce 
moyen,  laisser  des  garnisons  permanentes  dans  les 
places  tennées.  A  la  suite  de  changement  de  système 
dans  la  composition  des  corps  armés  des  nations. 
Alphonse  IV  organisa  d'une  nouvelle  manière  l'arme- 
ment spontané  de  la  population  militante  de  ses  états. 
Aux  corts  de  Barcelone  de  i  63a  il  établit  ce  qu'on 
appela  someten  général ,  par  opposition  au  someten 
sacramentid,  institué  en  1291  par  Jayme  II,  pour 
Textermination  des  brigands  qui  infestaient  alors  toute 
la  Catalogne  ^  En  vertu  de  cette  organisation  nouvelle, 
dés  que  rennenii  paraissait,  tous  les  habitants  des  trois 
comtés  devaient  prendre  les  armes  au  cri  public  fait 
par  ordre  du  roi,  et  marcher  sous  la  conduite  de  leurs 
officiers  municipaux  et  sous  les  ordres  de  leur  viguier. 
Ainsi  réunis,  ils  ne  pouvaient  plus  se  séparer  que  quand 
le  roi  le  leur  permettait.  Outre  ces  levées  en  masse  de 
la  population ,  le  même  roi  organisa  les  levées  parti- 
culières que,  sous  le  nom  d*host  et  cavalcade,  les 
seigneurs  avaient  le  droit  d'exiger  de  leurs  vassaux 
pour  leur  garde  pei'sonnelie  aussi  bien  que  pour  celle 

*  Lp  mot  sonu'ten,  corruption  de  jonum  emiUcns^  riprime  la  mènitr 
chose  que  notre  mot  tocsin,  qui  \ient  du  \crbe  toifwr  Irapiter,  et  de  Jiii 
(  signum.  nom  qu\in  donnait  anciennement  aux  bcflnûs  i.  I<e  juriscon- 
lultc  Jac(|ue9  de  Calis  a  écrit  un  Truite  sur  l'origine,  le»  uif>tir9  et  l'«ir 
ganisation  du  wmrtrn  :  voyer.  dans  m'h  (Kusres  le  \uc\danum  toni  emism 
Dans  rîqi|)li(-ation ,  Uusin  eM  ra|>p«-l,  et  someten  le  n*i(ultat  île  I appel , 
qui  %*'  tiii*>ait  par  triée 


CHAPITRE    SIXIEME.  455 

du  prince  même.  Cest  au  moyen  de  cette  constitution 
jj^uerrière  que  nous  avons  vu  les  Roussillonnais  et  les 
Catalans  résister,  avec  leurs  simples  ressources,  aux 
efforts  des  armées  régulières  que  la  France  envoyait 
contre  eux. 

Dans  le  traité  de  Péronne ,  par  lequel  Louis  XIII 
acceptait  le  titre  de  comte  de  Barcelone,  il  avait  été 
(lit  que  la  Catalogne  lèverait,  pour  tenir  lieu  du 
someten  général  et  du  droit  d^host  et  de  cavalcade , 
un  corps  de  cinq  mille  hommes  d'infanterie  et  de  cinq 
cents  chevaux  qu'elle  entretiendrait  jusqu'à  la  fin  delà 
guerre.  Le  Roussi  lion  restant  français  par  la  paix  des 
Pyrénées,  le  contingent  qu'il  devait  fournir  à  ce  corps 
de  troupes  catalanes  fut  oi^anisé  en  lui  régiment  qui 
porta  d  ahord  le  nom  de  royal-Mazarin ,  et  qui  prit 
ensuite  celui,  plus  convenable,  de  royal-Roussillon. 
Kn  1695  la  portion  de  milice  fournie  par  la  ville  de 
Perpignan  fut  organisée  en  un  régiment  de  deux 
hataillons,  ou  vingt  compagnies  de  cinquante  hommes, 
dont  les  capitaines  étaient  choisis  par  les  consuls 
|)armi  les  chevaliers  et  les  citoyens  nobles  :  le  premier 
(!onsul,  qui  avait  toujours  été  le  chef  de  la  population 
armée  de  la  ville,  continua  à  être  colonel  de  ce  régi- 
ment urbain.  Cette  organisation  fut  confirmée  par  des 
ordonnances  rendues  le  10  novembre  1733,  le  i3de 
janvier  1  ql\Z  et  le  i*'  mai  1766.  La  première  de  ces 
ordonnances  rendit  à  celte  milice  le  nom  de  someten 
de  Perpignan,  et  lui  donna  pour  lieutenant-colonel  un 


kbU  LIVKË   QLATRIËME. 

citoyen  de  la  première  classe.  Son  drapeau  portait  pour 
devise  :  régi  suo  semper  Jidelissima.  On  organisa  de  la 
même  manière  un  somcten  des  autres  milices  de  la 
province ,  qui  furent  réparties  en  trente-quatre  com- 
pagnies ,  pour  la  garde  des  huit  places  fortes  du  Rous- 
siilon^  Ce  someten  était  tenu  de  marcher  au  cri 
public  fait  par  Tordre  du  capitaine  générai  de  la  pro- 
vince. Quand  ces  milices  remplaçaient  dans  les  forts 
les  garnisons  de  troupes  réglées  appelées  à  Tarmée, 
elles  leur  étaient  assimilées  et  recevaient  la  même 
paye  qu'elles. 

Anne  de  Noailles,  fds  de  François  de  Noailles,  comte 
d*Ayen,  qui  avait  été  gouverneur  général  de  Roussilion 
et  pays  conquis,  depuis  la  révolution  de  Catalogne, 
fut  nommé  gouverneur  général  de  la  nouvelle  province 
de  Roussilion,  le  i*  février  1 660,  et  créé  duc  et  pair 
en  décembre  1 663.  Avant  donné  sa  démission  de  ses 
charges  et  dignités  en  faveur  de  son  fils ,  Anne-Jules, 
ce  gouvemenient  passa  sur  la  tête  de  celui-ci,  qui,  en 
1 697,  le  transmit  de  la  même  manière  k  Adrien-Mau- 
rice, son  fils.  Le  gouvernement  de  Roussilion  se  per- 
pétuant ainsi  dans  cette  famille,  le  duc  d*Ayen,  depuis 
duc  de  Noailles  et  maréchal  de  France ,  fils  d' Adrien- 
Maurice,  en  obtint  à  son  tour  la  survivance  le  a  fé- 
vrier 1718,  <^  Tàge  de  cinq  ans,  et  le  conserva  jusqu*^ 
la  révolution. 

*  f>  M»nt  :  Otlliourc.  \v  fort  Saint-KInio,  Bellogarde,  le  fort  Avs 
Hain».  Prat»-df-Mollo.  Saltot.  Villefrancbeel  Monllouîs. 


CHAPiTAË   SIXIEME.  455 

Sous  le  gouverneur  général ,  il  y  avait  un  capitaine 

^cnéral  ou  commandant  de  la  province,  qui  fut  d'abord 

un  sieur  de  Chouppès,  remplacé  en  1 66 1  par  le  sieor 

(leChàtillon^ 

Trois  ans  s'étaient  écoulés  depuis  que  le  Roussillon  «ee^. 
était  devenu  finançais,  et  toutes  les  branches  de  lad- 
niinistration  publique  étaient  organisées.  Des  grandes 
familles  du  pays,  les  unes,  voulant  se  maintenir  sous  la 
domination  de  TE^pagne  ,  avaient  transféré  leur  do- 
miriie  de  Tautre  coté  des  Pyrénées ,  les  autres  s'étaient 
soumises  à  vivre  sous  le  régime  français.  Celles-ci 
devaient  jurer  d'observer  les  lois  de  leur  nouveHe 
patrie  :  la  première  de  ces  lois  était  la  fidélité. 
Louis  XIV  exigea  ce  serment ,  qui  fut  reçu  le  3  du  mois 
de  décembre  1 663 ,  par  le  viguier  de  Roussillon,  pour 
les  familles  nobles  de  Perpignan^.  A  cette  époque, 
Louis ,  débarrassé  par  la  mort  de  Masarin  de  la  tutelle 
des  premiers  ministres^,  ne  gouvernait  plus  que  par 
lui-même. 

*  Les  autres  commandants  de  la  province  furent,  les  sieurs  de  Chas- 
5CT011 ,  en  1 68 1  ;  de  Quinson ,  en  1 698  *,  de  Fimarçon ,  en  1 7 1 3  ;  de 
(^ylas,en  i73o;de  Rocosel,  ea  1  ^36 ;  de CJmsIfiim ,  en  1739;  d'Ao- 
•^icr,  en  1742 ,  et  de  MaiUy  en  1749. 

'  Voici  la  formule  de  ce  serment  :  t  N.  ha  promes  de  ser  bon  y  fael 
«  vassal  del  rey  nostre  senyor  chrutiani$sîm,^que  Deo  guarde,  y  de  no 

*  prendre  diners  ni  aoceptar  dadÎYas  ni  gratificecions  de  ningns  princeps 

•  t'orasters,  sens  expressa  licencia  de  dite  S.  M.  y  que  donin  toit  tôt 
«  avisos  que  sabra  que  saran  contra  sa  corona,  ab  officiais  de  dita  S.  M.  » 
(  irch.  Dom.) 

^  Mazarin  était  mort  le  9  mars  1661 . 


'jfîO  LI\UK    QUATRIEME. 

Cette  même  année  1 663 ,  périt  à  Perpignan ,  de  la 
main  du  bourreau ,  la  femme  de  François  de  Foix  et 
de  Béarn ,  lune  des  branches  de  la  maison  de  Foix  et 
de  Caudale,  établie  en  Roussillon  depuis  Louis  XP. 
Cette  dame ,  accusée  d*avoir  fait  assassiner  son  amant, 
de  qui  elle  avait  éprouvé  un  sanglant  outrage,  fut  dé- 
capitée sur  la  place  de  la  Loge.  Elle  avait  supporté  la 
question  sans  rien  avouer,  et  ne  lutcondamnée,  dit-on, 
que  sur  des  indices  assez  vagues  et  qui  n  étaient  point 
assez  probants-. 
i6ft&.  Le  mariage  de  Louis  XIV   avec  Tintante  Marie- 

Thérèse  était  une  des  conditions  du  traité  des  Pyré- 
nées :  cette  alliance ,  recherchée  dans  des  vues  inté- 
ressées ,  ne  pouvait  pas  présager  aux  peuples  un  long 
repos.  Bien  qu avant  de  consentir  à  cette  union, 
TEspagne  n*eût  rien  négligé  pour  faire  renoncerlajeune 
princesse  à  toutes  espérances  sur  Théritage  paternel; 
comme  au  moment  où  on  lui  avait  fait  signer  ces  re- 
nonciations Tiiifante  était  mineure,  et  que  les  engage^ 
ments  pris  de  cette  manière  étaient  nuls  devant  la  loi, 
le  roi  de  France  n  avait  pas  manqué,  dèsqu^il  fut  son 
époux ,  de  protester  contre  la  violence  de  lautorité 
paternelle  sous  Tenipire  de  laquelle  les  renonciations 
avaient  ctr  signées.  Philippe  IV  mourut  le  i  7  septem- 
bre 1  ()65  ,  laissant  son  M*eptrè  i^  Charles  II,  son  fils, 
qui  avait   à  peine  complété  sa  quatrième  année.  A  la 

'    liiisf-h,  TUoU  dr  hnnnt .  |i    j  i  .~>. 

'    \ii>tliiit'.  Il nt.  ijrnraitHnquf,  ti»n\    III. 


lur. 


CHAPITRE    SIXIÈME.  ^57 

nouvelle  de  cette  mort,  Louis  s'empressa  de  réclamer 
la  reconnaissance  des  droits  de  sa  femme  à  la  souve- 
r;uneté  du  Brabant,  qui  d  après  les  lois  particulières  du 
pays  devait  revenir  au  premier  des  enfants  de  Philippe 
«^  l'exclusion  de  ceux  du  second  lit.  La  royale  veuve , 
Marie- Anne  d'Autriche,  régente  du  royaume  d'Espagne, 
refusa  de  reconnaître  ces  droits,  et  Louis  se  prépara 
h  les  soutenir  par  les  armes. 

La  guerre  qui  commença  en  1667  se  fit  principa- 
lement dans  les  pays  contestés;  ce  ne  lut  qu'accessoi- 
rement qu'elle  s'étendit  aux  firontières  des  Pyrénées. 
Le  jeune  roi  de  France ,  à  la  tète  de  son  année,  et  sous 
la  direction  du  vicomte  de  Turenne,  débuta  par  la 
prise  de  Charleroi ,  et  fit  de  rapides  progrès  dans  le» 
Pays-Bas.  Du  côté  du  Roussillon,  l'attaque  vint  des 
Espagnols.  Au  mois  d'août  le  duc  d'Ossuna,  vice-roi 
de  Catalogne,  sortit  dePuycerda  avec  quelques  troupes, 
traversa  le  Gonflent  et  le  Roiissillon  dégarnis  de  soldats, 
soumit  les  bourgset  villages  ouverts,  et  se  porta  devant 
Bellegarde.  En  novembre  1668  il  y  eut  entre  les  «««« 
paysans  du  Vallespir  et  les  Français  une  affaire  assez 
vive ,  mais  qui  n'était  que  la  suite  de  mouvements  sé- 
ditieux qui  avaient  éclaté  au  mois  de  mai  de  l'année 
précédente,  et  auxquels  avait  donné  prétexte  l'impôt 
sur  le  sel ,  qui ,  par  les  constitutionf  de  Pèdre  II  et  de 
Jayme  II,  ne  pouvait  pas  avoir  lieu  dans  la  Catalogne 
(»t  les  doux  comtés. 

Daii.s  relte  première  émeute  du  mois  de  mai,  les 


'158  LIVRK    QUATRIÈMl*:. 

paysans  s*étaient  bornés  à  tuer  quelques  employés  des 
gabelles,  du  coté  de  Ranyuls;  mais  quand  le  vice-roi  de 
Catalogne  eut  pénétré  dans  le  Roussillon,  et  que  ces 
paysans  se  sentirent  appuyés  par  leurs  anciens  com- 
patriotes ,  à  qui  ils  n*avaient  pas  encore  eu  le  temps  de 
devenir  étranger  et  avec  qui  ils  ne  cessaient  eui- 
mêmes  dt*  faire  cause  commune,  ils  se  réunirent  en  si 
grand  nombre  dans  le  haut  Vallespir ,  que  le  gouver- 
neur de  Roussillon  dut  marcher  contre  eux  avec  les 
troupes  delà  province. 

Ce  gouverneur  était  François  de  Sagarra ,  premier 
président  à  mortier  du  conseil  souverain  de  Roussillon, 
personnage  qui  jouissait  auprès  du  roi  de  France  de  la 
confiance  la  plus  illimitée,  et  dont  le  nom,  objet  de 
terreur  à  cette  époque,  est  encore  aujourd'hui  une 
sorte  d*épouvantail  dans  les  montagnes.  Ce  Sagarra, 
était  lun  des  Catalans  qui  avaient  embrassé  avec  le  plus 
d  ardeur  le  parti  iran<;ais ,  â  la  révolution  de  la  princi- 
|)auté.  Son  audace,  sa  bravoure,  son  activité  lui  avaient 
acc[uis,  dans  la  guerre  de  localité  qui  suivit  Tinsur* 
rection  de  la  Catalogne  contre  la  France,  une  répu- 
tation que  Louis  XIV  signalait  lui-même  dans  ce 
préambule  d'une  de  ses  commissions  :  «Notre  amé 
«  conseiller  François  de  Sagan*a ,  écuyer,  dont  la  pru- 
« d(^nce  et  Thabileté,  ladresse  et  force  dame,  la  fidélité 
(I  et  la  probité  nous  ont  été  assez  démontrées  par  les 
«  snvicrs  utiles  et  (*onslaiits  rendus  à  nous  et  À  la 
«•patrie,   toutes   les  lois  que  f  occasion  s  en    est  of 


CHAPITRE   SIXIEME.  459 

«  l'tTte,  etx: .  ^  w  Cest  à  ces  qualités  éprouvées  que  Sagarra 
avait  dû  d  être  choisi  pour  remplir  le  poste  délicat  de 
gouverneur,  au  moment  où,  la  Catalogne  se  trouvant 
replacée  sous  Tobéissance  du  roi  d'Espagne,  le  Rous- 
sillon  s  efforçait  d'y  retourner  lui-même,  et  où  Thomas 
(le  Banyuls ,  son  prédécesseur,  venait  de  trahir  la  con- 
fiance du  monarque  français,  en  usant  de  Tautorité 
dont  il  lavait  revêtu  pour  soulever  le  Roussillon  contre 
la  France.  Des  rigueurs  ayant  dû  être  déployées  pour 
retenir  danslasoumission  les  peuples  des  deux  comtés, 
Sagarra  avait  été  placé  à  la  tête  du  conseil  royal  pour 
la  poursuite  des  rebelles,  charge  quil  cumulait  avec 
celle  de  gouverneur^.  Cest  en  cette  dernière  qualité 
qu*en  1 668  il  marcha,  h  la  tête  d*un  millier  de  fantas- 
sins et  de  quelque   cavalerie,  contre   les  paysans 
insurgés  du  Vallespir.  Ces  paysans  étaient  à  Prats-de- 
MoUo ,  dont  ils  gardaient  les  avenues.  Au  défilé  du 
Pas-du-Loup  ils  fondirent  sur  la  troupe  de  Sagarra , 
dont  ils  tuèrent  une  partie  et  forcèrent  Tautre  à  se  re- 
plier, d  abord  sur  Gorsavi ,  ensuite  sur  Arles ,  où  ib  la 
tinrent  enfermée  pendant  neuf  jours.  Au  bout  de  ce 
temps,  Sagarra,  obligé  de  capituler,  convint  avec  les 
pay sans  que  la  gabelle  ne  ferait ,  à  lavenir,  aucune 
recherche  dans  le  Vallespir,  à  partir  du  pont  de  Céret, 

'  Arch.  Dom. 

*  Le  gouverneur  particulier  du  RoQstiUon  était  en  même  lempa 
vicc-g^raot  du  gouverneur  général  des  deux  comtés,  et  on  le  trouve 
également  désigné  sous  Tun  ou  Tautre  de  ces  titres.  Voyex  aux  Preuves, 
n^\VI. 


'jGO  livre   QUATKIÈME. 

et  que  les  communes  se  chaîneraient  eiles-mêines  de 
larhat  du  sei  à  un  prix  modéré,  pour  le  distribuer 
ensuite  aux  habitants^  Le  traité  d*Aix-ia-Chapelle  vint 
mettre  un  teiine  c^  rcttc  guerre  des  deux  nations,  dont 
les  résultats  pour  la  France  furent  la  conservation  des 
conquêtes  faites  dans  les  Pays-Bas. 
•670-  De  nouveaux  troubles  éclatèrent  encore  dans  le 

Vallespir  en  1 670,  toujours  k  Toccasion  des  gabelles. 
Un  certain  Just,  de  Prats-de-Mollo,  avait  été  arrêté; 
aussitôt  les  paysans  coururent  aux  armes,  et  au 
nombre  de  cinq  cents  ils  entrèrent  dans  cette  ville, 
sous  la  conduite  d*un  nommé  Joseph  Trinxeria.  Le 
gouverneur  de  Prats-de-Mollo,  menacé  par  ces  furieux, 
s*était  retiré  dans  Tég^ise  avec  la  garnison ,  bien  résolu 
de  s*y  défendre,  lorsqu'un  incident  imprévu  vint 
tennincr  brusquement  cette  échaulfourée.  La  femme 
el  les  enfants  de  ce  gouverneur  tombèrent  au  |>ouvoir 
de  Trinxeria,  qui  proposa  de  les  échanger  contre 
Just.  Cet  échange  fait ,  les  paysans  quittèrent  la  ville 
et  rentrèrent  cliez  eux  ;  quant  h  leur  chef,  ne  voulant 
pas  s'en  tenir  h  cette  courte  expédition,  il  réunit 
environ  quinze  cents  mécontents  avec  lesquels  il 
descendit  k  Céret  et  fit  prisonnière  une  compa- 
gnie de  cavalerie  qui  s'y  trouvait.  IJne  première 
tentative  pour  délivrer  ces  prisonniers  ayant  échoué, 
le  commandant  de  Koussillon  (*nvovu  contre  Trin 
xcria    le    marquis    de   Chanu'lh    avec    quatre    mille 

'    hVIiii  (le  la  iVn.i. 


CHAPITHK   8IXIÈMK.  /|f)l 

lioinincs^  qui  forcèrent  cette  bande  à  se  disperser. 
IVinxcria  passa  en  Catalogne,  où  il  se  fit  bientôt  un 
nom  fonnidable. 

Les  Hollandais ,  dont  la  prospérité  commerciale  et 
les  grandes  conquêtes  dans  Tlnde  avaient  singulière- 
ment enflé  la  vanité,  étaient  devenus  d^une  fierté 
insupportable  à  toutes  les  autres  puissances.  Les 
évoques  de  Liège  et  de  Munster,  ayant  eu  avec  eux 
quelques  démêlés,  s*étaient  alliés  avec  le  roi  de  France, 
qui,  de  son  côté,  avAit  à  venger  son  amour-propre 
(Tu(»llcment  blessé  par  lorgueilleuse  allégorie  d  une 
médaille  frappée  pour  Tinsulter.  Non  moins  choqués 
du  ton  d'arrogance  de  cette  république,  Tempereiur  et 
le  roi  d'AngleteiTe  promettaient  au  roi  de  France  de 
rester  neutres,  et  siu*  ces  assurances  Louis  avait  com- 
mencé les  hostilités  en  1 67a.  Mais  la  grandeur  de  la  ,67,. 
France  inquiétait  encore  plus  les  autres  puissances 
européennes  que  la  fatuité  de  la  Hollande.  L*Elspagne , 
rompant  la  première  la  neutrahté ,  s*était  alliée  avec 
cette  république,  et  avait  ainsi  jeté  les  fondements 
d'une  nouvelle  coalition  que  lempereur  s*empressa  de 
nouer.  Une  ligue  formidable  fut  donc  signée  entre 
IVmpire,  TEspagne,  la  Hollande  et  le  Brandebourg. 
I^a  guerre  de  la  France  avec  ces  puissances  commença 
en  octobre,  et  s  étendit  sur  les  frontières  du  Roussillon, 
que  TEspagne  cherchait  à  recouvrer. 

Quelques  villes  avaient  été  brûlées  parles  Espagnols 

■   Folin  dp  In  Pena.  O  nombre  de  quatre  mille  nous  semble  exagéré. 


«o  .. 


462  LiVRK   QUATRIEMK. 

dans  la  Flandre  française;  on  voulut  user  de  repré- 
sailles en  Catalogne ,  et,  le  6  de  novembre ,  un  corps 
de  trois  mille  fantassins  et  de  sept  cents  chevaux,  sous 
les  ordres  du  lieutenant  général  Le  Bret,  entra  en 
Ampourdan.  Le  dur  de  San  German,  vice-roi  de  Ca- 
talogne, se  porta  sur  Figuières  avec  huit  cents  chevaux 
et  quelques  compagnies  de  paysans  de  la  viguerie  de 
Gironc.  Après  quelques  escarmouches  assez  meur- 
trières, les  Français  rentrèrent  en  RoussUlon,  bornant 
toute  leur  expédition  à  Tincendie  de  la  Jonquière  et 
de  la  Venta-Nova ,  hôtellerie  voisine. 

Depuis  que  les  Catalans  avaient  secoué  cette  domi- 
nation française  qu*ils  avaient  sollicitée  à  si  grands  cris, 
leur  haine  contre  leurs  voisins  semblait  s  être  accrue 
de  tout  le  dépit  qu*ils  ressentaient  de  les  avoir  appelés 
comme  libérateurs.  La  campagne  si  insignifiante  de 
Le  Bret  en  Ampourdan  eut  les  conséquences  les  plus 
funestes.  L*incendie  de  deux  bicoques  n*était  rien  en 
comparaison  des  dévastations  cpie  conunettaient  les 
Catalans  sur  le  territoire  (rançais,  dans  toutes  lem*s 
incursions  ;  cependant  ces  peuples  furent  si  outrés  du 
désastre  de  la  Jon(|uière ,  que  les  paysans  jurèrent  de 
se  venger  sur  tous  les  Français  c|ui  tomberaient  entre 
leurs  mains. 
.(i;-.  Le  mois  de  mars  de  1 67I  vit  échouer  une  conspi> 

ration  dont  Tobjet  était  de  rendn*  le  Roussillon  h 
TKspafçne.  Sur  le  prétexte  que  Philippe  n'avait  pas  K» 
droit  d'aliéner  les  deux  rointft*s,  ce  qui  était  vrai,  et 


461  LIVRK   yiîATlUEMK. 

Icttirs  (ie  sa  maîtresse,  aiin  de  ménager  sa  réputation, 
et  celle -ci  pour  les  avoir  écrites  :  c'est  toute  la  ré- 
compense qu'ils  recurent.  Remis  en  liberté  quinze 
jours  après,  Courte  rejoignit  son  régiment;  quant  h  la 
malheureuse  jeune  fille,  flétrie  dans  Topinion,  dés- 
honorée publiquement,  et  déchirée  par  la  pensée 
qu'elle  avait  donné  au  bourreau  la  tête  de  son  frère, 
elle  alla  ensevelir  dans  un  couvent  sa  honte  et  ses 
remords'. 

Le  village  espagnol  de  Massanet,  situé  au  revers  des 
Pyrénées,  à  trois  lieues  de  Cérct,  était  devenu  la  place 
d*armes  des  miquelets''' catalans,  dont  le  nombre  était 
très-considérable,  et  qui  étaient  la  terreur  de  toute  la 
frontière.  Lue  première  tentative  contre  ce  village, 
faite  au  mois  de  décembre  précédent  par  Le  Bret,  et 
d'autres  tentatives  renouvelées  en  janvier  et  février, 
n'avaient  «u  pour  résultat  que  la  perte  d'un  grand 
nombre  de  Français  tués  dans  les  diflerentes  ren- 
contres, ou  froidement  égorgés  par  les  paysans.  Les 

'  Ce  qui  se  rapporte  î\  cette  con>piratioii  est  contenu  très  en  détail 
dans  un  petit  ouvrage  intitulé,  lirlalion  dr  ce  qui  irst  passé  en  Cata- 
logne» |)ar  un  officier  de  rarmée,  qui  rend  compte  des  campagnes  de 
167S  et  1676.  NouH  en  avon!«  extrait  ce  que  nous  rapportons. 

'  1^  nom  de  miqurirts,  iDtro<luit  dans  le  xvi'  M^cie,  parait  venir 
fl'un  certain  Michel  Miquelot  de  Prats,  compagnon  de  César  Rorgia. 
duc  de  Valentinoi^,  qui  s'était  rendu  f'amcui  à  Naplesdansce  geiirr  de 
guerre  de  partisans,  deu^ne  aujourd'hui  sous  le  nom  de  garrilUu.  Le 
nom  de  miquritts  fut  d'abord  donne  aux  |>aysans  qui  s'étaient  \olon- 
tain'ment  joints  à  Miquelot,  et  on  l'étenilit  ennuite  aux  compagnies  or - 
^.lniï4'l•s  en  tirailleurs  dr  montagnes. 


CHAPITRE   SIXIÈME.  ^65 

ravages  de  ces  paysans,  k  qui  le  soineten  avait  fait 
prendre  les  armes,  et  qui  ne  se  séparaient  pas  des 
niiquelets,  devenant  un  fléau  pour  la  conlrée,  le  mar- 
(juis  de  Rivarolles,  gouverneur  de  Perpignan,  et  le 
gouverneur  du  fort  des  Bains  s'étaient  concertés  pour 
faire  en  Ainpourdan  une  expédition  qui  pût  y  mettre 
un  tenue.  Ces  officiers  passèrent  en  effet  la  frontière, 
au  commencement  du  mois  d'avril;  mais  leurs  moyens 
étaient  trop  faibles  contre  toute  une  population  en 
armes  :  ils  furent  mis  en  déroute  et  éprouvèrent  de 
grandes  perles.  Rivarolles,  entouré  lui-même  par  les 
paysans ,  et  sur  le  point  d'être  égorgé ,  essaya  de  tenter 
leur  avarice  en  offrant  de  racheter  sa  vie  pour  une 
forte  somme  d'argent,  et  il  fut  assez  heureux  pour 
être  écouté.  Ce  salut  vénal  fut  le  commencement  du 
rotom^  des  paysans  à  des  sentiments  plus  humains  :  ils 
cessèrent  les  massacres,  et  reçurent  à  composition  les 
prisonniers.  Le  gouverneur  du  fort  des  Bains,  qui 
s'était  caché  pour  échapper  à  une  mort  trop  certaine, 
se  montra  alors ,  et  traita  aussi  de  sa  rançon  :  ce  furent 
là  les  premiers  prisonniers  faits  par  les  paysans  dans 
cette  guerre  ^ 

'  Feliii  delà  Pena,XXf,  3. 


11  3o 


466  LIVRE  QUATRIEME 


CHAPITRE   VII. 

Les  Catalans  en  Roussîllon.  —  Bcllegarde  et  le  fort  des  Buins. 
—  Défaite  de  Schombcrg  devant  Maurdlas.  — Ravages  des 
miquelets.  —  Schomberg  en  Ampoiirdan.  —  Reprise  de 
Bellegarde.  —  Le  maréchal  de  Noaîlles.  —  Défaite  des  Espa- 
gnols. —  Prise  de  Puycerda.  —  Éyéncracnts  divers.  — G>ns- 
truction  de  Montlouis.  —  Le  maréchal  de  Bellcfonds.  — Trêve 
de  vingt  ans.  —  Hôpitaux  de  Peq>îgnan. 

Lo«ifXiv.  La  guerre  entre  la  France  et  TEspagne  a  trop 
**'*•  souvent  pris ,  de  l'autre  roté  des  Pyrénées,  ce  caractère 
atroce  que  lui  avaient  rendu  en  1678  les  sometens 
des  montagnes  de  Calalogne,  et  que  de  nos  jours  nos 
années  ont  vu  se  renouveler  avec  tant  de  férocité. 
Après  le  sacrifice  de  bien  des  victimes,  la  barbarie 
avait  enfin  cédé  à  la  cupidité,  et  devant  Tappât  de  Tor 
le  sang  avait  cessé  d'élre  froidement  ré[)anriu.  Les 
grandes  opérations  militaires  qui  avaient  lieu  au  nord 
de  la  France  laissaient  le  midi  dégarni  de  troupes,  et 
les  frontières  du  Roussillon  continuaient  h  être  à  la 
merci  de  ces  paysans  catalans,  qui  ne  cessèrent  dy 
exercer  leurs  brigandages.  Le  duc  de  San  Gem)an . 
vice-roi  de  IJarcelone,  travaillait  à  organiser  une  armée 
pour  entrer  en  campagne.  Pan'enu  à  réunir,  au  moyen 
de  Napolitains,  d'Allemands,  d'Kspagnols  un  corps  de 


CHAPITRE    SEPTIÈME  ^67 

liuil  niilh»  lioiiiinos  d'iiifanterie  et  de  deux  mille  rinq 
cents  chevaux,  il  traversa  les  Pyrénées  par  le  coi  de 
Portel ,  et  le  i  7  mai  il  vint  camper  devant  Maurellas , 
(|ui  se  rendit  à  l'instant.  La  garnison  était  de  quatre 
f-ents  hommes,  tant  soldats  que  miliciens.  San  Ger- 
nian  retint  prisonniers  les  premiers,  les  autres  furent 
renvoyés  dans  leurs  foyers.  Le  lendemain  ce  vice-roi 
passa  le  Tech  et  battit  nos  troupes ,  qui  malgré  leur 
petit  nombre  s'étaient  portées  en  avant.  Le  lieutenant 
«général  Le  Bret  tomba  dans  une  embuscade  oiiil  pei*dit 
beaucoup  de  monde  et  où  il  fut  blessé  lui-même  d'un 
coup  de  sabre.  Le  Boulon  fut  occupé  le  ao  du  même 
mois,  et  ce  jour-là  San  German  envoya  une  partie 
(le  ses  troupes  bloquer  le  fort  de  Bellegarde. 

Pendant  que  le  gouverneur  de  Campredon,  qui  avec 
les  paysans  de  sa  viguerie  et  quatre  pièces  de  canon 
s'étiu't  présenté  devant  Prats-de-Mollo ,  était  forcé  à  la 
retraite,  les  paysans  et  les  miquelets  de  Tannée  du 
vice-roi  s'étendaient  sur  toutes  les  montagnes  du 
Vallespir,  depuis  les  bains  d'Arles  et  le  Pertus  jusqu'à 
CoUioure  ,  dans  le  double  objet  d'empêcher  l'arrivée 
de  tout  secours  aux  places  de  cette  ligne,  et  de  pro- 
téger le  passage  de  leurs  propres  convois  :  ce  mouve- 
ment eut  lieu  le  22. 

Une  batterie  de  neuf  pièces  de  canon  avait  été 

dirigée  contre  Céret.   Trois   brèches   étant  bientôt 

ouvertes  dans  ses  faibles  murailles,  et  ces  brèches 

('tant  assaillies  à  la  fois  par  les  Elspagnols,  les  Napolitains 

3o. 


468  LIVRE   QUATRIÈME, 

et  les  Allemands,  cette  ville  dut  se  rendre.  Les  trois 
cent  soixante  hommes  qui  la  défendaient  furent  envoyés 
prisonniers  à  Barcelone. 

San  German  tenait  à  occuper  Arles ,  afin  de  priver 
le  fort  des  Bains  des  secours  qu*il  en  retirait.  Aries 
étant  une  ville  ouverte ,  la  conquête  en  fut  facile  : 
quatre  cents  Catalans ,  sous  les  ordres  de  Manuel  de 
Lupia,  y  restèrent  pour  garnison;  quant  au  fort  des 
Bains,  où  commandait  un  officier  nommé  de  Brueili , 
bloque  des  le  7  de  mai,  il  n'avait  été  complètement 
investi  que  le  a  3  ,  et  depuis  ce  moment  il  ne  s'était  pas 
passé  de  jour  sans  que  les  Français,  en  cherchant  à  y 
introduire  des  secours,  n eussent  donné  lieu  à  quel- 
que escarmouche.  Le  transfuge  Joseph  Trinxeria  défit 
d'abord,  h  la  tête  des  paysans,  un  détachement  de 
cinq  cents  hommes  qui  cherchaient  h  s'y  jeter,  et 
s'empara  quelque  temps  après  d'un  convoi  de  cent 
quarante  mulets  chargés  de  munitions  pour  cette 
place. 

Le  Roussillon  était  sinmltanément  attaqué  sur  deux 
points  différents.  Pendant  que  le  vice-roi  s'étahlissaif 
dans  le  Vallespir,  le  gouverneur  de  Puycerda,  à  la  tête 
de  sa  garnison ,  de  quelques  milices  et  d'un  certain 
nombre  de  paysans  du  somet<»n,  traversait  la  Cerdagne 
française  c(u'aucune  place  ne  défendait  encore ,  et  des 
cendait  sur  Villefranche  ;  mais  avant  d'arriver  sous  les 
murs  de  cette  ville ,  ^on  avant-garde  fut  écrasée  dans 
une  double  embuscade  que  lui  avait  dressée  le  gouver 


•I 


CHAPITRE    SEPTIÈME.  ^69 

lUHir  français.  Le  gros  de  la  troupe  arrivant  bientôt , 
il  s'engagea  un  combat  très- vif,  qui  dura  depuis  le  grand 
matin  jusqifà  midi,  moment  auquel  ebacun  se  retira  , 
laissant,  avec  la  victoire  indécise,  un  bon  nombre  de 
morts  sur  le  champ  de  bataille. 

La  prise  du  fort  de  Bellegarde ,  clef  du  Roussillon 
et  porte  de  la  France  de  ce  côté ,  était  ce  qui  tenait  le 
plus  à  cœur  au  duc  de  San  German.  Trois  détache- 
ments de  son  armée  furent  chaînés  d'en  faire  le  siège. 
Le  premier,  composé  du  régiment  de  la  reine  et  de 
d(Hix  cents  Catalans,  fut  posté  au  pied  de  la  colline, 
du  rote  du  Roussillon;  le  deuxième,  formé  des  Alle- 
mands, s'établit  sur  la  pente  de  cette  même  colline, 
et  le  troisième ,  où  étaient  des  Napolitains ,  resta  de 
fautre  côté,  sur  les  terres  d'Espagne;  le  reste  de  l'armée 
«onserva  ses  positions  entre  Maurellas  et  le  Tech. 

Le  général  de  l'artillerie  espagnole,  don  François 
de  Velasco,  fit  commencer  le  feu  de  ses  batteries  te 
S\  mai;  ce  même  jour  le  commandant  du  fort» 
juj^eant  le  point  occu|)é  par  le  régiment  de  la  reine  le 
plus  ac(*essible  à  une  sortie ,  s'y  porta  avec  une  partie 
(le  sa  garnison,  et  rentra  presque  aussitôt  dans  la  place. 
Le  résultat  de  cette  entreprise,  que  n'avait  suivie  ni 
succès  ni  revers,  et  que  la  suite  prouva  n'être  qu'unç 
démonstration  pour  sauver  l'honneur  du  drapeau ,  fut 
de  faire  renforcer  ce  côté  par  quelques  détachements  de 
plus.  Celle  augmentation  de  moyens  de  résistance  sur 
ce  |)oint  n'empirait  en  aucune  manière  le  sort  de  la 


<|70  LIVRE    QUATRIÈME. 

place;  cependant  elle  jeta  ralarmedansrânie  peu  élevée 
de  son  gouverneur,  qui  ne  prolongea  pas  plus  long- 
temps sa  défense  :  le  6juin  il  se  rendit,  sous  la  condition 
de  retourner  à  Perpignan  avec  sa  garnison.  Cette 
conduite  déshonorante  fit  mettre  en  jugement  cet 
ofiicier,  qui  en  fut  quitte  pour  un  an  de  prison;  son 
lieutenant  se  sauva  en  Espagne. 

Maître  d*une  forteresse  qui  lui  donnait  les  moyens 
de  garder  les  passages  des  Pyrénées  sans  être  obligé 
d'en  rouvrir  de  monde  toute  la  crête ,  le  vice-roi  con- 
gédia les  somctens  et  envoya  au  siège  du  fort  des  Ikiins 
le  régiment  de  la  Chan1berga^  avec  le  corps  de  Napo- 
litains que  commandait  Jean  Pignatelli.  La  tranchée 
fut  ouverte  devant  cette  place  dans  la  nuit  du  5  au  <> 
juin.  Pignatelli,  blessé  dès  le  premier  jour,  mourut  h 
Cércl,  où  on  favait  transporté. 

IjC  comte  Frédéric  de  Sciioinhci^,  diiVérent  des 
maréchaux  de  Schomber;^  ducs  dlialUin  père  et  (ils-, 
nommé  au  commandement  de  larmée  cpron  rasseni- 

'  Lt>  intin'<-lial  de  S<-|iuinlior^  ji\ait  inlnMluit  rii>ug(' tl'tiiii*  cauc^iic 
qui  ('f»u\niit  l«r  soldat  jiis(|ira ut  j^ftioiix,  vi  qiur  1rs  Kn|»«igiiol!(  avaîrnl 
adopU'C  |M)iir  i'<is«ii,sur  un  di*  Iriiis  rririnioiitii;  c*c»t  de  ct'ttr  caMqiir 
qu'il  p<irtdit  le  luiiii  di-  nyinuitt  Jt  la  (Ihamhinjti.  ht'  rui  C'JiarIrs  11 
donna  ri'tir  lui'niir  custiqur  à  qiiil(|ucs-iiiis  de  ses  ganle»  Keliu  «le  hi 
PefiJi. 

'  (W  f-iiuite  di>  .SclioinbiT:;  '  Kn*flf  rir-Nrniaiid  )  ir«'tait  |itis  dr  la 
nifino  taniiilr  qu«  !<■»  au  tirs  Silioiidtrr|^-d  llallwin.  <  «Mu-d  •'laieiit 
«•ri^inaiM's  di-  la  \li^nil-  t'I  i-.itliiilii|ii(  s,  l'aiitri'  <'|jii  dr  Tn'\fs  vt  |>rii- 
tt'shiiil.  l.f-  i-nuur  t\v  N  litiiiilicii'  hil  iiiissi  l'.iil  iiiari-i  liai  dr  Kiann-, 
iiiai^  d  dut  s'>iiir  «lu  ro^iiniiM  quand  «.i  irli'^inn  y  lui  |HT»iriilc(' 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  471 

bluit  en  Roussillon,  avait  établi  un  camp  de  i  autre 
coté  de  la  Tet ,  en  face  de  Perpignan ,  pour  y  organiser 
ses  levées.  Au  milieu  du  mois  de  mai  la  force  de  ce 
camp  n'était  encore  que  de  neuf  mille  hommes;  ce 
nombre  étant  parvenu  à  celui  de  douze  mille  fantassins 
et  trois  mille  cavaliers,  par  la  réunion  de  trois  régi- 
ments qui  formaient  les  garnisons  de  Perpignan  et  du 
fort  de  Salscs ,  et  par  l'arrivée  de  quelques  nouvelles 
levées  de  Languedoc  et  àe  Roussillon,  Schombeig, 
dans  la  vue  de  faciliter  l'arrivée  de  quelques  secours 
au  fort  des  Ikins,  qu'il  savait  aux  abois,  se  décida  à 
risquer  une  attaque  contre  les  Espagnols.  San  German 
s  empressa  de  rappeler  les  sometens  aux  armes. 

Les  Français  se  présentèrent  le  i  o  juin  devant  les 
espagnols,  près  du  village  de  Saint-Jean-Pla-de-Cort»  ^ 
\(  cueillis  parle  feu  de  deux  pièces  de  canon  chaînées 
("i  halles  de  mousquets,  qui  commencèrent  à  jeter  le 
désordre  dans  leurs  rangs,  ils  hirent  dispersés  parla 
cavalerie,  et  forcés  de  se  retirer  derrière  le  Tech,  où 
San  (jerman  n'osa  les  poursuivre.  Le  lendemain  le 
vice-roi  jugeant  nécessaire  de  renforcer  des  détache- 
ments et  de  l'artillerie  qui  se  trouvaient  devant  le  fdrt 
des  Bains  et  à  Céret,  ses  lignes  de  Maurellas,  que  rien 
<*ependant  ne  menaçait,  les  rappela,  et  par  cette  ma- 

^  L<.'  château  de  Saint-Jean-Pla-de-Corts  fut  bâti  par  BérengerCas- 
telai) ,  Sybile,  sa  femme  et  Hubert  d* Arles,  en  vertu  de  la  perroission 
f|oimé<>  par  Alphonse  II,  le  it  juin  1188.  Ce  village  s^appelle  aussi 
Siint  Jean-de-Pag^s,  du  nom  d'un  de  ses  anciens  seigneurs. 


■1 


'i72  LIVKE   QUATRIÈME. 

iiœuvre  dégagea  ce  fort,  qui  en  était  aux  dernières 
extrémités  :  r  est  ainsi  que  Taction  de  Schomberg  im- 
posant aux  Espagnols ,  Tobjet  qu*il  s'était  proposé  se 
trouva  rempli  et  le  fort  des  Bains  fut  sauvé.  Cette  place 
n'était  pas  mieux  approvisionnée  que  celle  de  Belle- 
garde,  mais  elle  avait  ce  qui  manquait  àlautre,  un 
homme  de  cœur  pour  commandant. 

Le  3  3  juin  Tarmée  française  investit  Saint-Jean* 
Pla-dc-Corts,  qui  se  rendit  au  bout  de  vingt-quatre 
heures  :  cent  cinquante  soldats  qui  en  formaient  la 
garnison  furent  conduits  nus  et  garrottés  à  Perpignan, 
sans  qu'on  sache  ce  qui  leur  attira  un  traitement  si 
ignominieux'.  Ici  fannaliste  Feliu  de  la  Pena,  dont 
l'aveugle  haine  contre  les  Français  ne  peut  être  égalée 
que  par  son  excessive  superstition,  se  récrie  aver 
raison  contre  cette  conduite  de  Schomberg;  mais  cet 
écrivain  n'a  pu  trouver,  quelques  pages  plus  haut,  un 
seul  mouvement  de  pitié  en  faveur  des  Français  dont 
il  nous  apprend  lui-même  le  massacre  par  les  paysans 
catalans  :  déploi*able  t'iTet  de  cette  passion  dans  laquelle 
une  sotte  vanité  nationale  entmine  l'historien,  qui  ne 
veut  voir  de  Thonneur,  du  courage  ou  de  la  probité  que 
chez  ses  compatriotes.  Le  duc  de  San  German  envoya 
au  générai  français  un  trompette,  pour  se  plaindre  de 
cette  sévérité  réprouvée  par  les  lois  de  la  guerre.  Dans 

I  I«(>MMil  Feliu  (lf>  la  l'cna  parti'  ilr  rettr  circonMaiicr.  nmiiiio  !u*ui 
auui  il  iiiiii»  a  appris  l*>  iiiasMcn*  t\v%  priMiuiiirrs  Iran  vais  |»ar  lc>» 
i>avsans  cdUlaii» 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  'i7.> 

rignorance  où  nous  sommes  des  raisons  qui  firent  in- 
I1iger<^  des  ennemis  vaincus  un  traitemcntsi  humiliant, 
nous  ne  pouvons  savoirjusqu  à  quel  degré  cette  action 
(le  Srhomberg  peut  mériter  le  blâme.  Schomberg  était 
homme  dlionneur,  et  il  ne  se  serait  pas  permis  un 
acte  si  contraire  au  droit  des  gens  sans  de  graves 
motifs.  Nous  soupçonnons  que  ces  prisonniers  étaient 
des  Roussillonnais  transfuges,  contre  qui  le  général 
était  en  droit  de  sévir  :  la  conjuration,  déjouée  trois 
mois  auparavant,  la  présence  de  Trinxeria  et  des 
paysans  du  Vallespir  dans  le  camp  ennemi,  autorisent 
puissamment  cette  conjecture. 

Schoml)erg  tomba  quelques  jours  après  dans  un 
piège  que  lui  tendit  San  German.  Le  bailli  de  Céret 
était  venu  lui  dire  qu'il  lui  apportait  les  clefs  de  sa  ville, 
(fuo  les  Espagnols  venaient  d*évacuer  parce  qu'ils  ren- 
traient en  Catalogne.  Dans  la  nuit  du  27  juin  ce 
générai  fit  prendre  les  armes  k  son  armée,  et  à  la  pointe 
du  jour  on  aperçut  en  effet  des  mulets  défilant  vers 
le  col  du  Pertus.  Le  Bret,  chargé  d  aller  occuper  Céret 
et  d'inquiéter  farrière-garde  espagnole,  traverse  le 
1Vch  (*t  s'engage  dans  les  ravins ,  où  Tattendaitrinfan- 
lerie  espagnole ,  couchée  à  plat  ventre  pour  n'être  pas 
aperçue.  A  Texception  des  trois  régiments  tirés  des 
garnisons  de  Perpignan  et  de  Salses,  qui  étaient  de 
vieill(\s  troupes,  tout  le  reste  de  l'armée  française  ne  se 
roin posait  (|ue  de  recrues  qui  n'avaient  auciuie  idée 
dr  la  guerre.  Surpris  de  cette  altiique  inopinée,  res 


/i74  LIVRE   QUATRIÈME. 

jeunes  soldats  ne  surent  pas  tenir  tête,  et  le  désordre 
se  mit  dans  tous  les  rangs.  Schomberg  marche  au 
secours  de  Le  Bret  avec  toute  son  armée,  et  une  action 
générale  s'eng-age.  Laile  gauche  des  Espagnols  com- 
mençait à  (léchir  ;  San  German  la  renforce  de  quelques 
escadrons,  et,  par  ce  secours  donné  à  propos,  décide 
l'avantage  de  ce  côté.  A  laile  droite  la  victoire  s'était 
diijà  prononcée  en  faveur  des  Espagnols,  qui  forcèrent 
les  Français  de  reculer  jusqu'à  leur  place  d'armes.  Â 
la  vue  du  désordre  de  son  année,  Schomberg  fit  sonner 
la  retraite,  et,  réunissant  autour  de  lui  tout  ce  quil  y 
avait  de  phis  brave  et  de  plus  résolu  dans  ses  troupes, 
il  fit  boinie  contenance  pour  donner  le  temps  aux 
soldats  débandés  de  rentrer  dans  le  camp,  et  pour 
arrêter  San  Cennan,  qui  en  eil'et  n'osa  pas  passer  outre. 
Les  Français,  dans  cette  malheureuse  aflaire,  eurent 
beaucoup  de  morts  et  de  blessés ,  et  [)armi  les  pri- 
sonniers se  trouva  Charles  de  Schomberg,  fds  du 
général  ;  six  cents  chevaux ,  un  grand  nombre  de 
mulets  et  une  bonne  partie  de  fartillerie  française 
tombèrent  nu  pouvoir  des  Espagnols',  lin  officier  de 
l'armée  française  témoin  de  cette  baUiiile,  et  qui  a  écrit 
la  n^lation  «l'une  partie  des  événements  de  celte  guerre, 
nous  apprend  <pie  la  panicpie  fut  telle  parmi  les  nou- 
\  elles  l(*\res,  (ju'elle  donna  naissance  à  des  maLidies 
<|ui  (irenl  périr  plus  de  neuf  mille  de  ces  jeunes  soldats 
>ur  onze  mille  '-.  Tel  fut  It*  résultat  de  la  trahison  du 


CHAPITRE  SEPTIÈME.  ^75 

hailli  de  Céi^et.  Plu&  tard,  quand  les  Français  rentrè- 
rent dans  cette  ville,  les  habitants,  qui  craignaient  que 
pour  les  punir  de  cette  perfidie  le  général  ne  fit  in- 
cendier leurs  maisons,  se  rachetèrent  de  tout  chàti- 
nient  au  prix  d'une  somme  d  aident.  Le  duc  de  San 
German  profita  de  sa  victoire  pour  pousser  jusqu'au 
Tech  ses  lignes  de  Maurellas,  et  il  construisit  entre 
Céret  et  ce  fleuve  un  petit  fort  pour  en  défendre  le 
passage. 

I^a  fcte  du  roi  de  France,  célébrée  dans  le  camp 
français,  le  a 5  août,  par  des  décharges  de  mousque- 
terie  et  d'artillerie  à  poudre,  attira  pour  réponse,  du 
(*anip  ennemi,  des  décharges  k  boulet  qui  firent  beau- 
coup  (le  mal.  Ce  camp  français,  établi  à  Saint-Jean-de- 
Paf^cs  depuis  le  1 6  juin,  était  placé  d'une  manière  si 
délavorahle,  que  les  armes  espagnoles,  qui  portaient 
alors  plus  loin  que  les  nôtres,  tuaient  du  monde  à 
<'haque  coup,  sans  réciprocité  de  notre  part^ 

Louis  \IV,  pour  opérer  une  diversion  favorable  k 
Schomberg,  avait  résolu  de  faire  attaquer  Barcelone 
par  une  armée  navale.  Vingt-deux  galères  parurent,  k 
la  mi-aoùt,  devant  Roses,  où  elles  devaient  attendre 
le  reste  de  la  flotte.  Un  chef  d* escadre  andalousien 
voulut,  dit-on,  livrer  à  cette  escacire  le  fort  du  Bouton, 
(juil  (  oumiandait.  Dans  cet  infâme  dessein,  cet  officier 
s'était  embarqué  mi  soir  dans  un  bateau  pour  joindre 
lesi  ^'alères;  mais,  ne  pouvant  >  parvenir,  il  se  réfugia 

'   IV  Câisscl,  lielaiiaii  Hf  ce  qui  s'est  passé  en  CsdalogM. 


/i76  LIVRE  QUATRIÈME. 

au  monastère  de  Saiiit-Pierre-de-Rodes ,  où  il  fiit 
arrêté  :  reconduit  à  Roses,  il  y  fut  fusillée 

L*année  navale  de  France,  après  avoir  opéré  sa 
jonction ,  se  trouvait  forte  de  vingt  vaisseaux  et  vingt- 
cinq  galères.  Assaillie  par  une  violente  tempête  devant 
Tenibouchure  du  Llobregat,  le  3  septembre,  elle  fîit 
forcée  de  s*éloigncr  des  côtes  de  Catalogne;  et  ce  même 
jour,  fatal  aux  Français ,  Schombei^  échoua  dans  une 
nouvelle  tentative  contre  les  lignes  de  Maurellas.  Ce 
général  avait  fait  attaquer  en  même  temps  le  fort  qui 
défendait  le  Tech  et  le  retranchement  qui  couvrait  le 
pont  de  Cérct,  pendant  que  de  forts  détachements 
marchaient  vers  le  col  de  Banyuis  pour  attirer  de  ce 
côté  une  partie  des  forces  de  Tennemi  :  aucune  de  ces 
opérations  ne  réussit'-^.  Quatre  jours  après,  surla  nou- 
velle d*un  débarqu<'nicnt  de  cinq  mille  hommes  de 
renfort  pour  l*armée  de  San  Gemian,  conduits  à  Barce- 
lone parTaniiral  hollandais  Tromp ,  Schomberg  aban- 
donna SCS  positions  et  cantonna  ses  troupes  h  Perpi- 
gnan, Elne  et  Viilcfranrhe^.  San  German  ne  quitta 
Maurellas  i\uv  le  i  7  octobre  ;  il  retourna  h  Barcelone 
après  avoir  établi  de  fortes  garnisons  h  Bellegardc,  A 
Agullana  et  h  la  Jonquière. 

Le  temps  que  les  deux  années  avaient  passé  k 

'   tVliu  (le  la  Pena. 
'  IhiJfm. 

^  IV  raiskNcI  iloiHie  |N>ur  ruiMm  du  ilt'*|>art  do  Schdiiiber}*  le  hruil 
qni  cituriil  dans  \v  ranip.  que  les  lvi|ia^iiitU  ullaient  a5»k*gor  (k>llioiin'. 


^ï 


CHAPITRE    SEPTIÈME.  t\ll 

s'obsei'ver  sur  les  bords  du  Tech  avait  été  employé 
par  les  paysans  et  les  miquelets  k  dévaster  toute  la 
partie  française  de  la  Cerdagne.  Schomberg  désirait 
de  mettre  un  terme  à  des  déprédations  qui  rendaient 
inhabitables  toutes  ees  montagnes.  Convaincu  que  la 
force  ouverte  ne  pouvait  rien  contre  des  bandes  qui  se 
trouvent  partout  et  qu'on  ne  rencontre  nulle  part  quand 
on  les  poursuit,  qui  disparaissent  à  mesure  qu*onse 
pn'sente  pour  les  combattre,  et  se  portent  rapidement 
sur  un  autre  point  qu'elles  dévastent,  pendant  qu'on 
cherche  à  les  surpendre  à  Tendroit  où  on  les  supposait, 
il  avait  voulu  leur  faire  tendre  des  pièges  par  don  Juan 
de  Ardena ,  général  de  sa  cavalerie  ;  mais  cet  officier 
donna  lui-même  dans  une  embuscade,  à  son  arrivée  en 
Cerdagne ,  et  fut  tué  de  la  main  même  du  chef  de  ces 
guérillas ,  le  nommé  Lambert  Mènera ,  bailli  de  Mas- 
sagoda ' . 

Les  fortes  armées  que  la  France  était  dans  la  néces-  1675. 
site  d'entretenir  dans  les  Pays-Bas  ne  lui  laissaient  pas 
les  moyens  de  renforcer  celle  de  Roussillon;  les  Elspa- 
gnols,  au  contraire,  alliés  des  Hollandais  et  des  impé- 
riamc,  alors  les  nations  les  plus  belliqueuses  de  l'Europe, 
pouvaient  mettre  sur  tons  les  points  de  leurs  frontières 
des  forces  imposantes,  et  s'assurer  de  cette  manière 
une  supériorité  décisive  en  nombre  «  en  expérience  et 

'  De  Caissel  dit  qae  plusieurs  villages  de  la  Cerdagne,  qui  n  avaient 
pas  fait  leur  soumission,  furent  rois  au  pillage  par  Tordre  de  Schom- 
berg, resté  à  Oletle. 


478  LIVKK   Ql'AThlKMK. 

en  habileté.  Cet  état  de  choses,  qui  avait  duré  jiisqu*à 
rautoinne  de  167/1,  cessa  lorsque  Messiiie,  se  révol- 
tant contre  TËspagiie  et  réclamant  le  secours  de  la 
France ,  Charles  II  dut  à  son  tour  affaiblir  son  armée 
de  Catalogne  pour  renforcer  ses  troupes  de  Sicile.  Le 
ternie  des  prospérités  des  Espagnols  était  donc  arrivé 
avec  Tannée  1675.  A  cette  époque  leur  frontière 
dégarnie  fit  passer  de  notre  coté  le  même  genre  d'avan- 
tage qui  avait  existé  jusque-lji  contre  nous.  Avant  de 
rien  entreprendre,  dans  cette  nouvelle  situation  des 
années,  Schomberg  organisa  quelques  compagnies  de 
miquelets,  pour  les  opposer,  dans  la  Cerdagne  et  dans 
le  Vallespir,  h  ceux  de  Catalogne  que  commandaient 
Trinxeria  et  le  bailli  de  Massagoda,  terreur  et  fléau 
des  contrées  limitrophes,  et  dont  le  premier  aurait 
même  une  fois  poussé  ses  incursions  jusqu'aux  portes 
de  Perpignan,  s'il  fallait  s'en  rapportera  l'annaliste 
catalan  ^ 

L'opération  la  plus  importante  de  la  cumpagne, 
d'après  le  nouveau  plan  que  traçait  la  force  respective 
des  deux  frontières,  devait  être  la  reprise  du  fort  de 
ik'llegarde,  dont  la  possession,  en  assurant  aux  Espa- 
gnols la  libre  traversée?  des  Pyrénées,  leur  donnait  un 
avantage  immense.  Cette  place,  déjà  tivs-forte  jïar  son  ^  >^ 
assiette  sur  le  sommet  d'une  colline  isolée  et  conique, 
était  encore  défendue  par  une  nombreuse  garnison, 
et  pouvait  être  secourue  facilement  du  coté  de  la  Jon 

'   Félin  ilr  la  Prna. 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  'i79 

qiiière.  Pour  s*en  rendre  maître,  il  fallait  d abord 
l'isoler  de  l'armée  espagnole  :  Schomberg  commença 
par  s'établir  dansTAmpourdan.  Les  passages  du  Pertus 
et  de  Panissas  lui  étant  interdits,  et  trouvant  le  col  de 
Porte!  couvert  de  paysans  armés ,  il  se  décida  à  passer 
par  le  col  de  Banyuls,  el  prit  ainsi  à  revers  toute  la 
cliaîne  des  Albères.  Ce  passage  s'efTertua  le  9  mai.  Les 
Albères  furent  remontées  du  côté  de  TAmpourdan,  et 
l'armée  française  assit  son  camp  entre  AguUana  et  la 
Jonquière. 

A  la  |)remière  nouvelle  du  mouvement  des  Français, 
le  duc  de  San  Grmian  s*était  porté  sur  Hostalric;  mais 
(|uand  il  vit  Scliomberg  établi  dans  TAmpourdan,  il 
passa  à  Cirone  avec  son  armée,  ne  laissant  en  obser- 
vation à  Pont-de-Molins,  que  deux  mille  fantassins  et 
sept  cents  cavaliers,  sous  les  ordres  de  GuiUem  Cascar. 
Le  1 2  mai  Schomberg  marcha  sur  ce  corps  d'obser- 
vation ,  dont  la  retraite  le  laissa  maître  de  Figuières  et 
de  toutTAmpourdan.  Bascara^dont  San  German  avait 
fait  sa  place  d'armes,  ne  tarda  pas  elle-même  à  ouvrir 
ses  portes.  L  armée  française  se  porta  ensuite  sur  les 
bords  du  Ter,  dont  San  (îerman  occupait  la  rive 
droite.  Une  première  tentative  pour  traverser  cette 
rivière  ne  réussit  pas;  une  seconde  fut  plus  heureuse  : 
les  retranchements  des  Elspagnols  furent  forcés;  leur 
cavalerie  se  réfugia  dans  les  montagnes ,  et  leur  infan- 
terie alla  s  enfermer  dans  Girone. 

I/intention  deSchombergn  étaitpas  de  faire  le  siège 


m)  LIVRE   QUATRIÈME. 

de  cette  place  ;  cependant  s'en  voyant  si  près  il  s'y 
arrêta,  et  le  lendemain  il  s'empara  de  quelques  ou- 
vrages extérieurs.  Un  fort  construit  en  pbnches  et  un 
autre  avec  des  fascines  furent  enlevés,  et  la  demi-lune 
de  Saint-Lazare  éprouva  le  même  sort,  après  une  vive 
résistance  dans  laquelle  les  deux  partis  perdirent  bien 
du  monde.  Du  côté  des  Espagnols  périt  le  célèbre  chef 
de  guérillas,  Lambert  Manera,  bailli  de  Massagoda. 
Après  avoir  obtenu  ces  succès,  il  semble  que  Schom- 
berg  aurait  dû  persister  dans  ses  attaques,  qui  auraient 
amené  infailliblement  la  prise  de  la  ville;  il  nen  fit 
rien  :  il  évacua  les  positions  dont  il  s*était  emparé ,  et  • 
sans  qu  on  sache  par  quel  motif,  il  se  retira  à  Ve^gès^ 
où  il  passa  tout  le  mois  de  juin  dans  Tinaction.  En 
juillet  il  s'occupa  de  Bellegarde. 

Il  n'était  pas  donné  h  ce  château  de  faire,  dans  le 
cours  de  cette  guerre ,  une  honorable  réputation  aux 
capitaines  des  deux  nations  chaînés  de  sa  défense. 
Quoiqu'il  ne  fût  pas  très-bien  approvisionné,  il  avait 
neuf  cents  hommes  de  garnison  et  pouvait  résister 
jusqu'à  ce  que  San  German  eût  pu  réunir  assez  de 
forces  pour  venir  le  délivrer  :  ce  vice-roi  estimait  qu'il 
pouvait  tenir  un  mois.  Vn  renfort  qui  devait  arrivera 
cette  garnison  ayant  été  surpris  et  repoussé,  le  a 5  de  i^ 
juillet,  quatrième  jour  du  siège,  le  gouverneur  capitula.  -,  ^ 
C'est  bien  à  tort  que  quelques  écrivains  ont  cité  cette 

'  Dr  Caiftsf.l,  dans  m  Relation ,  dit  que  rctte  attaque  n*avait  eu  pour 
objet  que  d  accoutumer  les  loldata  au  feu. 


CIIAPITUE    SEPTIÈME.  /|8I 

rapide  c!oiujueto  des  Français  ronmie  un  fait  glorieux  : 
il  lie  saurait  y  avoir  gloire  d  un  côté  quand  il  y  a  eu 
lâcheté  de  l'autre.  Vingt-cinq  miquelets  roussillonnais 
transfuges  étaient  partis  de  ce  fort  deux  jours  aupa- 
ravant à  travers  les  rochers,  et  par  un  des  articles  de 
la  capitulation  trois  personnes  masquées  eurent  la 
Ihculté  de  sortir  avec  le  gouverneur  sans  qu*on  pût  le» 
arrêter  ni  les  voir  au  visage  ^ 

La  chute  de  Bellegarde  rendait  aux  frontières  du 
Roussillon  leur  sécurité,  et  à  Tannée  française  la  liberté 
(  rentrer  en  Catalogne  sans  obstacle.  Schombeig 
ramena  son  armée  en  France  pour  l'y  laisser  reposer 
pendant  les  grandes  chaleurs,  et,  en  passant,  il  fit 
enlever  par  un  détachement  le  vieux  château  d'Ultrera, 
situé  au  haut  d*un  rocher,  et  dont  les  Espagnols  s'étaient 
emparés  Tannée  précédente*.  Au  commencement  de 

^   De  Caisse  1 ,  Relation  de  ce  qui  s'est  passé  en  Catalogne. 

'  Nous  trouvons  dans  un  vieux  manuscrit  du  temps  Tanecdote  sui- 
vante, relative  à  la  prise  de  ce  château.  Son  gouverneur,  don  Diego 
Rudor,  a\ant  été  atteint  et  renversé  sans  connaissance,  par  le  ricochet 
«Tun  projectile  mort,  son  domestique,  qui  le  crut  tué,  jeta  Talanne 
(tans  la  garnison,  qui  se  rendit  aussitôt,  et  fut  prisonnière  avec  ion 
gouverneur,  très-surpris  de  cette  lâcheté  quand  il  eut  repris  ses  sena. 
A  cette  époque  don  François  de  Béam,  seigneur  de  Sorède,  était  en 
discussion  de  juridiction,  au  sujet  du  terri  loire  de  U  Pava,  où  est  situé 
(  c  château ,  avec  Tarchidiacre  de  Vallespir,  à  qoi  il  appartenait,  à  ruioii 
(le  la  chapelle  de  Notre-Dame  del  Castell,  hâtie  dans  ce  châtean.  La  dune 
(le  Ikaru ,  liée  d*amitié  avec  Lt  Bret,  qui  commandait  le  détachement 
fran(;ais,  profitant  de  la  circonstance  de  la  prise  de  ce  château,  obtint 
(l(>  ce  général  de  faire  démolir  la  chapelle,  dont  la  statue,  les  orne- 
ments et  les  cloches  furent  emportés  à  Sorède.  Celte  dame  donna  un 
II.  3i 


k»2  LIVBE  QUATRIÈME, 

septembre  Tannée  monta  en  Cerdagne  et  campa  sous 
Puycerda,  où  la  campagne  se  termina  par  une  petite 
affaire. 

Les  chances  de  la  guerre  étaient  en  faveur  des  Fran- 
çais du  côté  des  Pyrénées;  mais  il  fallait  a  la  tête  de 
Tarmée  un  général  qui  par  son  activité  sût  en  tirer 
parti.  Le  comte  de  Schomberg,  dont  la  bravoure  et  les 
talents  n'étaient  pas  contestés,  mais  qui  n*avait  pas 
toujours  su  profiter  des  circonstances,  ayant  reçu, 
avec  le  bâton  de  maréchal  de  Finance ,  un  commande- 
ment dans  Tannée  des  Pays-Bas,  il  eut  pour  rempla- 
çant en  Roussillon  Philippe  de  Montant,  créé  maré- 
chal de  France  le  même  jour  que  lui,  et  qui  fut  connu 
sous  le  nom  de  maréchal  de  Navailles. 

Plein  du  désir  de  rétablir  la  réputation  un  peu 
obscurcie  de  Tarmée  de  Roussillon,  et  jaloux  de 
débuter  dans  son  commandement  par  quelque  action 
brillante,  Navailles  avait  résolu  d'emporter  Figuières 
par  surprise.  Dans  ce  dessein,  les  premiers  jours  de 
1676.  mai  un  camp  volant  s'achemine  sans  bniit  vers  cciie 
ville,  et  s'en  empare  sans  coup  férir'.  La  garnison, 

poor-boire  de  dii-hait  doublons  au  régiment  soiate  qoi  fiii  employé  h 
cette  démolition.  Le  seigncurdc  Soréde  ayant  enauite  Ciitbitir,  h  la  divi- 
aiondes  terroin  de  la  Pava  et  de  Sor^de,  la  chapelle  actuelle  de  Notre- 
Dame  del  Cafltdl,  y  fit  placer  ce  qui  avait  été  enlevé  à  la  première, 
doù  I auteur  du  manuscrit  dit  que,  quand  les  clochet  sonnent,  t\\rs 
demandent  aui  seigneun  de  la  Pava  «QuePs  deslliuren  de  la»  inansdHs 
fl  lUdrcs  de  Soreda ,  •  de  les  délivrer  des  main»  des  voleurs  de  Sorédr. 

'  Figuières  n*était  encore  alors  qu*une  bicoque.  Lfe  fort  qui  en  fait 
maintenant  un  poiot  si  formidable  ne  remonte  qu*à  1 7H7 


r 


CHAPITHE    cSKPTlKME.  (i85 

étourdie  de  la  brusque  apparition  des  Kranrais,  n*avait 
pas  même  songé  à  se  mettre  en  défense. 

Les  ravages  des  miquelcts  en  Cerdagne,  attirant 
toute  l'attention  de  Navaiiles,  ce  maréchal  se  rendit 
dans  c*ette  vallée ,  et  mit  tant  d'activité  et  de  persévé- 
rance dans  ses  poursuites,  qu*en  six  semaines  il  dé- 
truisit la  plus  grande  partie  de  ces  bandes  et  rejeta  le 
reste  dans  les  montagnes  de  la  haute  Catalogne. 
I /armée  entra  ensuite  en  Ampourdan,  où  elle  vécut 
aux  dépens  de  Tennemijusqu^à  ceque  Thiver  la  força 
de  prendre  ses  cantonnements  en  Roussillon  et  dans 
le  |)ays  do  Foix. 

Les  succès  des  Français  ne  se  bornèrent  pas  là.  La       ,677. 
(ampagne  suivante  leur  fut  d autant  plus  glorieuse, 
(|ue ,  (*ette  fois ,  ce  fut  la  valeur  et  Thabilcté  qui  triom- 
phèrent de  forces  supérieures. 

Les  affaires  militaires  dq  la  France  et  de  TEspagne, 
(lu  côté  des  Pyrénées ,  semblaient  soifmises  à  un  mou- 
vement de  bascule  qui  donnait  alternativement  l'avan- 
tage à  chacun  des  deux  partis.  Les  coups  décisifs  de 
<*ette  guerre  se  portaient  dans  les  Pays-Bas  et  la 
Lorraine,  où  les  maréchaux  de  Créqui  et  d*Huaiières, 
le  duc  d'Enghien  et  le  maréchal  de  Turenne  avaient 
obtenu  les  plus  grands  avantages  sur  le  prince  d'Orange, 
le  |)rin(*e  de  Lorraine ,  le  duc  de  Villa-Hermosa  et  le 
comte  de  Montecuculli.  Ce  qui  se  passait  à  la  firontière 
de  Catalogne  n* étant  qu'un    léger  accessoire,   une 

augmentation  ou  une  diminution  de  forces  sur  ce  point 

3i. 


Wi  LIVRE   QUATRIÈME. 

avait  lieu  suivant  que  les  allaires  se  trouvaient  en  un 
étal  plus  ou  moins  prospère  sur  le  véritable  théâtre  de 
la  guerre.  Les  deux  puissances  ayant,  en  outre,  des 
secours  à  faire  passer  en  Sicile,  où  la  révolte  des  Mes- 
sinois  opérait  une  grande  diversion  en  faveur  de  la 
France,  les  armées  des  deux  nations  ne  pouvaient  se 
renfoncer  d'un  côté  qu'elles  ne  s'affaiblissent  de  l'autre 
de  tout  ce  qu'on  était  dans  la  nécessité  d'en  distraire. 
Ainsi,  les  Espagnols  ayant  obtenu  de  grands  avantages 
en  Sicile,  Louis  fut  obligé  de  désoi^aniser  l'armée  de 
Roussillon  pour  envoyer  de  nombreux  renforts  à 
Messine.  L'armée  du  maréchal  de  Navailles  se  trouva 
alors  réduite  à  huit  mille  hommes  en  tout,  pendant 
la  campagne  de  1677,  tandis  que  celle  des  Espagnols 
allait  être  portée  k  huit  mille  fantassins  et  quatre  mille 
chevaux,  outre  cinq  mille  hommes  de  milices  cata- 
lanes. 

Cet  enfant  naturel  de  Philippe  IV  et  de  la  Calderona. 
que  son  père  avait  porté,  à  l'âge  de  treize  ans,  au 
commandement  de  Tannée  destinée  contre  le  Portugal, 
don  Juan  d'Autriche,  était  arrivé  à  la  direction  des 
aifairesdela  monarchie  espagnole,  dont  il  était  pan'enu 
h  éloigner  la  reine  régente.  Tournant  sa  sollicitude  du 
côté  de  la  Catalogne,  dont  il  avait  été  vice-roi  en  i(i53, 
après  le  marquis  de  Mortara,  <*e  prince  avait  donné  «^ 
cette  province  pour  vice-roi  et  capitaine  général ,  le 
comte  de  Monterey,  qui  poss4*dait  toute  sa  confiance, 
et  il  lui  avait    promis  une  augmentation  de   forces 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  ^85 

sullisantc  pour  le  mettre  en  état  de  reprendre  Tof- 
liMisive. 

Navailles  savait  que  Tamiée  espagnole  serait  bientôt 
(lu  double  plus  forte  que  la  sienne.  Voulant  faire  acte 
i\v  présence  devant  Tennemi  avant  que  celui-ci  eût 
])u  réunir  tous  ses  moyens,  il  commence  par  pourvoir 
il  la  sûreté  des  montagnes  par  l'organisation  de  quelques 
compagnies  de  miquelets  destinées  à  combattre  ceux 
(i(*  la  Catalogne,  de  nouveau  ralliés  sous  les  ordres  de 
Tniixoria,  et  il  se  jette  ensuite  en  Ampourdan,  dans  les 
premiers  jours  de  mai.  Son  projet  était  dattaquer 
Koses  par  terre ,  pendant  que Tamiral Duquesnc latta- 
(juerait  par  mer;  mais  Monterey  avait  déjà  rendu  cette 
opération  inipossible  :  Navailles  dut  se  borner  à  faire 
vivre  sa  petite  armée  aux  dépens  de  l'ennemi  jusqu'au 
milieu  du  inois  de  juin,  ou  Tarmée  espagnole  se  mit 
vn  mouvement  pour  le  rejeter  hors  des  frontières. 

Le  maréchal  de  Navailles  joignait  h  beaucoup  de 
valeur  et  d'habileté  un  coup  d  œil  sûr  et  un  caractère 
hardi  et  entreprenant;  décidé  à  ne  quitter  la  Catalogne 
(pie  contraint  par  l'impossibilité  de  s'y  maintenir,  il 
s'occupe  d'abord  de  bien  assurer  sa  retraite,  en  faisant 
IL^arderle  col  de  Banyuls  par  la  garnison  de  CoUioure , 
vt ,  tran(juille  de  ce  côté,  il  concentre  ses  forces  auprès 
(lu  village  de  Villarnadal  et  assied  son  camp  entre  deux 
montagnes,  sur  le  bord  d'im  torrent  dont  le  lit  était 
trcs-enfoncé.  Monterey  vint  (*ampcr  sur  la  rive  op- 
posce. 


r 


r  -f 


486  LIVRE   QUATRIÈME. 

Les  deux  armées,  si  inégales  en  force  d*un  côté  et  en 
audace  de  l'autre,  restèrent  à  s'observer  jusqu'au  à  de 
juillet.  Pendant  ce  temps  le  général  espagnol  étudiaitles 
positions  sur  lesquelles  étaient  établis  les  Français ,  et 
s'entourait  de  tous  les  renseignements  que  pouvaient  lui 
fournir  les  gens  du  pays  et  la  levée  du  plan  des  lieux. 
De  profonds  ravins  séparaient  l'armée  française  du 
village  d'Espolla,  par  lequel  elle  devait  passer  pour 
gagner  le  col  de  Banyuls.  Ces  ravins  pouvaient  rendre 
la  position  des  Français  dangereuse,  si,  attaqués  à 
l'improviste,  ils  étaient  forcés  à  la  retraite  :  Monterey 
voulut  en  profiter.  Mais  Navailles  aussi  connaissait  ces 
ravins,  et  le  parti  qu'on  en  pouvait  tirer.  Intéressé  à 
espionner  son  ennemi,  il  fut  informé  sans  doute  de  la 
résolution  prise  enfin  par  le  vice-roi,  et  dans  la  nuit 
du  Â  au  5  juillet  il  franchit  ce  passage  dangereux  ^  En 
apprenant  ce  mouvement,  Monterey  crut  pouvoir 
mettre  à  profit  le  désordre  inséparable  d'une  retraite 
difficile ,  et ,  traversant  rapidement  le  torrent  et  la  vaste 
fondrière  qui  séparait  les  deux  armées,  il  vient  se 
placrer  lui-mrnie  dans  la  position  désavantageuse  que 
quittait  son  adversaire.  Navailles,  qui,  à  l'approche 
des  Elspagnols,  s'était  porto  h  la  queue  de  sa  |)etite 
armée ,  pour  surveiller  le  passage  d'un  reste  de  défilé , 
prend  position  sur  une  montagne  séparée  de  la  pre- 

*  De  Cai^Mïl  allribuo  le  ilejuirl  dr»  Kraii^«ii»  à  lafluibliMniient  i\r. 
lamico,  orraMoiini!  |)iir  les  maladie»  <|im>  |>nNluiMit  ri%ro||;iierie  dv% 
v>ldal!>   /^  Uttinn  dt  vf  tfiu  $rst  passé  en  Cataltujnt . 


CIIAPITKE    SEPTIÈME.  'i87 

iilière  par  le  i*uisseau  d'Ortine  et  par  le  défilé  quil 
venait  de  franchir,  et  d*oii  il  pouvait  riposter  sans 
ris(|ue  au  leii  de  Tcnnemi.  L'engagement  durait  depuis 
six  heures  sans  aucun  résultat,  cpiand  les  Espagnols, 
impatients  de  débusquer  les  Français,  se  portent  en 
avant.  Le  duc  de  Monteleone,  qui  commandait  Favant- 
garde,  a  déjà  traversé  le  ruisseau.  Les  Français  le 
laissent  s'enfoncer  dans  le  ravin,  prennent  leur  temps 
[)our  fondre  sur  lui  à  Tarme  blanche ,  et  en  peu  d'ins- 
tants tout  ce  qui  se  trouve  en  leur  présence  est  cul- 
buté. L*avant-garde,  en  cherchant  k  se  dégager,  se 
jette  sur  le  reste  de  Tarmée,  qui  prend  la  débandade 
an  milieu  de  ces  fondrières  qu'elle  couvre  de  morts  : 
Monteleone ,  le  comte  de  Fuentes  ,  le  vicomte  de  San 
Jorge  et  une  foule  d'autres  seigneurs,  tant  espagnols 
(|u*allemands ,  y  perdirent  la  vie.  Monterey ,  revenu 
de  l'autre  coté,  fîit  témoin  de  la  tranquille  retraite 
des  Français,  avec  la  honte  d'avoir  été  battu  par  une 
armée  qui  n'était  pas  la  moitié  de  la  sienne,  et  la 
mortification  d'avoir  eu,  pendant  quinte  jours,  sans 
en  savoir  profiter,  l'occasion  de  la  détruire ,  s'il  avait 
rivalisé  de  talent  avec  son  adversaire.  La  perte  des 
Français,  dans  cette  mémorable  affaire,  fut  de  mille 
hommes ,  tués  ou  blessés  ;  celle  des  Espagnols  s'éleva 
à  (piatre  mille  hommes  morts  ou  blessés  et  huit  céntà 
|)risonniers.  On  ne  laissa  pas  de  rendre  à  Dieu  des 
actions  d(^  grâces  pour  cette  affaire,  dans  Barcelone, 
.ipparemment  pour  le  remercier  de  ce  que  l'armée 


^88  LIVhE   QUATRIÈME, 

entière  n  avait  pas  péri  :  c  est  ce  qu  on  |>eut  conclure 
des  paroles  de  Feliu ,  qui  dit  qu  on  doit  des  grâces  à 
ENeu  dans  Tadversité  comme  dans  la  prospérité'  :  on 
ne  saurait  mettre  plus  de  philosophie  dans  la  défaite. 
1678.  Le  brave  maréchal  de  Navailles  prouvait  très-bien 

qu'il  savait  suppléer  par  Taudace  et  la  capacité  k  l'in- 
suffisance numérique.  L'année  suivante,  à  peine  la 
campagne  put-elle  s'ouvrir,  que ,  faisant  mine  de  vou- 
loir se  jeter  sur  l'Ampourdan,  il  rentre  brusquement 
en  Roussillon,  monte  dans  la  Cerdagne  et  s'empresse 
d'investir  Puycerda.  Le  3  mai,  dans  la  nuit,  le  chemin 
couvert  ayant  été  poussé  jusqu'aux  palissades,  on  com- 
mençait à  les  arracher,  quand  les  paysans  réunis  k  la 
garnison  repoussèrent  les  assaillants.  Cette  tentative, 
trois  fois  renouvelée,  échoua  chaque  fois.  Une  attaque 
dirigée  simultanément  d'un  autre  côté  delà  place  était 
sur  le  point  de  réussir,  quand  deux  compagnies  de 
paysans  et  une  de  jeunes  ecclésiastiques,  tenues  en 
réserve,  accourent  et  forcent  les  nôtres  de  reculer. 
Bientôt  les  murailles  présentant  une  brèche  assez  large, 
on  donne  un  assaut  qui  est  repoussé  avec  vigueur. 
Cependant  fintrépidité  de  cette  brave  population  ne 
put  sauver  la  place ,  qui  capitula  le  3 1  de  ce  même 
mois,  aux  conditions  les  plus  honorables.  Cette  affaire 
fut  la  dernière  de  cette  campagne  et  de  la  guerre.  Lu 
paix  de  Nimègue,  en  mettant  un  terme  aux  hostilités, 

'  ■  Mandanm  dar  a  DifM  las  gracias  m  Barccloiia  ;  y  con  acierto,  pur^ 
«  »e  le  dc\cu  c*n  lo  a<lverso  como  en  lo  pixMperu.  »  Krliu  de  la  Pena. 


CHAPITRE    SEPTIÈME.  489 

rendit  la  France  maîtresse  définitive  de  la  Franche- 
Comlé,  de  Valenciennes,  d'Ypres,  de  Cambrai,  de 
Saint-Onier  et  de  quelques  autres  places. 

Cette  paix  ne  iUt  que  de  quatre  ans.  Dans  le  court 
intervalle  qui  sépara  les  anciennes  hostilités  des  nou- 
velles, nous  avons  à  signaler  quelques  événements 
qui,  bien  que  n*étant  pas  tous  d*un  intérêt  spécial  pour 
le  Roussillon ,  ne  nous  paraissent  pas  cependant  devoir 
rester  sous  silence. 

Le  premier  de  ces  événements,  dans  Tordre  chro- 
nologique ,  fut  la  création ,  à  Paris ,  d*une  chambre 
ardente  dont  les  fonctions  étaient  la  recherche  de  cette 
épouvantable  contagion  d'empoisonnements  qui  avait 
^agné  un  grand  nombre  de  femmes  de  la  capitale. 

Des  essais  faits  sur  les  malades  des  hôpitaux ,  sous 
le  prétexte  aussi  abominable  qu'impie  et  sacrilège,  de 
leur  prodiguer  de  charitables  soins,  avaient  donné  la 
eoiuiaissance  précise  du  temps  que  certains  poisons 
pouvaient  rester  dans  le  corps  avant  de  produire  la 
mort.  La  fin  extraordinaire  et  successive  d'une  foule  de 
pères  de  famille,  victimes  de  cette  infernale  combi- 
naison ,  éveillant  les  soupçons ,  la  police  se  mit  sur  les 
trae.es  des  criminels  et  parvint  à  les  découvrir.  Déjà 
la  marquise  de  Brinvilliers,  chef  en  quelque  sorte  de 
(*ette  horrible  conjuration ,  avait  péri  du  dernier  sup- 
plice, (piand  la  chambre  ardente  fut  convoquée,  en 
ifiyc).  On  vit  alors  avec  horreur  les  noms  les  plus 
illustres  compromis;  .la  comtesse    de  Soissons,    la 


/190  LIVRE    QUATRIÈME. 

duchesse  de  Bouillon ,  la  maréchale  de  Luxembourg 
furent  décrétées  de  prise  de  corps,  comme  prévenues 
d^avoir  consulté  les  distributrices  des  poudres  de  suc- 
cession (  c  est  le  nom  atrocement  badin  qu'on  avait 
donné  è  ces  poisons  )  sur  Tépoque  de  la  mort  du  roi 
et  de  ses  maîtresses.  Cependant,  comme  les  haines 
personnelles  ne  s  cflacent  pas  devant  les  grandes  cala- 
mités publiques ,  on  soupçonna  que  Tinimitié  de  la  fa- 
vorite du  roi  et  de  son  ministre  Louvois  pouvait 
bien  n'être  pas  étrangère  k  ces  hautes  et  terribles 
accusations.  Les  jalousies ,  les  rivalités  de  cour  qui,  h 
tort  ou  è  raison ,  avaient  flétri  les  plus  grandes  fa- 
milles de  Taccusation  d'empoisonnement ,  se  servirent 
du  même  moyen  pour  perdre  quelques  courtisans  dont 
la  faveur  faisait  envie  :  les  uns  furent  simplement 
exilés  au  fond  des  provinces ,  les  autres  finirent  leurs 
jours  dans  les  prisons  d'état.  Le  Roussillon  reçut,  pour 
sa  part,  deux  dames  de  haut  parage ,  prisonnières  mys- 
térieuses dont  on  n'a  jamais  découvert  le  nom ,  qui 
furent  enfermées  et  vieillirent  dans  le  château  de 
Salses.  Après  de  longues  années  d'une  dure  captivité, 
l'une  d'elles  étant  morte,  l'autre  obtint,  par  grAce, 
d'être  transférée  au  château  de  Villerranche ,  où  elle 
mourut  quelques  années  après  ^ 

'  L*unr  de  ce*  prisoiioières  avait  dessiné ,  sur  la  muraille  de  sa  pri- 
son ,  la  vue  du  cbâleaa  des  Tuileries ,  qui  a  disparu  il  y  •  une  diiaine 
d^années  sou»  un  blanchiment  :  r*c8t  de  cette  circonstance  qu^on  a  dé- 
duit que  cc^  drui  prisonnières  avaient  ap|virtcnu  à  la  ruur  On  n*a, 
du  rrMe,  d^autre garant  de  Irur  rriine  que  la  tradition;  les  recherches 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  Wl 

Le  3  juillet  1680  le  roi  rendit  une  ordonnance 
pour  empêcher  qu*à  l'avenir  les  bulles  et  autres  or- 
donnances pontificales  fussent  reçues  en  Roussillon 
avant  d'avoir  été  vérifiées  au  conseil  d'état. 

Le  partage  de  Tancien  comté  deCerdagne  entre  la 
France  et  TEspagne ,  à  la  suite  de  la  paix  des  Pyrénées, 
avait  laissé  toute  cette  nouvelle  partie  des  frontières 
françaises  ouverte  aux  Espagnols,  pendant  que  la 
place  de  Puycerda,  ancienne  capitale  de  ce  comté, 
(|ue  TËspagne  possédait  à  un  quart  de  lieue  de  la  ligne 
(iivisoire  des  deux  royaumes,  empêchait  toute  invasion 
des  Français  dans  la  partie  de  cette  vallée  restée  es- 
pagnole. La  nécessité  de  fonder  une  place  forte  dans 
ces  contrées  s'était  trop  fait  sentir  par  les  ravages  des 
miquelets,  dans  la  dernière  guerre,  pour  que  le  gou- 
vernement différât  d'assurer  k  ses  nouveaux  sujets 
protection  et  sécurité.  Six  différents  sites  avaient  été 
proposés  pour  servir  d'assiette  à  la  fortification  qu*on 
voulait  bâtir  :  c'étaient  la  plaine  de  las  Medas,  près  de 
Puycerda;  un  des  points  delà  vallée  de  Carol;  une 
hauteur  entre  les  cols  d'Aro  et  de  Saint- Vincent,  au- 
dessus  de  Ro  et  de  Sallogosa  ;  une  situation  près  d*Egat; 
la  Llagona;  enfin,  une  hauteur  placée  entre  la  Llagona, 
le  pont  de  la  Tet,  Saint-Pierre  dds  Forçats,  Pknès 
et  la  Cabanasse.  Le  célèbre  Vauban ,  envoyé  en  1 679 
|)our  décider  quel  était  celui  de  tous  ces  pointa  qui 

Ir.s  plus  o\actc5f  faites  dans  les  archives  de  rancienne  inieiidince, 
M  ont  rini  fait  découvrir  sar  leur  compte. 


'192  LIVKE   QUATRIEME. 

devait  fixer  le  choix  du  gouvernement,  compara  les 
avantages  et  les  inconvénients  de  chacune  de  ces  po- 
sitions, et  résolut  la  question  en  faveur  de  la  dernière^ 

La  construction  de  la  place  à  laquelle  on  donna  le 
nom  de  Montlouis  fut  entreprise  en  i68i,  sur  le 
plan  tracé  par  Vauban,  et  sous  la  direction  de  François 
de  Fortia  d*Urban ,  qui  en  fut  gouverneur  jusqu'à  sa 
mort,  arrivée  en  1700.  Le  choix  arrêté  par  Vauban 
avait  trouvé  autant  de  critiques  quil  y  avait  eu  de  per- 
sonnes qui  n avaient  pu  faire  prévaloir  leurs  idées; 
mais  le  temps ,  vengeur  de  Tenvie  et  des  basses  riva- 
lités, et  vrai  panégyriste  des  grands  hommes,  a  pris 
soin  de  justifier  Tillustre  auteur  du  pericctionnement 
de  la  science  des  fortifications  :  il  est  unanimement 
convenu  aujourd'hui  que  le  site  de  Montlouis  est  le 
plus  avantageux  de  tous  ceux  que  pouvait  offrir  le 
pays.  Construite  à  la  tète  des  défilés  de  la  Llansade , 
cette  place  défend  la  communication  de  Puy  cerda  avec 
leRoussillon  par  Fontpedrosa,  et  avec  le  Languedoc 
par  le  Capcir. 

Ce  n  était  pas  tout  que  de  bâtir  une  ville,  il  fallait 
y  attirer  des  habitants;  on  chercha  h  y  parvenir  au 
moyen  de  privilèges  accordés  à  la  population  qui  s*y 
trtablirait  :  un  arrêt  du  conseil,  du  1 6  octobre  1 680  , 
avait  déjà  déclaré  qu'il  ne  serait  levé  que  la  moitié  des 
droits  des  fermes  réunies  de  Languedoc,  du  comté  de 
Foix  et  du  Roussilloii ,  sur  tous  les  bestiaux ,  denrées 

'   Arck.  tir  tinUndanir  dr  Rnuu.  el  du  yrnir  mititairr. 


i6A.l. 


CHAPITRE    SKPTIKMK.  /495 

«I  inarcliaiidises  qui  y  seraient  apportas,  et  en  no- 
vembre 1687  le  roi  ajouta  à  cette  faveur  celle  dune 
even)|)tion  générale  de  tous  droits  quelconques^ 

Le  traité  de  paix  de  Ninnègue  avait  soumis  le  roi 
d'Espagne  à  céder  à  la  France  plusieurs  places  des 
Pays-lîas;  mais  Charles  II  répugnait  k  s'en  dessaisir,  et 
il  était  fortifié  dans  cet  éloignement  par  la  maison 
d'Autriche,  qui  ne  voyait  qu'avec  chagrin  la  France 
étendre  ses  possessions  du  côté  de  l'Allemagne.  Les 
leiitiMirs  et  les  difficultés  sans  cesse  renaissantes  tou- 
chant l'exécutionde  cette  partie  du  traité  pouvant  com- 
promettre aux  yeux  de  l'Europe  la  dignité  du  trône 
français ,  Louis  se  décida  à  ohtenir  par  la  force  ce  que 
la  foi  jurée  lui  refusait.  En  i683  le  maréchal  d'Hu- 
miriTs  entra  dans  la  Flandre  espagnole,  pour  y  faire 
subsister  son  armée ,  sans  cependant  commettre 
d'hostilités.  Ce  moyen ,  avant-coureur  d*une  guerre 
ouverte,  ne  produisant  pas  l'effet  désiré,  l'année  sui- 
vante le  feu  se  ralluma  dans  toute  l'étendue  des  Pays-  »W4- 
Bas*.  Comme  dans  les  guerres  précédentes,  les  firon- 
tières  des  Pyrénées  ne  prirent  part  aux  hostilités  que 
pour  constater  en  quelque  sorte  la  cessation  de  l'état 
de  paix. 

Le  maréchal  de  Bellefonds,  chargé  du  commande- 

'   Àrch.  de  tinUnd, 

*  Cette  année  fut  célèbre,  dans  les  fastes  de  la  France,  moins  p«r 
le  double  bombardement  dWIger  que  par  Tarrivée  k  Paris  du  doge  de 
(rrnes ,  unique  dérogation  faite  à  la  loi  qui  clouait  dans  le  pays  ces  mo- 
nar(|ues  tem|>oraires ,  pendant  toute  la  durée  de  leur  administration. 


Wi  LIVUK    QLATIUÈME. 

nient  des  troupes  rassemblées  du  coté  du  Roussillon, 
traversa  les  montagnes  le  i**  mai,  et  occupa  Bascara 
le  d.  A  la  nouvelle  de  cette  invasion  des  frontières 
espagnoles,  le  duc  de  Bournonville ,  vice-roi  de  Ca- 
talogne, accourt  avec  quelques  milices  et  assied  son 
camp  sur  les  bords  du  Ter,  d*où  les  Français  le  chassent 
le  la.  Le  vice-roi  se  replie  sur  Girone,  qu'il  met  en 
état  de  défense,  passe  de  là  à  Hostalrich,  et  rentre  à 
Barcelone. 

Le  siège  de  Girone  était  toujours  la  première  opé- 
ration obligée,  après  le  passage  des  frontières  :  les 
attaques  contre  cette  place  eurent  lieu  sur  quatre  points 
différents.  La  canonnade  devint  si  vive,  dans  les  jour- 
nées du  3 3  et  du  -lU  mai,  que  deux  brèches  furent 
ouvertes,  et  quun  assaut  fut  donné  à  neuf  heures  du 
soir  aux  trois  demi-lunes  de  Sainte-Claire ,  du  Gouver- 
nement et  de  Sainte-Croix.  On  s  en  était  mis  en  pos- 
session ,  mais  le  feu  meurtrier  de  la  place  força  de  les 
évacuer  à  deux  heures  du  matin. 

Déjà,  neuf  ans  auparavant,  Girone  avait  été  aban- 
donné par  Sc*lioniberg  au  moment  où  il  n'y  avait  plus 
qu'un  eifort  à  faire  pour  en  être  maître.  Ce  que  nulle 
place  n*est  sans  doute  destinée  à  voir,  Girone  devait 
réprouver  deux  fois  en  peu  d'années.  Les  espagnols 
mettaient  tout  en  œuvre  pour  être  en  ét;it  de  repousser 
les  nouvelles  attaques  qui  ne  pouvaient  manquer  d*a- 
mener  la  reddition  un  peu  plus  tard.  Tout  à  coup,  à 
leur  grande  surprise,  ils  voient  les  assiégeants  retirer 


CIIAPITHE    SEPTIKME.  'i95 

IcMir  artillerie  et  s  éloigner  du  pied  des  remparts.  Les 
causes  de  celte  inconcevable  retraite  n  ont  jamais  été 
counues  :  les  Espagnols  en  firent  hommage  à  leur 
valeur,  et  ils  en  avaient  le  droit;  les  Français  lattri- 
huèrent  à  ce  que  les  troupes ,  s  étant  trop  avancées  dans 
Tintérieur  de  la  place  sans  avoir  pris  les  précautions 
nécessaires,  furent  d^ahord  repoussées  ,  et  ensuite 
(  ontraintes  d  abandonner  le  siège,  faute  de  moyens 
sutlisants  pour  le  continuer  :  c*est  une  excuse  d'amour- 
propre;  lassant  ne  fut  pas  donné  au  corps  de  la  place, 
mais  seulement  aux  demi-lunes.  Les  amis  du  maréchal 
prétendirent  que  ce  honteux  départ  eut  pour  cause  la 
jalousie  de  Louvois,  secrétaire  d*état  au  département 
de  la  guerre ,  qui ,  pour  punir  un  homme  qui  n*avait 
pas  voulu  fléchir  devant  lui ,  le  laissa  manquer  des 
choses  qui  auraient  pu  assurer  le  succès  de  la  cam- 
pagne ^  Mais  Bellefonds,  avant  d  entamer  le  si^, 
devait  bien  connaître  ses  moyens,  et  ce  qui  devait 
maîtriser  la  place  qu  il  se  décidait  à  attaquer  ne  pou- 
vait pas  dépendre  d'une  éventualité. 

Après  la  retraite  des  Français ,  le  marquis  de  Le- 
ganès,  général  de  la  cavalerie,  etTrinxeria,  à  la  tête 
des  miquelets ,  forcèrent  Bàscara  le  a  i  juin,  et  firent 
prisonnière  la  garnison  qu  y  avait  laissée  Bellefonds.  De 
hnir  coté,  les  Français  s'emparèrent  du  port  de  Cada- 
(jués.  Le  reste  de  la  campagne  se  passa  dans  l'inaction 

'  Rpboulet«  Hittoirr  de  Lomù  XIV i  Daniel,  Jomrnal  kUtorique  de 
hmis  XIV. 


496  LÏVKE   QUATRIEME, 

sur  tous  les  points  :  des  n^ociations  préparaient  en 
ce  moment  les  bases  d'une  paix  prochaine.  La  trêve 
de  vingt  ans  qui  fut  la  suite  de  ces  négociations  amena 
révacuation  de  TAmpourdan  par  les  Français,  au  mois 
de  septembre. 

La  seconde  année  de  cette  trêve,  qui  était  conclue 
pour  un  si  long  terme  et  qui  ne  devait  durer  que  cinq 
ans,  Louis  XIV  érigea  en  hôpital  général  Thospice  de 
la  Miséricorde ,  de  la  ville  de  Perpignan ,  dont  les  re- 
venus ne  consistaient  alors  que  dans  le  produit  de 
quelques  fondations  pieuses,  dans  celui  de  quelques 
secours  accordés  par  la  ville,  et  dans  celui  très-éventuel 
des  aumônes  publiques.  Le  roi  lui  donna  une  forme 
d*administration  et  de  police,  lui  concéda  un  grand 
nombre  de  droits  utiles ,  et  lui  fit  des  dons  considé- 
rables ^  Dès  Tan  i656  un  hôpital  militaire  avait  été 
fondé  dans  la  même  ville,  sur  une  partie  de  Tancien 
enclos  du  couvent  des  Cordeliers. 

^  Avant  la  révolution  cet  hôpital  avait  une  fabrique  de  draps ,  la 
seule  qui  restât  en  Roussillon  de  ces  nombreuses  manufactures  que 
possédait  Perpignan  aux  xiii'  et  xiv*  siècles  ;  elle  foumisaait  par  an 
soixante  pi^ccs  environ,  de  dii-buit  à  dix- neuf  aaoes.  On  y  fabriquait 
aussi  des  draps  grossiers  pour  le  vêtement  des  pauvres  de  rétablisse- 
ment et  pour  les  capotes  des  soldats  :  cette  dernière  manufacture 
existe  encore;  laotre  a  été  remplacée  par  une  manufacture  de 
toiles. 


CHAPITRI':   HUITIEME.  'i97 


CHAPITRE   VIII. 

Dispositions  de  la  Catalogne  à  une  nouveile  révolte.  **-  Entrée 
de  troupes  castillanes.  -^  Victoires  de  NoaiUes.  —  Prise  de 
Ran-elone.  —  Paix  de  Ryswick.  —  Mort  de  Charles  II.  —  Le 
duc  d* Anjou  appelé  au  trône  d*E^pagne.  —  Est  repoussé  par 
les  Catalans.  —  Guerre  de  la  succession.  —  Améliorations 
en  Roussillon. 

t 

La  vio  de  Louis  XIV  derait  se  passer  au  milieu  des  its». 
«ruerres ,  et  par  conséquent  au  milieu  du  malheur  dès 
peuples.  La  France  et  l'Espagne  s*étaient  vainement 
flattées  de  pouvoir  se  remettre  de  tant  de  ctésastres ,  à 
Tombre  des  vingt  ans  de  trêve  (|ui  leur  étaient  promis; 
rillusion  ne  tarda  pas  k  se  dissiper;  les  troubles  de 
r Angleterre  vinrent,  d^sia  einquiètne  année,  remettre 
en  présence  les  deux  peuples  au  moment  même  où  ils 
se  croyaient  le  plus  éloignés  des  hostilités. 

Jacques  H,  second  iils  de  Tinfortuné  Charles.!*, 
était  monté  8ur  le  trône  d'Angleterre  «jnrès'son  frère, 
Charles  II,  et  n'avait  pas  tardée  s'ialiéner entièrement 
la  nation  anglaise,  fortement  prononcée  contre  le 
p^ipisme,  k  la  direction  duquel  Jacques  s'était  au  eoir- 
traire  livré  uniquement.  Chassé  de  ce  trône  p|ur  siAn 
propre  gendre  (luillaume,  prince  d'Orange,  qui  avait 

su  se  faire  un  parti  formidable  de  tousles méc^ontents , 

II.  3a 


!iW  LIVI\Ë   QUATRIÈME. 

il  s*ôtuit  retire  en  France,  où  Louis  s*était  empressé 
d*é|)ousor  sa  (|uerellr,  autant  sans  doute  <^  raison  de 
rinimitié  personnelle  quil  avait  contre  Guillaume, 
son  an(ûen  rival  de  gloire,  qu'en  fevetir  du  principe 
de  ta  légitimité;  Louis  avait  même  décidé  Charles  II, 
roî  d'Espagne,  à  prendre  parti  pour  les  Stuarts.  L^Eè- 
pàgne  allait  donc  devenir  ralliée  de  la  France  pour  la 
guerre  qui  se  préparait ,  (piand  les  intrigues  de  la  coui* 
d*Autrichc,  encore  plus  puissantes  h  iMadrid  quau 
sein  de  la  diète  de  lempirc,  parvinrent  à  faire  chaoger 
ses  résolutions  et  à  armer  de  nouveau  contre  nous  le 
peuple  qupn  regardait  déjà  en   France  conunc.  un 

auxiliaire.  « 

Le  duc  de  Noailles ,  gouy^rn^ur  géiu*ral  de  Rou»- 
sillon ,  porté  au  commandeuient de  lannéo  dc8  Pyré^ 
nées,  avait  trouvé  les  Catalans  des  TrontièreB  dûposëfi 
à  se  révolter  de  nouveau  contre  lautorilé  du  roi  d*£s- 
pague.  A  cxîtte  époque  les  fuiances  de  Charles  II 
étaient  dans  un  tel  état  d  épuisement,  que  les  charges 
devenaient  pour  quelques  lamillos  des  causes <le  ruine  : 
le  gouverneur  de  la  vallée  de  Rikes  se  trouvait  daiis  ce 
cas.  Ayant  cQiwonmié,  dans  lentretien  deaganiiBQni» 
de  cette  vallée,  tout  ce  qu*il  possédait,  et  ne  potivunt 
ohtenir  ni  remboursement,  ni  sol-  e,  ni  indemnité ,  il 
se  trouvait  réduit  à  un  tel  état  de  détresse,  quétaut 
allé  à  Montlouis.  il  recul  avec  recoiuiuissance  une 
miséiTihle  somme  de  vingt  écus  que  Noailles  luiulVrit  ■ 
c  était  couronner  une  hien  noble  conduite  \ïav  une 


CHAPITRE   HUITIÈME.  499 

l)ien  ^^nde  infamie.  Les  consuls  de  Piiycerda  et  le 
«lorp;/»  en  corps  vinrent  anssi  offrir  à  ce  gonéral  leurs 
services  contre  le  roi  d^Espagne  *. 

Noaillcs  a\ant  déterminé  le  ministre  Louvois  à  dé- 
buter  en  Catalogne  par  f  attaque  de  Campredon,  Tar- 
inéc  partit  de  Prats-de-MoUo  le  17  de  mai,  à  trois 
heures  de  laprès-midi,  par  un  temps  de  neige  et  avec 
un  vent  si  impétueux ,  que  des  dragons  et  plusieurs 
mulets  des  bagages  furent  renversés  dans  les  précipices 
de  ces  montagnes.  A  dix  heures  du  soir  on  n*avait  en- 
core fait  que  trois  lieues ,  par  Textrême  difficulté  de 
taire  passer  du  canon  à  travers  le  col  d'Ares  :  ce  fiit  en 
ciïot  dans  cette  circonstance,  qne  pour  la  première 
fois  lartillerie  liit  traînée  par  la  route  dii  Vallespîr. 
Tels  étaient  les  obstacles  que  les  localités  opposaient 
à  cette  opération,  que  c'était  beaucoup  lorsque  danB 
une  journée,  après  des  fatigues  incroyables,  les  douée 
canons  et  les  deux  mortiers  qu'on  amenait  avaient  pu 
avancer  de  cent  vingt  à  cent  trente  paa.  Le  Êiuboui^ 
deCampredon  fut  enlevé  le  19,  deux  jours  avant  Tar- 
rivée  des  six  pièces  de  petit  calibre.  Quant  aux  mor- 
tiers et  aux  six  grosses  pièces  de  canon,  ils  ne  parent 
ctre  rendus  devant  la  place  que  plusieurs  jours  après  : 
le  château  avait  déjà  capitulé. 

Le  vice-roi  de  Catalogne ,  qui  était  alors  le  duc  de 
Villa-llermosa,  avait  appelé  aux  armes  les  milices  de 
l;i  province,  et  Trinxeria  avec  ses  miquelets  n^avait 

'   \ffm.  poUt.  et  kisl.  da  dmc  de  NoaiUes ,  tom.  I. 

3a. 


5CK)  LIVRE    QUATRIÈME. 

pas  été  lecierniet'à  se  trouver  au  reiideE-vous  ^  Lea 
premiers  paysans  arrivés  à  Gampredon  s'étaient  por- 
tés h  doux  lieues  des  Finançais,  sur  une  montagne  d*où 
te  duc  de  Noailles  les  avait  fait  chasser  par  quelques  . 
compagnies  de  cavalerie.  Honteux  de  cet  échec,  ces 
paysans  crient  à  la  trahison ,  et  font  un  crime  àTrinxe- 
ria  do  ne  les  avoir  pas  avertis  du  mouvement  qui  les 
menaçait.  Dans  leur  dépit,  ils  reprennent  le  chemin 
de  leui^s  foyers,  dissuadant  les  milices  du  someten, 
qu*ils  trouvent  sur  leurs  pas,  de  poursuivre  leur 
route.  Gampredon,  abandonné  ainsi  h  ses  propres 
forces,  se  rendit  après  cinq  jours  d  attaque^.  Gette 
prompte  reddition  fut  attribuée  à  rhabileté  du  général 
français;  elle  n  était  que  le  résultat  de  la  désertion  des 
milices  appelées  à  défendre  la  ville.  Les  fastes  de  la 
guerre  offrent  plus  d'un  exemple  de  ces  cas  singuliers 
où  la  fortune,  secondant  par  des  moyens  étrangers  les 
plans  d'un  général,  lui  fait  ii  peu  de  frais  un  nom  il- 
lustre :  Noailles  n'avait  pas  besoin  de  ce  moyen  pour 
atteindre  k  la  célébrité. 

La  perte  de  Gampredon  caima  un  extrême  chagrin 
au  vice-roi,  qui,  voulant  absolument  trouver  un  cou- 
pable, et  sans  rechon*her  si  tous  les  torts  étaient  du 

'  («V^t  ici  la  (Icrni^n*  fois  qu*nn  voit  paratln*  le  Iraniifu^^  Jnii^pli 
Triiixeria;  un  autre  Triiixeria«  dont  \e  prénom  était  lUas,  pent*^ln* 
•on  aint  se  montre  à  la  li-if.  fU>»  miqurlel^^  quelques  annét»  plu»  tanl. 
«t,  |>arvi*nu  au  grade  df  me>tiT  d«  camp,  ent  envoyé  A  Na pi cii  aver 
quelque»  troupes,  en  1707. 

*   Feliu  de  la  Pfîia. 


CHAPITHK    IIIIITIEME  501 

ràiv  du  gouvemour,  larcusa  de  lâcheté  et  de  trahi- 
son ,  et  le  Ht  enrcnner  dans  le  château  de  Montjoui , 
d'où  le  malheureux  ne  sortit  que  j>our  inaiY-her  â  ïé- 
rhaiaud. 

ViUa-Hermosa  avait  sacrifié  une  victime  ;  mais  cette 
sévérité ,  aussi  excessive  que  peu  méritée  peut-être , 
excita  les  plus  violents  murmures  parmi  les  Catalans. 
Déjà  mal  disposés  contre  le  gouvernement  de  Char- 
les II,  non-seulement  ils  se  refusèrent  à  reprendre  les 
iirnies,  mais  ils  s'opposèrent  â  la  levée  d*un  im|)ôt 
dont ,  k  loccasion  de  la  mort  de  la  reine ,  on  venait  de 
li-apper  la  province,  à  titre  de  don  volontaire. 

La  révolution  de  la  Catalogne  et  les  maux  (pii  s'en 
étaient  suivis  sous  le  règne  précédent  étaient  encore 
trop  présents  à  la  mémoire  pour  qo^on  négligeât  de 
prendre  de  bonne  heure  les  moyens  d'en  prévenir  l^ 
retour.  Le  mouvement  séditieux  cpii  éclatait  n'était  pas 
le  premier;  déjà,  Tannée  précédente,  le  recouvrement 
des  contributions  ordinaires,  confondues  maintenant 
avet*  ce  don.  prétendu  volontaire,  avait  manqué  de 
produire  de  grands  désordres.  A  la  suite  d'une  simple 
rixe  entre  un  soldat  et  un  habitant  du  village  de  Villa- 
major,  le  son  du  tocsin  s'était  fait  entendre  dans  tous 
les  lieux  circonvoisins .  et  une  multitude  de  paysans 
avait  pris  les  armes.  De  Villamajor  ce  rassemblement 
s'était  porté  sur  Mataro,  et  ensuite  sur  Barcelone,  en 
poussant  le  cri  ordinaire  de  insurrection  :«  Vive  le  roi 
0  t»tnicurelemauvaisgouvemement!  nCencsl  qu'après 


502  LIVRE  QUATRIÈME, 

bien  des  pourparlers ,  tant  par  rinlermédiaire  de  la  dé- 
putation  que  par  celui  de  Tévêque,  retenu  d*abord 
prisonnier  par  les  paysans,  qu'on  était  enfin  parvenu 
à  les  faire  rentrer  dans  leurs  foyers.  Maintenant  la  pu- 
nition ,  juste  ou  non ,  du  gouverneur  de  Camptedon , 
qui  était  Catalan ,  faisant  craindre  une  nouveil^  laédi- 
tion,  le  cabinet  de  Madrid  s'eropressa  de  iaire  entrer 
en  Catalogne  quelques  régiments  d*infanteri6  et  de  oh 
Valérie  de  Castille,  sous  le  prétexte  d'une  expédition 
contre  le  Roussillon;  et,  pour  ne  pas  trop  eflarouoher  * 
la  population ,  on  dirigea  en  effet  ces  troupes  vers  la 
frontière.  Au  mois  de  juillet  suivant,  des  galères  de 
Naples,  de  Sicile,  de  Gènes  et  de  Sardaigne  débar- 
quèrent encore  à  Barcelone  des  troupes  allemandes  et 
italiennes  que  suivirent  d'autres ,  détachements  espa- 
gnols ,  de  sorte  que  le  nombre  de  ces  soldats  étrangers 
â  la  province  fmit  par  s  élever  à  quatorze  millie  fan- 
tassins et  à  quatre  mille  cavaliers.  Au  mois  dlaoùt* 
Villa-Hermosa ,  se  mettant  à  leur  tête ,  fit  mine  de  vou- 
loir traverser  les  Pyrénées;  mais,  parvenu  à  la  fron- 
tière ,  il  fit  paraître  un  ordre  du  roi  qui  bornait  la  cam- 
pagne à  la  reprise  de  Campredon  '.    . 

Maitrcs  de  cette  place ,  les  Français  s'étaient  éten- 
dus dans  la  vallée  de  Ribes,  que  leur  avait  ouverte 
son  gouverneur.  A  l'approche  des  Espagnols,  Noailles 
évacua  cette  vallée  et  concentra  ses  i'orres  dans  Cam- 
predon ,  qu'enveloppèrent  des  l'orces  lieaucoup  su|)é- 

^  Fcdiu  de  la  l^m 


CHAPITRE   HUITIEME.  505 

rieures  à  celles  des  Français.  Uieolôt  un  l'eu  ierrifale 
(les  remparts  causant  de  grands  dommages  à  renneini, 
uua  sortie  de  la  place  ;s avança  jusquaux  lignes  du 
vice-roi.  Cette  imprudence  peàsa  coûter  cher  aiuna-' 
.liégés  :  entourés  par  quelques  .bataillons  ennetni^,  es 
lurent  mis  en  délx>ute,iet  cekiô  Aiiqu*à  grande  peinb 
(juils  purent  regagner  les  portes  de  la  ville^  r.\-  ■ 

L'iiupos^ibililé .  de  se  maintenir 'dalM'CIampredori 
avait  décidé  Noailies  à  se  retirer;  mais  livanrt'dei^inl'' 
ter  cette  place  il  voulut  en  démanteler  les  fortîficff4 
tiuns.  L^opératioa  n  aurai^  réussi  qu*itnparfaitBitJent 
sans  le  duc  de  Villa^Hermoea  lui-*méme ,  qui  se  chargea 
de  la  consommer.  Gevice^hn,  faiaânt  placer  deinm^ 
V  eaux  loumeaux  de  mines  sous  ies  parties  de  ces  forli( 
lications  qui  avaient  résisté,  acheva  ,de  rravèrserces 
remparts  que  la  France  venait  d*élever  à  gr&ilds> frasée 
Le  vice-roi  ne  s*én  tint  pas  là-:  par  ordre  de  la  kunik^il 
lit  encore  détruire  les  murailletcde  MontaUav  en  Geiv 
dagiie,  malgré  les  vive»  plaintes». des  Gataians/Ce'dé<r 
mantèlemeilt  de  placés  et  le  cantonoekhent  àiQfe^'tf 
dans  ses  environs,  de  toute  Tarmée-'èspagnAlev prod» 
vèrent  h  la  province  que  l*întentiQa  do  gouveraeawi|ill 
en  la  rouvrani.de  soldats. étntngete,  était  bien. mdins 
de  se  montrer  hobtile  au  Bousidllon  qvè  délsfi-mellPf 
eu  garde  contre  elle-même,  iilétteceriitpde  jacqdîqai 
le  mécontentement  ne  pou¥|it manquer  d*étre  général 
iM)  CaUilogne.  L*aigreup  «'èibpara  des  esfkrils,  dti-saiï^- 
<>laiites  (jucrelles  ne  tardèrent  pas  à  s  élever  entre  les 


304  LIVHE   QUATRIEME, 

paysans  et  les  soldats,  et  tout  donnait  matière  à  de 
sérieuses  inquiétudes ,  nonobstant  la  précaution  prise 
par  le  vice-roi  de  faire  désarmer  la  population  des 
campagnes.  Cependant  la  sage  fermeté  du  gouverne- 
ment et  une  conduite  prudente  et  niesurée  de  la  part 
du  vice-roi  arrêtèrent  la  marche  de  Tinsurrection, 
que  termina  heureusement,  au  commencement  de 
Tannée  suivante ,  un  pardon  général.  Trois  personnes , 
seules  exceptées  de  cette  amnistie,  passèrent  en 
France^. 

1690*  Durant  toute  cette  campagne,  Tavantage  avait  été 

pour  les  Français,  inférieurs  en  nombre  aux  Espa- 
gnols, mais  favorisés  par  les  troubles  de  la  Catalogne. 
La  reprise  de  Campredon,  la  soumission  de  San-Jnan 
de  las  Abadessas,  d*01ot,  de  Vie  et  de  San-Pol,  et  la 
destruction  des  murailles  de  toutes  ces  placer  furent 

1691.  le  fruit  de  la  campagne  suivante.  Celle  de  1691  s'ou- 
vrit |)ar  la  prise  de  la  Seu  d*Urgel ,  après  huit  jours  de 
tranchée  ouverte.  L'audace  et  la  valeur  amenèrent  la 
prompte  reddition  de  cette  ville  avant  l'arrivée  du 
due  de  Mcdina-Sidonia,  nouveau  vice-roi  de  Cata- 
logne ,  qui  marchait  à  son  secours. 

La  France  voulait  faire  une  démonstration  de  forces 
par  mer.  Pendant  que  le  comte  d'Ëstrées  se  préparait 
à  jeter  quelques  bombes  dans  Barcelone  et  Aiicante, 
le  vice-roi ,  pour  forcer  par  une  diversion  te  duc  de 
Noailles  à  abandonner  K<*lver.  011  il  s'était  fortifié, 

*   lli*ni-i 'l'orn'»,  J«tMith  IWal'ort  l't  Rocjiliruiia.  ' 


CHAPITRE    HUITIÈME.  5t)5 

tni  versait  la  frontière  et  marchait  sûr  Pralâ-^le^Mollo. 
NtKiilles  s*ein pressa,  en  eiîot,  de  venir  au  secours  de 
cette  place;  mais,- dès  qae  Mcdina-Sidonia  ibt  rentré 
en  Catalogne,  ce  générai  se  porta  sur  la- vallée  de 
Ribcs  et  prit  la  ville  de  ce  nom.  L'année  suivante  le  *^9^ 
vice-roi,  après  avoir  construit  deux  redoute»  au  haut 
du  col  de  Portel,  iK>ur  s'assurer  la  liberté  dp  ce  pas- 
sage h  son  retour,  envoya  i  Maurellas  des  bandes  de 
iniquelets  qui  forcèrent  ceux  de  Roussillon,-  laissés^ 
la  défense  de  ce  village,  dé  se  réfugier  dansTéglAse, 
d'où  ils  sortirent  par  capitulation. 

I7ne  incursion  des  Catalans  jusqu'aux  rives  dû 
Tech ,  repoussée  par  les  Français,  qui  à  leur  poursaite 
entrèrent  en  Ampourdan,  différetitès  iiTÙption9>daM 
cette  partie  de  la  Catalogne  /  et^la^nsede  Ro^ea; 
furent  lesopératibilsdescampagnieade  169^  et*  1693*; 
en  169e ,  -Noailles,  fait  maréchal  de  France;  aprèé  1694. 
avoir  audacieusement  passé  le  Ter  «sous  lea  yeak:  et 
ma  Igré  les  efforts  de  Tarmée  espagnole*  pk»  noinbretiae 
que  la  sienne,  force  le  vice-roi  dans  ses  lignes^  kri  tué 
ou  blesse  cinq  mille  hommes ,  en  prend  trdis  mille  cinq 
cents  avec  presque  tout  le  bagage  et  nNen  pe^dgoève 
plus  de  cinq  cents  ^  si!  faut  ajouter  confiance- entîèiie 
au  dire  des  historiena  àpologistea  de  Louia  XIV  ^. 'Lai 
prise  de  la  ville  de  PalAmoa,  défendue  par- trois  mille 
hommes,  celle  de  Gironé,  après  quatre  jouns  de  tran^î 

'  Daniel .  Journal  ktst,  de  Louis  XIV:  Reboulel ,  nisi.  de  Lom*  AlV- 

,         i  ■         I  I  1  I 

Pclisîion ,  i5i(/rr»i.  '     '        ■        ..      • 


5<)6  LIVHË   QUATRIÈME, 

chée  ouverte,  et  d!Hostalrich ,  oii  les  Français  Ibronient 
la  garnison  dans  le  ciiàteau ,  furent  les  suites  brîlkntetf 
de  cette  victoire.  Le  siège  de  Barcelone  par  terre  et 
par  mer  devait  couronner  la  campagne  ;  mais  la  flbtte 
ennemie,  composée  de  cent  trente-six  voiles  aiiJd 
ordres  de  Tamiral  Russcl,  forçant  Tamiral  de  Tour^ 
ville  à  s*éioigner  de  Roses ,  Noailles ,  qui  vit  l'opéra- 
tion manquée,  décampa  de  Blanes  et  alla  s'emparer 
de  Castël-Folit.  r 

iS".  La  fortune,  fidèle  aux  Français  pendant  trois  ans, 

les  abandonna  en  1 695.  La  ville  de  Saint-Estève^de- 
Bas  refusant  de  payer  une  contribution  dont  elle  ve- 
nait d^êtrefirappée,  le  gouverneur  français  de  Girone', 
nommé  de  Saint-Silvestre ,  avait  mandé  è  de  Juigné , 
gouverneur  de  Castel-Folit,  d'aller  avec  treixe  oeMs 
hommes  tirés  des  garnisons  de  Castel-Folit,  Figuîèrea, 
Bagnoles  et  Besalu ,  surprendre  et  punir  ces  babitants. 
Partis  dans  la  nuit  du  9  mars,  les  Français  commen- 
çaient à  peine  â  mettre  le  feu  aux  premières  maisons  de 
Saint-Estève,  quand  les  nu((uelets  et  dus  paysans  de  la 
vigucrie  de  Vie  les  rejettent  sur  les  bords  de  la  Fluvia, 
eu  leur  tuant  beaucoup  de  monde  et  leur  faisant  cent 
cinquante  prisonniei*s.  Juigné,  parvenu  à  gagner OloL, 
se  réfugie  dans  le  couvent  des  Cannes,  où  il  est  bienh 
tôt  at»siégé.  Après  une  heure  et  demie  de  combat,  les 
|)ay$aus,  pour  en  venir  à  bout,  mettent  le  feu  à  b  porte 
i\v  IVglisr,  cl  peiifiani  qu ils  augmentent  rarlivité  delà 
tlamnio  au  moyen  du  snulVe  qu'ils  y  jottrnt  en  quan- 


CHAPITRE   HUITIÈME  507 

tité,  douze  iniqueleU,  leur  capitaine  en  tête,  6e  glis- 
sent daiis  la  chapelle  du  Christ  par  unie  ouverture 
qirils  parviennent  à  y  faire.  Les  Français,  accouraot, 
tuent  cinq  de  ces  miquelets  et  blessent  le  capitaine  ;  les 
autres  font  les  morts  pqur  sauver  leur  vie.  Cependant 
ces  braves  assiégés,  tués  en  détail  par  les  paysans  qui 
les  fusillaient  pa^  la  brèche  do  la  chapelle,  et,  mena- 
cés eu  masse  par  Tincendit  qui  ^*avançait  avec .  rapi 
dite,  battirent  la  chamade  et  .déposèfient  lesartoen. 
Juigné,  blessé  mortellement,  succomba  deux  jours 
après.  Cet  échec  ne  fut  pas  leseuL  Le  i8  du  mâitie 
mois,  la  garnison  de  Blanes,  voulant  évac^^  ia  ville, 
fut  surprise  h  faube  du  jour.par  les  paysans ,  qui  en 
tuèrent  et  firent  prisonnière  une  partie.  Plusieurs  autres 
places  nous  furent  encore  enlevées  ;  mais  ce  ne  (ut  qa*a- 
près  en  avoir  démoli  les  (ortificatiodEili,  que  noattt^pes 
sortirent  de  Castel-Folit»  d^Hoétalridi  et  dç  Palasiof . 

Le  duc  de  Vendôme  ^  qui  après  avoir  pa^  par  .e^ft. 
tous  les  grades  comme  un  simple  pf&cier  de  foirlune 
était  arrivé  à  celui  de  lieutenant  général,  obtiol»  en 
1696,  le  commandement  de  rannée  de  Ronsv^illon,, 
qu  une  maladie  avait  forcé  Noailk^  de  quitten  La 
prise  de  BlaQ,^s,  de  Midgrad,  d^  Pioada  et  de.jCaiclla 
signalèrent  son  début.  Jl  força. le  cordon  de.trowpea 
que  le  marquis  de  CastaQiiga»  vieeifoi  de  Qanp^ne, 
avait  formé  sur  les  bords  du  ruisseau  de  Tordera»  .et 
rentra  en  Rouasillon  après  avoir  consommé  tous  les 
fourrages  du  pays  ennemi.    ., 


:i08  LIVUË   QUATRIEME. 

>^97-  Le  sic'gc  de  Barcelone ,  projeté  depuis  si  tongtemps, 

devait  être  la  principale  opération  de  la  campagne  de 
1 697  :  la  prise  de  cette  ville  était  regardée  comme  le 
seul  moyen  de  forcer  h  la  paix  le  roi  d'Espagne.  Une 
armée  navale,  commandée  par  le  maréchal  d'Estrées, 
s'en  approcha  {lar  mer,  pendant  que  le  duc  de  Ven- 
dôme la  cernait  par  terre.  Quelque  résistance  qu'op- 
posât le  prince  de  Hesse-Damstadt,  qui  la  défendait, 
la  place  se  trouvant ,  le  1 6  août ,  ouverte  au  point  de 
ne  pouvoir  plus  s* exposer  k  un  assaut  la  vie  sauve , 
elle  capitula.  Alors  Vendôme  (ut  nommé  vice-roi  de 
Catalogue  pour  la  France,  et  le  comte  de  la  Corsana 
[K)rta  le  même  titre  pour  TEspagne. 

La  perte  de  Barcelone  causa  le  plus  vif  chagrin  k 
Charles  II ,  qui  se  décida  enfin  à  accepter  la  paix  que 
la  France  lui  offrait  depuis  plusieurs  années:  cette 
paix  fut  signée  k  Ryswick ,  et  Barcelone  fut  évacuée,  en 
conséquence,  le  d  janvier  1699. 

Le  comte  de  la  Corsana  avait  prêté  son  serment 
solennel  de  vice-roi  dans  Villafranca,  pendant  Tocru- 
pation  de  Barcelone  par  les  Français;  d'après  les  cons- 
titutions, ce  serment  ne  devait  être  prêté  que  dans 
Barcelone  niome  :  la  susceptihilité  catalane  pour  la 
consen'ation  de  ses  privilèges  ne  voulut  pas  admettre 
ce  serment  de  Villafranca.  Re|>oussé  par  le  conseil  des 
Cent ,  ce  vice-n)i  fut  remplacé  dans  cette  dignité  par  le 
prince  de  Damstadt,  qui,  par  sa  belle  défense  de  la 
place.  a\ait  réuni  tous  les  vœux  de  hi  popuialion.  La 


CllAPlTIib;   HIITIKMK  509 

(iorsaiia  était  le  troisième  vice-roi  que  les  Catalans 
taisaient  révoquer  successiveineut.  Son  prédécesseur, 
\clasco,  accusé  de  négligence,  venait  d*être  rappelé, 
et  celui-ci  avait  remplacé  le  marquis  d^  Castanaga,  à 
(fui  les  plaintes  des  Catalans  avaient  également  fait  re- 
tirer sa  commission. 

(Charles  II  ne  jouit  pas  Jongtemps  du  bonheur  noo. 
d'avoir  rendu  ses  peuples  heureux  par  la  paix  quil- 
leur  avait  donnée  :  il  mourut  le  i**"  novembre  1700, 
il  lagc  de  trente-neuf  ans,  sans  postérité.  A  Tétonne- 
ment  de  f Europe,  et  presque  au  mécontentement  de 
Louis  \JV,  le  roi  qui  avait  passé  tout  son  règne  h 
faire  la  guerre  à  la  France  choisit  son  successeur 
dans  la  maison  même  de  son  ennemi.  Malgré  toutes 
les  intrigues  de  la  maison  d'Autriche  »  la  voîx  de  la 
politique  et  de  la  raison  parlant  à  la  conscience  de 
Charles,  ce  prince  cliercha  à  assurer  le  repos  futur  de 
ses  peuples  en  éteignant,  par  runion  des  deuk. cou- 
ronnes d'Espagne  et  de  France  dans  la  même  famille  v 
cette  constante  inimitié  qui  avait  jusque4à  divisé  les 
deux  nations. 

Depuis  quelque  temps  la  santé  languissante  de 
Charles,  en  présageant  la  fin  prochaine  de  oe  mo- 
narque, réveillait  fambition  de  tous  les  princes  qui, 
de  près  ou  de  loin,  pouvaient  faire  valoir  quelipie 
litre  à  son  royal  et  magnifique  héritage.  Ces  princes 
étaient  le  dauphin  de  France,  en  sa  qualité  de  pre- 
mier né  de  la  fdle  de  Philippe  IV ;  Tarchiduc  Charles 


510  LIVRE   QUATHIEME. 

d* Autriche ,  neveu  de  la  reine  d^Espagne ,  et  le  prince 
éiectoral  de  Bavière ,  arrière-petit-fils  de  la  veuve  de 
Philippe  IV. 

Guillaume  III,  ancien  prince  d'Orange,  monté  sur 
le  trône  d'Angleterre  après  l'expulsion  des  Stuarts,  ne 
travaillait  qu'à  s'aiTranchir  des  restrictions  qu'en  l'ap- 
peiant  au  trône  britannique  le  parlement  avait  ap- 
posées dans  l'exercice  de  Tantorité  royale.  Cet  affiran- 
chissement,  il  ne  pouvait  l'obtenir  que  par  rinfluence 
des  armes,  et  son  intérêt  était  de  conserver  un  noiki- 
breux  état  militaire  ;  mais  les  chambres,  qui  ne  se  dis- 
simidaient  pas  le  but  auquel  tendait  le  roi  à  qui  elles 
avaient  déféré  la  couronne ,  insistaient  sur  la  diminu- 
tion de  Tannée  ^  Guillaume ,  pour  arriver  scrrètement 
à  ses  fins ,  se  trouvait  donc  dans  la  nécessité  de  cher- 
cher dans  les  troubles  du  continent  le  prétexte  de 
maintenir  sur  un  pied  imposant  les  forocs  de  l'Angle- 
terre. La  santé  toujours  déclinante  du  roi  d'Espagne 
lui  avait  fait  entrevoir  les  moyens  de  jeter  déjà  quel* 
ques  brandons  au  milieu  de  l'Europe ,  en  attendant  de 
l'embraser.  Sous  le  prétexte  de  prévenir  les  désordres 
que  ne  pouvait  manquer  de  faire  naître ,  après  la  mort 
de  Charles,  la  rivalité  des  prétendants  k  sa  royale!  suc- 
cession, il  qvait  proposé  le  morcellement  de  la  mo- 
narchie espagnole,  bien  cf?rtain  que  loin  d'aplanir 
par  Ih  les  diflicultés  il  en  susciterait  de  plus  insurmon- 
tables.  Le  partage  qiril  avait  combiné  donnait  à  la 

*  R«hoiiIi»t;  Hisl.  ilr  Lms  JIW  tinn  III. 


CHAPITKK    HllTIÈME.  511 

Krancc  la  Sicile,  Naples,  et  tont  ce  qucTËspagne  pas- 
s(*ciaii  cil  Toscane*  plus  la  province  de  Guipascoa  et 
iiomiiirnient  Saint-Sébastien,  Fontarabie  et  ie  port 
(lu  Passage;  il  livrait  à  l'empereur  le  Milanais,  et  attri- 
buait au  prince  de  Bavière  le  reste  de  la  couronne 
espagnole.  La  Hollande  et  la  France  avaient  accédé 
i\  ce  projet,  hautement  rejeté  parTempcreur,  qui  pré- 
tendait è  la  totalité  de  l'héritage,  et  par  les  princes 
(F Italie,  qui  n\iuraient  pas  vu  sans  alannes  la  France 
en  possession  d'une  partie  de  leur  péninsule.  Los  An- 
glais eux-mêmes  désapprouvaient  cette  combinaison; 
mais  le  but  de  leur  roi  était  rempli  :  une  pomme  4è 
discorde  était  lancée  sur  le  continent,  et  les  (hostilités 
qui  pouvaient  survenir  d'un  jour  &  Tautre  ne  permet- 
taient pas  à  la  prudence  de  l'Angleterre  de  se  priver 
des  moyens  de  prendre  part  à  ia  querelle.  D^tin  autre 
coté,  le  roi  d'Espagne,  indigné  qu'on  prince  qui  était 
né  son  sujet  prétendit  disposer  en  maître  de  sesétat^, 
avait  publié  contre  lui  un  manifeste  dopt  la  cfignité 
du  cabinet  britannique  et  du  poriement  a'était  sentie 
blessée,  de  sorte  que  les  ambassadeurs  des  deut  plîiè- 
sances  avaient  été  réciproquement  rappelés.  Le  prince 
de  Bavière  venant  k  mourir  sur  ces  entrefeites;-  la 
question  de  la  succession  ne  roulait  plus  que  sûr' lé 
fds  de  France  et  l'archiduc  d^ Autriche,  et  un  nouveau 
partage  avait  été  proposé  par  Guillaume  et  acéèpté 
|wr  la  France.  •  .    î   . 

J^*  parti  allemand  était  peu  nombreioc  k  Madrid. 


512  LIVUË    QUATRIÈME. 

Les  hautetirs,  l*aiTogance  de  quelques  seigneurs  de 
cette  nation  venus  en  Espagne  avec  la  reine  avaient 
tellement  irrité  les  habitants  de  cette  capitale ,  qu'ils 
se  montraient  disposés  à  refuser  toute  obéissance  è  un 
prince  autrichien  ;  le  parti  de  la  France  $e  trouvait 
donc  le  plus  fort  à  la  mort  de  Chaiiès,  isurv^ue  le 
1"  novembre,  trente  jours  après  la  signature  du  tes- 
tament par  lequel  il  laissait  sa  cour<mne  au  jeune  duc 
d'Anjou. 

Le  roi  de  France  avait  souscrit  au  second  partage 
comme  au  premier,  et,  dans  la  crainte  de  voir  se  ral- 
lomer  contre  lui  le  feu  de  toute  TËurope,  il  s'était  ibr* 
mellement  engagé  envers  TAngleterrc  k  refuser  b 
totalité  de  la  succession ,  si  elle  lui  était  oUbrte  :  il 
aurait  donc  mieux  aimé  s  en  tenir  au  partage  tel  qu'il 
avait  été  réglé.  Mais  une  couronne  comme  celled'Ës- 
pagne  était  bien  tentante,  et  depuis  un  mois  que  Fin* 
discrétion  du  cardinal  de  Janson  lui  avait  fait  connaître, 
avec  les  dispositions  favorables  de  Charles  II;  l'assen- 
timent  du  pape  et  de  toute  f  église ,  qui  avait  été  con- 
sultée par  le  feu  roi,  Louis  détail  Imbitnéù  nonsidércr 
cet  engagement  solennellement  pris  avec  le  roi  Guil- 
laume, comme  un  acte  de  moindre  importance  qu'il 
ne  l'était  réellement  en  droiture  et  en  loyauté.  A 
larrivée  du  courrier  qui  apportait  la  nouvelle  de  la 
mort  de  Charles  et  de  l'ouverture  du  testament  favo- 
nihle  au  dur  d'Anjou,  raffaire  fut  exposée  au  conseil, 
et  comme  la  guerœ  pai*ut  inévitable,  à  quelque  parti 


CIIAPITRK    Hl  ITÏÈME.  513 

((u'on  s  arrêtât»  darrepterou  de  refuser,  la  politique 
Ht  (léeidément  biaiser  la  parole  royale,  et  Louis  dé- 
(  lara  son  petit-fils  roi  d*Espagne  et  des  Indes ,  le  i  o  de 
novenihre,  en  annonçant  quil  n'y  aurait  plus  de  Pyré- 
nées. Le  nouveau  roi  d'Espagne  prit  le  nom  de  Phi- 
lippe V. 

Les  dispositions  testamentaires  de  Charles  II,  ae-  1701 
rueillies  avec  joie  par  les  Castillans,  qui  abhorraient 
les  Allemands,  avaient  èiè  réprouvées  par  les  Cata- 
lans, entièrement  dévoués,  au  contraire,  h\a  maison 
crAutrirhe.  Celte  opposition  catalane  au  régime  du 
roi  français,  connue  de  ce  prince,  devait  Findisposer 
inévitablement  contre  ce  peuple.  Dans  de  telles  cir- 
conî»tances ,  il  fut  facile  de  faire  revivre  les  anciennes 
animosités  contre  la  Catalogne  et  ses  privilèges.  Le 
nouveau  règne  commençait  donc  dans  les  sentiments 
les  moins  favorables  aux  prétentions  de  cette  province 
et  «^  son  inébranlable  volonté  de  rester  dans  ses  cons- 
titutions ,  contraires  depuis  longtemps  à  la  marche  des 
idées  vers  Tomnipotence  de  la  couronne;  constitutions 
((ui  devaient  paraître  plus  odieuses  encore  à  un  prince 
<'b»vé  à  l'école  de  Louis  XIV.  Philippe  s  étant  rendu  à 
{Barcelone  au  mois  de  septembre,  sa  présence  ne  fit 
([n'ajouter  à  l'antipathie  dont  il  était  l'objet;  mutuelle- 
ment aigris  les  uns  contre  les  autres,  il  était  impos- 
sible que  cette  bonne  harmonie,  qui,  pour Tavantage 
de  tous,  doit  exister  entre  le  prince  et  les  sujets,  pût 
s'établir  entre  eux.  Les  Catalans  se  sentirent  d*abord 
II.  33 


514  LIVRE   QUATRIEME, 

profondément  l)lcssés  que  leurs  eonsciilers  n*eussent 
pas  la  faculté  de  se  couvrir  devant  le  roi ,  suivant  que 
leurs  prérogatives  les  y  autorisaient.  Le  refus  que  fit 
ensuite  ce  prince  de  confirmer  ceiiaines  parties  de 
leurs  privilèges,  quil  voulait  abolir  de  sa  seule  auto- 
rité ,  amena  une  résistance  ouverte  à  ses  ordres.  Les 
Catalans  avaient  tort  de  ne  pas  accepter,  comme  les 
autres  provinces,  les  conséquences  du  testament  de 
leur  dernier  roi  ;  ils  pouvaient  avoir  tort  aussi,  dans  les 
idées  de  Tépoque,  de  ne  vouloir  faire  aucun  sacrifice 
à  une  situation  qui  était  complètement  changée  pour 
la  principauté,  depuis  que  le  royaume  d*Aragon  nVtait 
plus  qu  une  province  de  la  couronne  de  Castille,  de 
puis  que  toutes  les  petites  monarchies  de  la  péninsule 
8  étaient  fondues  dans  la  grande  monarchie  espagnole, 
qui,  pour  soutenir  son  éclat ,  avait  besoin  du  concours 
et  du  dévouement  ilhnn'tés  de  toutes  ses  parties;  mais, 
il  faut  bien  le  dire,  leur  é^oisme  et  leur  mauvaise 
volonté,  condamnables  peut-élredevantun  patriotisme 
moins  étroit  que  celui  dans  lequel  ils  se  retranchaient, 
étaient  justifiables  par  leurs  droits  acquis,  et  dont  ils 
étaient  toujours  en  pleine  possession.  Le  titix»  xvu  de 
leurs  constitutions  les  autorisait  h  s'opposer  h  tout 
changement  qui  sentit  fait  à  ces  mêmes  constitutions 
sans  la  participation  et  le  consentement  des  cortsM  il 

'  i  Le  fruit  des  lois  rVsl  leur  obsrnation  ;  nutrrmnnt,  rVM  on  vain 
i(|uVllr»  Miraient  rriuliirs.  (Vp%t  |M>iirqiioi,  drsiraiit  que  \rn  iiMgrii  dr 
i  Barrrtonr.  ronslitiiiiona  et  dèrrrti  des  rorts  de  Catalogne,  toutes  au 


CHAPITRE    HUITIEME.  515 

fallait  donc,  au  lieu  de  les  irriter  et  de  les  forcer  à  la 
résistance,  les  caresser,  les  flatter,  et  les  amener  à 
(concourir  ainsi,  suivant  que  le  voulait  la  loi,  k  la^up- 
pression  de  cette  clause  si  insupportable  au  pouvoir. 
Philippe  voulait,  en  vertu  de  son  autorité  royale,  sup- 
primer cette  clause  qui  était  le  rempart  de  tous  les 
privilèges;  mais  cette  autorité  absolue  ji  laquelle  il 
visait  s'eflaçait  devant  les  lois  du  pays;  les  Catalans 
étaient  donc ,  sousPhilippeV  comme  sous  Philippe  FV, 
fondes  dans  leiurs  eflbrts  à  se  maintenir  dans  une  pos- 
session consacrée  |îar  tous  les  autres  rois.  Philippe  V 
n'avait  aucun  droit  de  plus  que  ses  prédécesseurs;  par 

«trrs  lois  locales,  ainsi  que  les  privilèges  généraux  et  particuliers  ac- 
t  cordés  à  toutes  les  classes  soient  obsenrés;  de  Tassentiment  et  appro- 

•  ballon  (le><lites  corts,  nous  donnons  faculté,  statuons  et  ordonnons 
« ((uc  s'il  arrivait  que  le  seigneur  roi  ou  nous,  par  inadvertance  ou  au> 

•  tHMiient,  ou  le  premier  né  du  roi  ou  le  gouverneur  général,  son  lieu- 
<  tenant  ou  tous  autres  officiers,  par  voie  de  mandement ,  provisions  ou 
t  autres  écritures  ou  procédés,  faisaient  ou  feront  quelque  cboae  on 
«commandement  contraire  ou  dérogatoire  ou  préjudiciable  au&diti 
cu!iages,  constitutions,  vlécrets  de  corts  ou  privilèges  généraux  ou 
«communs  aux  troin  classes ,  les  députés  des  corts  de  Catalogne  peu- 
«  vent  et  doivent  s*y  opposer  par  voie  de  supplication,  raisonnemenla^ 

•  re(|uétes,  protestations  et  appels,  el  les  poursuivre  et  continuer  jua* 

•  qu'à  due  conclusion,  de  telle  fa^*on  que  lesdits  usages  et  autres  lois  et 
«  privilèges  soient  défendus  et  conservés.  »  (Consul,  de  Marie  II;  idem  dr 
Frnlinand  II ,  de  Philippe  H  et  de  Philippe  IV.  )  Parmi  les  moyens,  celui 
des  armes  n'est  pas  indi(|ué  ;  mais  si  le  prince  ne  le  nomme  pas,  il  le 
soiis-entend;  car,  si  force  doit  rester  aux  privilèges,  il  faut  bien  À 
l'iniitililé  des  supplications  et  des  protestations  joindre  ce  qui  peut 
taire  obtenir  le  triomphe  voulu;  et  Pbilip|>e  IV  avait  consacré  réelle- 
ment ce  principe,  en  approuvant  ces  constitutioBs  apr^  ia  révolvtion 

33. 


516  LIVRE   Oïi'^TRIÈME. 

rîiorr|)tation  piiiv  et  simple  du  testament  de  Char- 
les II ,  ee  prince  avait  reçu  Théritage  qui  lui  était  légué 
avec  toutes  les  chaînes  qui  le  grevaient  au  moment 
de  la  mort  du  testateur;  or,  dans  ce  moment,  la  Ca- 
talogne était  dans  la  jouissance  pleine  et  entière  de  ses 
lois  spéciales.  Tout  cela  était  bien  connu  du  cabinet 
de  Madrid  ;  mais  Tlieure  était  venue  d*abolir  ces  pri- 
vilèges si  longtemps  menacés ,  et  si  opposés  à  Tesprit 
d'envahissement  de  lautorité  royale.  Ainsi  fondés  en 
droit,  les  Catalans  ne  voulaient  entendre  à  aucune 
transaction  :  tout  perdre  ou  tout  conserver,  telle  était 
leur  dernière  résolution  ;  pour  la  soutenir,  ils  se  jetè- 
rent, cette  fois,  dans  les  bras  des  impériaux,  et  re- 
connurent pour  roi  Tarchiduc  Charles,  rival  opposé 
au  duc  d'Anjou» 

La  maison  d'Autriche  venait  de  justifier  les  craintes 
de  Louis.  Désolée  de  voir  lui  échapper  la  couronne 
d'Espagne,  sur  laquelle  elle  avait  tant  compté,  elle 
avait  de  nouveau  soulevé  l'Europe  contre  la  France. 
Le  commencement  de  la  guerre  avait  été  heureux, 
maisla  perte  de  la  bataille  dllochstet  venait  de  changer 
entièrement  la  face  des  aiTaires.  La  Catalogne  se  trou- 
vait au  pouvoir  des  Allemands,  qui  avaient  forcé  la 
ï7o5.  garnison  de  Barcelone  à  se  rendre,  le  !i  octobre. 
Pendant  que  Philippe  mettait  le  siège  devant  cette 
ville,  Maurice,  duc  de'  Noailles,  gouverneur  général 
de  Koussillon ,  préparait  une  attacpie  contre  la  Cata- 
logne, du  coté  de  la  frontière.  N  avant  <\  s<i  dis|>osi- 


fjoB. 


CIIAPITIΠ   HUITIEME.  517 

tioii,  dans  loiil  son  gouvernement,  quun  seul  régi- 
nienl   de  troupes  réglées,  il  en  forma  à  la  hâte  six 
autres  d'infanterie,  un  de  dragons  et  un  de  cavalerie 
ave(*  les  seules  levées  de  la  province,  oulre  quelques 
bataillons  de  miquelets;  et,  à  la  tête  de  cette  phalange 
roussillonnaise,  il  entra  en  Ampourdan,  où  il  obtint 
divers  succès,  qui  se  répétèrent  les  années  suivantes  ^ 
Le  manque  de  finances  forçant  ce  gouverneur  à  faire 
des  emprunts  pour  pourvoir  à  farmement  et  à  Ten- 
tretien  de  ces  levées,  il  trouva  dans  la  bonne  volonté 
d(\s  habitants  toutes  les  sommes  dont  il  avait  besoin, 
et,  au  retour  de  la  campagne,  il  remboursait  ce  que, 
par  une  noble  et  généreuse  émulation,  les  corps  ec- 
clésiastiques aussi  bien  que  la  noblesse  et  les  particu- 
liers s'étaient  empressés  de  lui  prêter*-^. 

Les  événements  de  la  guerre  de  la  succession  sont 
entièrement  étrangers  à  notre  histoire  de  Roussillon  ; 
nous  ne  les  analyserons  pas.  La  renonciation  solen- 
nelle ,  faite  le  5  de  novembre  1712,  par  Philippe  V, 
<\  tous  les  droits  qui  pourraient  lui  advenir  à  lui  et  à 
sa  postérité  sur  la  couronne  de  France ,  ramena  enfin 
la  paix,  qui  fut  signée  à  Utrecht. 

La  nouvelle  du  traité  qui  conservait  à  la  maison  de 
France  le  trône  d'Elspagne  vint  jeter  la  consternation 
dans  la  Catalogne ,  qui  s  était  de  plus  en  plus  compro- 
mise envers  Philippe.  La  guerre  continua  donc  encore 

'   Xaupi,  Recherches  historiifues ,  tome  II. 

•   Ibidem. 


I7i>- 


518  IJVHK   QUATRIÈME. 

dans  cettr  province,  quand  tout  était  en  paix  parmi 
les  potentats.  La  France  et  l'Espagne ,  réunies  contre 
la  Catalogne,  la  déclarèrent  rebelle.  Barcelone  étant 
1  anie  de  Tinsurrection ,  sa  chute  seule  pouvait  y  mettre 
un  terme  :  le  siège  en  fiit  entrepris  ^ 
i7»4-  Ce  siège  mémorable ,  où  s'est  montrée  avec  le  plus 

d'éclat  cette  frénétique  valeur  que  fait  naître  chez  nos 
braves  voisins  l'esprit  de  parti ,  vit  se  renouveler  dans 
Barcelone  toutes  les  scènes  que  la  l^igue  avait  enfan- 
tées autrefois  dans  Paris.  Là  se  déploya  tout  ce  que 
peut  produire  le  fanatisme  le  plus  monstmeux  sur 
une  populace  dévorée  de  superstition ,  tout  ce  que 
peut  le  courage  le  plus  indompté  sur  des  caractères  de 
fer.  Exténués  enfin  par  la  famine  et  décimés  par  les 
maladies,  compagnes  inséparables  des  grands  dé- 
sastres; placés  sans  cesse  sous  le  poignard  de  la  police 
monacale,  dont  les  sicaires  massacraient  impitoyable- 
ment toute  personne,  quelle  qu'elle  fût,  soupçonnée 
seulement  d'inch'ner  à  se  rendre,  les  Barcelonais  n'a- 
vaient plus  en  perspective  que  la  mort  la  plus  affreuse; 
et  un  drapeau  noir,  planté  en  plein  jour  sur  la  brèche 
par  les  mains  des  femmes  et  des  enfants,  sous  le  feu 
qui  tonnait  de  toute  part,  annonçait  qu'ils  s'y  rési- 
gnaient. Des  assauts  livrés  par  la  fureur  étaient  re- 

'  Pour  ce  siège,  on  envoya  Ae  IVrpignin  À  Roses,  |iar  le  €»l  dr 
Ranyuh,  malgré  les  diffîniltès  de  ce  |)assage,  dit-huit  pièces  de  canon 
dv  vingt-<|uatre  :  rVM  presque  un  ivrodige.  EsMûi  historiqme  ef  mUilmrr 
sur  la  prise  dr  Rosrs. 


cnAi»rrnE  iiiitiemk  sia 

[tuiiKf-s  |)it]-  lu  i~j^c,  et.  au  di^'iiiier.  il  se  trouva  juM|u'à 
(luaniiitc-iiru!'  bataillons  cl  qiiaranle-cjuutrc  i-oinpa- 
^nie»  de  grenadiers  sur  les  dilTérenles  brèches  *,  En- 
ti-uin^spnr  ce  torrent  devenu  irrésistilile ,  les  assiégé» 
doivent  eiifni  se  n^fu^^iei'  dans  la  Bai-celonette.  Alors 
lieuleincnt  la  ïoix  de  la  raison  put  |>arvt'nir  à  se  faire 
iToutcr.  Des  drnpcnux  blancs  sont  arbor«^a,  el  cette 
))u[)ulutiDu  Eânatisée  demande  ^  eâpituler.  Mais,  et  ce 
(|iii  peut  le  mieux  fuire  <-untpreiidre  toute  la  ténacité 
du  earaclère  ea  tainn,  uu  tnomvot  même  où  CCS  liommvs. 
dévoué»  à  une  mort  pres(]ue  inévitable,  devaient  s'es- 
limer  trop  heureux  d'être  admis  à  plaider  jKinr  leur 
vie,  ils  insistent  encore  ponrU  roiiservHlion  de  lenra 
privilèges.  Mais  Barcelone  n'était  plus  en  puissance 
d'avoir  une  volonté  :  il  iàilut  se  rendre  ii  discrétion.  Le 
hnive  duc  de  IJcrwiiJi ,  commandant  du  siège  et  admi- 
rateur du  courage  des  assiégés,  leur  lit  les  meilleures 
conditions  qu'il  se  pouvait,  dans  une  situation  aussi 
désespérée  :  vie  sauve  et  radiât  du  pillage  au  moyen 
d'une  somme  convenue ,  faculté  ans  soldats  des  troupes 
régulières  qui  ne  voudraient  pas  prendre  du  service 
avec  les  Français  ou  avec  les  Espagnol» .  de  se  retirer 
ou  bon  leur  scmhleruil. 

Philippe  n'usa  pas  généreusement  de  la  victoire.  La 
rapilidation  de  Barcelone  garantissait  la  vie  aiu  io- 
i^urgés.  mais  elle  ne  parlait  pas  de  leur  liberté  ;  sui- 

'  Voyci  U  rrUliun  cimtoilanci^  de  c*  ûip:  t^ipiul.  A»ta  U  r«l- 
IcriiondmpUvcsde  LuobBii]!.  tom*  VIIL 


520  LIVRE   QUATRIÈME. 

vant  cette  interprétation  rigoureuse,  les  principaux 
chefs  furent  enfermés  dans  différentes  prisons  d*état. 
La  principauté  perdit  tous  les  avantages  dont  elle 
avait  joui  jusque-là;  il  ny  eut  plus  de  vice-roi;  il  fut 
défendu  aux  habitants  de  conserver  des  armes  sous 
peine  de  la  vie;  les  corts,  la  députation,  les  fran- 
chises, les  privilèges,  tout  périt  dans  ce  naufrage  :  la 
volonté  despotique  du  monarque  devint  Tunique  loi. 
La  langue  nationale  elle-même  dut  faire  place  è  la 
langue  victorieuse,  dans  tous  les  actes  publics  et 
privés. 

La  réduction  de  Barcelone  avait  mis  le  dernier 
terme  à  la  guerre.  Un  petit-fUs  de  France  était  assis  sur 
le  trône  d*Espagne,  et  la  paix  devait  être  étemelle 
entre  les  deux  nations  :  c  est  ce  qu*on  s*imaginait  des 
deux  côtés  des  Pyrénées.  Dans  un  conseil  tenu  à  Ma- 
drid ,  Tannée  môme  du  couronnement  de  Philippe ,  il 
avait  été  sérieusement  question ,  dit-on ,  de  raser  toutes 
les  places  fortes  de  la  frontière,  comme  inutiles  dé- 
sormais entre  deux  nations  qui  ne  formaient  plus 
qu  une  seule  famille  ^  Cependant  les  nuages  qui  s'éle- 
vèrent peu  d  années  après  prouvèrent  que  Tentretien 
des  places  n'est  jamais  imc  charge  pour  Tétat,  et  que 
deux  rois,  quoique  issus  du  même  sang,  peuvent  ne 
pas  avoir  longtemps  les  mêmes  intérêts. 

La  guerre  eut  lieu  vu  1719  entre  la  France  et 
TEspagnc,  en  conséquence  de  la  quadruple  alliance. 

'  Arch.  ilu  tjènif  huUî.,  .Vrm.  ArdAm-arr  tnrlf  Aotuii/fon. 


CHAPITRE    HUITIEME  521 

LfS  iiitrigUL-s  du  cardînai  Allicrfini,  minislrr  di-  Phi- 
lippe V,  tendaient  ft  mettre  l'Kurope  en  eomhiistioii.  el 
pour  enlever  au  duc  d'Ork-aiis  la  ri^gencc  du  royaume 
de  France,  pendant  la  minorité  de  Louis  XV,  et  la 
Taire  passer  sur  la  tête  du  roi  d'Kspagne,  une  f^errv 
civile  dans  notre  patrie  lui  semblait  nécessaire;  mais 
ladtsrorde  fut  I>ieiilàtL4ouir^eà  l'intérieur,  el  la  guerre 
extérieure,  pourbquelle  l'Angleterre,  r.\llemagne  et 
la  Hollande  s'étaient  unies  avec  la  France  eontre  l'Es- 
pagne ,  fut  de  courte  diu-i^e  el  se  termina  par  le  renvoi 
du  ministre  brouillon.  A  cette  époque  les  Rou»sil- 
lonnais  n'étaient  plus  ces  Catalans  du  xvu*  si6clc, 
pleins  d'antipathie  contre  tes  Français,  et  ne  soupirant 
tpi'après  l'ancienne  domination  espagnole  :  soixante 
ans  s'étaient  écoulés  depuis  que  leur  pays  était  réuni 
à  la  France;  deux  générations  nées  françaises  avaient 
remplacé  les  générations  contemporaines  de  la  révo- 
lution qni  avait  séparé  le  Houssillon  de  la  Catalogne, 
et  les  mallieiu^  de  cette  principauté  faisaient  apprécier 
aux  IloussUlonnais  l'avantige  d'être  restés  Français,  Uu 
gi'and  changement  s'était  donc  o[>éré  dans  les  mtetirs 
et  dans  les  idées  de  ce  peuple ,  dont  l'attachement  fk  la 
nièrc-patiie  pouvait,  en  général,  )e  disputer  déjà  à 
celui  que  lui  portaient  les  aînés  de  ses  cnlânts. 

Une  des  premières  mesures  à  prendre  pour  fraii- 
ciser  le  Roussillon,  c'était  d'j:  rendre  funiitier  l'uuige 
de  notre  langue.  D^s  l'an  167(1  tui  sertnon  avait  été 
prêché  en  français  dans  l'églLse  de  Saint  Jean  de  Per 


522  LIVHE   QUATRIEME, 

pignaii;  mais  ce  ne  fut  Ih  quuiie  singularité  aans  con- 
séquence pour  le  moment.  Louis  XIV,  qui  Tavaitsu, 
avait  bien  engagé  les  consuls  à  ne  choisir  à  lavenir, 
pour  prêcher  dans  les  différentes  églises  de  la  ville , 
que  des  prêtres  qui  pussent  le  faire  de  la  même  ma- 
nière; mais  une  innovation  aussi  subite  n  aurait  pu  se 
faire  sans  rendre  la  parole  de  Dieu  inintelligible  au 
peuple,  hors  d*état  d*apprendre  tout  k  coup  la  langue 
française;  ce  ne  fut  que  huit  ans  après,  que  la  chaire 
de  réglise  de  Saint-Jean  fut  entièrement  fermée  à 
fidiome  catalan  :  cet  idiome  continua  k  être  employé 
dans  les  autres  églises'.  En  1681  le  français  avait 
commencé  à  être  introduit,  concurremment  avec  le 
latin,  dans  la  rédaction  des  actes  du  conseil  ^ouverain; 
une  ordonnance  du  mois  de  février  1700  régla  qu*â 
paitir  du  mois  de  mai  suivant  les  actes  des  notaires , 
écritures  publiques,  procédures,  sentences  et  arrêts 
des  cours,  se  feraient  uniquement  en  français^. 

^  Aujounlliui  le  français  se  pK'cbe  dans  les  deux  églises  de  Saint- 
Jean  et  de  La  Real;  (fans  les  deux  autre!«,  qui  soûl  les  panûsses  des 
^en%  de  la  rani|)ague,  comme  dans  tout  le  n^te  de  la  province,  on 
nVniploie  que*  le  catalan. 

'  Quand  on  n'employa  plus  que  le  Tramais  dans  1rs  actes  publics, 
cette  langue,  avec  laquelle  on  n'élaît  |ias  très-faniiliariM-,  recevait  par- 
fois de  cruelles  atleintc>;  c*est  ainsi  (|ue  dans  un  règlement  des  con- 
suls de  Peqûgnan,de  1791  ,  sur  les  fours  banaux,  règlement  qui  fut 
arrêlr  à  i*im|>ression , sur  la  plainte  de  lordn*  de  Malte,  seul  proprié- 
taire  de  cet  fours,  on  lirait  :  iLes  fenniers  [des  fours)  apr^s  avoir  bien 
i  rscobat  (  balayé  )  lo  four,  Ut  en  fermeront  la  bourbe ,  afin  que  la  hrata 
•  (  la  va|)eur  )  poisso  tomber  sur  le  sol ,  parce  qu'autrement  la  ^mra  rcs- 


CHAPITHE    IIUrriKME  525 

I.'^dit  qui  [trescrivait  IVmpioi  pxHnsif  rfp  ia  biif^uc 
("raiicflise  dans  les  tcrilurM  iM  niontinu'iit't  iniWirs  du 
Roustillon  i^biit .  en  quelque  sorte ,  k-  romp)<^moiil  du 
lraité<pii^|pndaitwirrett<*  province  ranloriti' delà  inii- 
son  dp  France;  mais  cela  ne  suffisait  pas.  Pour  rrodre 
Frant;aisdce(i>urleRoussi]tonniii8  delà  élusse  du  peu- 
ple ,  il  rallail  lui  Faire  un«  ^duextion  toute  franijaise ,  et 
c'est  ce  que  le  pjuvemement  avait  oublia  peiidaitt 
longlemps.  Conlen!  d'avoir  ajouta  le  nom  da  Kou»- 
sillon  A  i-elui  de»  autres  province»  qui  composaient  la 
uionarellie  frainjaise,  il  semblait  avoir  perdu  de  \iie 
que  les  peuples  qui  l'Iialiitaicm  avaient  un  taraclère. 
des  usages ,  des  habitudes  difl'iVeriIs  de  ceux  de  leur 
nouvelle  pïitrie;  qu'il  y  avait  une  foule  de  pi^venlîoiu 
ft  vaincre,  des  anliiratliîes  Ji  di^raeiner,  avant  que 
rhotnme du  peuple,  sans  instruction  e\  imbu  de  tmi» 
les  préjugés  anti-natinnaut.  put  s'unir  d'intérêt»,  s'iden- 
tifier avec  eeim  qu'il  avait  si  longtemps  consid^réa 
comme  ses  ennemis  naturels.  Le  niomwit  tlevinl  Iris 
Favorable  pour  opiircree  p^and  L-han<reiiienl ,  qiund  b 
guerre  delà  aucression  amoncela  tons  les  malheurs  siir 
la  l^lede  ses  nneiens  coropolrioles.  Ces  Irandiiscs .  ces 
libertés  dont  les  Catalans  et  Roussillonnnis  si-tairot 
montras  de  tous  temps  si  jaloux,  les  premier*  n'en 
conservaient  pUisfpie  le  souvenir,  tandis  que  le  Roiu- 
sillannais.  .'i  l'ombre  du  trône  de  France,  en  possiS- 

■  nm  wSjMire  dréuH  {  m  haiK  ).  ri\e  Inmbr  apn^i  tur  l«  |«ia  t  ini. 

ftln. 


524  LIVRE   QUATRIÈME. 

dait  encore  la  presque  totalité  dans  les  constitutions 
de  Catalogne,  qui  formaient  son  code  municipal,  au- 
quel rien  n  était  innové ,  et  dans  ses  privilèges  parti- 
culiers dont  la  pleine  jouissance  navait  jamais  été 
mise  en  question. 

La  régénération  politique  du  peuple  roussillonnais, 
ainsi  entreprise  dès  les  dernières  années  du  r^pie  de 
Louis  XrV,  fut  entièrement  consommée  sous  celui  de 
Louis  XV,  par  Tintervention  du  duc  de  Noailles,  gou- 
verneur général,  et  du  comte  de  Mailly,  commandant 
de  la  province,  qui  prirent  vivement  à  cœur,  le  der- 
nier surtout,  le  bien-être  du  pays  qui  leur  était  donné 
en  garde.  Alors  on  vit  le  Roussillon  purgé  de  tous  les 
vagabonds  et  déserteurs  de  la  Catalogne  et  du  Lan- 
guedoc, que  la  négligence  des  délégués  du  pouvoir 
avait  laissés  jusque-là  pulluler  dans  ce  pays  dont  ils 
étaient  le  fléau  ;  une  académie  militaire  fut  établie  le 
i5  juin  lySi  pour  former  douze  jeunes  gentils- 
hommes aux  exercices  convenables  à  leur  naissance  ; 
elle  fut  bâtie  dans  le  local  d*une  fonderie  qu*on  sup- 
prima^; alors  aussi  on  vit  se  relever  Tuniversité,  et 
Tinstruction  reprendre  sa  place  dans  la  province. 
Cette  université,  fondée  en  i  Aày  par  Pèdre  IV,  était 
tombée  dans  une  décadence  complète  depuis  la  paix 
des  Pyrénées.  Ses  revenus  avaient  disparu  dans  le 

*  Cette  école  militaire  avait  huit  places,  qui  n'étaient  pas  très-oou> 
rues;  aussi  lauteur  des  Essais  hbtoriques  et  militaires  prétend  qu*il 
aurait  mieui  valu  laisser  le  pain  aui  ouvriers  de  la  fonderie. 


CIIAIMTIU:    HI'ITIKMK  àSS 

rliangemeiit  di-  duniin-itioit ,  el  !«»  I>dliincnt9  en  t^tairnl 
i-iiiii*-»;  IcK  professeurs  d'un  certain  mérite  avaieni 
quitt(^  tt?  Rnussillon .  et  cvus  qui  reslnk-nl  profcssnient 
(Ips  |)riiiripo!i  contraires  au  rt^gime  lrani;'aîs  ;  cr  n'était 
iju'à  gnuids  frais  qu<!  les  jeunes  ftcns  pouvnient  aller 
(lierchiT  Hnstruction  au  loin,  et,  parcelle  raison,  le 
plus  ({ranH  nombre  en  manquait.  Par  les  soins  du 
comte  de  Mnilly,  un  nouveau  local  fût  bâti  pour  l'uni- 
versilé  régénérée,  et  les  quatre  facultés  j  furent  ré- 
unies '.  Un  amphilliédire  d'analomie ,  tui  cabinet 
'  L'univn^l^  ili^  IVr|ngnaii  avati  un  cliinc«lîer  nomint'  par  1p  roi  ; 
m  1 7.')  I  cVtail  iDonMigoeur  IVvfiqur  de  Pnfpigaan  i|ui  nx'i'vail  cent 
r.ini(iiaiUr  fraiicapour  ce  titrr.donl  le»  titribulioo*  rUicnl  dr  rKnvuir 
If  u-nneni  du  recipur  el  de  cunfi^rvf  le  griil*!  dediicwuri  alnn  milt' 
ment  ilwéj^it  h  U  dreitedurecMuri  lion  (va  rirenniUnoia  il  n'avait 
|ui  drail  (le  >4anra.  Le  rcctanr  éuil  tlu  ton*  tes  ani,  M  avait  le  liln  d» 
Mi^Uiutrt!  il  avait  juridîctiaa  criminelle  uir  tool  ic  qui  Icnail  i  Va- 
iiiienité,  dans  l'eticrinle  de  rétabliuement  ■  el  l'tppH  de  1»  JU);D< 
menl»  ^ail  parié  dirvcUJncnt  aa  ranwil  toavtinin.  |  fi>7^  ftiltomfw.) 
En  1731,  iml^pMtdammcnl  do  chancelier,  il  j  atait  un  M<cr^tair« 
tianunépar  le  mi.  k  eea\  francs  d'^nolumenls)  un  bedeaa ,  cenl  franmi 
cioq  |)rore)aeun  en  tliéologic ,  nunim^  au  (."untours  t  dtui  eenU  Irane* 
l'un,  et  unciiiqui^e,j^uiie,Mnita|i|ininipniratt;<]ii*li'e  profeaMun 
en  droit  dtil  et  lirait  canon ,  i  dniiccoti  rTanaruni  troi*  prDiisaaant 
de  médecine,  an  amooun,  A  dnui  nmu  (rann  chaciini  Iruiiprafe*- 
teund*  ptiiloiio{i)ile,  dont  deux  an  ronconn.  1  troî*  cent*  (imn  rha- 
cnni  le  iroiai^me,  jÉinite,  un*  appoin terne n<B;  an  prnreucnr  d*  dnril 
franfait,  nommé  par  le  roi,  1  hinlc«ii<t>  franm  nn  pmreiieur  dt  ma- 
di^matiqur* .  id.  jéniilr.  t  liait  c«nU  franc*;  ciiu|  logent*  et  un  prélri. 
jiauîtn.  panrle*<Ja«ei,]w;te  par  la  lille.  sept  r«nt  cinquaiilr  fraim 
iMMiT  les  riiM(;  plus  un  nuttre  il  Ttoile  nijale .  »(.  Iroi*  r<nit  dii  fntn»; 
nn|iremief  niMfda,  eti l'rolauudir  du  RouHillon,C«nniHit,  Ordagne 
et  pats  adjacents,  tel  qu'il  fuubIi  son*  le*  Calalana,  rt  «{iie  le  roi  de 


526  LIVRE  QUATRIEME. 

cl*histoire  naturelle ,  un  cours  de  chimie  et  de  physique 
y  furent  adjoints  successÎTement ,  ainsi  qu'une  bi- 
bliothèque publique  qui  dut  ses  premiers  éléments 
auK  libéralités  de  Mailly  :  cette  bibliothèque  fut  le 
noyau  de  celle  qui  existe  aujourd'hui^ 

A  cette  époque,  où  les  grandes  opérations  com- 
merciales ne  se  traitaient  guère  que  dans  ces  réunions 
périodiques  auxquelles  se  rendaient  de  toute  part  ceux 
qui  se  livraient  aux  affaires;  ou  findustrie  n'établissait 
ses  relations  et  ne  s'ouvrait  des  débouchés  que  dans 
les  grandes  foires,  l'institution  d'un  de  ces  marchés 
solennels  aux  portes  de  la  Catalogne  devenait,  indé- 
pendamment des  avantages  particuliers  qu'en  devait 
retirer  le  Roussillon ,  d*un  intérêt  général  pour  faci- 
liter les  échanges  entre  la  Catalogne  et  les  provinces 
françaises.  Sur  la  demande  qu'en  firent  les  consuls  de 
Perpignan,  des  lettres  patentes  furent  expédiées,  le 
l'j  avril  1759,  siu*  arrêt  du  conseil  du  ao  mars,  pour 
rétablissement  d'une  foire  franche,  dont  la  tenue, 
d'abord  fixée  aux  1  q,  i  3  et  \[x  octobre  de  chaque  an- 
France  avait  conserva*,  sana  appoiotemenis  fixes;  les  fonctionade  cet 
oiBcier  étaient  d  aller  visiter  tous  les  ans  les  drogues  des  droguiiles  et 
apothicaires  de  la  province  avec  un  hononire  y  attaché,  consistant,  à 
regard  des  droguistes ,  h  deux  francs  quatre  sous,  et  des  apothicaires, 
à  »ix  francs  treize  sous  quatre  deniers,  et  pour  ceux  de  la  canapagne, 
à  huit  francs  dix  sous. 

*  La  bibliothèque  de  Tuniversité  ne  comptait  guère  plus  de  trois 
mille  volumes  au  moment  de  la  révolution;  elle  fut  |H>rtée  à  douie 
mille,  à  la  supftression  des  couvents,  par  les  soins  éclairés  de  M.  le 
docteur  Joseph  (iampagne,  alors  bibliothécaire. 


CHAPlTnE   HUITIEME  r.27 

iK^e,  fut  «nsuiu-  i-etani^t^  ju»qu'>iux  i  i.  i  a  t- 1  i  3  nn- 
veinbrv'.  Dniia  le  inêiiie  teiii|u  Mailly  obii-iiiiit  la 
suppression  des  traites  et  de  toiis  les  droiu  locaux  qui 
eiitravaieul  sin^alièreinent  le  l'onimcrre  du  Hous- 
sillou,  et  les  burritn'es  qui  iivaîeiit  étv  iiiaiiileiiuc* 
jus(ju«.'-là  aux  limites  du  Koussilloii  et  du  Lanfçiiedoc 
(étaient  transportées  aux  limiteti  du  Houssiilon  et  de  la 
Catalogne*. 

Une  création  d'une  importance  majeure ,  celle  d'un 
port  mililiiire  aux  porles  mêmes  de  rEspagno,  avait 
lieu  dans  )«  même  temps.  L'ancien  port  de  Voniia, 
Port-Vendre,  ipii,  fiar  si  situation  au  pied  des  Pyré- 
nées, pourrait  être  d'un  immense  avantage  en  cas  de 
Htuerre  avec  l'Espagne .  et  qui ,  dans  toute  auln-  guem* 
maritime,  uilrii'îiitmie  bonne  relàcbc  aux  vaisseaux  de 
r^^tat,  et.  en  cia  de  chasse,  un  rci'iige  qu'ils  np  pou 
vent  trouver  qu'à  Toulon,  avait  déjà  attirt^  toute  l'&t 
leiition  de  Vauban.  Dans  un  nW'moire  du  a  mai  i  (179, 
cet  homme  célèbre .  en  appelant  la  sollicitude  dti  gou- 
vernement sur  ce  point  imporlanl  de  nos  f^onli^^e^ 
maritimes,  allait  jusqu'à  dire  que  ce  port  pourrait  oc- 
caiùonner  un  jour  la  perle  du  llousùllon  ou  la  coD' 
quête  de  la  Catalogne,  suivant  que  l'une  ou  l'autre 
de  la  France  ou  de  l'Espagne,  saurait  prolïter  de  sa 
siliLation  avantageuse.  L'état  d'enliinee  oi'i  ne  trouvait 
encore  la  marine  militaire,  à  l'époque  de  Vauban, 

'  PrauoM.n'XVII. 
<  Arck.  inlmd. 


528  LIVRE   QUATRIÈME. 

pouvait  autoriser  alors  cette  opinion,  qui  aujoui*d'hui 
n*a  plus  rien  de  vrai  *  ;  mais  celle  de  la  grande  utilité 
d*un  port  de  guerre  sur  ce  point  reste  toujours  en* 
tière  :  cet  illustre  ingénieur  voulait  supprimer  les  for- 
tifications de  GoUioure  pour  porter  toute  la  force  à 
Port- Vendre. 

Cette  importance  d*un  second  port  militaire  dans  la 
Méditerranée  ayant  été  présentée  à  Louis  XVI  par  le 
comte  de  Mailly,  les  travaux  en  furent  ordonnés  et 
entrepris.  Encore  un  quart  de  siècle ,  et  la  marine  de 
Toulon  possédait  aux  abords  de  la  Catalogne  une  pré- 
cieuse succursale;  mais  la  révolution  vint  tout  sus- 
pendre et  tout  laisser  dépérir.  Des  vastes  projets  qui 
devaient  faire  sortir  un  port  formidable  du  sein  des 
rochers  des  Pyrénées,  il  n'est  surgi  que  quelques 
constructions ,  dont  plusieurs  sont  de  véritables  coli- 
fichets d'architecture.   Un  sentiment  d'adulation  fit 

*  Jusqu  au  règne  de  Louis  XIV  les  années  navales  ne  furent  com- 
posées que  d*une  multitude  de  navires  de  toutes  formes  et  de  toutes 
grandeurs,  qui  ne  pouvaient  ni  tenir  la  ligne,  ni  évoluer  d'une  manière 
uniforme.  Cest  au  ministère  de  Richelieu  que  la  France  dut  la  pre- 
mière formation  d'une  marine  vraiment  militaire,  et  la  composition 
des  escadres  de  bataille;  il  débarrassa  aussi  notre  patrie  des  seooors 
qu'elle  était  sans  cesse  obligée  d'emprunter  aux  étrangers,  et  fonda  sa 
puissance  maritime.  Sous  ce  règne,  qui,  quoi  qu'on  en  puisse  dire,  fut 
relui  des  grands  hommes  et  des  grandes  choses,  parurent  les  Tour- 
ville,  les  Paul,  les  Valbelle,  les  Brésé,  les  La  Meilleraye,  les  Duguay- 
Trouin,  les  Duquesne,  le»  Jean-Bart  et  tant  d'autres  célèbres  oflîciers, 
qui  ré|>andirent  la  gloire  du  nom  français  dans  tontes  les  mers  du 
monde. 


CHAPITRE    HUITIKME.  529 

commencer  des  travaux  gigantesques  par  ce  qui  aurait 
(lu  les  temiiner,  et,  au  lieu  de  ces  bassins ,  de  ces  chan- 
tiers, de  cet  a^'senal  qui  devaient  recevoir,  abriter, 
produire  des  vaisseaux  de  haut-bord,  on  n*a,  avec  de 
beaux  quais,  que  des  terrasses,  des  placages  d'édifices 
et  un  obéUsque  de  mauvais  goût. 

Il  nous  reste  à  faire  connaître  quelques  événements 
principaux  suiTenus  en  RoussiUon  au  xvui*  siècle. 

Le  8  octobre  1707  sept  charrettes  portant  cent 
trente  quintaux  de  poudre  sautèrent  en  Tair,  entre  le 
corps  de  garde  de  la  porte  Canet  et  le  poste  de  TAvan- 
rée;  les  ponts-levis  furent  détruits ,  ainsi  que  les  bâti- 
ments de  cette  porte;  les  murs  de  quelques  maisons 
voisines ,  dans  Tintérieur  de  la  ville ,  furent  renversés  ; 
trente-six  personnes  furent  tuées,  avec  beaucoup  de 
clievaux  et  de  mulets  chargés  de  raisin.  Un  témoin 
oculaire  écrivait  que  les  membres  des  personnes  qui 
périrent  ainsi  tombaient  dans  toutes  les  rues  et  sur 
les  toits  des  maisons  ^ 

En  1726  les  chanoines  de  Saint  Jean,  comme 
composant  le  chapitre  d'Elne,  firent  remplacer  parle 
retable  actuel  du  maître-autel  de  lancienne  cathédrale 
d  KIne ,  celui ,  tout  d*argent ,  qui  existait  encore  à  cette 
époque ,  et  dont  chaque  jour  on  enlevait  quelque  par- 
tie. Les  habitants  de  la  ville  voulurent  s*opposer  à  ce 
changement;  le  chapitre  demanda  à  i ^intendant  qu a- 
vaut  de  permettre  que  la  commune  entamât  une  pro- 

^  Arch.  du  génie  militaire. 

II.  u 


530  LIVKE   QUATRIÈME. 

rédure  à  ce  sujet  e^lle  IVit  tenue  dVtablir  ses  droits  sur 
ce  monument,  et,  de  son  côté,  il  présenta  divers 
mémoires  qui  prouvaient  sa  propriété.  Sur  Tavis  des 
jurisconsultes  que  les  consuls  d^Ellne  n'étaient  pas  fon- 
dés dans  leur  opposition ,  Tin  tend  antd'Andrezel  refusa 
Tautorisation  de  plaider,  et  le  remplacement  eut  lieu. 
Un  des  mémoires  du  chapitre   porte  que  des  fda- 
ments  d'or  massif  manquaient  <^  ce  retable  depuis 
quelques  années  et  qu'on  avait  enlevé  h  plusieurs  fi- 
gures les  bnis  et  des  parties  de  draperies;  un  autre 
mémoire  représente  ce  retable  comme  «  une  planche 
«haute  de  trois  pieds  sept  pouces,  et  large  de  neuf 
tt  pieds  trois  pouces,  couverte  de  lames,  de  pilastres 
«et  de  fifçures  d argent,  d'une  architecture  gothique, 
«monument  du   \iv*  siècle*.»  Cette  date  n'est  pas 
exacte.  L'in.scription  qui  fut  placée  au  nouveau  retable 
recule  au  xi*  siècle  la  (M)nstruction  de  l'ancien ,  et  fait 
connaître  que  la  dépense  en  avait  été  faite  par  le 
comte  de  Koussillon  (lausfrcd,  qui  en  avait  fait  pré- 
sent à  l'église.  I^a  valeur  de  l'argent  retiré  de  ce  re- 
table,  vendu   h   la  monnaie  de   Perpignan,   fut  de 
soixante-quatre  marcs,  deux  onces,  qui  produisirent 
une  somme  de  dix  mille  trois  cent  quaninte-sept  livres 
quinze  sous;  plus  cent  cinquante  livres  pour  l'or  qui 
couvrait   quelques-unes  des  pièces  d'argenterie,    et 
quarante-six  livres  seize  sous  pour  la   valeur  d'une 
épée  d'arçcnl  appartenant  h  ce  même  retable,  et  qui 

'   .-1/(7i.  inicnd. 


CHAPITRE   HIITIEME,  331 

proveimit  d'un  don  bit  h  IVgtise.  Le  retable  actuel 
«oûta  neul' millr  deu\  ccni  ciiiipiBntc-dnq  livres  c'mti 
.smi»  trois  deniers'. 

Quatorze  ans  av»nl  rettc  i^potpie,  le  lo  décembre 
1710,  lu  tTi^aur  dr  lu  même  é^iso  d'Eliit  ayant  i^té 
forcé,  on  en  enleva  une  quantiti^  considérable  d'objets 
prérjpux  [[ui  furent  tous  retmuvt^s,  ji  la  seule  exrep- 
fion  d'une  mitre  enrichie  de  vingt  et  une  pierres  pré- 
cieuses'. 

Une  ordonnance  de  p<tlice.  du  7  août  1-33,  sitlesie 
qu'à  cetle  époque  certaines  mes  de  Pcrpigiuin  ii'ê- 
luient  pas  cncure  pavées;  les  con»ub  ordunncnl  le 
pavage  de  celles-ci  el  la  réparation  du  pavé  des 
autres*. 

En  i^Si  l'inlendanl  fit  enmbter  le  ranat  du  ruis- 
seiiu  i-ojal  qui  entrait  dai»  Perpignan  par  la  |>ort0 
Saint-Martin,  et  ipie  sa  profondeur  reodail  (rj-s-dan- 
î»crrui.  La  rye  qu'il  pareourail,  anriennemenl  nom- 
mée des  Curdelier».  était  alors  bordée,  des  deux 
côlés.  d'une  rangée  d'orangers  que  Firent  périr  les 
fi-oids  de  1 70Ç).  Les  consuls  de  Pcrp^^nan  adres.«èrenl 
h  rinleudnnt  des  représenta  tiens  pour  laisser,  â  la 
ptaec  du  canal,  un  é^ut  de  trois  empan»  de  large, 
depuis  l'hôpital  du  Roi  jtuql^aup^^$  des  Ai^usliiLi,  et 
de   L'i  jiisqu'au  marché  Neuf,   lequel  serait  couv»"! 

■  Arch,  teciri. 

'  L>  noir.  (|ui  fut  imprima  ponr  1  mir  fïtcrt  \n  objftit  lotia. 

'  LiUrprm/ùnMfoai,  11, 


I 


5.V2  LIVIU-:    Ol   VTRIKME. 

d*iiii('  vontr  avrr  des  ouvertures  de  distance  en  dis- 

lanro  pour  rii  fîK'ilitrr  le  curage. 

La  ville  de  Perpignan  n'avait  encore  aucun  moyen 
de  sûreté  contre  les  incendies  en  i  ySG.  Le  i  i  juil- 
let de  cette  année  Tintendant  de  Jallais  rendit  une 
ordonnance  pour  faire  exécuter  les  règlements  sur 
cette  matière.  Douze  longues  échelles  furent  cons- 
truites et  attachées  sous  les  galeries  de  Thotel  de 
ville;  on  fit  confectionner  douze  longues  perches  ar- 
mées de  crochets  de  fer,  douze  grandes  haches ,  vingt- 
quatre  pioches  et  vingt-quatre  pelles  de  fer,  et  on  fit 
venir  de  MarstMlle  cent  seaux  de  cuir  bouilli.  Ces 
différents  objets  furent  distribués  par  quartiers,  et 
confiés  aux  soins  des  différentes  corporations  de  mé- 
tiers; ceux  qui  avaient  res  pièces  en  dépôt  devaient 
les  soumettre  deux  fois  par  an  h  la  visite  des  consuls. 
I/oubli  de  ce  devoir  par  ces  magistrats  entraînant  l'in- 
curie des  dépositaires,  tout  disparut,  et  du  temps  de 
l'intendant  Raymond  de  Saint-Sauveur,  la  ville  «  n  a- 
uvait  d'autre  précaution  contre  les  incendies  que 
«douze  seringues  dont  douze  hommes  en  titre,  avec 
«des  [)riviléges,  étaient  chargés,  et  point  de  seaux 
«  pour  transporter  les  eaux'.  »  Cet  intendant  fit  fabri- 
quer cent  seaux  d'osier  doublés  de  cuir,  et  deux  corps 
de  pompes. 

Au  mois  de  mai  lyiifi  parut  un  édit  en  cinquante 
trois  articles,  portant  règlement  pour  radministratioii 

>   (Inmptr  i/f  /  uilministiMtitm  i/r  M.  llttYtiwnd  dr  Saint-Saurrur. 


CHAI'ITIIE   HUITIEME.  553 

«les  coiiim(iiit.-s  du  Ruussilloii.  Cet  Mil.  Iniiisciil  tout 
iiu  long  dans  le  Dictionnaire  (ç^ographiqui;  d'I'ApiUy, 
régla  le  notivRan  mode  d'élection  de  loiia  les  oflicieni 
municipaux  par  les  notables,  qui  eux-mêmes  devaient 
i^lre  élus  par  voie  de  srrutiii,  Ces  noliibles  étaient  te- 
nus de  !)p  réunir  deux  fois  par  an ,  pour  oiiir  le» 
comptes  d'administration  des  eonsuls  et  ceux  de  re- 
cettes et  dépenses  des  rceeveurs  municipaux'.  IJna 
déclaration  du  3i  du  même  mois,  contenant  cin- 
quante-neuf articles ,  (tétenntiia  le  nombre  d'oCRcicrs 
municipaux  (|u'il  devait  y  avoir  dans  chaque  com- 
mune, suivant  sa  population.  niii)>i  que  le  mode  de 
formation  de  la  liste  des  notable!).  Ce  nombre  fut  fixé, 
pour  toute  ville  ayant  qtuitre  mille  cinq  cent»  habi- 
tants et  plus,  à  un  maire  et  quatre  écbeviiis  (  qui 
portent  toujours  le  titre  de  consuls  ) ,  i  sii  conseillers 
de  ville,  un  syndic  receveur  et  un  secrétaire grelficr, 
lesquels  tons  devaient  être  élus  au  scrutin  sccroi  dans 
les  assemblée»  de  notables.  Le  roi  se  réservait  néan- 
moins la  nomination  du  main-,  sur  une  liste  de  trois 
candidats.  La  durée  des  fonctions  était  fiiée  ik  Iroû 
:uis  pour  le  maire,  h  deux  ans  pour  les  échmrtns  el  à 
six  ans  pour  les  conseillers.  .-Vucnn  de  ce»  dernier»  no 
[touvait  être  eontiimé  ou  réélu  qu'après  un  iiilen'ulla 

'  Col  £(Iil  inVoduiHiit  il>  fcntoib  clutip'mvnu  û»at  I'ul.^.—»  .~»- 
lilutiuo  niuniûiMila  do  U  villu,  le  ourfi*  niuniri[«l,  pw  doiîWrtlion 
ilu  17  juin  dit  cctti)  ■iit4iM  «nul);  >70'>.  réwlul  d'novo^  «  Ptria^nna 
J^pulaliim  pour  lAppItcr  te  rni  de  <e  rr'' 


b5li  LIVRE  QUATRIEME. 

égal  à  la  durée  de  ses  fonctions.  Le  nombre  des  offi- 
ciers subalternes  pour  le  service  des  villes,  quelle  que 
fût  leur  dénomination  et  le  traitement  attaché  à  leur 
service,  devait  être  réglé  dans  une  assemblée  de 
notables.  Pour  les  villes  de  deux  mille  à  quatre 
mille  cinq  cents  habitants,  les  officiers  municipaux 
étaient:  un  maire,  deux  échevins,  quatre  conseil- 
lers, le  syndic  receveur  et  le  secrétaire  greffier;  pour 
celles  qui  avaient  moins  de  deux  mille  âmes,  le  corps 
municipal  devait  se  composer  de  deux  échevins, 
trois  conseillers,  le  svndic  receveur  et  le  secrétaire 
greffier'. 

Les  rues  de  Perpignan  étaient  en  général  très- 
étroites  ,  et  les  étages  des  maisons  avaient  des  avances 
sur  la  rue,  suivant  la  faculté  qu'en  accordait  aux  habi- 
tants lartirle  /\2  des  coutumes  du  pavs,  ce, qui  ren- 
dait ces  rues  laides,  obscures  et  malsaines.  Ces  avances, 
nommées  embans  (  abana  ) ,  qui  dans  le  principe  pou- 
vaient arriver  jusqu'au  tiers  de  la  rue,  avaient  été 
restreflitesà  six  empans  au  plus,  par  ordonnance  du 
bailli,  du  3  avril  i338. 

LVnibellissement  et  lashainissenicnt  delà  ville  ré- 
clamant la  suppression  de  ces  avances,  les  consuls, 
par  ordonnance  du  22  juin  i^o/i,  avaient  défendu 
d*en  construire  de  nouvelles  (*t  de  ré|)an*r  les  an- 
ciennes, sans  une  pernn'ssion  s|)ériiile  de  tous  les  con- 
suls unanimement,  sous  peine  <lr  d/'inolition  et  d*a 

'    \  dvc/  \v  [)ictioiinairr  frK&|tilly,  iiii  iiint  iVtf^tijnan 


CHAPITRE    HUITIÈME  555 

invudc  ;  L-laient  i*x<!e(iU'«s  de  rt-llf  iiipsurc  ccUts  de  ta 
pliirp  [^lioriti ,  du  cûU-  du  rotivciii  de  Lrule  ^  ;  onfin . 
sur  la  demande  des  syndics  di>  In  ville,  Ferdinand  II , 
aux  eorlâ  de  Monti>o  d«  lôio.  dt^iendil,  |iar  ordnn- 
nxnre  du  i(i  juilJet,  d'en  ré]i»rer  aucune^.  Lvdi^sir  de 
voir  disparaître  ces  hideuses  constructions  porta  le 
domaine.^  renoncer  au  droit  qu'il  en  percevait,  eomme 
empiétement  sur  lu  voie  publiqlle^  cl  la  eltanibre 
rendit  iu<^me .  le  iK  juillet  177&.  une  ordonnance  pour 
la  suppression  de  toutes  res  suilUes  et  rdar^issemenl 
des  rues  les  plus  étrottos.  Mais  commet  rexéciilion  de 
cette  oi-donuance  aurait  jeté  tout  Ji  coup  les  lubitauls 
dans  dp  grandes  dépenses,  ie  conseil  souverain,  par 
«fret  du  17  décembre  suivant,  rendu  sur  appel,  dé- 
termina la  )arj;cur  que  devaient  avoir  les  rues  les  plus 
fiassaff^res ,  et  prescrivit  la  démolition  des  avances, 
an  fur  et  It  mesiure  de  leur  niine ,  Taisant  expresses 
défenses  A  tous  maçons,  charpentiers  ou  menuisiers, 
d'y  làire aucune  réparation,  à  peine  de  démolition  pour 
le  propriétaire  et  de  cinq  cents  livres  d'amende  pour 
i'ouvrier  qui  j  aurait  travaillé  *.  Oeiiuis  cette  époque, 
l'ordonnance  étant  rigoureusement  eiéculée,   toutes 

'   Lift,  anliii 

'  Tiin*  VinUtitat  d»  ia  Fraiirc,  la  *«incr*  ju^iiuit  «a  vajerlroit 
htm  limât  nom  pnvr  (•  prcmi^rr  paie  n  une  livre  dii'^tpl  wn*  sU 
rlrnitrnpoitrtcrtuliliMsiiMnt.  ^fu-InMMBirr/iuTklMlm.lKnutii'aTon» 
yn  il#r(iii«riri(u«Wuilk  4nit  ^e  cm  tiaocn  p«]ra)Mi1  «lIloUMitliin. 

'  Ani.  [hm. 


536  LIVRE   QUATRIÈME, 

ces  avances  menaçaient  ruine ,  et  le  moment  appro- 
chait où  la  ville  allait  en  être  entièrement  débarrassée, 
lorsque,  en  183 3,  une  Fausse  mesure  administrative 
permettant  ces  réparations  au  mépris  des  ordonnances 
contraires,  a  fait  perdre  le  fruit  de  trois  siècles  d'at- 
tente, et  consacré  pour  trop  longtemps  encore  cette 
difformité. 

Perpignan  avait,  au  moment  de  la  révolution,  dix 
couvents  d'hommes  et  quatre  de  femmes.  Les  pre- 
miers étaient  ceux  des  Carmes ,  fondé  en  1 3 1 3  ;  des 
pères  de  la  Merci,  en  laag;  des  Prêcheurs  ou  Domi- 
nicains, en  1343;  desGordeliers,  en  la^g;  des  Au- 
gustins,  en  i3i7^;des  Minimes,  en  iSyS;  des  Ca- 
pucins, en  i58o;  des  Petits  Carmes ,  des  Augustins 
déchaux  et  de  Lcule  (  de  Tordre  de  Citeaux ,  avec  titre 
de  prieuré  ).  Les  monastères  de  femmes  étaient  :  ceux 
des  Augustines  ou  chanoinesses  de  Saint -Sauveur, 
fondé  avant  1 2^6  ^;  de  Sainte-Claire ,  dont  la  maison 

*  Les  Augustins  furent  d'abord  au  Vernct  *,  en  i33  5  iU  furent  trans- 
férés au  faubourg  du  Tent  ou  de  Notre-Dame;  en  i5^3  ils  furent  au- 
torisés h  entrer  dans  la  ville,  et  sï'tâblirent  dans  le  monastère  des  Au- 
gustines, qui  pass^n'ut  h  Leule. 

*  Nous  devoM!»  relever  ici  une  grave  erreur  dans  laquelle  est  tombé 
Tauteur  de  larticle  du  Roupillon,  dans  Tancien  Voyage  pittoresque  de 
Franco.  Ot  «Vrivain  avance  quVn  1 3^9  toutes  les  religieuses  de  Saint- 
Sauveur  étaient  roturières,  et  que  Omstance  de  ('.milles,  fdie  du  gou- 
verneur de  Uoussillon,  éprouva  de  tr^s-graude»  dinicultés  pour  t*y  faire 
admettre,  |Mir  la  »eule  raison  qu'elle  était  noble.  Ku  i339  comme  en 
1787,  é|Mique  où  écrivait  cet  auteur,  le»  cbanoiursses  de  Saint-Sauveur 
étaient  toutes  d'e&traction  noble.  \a*s  diUîcultés  qu'épn»uva  (Utiistancc 


CHAPITRE   numËME.  537 

fut  rebâtie    en    i  Sa  3;  de  Sainte  -  Calhcrinc ,   Ibudc 
en  1 6 1  3 ,  et  des  Diiint.<s  cnseij^nuntes. 

Perpignan  ne  possédait  qiK'  trois  fontaines,  dont 
l'eau  fade  el  teiT<>U!ie  tétait  h  peine  potable.  La  plus 
ancienne  est  celle  do  Na-Pîiirardii,  constniiteen  1  /t3 1  ; 
celle  de  l'hôpital  date  do  1 533,  et  se  trouve  alimentée 
pot'  une  source  qui  naît  dans  la  ville  m^me.  1^  fon- 
taine dite  Neuve  s'i^Iant  trouvée  tout  A  coup  à  sec  pur 
le  Inrissement  de  la  sourre  qui  lui  donnait  ses  eaux,  le 
roi  Martin .  par  lettres  dn  fy  oetolire  1  lioH,  permit  aux 
cortsuls  d'y  amener  les  eaux  d'une  autre  soureo  qu'on 
venait  de  dérouvrir  non  loin  de  la  ville  ^.  En  cas  de 
sîf'ge,  Perpignan  joignait  Jk  Vcan  de  ees  fontaines  la 
[vssourec  de  nombreux  puits  et  de  plusieurs  citernes 
dont  trois,  existant  dans  les  anciennes  maisons  reti- 
gîenses,  rontenaiciil  un  million  deux  cent  vingt'»ept 
mille  trois  cent  quatre-vingt-dix  pintes  d'eau  ainsi  ré- 


|>ro<inrmt  aniqucmcnt  Ar.  r«  (fitn  t«  noiulire  dn  tdijpetnut  Hût  dfji 
trop  gnaà  poar  1m  mrcnui  du  moaaitèrr-,  et  tout  11  les  prapnt 
[wrolpi  dg  coniniigsdci'  il^Uguit  (ur  ir  uiut  )i^c  jwnr  ipImit  «•  cha- 
nninmuHt  ilet  eeii9ur«>  qu'cl W  iv>)rrnl  onraonir*  foar  \mr  ctMtînMinn 
i  repcHiiiprOiniUnec  malgré  In an)rF<iln*u|>èriauT>c«(Jfaiutiqim! 
£e  ro  ^lùafacdMti  àicti  neiuitrni  non  laficithanl  nJ  taïUnkitionrm  M 
inonru/inm  Oite  pi*cf  rphir  !"■  nom  du  toutct  lu  [vliKipuici  uuUnI 
*n  rr.  mnnirnl  dm*  t*  couirnl,  cl  mt  aanit  opparlioDiiint  ton*  hu 
plu*  )[r>ndM  Tamilt»  du  [xp.  (  Irri.  ttrln.  ]  Nou*  aima  étji  ié- 
BÎgiiu  <lim  le  pttiuirr  vnluiiMi,  mit*  IV,  la  tr^iioblt  rrlîpouM  twbff 
ruiiplor  iv  Saf/irrif^.  milivnicnl  (/i^arn(ç«,  1a<|ii«Ue  êcriTtil  1!*  itta 


538  LIVHE   QUATRIÈME, 

parties  :  citerne  des  Carmes,  viiigt-sept  mille  sept  cent 
quarante-huit  pieds  cubes;  celle  de  Sainte-Claire, 
mille  neuf  cent  quatre-vingt-seize;  celle  des  Minimes, 
quatre  mille  quatre  cent  di\^  Lmtendant  de  Rous- 
sillon,  Raymond  de  Saint-Sauveur,  voulant  amener 
dans  la  ville  diflerentes  sources  pour  fournir  de  Teau 
à  sept  fontaines,  en  avait  proposé  la  dépense  au  corps 
nuniicipai,  qui  lavait  approuvée  .  c*est  en  ces  termes 
qu'il  en  parle  lui-même  dans  le  compte  rendu  de  son 
administration  :  a  Je  portai  le  corps  de  ville  à  s'occuper 
«des  fontaines,  si  nécessaires  aux  usages  de  la  vie;  et, 
«  à  la  suite  d'une  disposition  faite  de  concert,  pour  de- 
u  mander,  à  Tinstar  de  Paris,  une  souscription  et  un 
«emprunt  qui  pussent  subvenir  h  la  dépense,  je  fis 
((  chercher  des  sources  les  plus  voisines  et  de  Teau  la 
«plus  saine,  ce  cpi  fut  exécuté  par  le  sieur  Carrier, 
c(  sous-ingénieur  des  ponts  et  chaussées.  L'eau  fut  en- 
u  voyéo  à  Paris,  et  après  les  essais  chimiques  exécutés 
u  sous  les  veux  de  MM.  Pannentior  et  Ra>cn ,  elle  fut 
«annoncée  comme  une  des  meilleures  du  rovaume; 
«en  même  trmps  M.  Carrier  fit  les  travaux  indiqués 
u  pour  la  réunion  des  sources,  pour  calculer  la  quan- 
«  tité  nécessaire,  pour  prendre  les  niveaux  et  connaîtn» 
«à  peu  |)rés  la  dé|>ense  des  conduits,  du  réservoir  et 
u  de  rétablissement  de  sept  fontaines  dans  la  ville,  avec 
n  un  résidu  des  eaux  pour  en  fournir  h  ceux  des  hahi 
«tant.s  aisés  (|tii  voudraient  (*n  a\oir  dans  leurs  mai 

'     \nh.du  ift'iiu  miliîairr. 


CHAPITRE   HUITIÈME.  559 

«80US,  ce  qui  donnerait  de  quoi  subvenir  à  Ventretien 
(«journalier  des  canaux  et  des  fontaines.  La  dépense 
((  lui  îu-bitrée  à  cinquante  ou  soixante  mille  livres,  et 
»(  l'assesseur  de  la  ville  fut  chargé  de  la  confection  du 
«  mémoire  (pii  devait  être  envoyé  au  ministre  avec  les 
«plans  et  devis,  pour  obtenir  des  lettres  patentes. 
u  Mais  les  aJTaires  publiques  (  les  premiers  événement» 
u  de  la  révolution  )  ont  suspendu  l'exécution  de  ce 
M  |)rojel  utile,  essentiel  même,  auquel  la  ville  pouvait 
<(  se  livrer  sans  trop  entamer  ses  revenus  ^  » 

'  Compte  de  t ctdministmùon  de  M.  Raymond  de  Saint-Sauveur,  p.  i  a  i . 
Ajuiitoiis  ici  ({ue  la  libéralité  d*un  citoyen  de  Perpignan,  M.  le  baron 
r)(-s[)ré>,  ancien  conseiller  au  conseil  souverain  de  Roussillon,  et  ex- 
niairo  do  Perpignan,  a  doté  cette  ville  d*une  très-belle  fontaine, élevée 
au  milieu  dv  la  principale  place ,  établie  sur  remplacement  de  Tancien 
rc)llé<^'c  des  jésuites.  Mais  cette  fontaine  n'étant  alimentée  que  par  une 
partie  des  eaux  des  fontaines  déjA  existantes,  elle  ne  fait  qu^embellir 
la  ville  d\in  monument ,  sans  ajouter  aux  ressources  de  la  population, 
|)endant  les  séclieresses  si  habituelles  dans  ce  psys.  Cest  à  la  ville  à 
prendre  maintenant  des  mesures  pour  utiliser,  à  Tavaniage  de  tous,  la 
dépense  faite  par  un  citoyen  honorable,  en  introduisant  dans  la  ville, 
pour  Tusage  de  cette  fontaine  et  d'autres  qu'on  devrait  établir,  suivant 
le  plan  de  M.  de  Saint-Sauveur,  quelques-unes  des  sources  d'eau  vive 
qui  existent  à  une  distance  peu  considérable  de  Perpignan,  et  dont  l'eau 
ne  tarit  pas  en  été. 

Nous  allons  terminer  ce  travail  par  une  liste  chronologique  des  pre- 
miers fonctionnaires  du  conseil  souverain. 

Premiers  présidents.  —  11  n'y  eut  pas  de  premiers  présidents  avant 
I  (x)i  ,  année  à  laquelle  Raymond  de  Trobat  fut  appelé  à  cette  charge, 
le  I  S  a\  ril  ;  comte  d'Âll)aret ,  4  mai  1 698  ;  comte  d'Albaret  fils ,  3 1  mai 
I  7  I H  ;  de  Collarès,  28  février  1751  ;  Bon,  9  novembre  1753*,  Peyronet 
«le  Tressan ,  11  octobre  1773;  de  Malartic,  17  avril  1774. 

Premiers  présidents  à  mortier.  —  François  Sagarra,  par  édit  de 


540  LIVRE  QUATRIÈME. 

créttioo ;  de  Pmu,  7  septembre  1 688 ;  de  Copons,  1  s  juiUet  lôgSf  de 
G>poiis  fiit,  3o  novembre  1719;  de  Coliarès,  i**  septembre  1732  ;  de 
Cayrol  de  MadaUban,  1*  mars  1761  ;  sonfib,  7  janvier  1787. 

Présidents  à  mortier.  —  De  Fontanelle,  par  édît  de  créaticHi;  de 
Trebat,  a  4  décembre  1680;  de  Saliéles,  10  janvier  1693;  Fonûer, 
a6  avril  1701  ;  de  Viiar-Raynalt,  a8  octobre  1708;  son  fils,  1  a  mai 
1783;  de  Feailla  de  Boisambert,  19  novembre  1743*,  Françob  de 
Gopons ,  9  novembre  1 748  ;  J.-B.  An^ada,  président  à  la  cbambre  du 
domaine,  7  avril  1778. 


NOTES  ET  PREUVES 


DE  LA  DEUXIÈME  PARTIE. 


.  •>'? 


m    t     **« 


NOTES. 


.  I 


NOTE  1. 

Les  consnls  de  PMpgnm  joaiiiaiem  de  dmn  pifiiiMi||^i' 
dont  les  principaai  dmTent  HfedUsdene  cette  Ueloife.  DnM 
privilèges ,  les  uns  leur  teient  cjeiiMme  avec  leîm  eePiguee»- 
tent  du  Roussiilon  qae  de  Geldog;iie,  lee  manàm  leur  JHiiwif 
iipéciaux;  noas  ne  perlenm  ^«e  de  eee  deroien.  •  ^ 

Le  principdde  lem»  prfiÂgee  ■péden  uoiielilrii  èfiig»* 
sous  un  dais  placé  sur  «te  MtmIb  devée.  GedMk;  ^  leÉr  AU' 
concédé  par  les  rois  de  liiy<in|ae  »  fat*  rtiaiwtBM  par  Im'^kéÊr- 
d* Aragon,  et  sQccestWeiiient  pîfr  leavob  de  WiMeî  épttifiiÊf 
réunion  dn  RoofaOloo  à  leur  eotiromieg'Le'Irtitgdy  ttjijldfc' 
senrait  poar  les  rois  d* Af1^^  ^  qwHid  fls  >pblMdenl;èMkfJlgMil/« 

U  dernier  fd  de  M^enioe  avaU  jliititaé  ^  âiMÉiib  ML> 
gneufs barons da  Veraet,  aveolia^te jmiiefc  De  wntt^kfàMÊt 
de  porter  l*épée  pendaDi  la  dorée  de  leur  mÊfjiÊllÊémni^fiéÊm 
que  fût  lewooiiditie», as  doonaieDtla  aal^■■■lrA^e>é^ei<iil|^ 
darts  et  méliers,  powraieBl  ebaqM  JmT'  vWlair  ki'pirfNM 
royales  et  preiieh*  rélai|iisuweai  iliiii  fÉhmmmMymÊimVwaÊM^ 
rite  surle  cmaiiaf  draièr,  et  tluiflaiwi  wn/kt  êmfʧm^9ijffàt* 
M  était  dans  leurs  atlraNHioaa  de  ûtÊmim  an  de  pawÉn»Btab 
trée  de  la  ville  aox  étrangers,  de  ttatoer  al  nrilnfcMMi'1|aÉI#tf^ 
civil  qu*aa  crimiiMl  en  tout  ee  qoi  ooneemait  leur  gowreraa 
ment,  avec  obKgatîoa  Mteffieitts  fayan»da  AJrrpnMJBr  Ida  s 
oidonnances ,  sU  en  étaieal  téipim^'^  <JWfrt|itf<aaitt4É«M4)' 


W4  NOTES 

ieur  ex<V-utioii;  ils  avaient  le  droit  de  bannir  de  la  \ille  ceux 
qui,  ayant  quelques  querelle»  avec  d'autrest  habitants,  refusaient 
de  se  raccommoder  avec  eux ,  et  pouvaient  occasionner  quelque 
trouble  :  mais  pour  cela,  il  fallait  rautoritc  d'une  délibération , 
a  la  majorité  des  voix,  des  conseillers  de  ville.  Ces  sentences, 
une  fois  prononcées,  devaient  être  exécutées  sans  appel  ni 
recours. 

Par  ordonnance  d'Alphonse  1\'  les  clefs  de  la  ville  étaient  à 
la  garde  des  consuls,  en  temps  de  guerre  comme  en  temps  de 
paix,  et  en  cas  de  siège  le  premier  consul  était  colonel  né,  tant 
de  la  milice  de  la  ville  que  de  celles  des*aulrcs  lieux  de  la  pro- 
vince rassemblées  dans  la  ville  pour  sa  défense.  En  temps  de 
paix  il  était  colon<  1  du  régiment  de  Perpignan,  véritable  garde 
nationale  pour  la  [)olice  de  la  ville. 

La  sortie  des  consuls,  dans  les  cér<';monies  publiques,  se 
faisait  avec  beaucoup  de  |)om|)e.  Aux  très-grandes  solennités,  la 
marche  était  ouverte  par  tous  les  corps  de  métiers,  ayant  chacun 
ses  taml)Ours  et  son  étendard  déployé;  venaient  ensuite  quatre 
trompettes,  puis  six  joueurs  de  hautbois  et  un  joueur  de  corne- 
muse habillés  d'une  casaque  rouge  à  galons  jaunes;  suivait  un 
alguazil,  Tépée  au  cnt4'*,  et  portant  une  canne  dont  la  pomme 
était  aux  armes  de  la  ville;  ensuite  marchaient  trois  vergiers, 
deux  massiers,  et  tous  les  oHiciers  de  l'hôtel  de  ville;  enfin 
paraissaient  les  consuls,  en  robe  de  damas  cramoisi  fort  ample, 
à  larges  plis  par  devant  et  très-petits  plis  par  derrière ,  avec  de 
grandes  manches  et  lui  collet  n*nversé  orné  de  rubans ,  ayant  en 
outre  une  fraise  au  cou  et  |)ortant  à  la  main  une  toque  de  velours 
noir  fort  plissi*c;  le  corps  <le  ville  fennait  la  marche,  augmenté 
de  tous  les  anciens  «onsul^.  ;\.  IVtscli,  Titoh  de  hon,  (l'ovale 
pitt.  fia  Jlouss.) 

Nous  avons  sous  les  yeux  un  prctieux  manuscrit,  clief- 
d'œuvrc  de  calligraphie ,  orné  de  plans  et  dessins  artistemcnl 


DE    LA    DEUXIEME  PARTIE.  545 

coloriés,  intitulé  :  Etat  militaire,  ecclésiastique  et  politique  du 
iioussiUon,  1751.  Le  volume  esl  du  fomiat  petit  in-8',  relie  en 
nKtro<|uin  verl,  aux  armes  du  duc  de  Noailles,  n  <]ui  il  parait 
avoir  seni  de  vademecum  ou  «ralmanaclide la  province  de  Hous- 
>illon,  n  Tépoque  où  le  maréchal  en  était  le  gouverneur.  Nous 
(lovons  n  notre  ami  M.  J.  Tastu,  possesseur  de  ce  manuscrit,  la 
))orniission  d*y  puiser  les  détails  qui  suivent,  auxquels  noos 
n'avons  rien  changé. 

CONSULS. 

Dans  toutes  les  villes  et  lieux  de  la  prorince  du  Roussîllon 
il  y  a  des  consuls  établis  et  autres  officiers  tant  pour  régler  la 
police  do  lour  district  que  pour  ce  qui  concerne  le  senrice  du 
roy.  —  Ces  officiers  sont  établis  annuellement,  partie  par  ex- 
traction of  partie  par  nomination,  et  ne  peuvent  être  inséculés 
dans  les  lx)urses  desdites  villes  qu*au  préalable  la  liste  des  per- 
sonnes qui  veulent  fétre  n*ait  été  approuvée  par  le  lieutenant 
p>tiéral  commandant  la  province,  et  l'intendant ,  âqni  les  con- 
suls dosdites  villes  et  lieux  sont  tenus  de  la  présenter,  avant 
piocédor  à  ladite  inséculation  ;  ce  qui  est  de  même  à  fégard  de 
ceux  de  la  ville  de  Perpignan 

JURIDICTION    CONSULAIRE    ET   POLICE. 

Cette  juridiction  est  exercée  par  cinq  consuls  renouvelés 
tous  les  ans,  le  38  juin,  par  extraction,  et  qui  sont  tenus  de  se 
transporter  le  même  jour  revêtus  des  robes  consulaires  et  avec 
leur  cortège  en  Thôtel  de  M.  le  Meulenant  général  et  com- 
mandant de  la  province  |K>ur  y  prêter  leur  serment  entre 
SOS  mains.  (A  celte  époque  de   1751,  c*était  M.  le  comte  de 

Mailly.  ) 

lU  sont  juges  do  la  police  de  la  ville,  assistés  d*un  avocat 
11  35 


,VM)  NOTES 

assesseur,  et  ont  «liiVëi-enls  f>l1icîer>  qui  leur  son!  siibonionnê!!, 
aiiiM  qu'il  est  n  voir  de  l'état  suivaut  : 


hlAl     DE.S    OMl('.iEll>    DK    i.  Iion.l.    nh    VII.I.K    hT    AI'TRES 

K  M  l>LO^  h  S    A    .s KS    (i  A(  i  E> . 


PkEMIKR   CONSI  !..       /     ,» 

\   rreiiuiM-  rial 

»St'((nnl  ui.         \ 

Troisicuie     ùl.         /    ..  i     .  . 

Quîilrirnio    î<l.         \ 

(liiiqiiiciiH*    i(l.  I    Ti*oi*si('inc  dat 

AssKh.shun,  M.  Gaffard,  avtjcnt 

Tri  avocat  de  ville,  par  extraction  annuelle.. 

S^iiiKTAïKE,  M.  l^>sc'li,  notaii-e 

A  11)1.,  M.  l^jsdi  l'ilâ,  notaire 

Swnic,  M.  Alda^-,  notaire 

TitKMiiUKii,  M.  \  iguier 

G>\Tiu')i.M:n,  M.  Jaunie.  no(ain> 

àSous-syndic,  le  sieur  Jatimo,  |iro<'uroiir.  .  . . 

Deux  olViciers  de  {xilice  ou  davaire.t;  le  pre- 
mier du  corps  de  la  noblesse,  et  l'autre  de 
(■elui  des  nK'ivadirrs,  tires  tou>  les  ans  par 
extraction 

Greilier  de  |M»lice,  M.  I^>scliprn',  notaire. .  . 


I      %.    .1. 


J,OUO 


0        I 


i33 

r> 

8 

GG 

V 

i 

3ÂO 

k 

0 

8» 

u 

0 

aoo 

n 

■ 

uoo 

b 

f 

'«7 

lO 

* 

lOO 


0  I 


|iiO 


l*LA<:i:S    A    I.A    Nn\|l\\TI(i\    lJi>»    CO.NSMJ^. 

i       >.     il 

Quatre  liaiitUusâ  quarante  li\ix*s  chacun.  .  .  itio  / 

Quatix;  troinjM'ttes {}(j  \  «j  . 

Qiialrt»  |>orlalîci-s -fïi)  » 

Vu  aigna/ii  et  cinq  valets  de  \illi> i,i.'>h  * 

Detiv  \  filets  OU  lini>siers  de  polit  e .'io  .  « 

l.n  ca.sernier i<)0  §  * 


i 


k..  *4 


DK    L\    DKIXIKMF    PAHTIE. 


Lu  |K'S(Mir  (les  sucades. 
I/liorloucr 


• 


'r' 


1^ Organiste  de  Saint-Jean 


r 


U»  sonlll(>ur  d'urj^iies 

Deux  j)e>eiirb  aux  lx)uchenes 

Le  pesenr  de  la  Cadène 

].e  régent  de  Técole  royale,  coiuprLs  dans  Té- 
tai de  runiversité 

Le  |>eseur  de  la  glace 

- des  raisin:» 

I  .e  fontanier 

Le  t  iiier  des  sacades 


l^Ul 

1. 

^    a. 

iGo 

i»    // 

iGo 

"    # 

aoo 

«    </ 

lOO 

it    p 

a/io 

Ê       & 

lOO 

U       ê 

3io 

U     i- 

20 

il      u 

20 

li       H 

30 

il     a 

80 

V      f 

CONSLSTOIBE  DE  LOGE  DE  MEK. 

l^i>  allai res»  entre  marchands  et  toute»  autres  concernant  le 
roniinerce  re^sortent  à  ce  tribunal.  11  est  coni|>osé  de  trois  con- 
Mii>  de  mer;  le  pitMuier  pris  du  premier  état,  le  second  du 
rorps  des  niercadiers,  et  le  troisième  de  celui  des  marchands 
drapieiN,  de  leur  as.scsseur,  de  douie  conseillers,  d'im  juge 
d'appellations  et  d'un  greiller,  qui  sont  renouvelés  tous  les  ans 
|)<ir  extraction,  à  la  réserve  de  Tassesseur  et  du  greilier. 

KTAT    DES    OFFICIERS    Di;    rX)NSIST01RE:    DE    LOGE    DE    MBR. 

I. 

(il  consul  de  mer  du  premier  état aoo 

mercadier aoo 

maix'hand  drapier aoo 

\ssesseur,  M.  Pontich 80 

<^)uatre  umseillers  du  premier  état ^o 

Six  d'entre  les  mercadiers. 60 


548  NOTES 

I. 

Deux  du  coq)!t  des  marchands  drapiers. ao 

Un  ']u^e  d^ipprllalions i5o 

Tu  greffier Gîi 

L'n  syndic 5o 

Un  vergnier  et  conriorge loo 

\a*>  appointcnionts  de*  ces  officiers  sont  payés  du  revenu  de 
Timpariage. 

NOTE    II. 

Sarles  bourgeois  honntrs  oa  citojens  nobles. 

Les  citoyens  de  la  main  majeure  jouissaient  depuis  trc*s-1ong- 
temps  de  quelques-unes  des  prérogatives  de  la  noblesse  :  cette 
possession  existait  déjà  au  w*  siècle.  Sous  lerèpie  d'AlphonselV, 
les  mercadcrs  de  la  seconde  classe  ,  ou  mrnestrtils  (ou  manestral, 
celui  qui  exeire  un  art  niiVanique),  ayant  intrigué  pour  passer 
dans  la  main  majeure  ."quelques  tmuhles  s*en  suivirent,  et  la 
reine  Marie,  lieutenanle  du  royaume ,  fut  oliligt^e ,  |K)ur  pacifier 
ces  querelles,  de  faire  redescendre  ces  meneslrals  à  la  seconde 
classe.  Par  sentence  arliitrale  du  iH  août  li'iQ  cette  princesse 
ordonna  que  les  citoyens  lionoivs  de  Perpignan,  com[M)sant  la 
main  majeure,  seraient  inscrits  au  livre  des  matricules  du  con- 
seil de  \  ilie ,  et  qu'ils  d('\  iiMidraient  cxciusivtMuenl  les  conseillers 
de  la  main  majeiiix*.  Pour  a\oir  drrût  à  cette  inscription,  il 
faudra,  dit  Tordonnance    de  la  reine,   •  ètir  lils  de  citoyen 

•  majeur,  ou  élrc  adnii^  comme  citoyen   majeur  par  les  cinq 

•  i*onsuls,  et  par  ceux  qui  oui  cte  premiers  et  seconds  consuls, 

•  au  nond)i-e  de  quatorze,  (^'s  quatorze  per>ounes  ou  dix 
■  d'entre  elles,  au  nioin^,  duvmnt  être  d'a\is  unanime  |K>ur  Tad- 
«  mission,  qui   ne  pourra  se   fainï  que   le  jour  de  Saint-CÀr. 

•  if)  juin,  (^ux  qui  auront  été  .idmis  de    cette  fac-on  scronl 


DE   LA    DEUXIKMK    PARTIE.  549 

«  inscrits  comme  citoyens  majeurs  au  livre  des  matricules.  »  En 
\ertu  (le  cette  décision,  les  consuls ,  en  s* adjoignant  le  nombre 
ri>qui>  d'anciens  magistrats,  purent  tous  les  ans  élire  et  élever 
an  rang  de  citoyens  honorés  un  certain  nombre  de  leurs  com- 
patriotes. Le  roi  Ferdinand  II  abandonna  à  ces  citoyens  ou 
bourgeois  honorés  la  jouissance  de  quelques- unes  des  firan- 
cliises  accordées  à  la  noblesse  ;  de  là  ceux  qui  en  faisaient  partie 
s'intitulèrent  citoyens  nobles.  La  circonstance  de  leur  inscription 
an  livre  des  matricules  les  fit  désigner  aussi  par  le  titre  de 
citoyens  immatriculés.  L'abus  que  les  consuls  faisaient  de  ce  pri- 
vilège  de  créer  des  citoyens  honorés  détermina,  en    1691, 
Louis  XIV  à  borner  à  deux  seulement  le  nombre  auparavant 
illimité  de  ceux  qui  pourraient  être  immatriculés  chaque  année, 
et  ceux  qui  seraient  élevés  à  ce  rang  devaient  posséder  au  moins 
dix  mille  livn^s  de  bien  :  c'est  à  cela  que  se  réduisait  le  prétendu 
privi]ég(>   dont  ,  suivant  quelques  historiens,  jouissaient  les 
consuls  de  Perpignan ,  d'anoblir  tous  les  ans  deux  bourgeois. 
Les  citoyens  immatriculés  aspirant  bientôt  à  toutes  les  pré- 
rogatives de  la  vraie  noblesse,  ce  corps  les  leur  contesta,  et  un 
procès  commencé  à  cette  occasion  par  devant  le  conseil  du  roi , 
en  1733,  n'était  point  encore  jugé,  quand  les  premiers  symp- 
tômes d'une  grande  révolution  se  manifestèrent.  La  convocation 
des  <'tats  généraux  accéléra  la  décision  suprême. 

Nous  transcrivons  ici  le  préambule  des  lettres  patentes 
données  par  Louis  XVI  au  mois  de  février  1789. 

«  Louis ,  etc.  Les  cavalert  ou  chevaliers  de  notre  province  de 
Houssilion  ont ,  avec  les  bourgeois  honorables  et  immatriculés 
i\v  notre  ville  de  Perpignan,  autrement  connus  sous  le  nom  de 
citoyens  nobles,  et  avec  les  descendants  de  ceux  de  Barcelone  qui 
sont  établis  dans  notredite  province,  une  contestation  pendante 
en  notre  conseil,  dans  laquelle  l1  s* agit  de  savoir  si  les  différents 
titres  que  produisent  lesdits  citoyens  nobles  de  Peq>ignan  et  de 
Barcelone  leur  ont  assuré  la  noblesse  transmissiUe.  Cette  con- 


rifiO  NOTKS 

l'.'slaliiiii.  (|iii  (iiirr  <ir|)ui>  i7<h),  et  (|U(^  les  iiilendants  du  pays 
tnil  »iKr(*!4si\rinciit  r*tr  cliarprs  (l'instniii'e.  ne  l'est  pa»  eni'orc 
coinpleteineiil .  en  sorte  que  s'il  ruilait  Ja  jii<;er  il  s'» -o nierait  né- 
rc'ssaii-enienl  un  Umiij)s  fort  lon^  avant  que  nous  pussions 
statuer.  Dans  ces  eirconslam-es ,  les  parties,  é<;alemenl  frappc'cs 
des  diilicultés  el  des  embarras  sans  nombre  que  l'indcicision  de 
rettc  a  flaire  oi'casionnerait  lorsque  la  noblesse  de  la  province 
s'assemblera  |>our  rfliftion  de  ses  dcpuli'S  aux  états  généraux  de 
notre  rovanme,  ont  res|)eclivement  consenti  que,  |>ourles  pré- 
venir, nous  les  terminassions  par  \oie  d'administration.  C'est  à 
cpioi  nous  n*avoiis  trou\é  aucun  inconvénient,  puisque  ceux 
qui  |>ou\ aient  être  iiiléresscs  à  s*y  opposer  v  donnent  les  mains. 

«  En  consi>qnenre ,  uprrs  la  représentation  et  l'examen  de 
toutes  les  pièces,  le  roi  i*ei'onnail  mtiispenstthie  de  maintenir  les 
citoyens  n(»bl(>s  dans  la  noblesse  IraiismLssible  et  dans  t(»us  les 
droits  <|ui  y  sont  attribues ,  ce  qu  il  ord<inne  en  cilet.  * 

Ces  lettres  patentes  furent  emv^istrces  au  conseil  souverain 
de  l\oussilIon  le  'à'S  mai*s  snivaiii.  Ensuite  de  cette  itiyale  dé 
cision,  les  armoiries  des  ciioveiis  nobles  lurent  enregistn*es  a 
l'armoriai  géiirral  de  i''rant-e,  ce  qui  nous  consleduie(*éf)issédc*- 
livii'  par  le  commis  a  la  n*ci'lte  des  dnjits  (ie  ce:»  sentes  d'enre- 
gistrement ,  sons  la  date  du  ).')  direnduv  i  781^,  a  la  requête  de 
la  dame  Dulrat  et  S'maler.  Déjà  un  ariV't  du  conseil  d'elat  du 
'j.S  dereinbiv  1  ySf)  avail  préjuge  l.i  question  en  ta\eur  i\*  > 
cit(i\ens  bniiores,  en  lrsas>njetiissan-  |Niur  laxenir  an  payement 
du  marc  d'or,  r(»mine  reux  qui  rere\  aient  <les  lettres  di*  gcMilil 
liomnie 

NOTK    III. 

Nui  It !k  nintiiiiiit  %  i/ii  /{ftri.t.ii//"' 

La  villf  tli>  hii^ciiio.  {oiii>sant  du  ilmit  de  idloiiie  romaine. 
.1   du    .<\4iii    M>s    iiiiiini.iies   coloniales.    in.iis    l,i    i.HVte    de  ei's 


DE    LA    DEUXIEME    PARTIE.  551 

iiK'dailIrs  uttostr  qirdle  ne  lit  pas,  a  cet  <'»garcl,  un  grand 
us;tî»('  <l(»  ve  dnni.  Vaillant  avait  déjà  cité  uni*  médaille  d'Au- 
i;iist(\  avec  les  initiales  col.  kvs.  Le  cabinet  des  médailles 
du  roi  en  |>ossède  une  ayant  dun  côté  la  tète  nue  d*Augu8te 
iU(T  les  mots  :  imp.  caksar  anoystas,  et  au  revers,  deux 
aifj^les  lé^ioimaires  avec  les  initiales  col.  rvs.  Une  seconde 
médaille  avec  la  tète  laurée  de  Tibt're ,  et  au  revers ,  les  deux 
ail(*s  avec  les  chiffres  v  et  viii,  indiquant  les  numéros  des 
lestions,  existant  au  même  cabinet,  est  attribuée  aussi  à  notre 
colonie.  M.  Mionnet  a  publié  deux  autres  médailles  de  la 
loéine  ville,  dont  Tune  donne  à  cette  colonie  la  vi*  légion  : 
(  m..  KVS.  LKG.  M.  Cesl  là  tout  ce  qu'on  connaît  des  médailles 
«h*  Kuscino*. 

L(>s  comtes  h(  réditaires  de  Roussillon  eurent  aussi  leurs 
monnaies:  mais  elles  sont  complètement  inconnues.  Ni  le  ca- 
binet du  roi  ni  aucune  collection  particulière ,  à  notre  connais- 
>aiKo,  en  France  on  en  Gitalogne,  nVn  peuvent  montrer  une 
x'ule  '*.  Il  est  cependant  hors  de  doute  que  des  monnaies  forent 
iiappeos  sous  ces  princes,  puisque  leur  valeur  est  citée  dans 
uni*  Ibide  d*actes.  Une  vente  faite  en  1 1&3  prévoit  même  le  cas 
on  CCS  monnaies  viendraient  à  baisser.  Parcet  acte,  Guillaume, 
c  hâtclain  d'Appia,  vend  aux  prêtres  dKspira  un  terrain  pour  la 
soinine  de  (piatre  cents  sous  roussillon  nais ,  avec  pacte  que  si 
vvWr  monnaie  baissait  de  poids  et  d*aloi,  la  somme  convenue 
ocrait  pay(*e  en  maravedis,  à  raison  d*nne  de  ces  pièces  pour 
^(>{)i  sou^  et  demi  de  Roussillon"*.  Lne  note  de  Baluze,  dans 
i  appeiulix  du  ^farca  hispanica^  fait  connaître  la  valeur  relative 
de  la  moiniaie  roussillonnaise.  Le  sou  tolidas  se  composait  de 
linit  orff(*ntem ,  dont  chacun  pesait  vingt-deux  grains  d'orgie. 
La  livre  d  or  contenait  douze  de  ces  sous.  Le  sou  vidait  auati 


*  Nou«  f1i>voD«  r#fl  renBcigBrmcnU  à  roUigmoM  Je  M.  Dvmsrtu ,  miploy^  an  cahiatt 
l'«  iiinlrfillrs  du  foi,  lo«jo«n  prit  à  *tr»  utât  «mb  gto»  <U  IftUm  qui  la  rowlitai. 

1  ;  I  '■    •■«//« 


552  NOTES 

quatre  mornltotins;  ronce  en  valait  sept,  et  la  livre  quatre-vingt- 
<|uuti-e. 

Nous  avons  parlé,  dans  le  texte ,  de  la  fondation  du  premier 
hôtel  des  monnaies  de  Perpignan,  qui  eut  Heu  en  i43o:  jus- 
qu'à ce  moment,  quoiqu'on  battit  monnaie  dans  cette  ville,  il 
n'y  avait  pas  de  local  attitré  pour  cette  fabrication ,  el  les  usines 
étaient  éparses  dans  les  dilférents  quartiers;  ce  fut  le  directeur 
Pierre  Lobet,  poun-u  de  cette  direction  en  i4a3,  qui  réunit 
tous  ces  ateliers  dans  un  même  local,  lequel,  par  lettres 
patentes  du  roi  Alphonse  le  Savant,  fut  converti  en  hôtel 
royal. 

La  Catalogne  comptait  six  ateliers  de  monnayage  :  Barcelone, 
Perpignan,  Ampurias,  Pallas,  Urgel  el  Besalu;  les  deux  pre- 
miers frappaient  j)Our  le  roi,  les  auli'es  pour  leurs  comtes  par- 
ticuliers. Majorque  ne  commença  à  battre  monnaie  que  sous 
Jayme  I".  roi  de  Majorque,  par  suite  de  la  défcrnse  que  le  roi 
d'Aragon  fit  à  ce  prince  de  faire  travailler  la  monnaie  de  Perpi- 
gnan ,  quand  il  lui  imposait  sa  suzeraineté.  Avant  cette  époque, 
les  monnaies  particulières  des  îles  Baléares  étaient  fabriquées  à 
Lerida.  Après  l'extinction  du  royaume  de  Majorque,  le  droit  de 
frapper  monnaie  fut  n>ndu  à  Perpignan,  et  le  roi  d'Aragon, 
Pcdre  IV',  favorisa  particulièrement  cette  villeen  lui  accordant, 
par  privilf^e  S[M*cial  du  à  des  calendes  d'avril  i3/i().  le  droit 
de  fabriquer  exclusivement  des  florins  d'or  pur,  ainsi  que  des 
écus  du  même  II  In*  cl  |H)ids  cjue  ceux  qui  se  frappaient  en 
France*. 

Pour  garantie  de  la  fidélité  des  espèces  fabriquées  à  Perpi- 
gnan, Pèdrc  IV  onlonna ,  le  a/i  mars  i357,  qu'il  fût  construit 
une  armoire  à  trois  clefs ,  dont  une  serait  gardw  parle  maitre 
ou  directeur  de  la  moimaie ,  une  par  l'écrivain  et  la  troisième 
par  l'alcayde  de  la  monnaie ,  qui  remplissait  les  fonctions  de 
nos  commissaires  du  mî.  Dans  cette  armoire  devaient  être  dé- 

*  y%U\  I  McntJii  fg^v-iiiaj  tn  ''dt«faii).i .  tome  I .  p.  m. 


DE    LA    DEUXIEMK    PARTIE.  553 

post'Ob  les  espèces  nouvellement  fabriquées ,  jusqu'à  ce  qu*on 
(Mil  fait  les  vérilicalions  convenables. 

L*liniel  (iis|>osé  par  Pierre  Lolx?!  resta  clans  la  inènie  nie, 
celle  (le  la  Porte  de  pierre,  jusqu'au  temps  où  Louis  \IV  fit  bâtir 
le  nouvel  hôtel ,  sur  remplacement  de  l'ancienne  université , 
qui  elle-même  fut  transférée  au  lieu  où  elle  existe  aujourd'hui  : 
ce  fut  en  1710.  A  la  même  é|xx|ue  le  personnel  de  riiôlel  des 
monnaies  fut  composé  de  deux  juges-gardes,  d'un  procureur  du 
joi  et  d'un  greflier. 

Nous  donnons  ici  le  taux  de  certains  traitements  et  la  valeur 
(le  (linV^rents  objets,  en  Roussillon,  à  différentes  é[)oques. 

A|)res  la  réunion  du  royaume  de  Majorque  à  celui  d*Aragon, 
Pèdre  IV  rendit  une  oitlonnauce  pour  fixer  le  tarif  des  salaires, 
traitements  et  émoluments  attribués  aux  charges  et  olFices  de 
Roussillon  qui  se  payaient  sur  les  fonds  du  tri'sor  royal,  ainsi 
qu'il  suit  : 

L'an  (le  N.  S.  i3ik6,  le  8  des  ides  de  mai.  Ce  son^  ici  les 
ordonnances  faites  par  le  seigneur  roi ,  et  qu'il  veut  être  obser- 
v('k^s  dans  les  comtés  de  Roussillon  et  de  Cerdagne  pour  les 
salaires  des  oflîciers  de  ces  comtés,  et  poor  leur  nombre. 

Preuùèrcment,  au  châtelain  du  château  de  Perpignan ,  pour 
son  salaire  et  pour  deux  sergents  qu'il  y  tiendra,  cent  livres*; 
|K)ur  trois  portiers,  soixante  et  douze  livres;  pour  vingt-quatre 
senants  qui  fassent  le  service  du  château, à  quinze  livres  par 
an;  pour  chacun  trois  cent  quarante;  total  pour  cet 
article 53a  '- 

Le  gouverneur  aura  un  sergent ,  qui  aura  de  salaire . .      1 5 

Le  châtelain  et  bailli  de  G>Uioure,  pour  lui  et  pour 
six  senants • 1 60 

Le  châtelain  d'Opol,  pour  lui  et  cinq  servants,  un 

I  j  lit  rf  «loot  il  •'•git  ici  fl  ia  lit  rte  dilr  dt  Urn .  de  BarcrkNM,  qai  ^iMt  à  kut 
<|uini4>  Kraiof  ei  demi  d«  titre  d«  fia ,  et  de  soiuBt*  et  do«M  d«  lâ^  ■■ 


riM  \OTKS 

jioriivr  et  un  cliicu  qu'il  c^l  ((*nu  d'y  a\oir lào*- 

liC  (liâtelaiii  dv  Tiuitiivvl,  |X)ur  lui  <*l  [X)ur  deux  ser- 
vants     i3o 

Le  châtelain  de  Kon'a-Real ,  pour  lui ,  cinq  servants 

t'I  un  c-liieii lao 

iiC  cliàlcliiin  de  la  tour  de  Tautavel,  pour  lui ,  pour 

nn  homme  et  un  chien aà 

Le  gardien  do  la  tour  de  la  (ianle  l'ecrcvra  les  fruits 

ilc  la  \i<j;iie  qui  y  est  attenante  ,  et  de  plus lo 

Le  gardien  de  la  tour  de  i^ufjmusart ,  c'esl-à-dirc  un 

homme  qui  y  reste  chaque  nuit 3 

Le  châtelain  de  lUxh'z ,  jxuir  lui  et  deux  servants.  ...      ào 
Le  cltatelain  de  Pui{^'alador«  |)our  lui  et   trois  ser- 
vants       5o 

Lo  châtelain  de  Livia,  pour  lui  et  six  senanls i5o 

Lv  chà  elain  dv  Qnerol ,  pour  lui  et  cinqsenants.  ...  loo 
\a.'  châtelain  de  la  tour  (ienlane,  pour  lui ,  sans  plus. .  3o 
Le  châtelain  de  Bel vezer,  pour  lui  et  deuxsenants. . .  5o 
\a:  cliâleiain  de  (Pastel non  ,  pour  lui  et  deux  ser\'ants.  5o 
Ijc  châtelain  de  Coi^i^vi,  pour  lui  et  deux  servants.  .  5o 
Le   châtelain    de  IW?llep)i(le.  pour  lui    el  deux  ser* 

vaiils 5o 

Le  (hâlelain  de  Monlesquiou,  |H)ur  lui  el  dfux  ser- 

\anls Ao 

On  il  V  ait  un  homme,  sans  plus,  aux  deux  tours  de 

\  ilh'fraiH  lie.  el  qu'iU  airnl  de  salaiit* 'jin 

Le  cliâleiain   d'Airscot   sera    un  pa<:es.  qui   sera  en 

même  temps  hailli ,  i-l  n*re\  ra . .     fi 

De  même,  pour  la  châlelainie  cl  hailliap*  d'flle,  un 

|Ki^f>  de  la  \ille,  qui  recevra f> 

l.f  rhâleiain  et  h.iilii  th*  Laimpie 30 

\.v  «  h.itclain  du  château  dv  Sc<;ura iH 


n 
II 


DK    I.\    DKl'MKMK    PARTIE  r)r>r> 

SALAI Kt^    l>l-:5   OFPICIKHS    DP.    ROVSSIIXOK. 

Plein i(M'tfineiil  ,    le    gouverneur,    qui    sera    leiiu 

(i  .ivoir  cinq  chevaux,  aura  pour  salaire joo*-   «  ' 

Son  assesseur loo      / 

Le  vi<;nier  de  Roussillon lOO      ' 

Le  juj^e  (lu  viguier 5o 

Le  jn<:e  du  douiaine 3o      ^ 

Le  bailli  de  Perpignan 5o      » 

Les  deux  juges  duditbaile,  cinquante  livres  chacun  lOO      « 

Le  inge  de  Vallespir 5o 

Le  jn«;e  de  Roussillon 5o 

L'îiNcual  royal 5o      » 

Le  procureur  des  fiefs,  qui  sera  tenu  de  régir  la 

pKHinalion  lixale  de  la  cour  du  viguier ^o      a 

Le  pn  Ml  UT  in*  fiscal  de  la  cour  du  bailli 30 

\ji^  sons-bailli  de  Perpignan i5      » 

I/axocal  lies  pauvres G      u 

L'j'crivain  des  nVlamalions • a5      f 

!/<><  ri>ain  qui  aura  avec  lui  le  précédent 13      « 

Le  procureur  des  pauvres 'S     g 

Ordonne  de  plus,  le  roi, que  la  cour  du  bailli  de 
Per|)ignan  aura  viugl  juges  seulement,  qui  recevront 

<  liacnn  |H)ur  leur  vestiaire  Ao  sous  par  an ,  sans  plus  u      4o 

Suivent  (Vautres  salaires  pour  les  différentes  petites  charges  dans 
Jrs  deux  ivmtés.  (  Arch.  dom.  ) 

/''m/>   dr  sèpalture  de  Bérenger^Jonquieres ,  chanoine  de  Saint- 
Jean  ,  de  Perpignan  (1  &■  7). 

I  •.      .1. 

Ponr  la  pixK*ession  générale  d'enterrement.  .  .    à  <io      / 

INmm   la  hen\aine '-  ao      " 


556  NOTES 

Pour  rcxtrême-onction #'•  5^  6*- 

Pour  l'habit  de  preire  avec  lequel  il  a  été  en- 
terré et  que  rôglise  a  fourni »  33  ' 

Pour  la  sonnerie  des  cloches #  ê  i5 

Pour  creuser  la  fosse #  5  # 

Pour  quatre  torches #  3&  # 

Pour  faire  passer  une  sonnette  dans  les  rues. .   #  #  la 
Pour  le  pain  offert  au  service,  tant  le  jour  de 

la  sépulture  que  celui  de  la  neuvaine #  94  ' 

Pour  le  vin  offert  de  la  même  manière ê  3  8   , 

Pour  achat  de  drap  pour  le  vêlement  de  quel- 
ques prêtres  pauvres  de  Téglise  de  Saint-Jean.  . .    lo  «  la 
A  un  prêtre  ))our  avoir  nettoyé  et  lavé  le  corps .    «  8  « 

ao  lo  a 


Vers  la  même  époque,  un  licencié  en  droit,  nommé  (Miba, 
refusant  de  payer  les  frais  de  sépulture  de  sa  femme  et  de  deux 
de  ses  enfants,  Toflicial  de  Févèque  le  condamna  k  les  acquit- 
ter, et  les  régla  comme  suit  : 

Pour  Textréme-onction  de  sa  femme 7   t 

Pour  la  procession  générale  d'enterrement 60  § 

Pour  rcnterrement  des  deux  enfants 6  6 

Plus  les  dépens,  suivant  qu'ils  seront  liquidés.  {^Arck,  eop{.) 

Quelques  salaires  sous  Louis  XI, 

Au  garde  des  droits  généraux ,  au  pont  de  la  Pierre. . .  5** 

Au  professeur  de  In  chaire  des  arts,  à  Perpignan la 

Au  pix>cureur  fiMral 1 5 

Au  poseur  de  la  viande 10 

A  rix-rivain  des  |H>ids  du  roi 6 


DE    LA    DEUXIÈME    PARTIE.  5:>7 

A  l'avocal  liscal  de  la  procuration «j'- 

(  Quittances  de  la  C.  du  dom.) 

Frais  de  voyage  pour  sept  personnes.  (  Même  époque.  ) 

C'est  la  despense  faicle  par  le  seigneur  G^r*,  pour  le  voyage 
que  fait,  lui  septiesmc^  partant  de  ceste  ville  de  Perpignan 
pour  aller  à  Montpellier  devers  messire  le  général  trésorier  et 
roceveur  général  de  Languedoc  «  pour  avoir  les  assignations  des 
répartitions  de  Roussilhon ,  en  ensuivant  certain  mémoire  escrit 
de  la  main  de  monsieur  le  comte  de  Castres,  viz-roy  de  Rous- 
silhon. Et  primo.  Le  vendredy  xiiij' jour  de  mai  lxxjx«  que  partit 
ledit  sieur,  à  la  Cabane  blanche,  un  disner  pour  lui  septiesme, 

cy xiiij»- 

In  souper  à  Narbonne xxj 

Saniedy  xv*  jour  dudit  mois ,  un  disner  k  Beziers ....    xiiij 

In  souper  à  Lupian xxj 

Dimanche  xxj  dudit,  un  disner  et  un  souper  à  Mon- 

pellier xxxv 

Lundi    xvij  dudit,  un   disner  et   un   souper  audit 

Montpellier xxxv 

Mardi    xviij  dudit,   un   disner  et   un   souper  audit 

Montpellier xxxv 

Mercredy  xix  dudit,  un  disner  à  Lupian xiiij 

Ln  souper  à  Saint-ITubery xxj 

.Teudy  xx  dudit,  à  Beziers,  disner  et  souper  pour  la 

feste  d'Ascension  \ostre  Seigneur,  tout  le  jour xxxv 

\en(h*edy  xxj  dudit,  à  Narbonne,  disner xiiij 

Un  souper  à  la  Palme xxj 

{Arch.  (fem.) 


'  Dan*  nnr  autre  fiKC* ,  c«  MifMar  C^r  Ml  qttdîM  A'vmigf  {  éem^  )  dm  cmh«  ém 
Castrw .  Boffit*^«-JBfa. 


:m«  notks 

MtinHtit  *fe  payement ,  de  lu   nwme  vjnu^ne .  sur  un   huitième  ile 

feuille  de  papier,  rcrit  en  Intren. 

Trrsoricr,  payez  et  doliivrez  u  Javnie  de  Koqiictaillade  la 
soiiiiiiede  (liv  escii:»  «i'urqiie  lui  avoii»  oiiloniics»  pour  sou  vova^ 
du  lier  (levers  inessel>;iieiii's  de  lA>ni]iC.s ,  de  l'oiiuiiige  et  d'Agre- 
moiit  |K>ur  a  ne  unes  eiioses  que  n«t  essai  rem  en  l  eoiiecrncnt  le 
roy .  f*l  par  son  exprès  couiounidemeul.  Et  par  reportant  ces 
pn-seiiles  si^^nirs  de  noire  main  .  ladite  somme  de  x  escusdor 
\ous  sera  deduiete  des  deniers  du  gênerai  de  vostre  rctcpte  ; 
parlant  et  ainsi  (piii  appartiendra,  >an$  dillieultê.  l'ait  à  iVr- 
pij^^nan,  le  \iij  jour  île  décembre,  1  an  mil  iiij  e  soixante  et  dix- 
neuf. 

LV)FFILE-D£-Ju(iK. 

IVnir  X  W.  Uk.aiias. 

De  la  main  de  Itojlile  :  Non  ayo  po/iit  de  Tau  ta 

A  a  dns  du  mrme  hillrt  est  la  qui I  faner  dri'sfvr  par  un  notaire. 

La  moiuiaif*  de  hillon  a\anl  cprouM*  une  réduction,  eu 
Hnussilion,  au  rounneneement  du  wiT  sirrlr.  \vs  mairliands 
aimaient  niiciix  Ij\rei  les  niaitliaiidises  a  erédit  que  de  it*<  evoir 
la  moiniaie  réduite,  ou  liicii  ils  Taisaient  ])a\('r  le  dnnidc  du  prix 
ordinaire.  Îj*  iH  janvi«T  i<'m).")  le  hailli  de  Pei'pi<;nan  lixa 
comme  il  suit  la  valeur  de  (  liatpio  olijct ,  pavahle  en  moimaie 
rabaissée,  (ielle  ordoni.ani-c  de  majimum  vs\  intéirssante  |Nnir 
la  roniparaix)!!  des  prix  dt*  celle  rpoqiie  avec  ceux  d'uujour 
d  lini' 

*    M  f  •ut  n  III  inpK  I  i|iif  \r  iii.irr   ir.iik;riii  «jlml  .1  n  llp  ^|f^|iir  «iiiKl  liirr*  riaq  um%  ipialir 
(lpiiipr«,lr  «iiii  ■(  .i|-ii%  • '|iiii-iiii    •  riitiriMi  irrur  iriiliiiir«  fiiii|   •li«ii-iiir« .  nn^niivif  irjtajfmr 


l)K    LA    DKUXIKMK    l»AUTIK  559 

(irams.  —  Le  l)l<'  fmnienl  se  vendra  16  s.  la  mesiii'e  (un 
(iiralilre  i/:î  )  ;  le  inéteil.  i3  ».;  l'orge  et  l'avoine,  8  ».;  Ie»ei{;le, 
lu  ».;  le  niilleL  9  s.  Nentend  pas  celte  ordonnance  empêcher 
(\nv  (  e.s  objets  no  se  vendent  à  meilleur  marché  s'il  y  a  lieu. 

Li'ffumfs.  —  L(  s  fèves,  pois,  lentilles  el  jçros  haricots,  i3s. 
la  mesure;  les  [>etits  haricots,  8  s. 

Viande.  — Li!  mouton,^  s.  la  livre  (l'ancienne  livre  romaine. 
(le  x-x  onces  ou  ijb  de  kilog.);  le  bœuf,  a  s.  &  d.;  le  veau 
châtré,  3  s.  ^  d.;  l'autre,  a  s.,  non  compris  les  viandes  delail 
qui  s(M*ont  réduites  au  prix  du  mouton.  Les  clievreaux  et 
agneaux,  ao  s.;  langues  de  bœuf,  3  s.  pièce;  ou  fera  a  deniers 
(le  loie,  et  le  reste  des  viandes,  G  d.,  pour  que  les  pauvres  puissent 
s'en  accommoder.  Porc  frais  mâle,  3  s.  4  d.  la  livre;  la  truie, 
->  s.  8  d.  Ijes  vendeurs  au  détail  feront  6  d.  de  viande.  Grosses 
saucisses,  1  s.  l'empan;  les  petites,  4  d.;  côtelettes,  6  d.  la  pièce. 

(tihier.  —  Perdrix  et  francolins,  après  le  renouvellement  de 
la  chasse,  a  s.  6  d.  la  pièce,  et  de  la  Noël  au  carnaval,  5  s.; 
lapins,  3  s.;  lièvres,  6  s.;  treelles,  18  d.;  tourterelles,  18  d.; 
pigeons  sauvages,  5  s.  la  paire;  tourdes  et  merles,  6  d.  la  pièce; 
élourncaux,  à  d.;  cailles,  8  d.;  bécasses,  a  s.  6  d.;  alouettes  et 
geais,  (id.;  oriols,  6d.;  canards  sauvages,  3s.;  sarcelles,  a  s.; 
poules  d'eau ,  macreuses  et  polits  (courlieux),  1  s.  6  d. 

l  olaille,  —  Chapons,  la  paire,  17  s.;  poules,  i3  s.  la  paire; 
|)oulels ,  3  s.  4  d.  la  pièce;  poulets  un  peu  gros ,  5  s.;  pigeons 
et  colombes,  6  s.  la  paire;  oies,  10  s.  la  pièce;  canards,  5  s.; 
ecK^lions  de  lait,  10s. 

Vins,  —  lies  vins  ayant  été  peu  abondants  cette  année,  ei 
les  prix  s'en  étant  plus  élevés,  ils  se  vendront  :  le  vin  blanc,  10  s.; 
le  claiœt,  8  s.;  le  rouge,  6  s.;  le  muscat  et  le  vin  cuit,  la  s.  le 
carton  res|)ectivement,  el  cela  jusqu*à  réduction  des  prix. 

Huile.  —  Lcdounj  (  1 7  litres) ,  7  livres ,  jusqu*à  nouvel  onlre. 

Poissons.  —  La  morue  sèche,  1  s.  8d.  la  livre;  morue  trem- 
pée, I  s.  4  d.;  hareng  saur,  ad.  pièce;  hareng  pec,  6  d.;  raie  et 


500  NOTES 

94>le.  1  s.  G  (I.  ta  livre;  sanlinen  sal<^s,3  il.  les  deux;  petites 
iioitliiics ,  I  (1.  \v5  deux;  ilioii  in«iigre«  demi-réal  la  livre;  le 
gras .  .S  s.:  anguilles  salôes,  G  d.  Tune  dans  Tautre;  maquereaux 
el  lisstes  sak'*es,  G  d.  la  picce;  soles  et  muges,  a  d.  la  pièce. 

Divers.  —  .lnnil)Oii,  3  s.  8  d.  la  livre  petite';  cliandelles,  a  s. 
8  d.;  œufs ,  3  d.  piôco  ;  son  ,3  s.  4  d.  la  mesure;  savon ,  a  s.  la 
livre  ;  fromage  gras,  3  s.  4  d.;  idem  de  Majorque,  as.  4-;  idem 
de  Orri ,  u  s.  6  <1.;  jambes d*ail  grosses,  6  s.  8  d.;  moyennes,  à  s:; 
petites ,  a  s.;  panses  (raisins  scellés  au  four),  i  s.  la  livre;  figues 
(sit-lies),  8  d.;  idem  de  Marseille,  avec  le  cabas,  i  s. ;  idem 
noires,  8  d.;  noisettes  entières,  i  s.  4  d.  la  livre;  idem  rôties, 
3  s.  4  d.  ;  amandes,  à  d.;  idem  rôties,  8  d.;  graisse  de  porc 
mâle,  a  s.  6  d.  la  livre;  de  femelle,  a  s.;  balai  de  palmier,  i  s.; 
cabas,  a  s.  G  d.;  pelles  (de  bois),  i4  d.;  ccuelles  de  bois  avec 
oreille.  /i  d.  tW^m;  rondes,  3  d.;  i<lem  communes,  a  d.  Noix, 
7  s.  la  mesure;  châtaignes,  8  s.  la  cartcrole. 

Uortolarje.  —  Les  jardiniers  feront  un  denier  de  tout  jardinage 
quelconque. 

Combustibles.  —  Charbon,  8  s.  le  quintal;  bois  d*olivier  et 
de  i-liène,  8  s.  la  charge  d'une  grosse  somme,  5  s.  la  chai^ 
d'âne. 

Matcriauj'.  —  Chaux,  i3  s.  4  d.  Thémine;  plâtre,  3  s.  le 
quintal;  un  cent  de  pierres,  iHs.;  lecent  de  briques  et  tuiles,  i4s.; 
<.'ent  de  [M>tites  briques,  i)  s.  Iioyer  de  meubles,  G  s.  8  d.  |)ar 
jouriu-e. 

hivps.  —  liC  seize  fin  <le  Perpignan,  4  I.  ^>  s.  la  canne  (H 
piinls)  :  rehii  de  couleur  orange  et  incarnat,  4  I-  lO  s.;  canlraj 
noir,  de  Perpignan,  6  I.;  celle  de  couleur.  G  I.  m  s.;  bure  de 
moines.  3  I.  8  s.;  le  mn/jt  noir,  «le  Puycenla,  .3  I.;  le  vin^f- 
quatre,  de  hnirelont'.  Si.    m  s.;  le  hiiitdniizv   noir,  7  1.;  celui 


*   I.a  \\\rr  |irlilf  imi  ii^tr  miiiaiiir  lU  dniir»  nacM  ml  |wr  n|i|irailinii  j  c»  qu'as  «ppilla  b 
/fiHr  I  cii'n'jtT-i  ou  h,  rr  il«  koucbcfir.  i|ui  ni  dr  ir^Htr^ii  i<nrrft.  nu  iid  lik^»iiiOM  tfnl 

uii  j{raiii(iit« 


DE   LA    DEUXIKMK    PAHTIK  561 

(le  couleur,  61.  lo  ».;  la  baieta  noire  de  Barcelone,  31.;  Tautre. 
2  1.  lo  s.;  le  foulon  nage  de  toute  quantité  de  draps,  5  s.  6  d. 
r<Mnpan. 

Soienes.  —  Velours  noir-Valence,  de  deux  poils  et....,  Ao  s. 
l'empan;  celui  d'Italie,  3o  s.  Satin  noir,  8  s.;  taffetas  noir 
double ,  9  s.;  les  autres  soieries  à  proportion  du  prix  des  soies. 
La  soie  (en  fd)  noire,  2  s.  l'octave  (ou  gros);  celle  de  couleur, 
?.  s.  6  d.;  les  passements  noirs  fins  ,18  s.  l'once;  ceux  de  cou- 
leur, ao  s.  Les  bouracans,  3  s.  6  d.  Tempan;  lefd,  2  s.  Fonce; 
l(»s  autres  marchandises  de  ces  m(>mes  boutiques,  en  proportion. 
Ras  d'hommes  d'étamine,  ans.;  ceux  de  cordelat  noirs,  16  s.  8d.; 
\v>  nnnws  |)our  femmes,  rouges,  blancs  ou  bleus,  i3  s.  4  d. 

Souliers  d'hommes  de  somach  (de  peau  de  béte  de  somme) , 
a  deux  semelles,  i5  s.;  ceux  de  Cordoue,  i3  s.  4  d.;  ceux  de 
vache  el  de  veau ,  1 6  s.  8  d.;  patins  de  femmes,  de  tout  genre , 
^  s.  /|  d.  par  chaque  doigt  de  hauteur;  pantoufles,  i4  s.;  souliers 
blancs,  5  s.;  les  rouges,  de  mouton ,  5 s.;  ceux  de  Cordoue,  7  s.; 
paiitouiles  d'hommes,  3  s.  A  d.;  ressemelage  de  souliers 
(riiomnies ,  6  s.;  iW<fm  de  ceux  des  bouviers ,  8  s.;  cuir  pour  se- 
melles, 5  s.  6  d.  la  livre;  basanes,  3  s.  4  d.  la  livre;  peaux  de 
chèvre ,  10  s.,  depuis  la  Saint-Michel  jusqu*au  carnaval  ;  4  s.  de 
Pâques  à  Saint-Michel;  peaux  de  mouton,  8  s.,  d'agneau  et  de 
chevreau,  16  s.  la  douzaine. 

(lha|>eaux  fins ,  i5  s.;  communs ,  1 1  s.  8  d. 

Fers  de  chevaux,  ao  d.  la  livre;  de  bourriques,  i4  d.  Fer 
ouvré,  ao  d.  la  livre;  laiton  ouvré,  8  s.  la  livre. 

Travaux  et  main-d'œuvre.  —  Journées  de  paysans,  8  s.  du 
premier  mai  au  premier  septembre;  idem  de  bouviers  pour 
suivre  une  béte,  ramasser  des  herbes  ou  faire  des  charges  en 
las ,  3  s.  4  d.  avec  la  nourriture ,  ou  7  s.  sans  la  nourriture.  Les 
lx)uviers  ou  muletiers  loués  par  mois  ou  k  Tannée,  4o  s.  par 
mois.  Pour  Oûre  les  gerbes,  vanner,  ràtder ,  à  s.  par  jour  et  la 
nourriture,  ou  8  s.  sans  la  nourriture.  Ceux  qui  charrient  des 

11  36 


562  xNOÏES 

lierl)es  ou  pailles  avec  leurs  belles  de  somme,  et  ceux  qui  baltciit 
avec  collis ,  1 5  s.  jinr  homme  avec  la  bote.  Laboureur  avec  sa 
bctc,  7.0  ».  par  ayniinatc'  s'il  fait  un  travail  foire,  et  20  ».  par 
jour  s'il  laboui*c  à  la  paire.  L^tes  de  loua^^  pour  cbaiTÎer  blê. 
orge,  mil  etantix>s  crains,  3  s.  par  lieue.  Pour  tailleries  vignes, 
creuser  la  terre ,  nettoyer  les  souches ,  provigner  et  grefler  et 
autres  travaux  analogues,  du  i"  septembre  au  i^mai,  6  s.!  les 
bùrherons,  7  s.  par  jounn*c. 

Journées  de  maçons  et  menuisiers,  8  s.;  de  manœuvres  el 

» 

gansons  menuisiers,  6  s. 

Capes  ou  manteaux  ras  de  pâtres  ,3  l.;  couTertures  de  laine , 
^  1.  ()  s.  8  d.;  camisoles ,  9  rcaU;  manches  ,10  s. 

Caleçons,  i3  s.  /|  d.;  grègues  (culottes  larges  de  Tépoque), 
33  s.  A  d. 

Verrerie.  — GoWets  ordinaires  de  compagnie,  6  d.:  les  com- 
muns ,  5  d.;  les  tapas  (sorte  de  bouteille),  2  s.;  les  tius,  3  s.  ài\.i 
les  autres  bouteilles ,  so  d.;  les  urinoirs ,  30  d. 

fja  livre  de  lil  de  cordonnier,  f)  s.;  la  livn'  de  corde  de 
chanvre  de  brin ,  3  s.  4  d.:  celle  d'rtoujje ,  3  s. 

Les  5<irnW  (double  panier  dr  sparte  en  forme  de  l>esacc,  dont 
on  se  sert  dans  le  Midi  (tour  (K)rl(T  sur  les  bêtes  de  M>mme  des 
provisions  et  objets  de  toute  espèce),  à  onze  tours  de  tresse 
(de  sparte),  if)  s.,  et  ainsi  des  autres,  à  pro|M>rtion,  plus  ou 
moins.  I^  fond  des  chuises  (qui  se  garnissaient  autrefois,  comme 
encore  aujourd'hui  en  cpieUpies  lieux  d'Italie,  en  corde  de 
sparte).  4  s.  G  d.  chaque. 

Cire  blanche ouvrc^e ,  l 'j  s.  la  livre;  non  ouvi-i'-e,  11  s.  Gi-e 
jaune  ouvn*c,  cj  s.:  non  ouvr*'*.  7  s.  Poi\ re  et sausse ,  i  *.  8d 
Tonce;  gingend)re,  1  s.  l'once:  girofle,  ;>  s. 

Sucre  terré,  iG  s.  8  d.  la  livi*e;  le  lui,  ':os.  Noix  muscades. 
9  s.  l'onrf»;  sucre  eu  )K>udre.  H  s.;  oublies  de  sucre.  6  a.  8d.  le 
cent  ;  relies  de  pâte.  3  s.  /|  d.;  loui-ons  entiers  (nougats  d'aman - 


DE  LA  DEUXIÈME  PARTIE.  565 

deft),3  s.4cl.  klhrre;  tourootpîiétalpiyiioMdb*  h  t.;  iiiiei,at.; 
liypocras,  a6  s.  8  d.;  ckawym  (an  ktio  meeêÊr,  sorte  de  Uquaur 
distillée) ,  1 3  s.  &  d. 

Charrues, —  Le^mlmingmu^  1 4  s.;  iet  Hmt,  6  t.  8  d.;lei 
dentaU,  3  ».&d.;  leiaiûMi.Gs.  8d/;l6t  joogtdemidet.iSft. 
à  d.;  ceux  de  bcBufr,  i6  t.  8  d.;  Im forçait»  »o  t.  Sel ,  4  t.  k 
mesure. 

Toutes  vktuAiOet  et  âutrat  obîelt  aoa  ipécîfiét  m 
que  genre qaÛM  soient,  seronl  lédiâtsperlesTeDdesn  espo- 
rata  de  ce  qui  est  spécifié,  poor  4|«*3t  ne  puissent  reoevoir  pins 
pour  ces  objeti,  en  monnaie  de  billon,  qa*3tn*en  raoeveienten 
monnaie  d*argent.  {LihmrarXmimmm  ) 

NOTE  IV. 

Surlafamime  dt  P^iyaaa.pedaatif  iîâf» dUa<ilt  wii.  wtmLmmXÊ, 


Il  y  a  unanimiié  d'aceoid  chei  tons  les  histpriens  yd  pericnt 
de  ce  siège  ntémorable.  L*eioàs  de  fiunineqpn  rifiaît  dans 
ville  fil  convertir  oa  dinento  jusqn*A  la  ehair  aàse  des 
vres  humains  ;  et  ce  n*est  pas  ici  une  deees 
s*en  permettent  qnm^piMHiis  les  écnvans  < 
le  doroier  degié  de  misera  anqnd  on  puisse  perranip  psndafil 
uu  siège  obstiné,  o*esl  nn  fidt  attesté  per  lee  aoleiilés  les  moine 
suspectes.  D*aboid  le  roi  don  Juan  lui-même,  penrWiompen 
ser  les  Perpignanais  de  leur  persévérance,  an  mBien  des  tour- 
ments auxqnds  3s  étaient  en  pnie,  leur  eoeoide,  per  privflége 
signé  deux  jours  après  h  ciyitnlation  ^  h  facdté  de  continuer 
à  être  traités  dans  ses  états. comme  t'ils  étsient  toujours  sm 
sujets,  tontes  les  fins  qn*as  sy  rendront  pour  alfairm  ou  enbe 
cause.  Dans  la  charte  de  ce  piiiUga  ee  |lrinee  e'ipfrlme 
ainsi  :«Gun  los  haiiitens  en  la  v3k  de  Purpipie* 

3d« 


r>f)'i  NOTKS 

«|)ortti(los  inoltm  congoxas  e  eslretiires,  axi  de  fam,  fins  k 

•  ineiijar  rarn  liuinana ,  cU*.  •  Philippe  III  rap|>elic  ce  même  fait 
dans  le  |)r<''aiiil)iile  des  IcUros  de  chevalerie  accordées  en  1599 
aux  rit(>v<*i)-*^  honoivsdo  cette  ville  :  «  liorscpic  le  roi  de  France, 
«dit-il,  iii\estit  et  assié(;ea  Perpignan,  noii  citoyens  nobles  de 
«  cette  \  ille  Tout  défendue  par  leur  courage  personnel  et  par  leur 
«iniliieiice,  (pioi(|ne  ('xterniin('*s  par  la  faim,  tellement  qu'au 
«  défaut  d*animaux  immondes  ils  ont  mangédelachairhumaînc, 
«  ce  qui  nous  conste  pleinement.  •  (  Livre  vert  majear.  ) 

i\ien  de  plus  éner(;iqiie  que  le  tableau  de  la  situation  des 
Per|)i«;nanais  tra(*é  par  un  historien  conteni[X)rain ,  Marinaeus 
de  Sicile.  «  On  |>eut  à  |>eine  croire,  sYrrie-l-il ,  quelle  fut  la 
«  violence  de  la  faim  quils  endurèrent.  Pendant  plusieurs  jours 

•  ils  ne  vf'rurent  que  de  rais ,  de  chiens ,  de  chats  que  les  femmes 
«  chassaient  dans  les  rues  de  la  ville  au  moyen  de  lon|i:set  larges 
«voiles  de  toile.  (]ellc  ressource  \enanl  encore  à  manquer,  et 
«  pressés  par  le  plus  extrême  besoin,  non-seulement  ils  |K)rtèrent 
«  la  dent  sur  la  chair  des  Français  qu'ils  avaient  tués,  mais  ils 
«  dévorèn?nl  encore  les  cadavres  de  leurs  pro[)re5  concitoyens. 
«  Plusieurs  femmes,  a<;itées  par  la  ragedelafaim,rumprprnjirnf 

•  utero  suo  œntinuà  fœtus   retUidcrunt.  Alite,  prœterea,  matres 

•  inrtiiœ  >fiwulis  ncuttv ,  non  cquitlem  ma  tenue  pietatis  Mitœ,$ed 
m  fa  mis  imperio  conrirlœ  ,  sitos  filios ,  sire  famé  sire  alio  coMu  pe- 
«  remptos ,  lamentatione  miscnihili  propriisque  lacrimis  aspersos corne- 
%derunt.  •  L.  Wiii. 

NOTK   V. 

.Viir  rrmftuirmrni  «/u  Hniissillon  à  Louis  .17. 

La  question  de  savoir  si  le  mi  de  Franci*  était  légalement  en 
possession  de  la  pmvince  de  KoussiUon .  ensuite  de  rengage- 
ment que  lui  en  avait  fait  le  roi  d  Aragon ,  ou  bien  si  cette  pos- 


DE  LA   DEUXIEME  PARTIE.  505 

session  était  une  osurpatioD  de  ta  part,  el  qui  autoritait,  par 
conséquent ,  le  roi  d*Aragoo  k  oser  de  toi»  les  mojena  pour  t'en 
ressaisir.  n*a  été  disculée  <ia*asaei  super&cîdlemeot  par  les  diflé- 
rcnts  écrivains  français  on  aragonnais.  k  notre  coppaisiance  ; 
et  tous,  après  quelques  raisoonenients  qui  D*alleigiieDl  jamais 
le  fond  de  la  question ,  aor  des  doonées  asaei  Yagnet,  el  iqifèi 
quelques  récriminations ,  Eniaaeot  par  abonder  dans  le  sens  de 
la  nation  à  laqodie  ib  appartienneot  Ce  point  d*Uitoiie  trèa- 
important  mérite  cependant  d'étrs  eiaminé  sons  leiilaa  tes  faoaa, 
et  d'être  discuté  avec  oetle  impartialiié  qui  doit  régler  le  juge» 
ment  de  la  postérité.  Ce  nW  pas  avec  no»  fiaUet  hnBiéfesiqat 
nous  pouvons  pousser  la  solntien  de  oeUe  grande  dilBcdlé 
jusqu  à  sa  dernière  évidenoe;  mais  nons  annna  Ut  dn  moins 
tous  nos  efforts  pour  piéparer  la  matière  à  dea  plomea  pins 
habiles ,  et  plus  eicioées  qne  la  nâire  dans  cet  sortes  de  déJMÉs, 

Le  roi  d* Aragon  avait  hesoin  de  secours  eontrelea  Catalana 
révoltés;  il  en  demanda  an  rai  de  Fknnee, qui  Ivi  donna  la  ih 
culte  de  disposer  de  qntitce  cents  on  de  sept  cents  laneea,s«iTan| 
qu*ii  lui  paraîtrait  convenable,  liais  oonsme  ce  roi  d'Aragon 
n'était  pas  moins  épnisé  de  finances  qne  d1iOBMBes«  oas  Imoea 
françaises  devaient  rester  à  la  solde  de  la  IVanfn  jnsqii*a|M<ls 
rentière  soumission  de  k  Catalogne.  Ponr  geranlie  dea  anr enoea 
que  le  roi  de  France  serait  tenu  de  Ure,  cehii  d'Aragon  M 
engagea  les  revenus  de  toute  espèce  des  comliade  RonisiBoA 
et  de  Cerdagne,  iqifèi  défclcatiow  des  cb^rgas  jmpuléei  aqr  cet 
revenus  :  voilà  le  lait  malérid, 

Dans  Teiamen  de  œUe  question,  nona  devons  meHraiFéeert 
ces  accusations  de  mauvaise  fin  qu'on  ne  caase  de  fiara.  4. 
Louis  XI;  nous  avons  démontré  qne  oeHemanvaise  Soi ébnl lé» 
ciproque,  et  que  Louis  ne  l'a  emporté  sur  aon  rive!  qne  per 
plus  d  habOeté.  Qu'une  intention  de  mtpvaiae  fin  ail  piMdé  4 
la  négociation  de  œ  traité,  oommo  de  taqt  cTaiilniai  le  toiitt 
n  en  existe  pas  moins  ;  il  fini  loL  B  aéié  OQUisanlilihiMianl  per 


566  NOTKS 

les  doux  parties,  (]iii  (levaient  se  tenir  en  garde  Tune  contre 
Tautre,  et  n'y  rien  laisser  insérer  dont  elles  pussent  être  dupes 
ou  victimes  :  c'est  là  un  principe  incontestable.  L'intention  de 
mauvaise  foi  reste  donc  au  fond  du  cœur  des  contractants  ;  les 
termes  du  traité,  débattus  et  consentis  par  eux,  sont  réputés 
base  de  bonne  foi  ;  c'est  de  là  qu'il  nous  faut  partir. 

I^  mluction  de  la  Gilalogne,  n'*vollée,  à  robéissanœ  de 
Juan  fl,  pouvait  être  amenée  en  une  ou  deux  campagnes,  comme 
elle  pouvait  ne  venir  qu'après  de  longues  guerres.  Dans  le  pre- 
mier cas ,  la  France  n'aurait  pas  eu  de  très -fortes  sommes  à  dé- 
bourser; dans  le  second,  elle  pouvait  être  entraînée  à  faire  des 
avances  très- considérables  ;  un  règlement  de  comptes  serait  donc 
inter\'enu  nécessairement  à  la  paix,  pour  la  liquidation  de  la 
dette;  mais  des  diiïicultés  qu'on  ne  pouvait  pas  prévoir,  ou 
qu'on  prévoyait  trop  bien,  pouvaient  rendre  alors  cette  liqui- 
dation embarrassante  ;  on  préféra  déterminer,  au  moment  même 
de  la  passation  de  l'acte,  une  somme  tixe,  qui  serait  payaUeau 
roi  de  France  par  le  roi  d'Aragon,  quelle  que  fut  la  durée  du 
service  des  troupes  franraises  que  l'Aragon  ap|iellerait  à  son 
aide  :  cette  somme  fut  fixée  à  deux  cent  mille  écus  pour  quatre 
cents  lances  fournies ,  et  à  trois  cent  mille ,  pour  sept  cents  de 
ces  mêmes  lances.  \a'  roi  d'Aragon  en  prit  sept  cents;  c'est  donc* 
la  somme  de  trois  cent  mille  écus  d'or  qu'il  était  obligé  de  payer 
au  roi  de  France  apn^s  la  soumission  des  (lalalans  :  celte  somme 
étiiit,  par  conséquent,  un  al)onncment  convenu  d*avance  pour 
tous  les  ras,  et  à  tout  événement.  (Ict  abonnement  pouvait  être 
avantageux  ou  défavorable  à  l'un  ou  a  l'autre,  suivant  le  plus 
ou  moins  de  dum*  de  In  guerre;  mais  c'était  un  moyen  de  pré- 
venir des  didicultés  :  on  le  crut ,  ou  on  feignit  de  le  croire,  et  il 
n'en  fut  rien.  Dans  re  contrat  d'enipnmt  .hian  11  pnxligiie  le** 
caresses  au  roi  Ijouis  ;  il  l'ajipellc  son  cousin ,  son rnnfédén* très- 
cber  v{  comme  un  fn*re  ;  bientôt  apn>s  il  cbange  de  langage  : 
le  lif'iv  tres-cber  n'e^t  plu>  qu'un  Iburbe.  qui  n  est  enquiré  du 


DE  LA   DEUXIEME   PARTIE.  567 

RoussilloD  ei  de  b  Cerdagne  abutivemenl  ol  injostemeiil.  Leurs 
convenlioDs,  tuivani lui,  nétmnipei  tellet;  il  a*a  entendu  lui 
obliger  que  les  revenu>,el  non  le  fcods;  ce  p'eitpei  la  JQuiiMiiee 
delà  provîuce,  mais  sa  simple  suieraineté,  qu*il  loi  a  engagée» 
et  les  droits  de  Louisseiéduisenlàriiommageiiuedevaitnlbtt 
((Elire  ses  |Nrocttreun  loyanx,  Charias  d*Qms  pour  k  nhâtean  de 
Perpignan*  el Béreoger àXkm pour eaini  de fiJK— fe^  Fwami 
nons  ces  griefa. 

Le  HH  d'Aragon  n  a  pas  entendn  engager  InJMMlsiao  a  Yodb 
donner  aurai  de  France  ytaneewernineté  im^ioreii»  $mim 
deux  comtés  ;  toutes  les  préteniionsL  de<pluaci  domnlen  boanar 
à  rhonunage  pour  les  chlteam  4n  Jwpignan  jt  dn  CdÊkmm 
Mais  s*a  en  est  ainsi,  si  jeBn  étett  rmtentJoo  Ai  rinif  i— iiMr> 
et  si  le  contrat  a  dà  être  rédigé  dÉna.celeipnit.  potn^Maa^in 
esi-il  pas  parié  de  ces  homnagaa  et  dn  oettoanaaraînelé?! 
mentcecontratesl41  ausaieemplétenanimMalsi 
siimportantes?{  VojescelniteiaMprèi^aiisPlranveai  aT  V.)EtB«fr 
quoi  ce  silence .  sur  nn  >poipt ftg  oonstilinil  «, t ini  lanl,  l»p«lie 
la  plus  essenti^  de  feirfeation  dn  centait,  deteb  il  4Ê$à^4m 
quelque  sorte,  TâmeP  Le  Inilénnrail  dé  a^BipifaMr^anrM 
poiut,  en  des  lennea  ai  piécis,  que  JeaMi»  i  flii-{iAl  iê*élater 
aucun  doQte  :  3  nen  est  nen.  Dans  rafltekfii.d!AnfiMioUiBi 

daDslescomlésdeBonssfltonetdeCerdagpa,epirè>h|«ftBWit 
des  chaigBs  qui  ont  conlnne  de  a'aeqnitter  aiTMSHnliiéMs.  Jl 
n  est  pasqnestJonièdeauBBfeinelémid'initodfcttMtliniii^ 
voir,  dans  ces  HMpresiiDna ,  nn  angefp^Vit  • 
forme  des  deu&  contés  aune  lew»  aeMpna^  Mi  tmteNn  < 
pignoratif  on  antiabéae,  siHvanilnaj|MaiMU|iniRvdH»l«|Hi 
le  fonds  suit  I»  revann  el  estabasulenfé  à  h  j/omÊMmo^jêlÊ 
créancier ,  et  Jnan  ne  léabma  pa»  erilwi  raHenjfîniii»  ife  «oiii 
il  la  favorisa  au  ooniraira  «^  an  pnMenlln{pagf«ilo4«i 
À  la  loi  de  la  néeasriU.  En  damnr  lion,  b  iH4C^bi«BK 


568  NOTES 

le  (^oiilrat  (rengagement,  donne  liypotlièque  des  sommes  que 
Charles  d'Onis  aura  à  payer  sur  les  biens  de  cinq  grands  per^ 
sonnages,  ce  qui  semble  dire  qu*en  cfl'el  il  ne  compte  pas  livrer  là 
jouissance  du  fonds.  Mais,  encore,  pourquoi  alors  le  contrat 
ne  s*e\prinie-t-il  pas  catégoriquement  sur  le  (ait  du  simple 
hommage ,  lorsque  tant  d'aulres  points  moins  essentiels  sont  si 
min ulieusement  expliques?  La  condition  de  rantichrèse  est  im- 
plicilemenl  posée ,  car  si  le  roi  de  France  n*occupe  pas  le  fonds, 
les  promesses  et  les  obligations  du  procureur  royal  se  trouveront 
pour  lui  sans  garantie ,  et  Thypothèque  sur  les  biens  des  cinq 
personnages  ne  sera  qu'une  vaine  formalité.  Cet  article  de 
Thypothèque,  qu'on  est  tout  surpris  de  trouver  à  la  fin  de  ce 
contrat,  ne  semble  être,  en  définitive,  qu'une  sorte  d'alternative 
laissée  au  roi  de  France  ou  de  prendre  la  jouissance  du  fonds , 
ou  d'accepter  simplement  ces  garanties    sur  les   biens  des 
cautions.  Mais  il  n'aurait  pu  y  avoir  lieu  a  hésitation  entre  les 
deux  sûretés  oflertes.  Une  condition  indispensable  pour  toute 
clause,  c'est  d'être  exécutable,  or  celle  des  garanties  sur  les 
biens  des  cautions  ne  l'était  pas.  Comment ,  en  eflet ,  le  roi  de 
France  aurait-il  pu  avoir  action  sur  les  biens  de  ces  cautions , 
situés  hors  de  ses  états  et  de  sa  juridiction  ?  Une  garantie  en  ce 
sens  ne  pouvait  être  recevable  qu'autant  que  les  domaines  rè^ 
pondant  des  payements  auraient  été  en  position  d'être  saisis  par 
le  créancier,  en  cas  de  besoin.  Cette  sorte  d'alternative  mise  à 
la  disposition  du  roi  de  France,  si  tel  est  l'esprit  du  dernier 
article  du  traité,  Louis  eut  raison  de  la  mettre  à  l'écart,  et  d'en- 
trer en  jouissance  du  gage  ;  en  le  faisant ,  il  était  dans  son  droit. 
11  était  tellement  dans  son  droit,  et  ce  droit  était  si  bien  reconnu, 
bi  peu  contesté  à  cette  é|K)que,  que  Charles  d'Oms,  présenté 
dans  le  contrat,  non  pas  comme  pit>cureur  ro\al  |»our  Icchâ» 
teau  de  Perpignan ,  mais  |>our  les  deux  ('oml('*s  de  Roussillon 
et  de  C^'i'dagne.et  qui  certainement  (le\iiit  bien  ronnaitre  le 
M*nh  dan»  lequel  devait  être  iiiterpr«*t«'  un  traité  dont  il  avait  été 


DE   LA   DEUXIEME  PARTIE.  56» 

chargé  de  poser  liû-mèiiie  lee  pramèfee  baiee,  km  de  dih 


mander  à  prêter  fai  et  hommage  pour  le  diâtoui  de  celte 
suivant  les  prétentioiis  teidives  do  roi  d'Aragon»  prit,  an  con- 
traire, fait  et  cause  loi-œémepoiir  les  Fraiiçab«<{iiaiid  les  Far» 
pignanais,  ses  propres  compatriotes,  les  eorenl  expidsés  de 
leur  WUe  peu  de  jours  après  la  prise  de  possession  ;  qu*il  s'en- 
ferma auchàteanaveccesBémee  Français  *  et  qn*fl  contribua, 
Zurita  le  dit  rapressémenlv  i  léduiiu  ainai,  par  Tar^^Berie,  celte 
▼ille  à  Tobëissance  du  rot  de  Firanoe.  (  Znrila,  AmaL  dt  ÀMWg. 
part  IV,  lib.  ini.  ) 

Le  roi  d*Aragon,  suiyani  Taimslisla  fue  nous  venosM  dn 
nommer,  fil  plus  tard  i  son  tts  la  i^spgociie  d*atfair  avoué  fue 
leRoussîUon  ftl  engagé  ponrancnnnaonnned'aigantqnBlcon 
que,  prétendant  qu'un  tel  anénlui  aawitptéjudinallet  qna k 
chose  n*était  pas  Traie,  fue  d*aSaun  las  nrenua  fue  kni  dn 
France  percevait  depnb  knglsmp  mt  BnnssilWi  Vaifaientplna 
que  remboursé  de  ses  avanoes.  A  esh  noua  répandons  par  fas 
termes  mêmes  de  l'ade:  •HousvonsotHgBBnshiiniwus,elB., 
«  de  tdle  sorte*  que  les  rantas  et  revnnns  qna  vous  racefflia  da 
«  cette  maniera  ne  soient  pas  imputés  anrkaartponflipalda^ 
•  dits  deux  cent  m3ie  on  troia  cent  mila  dans,  s  U  na  peut  y 
avoir  rien  de  plus  précis. 

Les  ambassadeurs  de  don  Juanfiinnt  enaniliian  mi  da  Wranoa 
un  cas  de  consdenoe  de  k  perception  da  cea:invannaan  dfelà 
de  la  somme  égak  i  odk  ponr  k^iaDe  les  onmtés  «waisnl  été 
engagés.  Ici  fls  chsngeaient  k  naÉnva  da  k  i|iaalMn,^  da 
droit  pcJitique  devenail  dadroil  ac  siésiasIiqnaL  Wons  ne  anariona 
la  suivre  sur  ce  tanain,  parce  fue  k  pqiiliqna  neaalndnpns 
sur  les  scrupules  da  conscianoa  ut  anv  les  réglas  da'k  i 
dence  canonique.  Nona  pourrions  eepandanl 
peut-être  que  les  décréides  dinnnoant  III,  qni  oiigant  qna  k 
débiteur  soit  rends  an  possession  .dn  sa  prapriété.  dio  ifae  k 
créancier  en  a  retiré  les  fivits 


r>70  NOTES 

i-rtiiiie  de  ces  fruits  .soit  égaie  à  cello  du  capital  prêté,  qui  reste 
par  là  môme  éteint,  ibnt  une  exception  en  faveur  du  gendre  qui 
<'i yaii  I  rcru  de  son  beau-|>ÎTe  une  propriété  en  anlichrcse,  juaqu^au 
moment  ou  celui-ci  s'acquitterait  de  la  dot  par  lui  constituée  à 
sa  fille,  n'est  pas  obligé  à  l'imputation,  parce  que  la  dot  doit 
produire  naturellement  des  intérêts  qui  puissent  aider  à  sup- 
porter les  charges  du  mariage.  Or  cette  exception  nous  parait 
devoir  s*a[)pliquer  tout  naturellement  à  la  question  qui  nous 
occupe,  puisqu'une  province,  entre  les  mains  d'un  prince,  est 
comme  une  dot  entre  les  mains  d'un  gendre.  Cette  province  ne 
donne  que  l'impôt  nécessaire  pour  payer  les  charges  spécides 
au  pays,  et  contribuer  du  surplus  à  acquitter  les  charges  géné- 
rales de  l'étaL  Le  revenu  qu'elles  fou  missent  n'est  pas  un  hads 
susceptible  d'être  thésaurisé,  puisque  l'impôt  est  toujours  pro- 
|K)rtionné  aux  charges  qu'il  doit  couvrir;  que,  bi(*n  différent  du 
revenu  foncier,  qui  est  à  peu  prifs  fixe,  de  sa  nature,  ii  est  es- 
senlieliemeiit  variable,  et  qu'il  augmente  ou  diminue  suivant 
que  ces  charges  augmentent  ou  diminuent  elles-mêmes.  Ajou- 
tons que  le  Uoussillon  s'étant  dès  le  début  mis  en  état  de  guerre 
ouverte  avec  la  France,  les  n'venus  perçus  «  loin  de  profiter  à 
Tengagiste ,  avaient  du  être  dé|>ensés ,  au  contraire,  et  au  delà, 
|K)ur  rentrer  en  |)ossession  du  gage ,  et  mettn;  les  places  en  état 
de  défense  contre  les  révoltés. 

Ld^s  Aragonnais  avancent  ensuite  que  leur  n>i  irétait  pas  tenu 
de  remplir  les  conditions  du  ronirat,  attendu  que  le  roi  de 
France  ne  les  avait  pas  rt*niplies  lui-nu*me.  Premièrement, 
disent-ils,  les  lances  françaises  devaient  aider  le  roi  d'Aragon  de 
lotis  leurs  moyens ,  jusqu'à  l'eiitierc  soumission  de  la  Catalogne, 
et  elles  ont  quitté  ce  pays  avant  que  ce  ternie  fut  arrivé  :  elles 
iront  donc  |)as  effe<-tué  le  ser\ice  |M)ur  lequel  elles  élaieiil 
apjM»l^e^. 

'à"  Klhvs  devaient  être  aux  ordre»  du  roi  d'Aru^on  ,  et  elles  ne 
se  sont  pas  cou  fou  nées  à  ses  volontés. 


DE   l.A    DEUXIEME   PARTIE.  571 

.'V  1^  i-oi  lie  France  devait  être  l'allié  du  roi  d*Arag;oii,  et  il 
Mest  (Ict'larc  son  ennemi  en  favorisant  le  duc  de  Lorraine ,  élu 
par  les  rebelles  pour  êlre  leur  chef  :  le  roi  de  France,  au  lieu  de 
(ontrihuerà  éteindre  la  rébellion ,  a  donc  aidé  au  contraire  à  la 
laire  durer,  et  le  roi  d'Aragon  n'est  engagé  à  rien  envers  lui. 

Que  ré|)ond  le  roi  de  France  aux  ambassadeurs  de  don 
Juan  qui  proposaient  ces  grie&P  Les  lances  françaises  de- 
\  aient  être  à  la  disposition  du  roi  d* Aragon  jusqu^aprés  Teo- 
ticre  soumission  de  la  Catalogne ,  c*est  très-vrai,  mais  qu'estril 
arrivé  ?  I^  roi  d* Aragon  avait  déclaré  que  les  Français  ne  trou- 
veraient des  ennemis  à  combattre  qu'au  delà  des  Pyrénées,  et 
que  les  Houssillonnaisles  traiteraient  en  amis  et  leur  fourniraient 
tout  ce  qui  leur  serait  nécessaire  :  point  du  tout;  il  a  fallu  se 
battre  dés  la  frontière  du  Languedoc,  d*abord  à  Salses,  puis 
sous  Perpignan,  ensuite  au  Boulou,  enûn  au  Pertus.  Dmds 
toute  cette  traversée,  la  petite  armée  française  perd  beaucoup 
de  nioiide  et  quelques  capitaines  de  grand  renom ,  outre  la  dé- 
|)ense  considérable  qui  en  résulte  pour  ie  roi  de  France.  Le  roi 
d'Arap:on  prétend  que  les  Français  ne Iqi  ont  été  d*aucun  secours; 
et  pourtant  il  est  bien  notoire  que  c*est  à  leur  seule  présence 
que  la  reine  et  Théritier  du  trône  d* Aragon  doivent  leur  salut; 
ce  sont  les  Français,  qui,  seuls,  les  délivrèrent  des  mains  des 
Catalans  irrités  contre  la  reine,  qu'ils  accusaient  de  la  mort  du 
prince  de  Viane.  Ces  Français  s'avancent  ensuite  dans  l'intérieur 
de  la  Catalogne  :  le  roi  d'Aragon  ne  fait  préparer  pour  eux  ni 
vivres  ni  munitions ,  et  personne  ne  veut  leur  A  fournir.  Us  sont 
à  peine  sur  le  territoire  de  ce  prince,  que  déjà  la  misère  les 
assiège  et  que  les  maladies,  suite  de  la  misère,  les  déciment 
Le  roi  d'Aragon ,  ajoutait  le  roi  de  France,  est  injuste  envers  les 
Français,  puisqu'il  ne  peut  pas  nier  que  c'est  par  leur  secours 
que  furent  conquises  les  villes  de  Tarragone  et  de  Villefiranche 
(le  Panades ,  e\  plusieurs  autres  châteaux,  et  cela  dans  le  même 
temps  qu'on  attaquait  Barcelone  :  ce  n'était  donc  pas  unique- 


r)72  iNOTES 

ment  |X)ur  s'emparer  de  celle  viiic  qu'on  était  entré  eu  Aragon , 
comme  on  le  prétendait.  Les  Français,  eu  égard  k  leur  petit 
nombre ,  ont  fait  tout  ce  qu*il  leur  était  humainement  possîMe 
de  faire.  Si  au  lieu  d'aller  assiéger  Tortose  et  Lerida,  comme 
Taurait  désiré  le  roi  d* Aragon ,  ces  Français  ont  quitté  la  Cata- 
logne, c'est  qu'ils  étaient  dans  l'impossibilité  d'exécuter  les 
ordres  du  roi.  Le  pouvaient-ils,  quand  il  est  généralement  re- 
connu qu'à  la  suite  des  maux  qu'ils  avaient  éprouvés  depuis  leur 
entrée  en  Catalogne  ils  étaient  réduits  à  l'état  le  pins  déplo- 
rable ;  que  les  Aragon  nais  eux-mêmes  les  traitaient  en  ennemis, 
les  poursuivaient  partout  où  ils  les  rencontraient  isolés,  et  les 
tuaient  dans  les  maisons  ;  quand ,  par  la  réunion  de  toutes  ces 
causes,  il  avait  péri  déjà  plus  de  deux  mille  hommes,  et  au  delà 
de  quatre  mille  chevaux?  Si  donc  les  Français  ainsi  traités  en 
ennemis  ont  quitté  la  Catalogne,  la  faute*  n'en  appartient  qu'au 
roi  d'Aragon ,  et  ne  peut  être  imputée  qu'à  lui.  Le  projet  de 
siège  de  Tortose  et  de  Lerida,  dans  de  telles  circonstances, 
n'aurait  servi  qu'à  faire  périr  ce  qui  restait  encore  de  Français. 

Quant  au  secours  prêté  au  duc  de  Lorraine ,  ce  n'a  été,  disait 
le  roi  de  France,  que  la  conséquence  des  hostilités  commises 
déjà  contre»  les  Français.  Avant  même  que  les  Aragonnais  se 
fussent  tournés  contre  eux  en  Catalogne,  ainsi  qu'il  vient  d'être 
dit,  les  nobles  de  Houssillon  avaient  tenté,  sans  doute  à rinsti- 
gatioiide  leur  roi,  à  ce  que  supposait  Louis,  d'enleverle  seigneur 
du  Lan  ,  gouverneur  de  comté  |K)ur  la  France  ;  les  Perpignanaîs 
chassaient  la  garnison  française  de  leur  ville  et  l'assiégeait  dans 
]e  château  ,  et  on  arrêtait,  dans  le  même  leni[)s,  en  France,  un 
certain  André  Hoscados,  envoyé  |>ar  le  n>i  dWragon  au  roi  d'An 
gleterre  (Muir  presser  ce  prince  de  faire  la  guerre  à  liouis. 

Il  est  certiiin  que  ces  m'riminalions  ririproques,  ba1ani*ées 
les  unes  par  les  autres,  (lénioiilrent  qu'il  n'y  aviiit,  comme  nous 
l'avonsdit.  que  mauvaise  loi  de  part  et  d'autre,  el  qu'aucun  des 
griels  que  ces   princes  se   reprochent  niuluellcmenl  ne  |)out 


DE  LA  DEUXIÈME  PARTIE.  575 

etilrer  dans  la  bdaoee  contra  rexécatkm  liltérde  du  Irtilé. 
Mais  le  roi  d* Aragon  ménw,  qui  prélendml  n*élra  pas  obligé 
par  ce  traité ,  prouva  qu*il  le  regardait  eonniiê  oUigaloire  r  lon- 
qiie,  par  Tartide  i5  du  icoond  traité  concin  et  tigué la  17  Mp- 
tembre  i473  à  Perpignan, pondant  le  séjour  dadoD  Juaadaat 
cette  Tille«  ot  par  conséquent  sons  ses  yeux  ei  sous  son 
influence ,  3  promettait  de  renbonrser*  dans  le  lapa  d*un  an, 
le  montant  de  la  somme  pour  laqodle  la  psovinoe  arait  été  en- 
gagée ;  voici  le  texte  de  cel  article  :  t  H  a  été  convenu  aussi  de 
«  mettre  à  la  pramièra  ligne  des  conditiena  fne«  dans  le  terme 

•  de  iannéequi  commencera  fcpartirdu  jour  on  le  tr^scinilieu 
«  roi  de  France  aura  reçu  etconOrmé  cm  pnolm  et  conveutiena, 

•  le  sérénissime  roi  d*Aragon  sera  tenu  de  peysr  toute  caMe 

•  pécune  qui  est  contenue  dana  le  contrat  de  rengagement;  et 
«aussitôt  qu  a  se  sera  libéré  de  ceUe  della«  €*esU-dira  ipria  le 

•  payement  de  cette  même  comme,  ledil gonrai'ueui  (de  Bans 
«  sillon)  restituera  an  même  sérénissime  rot*  on  à  eeim  i  0fà 
t  ledit  roi  en  aura  donné  pouvoir»  sw  ceintes  de  Ronssilea  ut 
t  de  Cerdagne ,  etc.  •  B  n'eat  donc  nulleinsnt  douJeu*  que 
ne  seconsidérAl.ioette  époque,  qui  était 
il  avait  Sût  soukvor  Perpignan  conira  Im 
oMigé  de  rem|dir  Im  conditiona  de  fengagamant^  qn*9  ne-m 
regwdét  coeamo  bien  et  légalement  débiteur  du  rai  de  Plwee, 
et  que  ce  neatfaeplus  tard  que  Tidée  Im  vint  de  mer  aheo» 
lument  la  dette.  L'opinion  dm  msmbras  de  eon  ooMaB' a*dlrit 
pas  difilrante  quand,  le  prmsant  de  quitter  laiifameriHon  utde 
se  randra  à  Bararione  ponr*oo0POqaar'im  oavts,  afin  d'uvisir 
aux  moyens  d'opérar  le  dégagement^  Be  lui  eftment  d»  lil 
livrer  pour  le  »iliiwHB<snsnl  fcmsIsuÉe  biens ,  et  qmmài^fam 
exprimer  leur  sentiment  sur  cette  dette  «Pto  plm  dPéMifie; 
allaient  jusque  cette  eiagératien  de  dm  qn*iia 
même  pour  oria^  eV  le  fdUt,  jîtefa*!  knra  «eAatsi  Ob  i%it 
donc  que  par  mauvaise  fin  qw  Jttnn  •'i«isÉ,>peÉ  in  enite,  éâ 


574  NOTES 

faire  intervenir  la  conscience  contre  ia  prétendue  usure  de 
Loui»,  à  raison  des  sommes  |)er(;ues  sur  les  revenus  des  com- 
tés ,  au  delà  des  trois  cent  mille  écus ,  circonstance  prévue  d* ail- 
leurs dans  le  contrat  :  «  Renunciamus  omni  jure  canonico  et 
«  civili  foris ,  etc.  qui  et  qupp.  —  vobis  iUustrissimo  Francorum 
>  régi  nocere  aut  obesse  possent.  ■  En  refusant  ainsi  tout  rem- 
boursemenl  des  sommes  dont  il  était  débiteur,  Juan  servait 
admirablement,  il  faut  le  dire,  la  politique  de  Louis,  qui, 
tenant  à  garder  cette  province ,  aurait  été  fort  embarrassé  par 
une  conduite  ouïe  contraire ,  c  est-à-dire  probe  et  loyale. 

Ferdinand  II  prétendit,  de  son  côté,  que  le  roi  de  France  ne 
pouvait  pas  garder  les  deux  comtés  pour  la  sonrnie  pour  laquelle 
ils  étaient  engagés ,  parce  que  leur  valeur  était  supérieure  à 
cette  somme.  En  cela  il  y  a  deux  choses  à  considérer.  Comme 
nous  Tavouft  dit ,  les  trois  cent  mille  écus  n*étaient  qu'une  sorte 
d'abonnement  qui  pouvait  être  avantageux  ou  onéreux  ài*un  ou 
à  l'autre  des  contractants,  suivant  le  temps  que  la  guerre  de 
Catalogne  durerait.  Mais  d'ailleurs  ce  n'est  pas  l'argent  qui 
aurait  arrêté  Ix)uis.  Le  Roussillon  était  à  sa  convenance,  et  ce 
prince  cherchait  par  toutes  les  voies  à  rapprocher  la  France  des 
anciennes  limites  des  Gaules.  Sous  son  règne ,  la  Iketagne,  la 
Bourgogne ,  la  Provence  et  ce  même  Roussillon ,  étaient  venus 
donner  au  royaume  une  étendue  et  une  consistance  qu'il  avait 
perdues  depuis  longtemps.  Pour  arriver  à  ses  lins  Louis  ne  mé- 
nageait pas  l'argent ,  el  ce  n'est  pas  quelques  cent  mille  écus  qui 
l'auraient  arrêté  ;  aussi  proposait-il  à  Ferdinand  de  peidre  cin- 
quante mille  ûcus  sur  les  trois  cent  mille  de  l'engagement,  de 
lui  faire  une  forte  pension  à  lui ,  à  sa  f  mme  et  à  sa  fille ,  et  de 
lui  compter,  de  plus,  deux  cent  cinquante  mille  autres  écus 
d'or,  au  moyen  de  quoi  les  souuues  qu'il  aurait  donnée»  |K>ur 
les  c(>niti«  auraient  formé  un  total  de  cinq  cent  cinquante  mille 
écus,  non  compris  celles  qu'il  proposait  |)Our  |)ensions ,  et  Fer- 
dinand n'aurait  n*nouvelé  l'engagement  que  sur  le  pii*d  de  cinq 


1)K    LA    DEUXIEME    PARTIE.  575 

vvu\  mille  (Vus.  Quant  à  la  question  de  savoir  de  combien  ta 
valeur  de  la  province  excédait  celle  en  garantie  de  laquelle  elle 
était  donnée  en  nantissement ,  c'est-à-dire  trois  cent  mille  écus 
d'or,  il  estdilFuilede  la  résoudre  bien  pertinemment,  puisqu'il 
ne  s'apt  |)oint  ici  de  la  valeur  du  fonds,  mais  uniquement  du 
firoduil,  si  vanable ,  «le  rimp<U ,  après  défalcation  des  sommes 
nécessaires  pour  l'acquittement  des  cbarges  locales,  somme 
qui ,  au  lieu  de  tomber  dans  le  trésor  royal  d'Aragon ,  devait 
passer  dans  celui  du  roi  de  France  ;  il  faudrait  pour  cela  con- 
naître ce  que  valait  Timpôt  à  cette  époque,  quelle  était  la 
quotité  des  charges  dont  cet  impôt  était  grevé,  et  quelle  somme 
revenait  ensuite  au  trésor.  Mais  à  défaut  de  ces  documents 
précis  nous  pouvons  arriver  à  un  résultat  approximatif,  par 
analogie. 

En  1  ^63  Louis  XI  devint  Tarbitre  des  différends  entre  le  roi 
d'Aragon  et  le  roi  de  Castille.  Par  Tun  des  articles  de  sa  sentence 
arbitrale  l^uis  s'était  obligé  à  déposer  les  deux  comtés  de  Rous- 
sillon  et  de  G;rdagne  entre  les  mains  du  comte  de  Foix,  gendre 
de  ce  monarque,  en  dédommagement  du  mérindat  d'Ëstelia 
que  la  même  sentence  arbitrale  enlevait  à  la  Navarre,  sur  laquelle 
(f  aston  de  Foix  avait  des  prétentions.  La  cession  des  deux  comtés 
eut  lien  en  effet,  par  acte  du  2à  mai;  mais  le  même  jour  elle 
fut  annulée  par  un  second  acte  qui  rempla<^ait  ces  deux  comtés , 
entre  les  mains  de  Gaston,  par  d'autres  territoires  équivalents, 
c'est-à-dire  par  la  ville  et  la  sénéchaussée  de  Gircassonne,  avec 
leurs  revenus,  que  Louis  leur  livrait  au  même  titre  que  le  Roas- 
sillon  et  la  Cerdagne,  par  contrat  pignoratif.  Dans  l'acte  de  cet 
en ga «cernent  il  fut  stipulé  que,  si  au  bout  de  deux  ans  Louis 
ne  restituait  pas  à  ce  même  comte  de  Foix  le  RoussiUon  et  la 
Ordagne,  en  y  ajoutant  la  vicomte  de  Mauléon  de  Soûle,  on 
bien  s'il  ne  lui  payait  pas,  à  la  place  de  ces  difl'érents  territoires, 
une  indemnité  de  trois  cent  soixante  et  seixe  mille  cent  quatre- 
vingt-un  éciis  d'or,  ce  gage  de  la  ville  et  de  la  sénédiaussée  de 


576  NOTKS 

Carcassonnc  serait  acquis  (lélîiHtivemcnt  au  comte  de  Foix. 
Voilà  donc  les  revenus  de  nos  deux  comtés,  à  cette  époque,  et 
ceux  d*unc  vicomte  en  sus ,  mis  en  équilibre  avec  les  revenus 
delà  ville  et  de  la  sénéchaussée  deCarcassonne,  et  les  uns  et  les 
autres  représentés  par  une  somme  de  trois  cent  soixante  etseiie 
mille  cent  quatre-vingt-un  écus  d'or.  Quoique  Louis  ne  fût  pas 
avare  (fargent  quand  il  voulait  atteindre  un  but  politique ,  on 
ne  |>eut  pas  supposer  ce^iendant  qu*il  fût  prodigue  sans  nécessité; 
td  ne  le  [leint  pas  Thistoire.  Il  est  donc  certain  qu*en  proposant 
au  comte  de  Foix  Tarrangemcnt  dont  nous  parlons,  Louis 
n*avait  pas  (lerdu  de  vue  ses  intérêts  financiers.  Or,  puisqu'il 
consentait  à  Tabandon  du  gage  au  bout  de  deux  ans,  s*il  ne 
rendait  pas  les  comtés  de  Roussillon  et  de  Cerdagiie  et  la  vi- 
comte de  Mauléon  que  ce  gage  rempla<^ait ,  il  devait  avoir  donné 
à  ce  gage  une  valeur  fort  rapprochée  de  sa  valeur  réelle.  En 
supposant  que  les  soixante  et  .«leize  mille  cent  quatre-vingt-un  écus 
d*or  représentent  la  valeur  de  la  vicomte  de  Mauléon,  il  restera 
pour  représenter  celle  des  deux  comtés  les  trois  cent  mille  de 
rengagement  ;  or  nous  venons  de  voir  que  les  sommes  proposées 
f>ar  ce  prince  à  Ferdinand ,  (>our  conser\'cr  ces  comtés ,  étaient 
fort  supérieures  à  cette  évaluation  puisqu'elles  montaient  pres- 
que au  double. 

Après  avoir  examiné  la  question  de  rengagement  sous  le 
rapport  de  la  légalité  de  la  dette,  et  de  la  légitimité  de  la 
possession  jusqu'à  rem  Iran rsement,  il  est  un  autre  point  de  vue 
sous  le(|uel  nous  devons  la  considérer,  celui  du  droit  de  la 
guerre,  dont  personne  ne  s'est  occupé. 

Ln  contrat  pignoratif  livre  la  jouissance  des  fruits  et  de  la 
propriété  teni|)oraire  de  la  province  de  Houssillon  au  roi  de 
FraïK^e  ;  mais,  pendant  que  I^uis  est  dans  la  |Niisible  possession 
de  son  nantiss(*ment .  le  roi  d'Aragon  lui  enlève  ce  nantissement 
|iar  suqiriscet  par  violence;  une  insurrection , qui  cause  la  mort 
de  plusieurs  Français ,  a  lieu  dans  Perpignan ,  à  la  sollicîtalîon 


DE   LA    DEUXIÈME   PARTIE.  577 

(le  Juan  11,  qui  s*y  rend  eo  personne;  et  bîenlôl  les  Français, 
expulsés  de  partout,  ne  s*appuient  plus,  dans  la  province  en- 
gagée, que  sur  les  châteaux  de  Perpignan,  de  Salses  et  de 
(x)lliourc.  Ijos  Français  reviennent  en  force,  une  guerre  com- 
mence, et  la  puissance  des  armes  les  remet  en  possession  du 
Roussillon.  Alors  la  question  change  entièrement  de  face;  le 
Uoussillon  n*est  plus,  entre  les  mains  de  Louis,  le  gage  d*un 
argent  prêté;  il  devient  celui  de  la  victoire.  A  partir  de  ce  010- 
ment,  le  roi  de  France,  qui  en  a  acquis  la  possession  au  prix 
(lu  sang  de  ses  soldats ,  peut  en  disposer  comme  il  Tentendra, 
car  la  province  lui  appartient  réellement  par  le  droit  de  Tépée , 
indépendamment  des  titres  que  lui  a  déjà  donnés  rengagement^ 
qui  restent  toujours  entiers;  le  Roussillon  rentre  alors  dans  la 
catégorie  de  tous  les  pays  envahis ,  qui  restent  au  pouvoir  du 
conquérant  jusqu*à  ce  que  cdui-cis*en  dessaisisse  par  traité  00 
autrement,  aux  conditions  qii*il  voudra  mettre  à  son  dessaisis- 
sement. Louis  avait  donc  le  droit  incontestable  de  garder  sa 
conquête ,  puisqu*on  ne  pouvait  pas  Ten  chasser  de  vive  force , 
ou  de  la  rendre  en  réglant  les  conditions  de  la  restitution.  Ces 
conditions  furent  que  le  roi  d* Aragon  rembourserait  la  somme 
|X)ur  laquelle  la  province  avait  été  primitivement  engagée  :  aucun 
traité  n*a  exprimé  ces  conditions,  mais  elles  résultent  naturelle- 
nient  des  faits ,  puisque  le  roi  de  France  continue,  après  sa  con- 
(|uête ,  à  réclamer  Texécution  des  clauses  de  rengagement  A 
partir  de  1  h'jb ,  il  n*est  donc  plus  question  de  savoir  si  les  reve- 
nus |)erçus  ont ,  ou  non ,  excédé  la  valeur  du  capital ,  et  s*îl  j  a 
usure  dans  la  continuation  de  la  jouissance  de  ces  revenus  ;  la 
conscience  n*est  plus  pour  rien  dans  cette  aflisire  ;  la  province 
n'est  plus  seulement  engagée ,  elle  est  conquise;  et  si  le  roi  de 
France  consent  à  la  rendre  pour  une  somme  d*argeai,  celle 
somme  n*est  plus  censée  représenter  le  capital  du  prêt,  ce  n*est 
qu'une  somme  uiLse  en  compensation  de  la  conquête  :  ceci  est 
lonforine  à  tous  les  princi|ie9  du  drtiit  politique,  de  la  giierreet 
II  37 


578  NOTKS 

dos  goii.s.  Il  ne  s*agit  donc  pins  (l(>  savoir  si  ta  vnleurdu  la  |iru- 
vincc  était  aii-dossiis  de  la  somme  |>our  laquelle  elle  avail  été 
en^a^('e,  comme  rohjfH:tait  Ferdinand;  noub  le  réfiétuns,  la 
question  n'est  plus  la  mrme:  le  Roussillon  nVftl  \)lui>  un  pays 
eii^a^,  c'est  un  pays  pris  par  la  fon'e  des  amies,  â  la  suite 
d'une  guerre  juste,  et  sur  lequel  le  vainqueur  a  acquis,  du  laîl 
de  sa  victoire,  le  droit  depro|>riétc.  (^*esl  de  cette  manière  que 
Louis  XI  avait  df'jà(*nvisa;;é  a  chose,  mais  alors,  pr(''maiurémenl 
peut'C^tre.  après  la  prise  de  l'crpit^nan  à  la  suite  de  la  première 
insurrection  de  cette  ville  contre  si»s  troupes,  en  i46a.  Quand 
les  habitants  lui  eurent  en voyc  une  députatiou  pour  lui  demander 
8*il  consentait  à  confinner  leurs  piiviléges,  il  ré|X)ndit  (pie  de- 
puis leur  révolte  contre  lui  il  n*avait  l)esoin  de  faire  valoir  auprès 
d*eux  que  son  droit  de  conquête.  Si  après  li'jli  Louis  avait 
maintenu  la  question  sur  ce  terrain  ,  il  aurait  mis  la  conscience 
timorée  de  son  successeur  hors  de»  atteintes,  sous  ce  rap|)ort, 
des  obsessions  hypocrites  de  Fei-dinand;  de  Ferdinand  qui, 
en  1Â78,  ne  songeait  nullement  a  contester  l<*s  droits  du  roi  de 
France,  car  voici  ce  qu*en  fwrivait  alors  de  Madrid,  à  Louis \l, 
Jean  de  Grollaye  de  \  illiers ,  cvcque  de  Lombes ,  son  ambassa- 
deur :  •  Au  rcganl  du  Roussillon ,  rarbilrage  tirera  avant  pour 
«entretenir  le  roy  d'Aragon,  et  m'ont  dit  iesdits  roy  et  royne 
«  (Ferdinand  et  isal)elle  ■  que  après  son  (repas  \ous  en  a|>poin 
itérez  bien  aisément;  et  mu  dit  la  n>yne,  a  part,  que  p<iui 

•  Rouiiillon ,  Gitalongne  ne  Aragon  jamais  n'auret  guerre  de 

•  Gistille  ,  et  que  ne  souciiei.  de  Rouxillon,  car  elle  eu  prend  la 

•  charge.  —  Aussi  M.  le  cardinal  ma  dit  que  quelque  marche 

•  qu'il  y  ave,  Rouxillon  \ous  demeurera,  et  de  toute  (iastille 

•  vous  pouvez  être  assutv  aussi  bien  que  de  vostre  royaume.  ■ 
(  Dacherii  Spinletj.  toin.  11.  ; 


DE    LA    DEUXIFMK    PAKTIE  r)79 

NOTK   VI. 

Sur  la  ciUtdfUe  de  Pfrpuinun  et  It  Grand  ChêÊéau. 

Dans  les  instniclioiKs  que  Louis  XI  donna  à  Dubouchage,  en 
1  envoyant  à  l^rpignaii ,  à  i'occasiun  de  la  capitulation  de  cette 
place,  il  lui  recommande  par-des5U9  tout  de  faire  bjitir  uoe  ci- 
ladeile ,  pour  brider  U  ville  et  tenir  en  respect  les  habitants,  et, 
(lans»a  lettre  du  ao  avril,  il  lui  di)  de  la  laisser  construire  par 
l^)llile  comme  il  Tentendra,  sauf  à  en  faire  construire  ensuite 
mie  seconde  de  la  manière  qu'on  le  lui  a  indiqué,  si  la  première 
ne  sullit  pas.  Ces  deux  ftnieresses  furent  élevées  :  Tune  sur  rem- 
placement du  bastion  actuel  de  SaintnJacques,  de  son  fosfté  et 
(le  son  glacis ,  se  prolongeant  jusqu*à  la  porte  de  Omet  :  on  lui 
donna  le  nom  de  grand  bbâteau ,  par  opposition  au  petit  cha* 
lean  ou  (iastillet;  Tautre  sur  la  colline  que  couronnait  déjà  le 
château  des  rois  de  Majorque  :  c'est  aujourd'hui  la  citadelle. 
Nous  ne  pouvons  rien  dire  de  la  forme  du  grand  château ,  dont 
il  n'existe  plus  rien  aujourd'hui;  quant  à  la  citadelle  «  elle 
consista  eu  tme  augmentation  de  TenceiAte  de  Tanciemie  rési- 
dence des  rois  de  Majorque. 

Du  temps  de  ces  rois  il  n'y  avait  guère  autour  de  ce  chéleau 
qu'uif  fossé,  avec  unpont-levis  placé  devant  la  principale  potte, 
ainsi  que  le  témoigne  le  proees-vcrbal  de  la  remise  qui  en  (ut 
r.iite  aux  agents  du  roi  d'Aragon,  par  les  ordres  de  Jayme  U, 
pièce  que  nous  avons  déjà  doonée  aux  preuves  de  cet  ouvrage. 
Les  murailles  de  la  ville ,  en  allant  de  la  |)orte  Saiiit-Martm 
a  la  p)rte  d'Une,  passaient  en  dehors  de  ce  château,  qui  se 
trouvait  amsi*reniermé  dans  Tenceinle  fortiliée.  Après  l'eitiiic- 
lion  du  royaume  de  Majorque  ce  château  fut  converti,  par 
Pcdre  IV,  en  une  véritable  ibrteresfle,.au  nnoyen  de  quelques. 
au<:mentations  qu'il  serait  bieo .  difficile  de  détartnîher  avec 

37. 


580  NOTES 

exactitude  n  travers  ton  tes  les  démolitions ,  roconstnictions  et 
rcniiiciiients  du  terrain  qui  ont  eu  Heu  depuis;  on  d(k»uvrG 
encore  cependant  sous  les  terrassements ,  au  non!  et  au  midi , 
des  traces  d*une  enceinte  de  murailles  avec  des  tours  garnies 
de  barbacanes. 

Cette  première  enceinte  éprouva  des  changements  sous  les 
successeurs  de  Pcdn* ,  quand  Tusage  se  répandit  de  garnir  de 
canons  les  murailles  des  fortifications.  Il  est  certain  qu*3  y  en 
avait  dc'ijà  au  château  de  Perpignan  quand  le  Roussillon  fut 
engagé  à  la  France,  puisque  les  Frani^ais,  assiégés  dans  ce  châ- 
teau par  les  habitants  de  la  ville,  en  i  AOa,  aplanirent  un  mon- 
ticule qui  empêchait  T artillerie  de  battre  le  quartier  de  Perpi- 
gnan du  c(*>lé  du  Matatoro.  l'ôur  placer  du  canon  sur  Venceinte 
de  Pcdrc  ou  de  Martin ,  on  commença  par  doubler  les  murailles 
dans  les  endroits  où  elles  n*auraient  pas  été  probablement  asseï 
fortes  pour  résister  k  la  poussée  des  terres  dont  il  fallait  les  char- 
ger, et  on  âeva  un  contre-mur  à  distance  convenable,  afin  de 
pouvoir  combler  de  remblais  tout  Tespace  intermédiaire  :  c*est 
ce  qu*on  nK:onnait  encore  en  quelques  endroits. 

Quand  Louis  \1  voulut  brider  la  ville  par  une  bonne  citadelle, 
on  ne  lit  qu*augmcnter ,  à  ce  qu*il  parait,  cette  enceinte  de 
I^re  IV ,  qui  se  terminait  a  Tendroit  où  sont  les  vieilles  ca- 
sernes construites  elles-mêmes  sur  la  contrescarpe  du  fossé  de 
cette  enceinte.  L*enceinto  nouvelle  s*étendit  du  côté  de  l'orient 
jusqu'au  delà  des  casernes  neuves ,  circonscrivant  ainsi  toute  la 
place  d'armes  actuelle. 

(ihnrIes-Quînt,  trouvant  insuflîsante  la  citadelle  de  Louis  XI, 
en  augmenta  ta  fonx*  par  l'addition  de  deux  redaiis  unis  |Mir  une 
courtines  et  a ppuyc*s  chacun  par  un  de  leurs  oôU's  aux  murailles 
de  la  ville.  (l(*s  deux  redans  sont  remarqua bli*s  en  ce  qu'ils 
semblent  être  le  [iremier  essai  du  sy.Mème  de  fortification  angu- 
laire, et  en  ce  que  ce  premier  essai  ap|Mirtient  à  TFiipagne  et 
non  à  ritalie.  Ces  redans  furent  lerminés  en  i55o,  mais  les 


DE   LA    DEUXIÈME   PARTIE.  581 

ordres  de  Qiarles-Quinl  pour  commencer  les  travaux  de  restau- 
ration des  fortifications  de  Perpignan  étaient  antérieurs  à  i5a8*. 
Bien  plus,  une  tendance  vers  cette  môme  fortification  angulaire 
se  fait  déjà  apercevoir,  dès  la  fin  du  xv*  siècle,  dans  la  cons- 
truction du  nouveau  fort  de  Salses,  dont  les  tours  et  demi-lunes, 
au  lieu  d*étre  exactement  rondes ,  présentent  au  contraire  une 
sorte  d*éperoa  saillant,  qui  en  fait  ressembler  le  plan  à  la  pointe 
des  anciens  écus  des  chevaliers. 

Lltalicn  San-Micheli  ne  fit  donc  que  perfedtionner  cette  pre- 
mière idée  de  la  fortification  flanquante,  dans  son  invention  des 
bastions,  dont  les  premiers  fiirent  construits  par  lui  k  Vérone, 
vers  1  bào.  Vasari ,  qui  publia  sa  Vie  des  peintres  en  i55o,  (ut 
le  premier  qui  fit  connaître  cette  invention  de  San-Micheli, 
dans  la  troisième  partie  de  son  ouvrage.  Cette  importante  déoon- 
verte  fit  aussitôt  changer,  à  ce  qu*il  parait,  le  plan  arrêté  en 
premier  lieu  pour  la  restauration  des  fortifications  de  Perpignan; 
on  traça  pour  la  citaddle  un  plan  nouveau  dans  la  forme  d*on 
hexagone  bastionné,  auquel  Philippe  II  fit  travailler  avec  activité. 
Ces  premiers  battions  avaient  à  chacun  de  leurs  angles  une 
tourelle  qui  s*élevait  à  une  certame  hauteur,  et  que  plus  tard 
on  remplaça  par  des  guérites  si^iUaDtes.  Pour  former  autour 
de  la  citadelle  de  Loub  XI  cette  nouvelle  enceinte,  et  pour  en 
découvrir  convenablement  les  approches,  il  &llut  démolir,  dit- 
on  ,  environ  un  millier  de  maisons.  La  plupart  étaient  désertes 
et  abandonnées  depuis  longtemps.  La  population  de  Perpignan 
n*ctait  plus  alors  ce  qu^elle  avait  été  sous  le  dernier  roi  de  Ma- 
jorque ;  les  sièges  longs  et  calamiteux  que  cette  viUe  avait  sou- 
tenus avaient  tellement  diminué  le  nombre  de  ses  habitants, 
que  cette  quantité  de  maisons ,  dont  le  nombre  semble  exagéré, 
ne  faisait  pas  la  moitié  de  celles  qui  se  trouvaient  désertes,  sui- 
vant ce  que  témoignent  certains  écrits  du  temps. 


i\e  tf  Aamx  iiMpht  radaM  «m  •■rail  lût  èm  WilioM.  L'nicalÎMi  im  oM  wiifi,  «If* 

1^18  cl  i&^.cttdoocaaléhMraà  U  Mnmxm^  A» Sm-Mîrkrfi. 


r)82  NOTES 

l^es  travaux  qui  h'exfxiilniciil  à  Perpignan  |iour  )a  défense  de 
la  ville  avaient  M  ini|X>sc9  |>ar  Charies-C^ini  aux  vigiieriet  de 
Boussillon  et  de  Cerclage,  dont  les  haliitants  devaient  les  ao 
cQuiplir  par  eux-mêmes  ou  par  des  rcra plaçants.  Outre  cette 
preslatioo  en  nature,  de  la  part  des  citoyens,  les  consuls  de 
Perpignan  avaient  encore  à  fournir  les  manœuvres  et  les  hétes 
<ie  somme  pour  le  transport  des  matériaux.  {Arch.  tiom^)  Pour 
faciliter  à  ces  magistrats  les  moyens  de  payer  les  ouvriers,  Tem- 
fiereur  leur  |)ermil,  le  i5  de  juin  i5a8,  de  faire  frapper  de  la 
monnaie  de  billon  au  coin  des  armes  de  la  ville ,  en  quelque 
métal  que  ce  fût,  sous  Texpresse  condition  qu*ils  la  rempla- 
ceraient par  de  la  oionnaie  d*or  ou  d'argent  de  cours  légal,  k 
toute  personne  qui  voudrait  la  changer,  et  à  sa  première  réqui- 
sition. {Arch.  dom.)  Plus  tard,  le  29  janvier  ifiôb,  un  arrêt  de 
Taiidiencc  myate  de  Barrtïlone  prescrivit  à  tous  les  habitants  de 
Perpignan ,  sans  distinction ,  de  contribuer  à  ces  trovaux ,  par 
feux ,  en  di'iluisant  dix  fKMir  i«nt  (tour  les  pauvres  qui  n'avaient 
|»a»  les  moyens  de  payer;  nul  ne  pouvait  en  être  dis|>ensé,  mili- 
taire, stipendié,  familier  du  «Junt-olFice,  laïque  on  clerc.  Ciejien- 
dant,  comme  ces  travaux  (Hnieut  tres-considérables  et  la  dépense 
immense,  et  que  cette  charge  longtemps  prolongée  devenait 
trop  onériHise  |iour  les  seuls  Imbitants  du  RoussiUoii  et  de  la 
Ccnlagne,  Philippe  11  ordonna,  en  1073,  sur  le  motif  que  la 
|»opulation  était  sensiblement  diminuée,  et  que  depuis  dix  à 
douze  ans  plus  du  mille  maisons  étaient  ruinées  ou  rendues 
inhabitables,  querelles  des  vigueries  de  (ialalugnequi  avaient 
étf'f  im|>osr*es  fxiur  la  re^vi ration  des  fort i I if 'h( ions  de  l^in^lonr 
cessassent  de  payer  |K)nr  cotte  ville,  et  que  les  tigueries  de  Vie, 
de  \!anri>sa.  de  IVrga,  de(if'r\era,  de  Tarragonc.  d'LJrgel  et 
de  Leridu,  ainâi  que  le^  hahilants  de  Poblet.  eusneiit  »  contri- 
hni'i'  .nix  travaux  qni  s'i'xccntaienl  a  Perpignan,  fieiulant  la 
ibii'ce  «le  trois  ans  (Àtinine  a  raÏMin  de  la  giande  ilislani^c  qu'il 
\  jx.iil  ij'- toutes  •!*%  xilti'«>  .1  Perpigii.iM  Irs   habitants   ne  jHMir 


1)K    LA    DKUXIKMK    PARTIE.  585 

raient  p«is  comroiirir  à  ces  travaux  par  prestation  en  nature,  ils 
(ievaient  s'arranger  pour  paver  quatre  cents  livres  de  Barcelone 
|K>ur  rliacuiie  de  ces  trois  annét\s  ,  et  |K)ur  les  suivantes  «  s'il  en 
l'tail  besoin.  Le  roi  |>ensait  c|ue  ■  on  ne  trouverait  pas  cette  con- 
M  iributioii  trop  forte,  attendu  qu'il  faisait  exécuter  les  travaux 
uu\et-  toute  la  diligence  |>ossible,  atin  de  mettre  cette  ville  en 
«  état  de  résister  aux  forces  ennemies ,  et  assurer  par  là  le  repos 

•  (le  toute  la  Catalogne ,  et  aussi,  [)arce  que  cette  somme  n'était 
M I  ieu  en  comparaison  de  ce  qu'avaient  coûté  les  autres  ibrtifi- 

•  calions  de  Perpignan  aux  peuples  de  Roussillon,  pendant  plut 
«  (le  ti*cnle-huit  ans,  outre  qu'ils  duraient  encore^  etc.  ■  {Arck, 
f/oin.)  Cette  contribution,  qui  fut  consentie  par  les  cortSi  fut 
maintenue  jusqu'à  Tannée  i585,  qu'elle  fut  supprimée  (CotuL 
ilr  (.'a t.)  :  c'est  donc  à  cette  é|)0(|ue  qu'il  faut  plaoer  Teotiet 
aehevemenl  de»  travaux.  : 

I /entretien  des  casernes  que  Louis  XI  avait  fait  bâtir  daiu  m 
citadelle  ayant  été  abandonné  après  le  départ  des  Français  « 
Kerdinaiid  11  en  ordonna  la  restauration  le  3o  janvier  i5o3,en 
lanrant  vivement  le  procureur  royal  de  RousaSloii  de  sa  négU- 
^ence.  qui  était  cause  que  la  dépense  serait  très-considérable. 
An  h.  (lom.) 

Quand  le  Roussillon  revint  définitivement  à^  la  France,  par 
la  paix  des  Pyrénées,  Vauban  fit  compléter  les  (ortilkationa <ie 
Perpignan  en  augmentant  autour  de  la  ville  la  force  de  <|ud* 
ques-uns  des  bastions  construits  sous  Cbarles  V  et  Philippe  11, 
en  détournant,  par  une  coupure  qui  les  jette  dans  la  Tet,  près 
(lu  faubourg,  tes  eaux  de  la  Basse,  qui  coidaient  alors  dans  le 
lossé,  derrière  Saint-Jean,  et  cela  afin  d'établir  des  demi^lnnes 
(le>ant'4^s  courtines;  et  eo  ajoutant  d'autres  demi-lunes  sur 
(-en\  des  fronts  de  l'hexagone  de  la  citadelle  qui  en  étaient  dé* 
pourvus. 

l)\ipn*s  le  dernier  plan  arrêté  |Hnir  l'augmentation  de  la  cita- 
(lell(>,  on  devait  supprimer,  après  l'achèvement  de  la  nouvelle 


584  NOTKS 

enceinte  liastionni'c ,  toulce  qui  restait  de  Tenceinte  de  Louis  XI. 
et  CCS  (léniolilioiis  étaient  déjà  commencées  quand  le  Roussillon 
passa  à  la  France.  Vaul>an ,  r^ardant  au  contraire  la  conser- 
vation de  cette  double  enceinte  comme  très-avantageuse  pour  la 
force  de  cette  citadelle ,  fit  relever  ce  qui  était  déjà  abattu,  et  il 
organisa  les  tours  carrées  qui  en  terminaient  les  angles,  en 
bastions  dont  le  saillant  a  la  même  capitale  que  ceux  de  la  nou- 
velle enceinte'. 

Une  foule  d*individus,  par  un  de  ces  abus  si  fréquents  en 
Roussillon  sous  le  régime  espagnol,  s^élaient  fait  inscrire 
comme  gardes  ou  portiers  des  fortifications.  Philippe  II  régla, 
en  iSgg,  que  le  nombre  de  ces  employés  ne  pourrait  être  de 
plus  de  douie  dans  Perpignan ,  et  de  trente  dans  tout  le  reste  de 
la  province. 

La  ()orte  d'entrée  de  la  citadelle ,  terminée  en  1 577 ,  est  ornée 
de  chaque  côté  de  deux  cariatides  à  gaine  accouplées  et  sur- 
montées d*un  entablement  dorique,  dont  chaque  métope  est 
timbrée  deTun  des  écussons  de  la  monarchie  espagnole.  La  fiîse 
porte  cette  inscription  :  Philippiu  II,Dei gracia,  Hispaniamm  rtx, 
iiefetuor  ecclesiœ,  L*écu  général  des  armes  d*&pagne  surmontait 
cette  inscription ,  et  comme  cette  porte  fut  achevée  sous  le  gou- 
vernement du  duc  d'All)e,  les  annes  do  ce  seigneur  étaient 
sculptées  au-dessous  de  celles  du  royaume.  Cette  façade  était 
surmontée  d*une  lanterne  à  jour,  très-pittoresque,  composée 
d'une  coupole  supfiortée  par  des  colonnes  doriques  ;  elle  a  été 
rasée  depuis  [leu  d'années.  Les  cariatides  de  la  porte  ont  donné 
lieu  à  une  opinion  reganléc  par  le  peuple  comme  incontestable. 
La  multitude  veut  voir  dans  les  différentes  [Misitions  des  mains 
de  ces  figures  des  allusions  à  Tinexpugnabilité  do  M  place. 
Cette  sup|)osition  n'a  pas  le  moindre  fondement:  l'attitude  do 


NiMu  HioiBCi  r««lri«blc  Je  ce*  diffirrenlM  nlnm^titiut  *  M.  le  U^rna  (iuirauii  Jt  NmbI 
MmvI,  cvIuiirl-diricUiir  «lu  fvsie  *  IVr)iigBda  ,  iiiu  *  bira  hhiIm  uuus  «4HiiHiuai«|Mrr,  Àtt 
afrki%M  (le  M  JinviMMi ,  IiniI  ce  «fui  |iMi««it  B-.iii  rire  île  iiaekiue  «iililr  tUa»  U  imiUc  tic 
Boirt  Udvad  rel^ù»*  «mi  (utlifcc«1iuBB 


DE    LA   DEUXIEME    PARTIE.  585 

CVS  cariatides  est  le  fruit  du  caprice  de  TarUsIe,  et  non  pas  une 
nKlomontade  monumentale. 

Un  bras  de  pierre  pos^  en  saillie  au  haut  d*une  tourelle  qui 
surmontait  l*angle  du  redan  oriental  des  premières  constructions 
de  (Charles-Quint ,  et  tenant  une  épée  levée ,  a  donné  naissance 
à  un  autre  conte.  On  prétend ,  et  on  Ta  écrit ,  que  cet  empereur, 
faisant  une  ronde  de  nuit,  et  trouTânten  cet  endroit  une  senti- 
nelle endormie ,  la  précipita  dans  le  Ibssé ,  et  resta  en  faction  k 
sa  place  :  ce  serait  en  mémoire  de  cet  événement  qu*on  aurait 
placé  ce  dextrochère.  L*absurdité  d*an  pareil  fait  n*a  pas  besoio 
d*étre  démontrée.  L*épée  nue  étant  un  des  emblèmes  de  la 
puissance  impériale,  cdle-ci  n'a  été  placée  en  cet  endroit  que 
comme  symbole,  de  même  que  Técu  impérial  qu'on  voyait 
encore  naguère  par-dessous  et  qui  portait  le  mUlésime  de  1 55o 
indiquant  l'époque  où  ces  travaux  furent  achevés.  Ce  mèmeécu 
est  aussi  placé ,  et  par  la  même  raison ,  sur  d'autres  bastions , 
tant  de  la  citadelle  que  des  muraiHes  de  la  ville.  Des  travaux 
exécutés  en  i8a3  ayant  fait  disparaître,  aTecla  tourelle,  l'anneau 
de  pierre  dans  lequel  se  trouvait  engagé  le  bout  de  la  lame  de 
réi>ée  «  pour  la  consolider,  cette  épée  a  été  enlevée ,  et  le  dextro- 
chère est  resté  seul  en  place. 

Nous  avons  dit  que  la  citaddle  de  Boffile  était  ce  qu'on  appe- 
lait le  grand  château ,  par  opposition  au  Gtftillet  ou  petit  chA- 
teau.  Nous  nous  fondons ,  pour  avancer  ce  fait,  sur  ce  qœ  cette 
fortification ,  dont  on  avait  besoin  pour  imposer  k  la  ville,  dut  être 
élevée  à  la  hâte  et  en  terre ,  et  qu'un  plan  de  Perpignan  de  i6Âg 
indique  en  effet,  sous  le  titre  de  niinei  du  vieux  chAteau,  un 
reste  de  fort  en  terre;  il  y  eut  cependant  quelques  parties  de  cette 
construction ,  refaites,  plus  tard  peut-être ,  en  maçonnerie ,  puis- 
qu'on en  voit  encore  un  lambeau  au  bas  du  ^cis,  devant  l'angle 
du  bastion  de  Saint- Jacques.  Les  restes  de  ce  château  disparu- 
rent entièrement  sous  les  travaux  exécutés  par  Vauban.  Nous 
(lisons  que  ce  fut  là  la  citadelle  de  DofiUc,  parce  que  Louis  XI 


:>80  NOTES 

rrcoinmaiido  luiiiitulieroinriit  à  Duboiichage  de  laisser  ce  vice- 
n>i  construire  (ralxjnl  une  cittidellc connue  il  lenlendra,  avant 
(le  l'aire  éieviM' celle  qu'on  lui  a  indiquée,  el  qui  dut  être  lacita- 
dcllti  actuelle.  11  ne  .serait  pas  raisonnable  desupposerqu*on  eût 
(ronnneiii  <■  par  construire  un  l'orl  eu  bonne  maçonnerie,  pour  en 
venir  ensuite  à  un  fort  en  terre.  Quant  au  fait  de  relablis^temeiit 
de  vv  château  par  les  Frani;;ais ,  nous  le  déduisons  de  ce  que,  s*îl- 
a\ail  existe  avant  roccu|iation  du  Uon.ssillon  par  Louis  \I,îlen 
serait  fait  mention  quelque  part  dans  lliistoirc  de  ce  siège ,  où 
son  voisina<^e  du  château  royal ,  occupé  |)ar  les  Français ,  aurait 
dû  le  mettre  en  scène.  La  preniièi'e  fois  qu'il  en  est  parlé,  c'est 
en  I  Â()3 ,  à  Toccrasion  de  rallercalion  entre  les  soldats  français 
et  les  habitants  de  la  ville  :  les  premiers  sont  forces  de  se  réfugier 
ala<'itadelle,  les  Perpi^nanais  escortent  Tëvêque  d'Albi  au  grand 
château.  \oilà  donc  Texistenco  simultanée  de  ces  deux  ibrtt. 
sou}«  les  Français,  bien  constatée  par  cette  ciix'onstance.  Noua 
avons  vu  aussi  de  \  encz  chercher  à  attirer  dans  son  parti  lecom- 
mandant  de  la  citadelle  et  celui  du  château;  cniin,  à  Tépoque 
de  re\aciintion  du  i\onssillon  par  les  Français,  unMossen  Citjar 
prit  le  commandement  du  château ,  et  un  capitaine  Lutier  eut 
celui  de  la  citadelle. 

Il  }  avait  encoi-e  de  Tartillerie  sur  ce  château ,  en  1 563  •  puis- 
(|u'après  la  [wsiv.  de  JV*r|)i{;nun  Philippe  11  prescrivit  cuaime 
ino\eii  dassainissemenl  de  la  ville  di'>  décharges  de  rartillerie 
du  paiid  château,  de  la  ciladt^lleet  du  Castillet  :  ces  trois  places 
se  trouvant  ainsi  désignées  en  particulier  dans  le  même  acte,  il 
ne  reste  plus  matière  à  aucune  û|uivoque. 

NOTK    VIL 

.Siif  II-  ilnut  ih  iintrrritnnr  tlf»  hahUtats  tir  l'irftùjnan. 
\  I  u(ia>itMi  tl'une  t:(iuti*>tatinn  entre  la  nitble»e  el  la  iniur 


HE    l,A    DKIJXIKME    PAKTIK.  587 

U'ooiMc  (k>  Porpi^naii ,  qui  prétcDdait  à  toutes  ies  {Hm>galive8  de 
la  iH»l>lessc,  Torcirc  des  avocats,  piqué  de  ce  que  la  bourgeoisie 
\oiilaiL  se  placer  avaot  lui,  prit  fait  et  cause  pour  le  corps  noble, 
auquel  il  se  prétendit  seul  adjoint.  Chaque  parti  eut  seà  déien- 
soAtrs  qui ,  cherchant  partout  des  titres  pour  appuyer  leurs  pré- 
tentions réciproques,  ne  restèrent  pas  toujours  dans  la  ligne 
d  une  scrupuleuse  exactitude.  L'apologiste  des  avocats,  le  doc- 
teur Francis  Fossa ,  jurisconsulte  de  grand  mérite,  niais  non 
au-dessus  des  faiblesses  humaines ,  en  confondant  son  adversaire 
sur  bien  des  points  «  n*a  pas  été  rigoureusement  juste  dans  toutes 
ses  réfutations.  Cest  ainsi,  par  exemple  «  cpi'îl  conteste-  aux 
liabitants  de  Perpignan  le  droit  de  pouvoir  fiiiire  la  guerre  pour 
ItMir  propre  compte,  et  qu'il  ne  le  reçonnait  qu'aux  seuls  che- 
valier» <>tablis  dans  cette  ville  ;  nuistel  n'est  pas  l'esprit  du  pri- 
viic^cMle  guerre  piivée  doimé  à  Perpignan  par  Pèdre  H.  Ce  pri- 
\  il(''<;o  s'exprime  à  ce  sujet  en  termes  si  formds ,  qu'il  ne  peut 
r€\ster  aucun  doute.  Voici  la  traduction  littérale  de  ce  passage, 
dont  on  peut  voir  le  texte  dans  la  charte  de  commune,  aux 
preuves  de  la  première  partie  de  cet  ouvrage  :  «  Et  moi ,  Pèdre. 
••  par  la  grâce  de  Dieu ,  roi  d'Ari^n ,  comte  de  Barcelone ,  pour 
«  moi  v.i  |K>ur  mes  successeurs,  j'approuve  et  accorde,  et  par  cette 
«  charte  valable  à  perpétuité  je  continue  fermement  à  tous  mes 
«  hommes  de  la  viHe  de  Perpignan ,  qui  y  habitent  et  demeurent 
«  pn>sc>ntd  et  futurs ,  que  si  quelque  personne  qui  ne  serait  pas 
«  de  nolredite  ville  de  Perpignan  fait  quelque  tort  ou  dommage 
«  ou  mal  ou  détriment  6u  injure  dans  son  honneur  oa  dans  son 
«  avoir,  par  lésion ,  par  coupe  ou  de  toute  autre  manière ,  à  qud- 
I  (pie  homme  ou  femme  de  notredite  ville  de  IWpignan,  celui 
«  ou  celle  qui  aura  reçu  le  dommage  ou  i'injure  se  rende  près 
«  des  consuls ,  du  bailli  et  du  vîguier  qui  se  trourenl  coptlf- 

•  (lies  dans  notredite  ville  ,  qu'il  leur  ex|H)se  l'injure  ou  le  dom- 
t  inagf*  qu'il  aura  reçu,  et  qu'alors  les  consuls  avei*  mon  bailli 

•  vi  iHoi)  \  iuuiiM',  tiHit  de  suite  et  sans  retai'd,  aillent  ou  envoient 


588  NOTES 

•  ictir  messager  à  celui  qui  a  fait  Tinjure,  le  lori  ou  le  dommage 

•  ù  r homme  ou  à  la  femme  de  Pt*rpîgiian  ;  que  8*il  refuse  de 
«comparaître  en  leur  présence,  ou  de  rendre,  restituer  ou 
«  amender  suivant  ce  qui  leur  paraîtra  raisonnable ,  ainsi  que 
«  suivant  ce  que  prescrivent  le  droit ,  la  raison  »  vos  usages  el  vos 

•  coutumes,  nous  voulons,  et  de  notre  autorité  royale  nous  or- 
«  donnons  que  lesdits  consuk ,  avec  notre  bailli  et  viguier,  el 
«  avec  tout  le  peuple  de  Perpignan ,  aillent  et  chevauchent  en- 

•  semble  à  main  puissante  (ou  armée)  contre  le  malfaiteur  qui 
«  aura  fait  le  tort  ou  Tinjure ,  jusque  dans  la  ville  où  il  sera  re- 

•  tourné  et  où  il  aura  ses  effets;  et  s*il  en  résulte  qudque  grief 
t  ou  mort  d*homme ,  il  ne  pourra  être  formé  aucune  plainte  ai 
«  poursuite,  etc.  •  On  voit  qu*il  n*est  nullement  question  ici  des 
nobles  ou  chevaliers,  qui  à  oette  époque  n'habitaient  guère  que 
leurs  terres ,  mais  que  le  privilège  s*étend  à  toute  la  population 
de  Perpignan ,  hommes  ou  femmes ,  sans  distinction. 

Uarticle  4i  des  coutumes  de  Perpignan  permettait,  avant 
cette  époque,  aux  habitants  de  pouvoir  prendre  parti  dans  les 
guerres  qu*avaient  entre  eux  les  chevaliers ,  militet,  leur  laissant 
la  faculté  de  se  décider  pour  Tun  des  guerroyants ,  k  leur  choix, 
et  sans  qu*aucun  des  deux  champions  dont  ils  auraient  embrassé 
la  querelle  put  se  venger  de  ceux  qui  combattraient  contre  lui  • 
autrement  que  sur  leurs  personnes  et  non  sur  leurs  biens  :  ceci 
concerne  ceux  qui  voudraient  (aire  la  guerre  sous  Tun  ouTautre 
pennon ,  comme  volontaires,  à  raison  d*aflection  ou  d'obligation 
quelconque ,  et  à  leurs  frais.  Si  au  lieu  de  servir  dans  ces  guerres 
de  cette  manière ,  ils  s*y  engagent  comme  auxiliaires,  recevant 
un  salaire  à  cet  effet,  ce  quon  appelait  valitons,  en  catalan 
valedon\  dans  ce  cas,  oeux  contre  qui  ils  porteront  les  armes 
ne  pourront  se  venger  d*euxque  sur  leur  propre  personne  et  sur 


*  I<OT  laiiiervi  rUicnt  il«  bf««M  de  profeMioa  q«i  •'•■gafMMBl  poar  ■■  I«b|M 
•l  i|HÎ  éuiral  noairia  |Mr  nmi  i|ui  1rs  prvuirat  •  iMr  mU«  :  de  l«  1  V|«iktlc  4m  itîiêtfti  d* 
pvmtrm .  «t  le  now  fraB^oti  tUiëmr.  d'uè  e»l  Mtvii  ctlaî  àê  mitUt. 


DE    LA   DEUXIÈME   PARTIE.  589 

lo  iMigage  qirils  auront  emporté  avec  eux,  sans  rien  entrepreodre 
cou  Ire  le  reste  de  leurs  biens.  Du  moment  que  ces  valedon,  la 
gucire  durant  encore ,  se  retireront  dans  la  ville  de  Perpignan 
en  renonçant  à  leur  service,  ils  ne  pourront  plus  être  ni  pour- 
suivis ni  inquiétés*.  Cestsur  cet  article  des  coutumes  que  Fossa 
s^appuie  pour  n'attribuer  le  droit  de  guerre  qu'aux  seuls  che- 
valiers. Mais  les  coutumes  sont  de  beaucoup  antérieures  à  réta- 
blissement de  la  conunune  de  Perpignan ,  et  cet  article  est  tout 
à  fait  étranger  k  la  charte  de  commune,  dite  privilège  de  la 
main-armée.  A  Tépoqne  où  ces  coutumes  furent  rédigées ,  les 
hommes  de  Perpignan  étaient  ce  qu'étaient  tous  les  habitants 
des  villes  avant  rétablissement  du  régime  des  communes.  Voyez 
ce  qu'en  dit  Mably  dans  ses  Observations  sur  rhistoire  de  France 
(livre  111,  chap.  i)  qui  est  Thistoire  de  tous  les  pays  de  TEurope 
à  la  mémo  époque.  Le  droit  de  commune,  en  changeant  Télat 
politique  de  Perpignan,  lui  donna  alors  ce  droit  de  pouvoir 
venger  ses  injures ,  inhérent  à  l'état  d'affranchissement  :  t  Les 

•  commune»,  dit  Mably ,  acquirent  le  droit  de  guerre,  non  pas 

•  seulement  parce  qu*elles  étaient  armées  et  que  le  droit  naturd 

•  autorise  de  repousser  la  violence  par  la  force,  quand  la  loi  et 

•  le  magistrat  ne  veillent  pas  k  la  sûreté  publique  ;  mais  parce 

•  que  les  seigneurs  leur  cédèrent  à  cet  égard  leur  propre  auto- 

•  rilc ,  et  leur  permirent  expressément  de  deaiander  par  la  voie 
«  des  armes  la  réparation  des  injures  ou  des  torts  qu*on  leur 

•  ferait  •  (IhitL  chap.  7.) 

Il  résulte  bien  évidemment  de  tout  cela  que  le  droit  de 
guerre  était  accordé  à  toute  la  popidation  de  Perpignan ,  à 
quelque  classe  qu'appartint,  celui  qui  avait  reçu  Tinjure.  La 
condition  de  ne  pouvoir  prendre  les  armes  que  sous  la  conduite 
des  consuls,  du  bailli  et  du  viguier,  était  la  garantie  que  ces 
guerres  ne  se  feraient  jamais  légèrement,  et  elle  devient  ici  une 


'  KoM>  rdiv*  iMmfi  fmr  «voir  blitalt  wi  «Hkk  4o.  «t  mb  4i.  CtM  mm  m 
io  quil  M>  iTovvt  M  iivrt  •pMtl  àm  eomimmm,  M  mm  U  m'  4i  ^H  «C  btcrtl  iêm 
livre  »ert. 


5W  NOTFS 

prf>iiTe  Hiiraljondanlecoiili'f*  k*  senlininit  de  Kt>5sa,  |)iii8niieie!i 
iiot  lies.  Haut  hor5  de  la  jnridiclioii  des  consul»  et  du  IkhIIî,  n'au- 
raient en  a  s'adresser  qu'un  vignier,  de  qui  seul  ils  étaient  jin- 
tiriables. 

Quand  la  sortie  derarni<'>e  de  Peq>ignan  avait  été  jugée  ne- 
ressnire ,  aucun  habita  ni ,  d'après  la  même  cliarte  de  Pedre  II , 
ne  p(»urait  se  dispenser  de  prendre  les  armes.  Oluî  qui  restait 
dans  la  ville,  sans  cause  légilimc,  encourait  une  peine  pécu- 
niaire. G?lle  disposition  subsista  jusqu'à  Juan  l,qui  la  modilîa 
dans  l'intérêt  de  la  sûreti*  de  la  place.  11  fut  rlabli  alors  que. 
quand  Tost  de  Por|Mgnan  sortirait,  le pfouvemeur,  d'accord  avec 
les  consuls,  y  laisserait  pour  le  parcler,  comme  place  frontière, 
la  quantité  d'habitants  ju^ée  convenable. 

\je  i5  novembi'e  i556  un  règlement  du  haîlli  et  de»  consuls 
lixa  Tordre  dans  lequel  devraient  marcher  les  bannières  des 
difl'érents  corps  de  métiers,  quand  rannée  de  Perjiigiian  pren- 
drait les  armes.  I^s  tailleurs  avaient  le  pas  sur  tous;  venaient 
ensuite  les  |)ellctiers,  les  li.*«M>rands,  les  menuisiers,  les  mar^ 
chauds,  les  conlonniers,  les  épiciers ,  les  mercie»,  les  chamoi- 
scurs.  les  corroveurs,  les  hf'itelliers,  les  bouchers  et  enfin  les 
jardiniers*.  Le  a o  octobre  1.600  le  roi  Martin,  |)Our  ajouter  à 
la  lorce  morale  de  raimf'e  de  Perpignan,  la  qualilia  de  main- 
anni-e  royale,  et  ordonna  i\\i  ik  l'avenir  elle  ne  pourrait  sortir 
de  la  ville  que  pn^ccdin;  de  la  bannière  royale  que  le  viguier 
ferait  purtcr  devant  lui,  «  Alin,  dit-il,  que  les  gens  de  cet  osl 
>  marchent  mieux  n-unis ,  et  que  la  %'ue  de  renseigne  royal  inti- 
•  mide  davantage  les  ennemis.  •  1/înexctrution  île  cette  onion- 
naiice  devait  être  punie  d'une  amende  de  mille  florins  dW. 

Quant  à  ra(>plicalion  decedniil  de  faîn*  laguene,  nous  n'en 
ronnaisMMis  que  le>  deux  <*X(Mnples  dont  uouh  faiMins  mention 
daiks  le  texte.  Une  tlicisimi  royale  du  9  octobre  1/119  fait 
connaître  que  lorsque  l'injure  a%ail  étt*  conmiise  par  des  Perpi- 


1)K    LA    DEIIXIKMK    PARTIE.  591 

^iinnni>  nu  pn'jndice  dautres  populations ,  la  connaissance  eii 
appartenait  au  ju^  de  la  main-armée  do  Perpignan  «  c'eKt-à- 
dire  aux  consuls ,  et  qu'il  y  avait  certains  frais  à  acquitter  par  ie 
demandeur,  à  moins  qu*il  n'en  fiit  empêché  par  son  état  de 
pauvreté,  auqnel  cas  il  adressait  sa  plainte  au  conseil  du  roi. 
l/ahbé  de  la  Real  avait  porté  devaiil  ce  conseil  une  plainte  sur 
dp  prétendues  injures  «  prœtensis  in/iini^,  invasions  et  dommages 
commis  par  quelques  personnes  de  Perpignan  au  lieu  d'Espira« 
qui  appartenait  à  son  abbaye.  Par  la  décision  que  nous  venons 
d'indiquer,  le  roi  d'Aragon,  «  attendu  que  l'ablH*  n'e«t  pas  une 
•  personne  misérable  «  non  fore  penonam  miserabilem»  et  que  par 
k  conséquent  il  no  pouvait  pas  faire  évoquer  son  affaire  au  con- 
«  si  s  toi  re  royal ,  pour  cause  de  misère  «  en  renvoie  la  connaissance 
«aux  consuls,  comme  juges  de  la  main-armce,  pour  qu'ik 
«  prennent  les  informations  et  fassent  justice  simplement,  som- 
«  niairciiient  et  sans  bruit,  en  ne  s*attacliant  qu'à  la  vérité  du 
«  fait ,  et  mettant  à  part  toute  malice  et  subterfuge*.  »  11  faut 
croire  que  la  justice  et  l'impartialité  présidaient  toujours  aux  dé- 
cisions des  consuls ,  dans  ces  circonstances  délicates. 

NOTE   VllI. 

S»r  qaclqufs  grandes  inondations  des  rivikres  du  RoussiUom»  ei  smr  le  poni 

de  U  Tet. 

Mêla  a  dit  que  les  petites  rivières  du  Roussillon  deviennent 
terribles  aussitôt  que  leurs  eaux  augmentent,  et  rexpérience 
de  tous  les  temps  a  contirmé  ce  témoignage.  De  toutes  les  grandes 
inondations  auxquelles  ce  gonflement  de  leurs  eauxa  du  donner 
lieu  depuis  les  temps  antiques,  il  n'en  est  qu'un  petit  nombre 
dont  le  souvenir  se  soit  conservé.  La  plus  ancienne,  à  notre 
connaissance ,  est  celle  de  i  a6& ,  qui  emporta  le  pont  de  la  Tet. 

*    Ltk*r    xittd.  Ml*. 


592  NOTES 

(ie  |iont ,  flonl  la  date  de  la  fondalicm  n'eM  pis  connue.  raisUit 
en  1 19G.  aniit-e  dans  laquelle  Alplioiise  11  lit  don  aui  ho»|iîla- 
Iht»  et  à  ceux  qui  avaient  et  qui  auraîeul  par  la  suite  lâchai^ 
de  rentretieii  de  ce  |>ont ,  des  galets  de  la  rivière  et  des  jardius 
cinonvoisins.  La  reconstnictioii  en  fut  commencée  rannée 
même  de  sa  destruction  «  et  on  le  plai^  sous  rinvocalion  de  la 
\  ier^'e ,  en  Tlioimeur  de  qui  on  bâtit  une  chapelle ,  sous  le  nom 
de  Notre- Dame -du -Peut,  que  le  duc  d*Albe  fit  démolir  en  iS&a. 
En  137a  un  prêtre  nomme  Amalric,  chargé  de  recevoir  laa 
fonds  destinés  à  la  construction  de  Téglise  et  a  l'achèvement 
des  travaux  du  |K>nt,  donna  quittance  à  l'infant  don  Jayme, 
|K)ur  une  somme  léguée  à  cette  œuvre  par  Pons  du  Vemet, 
sur  colle  que  le  (ils  du  défunt  comte  d'Ampurias  devait  lui 
payer  à  raison  de  l'échange  fait,  dix  ans  auparavant,  entre 
eux,  des  terres  de  Millas  et  de  Toreilles  contre  la  ville  de  ûh 
daquers. 

Anciennement  le  faubourg  Notre-Dame  était  défendu  par 
une  forte  muraille  qui  se  prolongeait  en  amont  du  pont,  et  que, 
sur  une  demande  des  habitants  de  ce  faubourg,  le  roi  de  Ma- 
jorque lit  augmenter,  |)ar  ordonnance  du  7  des  calendes  de  fé- 
vrier 1 334 ,  en  faisant  contribuer  à  cette  dépense  tous  ceux  à 
qui  elle  devait  profiter.  (Arch,  tlom.)  Une  ordonnance  du  bailii 
et  dc5  consuls  de  Pcqngnan,  du  18  des  calendes  de  mai  i338, 
prescrivit  le  placement  de  bornes  le  long  des  deux  rives  de  la 
Tet ,  aux  environs  de  la  ville  «  [tour  déterminer  la  largeur  qu'on 
devait  lai?»!)er  à  son  lit ,  laquelle  largeur  fut  fixée  à  jamaif  à 
soixante  toises.  Les  bornes  devaient  être  plantées  de  telle  ma- 
nière, que  les  eaux  de  la  rivière,  dans  ses  inondations,  ne 
pussent  jamais  les  arracher*. 

*  ViJarmot  H  DUB«liruBl  i|iioil  r|r  i|u<idaai  Tmjn  firao  quod  «t  Mipn  utmim  Fr«MÎMi 
ilr  I  lini*.  rt  flMin  lia»  uti|u*  jiI  ijuuiiiLui  culuiulunum  touluiii  J'Ka  V«rH«l.  <|«oil  Ml 
io  ra|itlr  |wrirlii  r(in«lructi  igllii.  juiU  îp«uui  coluDibiriuni .  puuaolur  Unainî  UptJ*!  citra 
ilii  Uni  M|«Hin  I  lirli» .  ullié  i|uut  IcrnilBiM  «it  prrprtuo  grjia  ri  altraw  pri  (|«rai  ■«|im  ThHÛ 
Uhi  |H>Mii  Oii'  •|iiiileiii  gra%ii  ImLaaI  id  «ia|ilituJintiH  «iwciuoi  MtJfiiiU  cautfHHi  dt  «IkU» 
teriiiiuD  •|iiu(l  e»i  mi|vi    bcniis   I'ubcimi  J«  llmit  uti|aa  «J  (IkUib  colaaibinmM  â'hu 


DE    LA    DEUXIEME    PARTIE.  595 

Un  dcbordenicnt  des  plus  ni<^iiiorables  eut  lieu  le  8  octobre 
1  (\i  1 .  Ijcs  eaux  de  la  Tet  passèrent  à  plus  de  quatre  empans 
par-dessus  le  mur  en  forme  de  digue  dont  nous  venons  de  par- 
ier, et  (pi'unc  inondation  précMniente  avait  dû  renverser  en 
|)nrtie,  puisque  déjà  à  cette  époque  nous  la  trouvons  sous  le 
nom  de  paret  trtncada  (muraille  cassée.)  Cette  nouvelle  inon- 
dation en  renversa  encore  plus  de  dix-huit  toises  de  lonfnieur, 
et  emporta  trois  arches  du  pont.  [Arch,  dom.)  Une  autre  inon- 
dation dont  les  notes  du  temps  ont  conserve  le  souvenir  eut 
lieu  ie  i3  octobre  i566.  Celle-ci  commença  dana  la  nuit,  se 
compliqua  de  celle  de  la  Basse,  et  à  dix  heures  du  soir  elle 
('tait  telle,  que  dans  la  partie  la  plus  basse  de  la  ville  chacun 
(lut  se  réfugier  aux  étages  les  plus  élevés  des  maisons.  L*eau 
montait  à  une  hauteur  extraordinaire  dans  toute  la  partie  qui , 
de  la  porte  Saint-Martin ,  8*étend  dans  la  direction  du  marché 
au  blé.  Tous  ceux  des  habitants  qui  avaient  pu  quitter  leurs 
habitations  s'étaient  enfuis  vers  le  quartier  élevé  de  Saint- 
.laïques.  Plus  de  trente  maisons  furent  renversées  dans  cette 
partie  basse  de  la  ville,  et  les  désastres  du  faubourg  furent 
inappréciables*. 

Une  catastrophe  semblable  eut  encore  lieu  le  1 8  novembre 
1  r)Q8  ;  mais  celle-ci  ne  fut  pas  le  produit  d*UD  débordement  de 
la  rivière.  Une  pluie  très-abondante  avait  tellement  rempli  les 
fohsés  de  la  citadelle,  où  Teau  était  retenue  par  des  batardeaux, 
que  le  poids  de  cette  masse  fit  à  la  contrescarpe  une  rupture 
par  laquelle  ces  eaux  s^élancèrent  sur  la  ville,  et  inoodèrent 
toutes  les  rues,  depuM  la  porte  Saint-Martin  jusqu'à  la  place 
Neuve.  Sept  à  huit  maisons  qui  se  trouyaient  en  face  de  la  rup- 
ture furent  renversées,  et  une  trentaine  d*autres  furent  plus  ou 

Wrnft ,  quod  Mt  ia  capito  parieln  Tnirri  PnpÎBMÎ.  VolBcnial  «tùm  H  BMadanial  mo^ 
infr«  dictam  fajrt  tt  «lictoai  colamkarivm  figaatw,  ialocM  finut,  tanami  bpid«  ia  ponM- 
%tHiiiku<  ti^e  locit  iafra  Mriptk  ad  hoc,  al  par  mpcrlaitolMa  «i  taaacUlioaM  ai|MrMa  4icii 
irrmini  oon  pMftiat  M«  valMat  eradicari ,  «te.  (  Ar^.  itm.  ) 
*  H<>fp«irv<l^  4(«lat>  <1«  riiBi««Mt«. 

M.  38 


.vrj  NOTKS 

moins  forleniciit  riHionniin^cos  :  in  [H'tletMi  vin  vl  vu  liiiile,  ilaii^ 
losccliims,  (ut  ln•<i•<-nn^Ki^^ll)io. Quant  nu  ii()ml)i*u  de [lei'soiinei» 
i|tii  prriivnt,  Pirnc  Piisrhal  le  l'ait  iiKiiitcr  à  plusieurs,  et  Jêmiiie 
(nos    le  UoriH'   à    iiiii*  M'ulr.  (!e>   (li'U\  <'cri\ains  funl  eu  coït; 
mention  fi'nncanire  inondation  (piit'iitlifMi  le  it)  octobre  iTi^u. 
l-es  f.inx  {\v  la  'Yv\  l'I  rrlji-s  de  la  Ha^i^^e  'ruisseau  qui  n*a  j;uëm 
(junnc  liene  de  murs  cl  qui  se  jette  rians  la  Tel  sous  Perpipiaii. 
dont  il   rein|>lis>ail  alors  la  partie  scptenlrionaliMles  fossés)  de- 
hordëivnt,  et.  rellnant  dans  la  partie  basse  île  la  ^  îlle  partons  les 
éf^ouls,  i'vs  eaux  s  l'IcxtM'ent  de  six  pieds  dans  les  maisons  voi- 
sines de  la  porte  do  Notre-Dame;  des  parties  du  palais  è  pi  seopal 
iuix.*nt  renversee'i .  ainsi  que  Irs  murs  du  jardin  du  eliapître  el 
les  maisons  de  rauinouerie*;  plusieins  autres   maisons  <le  la 
\ille  eurent  U'aucoup  àsoufTrirde  celte  grande  pluie,  el  cnin* 
autres  les  inonasteirs   de  Siiinle-(ilaire  el   de  Saint-Siniveur. 
!^'  7  d<*eend)re  177ÎÎ  il  v  eut  une  autre  inondation,  causée  par 
Tobstai  le  qu'opposait  au  lilire  ronrs  des  eaux  le  barrage  forme* 
par  le  liane  droit  de  la  ronlre-<;arde  <le  la  porte  Nolit,*-Danie  : 
il  fallut  faiif»  londier  <  e  bairai^e  a  coups  de  canon. 

I«es  débonlements  de  la  Tel ,  élendanl  de  plus  en  plus  lalar 
jîcur,  et  exhaussant  le  lit  de  <elli'  rivière,  ses  eaux  se  fravnient 
un  pass.!<;e  en  dehors  du  [nmiI  ,  dil  <  e  la  Pierre;  on  jeln.  en  1 1)88. 
un  |)<)nt  sur  le  passai;**  de  ce  bras  «iccidenlel ,  pendant  qiip, 
d'auln*  part,  rinlend.nil  ()ir>  Ibnd.iil.  en  amont  du  pivmier 
fKinl,  la  di{;ue  qui  porte  son  nom. 

Titiis  an- lies  du  pont  de  la  Pierie  at tenailles  au  faulxmrf; 
avaient  êlè  eiiipi triées  en  1  V^  1  ;  celles  «pii  restaient  le  fiiriMit  en 
dtf'eudire  1  f).'>.'V  Les  premières,  mal  iTconsIruites.  liirtMil  eneore 
culbnti-e<i  en  novembre  I7.'>7  :  on  i\r  le*»  rétablit  <|u'eii  17.^1  ,el 
on  les  fonda  .dors  Ires-prolondeineiit ,  a  la  pou//.oi.iiic.  La  cére 
monie  de  la  jkisc  de  la  première  pierr«-  se  lit  a\ec  beaucou)>  île 

l.f"»  ii'iir»  li  mil    |iiriii-  itr*  niirirniir«  iii.ii«i-iis  ilr  rrr|i|gnJU  •■l.nriil  *  u  iii***  .  rV*l  rv  i|iii 

•  ll>l|ililf-  I  !■    IM-II  i|r    Villillli  . 


• 


DK    LA    DEUXIEME    PAKTIE.  595 

solennité  ;ri'vèqu(»  se  rendit  procession iiellement  an  faubourg, 
»vec  font  s<ui  elergé,  |)Our  la  bt'»nir.  {Liber provii.j 

NOTK  Mil  bis, 

Siir  Ir  droit  de  nomination  à  Tèrèchè  dVAne. 

Joseph  du  Vivier,  qui  avec  Thomas  de  Iknyuls  conspirait 
contre  ia  domination  française  en  Uoussillon,  avait  été  nommé 
à  revèché  de  Perpignan  par  Louis  XIV,  mais  n*avait  pas  reçu  ses 
huiles,  parce  que ,  Tissue  deia  guerre  étant  encore  incertaine,  le 
|)ape  n'était  pas  assuré  que,  dans  le  cas  où  le  Uoussillon  neres- 
t(>rail  pas  à  la  France,  le  sujet  présenté  par  Louis  fût  agréable 
a  lMiilip|>e.  Le  complot  contre  les  Français  ayant  échoué,  Joseph 
du  \  ivier  se  réfugia  en  Catalogne ,  et  sa  présentation  à  Tévéché 
de  Perpignan  fut  annulc*e.  A  ia  paix,  don  Vincent  de  Margarii 
fut  pourvu  de  c<*  siège.  Ce  ne  fut  que  le  9  avril  1688  que  le 
pa[>e  (élément  IX  accorda  à  Louis  XIV  ie  droit  de  nomination 
a  cet  évcVhé  vi  aux  autres  bénéfices  consbtoriaux  de  la  province, 
et  il  ne  le  fit  que  sous  la  coïKlition  que  Home  conservcmit  sur  ce 
|)ays  la  même  juridiction  qu'elle  y  avait  quand  TEspagne  en 
(tait  maîtresse;  de  là  vint  que  ie  Houssillon  était  pays  d'obé- 
dience. Cet  induit ,  qui  se  trouve  dans  le  XI*  volume  des  Mé- 
inoire<du  clergé  de  France,  fut  enregistré  au  grand  conseil, 
Nans  modification  ,  le  1 1  juin  1 670. 

NOTE  IX 

.Sur  le»  limiUs  du  RaasiiUon  ride  la  Calalo(fnr. 

D'aprî'S  les  bases  posées  parle  traité  des  Pyrénées ,  les  liantes 
qui  avaient  autrefois  séparé  les  Gaules  de  TEspagne  devaient 
>é|>anT  (le  nouveau  les  deux  royaumes  modernes.  Des  commis* 

38. 


5%  NOTKS 

saires  des  deux  nations  so  minironlà  (k'^ret  pour  arrôlcr  cette 
délimitation.  Dans  ces  conféreni-es,  le  plus  éiudil  des  deux 
commissaires  français,  rarchcvêquc  Pierre  de  Marca,  émit  le 
sentiment  que  le  vi\p  de  Creus  était  le  promontoire  Aphitxlisium, 
sur  lequel  s'élevait  anciennement  ce  temple  de  Vénus  Pyré- 
néenne qui  terminait  le  littoral  des  Gaules  ;cVst  ce  qu*il  s'efforce 
encore  de  prouver  dans  le  x*  chapitre  du  premier  livre  de  son 
Marca  hispanica,  et  ce  sentiment  a  été  aveuglement  adopté  par 
un  grand  nombre  d'écrivains,  tels  que  doni  Bouquet,  dom 
Vaissette,  Ménard  et  La|)orte  du  Tlieii.  Cependant,  suivant 
nous ,  ce  sentiment  n'est  rien  moins  qu'exact. 

•  Du  Var,  la  cote  maritime  s'étend,  dit  Slralx>n,  jusqu'au 

•  temple  de  Vénus  Pyrt'néenne,  qui  sert  de  limite  fiour  dislin- 
«  guer  cette  province  narboniiaise  de  l'Kspagnc.  » 

«  Lii>s  montagnes  Py remues,  dit  Ptolémét*,  terminent  la  côte 
«  méridionale    depuis   l'Aquitaine    jusqu'aux   montagnes   qui 

•  atteignent  notre  mer,  et  sur  lesquelles  est  bâti  le  temple  de 
«  Vénus.  »  Ces  deux  passages ,  comme  on  le  voit ,  n'assignent 
aucun  |)oint  lixe  au  temple  de  \énus;  mais  le  voici  très-bien  in- 
diqué par.Meia  :  Tum,  inter  Jyrenœi  promonioria,  portus  \'eneris, 
in  sinu  Saiso ,  et  Cervaria  lorus ,  finis  (ialUte,  Rien  de  moins  équi- 
voque :  c'est  Cervaria  qui  est  la  fui  <ic  la  Gaule;  c'est  entra  les 
promontoires  que  forment  les  racines  des  Pyrénées,  qu'est  le 
jiort  de  Vénus.  Mêla  ne  pretise  aucun  promontoiiv,  mais,  sui- 
vant toujours  la  côte  du  nord  au  midi,  il  place  le  portas  Vcnertf 
avant  le  Ci'rvaria  Uhiu,  lin  de  la  (iaule.  Pour  preuve  que  ce 
géographe  ne  confond  pas  ce  promontoire  où  est  le  port  de  Vénus, 
avec  le  cap  de  Creus,  qui  vient  après,  il  désigne  tn'S-claircment 
celui-ci  dans  la  Tarraconaise ,  oii  il  se  trouve  effectivement  :  Si 
littora  legas,  a  Cervaria  prosima  est  rupes  quœ  in  altum  /Vrr/urum 
extrudit.  Pouvait-il  mieux  distinguer  le  cap  de  Creus?  Quant  à 
Cervaria ,  il  existe  encore  aujounriuii  un  village  de  Cernera ,  au 
fond  d'une  petite  anse  de  nier,  el  c'est  là  en  effet  que  s<»nt  les 


1)K    LA    DFAIXIEME    PARTIE.  597 

liniitoM  de  la  France,  qui  laissent  à  tort  à  TELspagne  Cervera  et 
son  terroir.  Il  est  donc  bien  certain  que  c*est  un  promontoire 
situe  avant  le  lieu  de  Cervera ,  qui  est  le  cap  Aphrodisium ,  et 
non  point  celui  de  Q^usqui  le  suit,  et  que  c*est entre  les  pointes 
de  ce  promontoire  qu'est  le  port  de  Vénus.  Port-Vendre»  ne 
saiH'ait  être  indiqué  plus  exactement,  si  son  nom  même  ne 
l'avait  encore  mieux  fait  reconnaître.  Pour  que  Topinion  de 
Marca  fût  vraie,  il  faudrait  admettre  qu'il  y  eut  dans  ces  parages 
deux  temples  de  Vénus,  ce  dont  aucun  auteur  n*a  jamais  parié. 
Sirabon  achève  de  démontrer  l'inexactitude  de  cette  opinion. 
•  La  distance  respective  de  ces  deux  villes  (Narbonne  et  Aries) 
«  est  à  |>eu  près  égale  à  la  distance  des  deux  caps  déjà  nommés; 
«  savoir,  celle  de  Narbonne,  du  cap  de  Vénus  Pyrénéenne,  et  celle 
«  d'Arles ,  du  cap  de  Marseille.  »  Cette  appréciation  de  distances 
fixe  incontestablement  le  promontoire  Aphrodisium  au  cap  Biar. 
On  romf)to  en  effet  environ  quinxe  lieues  de  Narbonne  à  Port- 
Vendres,  et  quatorze  de  Marseille  à  AHes;  transportez  le  temple 
de  Vrnusau  capde  Creus,  il  n'y  aura  plus  aucun  rapport  entre 
les  distances  respectives ,  puisque  de  ce  point  à  Narbonne  il  y 
uurait  le  double  de  la  distance  d'AHes  k  Marseille. 

Nous  voyons  que  Mêla,  qui  était  Espagnol,  ne  détermine  aucun 
pi*oniontoire  comme  étant  celui  de  Vénus  ;  ce  promontoire  était 
seulement  au  voisinage  du  temple  :  quel  sera  donc  le  point  ou 
se  trouvait  placé  ce  fanum  ?  Ce  n'est  pas  dans  la  baie;  il  n'eil 
été  vu  de  (>ersonnc  :  sa  place  était  sur  l'une  des  pointes  qui  fer- 
ment cette  baie.  Celui  qui  est  au  midi,  le  cap  Biar  (impropre-» 
nient  nommé  Beam  sur  la  carte  de  l'atlas  national),  aurait  fourni 
un  site  convenable  ;  mais  si  le  monument  avait  été  là,  il  en  serait 
reste  quelque  cliose,  et  on  ne  trouve  aucune  trace  de  construc- 
lions  sur  ce  cap  aride  et  pierreux.  La  pointe  opposée  de  la  baie 
i\v  Port-Vendres  est  beaucoup  plus  basse. Son  extrémité  présente 
un  pl.itean  où  l'on  pouvait  arriver  sans  difficulté,  et  auprèa 
diKjuel  passe  le  chemin  de  G)llioure.  La  existait,  dès  le  XIII*  siècle. 


r>98  NOTES 

un  fort  avec  un  phare,  qu'en  i3i8  le  roi  Sanche  ordonne d*al - 
lumer  depuis  le  i"  septembre  justpi'au  3i  mai.  Rien  ne  nous 
apprend  que  ce  Tort ,  à  rorigine  duquel  on  ne  peut  remonter, 
ait  remplacé  \v  Janum  Veneris,  mais  tout  le  fait  supposer  :  sa 
situation  à  Tentrée  du  port  ;  la  faculté  de  pouvoir  être  aperçu, 
d*au8si  loin  que  la  vue  peut  sYlendre,  parles  navires  qui  venaient 
de  VOrient  ou  de  l'Afrique,  situation  qui  y  fit  placer  un  phare, 
eniin  rétablissement  de  cette  forteresse  du  phare,  car  on  sait 
que  les  monuments  des  anciens ,  à  raison  même  de  leur  assiette 
avantageuse  et  de  leur  forte  construction ,  furent,  pour  la  plu- 
part ,  transformés  en  postes  militaires  pendant  les  déchirements 
qui  accompagnèrent  la  chute  de  Tcmpirc  romain. 

I^  division  de  TEspagne  et  des  Gaules  n*est  pas  facile  à  suivre 
dans  les  terres  ;  là  il  nexiste  aucun  document  historique  auquel 
on  puisse  se  rattacher,  si  ce  n*est  la  position  des  lroph('*es  de 
IV)mpée,  dont  nous  avons  parlé  à  la  Note  II  de  la  première 
partie.  Aussi ,  Baluze ,  qui  était  secrétaire  de  Marca  aux  conle- 
rences  de  Céret ,  avoue-t-il  que  la  position  des  limites  fut  vive- 
ment débattue  de  part  et  d'autre.  Le  Vallespir  fut  cependant 
donné  en  entier  à  la  France.  Ksl-il  constant  qu'il  appartint  aux 
Gaules?  Aucun  auteur  ne  fait  connaître  par  quels  points  ou 
sur  quels  monts  passait  la  ligne  divisoire  des  deux  vastes  pro- 
vinces romaines  ;  Stra bon  seul  place  un  jalon  aux  trophées  de 
IV>mp('*e.  Pour  revendiquer  le  haut  \  allespir  en  faveur  de  la 
France,  Marca  s'attacha  bien  plus  a  démontrer  que  ce  pays 
(iEiisait  partie  du  Houssillon  qu'à  prouver  qu'il  était  une  dépen- 
dance des  (iaules;  il  ne  s'appuya  que  sur  des  chartes  de  Tc^ise 
d'Elne,  dont  aucune  ne  nïmonluit  uu  delà  du  x'  siî>cle. 

Li  ligne  qui  séptirait  la  Gaule  de  l'Espagne  ,  partant  du  cap 
qui  suit  celui  de  G*rlM*rc  .  et  qui  {torte  encore  le  nom  de  cap(/c 
hi  s  portas  on  des  |>ortes  Danvilie.. Vof.  ilr  lit  (iaiile],  devait  suîvn> 
la  rrèti*  (Ifs  AIUmvii.  <'(nnnie  rlle  !<■  lait  iinjounThui.  |»our  venir 
|tnsK«*i-  MU  lîi  uoilinc  <\v  IVIle;*iirtle.  «mi  rtiiieiil  l(*s  tropInV»  de 


l)i:    l.A    DELXIKMK    PVhTIK.  bW 

lV>iiip(iv,  (ie  la,  coiidnuant  à  suivre  mu*  iliix'ctiun  u  peu  pit's 
(IroiU*,  ol  à  p-avir  la  cime  des  uiontagnes ,  elle  devait  \ciiir 
(lien  lier  la  tète  <lii  (ianigoii ,  laissant  aux  Indigete»  toute  la 
partie  qui  iornie  le  haut  Valle&pii.  l>e  mont  (lanigou  était  un 
point  tr()[)  remarquable  (K)ur  n'avoir  |)as  4 omouru  à  la  délimi- 
tation des  deux  contrées.  11  est  ài*emarquer  quccest  précisément 
dans  la  partie  liante  du  \  allespir,  que  nous  disons  avoir  dû 
appartenir  aux  Indigclos ,  que  se  trouvent  fn'quemment  des 
nuHlailles  celtibériennes.  (À*  qui  ajouterait  encore  un  grand  |x>ids 
an  sentiment  que  nous  émettons,  ce  serait  Tcxistence,  dans  une 
des  anlractuositi'S  du  (lanigou ,  d*un  de  ces  gros  anneaux  de  fer 
qu'on  trouNc  également  sur  certains  |)oiiits  des  montagnes  des 
\  allées  d'Andorre  et  dWltavacas ,  si  cette  existence  ,  qui  est  une 
opinion  vulgaire,  était  bien  constatée;  mais,  quoique  tout  le 
nioiulc  V  cmic\  nous  n'avonsencore  reiicontic  |HM'sonne  qui  nous 
en  ait  parle  (le  ihu.  L*auteur  de  Fancien  Voyage  pittoœsque  de 
Trance,  article  lioussillon,  cite,  non  pas  un,  mais  de  grands 
:tnn(  aux  de  fer  qu*il  place  autour  d'une  vaste  ouvertuix»,  qu*il 
sMp|>()se  avoir  été  celle  d  une  mine.  En  comparant  ces  anneaux 
a  ren\  an\(pieLs  on  attache  les  câbles  des  vaisseaux,  il  prouve 
(|ne  celui  ou  ceux  dont  il  parle  sont  de  la  même  espèce  que 
ceux  qu'on  trouve  sur  les  autres  montagnes,  et  dont  Tun,  qui 
ne  lut  jamais  placé ,  existe  comme  curiosité  au  village  espagnol 
de  Massanet  :  cet  aveu  de  la  grosseur  de  ces  anneaux  du  Cani- 
i:ou  réfute  sullisammenl  l'idée  qu  ils  aient  été  placés  pour  Tex- 
pl(»itation  démines.  Quel  be.soin aurait-on  eu ,  |H>ur  ces  travaux, 
de  sceller  profondément  dans  les  rochers  des  anneaux  dont  les 
tii^t  s ,  à  en  juger  par  celui  de  Massanet,  ont  plus  de  dix  pieds 
(le  longueur.  Amsi  que  le  dit  Marca,  ces  monuments  n*ont 
servi  (|u'à  tixer  d'une  manière  invariable  les  limites  des  deux 
empires.  Mais  à  quelle  époque  ces  bornes  furent-elles  placées? 
l>ei  sonne  ne  les  attribuera  au  moyen  âge  ;  les  Homains,  maîtres 
(les  (lanles  (>t  de  l'FiSpagiie .  n'avaienl  aucun  intt*rèt  à  arrêter 


000  NOTES 

aîiiHÎ  les  limites  des  deux  contrées  ;  ce  serait  doue  Touvrage  des 
derniers  Celtibéricns ,  de  ces  |>euples  que  Mine ,  Ptolémée , 
Strabon  placent  dans  la  Tarraconaise. 

Pour  venir  se  rattacher  au  Canigou ,  la  ligne  divisoire  devait, 
dans  notre  opinion ,  se  porter  du  summum  Pyrenmum  vers  le 
lieu  actuel  de  Renouguès ,  se  glisser  derrière  Céret,  dont  le  ter- 
roir restait  aux  Gaules ,  traverser  le  Tech  pour  suivre  la  crête 
des  montagnes  de  Palauda  et  de  Montbolo,  joindre  la  tour  de 
Batère  et  gravir  enfin  le  Canigou  ;  de  cette  manière ,  le  poste 
de  Custodia  (  Custojas  )  restait  sur  les  terres  d*Espagne,  k 
quelques  milles  de  la  frontière,  comme  celui  du  Centunowsm 
était  sur  les  terres  des  Gaules ,  aussi  à  qudques  milles  de  la 
frontière. 

NOTE    X. 

Sur  certaines  juridicîioni  secondaires  du  RousnUon. 

Nous  allons  donner  ici  à  cet  article  le  complément  doot  nous 
n*avons  pas  voulu  allonger  le  texte  de  notre  histoire. 

Le  Roussillon  n^avait  pas  d'élection,  mais  simplement  un 
grenier  à  sel ,  à  Perpignan  et  à  Prades.  Un  visiteur  général  des 
gabelles ,  qui  avait  rang  de  conseiller  honoraire  du  conseil  sou- 
verain ,  n'sidait  à  Perpignan ,  et  décidait  toutes  questions  sur 
celte  matière.  Son  oITicc  était  liéré<litaire. 

Un  juge  des  traites,  dont loiTice était  aussi  héréditaire,  coo- 
naissait  de  toutes  les  aCTaires  concernant  les  droits  de  sortie  et 
d*entn'e  dans  la  province.  Toutes  contestations  sur  la  vente  et 
la  distribution  du  tabac  étaient  soumises  à  un  juge  du  tebac , 
qui  exerçait  par  comnii.vMon  du  roi. 

In  juge-assesseur  du  capitaine  général  connaissait  de  toutes 
les  atVnircs  mililaiivs.  tant  au  civil  qu*au  criminel.  Le  premier 
président  el  le  <loven   des  f*<»n»eillers  du    conseil    souverain 


•   ■ 


DE   LA   DEUXIEME   PARTIE.  601 

jn^^caient  en  dernier  ressort  les  appels  de  ce  tribunal,  qui  portait 
le  nom  de  capitainerie. 

Un  tribunal  particulier  pour  les  jardiniers  avait  pour  juges 
les  sobreposats  de  la  horta,  ou  syndics  des  jardiniers.  Ces  juges 
étaient  au  nombrede  trois,  dont  deux  nécessairement  jardiniers; 
ils  se  transportaient  a  la  campagne  pour  examiner  et  estimer 
tout  dommage  causé  dans  les  terres,  et  condamnaient  à  la  répa- 
ration. 

Le  plus  ancien  des  juges  royaux  de  Roussillon  était  le  baile 
ou  bailli ,  établi  par  les  comtes  de  ce  pays  ,  c'est  le  comte  Goi- 
nard  qui  avait  accordé  au  bailli  de  Perpignan  le  droit  de  tranii- 
^oT  |)our  toutes  les  peines ,  même  pour  celle  de  mort.  Sous  le 
règne  de  Pèdre  IV,  le  chancelier,  en  Tabsence  du  gouvemeur, 
ayant  voulu  empêcher  le  bailli  d^user  de  ce  droit,  Tinfautdoo 
Juan ,  administrateur  de  ce  royaume ,  en  confirma  le  privilège. 
Ce  bailli  rendait  la  justice  sonamaire  par  lui-même,  et  la  justice 
contentieuse  parle  ministère  d*un  assesseur;  il  était  juge  delà 
ville  au  civil  et  au  criminel ,  et  nul  ne  pouvait  exercer  de  fonctions 
municipales  s'il  n'était  soumis  à  sa  juridiction.  Quand,  sous  le 
rt'gne  de  Ferdinand  II ,  les  chevaliers  domiciliés  dans  les  villes 
voulurent  parvenir  à  ces  fonctions,  ils  durent  renoncer,  par  acte 
public,  à  toutes  les  prérogatives  de  la  noblesse.  Cette  répudiation 
de  rang  fut  autorisée  par  le  roi ,  dans  une  pragmatique  du 
i3  décembre  1^98,  où  il  est  dit  que  ceux  qui  font  partie  de 
l'ordre  des  chevaliers  pourront  être  agrégés  à  la  main  majeure, 
sous  Texpresse  condition ,  et  non  autrement ,  qu'ib  renonceront 
au  grade  de  la  chevalerie  et  ne  pourront  plus  intervenir,  comme 
chevaliers,  aux  corts  et  pariements  généraux.  (  Xaupi,  fie- 
cherches  sur  la  noblesse,  etc.)  Le  bailli  de  Perpignan  était,  en  oetle 
qualité ,  juge  royal  de  Collioure  et  de  Thuir.  Prats  de  MoUo  et 
\'inca  avaient  chacun  leur  bailli  royal. 

La  |K>li(^e  de  Perpignan  était  exercée  par  le  bailli ,  les  consub 
4*t  les  clavaires  ou  moslassafs.  Les  consuls  avaient  le  droit  de 


iWl  NOTES 

(orrcHiion  sur  tous  les  linhllnnls,  sans  rendre  de  jugement  en 
fomu'.  Ils  (H)uvfîii'nt  faire  mettre  aux  ceps,  sur  la  place  publique, 
les  enfants  qui  commettaient  quelque  larcin  ,  avec  Tobjet  volé  à 
leurs  pieds  :  le  consi>il  souverain ,  a|)rès  avoir  aboli  T usage  de 
cette  peine,  qui  nVtait  pas  réputée  infamante,  la  rétablit 
ensuite ,  à  In  demande  des  habitants,  à  cause  du  bon  effet  qu'elle 
produisait.  {Compte  remla  de  l'adm.  de  M,  H.  de  Saint-Sauveur.) 
On  connaissait  en  Houssillon  les  oHîciers  de  justice  qu*en 
Espagne  on  nomme  alguaûls*  et  en  Catalogne  algoLnir,  es|xx:es  de 
Kei^enlsqui  marchaient  a\ccle  conseil  souverain,  étaient  chargés 
<les  commissions  de  cette  compagnie  et  présidaient  à  TexiTution 
de  ses  arrf'ts,  dont  ils  dressaient  procès*  ver  bal.  Ils  portaient  à  la 
main  une  canne  avec  la  pomme  aux  armes  du  roi.  {Voyatje  piit.) 

Les  nwenusdu  Houssillon  sVlevaient  en  178?  à  environ  dix- 
neuf  millions  de  livres,  y  compris  rim|)ortalion.  Ses  expor- 
tations à  l'étrunger  se  com|X)saicnt  de  six  à  sept  cent  mille  livres 
de  grains  ;  huit  cent  mille  de  vin,  année  niovennc:  cent  cin- 
quante mille  |)esant  d*huile;  trois  cent  mille  livres  de  fer:  cinq 
cent  mille  de  laine.  La  province  tirait  de  IVtranger  deux  millions 
de  piastres,  cinq  cent  mille  livres  de  tahac,  etc. 

Le  roi  retirait  du  Houssillon  un  million  cinq  cent  soixante  et 
«lix-neuf  mille  neuf  cent  quatre-vingt-quatorze  livres,  ainsi  ré- 
ftarties  : 

La  cnpitation  d(»nnait  cinq  cent  quarante-neuf  mille  huit 
«eut  qu.'itn*-vingt-nnu*  livn>s  :  rim|H>sition  |K)ur  les  travaux 
publics  (tait  de  vingl-qualn*  miHe  livn*s;  la  partie  des  fermes 
générales  donnait  Inus  cent  quarante  mille  cent  trois  livn'S; 
celle  de  l'administration  générale,  cent  «inquante  mille  livres; 
relie  dv  la  régie  générale,  trois  cent  mille  livres.  L*im|iariage 
«■tait  alTenniMpialiv-vingt-qu.iIre  mille  livn's.  y  conqiris  le  dou- 
lilcnK'Ml.  qui  riait  pnur  les  lortificatittns.  In  antre  droit  nommé 
iraf ,  pt'iH'  les  travaux  pnl>lit->  .  l'Iail  a  Hernie  trente  mille  livres 

La  \iilr  i\v  iVrpignaii  a\ait  a   lu   même  éjNiqiic   <it*s  4lruils 


DE   LA    DEUXIEME   PAKTIE.  603 

<l  cnirci»  airerniôs  aiii!>i  :  boucherie,  seize  mille  livres  ;  vendanges, 
douze  mille;  |>oisson  ,  douze  raille;  farine ,  douze  mille  ;  laines, 
dix  mille;  huiles,  trois  mille ;charl)on  et  plâtre,  deux  mille  huit 
cents  ;  eau-de-vie ,  quatre  cents  ;  canal  d'arrosage ,  quinze  mille  : 
en  loulqualre-vingt-lrois  mille  deux  cents  livres.  (Essais  hist,  et 
rnilit.) 

Une  inscription  orgueilleuse,  placée  à  la  porte  Saint-Martin, 
sous  le  règne  de  Louis  XIV ,  ayant  été  enlevée  au  commencement 
de  la  révolution ,  nous  croyons  devoir  en  conserver  ici  le  sou- 
venir. 

Magnam  opiis  Ladovici  magni.  Perpinianvn  amplifioatwn  et  ma- 
nitnm  a  Liulovico,  Victoriœ  Hispamœ  mon  pUu  ultra,  GuUim  pbu 
ultra.  Favtum  anno  totius  Europœ  pacatm  Ladovici  victoriit, 
MDCLXXIX.  (  Essais  hist  et  mil.  de  la  prov.  de  Rouss.  ) 


PREUVES. 


N»  I. 


Extrait  dei  pikces  relatwes  à  la  tipalture  det  enfanta  mineuh  dans  Per- 
pignan. 

Martinus  epîscopui,  senrus  servonini  Dei  —  Mandtmuf  — 
ut  quoliens  filios  eorumdem  singulorum  in  minori  etate  et  aub 
patria  iK)te8tate  constitutos ,  ab  hac  luce  migrare  contigerit, 
patres  eorum ,  pro  iiiiis  ipsis ,  apud  ecclesiam  sive  locum  dicte 
viU»  ubi  antecessonim  sepuUura  constiterit  —  sus  voIunUtis 
sepulturam  eligere  valcanl  —  contrndictorcs  per  censuram 
ecclesîasticam  ,  appcllatione  poslposita  ,  com|)e8ceDdo ,  non 
obstantibus  apostolicis  ac  provîncialibus  ac  Bvnodîalibus  consti- 
lutioriibus ,  iiec  non  staUitis  et  consuetudinibus  majoris  et  alia- 
ruin  ecclesiarum,  cliam  juranienta  confumacione  apostoiica 
roborata ,  etc. 

Alplionsus,  Dei  gratia  rcx  Aragonum  —  Dîctis  officialibus, 
notariîsclaliis  dicimusetoiandamusdecerta  scientiaet  expresse 
quatenus  ad  prarsentationcni,  adniîssioncm,  et  tolalem  effectum 
dictaruni  graliarum ,  ncc  non  ad  confeclioncm  instnimontorum 
et  actuiii  publicoruni  quoni  me  unique  cxiiide  dependentium 
et cmer<;ciitein ,  ut  est  moris  pro(*odatis«  et,  si  necesse  fuerit, 
întcrsitis  siquando  et  quoliens  fueritis  requisiti ,  onlinationibus, 
edîctis,  inliibitionihus  t*t  mandatist  in  opposilionibus  factis,  et 
|Krnis  in  cis  adjc^ctin  nonol)htnntibus  quiluiscumque;  super 
quibus,  ex  nostnr  irpn*  plcnilndine  |H)lo»talis  di^pensamus  et 
liispciisari  volumus  ihloruMi.  Dalum(lL'^a^augusta^etc.  (.4rrA. 
rvclcs.) 


.JV_J 


l'IlElJVES    DE   LA    DEUXIEME   PARTIE.  6()5 

N»  II. 

Di'frnsr  nnx  hôteliers  da  Boahu  de  vendre  da  pain  et  du  vin  aux  royagenn 

et  aux  étrangers. 

Nos,  Martinus,  Dei  gratia  rex  Aragoniini«  etc.  SolHcilo more 
regio  (  crta  commoda  subclitorum  ,  illaseis  libenter  concedimiis 
gratias  quas  eorum  utilîtatibus  cognoscimus  opportunas.  Cum 
igiliir  pro  parte  vestri,  ûdelîum  nostrorum  consulum  et  pro- 
horum  hominum  loci  de  VoIodo  ,  sistentis  in  comitatu  Romî- 
Honis ,  lucrit  nobis  hiimiliter  suppHcatum  qaod  iis ,  pro  utilitate 
et  lM)no  rcipublicae,  universilatis  et  singulorum  ejusdem  loci 
antiqiiidis  per  pncdecessores  nostros  illustres  eidem  universitatî 
concossum  exlitisset  statutum  ac  privilegium  înfira  scriptum, 
quia  tanien  in  sui  forma  inveuire  minime  potuistis ,  qaamyis 
ipsum  perquisivistîs  diligenter,  ipsum  exprimi,  assuela  regia 
bonignitate,  de  novo  concedere  dignaremur;  yestris  supplica- 
tionibus  in  bac  parte  benignius  inclinati ,  tenore  praesentis  cartae 
nostrdL'  cunctis  tcmporibus  valiturae,  statuimas  et  ordinamus, 
ac  etiam  vobis  et  universilati  loci  memorati  concedimus  in  per- 
petuum  quod  nullus  bostellarius  ejusdem  loci  posait,  audeatvel 
présumai  de  cetero,  in  praefato  loco  etejus  terminis,  vendere 
scu  vendi  facere  aliquo  modo  panem,  vinum  aut  racemos  in 
grosso  ad  faciendum  videlicet  vinum  pro  rcvendendo  ibidem , 
nec  etiam  carnes  sabas  iiinerantibus  vel  transeuntibus  per  ipsum 
locum  de  Volono  et  ejus  terminis  ac  in  eosdem  yenientibus ,  seu 
quibusvis  aliis  personis,  tam  extraneis  quam  privatis,  nisi 
dumtaxat  illis  qui  ea  in  grosso  emere  voiuerint,  non  tamen  pro 
revendendo  seu  revendi  faciendo  in  minuto,  in  ioco  et  terminis 
9upradictis,etc.  {Arch,  eccles,) 


«i«M>  l'ftElVES 

V  III. 

lUntti  ruuif'tUe\  aa  itnt*lrar  th  la  nuir  Mtinr  II. 

Alplionsiis.  Dei  ^l'ilia  rex  Aragimum,  etc.  Ad grata  pliiiimum 
cl  acrejita  scr\ilia  per  \os,  ridclein  rinslriini  Jacobuni  Soler, 
illnbtris  replia'  iMaria',  cuiisortis  iioslra',  brodatoreni,  présenta 
et  iiiipciiAa  (|u;r'  ei  et  iiohi.s  preseiilare  non  de&inilîs  cuulinuo, 
proniplo  coidc  debitu  babeiiles  i'ei»pi.'cluni ,  teimre  ])r.i'seutis 
oniniajura  et  obvencînnc»  nobi:»  buper  (|iiibii»vis  alberglis  sive 
allRT^ih  in  omnibus  loci^  terne  noslra;  Ceritaniic,  tani  in  fciiu 
quani  in  |>ecunii!»  pertinenlia  el  pertinentes ,  umjuc  ad  quanti- 
taleni  qniiiqnaginta  llorenoruni  auii  de  Aragonia  ascendentia 
quolibet  aniio,  (i  non  ultra,  inclusis  illis  terdecini  libris  B. 
quas  (i.  Gibillini,  quondam  regius  seriplor,  duni  in  bumanis 
âge  bat,  babel>at  et  penipiebatex  conces^ione  regia  quolibet  anno 
in  et  sn|M'r  diilis  juribus  et  cniobimentis,  vubih,  dictoJacobo 
iSoler,  ad  vita*  vestnr  ditursuni  concedinius,  etc. 

V  I\. 

h'nmlolion  dr  l'hnlrl  ilrn  mnnutiu'%  tir  Prrjiiijnan. 

Nos  Alpbonsus,  I>ci  gratia  lex  Aragnnum .  etc.  Attendenten 
fidelpui  noslruni  Pelruni  I^fdtel.  villa?  Perpiniaiii.  cui  dudum 
nostiis  ruui  pntvîsionibus  np|N)rtnnis,  dal;e  in  c&stro  novo 
regnli  Nen|K>iis,  triresiina  priiun  dio  niensis  deceinhris,  anno  a 
nali%il>ili'  hnn\.  ni.  «t<-('  \irosinin  ti  rtifi ,  nllicinm  magistri 
r<>(  tnris  el  ii<lniiiii^hainri'«  Mira*  ninnetaruin  auri  et  ar^^enti  el 
.dinrnni  inelailiiruni  qnctniMi\is  qu.r  euihintur  in  \illa  IVrpi- 
niiiiii .  «uni  jurisdirtioiie,    prt^eniiiieni  iis  .    (Nileslatilius  ,  pri\i 


k. 


I)K    LA    DEUXIKMK    PAHTIE.  607 

l(>v:iis  (*(  liherlahluisquaMilii  mugislri ,  l'cctores,  adininÎAtratores 
se<(;i'  ejiisdcin  ineliiis  iisi  fuere  tem|>onb(is  retroactis,  cuni 
saiariis  et  jiiribus  a»sue(is  commisimus  et  concessimus ,  prout 
li;rr  et  alia  in  dict»  |)iX)visionibus  latins  vicliiniis  coiitineri, 
(oiislruxisse  ci  erexisse  de  novo,  in  lœo  sati.s  dis(H)silo,  intus 
\illain  eanideni ,  quasdani  douiOH,  expensis  propriis,  cuin 
pialeis  et  locis  disposilis  ad  cudcndam  uionetam  auri  et  argenti 
et  alioruni  metallorum  predictani  ;  ac  pro  ca  cudenda  et  fal)ri- 
eanda  ciiiinos,  fore i pes ,  mal los  et  alias  artellarias,  virtule  dicta- 
runi  provisionum  émisse  ac  eidem  domui  de  eisdem  et  cunctis 
al  lis  neccssanis  et  opportiinis  providisse  et  munivisse.  Volente»- 
qiie  <)onius  easdem  ,  attento  qiiodsunt,  ut  proferttir,  dispositae, 
nuinit.i*  ad  exemtiim  cudacionis  vel  fabricationis  monetœ 
pnediet<i>,  ad  domiis  secc»  attolli  et  regale  peq>etui8  temporibus 
nunriipari  ;  idcirco,  tenore  praesentis ,  de  nostra  certa  scientia  et 
expresse  providimus^  statuîmus  et  ordinamiis  quod  ex  nunc  in 
antea,  (iomiis  dicti  Pétri  Lobet  Regala  vel  domiis  secœ  ab 
omnibus  cunctis  tem{)onbus  nominentur,  ac  prodomibus  seccs 
seu  Kegali  pnedictis  habeantur  et  reputentur,  ita  quod  incudiin 
dicta  villa  moneta  auri  et  argenti  etaiionim  metallorum  predie- 
toruin  per  dictum  Petrum  Lobet  seu  alios  magistros  seccae 
operarios  et  ministros  vel  arrendadores  quoscumque  pni^sentes 
et  successive  futuros  ciidi  valeant  alîquomodo  seu  fabricari  ; 
pni'lcrquam  in  domibus  sivc  Hegali,  dictus  Pétrus  Lobet  et 
succcssores  sui  ea  salaria  et  jura  babcant  et  recipiant  que  pro 
aiiis  d<»mibus  secci»  regnorum  et  terranim  uostrarum  sunt 
bacteaus  solit»  recipî  et  babcri  ;  Mandantes  per  banc  eamdem, 
de  dicta  nostra  certa  scientia  et  expresse,  universb  et  singulis 
odlcialibus  nostris  infra  comitatum  Rossilionis  et  Ceritanie 
uhilibetconstitutis,  nec  non  magistro«  operariis,  ministris  et 
atreudadoribus  quibuscumque  seuve  prvdtcts  prt>sentibus  et 
futuris ,  sub  nostne  gratiae  et  mercedis  obtentîs,  pœnaqiie  mille 
llorenorum  auri  de  Aragonia  a  quolibet  rontrafacien te  exigen- 


608  K'KËUVES 

(lorum  et  nostro  sprarîo  applicaiidorimi  ;  qiiare,  teiientcs  ail 
nostram  plciiam  provisioiicin  ,  etc. 

Data*  in  loco  do  Caryniona,  decimo  nono  madiî ,  anno  a  na- 
tivitate  Doni.  m.  cccc  triccsinio.  {Arch.  dom.) 

X"  V. 

7'rajf^  dr  Tengagririent  du  HouisUlon  ri  de  la  Crrdagnr, 

Patcat  univcrsis  qiiod  nos ,  Johannci» ,  Dei  graiia  re\  Arago- 
niini,  Navarnr,  Sicilisc,  Valentiai,  Majoricaruni ,  Sanlinia*  et 
Cerasto*.  cornes  Barc h i nouas  diix  Atlienariini  et  Neopatria^ac 
etîam  conies  Hossilionîs  et  Gïntania';  Attcndentes  et  conMde- 
ranies  vos,  illustrissimum  cl  Christian issimn m  princi|)ein .  Ludo- 
vicuni,  eadcin  (j^alia  Francorum  regcni,  consanguineum  et 
confederatum ,  tanquam  frntrcin  nostrum  cari.ssimuni ,  dum 
superioribus  diebus  cclsitiido  vestra  in  villa  de  Salvatierni, 
comitatus  LWarni  ,  nos  in  loco  Sanrti  Pclagii,  regni  nostri 
Navamc ,  adesse  et  adossemus  «  propter  sincerum  alFectum  ei 
benevolentiam  prxcipiiani  qiiam  erga  nos  et  nostrum  honorein 
geritis ,  obtulisse  nobis  succiirsiim  contra  inolicdientes  et  adver 
santés  nobis  in  Cathalonio;  principatii.  septiiigentas  lanceas, 
munitas  sagitariis  vel  aiiis  genliiius  de  tractu«  cuni  peditatii 
com|)etente,  artilleriis  el  iiliis  nninicionibu»  jnxia  moduin  et 
formani  regni  vostri  Fraiiciaï,  voHlris  quidem  suniptîbus  et 
expensis ,  et  in  senicio  nostro  manebunt  usquerpio  ipsi  Catha- 
laniinolxïdientes  vencrinl  et  reducti  fueriiit  ad  nositram  obedien- 
tiani.  Va  Mmilitor,  si  a  v(»bis,  dictn  sereni^simo  Francorum  rege, 
liabere  voluerinius  ex  diclis  gentibus  vestris  prn  scniondo  nobis 
in  gnerra  in  regnisAnigonuni ,  Vaieiili<e  vcl  in  allero  euninidcin 
regnonini  ,  mîttetis  nobis  quadringentas  lanceas  dunilaxat  mu- 
nilas  modo  et  forma  pranlictis,  vcsiris  pariter  sumpllbus  ri 
e\|)ensift  -,  et  qnîn  qiiidem  el  jusinm  fore  nMisenlesel  coiisonum 


DE    LA    DEUXIÈME    PARTIE.  609 

racioni ,  ut  pro  niaximis  sumptibus  et  expensis  quos  etquas,  pro 
sh[>eodiis  dictarum  gentium,  serenitatem  vestrain  agere  opor- 
(ebil  concedens ,  per  nos  cidcm  fiât  satisfactio  et  emonda.  Idcirco, 
lenoir  pra'senlis,  dcliberate  ac  de  iiostra  certa  scicntia  conve- 
iiinuis  et  paciscimur  vobiscum,  dicto  illustrissimo  Francorum 
rcgc,  alquc  promittimiis  et  nos  obligamus  celsitudini  vcstrae, 
|)€r  finnam  et  validam  stipulationem ,  quod  in  primo  casu  qao 
ad  nos  miseritis,  ad  dictum  Cathaloniap  principatum ,  dictas 
s('|>tingentas  lanceas'  munitas  sagittariis  vel  aliis  gentibus  de 
tractu,  cum  peditatu  compétente,  artilleriis  et  diis  municio- 
ni  bus,  juxta  formam  et  modum  dicti  regni  vestri  Francis,  ut 
os\  di(  luin ,  cl  in  nostro  servicio  vestris  sumptibus  et  expensis 
|>ormansennt  usquequo  dicti  Catbalani  inobedientes  nobis 
(Icvenerint  et  reducti  fuerint  ad  nostram  veram  et  completam 
obedientiam  ,  dabimus  et  trademus  vobis,  aut  cui ,  seu  quibos 
voluerilis  loco  vestri ,  realiter  et  de  facto,  ducentos  mille  scutos 
anreos  vcteres,  monetsp  regni  vestri  pra>dicti  Francis,  vd 
valorem  venim  eoriimdem,  isto  videlicet  modo  quod  solvemds 
aut  solvi  faciemus  vobis ,  aut  cuicumque  seu  quibuscumque  a 
vobis  legitimam  potestatem  babentibus,  centos  mille  scutos 
infra  annum  unum ,  computandum  a  tempore  qno  dicti  Ca- 
tholani  inobedientes  devenerint  et  redacti  fuerint  ad  nostram 
veram  et  completam  obedientiam ,  et  alios  centum  mille  scutos 
velcres,  vel  valorem  eorumdem  solvemus  vd  solvi  faciemus 
vo)>is ,  vel  cui  voluerilis  et  mandabitis  nomine  vestro,  infini 
tcinpus  alterius  anni,  computandum  a  fine  tennini  prims 
solutionis  faciendum  de  dictis  prioribus  centum  mille  scutis.  In 
socundoautem  c^su  quoex  dictis  septingentis lanoeis  de  quibus 
supra  mentio  babetur  quoad  Githalonis  principatum  a  cdsi- 
ludino  vestra  babere  voluerimus  quadringentas  lanceas**  mu- 

'   Il  V  <•  ici  ^rrtar  évMlfBUi  A»  ropisU»;  cWt  ^madhm^tmâ  Uiufâ  qall  bal  lira. 
"  \.e^  drat  CM  ont  étc  iatanrvrtis:  ^vidamaMal  lat  trois  ca«l  adBi  ^cm 4laâMt  paarb 
|vi arment  des  »rpt  caats  baeas,  at  laa  dast  caal  aiifla  poar  U  paycMtat  4ai  ^Ira  caats, 

II.  39 


610  PHmJVKS 

iiitas  modo  cl  forma  prii'liluitis,  et  illas  cum  eCTectii  niitlali!! 
vestris  propriis  siimptibuA  et  exponsî»  pro  serviendo  nobis  in 
gucrra  in  rcgnis  Aragoiium  vel  Valencia\  vel  in  altero  eorunadem 
regnoruni,  et  ibi  quantum  opus  fuiTit  pemianserint ,  dabimu» 
et  trademu»  vul>is  aut  cui  seu  quibus  volueritis  et  mandabiti» 
loco  vcstri,  l'caliler  et  de  facto  treienlos  mille  scutos  auri, 
velt'ris  monc(»i  vcsiri  regni  FrancLu,  in  hune  videlicet  modum, 
quod  solvemus  aul  soivi  faciemus  vobis,  aut  cuicumque  sou 
quibuscumque  a  va])is  sulFicientem  potcstatem  habenlibus,  cen- 
tum  mille  scutos  infra  annum  nnum,  computandum  a  tempore 
(|uo  dicti  Catlialani  inobedientesdevenerintet  redacti  fuerinl  ail 
noslram  veram  el  completamol)edientiam,elalios  cenlum  mille 
scutoft  veteres ,  vel  valorem  eonim,  solvemus  aul  soIvi  facienius 
vobift,  aut  cui  voluerilis  el  mandabitis,  nomine  veslro,  inOra 
tenipus  allcrius  anni,  computandum  a  fuie  terminis  prime 
solulionis  faciendat,  et  dictis  prioribus  cenlum  mille  scutis; 
reliqnos  autemcentum  mille  scutos  ad  complementumdictorum 
trecentorum  mille  sculorum,  suo  ca»u«  solvemus  seu  soIvi 
faciemus  vobis  aul  cui  vulueritis  cl  mandabitis  nomine  vcstro. 
infra  lempus  alterius  anni,  nmiputandum  a  tine  termini» 
secundHï  solulionis  facienda*  de  aliis  centuro  mille  scutis; 
H.  Promillimuî»  vobis, dicto  serenissinio  Francorum  re|çi  •  con>an- 

guineoet  confederato«  tanquani  fralri  nostro  cari^simo ,  ri  pro- 
lonolariis  cl  noiano  infra  scripto,  Uinquam  publie*!.*  el  aulhen- 
tica.*  pci*Honiia\  pro  omnibus  quorunimodo  interest  aul  intéresse 
poleril  quomodolibel  in  fulurum  legilinie  stipulanti ,  in  noelra 
bona  fide  et  verbo  regio ,  quod  eosdeni  duccntos  mille  scutos 
suocai»u  vol  Irecenlos  mille  sculosin  sno«  singulasinguliirele- 
rendo,  solvemus  aut  soIvi  faciemus  el  mandabimus  vobis,  seu 
rui  aut  quibus  volnerilis  el  niandabilis  nomine  xesUc»,  juxla 
moduni  cl  formam  AU|>erins  nicmoralam,  atquo  lem|Kiribu>  el 

■inM  (|ii'il  r*i  dit  eipfMMBMBt  liau*  i'nUifpitioB  {MrlkulKrf  ilu  mi  d'Arapta  ,  iloni  Tr lirait 
»r  iroove  daat  In  pircw  éê  OmÎBM.  ÏBiu^utrawBl  •««■!  I«  trait*  d>a(ifrMriit. 


III. 


DE    l.A    DELXÎKMK    PARTIE.  611 

lenninis  supra  designalis  et  staluti:»  ullenoribus  de  <*anonibus, 
Mil>leriupis  et  exceplioiiibus  reseiatis  e(  |>enitu9  pnK^ul  pulsis. 
Kl  ad  en  oiniiia  et  singula  ,  prout  prr  nos  supra  el  infra  promissa 
<'t  obll^ata  sunt  tenendum  ,  roniplenduuict  inviolabiliter  obser- 
vnnduni ,  rinini  animi  afiectu  obligamus  vobis ,  dicto  serenissimo  * 

I  rancoruni  rep,  geiicraliler  nmnes  redditus  et  introitus ,  jura 
et  emolumenta  (|uorunilibet  regDorum  et  terrarum  nostrarum, 
oiiiniaque  bona  nostra  mobilia  el  stabilia,  quocumque  sînt  et 
ubi  reperiantur,  babita  et  babenda  ;  specialiter  et  expresse  obli- 
«:aiiius  v<)l)is  quoscuinque  redditus,  introîtui,  jura  et  emolu- 
inenln  qua>  nos  babemus,  rccipimusin  comitâtibus  Rossîlionis 
et  Ori(noia\  solutis  oneribus  quff"  modo  de  eisdem  solvuntur. 
Si  tamen  aliquae  fuerint  facta*  gratiae  vcl  ««ssignationes  super 
jiiribus  et  redditibus  dictorum  coinitatuum  Rossîlionis  et  Ceri- 
(ania;,  ultra  ordinarias  quv  de  decentibus ,  illis  qui'illas  recî- 
pinut,  vos,  dictu!»  illustrissimus  Franeonim  rex,  babeatis  et 
reci|>iatis,  et  babcre  debcatiscum  umni  juris  plcnitudioe  etin- 
te«:iitate,  islo  videlicet  modo  quo,  postquam  quantitatcs  pre- 
nieutioDatas  scienciata^  vel  débita*  fuerint,  et  quod  eidem  non 
fuerint  exsoluta;  modiset  formis  superius  mentionatis,  idem  et 
celsitudo  vestraintroitus,  jura,  redditus  et  emolumenta  dictomm 
eomitatuum  Rossilionis  el  Gcritauia? ,  deductis  oneribus,  modo 
i|uo  supra  dictum  est,  babeat  et  recipiat  per  manus  magnifici  et 
dilecli  consiliarii  nostri  (laroli  de  Llmis,  militis,  procuratoris 
re^ii  in  eisdem  comitâtibus  RossilionisetCeritanis,  vel  alterius 
sucee>soris  sui  in  otFicio  supradicto;  ita  quod  quœ  hujus  modi 
nulditus  reiipietis,  non  computentur  in  sorti-m  principalem 
dictorum  ducentorufli  millia  aut  trcœntorum  millia  scutonim, 
singula  siugulis  referendo.  Et  nibilominus,  ad  ulleriorem  vestri  iv 

hiitionem  et  securitatem  communcmque,  padscimur  et  noa 
oliligamus  quod  faciemus,  atque  operam  dabîmua  efficacem, 
(|nod  dictus  Carolus  de  Ulmis  idoneam  faciet  oUîgalionem, 
advenientibus  casibus  supradictis,  in  quibut  jura,  redditus, 

3cj. 


012  PKKIJVES 

îiilroitus  et  cmoliimonL'i  diclorum  comitaluuni  Rossilionîs  et 
CeritanitT,  rigorchujiismodi  coiiYpiitionis,  pactî  et  obligatîonis 
ad  vos  {H*rtinel>iiiit ,  de  illis  respondchit  sublimitati  \estnc,  vel 
ciii  vohicrit  et  niaiidabit,  jiixta  formam  superius  ment  ion  atam  , 
etquod  successores  siii  in  diclo  offîcio  procuratoris  ro§riî«  suis 
loco  et  teinpoi*c  roiisinillein  facient  obligalionem  qiiam  fecerit 
supra  liis  (lamlus  de  Uhnis ,  proouralor  regins  qui  nunc  est  in 
dictis  conulalibus  Uossilionis  et  C^eritaniiu;  et  insuper,  nipicntes 
vos ,  ennideni  serenissimum  Franroruni  regem ,  in  et  super 
pra'missis  i*edderc  tulioiem,  rum  bac  eadem  convenîmus. 
pacisc'imur  et  nos  obligamnit  quod  ilbistris  Jobannes  de  Ara- 
gonia,  iiiius  noster  carissinuis,  administrator  ecclesL-r  Cesar- 
augustensÎH,  nobilia  Petrus  de  Urrea,  frater  Remardus  Hago- 
nis  de  Uu|)ebertino ,  comniendator  Montissoni ,  onlinis  sancii 
Joliannis  Hierosolimitani ,  Petrus  de  Peralta  et  Fen'arius  de 
I^anuça  jusiicia  regni  Aragonuni,  milites  consiliarii  nostri. 
idoncam  faciant  obligalionem  quam  supradictus  (larolus  de 
Ulmis,  procurator  regius ,  autejus  successor  iueodem  ofTicio. 
defeceril  in  sobitione  l'edditnum  et  jurium  dictoruoi comitatuum 
Rossilionis  et  Ceritanîa\  qua>  annis  singidis,  deduclîs  oneribns 
modo  pra^dicto,  solvenda  enml  vobis  quousquc  celsitudini 
vestra;  quantitas  dictorum  ducentorum  miliia  scutoruni.  sno 
rasu ,  et  trecentorum  miliia  sculorum,  in  suo ,  vei  vaior  îpsonim 
soluta  fuerint  cum  efTeclu.  Nos  enim,  pro  majori  omnium  et 
sîngulorum  supra  et  iiifra  scriptorum  fortificalione  et  corrobo- 
ratione«  renunciamus  quoadque  omni  jure  canonico  et  cîvili 
foris,  consuetudinibus ,  usaticis,  legîbus  et  aliîs  juribus,  et 
auxilio  juris  vel  facti  qui  et  qua*  quoad  îsta  nobis  prodesse  vel 
vobis,  illuslrissimo  Francorum  régi,  nocereaut  obesse  postent 
quovis  modo,  ratione  seu  rausa  qui  et  qua*  diri,  scribi  aut 
cogitari  valerent ,  etiam  in  favorem  rcgum  et  pnncipuni  întro 
ductis.  In  quorum  omnium  et  singidorum  tcstimonium . 
prx'sens  publicnm  instrunientum  contici  jussimun  per  protho- 


DF:    la    DEl  VIKMK    I>AI\T1K.  013 

noiariiim  nostruiii  et  iiolariiiin  piiblicuni  infra  scriptuDi.  Qiiod 
fuit  (iatuin  et  acluni  in  palatio  aix*hiepiscopali  civitatîs  Cesar- 
au^ustensis,  die  viceninio  tertio  meiisis  maii,  aniio  a  nativitate 
l>omiin  inillesiinuqiiadrin^entesiniosexagesîino  secundo,  regni- 
(]ue  nostri  Navarrd^  anno  trigcsimo  iteptimo,  alionim  vero 
regnorum  nostix)rum  quinto. 

(  7Vref  du  tome  II  des  pièces  des  Mémoires  de  Comines.  ) 

N»  M. 

Panlon  accordé  par  Louis  XI  aux  Perpiqnanais. 

lx>ys  ,  etc.  (x)innie  moyennant  la  grâce  de  Dieu  ,  nous  ayons, 
puis  naguères,  par  force  d^annes  fait  mettre  en  nostre  obeyssance 
nostn*  ville  de  Perpignan,  ensemble  nostre  comté  de  Houssîllon; 
en  faisant  laquelle  réduction,  lesdits  bourgeois  (*t  habitants  de 
noNtre  dite  ville  se  fussent  mis  en  armes  et  fait  toute  la  résistance 
(|u'ils  eussent  pu  à  Tencontre  de  nous  et  de  nos  gens  ;  et  depuis, 
|)ar  force  et  contrainte  eussions  mis  leurs  personnes  et  biens  k 
nostre  volonté;  et  soit  ainsi  que  depuis,  lesdits  bourgeois  et 
habitants  ayant  envoyé  par  devers  nous  Pierre  Serragut,  consul 
(le  ladite  ville,  et  Jean  Estcve,  bourgeois  d*iceile  ville,  par  les- 
quels ils  nous  ont  humblement  fait  supplier  que  notre  plaisir 
fut  avoir  pitié  et  compassion  d*eu\  et  les  recevoir  en  nostre 
bonne  grâce  et  bienveillance,  et  leur  remettre,  quitter,  par- 
<lonner  et  abolir  les  desobeyssances ,  résistances,  port  d'armes, 
homicides  et  autres  crimes  et  délits  par  eux  commis  et  perpétrés 
ù  rencontre  de  nous  et  de  nos  sujets,  et  surtout  leur  impartir 
nostre  grâce.  Pour  quoy,  nous,  qui  ne  voulant  la  destruction  de 
ladite  ville  et  des  bourgeois  et  habitants  en  icelle,  mais  désirant 
leur  bien  et  entretien  en  nostre  obcvssance,  voulant  miséricorde 
|)référer  à  rigueur  de  justice  et  inclinant  aux  humbles  suppli- 
(  allons  et  rtH]uestes  qui  sur  ce  nous  ont  MàtuÊM  par  lesdits 


on  PKELVES 

lK>ui'^eois  el  liabilaiils ,  et  atiii  que  dorénavant  ils  se  couduîseni 
et  gouvernent  envers  nous  comme  nos  bons  et  loyaux  sujets 
doivent  faire;  et  pour  autres  causes  et  considcTations  à  ce  nous 
mouvants,  auxdits  bourgeois  et  habitants  de  nostre  dite  ville  de 
Perpignan  avons  quitté,  remis,  pai'donné  et  aboli;  quittODS, 
remettons,  panlonnons  et  abolissons  de  notre  grâce  spéciale, 
pleine  puissance  et  autorité  royale,  par  ces  présentes,  toutes  les 
offenses,  n'4)eHions,  desobevssances,  amendes,  roberies,  boute- 
ment  de  feux,  abattements  de  maisons  et  autres  édifices,  crimes 
et  délits  et  offenses ,  en  quelque  lieu  ou  en  quelque  manière 
qu'ils  les  aient  faits  ou  commis,  tant  en  général  comme  en  par- 
ticulier, à  rencontre  de  nosdits  gens  et  sujets  et  tenants  nostre 
parti  et  autres  quelconques ,  ja^itce  que  le  cas  ne  les  personnes 
et  biens  ne  soient  ci-dedans  autrement  spécifiés  et  décluri'S ,  de 
tout  le  temps  passé  jusqu'au  jour  du  serment  |>ar  eux  à  nous  fait 
de  nous  eslre  bons  et  loyaux  sujets ,  sans  ce  que,  pour  occasion 
desdites  rébellions,  desobeyssances  et  crimes  des  usdits,  commis 
à  rencontre  de  nous  et  de  nosdits  sujets  et  tenants  nostre  parti , 
ne  aussi  pour  aucune  partie  qui,  à  l'occasion  de  ladite  guerre, 
puisse  être  intéressée  et  cndumiuagéc  par  lesdits  bourgeois  et 
habitants  en  quelque  manière  que  ce  soii;  et  pareillement  pour 
la  desobeyssancc  et  autres  crimes  et  délits  par  eux  commis  à 
'  rencontre  de  nostre  très-cher  oncle  et  cousin,  le  roi  d*Aragoo  ou 
uostre  très -chère  et  amée  tante  et  cousine ,  son  é|>ouse  ou  leur 
primogénil,  aucune  chose  leur  en  puisse  jamais  être  imputée  ou 
demandée  ores  ne  |H>ur  le  tenip  à  venir,  en  quelque  manière 
que  ce  soit,  et  les  avons  ix*stitués  t*t  lemis,  instituons  et  remet- 
tons, parccH  présentes,  a  ladite  ville,  au  pays  et  à  leurs  biens, 
et  sur  tout  imposons  silence  per|H>tuel  à  nostre  procureur  pré- 
sent et  tt  venir,  et  a  tous  autres.  Et  en  outre ,  |K)ur  ce  que  nous 
avons  été  averti  que  plusieurs  des  habitaiit>  de  ladite  ville,  après 
la  réduction  d'icellc  en  nostit.*  obcyssanre  ou  devant  ic  lie  ré- 
duitîoii .  doublants  rigueur  de  justice,  se  sont  absentés,  et  pc»ui 


nt    LA    DBUXIKME    PARTIE.  019 

occasion  de  leur  absence  ont  ealé,  à  voik  publique,  baiiONde 
)iar  iiou«,et  leu»cor|Metlennbi«isdéclaréaconfiaqné>,noi», 
de  noitre  plus  tanjie  gréée,  avôiu  voulu  et  ordoDoé,  vouloM 
et  nous  (J>it  que  lewiih  «faeaite .  eondema^  on  boq  coodinnéi 
envers  nous,  comme  dit  est,  qui  sont  ratonméa  et  ratoaroMml 
demeurer  en  ledits  v31e,  dedans  le  lensie  de  tram  moi*  f^iWhAiwt 
venanb.  i  compter  d'njoordliai,  joalMeM'  ât  TéblMùa 
dessus  dite comoM  les  ntn>qaie«DlMiw«r^«BiItAlfl^Hi; 
comme  dessus  est  dit ,  et  ÎMtM  ««d«  '  rtpp^  W  ^ÉlIiWV, 
rappdoDS  et  resHioons  ptr  ce<  piréMBta,  ft-Ww  W'k  WiMk 
royaume,  oonobtul  'ytmlMmijmA  tvmiAm»,.iài^f' ^  Valttit- 
«ions  qui  poumnenlnar  M  firiMs  cflbMnikdtlMtrt'kivtt^ 
srnce.  laqndle  ne  fetf  TOtdott  n«iw'w)>fyuJta(i.hMll''Rh 
vous  mise  et  la  mettotn  dta  tMrt  aa  àtttt  {M^Mà  prtMMai;  "  ' 
Si  donnons  en  menoMMlM  nK'V^[Blttv,'g0H  <M  Mbsfliil^ 
ment  audit  PsrplglMttl  tttWttM  AMM  JSMUiMtMl'l^ltfA 
lieutenants  et  k  àuAn^mix,  d  eotOMi  9  iâ^iffisél/iAi\ 

»».    J^    ,,^«      ■        J>    -    ■*  ■•  *  ■      '"         -■-■      '     *  ■    ■■-*  ■  '         ..     *l1.     ttw.M.ti    ijL 

que  ne  nos  pranon  gUBe,  qBIBHKMt  MHISimin,  COBBHHM  R 

rmppaiiiliunt.ioaiBml.UMBÉitli>arbiliii||MliiuaiÉil 
jouir  et  user  jnéiMiiMat,  mis  ni  sinQii/atÉiiM'i'w'WiflBfr 
estre  fait  et  donné  «  eet^  btf  M  Uat^  Miritt  «MUMMW^ 


manière  que  ce  sait,  MÉM  M  liar  ctMpt  o«  ! 
eatoient  pour  oe  pria  en  am^cBclih,  n  k* 
mettre  sans  deUj  à pUna deUnanoe.  EtW^MM  al' 
que  «■  prisBMf  ■eiot 

tiendra;  et  afin  qu  ce  Msl  flllAe  Un»  «t  etefale  1 
■)ou«  avons  lait  aaetln  nosli*  smI  ^«M 
rhnses  noaln  dmil  ^  «I  l'MIrni 
Donné,  etc.  ' 

ir  //  Av  f.rfr.  J»  Met 


(>16  PREUVES 

N"  VU. 

Lettre  de  Louis  XI  au  comte  de  Dammtuim, 

Monsieur  le  grand  maître,  les  deux  héraulto  de  Bourgogne, 
c*est  à  sçavoir  Toison  d*or  et  Luxembourg,  me  sont  venus  dire; 
c  est  à  sçavoir.  Toison  d*or  pour  me  sommer  de  garder  la  trêve 
au  roi  d* Aragon,  et  Luxembourg  pour  aller  devers  ledit  roi 
Jean  d*  Aragon ,  le  lui  dire.  Je  lui  ai  répondu  que  de  ma  part  je 
veux  tenir  la  trêve ,  si  le  roi  d* Aragon  la  tient;  mais  que  c*est  lui 
qui  Ta  rompue  et  pris  les  places  sur  moi ,  et  s*il  me  les  peut 
rendre  je  suis  content  de  la  tenir  ;  et  sur  ce ,  je  fais  conduire 
Luxembourg  jusques  devers  le  gouverneur  de  Dauphiné  (Du 
Lude,  général  de  Tarmée  de  Roussillon) ,  et  mande  qu*il  le 
garde  jusqu*à  ce  qu*il  ait  fait  les  besognes,  et  après,  qu'il  me  le 
renvoyé  ;  et  pourtant  le  duc  cuydera  que  son  hérault  besognera 
le  mieux  du  monde.  Je  vous  manderai  le  surplus  par  monsieur 
le  chancelier.  Brert,  qui  les  conduisoit,  dit  qu*ils  ont  dit  a  un 
honmic  que  le  duc  de  Bourgogne  voudroit  bien  maintenant 
récompense  pour  ses  deux  villes ,  etc.  Ldys. 

(Dudos ,  Hist.  Je  Louis  XI,] 

N«  VUl. 

Serment  de  fidélité  prêté  à  Louis  XI  par  François  dOms,  ekftaUer  rmu* 

siUbanais. 

Je ,  François  d'Oms,  escuyer,  je  jure  par  Dieu,  mon  créateur, 
sur  la  damnation  de  mon  anic  et  par  le  baptême  que  je  aportai 
des  fonts,  que  bien  et  lovuunu*iit  je  senirai  le  ruy  Ii<)>s  de 
Krance,  mon  souverain  seigneur ,  envers  tous  et  (*ontre  tous 
ceux  qui  peuvent  vivre  et  mourir,  san»  nul  excepter,  rt  nom- 


DE  LA   DEUXIEME   PARTIE.  617 

uiémeDt  contre  le  roi  Jean  d*Anigon  et  son  fib,  le  prince»  et 
contre  tons  qui  tiennent  et  tiendront  leur  parti ,  soient  mes 
frères ,  mes  parents  et  antres,  quds  qa*ib  soient;  et  si  je  sçai 
ou  puis  sçavoiraiicane  chose  an  pr^ndicedodiCseigneartdesa 
personne  ou  de  son  rqyanme ,  je  Ten  avertirai  et  éfiterai;  et  ansû 
pourchasserai  son  hien  à  mon  pouvoir.  En  téoMMn  de  œ*  j'ai 
signé  ces  présentes  de  mon  seing  maniial«le  trnisièmejowde 
novembre  .Tan  mil  qoatre  cent  soixante  et  qnataae.    P.  nX)w. 

{Umkm,  HittiÊLmkn.) 

,•   . 

t. 

'    w  H. 

Tifrt  it  1res  iiliia  éÊmd  à  h  ■>  ih  r^iaijaaa 
Amats ,  fiids  nosires»  perveelm  Heirei  aoni  ostels  eortSeali 

iHBlniOwrai 


Hed  e  fiddissima  vHrawIre;  MbcmB  sia  estai  fit  sena  gran 
misteri«  e  ((ne  vol  D0B  réserver  afMnf  p6lÉS''HNSBÉins'  fier 
dguna  gran  ebra;  en  eveqwrsn  moil  pilMl  Vlii  poiOi  lft(Bfifr 
de  les  cottgoons  1^  sgetanin,  El  gevenmiiar  de  CMAbi^ 
escnvim  en  cimm  Bari|lp|pttl«  par  en  ¥Oi.sgra  cMnmmielMla', 
referimnoa  a  ^^V^f^ÊÊp'^  aumar  a  lais  eoni'ii  yàmtkm^ 
per  Tostra  gran  rirld^SHânaBial ,  per  a  pieaant  IMMBif» 
avant  los  altres  benelM^qn'eoi  enlenem  pseaegniiiW  < 
que  qau,  e  degndamentt  aifsesta  eieeBendÉ  e  dignA 
les  dtres  dotais  e  vS»  noélras*  ^nek  Taia  sia «iHUëfcpÉr 
petuament  Ftemoani  A,  ebpoM^fHblHMiiManieBor^ 
de  la  gran  fe  e  eenatanoia  vosln.^ 

Dada  en  Gerana,  a  ^  4»  l«Mr  Ut^.         Ilnr  JéiMti'*>^tr« 


4. 


(■)l«  PREUVES 

N"  X. 

(lapitulution  de  Perpi(fnan  en  1^75;  traduite  du  cuUiUm,  du  U$'e  vert 

mineur  des  archives  de  cette  tiiie. 

Articles  faits,  conclus,  convenus  et  jurés  entre  les  respeclahles 
!»eigiienr8,  niessire  Jean  de  Dayton,  seigneur  du  Lude,  gou- 
verneur (iuDauphiné,  etinessire  Yvon  Duffou  (du  Fou),  gou- 
verneur d'Angoumois ,  chevaliers,  conseillers  et  chambellans 
du  très-chnUien  seigneur  roi  de  France ,  ses  lieutenants  et  ca- 
pitaines généraux  dans  les  comtés  de  Houssillon  et  Cerdagne , 
d*une  part;  et  les  consuls,  conseil  général,  cheiraliers,  nobles 
et  autres  demeurant  et  habitant  en  la  ville  de  Perpignan , 
d'autre  part,  sur  et  |x>ur  la  mluction  à  Oeiirc  de  ladite  ville  à 
robi'issancc  dudit  seigneur  roi  de  France. 

1 .  n  est  convenu  et  acconlc  que  ledit  seigneur  roi  de  France 
et  lesdits  lieutenants  et  capitaines ,  au  nom  et  de  la  part  dudit  aeî- 
gneur  roi ,  feront ,  et  par  les  pn'>sents  articles  (ont  rémisaion  el 
absolution  générale  et  sauvegarde  perpétudle ,  qu*ils  ne  MCfian- 
dront(>n  aucun  temps  et  par  aucune  raiion  que  ce  soit,  sur  toua 
exccset  délits  quele<lil  seign(>ur  roi  prétendrait  avoir  été  commîa 
|>ar  lesdits  consuls,  coriM'i!  général,  nobles,  chevaliers,  bourgeob 
et  autres  de  la  pn'>sente  ville  et  comtés .  de  quelque  condition 
que  ce  soit,  contre  lf*dit  seigneur  roi,  son  état  et  sa  couronne, 
et  contre  toute  autre  |>ersonne  quelconque,  ou  de  toute  autre 
manière  qu'on  |)ourrait  dire  ou  penser  en  aucune  forme;  iia 
Jureront  et  promettront  que  ladite  rémission  et  sauvegarde 
Héron  tconser\-éeft,  donni^es,  acceptées  et  jurées  par  ledit  seigneur 
i-oi  dnnit  le  courant  di*s  deux  mois  prochains ,  ou  dans  le  terme 
auquel  TiHubassade  ser.'i  devant  ledit  seigneur,  après  la  prise  de 
|H)s.ve>HÎon  de  cette  ville ,  au^si  largement  el  rnmplétement  qu'il 
se  |K)niia  dire,  mettre  r\  ordonner  |K»ur  Tavanlagir  des  dessus- 


V 


DE   LA   DEUXIEME   PARTIE.  619 

(lits ,  et,  (le  plut ,  avec  ladite  rémiMion  el  abelilMiô  tara  iùta 
une  restitution  gàoénim  dm  biens  oonfiiqiiéa  ani  deetoadit», 
conKÎgnés  ou  mis  au  pouvoir  de  qui  que  œ  eoit. 

a.  Ueftlco«¥eiinetacoordéqueledtlteigiiearmdaFVaiioa» 
et  leadits  lieutenantstau  nooi  et  de  la  part  dodil  eeigiieor  rai, 
confirmeroot«  jureronl  et  eooeenrarottt  tous  privUégQi,  iilierlia« 
us  et  coutumei  que  kdita^iBe,  lea  inae  euMiiailique  et  niilitaba 
et  chacun  d*euK,  tant  eooaMiD«iq«*en  partiouliar,  etqnalqM 
personne ecdésiaitu|M«  noUaa,  dKvdieff  vbMrgeoîaetattlMi 
de  ladite  préMDta  ville  de?  P»pignan  at  coaatia  deiBô— iBoa  et 
de  Cerdagne  peaaèdeflf  a^|OMiid*i»i  et  0B<  poaeédéi  'moMiâ 
avec  le  roi  d'Aragon,  ne  meltHit  paa  pha  i*dflkiai»*fttii  n^Sen 
comporteni  ki  pmiiégea.  Ma  de  taa  lema  et  aomlllnliotia  de 
Catalogne,  et  qu^ils  lis  lljjjfcilninl  et  «■inliBndwnt  petfpiH J 
lement.  •  »  •  /  "  •  •  >  •  '  '• 

3.  ne8tcon¥en«4aifcardéqn*MitaeignerirMdeKa9o^ 
etlesdits  lieutenanlafiffliÉftaMaaanaanaoaîviié  tiawlifoniv 
ni  à  présent  ni  en  aMÉwtnppa,  paràne««tûeaiinb<elrya9« 
sonnes,  ni  lia  aaeawi^ia  dndll  toi  famOpmènt,-  di*nnliPéi, 
personnes ,  en  ^n^^j^  néfcearilé  qrfiaioiinlon  pniitaiil  ilut 
aux  împoaitioiis  ili  MÉf  lllii  Milift^  ttan»;  dratodTiiiltc 
mais  qu  ils  les  ^iMM|(*^  P*  ^^'^  «Oav^Miii^'dle  h 
coutume  de  les  poidi^H|pb  lea  tempe  p0aéijniqn*à  aa^Dnr 
et  qu*ils  en  laiiseninwB>'yap|JicationeaniMaer§  ailJnaegnf4 
c'est  ce  que  jnnranftjaijfentcapilunaa  dèa  à  pviientviit  liMI 
seîgneurnndaaala'terâMtî-ÉMnanpieifiéi  :  >>l-iifi. 

4.  n  est  eenran  e|  ■iiii«tiÉ|pi^tBi  mm  di  kditÉi  fO^^ 
absents  ou  préjeati  etfnliwéanM  nonmrfa  «tant  lonmiéfit 
Cmmes,  de  qndfna  élHti  U  M  «dnditien^*ib.aeien»f ^ 
sont  maintenant  oéfui^ykliiaÉi  al»  4Mten«nl  aoriî^^ 
dndit  seigneur  ini  d*Aragan  «9.  «n  qnriqnn  ««lit  lienii^nMé' 
!»oit,  le  puissent U(n|Bn4im|a%arti«éMi  la  iirtaithaqnaiin 
IMTocliaînes  années ,  avec  tfâll^  iMr AmB^HilèiBna ,  da  i|iMlq^e 


\f 


•\ 


020  PREUVES 

nature  et  coiiditioii  ({u*ils  soient,  et  qu'il  ne  sera  mis  aucune 
e8|)èce  de  retenue  ou  d'empêchement  sur  leurs  biens, héritage, 
cens ,  censives ,  or,  argent,  marchandises  et  autres  biens ,  béoé- 
iices  ou  dignités  ecclésiastiques  les  concernant; qu'au  contraire 
ces  objets  resteront  sous  leur  nom ,  qu'ils  en  conserveroal  les 
émoluments  et  profits  et  les  feront  percevoir  par  leurs  fiemmet, 
enfants,  procureurs  ou  autres  personnes  qu'ils  y  voudront  laisser. 
Après  ce  terme  de  quatre  ans,  ils  pourront  revenir  et  rester  dans 
ladite  ville  et  dits  comtés,  ou  dans  le  royaume  de  France,  «m 
bien  dans  ledit  terme  ils  pourront  vendre ,  donner  ou  aliéner 
lesdits  biens ,  et,  s'ils  sont  ecclésiastiques ,  ils  pourront  permuter 
leurs  bénéfices  et  dignités.  Le  seigneur  roi  de  France  promettra 
maintenant  pour  alors,  et  alors  pour  à  présent,  qu'il  aura  ces 
sortes  de  contrats  pour  solides  et  agréables ,  et  que  ceux  qui 
voudront  s'en  aller  pourront  le  faire,  et  revenir  dans  ledit  terme, 
et  qu'il  sera  libre  et  laissé  à  leur  volonté  d'emporter  leur  or, 
argent,  marchandises  et  biens  meubles,  quels  qu'ils  soient ,  qui 
seraient  en  leur  possession ,  sans  pouvoir  y  mettre  aucun  empê- 
chement. Et  si ,  par  cas ,  cesdites  personnes  ne  voulaient  pas 
revenir  et  rester  dans  la  présente  ville  et  comtés ,  ou  si  dlea 
voulaient  s'en  éloigner  dans  ledit  terme,  que  ledit  seigneur  roi 
de  France  maintenant  pour  alors  et  alors  |K>ur  à  présent  les 
prenne  sous  sa  sauvegarde  et  leur  garantisse  généralement  en 
toutes  choses  leurs  |>ei*sonnes ,  biens,  héritages  et  dignités  pour 
ledit  teni|)s,  à  compter  du  jour  de  la  signature  des  présenCs 
articles ,  qu'ils  en  puissent  profiter  et  agir  de  la  même  manière 
que  s'ils  étaient  ici  présents  eux  et  leurs  procureurs ,  et  que  nul 
oHicier,  pour  aucune  caus(*  ou  raison  que  ce  puisse  être,  ne 
puisse,  durant  toutr  la  durée  de  cette  sauvegarde,  exercer 
arrestation .  di*lention  ou  exécution  sur  leurs  personnes  ou  sur 
leurs  bien>.  |)our(|uclqu(>N  obligations,  dettes,  crimes  ou  déiiti 
que  ce  M>it ,  et  en  quelque  forme  que  ce  puihse  être. 

5.  Il  v»\  coinenu  et  i«rconlé  que  si  en  aucun  temps  ledit 


DE  LA   DEUXIÈME  PARTIE.  OSI 

seigneur  roi  ou  set  snooetaeiin  et  ofBcien  voulneiit  éàmgMit 
que]qu  un  de  la  ville  ou  des  comtés,  fm  lui  payeni  ses  biens  et 
héritage  réellement  et  en  argent ,  et  ces  biens  seront  estimés  sons 
serment  par  deux  personnes  choisies  Tune  de  la  part  du  roi , 
Tautro  de  la  part  de  celui  k  qui  appartiendront  ces  biens. 

6.  n  est  convenu  et  accordé  que  ledit  seigneur  roi,  dans  le 
terme  mentionné,  et  ses  lieutenants  et  centaines,  en  son  nom, 
révoqueront,  casseront,   annukrant,    et  par  les   ptésentes 
cassent,  révoquent  .aonident  toutes  donations  quelconques, 
grâces ,  concessions,  pensions  et  tous  autres  contrats  frits  ou 
promis  par  ledit  roi  et  ses  lieutenants  et  capitaines,  des  biens 
des  hommes  de  la  présente  ville  et  des  comtés,  aussi  bien  que 
ceux  des  individus  qn  ik  ont  tués  ou  eaéeutés ,  vodant  que  par 
grâce  ils  leur  soient  rsftdne^Mi  à  leurs  liéritieis  et  suceéiseuif, 
que  ce  soient  châteaux,  vfflsa.  Baux  ou  autres  biens  meubles  oo 
immeubles  ou  se  mouvpt.  droits  ou  actions  desdits  comiési 
cesdites  donations  et^<|^toM  contrats  cassant,  révoquant  et  an^ 
nulant  maintenimt  poqr  lors  et  don  pour  à  pféeent,  vodant 
quHIs  soient  cassés  el  nu}s  et  tenus  pour  cassés  et  nnb  oomne 
8*ils  n*avaient  pafiljf  bits;  qu*immédiatsnentaptèila  sigiialuiu 
des  présents  artidtf ,  lesdites  penonnes  on  hétilisia  et  suœsi 
seurs  desdits  morts  ov^pMras,  puissent  être  ans,  oonservés  et 
maintenus  en  posseM|R|^hedits  biens  et  dmes  d*ioenz,  et  que, 
de  leur  autorité,  3s  puissent  les  prendre  sansancnne  permisnoB. 

7.  Si  le  seigneur  roi  de  ftance  voiJsit  iransmallr e  à  ravedr 
dans  les  présents  comtéa  de»  1  mmnissahei  pour  IweqiNiqMS 
actes,  que  ces  commissaires  soioBt  adwmés  augeuvesueui  dut* 
dits  comtés  et  autres  officieft  duâkee^gneur,  poarqn*ib 
justice ,  nonobstant  la  famé  desditse  eonmissioni. 

8.  n  est  convenu  w4|^liMé  que  ledit  seigiieiu  iei< 
tnus  engagements,  établissements,  aftanoUssemenlB  de  pio- 
priété  et  autres  contrats  du  d^puaine  iQjri,  Ma  ei  peesée  pur 
les  rois  d* Aragon  jpsqura  jou»  oA  les  basiile»  de  devant  le 


020  PREUVES 

nature  et  condition  tju'ils  soient ,  et  qu*il  ne  sera  mis  aucune 
espèce  de  retenue  ou  d* empêchement  sur  leur»  biens,  héritage, 
cens ,  censives ,  or,  argent,  marchandises  et  autres  biens ,  béné- 
fices ou  dignités  ecclésiastiques  les  concernant  ;  qu*au  contraire 
ces  objets  resteront  sous  leur  nom,  qu^ils  en  conserveront  les 
émoluments  et  profits  et  les  feront  percevoir  par  leurs  femmes , 
enfants,  procureurs  ou  autres  personnes  qu  ils  y  voudront  laisser. 
Après  ce  terme  de  quatre  ans,  ib  pourront  revenir  et  rester  dans 
ladite  ville  et  dits  comtés,  ou  dans  le  royaume  de  France,  ou 
bien  dans  ledit  terme  ils  pourront  vendre ,  donner  ou  aliéner 
lesdits  biens ,  et,  s'ils  sont  ecclésiastiques ,  ils  pourront  permuter 
leurs  bénéfices  et  dignités.  Le  seigneur  roi  de  France  promettra 
maintenant  pour  alors,  et  alors  pour  à  présent,  qu'il  aura  ces 
sortes  de  contrats  pour  solides  et  agréables ,  et  que  ceux  qui 
voudront  s*en  aller  pourront  le  faire,  et  retenir  dans  ledit  terme, 
et  qu*il  sera  libre  et  laissé  à  leur  volonté  d'emporter  leur  or, 
argent,  marchandises  et  biens  meubles,  quels  qu'ils  soient ,  qui 
seraient  en  leur  possession ,  sans  pouvoir  y  mettre  aucun  empê- 
chement. Et  si ,  par  cas ,  cesdites  personnes  ne  voulaient  pas 
revenir  et  rester  dans  la  présente  ville  et  comtés ,  ou  si  elles 
voulaient  s'en  éloigner  dans  ledit  terme,  que  ledit  seigneur  roi 
de  France  maintenant  pour  alors  et  alors  pour  à  présent  les 
prenne  sous  sa  sauvegarde  et  leur  garantisse  généralement  en 
toutes  choses  leurs  pei'sonnes ,  biens,  héritages  et  dignités  pour 
ledit  temps,  à  compter  du  jour  de  la  signature  des  présenCs 
articles ,  qu'ils  en  puissent  profiter  et  agir  de  la  même  manière 
que  s'ils  étaient  ici  présents  eux  et  leurs  procureurs,  et  que  nul 
oflîi-ier,  pour  aucune  cause  ou  raison  que  ce  puisse  être,  ne 
puisse,  durant  toute  la  durée  de  cette  sauvegarde,  exercer 
arrestation ,  <lélcntion  ou  exi-cution  sur  leurs  personnes  ou  sur 
leurs  bieuM,  |K)urquelqu€'s  obligations  ,  dettes,  crimes  ou  délits 
que  ce  soit ,  et  en  quelque  forme  (}uo  ce  puisse  être. 

5.   Il  est  convenu  et  anordé  que  si  en  aucun  temps  Ictlit 


1)K    LA    DEUXIÈME    PARTIE.  621 

>t* ij^iieiir  roi  ou  ses  successeurs  et  oflTicicrs  voulaient  éloigner 
qiiclqu  un  de  la  ville  ou  des  comtes,  on  lui  payera  ses  biens  et 
hci  Italie  rtrllcment  et  en  argent ,  et  ces  biens  seront  estimés  sous 
sorniont  )>ar  deux  personnes  choisies  Tune  de  la  part  du  roi , 
i'autiv  do  In  part  de  celui  à  qui  appartiendront  ces  biens. 

().   Il  est  convenu  et  accordé  que  ledit  seigneur  roi ,  dans  le 
terme  mentionné,  et  ses  lieutenants  et  capitaines ,  en  son  nom, 
révoqueront,   casseront,    annuleront,    et    par    les    présentes 
cassent,  révoquent,   annulent  toutes  donations  quelconques, 
grâces,  concessions,  pensions  et  tous  autres  contrats  faits  ou 
promis  par  ledit  roi  et  ses  lieutenants  et  capitaines,  des  biens 
des  hommes  de  la  présente  ville  et  des  comtés,  aussi  bien  que 
ceux  des  individus  qu'ils  ont  tués  ou  ext'cutés ,  voulant  que  par 
grâce  ils  leur  soient  rendus  ou  à  leurs  héritiers  et  successeurs, 
que  ce  soient  châteaux,  villes,  lieux  ou  autres  biens  meubles  ou 
inmicul)les  ou  se  mouvant,  droits  ou  actions  desdits  comtés; 
cesdites  donations  et  «ntres  contrats  cassant,  révoquant  et  an- 
nulant maintenant  pour  lors  et  alors  pour  à  présent,  voulant 
quils  soient  cassés  et  nuis  et  tenus  pour  cassés  et  nuls  comme 
s'ils  n'avaient  pas  élé faits;  qu'immédiatementaprés la  signature 
des  présents  articles,  Icsdites  personnes  ou  héritiers  et  succes- 
seurs desdits  morts  ou  autres ,  puissent  être  mis,  conservés  et 
maintenus  en  possession  desdits  biens  et  choses  d'iceux,  et  que, 
de  leur  autorité,  ils  puissent  les  prendre  sansaucune  permission. 

7.  Si  le  seigneur  roi  de  France  voulait  transmettre  k  Tavenir 
dans  les  présents  comtés  des  commissaires  pour  (aire  quelques 
actes ,  que  ces  commissaires  soient  adressés  au  gouverneur  des- 
dits comtés  et  autres  officiers  dudit  seigneur,  pour  qu*ils  fassent 
justice ,  nonobstant  la  forme  desdites  commissions. 

8.  11  est  convenu  et  accordé  que  ledit  seigneur  roi  confirmera 
tous  engagements ,  établissements ,  aflEranchissements  de  pro- 
priété et  autres  contrats  du  domaine  h)yd,  &its  et  passés  par 
les  n)is  d* Aragon  jusqu'au  jour  où  les  bastilles  de  devant  le 


622  PREUVES 

château  furent  prises  par  les  gens  diidii  seigneur  roi  df*  France, 
elduiis  la  furme  que  leurs  pmli^esseurs  les  tenaient  alors;  et 
quimniédiatement  après  la  signature  desdits  articles,  ceux  qui 
posstrdciit  Icsdits  objets  seront  tenus  de  les  remettre  et  restituer 
en  leurpreniiëi'e  possession,  et  telle  qu'ils Tavaicnt alors. 

9.  Il  est  convenu  et  accordé  que  ledit  seigneur  roi  de  France 
dans  ledit  temps,  et  ses  lieutenants  et  capitaines  en  sou  nom  et 
de  sa  part,  loueront  vi  approuveront  toutes  ventes  et  aliénations 
faites  de  proprictés  et  choses  qui  leur  ont  appartenu  en  fief  et 
seigneurie  pour  ledit  seigneur,  jusqu'au  jour  présent,  y  compris 
tous  droits  de  luisme  et  i\v  foriscape' . 

10.  Il  est  convenu  et  accordù  qu'attendu  que  la  terre  est  ra- 
vagœ  et  ruinée  par  cause  de  la  guerre,  lesdits  lieutenants  et 
seigneur  roi,  de  leur  autorité  et  pleine  puissance,  feront  grâce 
et  donation  aux  liomnu^s  de  Perpignan ,  tant  en  commun  qu'en 
particulier,  ou  à  ceux  desdits  comlés«  de  quelque  condition 
qu'ils  soient,  de  tout  ce  qu'iU  auront  payé  ou  qu'ils  auront 
retenu  par  devers  eux  par  commandement  du  roi  d'Aragon,  du 
capitaine  ou  autres  ofliciei*!»  qui  ont  été  ici  pour  lui ,  et  de  toutes 
dettes,  deniers,  marchandises  ou  autres  biens  et  choses  aux- 
quelles ils  seraient  tenus  ou  qui  appartinssent  à  des  hommes  ou 
femmes  du  royaume  de  France  ou  autres  personnes  tenant  son 
parti ,  ou  appartenantes  au  roi  de  France  ou  à  toute  autre  per 
sonne,  soit  qu'ils  les  aient  payés  an  trésorier  du  i*oi  d'Aragon, 
ou  à  toute  autre  pei*M)inie  qui  en  eut  n>ru  dndit  seigneur  roi  la 
grâce  et  le  don,  suit  que  celui  (pii  avait  cetle  dette  en  ait  lui- 
même  la  grâce  ou  (Ion  du  seigneur  roi  d'Aragon.  Kn  pan'il  cas   » 
ou  en  tout  autre  ,  lesilits  hommes  ne  seront  contraints  ni  forcés 
de  rien  paver  a  aucun  de.sdils  inill\idus  du  lova unie  de  France 
ou  leire  de  Lan«{ue(luc  ou  teuunl  M»n  parti,  un  au  seigneur  roi 
de  l'raïKc,  envers  qui  ils  seraient  tenus  pur  leltrt'S  de  change, 
papiers ,  lettn>s  de  ci'cdils  ou  de  toute  autre  manière  ;  qu'au  con- 

/iiWimiani  «I  f*.nêCûfntm  .  tr  i|ui  ëUil  il<mB«  mi  wigarar  |iuui  b  (Kalir  d'«lirB#r  ua  K*f. 


DE    LA    DEUXIEME    PARTIE.  625 

traire  ils  en  soieiil  quilles  et  absous  comme  s'ils  avaient  payé 
n^ellenuMit  ou  à  ceux  ou  celles  à  qui  ils  devaient  ou  à  qui  ap))ar- 
tenaient  cesdits  deniers  ou  auti^s  choses,  imposant  sur  cela 
silence  perpétuel  audit  seigneur  roi  ou  à  ses  procureurs  ou  a 
toutes  antres  personnes  à  ce  ayant  dix)it;  remettant  tous  droits 
et  actions  aux  susdits,  à  chacun  de  ceux  qui  diront  avoir  payé  ou 
Tavoir  retenu  en  vertu  de  don  à  lui  fait;  cl  plus,  que  tous  objeli« 
mobiliers  qui  sont  pris  et  retenus  par  cause  de  la  guerre  soient 
remis  de  part  et  d'autre  en  telle  forme  et  manière  qu'ils  ne 
puissent  être  exigés  ni  demandés;  et  qu'il  en  soit  ainsi  pareille- 
ment pour  ceux  du  Languedoc,  comtés  de  Roussilloo  et  de 
Cerda^ne  et  royaume  de  France  qui  diront  avoir  payé  en  la 
tonne  dessusdile  lesdites  choses  pendant  la  durée  de  la  guen*e. 

11.  11  est  convenu  et  accordé  que  ledit  seigneur  roi  de 
France,  pour  lui  et  ses  successeurs,  n*exigera,  mettra  ou  im- 
posera ni  ne  fera  exiger,  mettre  ou  imposer  maintenant  et  • 
ravenir  et  en  aucun  temps,  aucunes  tailles,  impositions  ni 
aucuns  droits,  sous  quelque  nom  ordinaire  ou  extraordinaire 
que  ce  soit,  sur  ladite  ville  et  les  hommes  y  établis, domiciliés, 
habitants  ou  y  ayaot  héritages,  absents  ou  présents,  et  qui  k 
l'avenir  y  resteront  et  habiteront,  ou  à  ceux  qui  ne  sont  pas  de 
ladite  ville  et  qui,  à  cause  de  ladite  guerre,  y  sont  retirés  et 
remisés  aujourd'hui. 

12.  11  est  convenu  et  accordé  que  ladite  ville  ni  les  nobles , 
chevaliers ,  bourgeois  et  autres  citoyens  et  habitants  ou  y  ayant 
héritages,  ou  aujourd'hui  y  remisés,  ne  sont  tenus  à  aucunes 
n>parations  et  travaux,  hors  de  ceux  qui  concernent  l'universa- 
lité  (le  ladite  ville. 

i3.  Il  est  convenu  et  accordé  que  ledit  seigneur  roi,  ou  ses 
Keulenants  et  capitaines  eu  son  no|p  et  de  sa  part,  feront,  el 
par  ces  présents  articles  font  quittes,  francs  el  déchargés  Tuni- 
vénalité  de  ladite  ville  de  Perpignan  et  tous  ses  habitants  et  ceux 
des  comtés  susdits .  tant  en  commun  qu*en  particulier,  de  toutes 


r»2'4  PREUVES 

dettes  et  censniix  qu'ils  seraient  obligés  de  payer  à  qui  que  ce 
soil  hors  rolM'issancc  ducHt  seigneur  roi  de  France,  quand 
même  ledit  seigneur  mi  de  France  ou  ses  lieutenants  ou  commis 
auraient  fait  donation  à  des  vassaux,  et  ceux-ci  à  d^autres,  de 
ces  dettes ,  masses  de  censaux,  de  cens  et  pensions  sur  ces  oen- 
saux,  les  révoque,  les  a  pour  ré^'oqués,  cassés  et  nuls,  et  veut 
qu*ils  appartiennent  aux  personnes  qui  y  sont  assujetties,  faisant 
desdits  objets  donation ,  rémission  et  transport  à  la  susdite  ville 
et  autres  [)ersonnes ,  tant  en  commun  qu'en  particulier,  suivant 
ce  qui  est  sp<''cifié  ci-dessus. 

i4.  Il  est  convenu  et  accordé  que  dans  la  présente  ville  il 
n\  aura  ni  ne  sera  institué  de  cour  do  parlement. 

i5.  Il  est  convenu  et  accordé  que  ledit  seigneur  roi  de 
France,  et  les  susdits  lieutenants  et  capitaines  en  son  nom  et 
doita  part,  feront,  et  par  la  teneur  des  présents  articles  font 
quittes,  francs  et  d(k;hargés,  tous  les  habitants  des  comtés  et  de 
cette  ville,  tant  en  commun  qu'en  particulier,  de  tous  arrérages 
et  pensions  dus  jusqu*au  jour  où  le  roi  de  France  et  ses  iieute* 
nants  jurerruit  les  prt'sents  articles,  de  tous  censaux,  cens  et 
rentes  envers  toute  conmiune  que  ce  soit,  collège  ou  personne 
tant  ecclésiastique  que  sr>culière,  et  pour  quelque  propriété , 
cause  ou  raison  que  ce  puisse  être. 

i6.  Attendu  que  la  terre  est  trcs-ravagée ,  il  est  convenu  et 
acconlé  que  ledit  seigneur  roi  de  France  fera  généralement  ré- 
duction de  tous  les  cens  et  censaux ,  tant  de  deniers  que  de  fro- 
ment et  huile,  tant  sur  Tuoiversalité  des  habitants  que  sur  les 
personnes  ou  propriétés  en  particulier,  sous  quelque  obligation 
générale  ou  spr'^ciale  que  ce  soil  ,  à  raison  de  douze  deniers  par 
livres  de  censaux,  et  que  d*iei  en  avant  Icsdits  cens  cl  censaux 
se  paveront  à  ladite  raisoy  de  douie  deniers  par  livres,  par 
rhaeun  en  général  et  en  particulier,  nonobstant  toute  grâce  « 
privilège,  concessions  et  réductions  consenties  à  Tu  ni  versai  itédes 
habitants  de  la  ville  de  (Irtllionre,  ou  aux  paiiirulier>  et  autres 


I)K    LA    OFUXIEMK    PARTIE.  625 

iinivorsalilrs  quelconques,  collèges  particuliers  des  présents 
( onitfv» ,  tant  en  commun  qu'en  particulier,  et  cela  suivant  la 
luire  vi  ies  obligations  (le  leui*»  contrats. 

17.  Il  est  convenu  et  accorde  que  les  personnes  élues  |)our 
former  le  conseil  général  de  celle  ville  de  Perpignan  préteronl 
immédiatement  serment  de  fidélité  au  roi  de  France,  sous  tel 
pacte  et  condition  que  si  le  seigneur  roi  dAragon  ou  ses  capi- 
taines ne  le  secouraient  pas  dici  à  lundi  prochain  à  midi,  ou  ne 
faisaient  pas  lever  le  quartier  royal  ou  ie  camp  que  lesdits  capi- 
taines ou  autres  du  seigneur  roi  de  France  ont  aujourdliui  entre 
ie  pont  de  la  Pierre  et  celui  de  Notre-Dame,  la  muraille  ren- 
versée et  le  chemin  des  vergers  de  l*exaugador,  de  telle  manière 
(|ne  ce  camp  étant  levé  les  trou|>es  du  roi  d*Âragon  en  restent 
maîtresses  avec  enseignes  déployés,  le  lundi  matin  tout  ce  qui 
se  fera  dans  la  ville  le  sera  au  nom  dudit  seigneur  roi  de  France, 
el  ils  obéiront  comme  bons  vassaux  doivent  faire;  et  incontinent 
icMlits  lieutenants  entreront  dans  la  ville  à  leur  bon  plaisir,  et 
comme  lK)n  leur  semblera. 

i  H.  Il  est  convenu  et  accordé  que  ledit  seigneur  roi  de  France 
et  lesdits  lieutenants  et  capitaines,  en  son  nom  et  de  sa  part, 
iuren)ntque  maintenant  et  en  aucun  temps  ils  ne  démoliront 
les  nnnailles  de  la  présente  ville,  mais  qu'elles  seront  conser- 
ver et  non  détniites  ni  démolies  en  aucune  forme  et  manière. 

i(|.  Il  est  convenu  et  accordé  que  ledit  seigneur  roi  de 
France,  el  ses  lieutenants  et  capitaines ,  en  son  nom  et  de  sa 
part ,  jureront  qu'il  ne  sera  enlevé,  pris  ni  louché  aux  hommes 
de  la  présente  ville,  manants  et  habitants,  tant  en  commun 
qu'en  particulier,  aucunes  armes,  harnais  ni  artillerie  qu'ils 
puissent  a\oir. 

20.  U  est  con ven u  et  accordé  que  ledit  seigneur  roi  de  France 

ou  sesdits  lieutenants  et  capitaines ,  en  son  nom  et  de  sa  part, 

jureront  que  le  gouverneur  de  Catalogne,  capitaine  générid  pour 

le  seigneur  roi  d'Aragon ,  et  tous  les  autres  capitaines  et  gens 

11.  ào 


620  PHKI  \  KS 

lie  piif'iii'  *>  en  irniil  et  |Htiirifiiit  *•  en  wiIIim  *>diit>  (*l  ^(ir>  avec  luii» 
ieiir:^  liicii^.  .iriiit'o.  iht'x.iiix.  li(ini;ii^  et  :  .1  ::.);:•'<».  1I.111  s  li*  temip 
(le  tl(•i^  |<iM<».  i«<{ii'l  tf'iiiii'  (\|>iic,i  |H>iir  I'ri|>i;:ii.iii  iuiitli 
wir.  «il  |Miiir  tmii  !»■  Iîiiii^^iili>ii  .ij-ri-s  Ir*  lit»i»«  j«"iii>  ««iiiviints  ,  el 
nue  le  i;<'ii\eriieiii'  ili*  (.dl.iln.in'  tM  :iiitit>  i-trâii:;fT>  malade^ 
|)Ourn»iit  n*«»ler  jiim|u  au-  jjii»*  leur  1  uii\;iiesï  eii«-o  Inir  (lermetlr 
d'alliT  a  '  he\<'«l .  et  (|ii«'  tiiii>  \v>  -^ii>in  inmf>  |M>iirn)iit  eiii|furter 
leur  iirifeiit  *•[  tuiiN  it'>  |  ii>(iiiiii*'i<«  ()ii  i\^  oui  un  ioiir>  larleU  el 
obli;:iitji>ii> .  et  en  n>erMilvaiit  qn  il  t'^t  convenu  (Ifinsccs  ecriti^: 
et  de  |)lns .  que  t(Mi<*  it-iix  qui  4ini'<inf  de^  |<i'isoiinierN  ou  leurs 
carti'l:».  au^^i  l)ii*n  les  etr.inpM-s  que  |»'>  l:i'|i%  de  In  \ille.  piiissonl 
dls|)ov  r  a  leur  xtilnnlc  dexlit**  |iii*>(»iiiiiiM>  un  ilr  icin'«i  ^ill'tf<l^. 

a  I .  Il  r>l convenu  el  «'i«ri»id»-  que  li-dil  '•••iijneur  mi  de  Kraiire. 
ou  se*«  liciitennnb  en  Mtn  nom  «-t  dr  >a  jinrt .  jnifrnnl  d«'  faire 
èlar!:ir.  dclixrer  et  renietlrc  fii  liiniii'  l'cunli.i'^siide,  rCst-a-dire 
le  comte  de  IVadcs  et  le  t  iijtfl.nn  d'-\ni|M-.Ht.i  .  ji\rr  Pliili|)|Yr 
AuImm'I  l'I  tous  i'eu\  de  leur  (  (im|i.-i<:iiii*.  en  reltc  lo:  nie  «•!  ma 
uiere  t\tw  la  rliuM*  Miit  Faite  dan**  I C^pare  de  tmis  mois  a  partir 
du  jnur  que  la  \ille  *>era  Min>  r(ilH'i>vtnt-e  du  sei}*ueur  rci  de 
{•'nuit  e. 

m.  Il  est  convenu  el  arrurih-  que  fous  les  eauonniers,  Imm- 
banliiTsel  autres  ser\:«nl  l'ailillerie  M*n»nt  compris  dans  foutes 
les  ch(»srs  contenues  dan^^  l<i  j>irM>nti'  (  apiliilalîon  .  connue  s'ils 
èlaieni  cilnveuN  de  la  \ili<v 

?.^.  II  e^l  convenu  el  ncMirdc  que  IcMlils  lîcutenanls  et  ca- 
pitaines du  sei^ieur  nti  de  France  jun'HMi  ides  ii  pn*senl,  et  que 
le  sf'i^ncur  roi  de  Franci*.  dans  l'e^juire  de  deux  mois  «i  partir  du 
jour  de  la  siuiiatun*  d<*«>dils  capitaines.  Jnrer.i  parN.  S.  Dieu  el 
la  danui.<h<>n  de  letns  ànic^,  >an<*  pnii\(iii- eit  nlilrnir  jninais 
Talisolnlion,  v  renonçant  exprcsM  nienl  el  dnmiaiit  leui>  àniesà 
tnu^  1rs  diaMes  en  ca^  cpTils  n'olisenrul  pas  l>>s  1  Imses  de^sus- 
diles  et  (unlemies  dans  les  presenis  arlicle>.  el  cliaciini*  délira, 
et  qu'elles  aient  a  (*lre  tenues  et  gardées  ainsi  qu'elles  sont  ici 


^ 


I)K    I.A    DEIXIKMK    l>\iniK  (^27 

(  uiiteiines  ;  vi  s'il  >  avait  manque  de  quoique»  mois,  qu  ils  soient 
inltM-|)ivtr>  a  tout  profit  et  utiliti*  de  ladite  ville  et  population 
et  i^eiis  ayani  héritages  en  icelle,  et  qu'on  ne  puisse  le»  attaquer 
t  M  au(  une  forme,  par  défaut  de  puissance  ou  d'aucunes  .solen- 
niles  et  paroles,  et  aussi  à  tout  profit  et  utilité  dudit  gouverneur 
de  Calalo«;ne,  capitaines  et  gens  de  gueire  et  habitants  de  ladite 
ville.  Et  pour  lesdites  choses  tenir  et  garder,  ils  donneront  tels 
<-artels  eomme  par  ledit  gouverneur  et  capitaines,  gens  de 
guerre  et  habitants  de  ladite  ville  seront  délilx*r(*s  et  ordonnés, 
et  donneront  tontes  autres  sûretés  qui  puissent  s'ordonner  en  li^ 
(liretien'v;  et  s'ils  font  le  contraire,  que  qui  que  ce  tK>it  des 
(Ic.ssusdits  puisse  les  pixx'lamer  excommuniés ,  damnés  et  par- 
jures; et  ceux  <le  la  ville  feront  le  même  serment. 

(\'.  qui  suit  est  e/i  français  à  l'original, 

l.e.s  pivsenls  articles  et  toutes  les  choses  dedans  contenues 
Inicnt  fninèes  et  jui*ées  en  la  bastille  du  pont  Nostre-Dame, 
(levant  Perpinyan,  en  |)ouvoirde  Guillaume  Vincent,  secrétaire 
(In  rov  et  notaiit;  roval,  par  nous  Johan  de  Daillon  et  Yvon 
1  )n  11(^1,  dessus  nommes.  Et  par  vertu  dudit  jurament  promettons 
tenir  et  garder  de  |>oint  en  (Kiint  lesdits  chapitres,  et  faire  qae 
le  i*oy ,  nostre  seigneur,  les  jurera  et  fermera  dedans  le  temps 
contenu  en  iceulx.  Faict  et  signez  cesdits  présents  chapitres  et 
jiii  aments ,  de  nos  mains ,  et  scellez  des  sceaulxde  nos  armes ,  le 
\endredy  ,  dixième  jour  de  mars.  Tan  de  la  nativité  de  nostre 
Seigneur  m.  ccctIxxy.  Signés  de  1)aili/)N,  Dupfou. 

(  Livre  vert  min,  ) 

(  arlel  donne  par  les  généraux  français ,  en  exécution  de  l'article  a3 
improprement  qualifié  par  Fos.sa  de  a*  capitulation). 

Nous  auti-es,  Jean  de  Daillon,  seigneur  du  Lude,  goufer- 
nenr  de  Dauphiné  et  Yvoii ,  seigneur  du  Fou,  gouverneur 
«r  \ngoumois,  chevaliers,  conseillers  etcliambeliansdu  roi  notre 


02H  PREINKS 

seigneur,  cl  *»es  lieiiU?iiant>  pMUTaiix  en  nés  pay^  et  comir»  de 
IW)ii>isillun  ot  i\v  (!f'nln<;no,  do  roHo  présoiilo  arnuf ,  donnons 
iiolrc  foi.  >an>  fraiidi'.  siipciTlierir  ni  tnmiporie,  une,  deux, 
ln)i>  fois.  Miivîiiit  les  u»  et  coiitumes  d*Kspapne.  à  vou!i, 
M.  Pierre  «l'Orlaffa,  chevalier ;crinsuls  de  la  ville  dePeqïignan, 
nobles,  (lievaliei's  et  p  iitilsliomiiics,  cl  tons  autre»  habitante 
de  ladite  ville,  de  l'aire  accoinplir.  observer,  jurer,  tenir  et 
garder  eiititrenient  par  le  roi ,  noti-e  seigneur,  la  capilulalioD 
faite  entre  nous  autres  et  von»  antres,  approuver  et  jurée  ce 
jourdlnii  par  nous  antres  au  |>ou\oir  de  Guillaume  Vincent, 
seeni'Iaire  du  i-oi  et  notai i-e  roval ,  et  toutes  les  choses  contenues 
en  icelle ,  et  eh.'irune  d'icelles;  et  dans  le  cas  que  ladite  ville  soil 
secouruf  dans  le  terme  de  la  capitulation,  suivant  la  forme  et 
teneur  (ficelle,  de  rendre  et  laisser  rentrer  dans  ladite  «illeles 
personnes  «lonni'es  |>our  otages  ;  voulant  que  s*il  était  en  rien 
conlreveiui  à  ladite  capitulation  et  à  notre  promesse,  nous 
soyons  tenus  pour  reprochés  de  foi  mentie  et  inhabiles  à  tout 
acte  de  chevalerie;  vous  donnant  faculté  ensemble  ou  en  parti- 
culier, el  à  chacun  de  vous  autn*s,  de  |)Ouvoir  user  du  présent 
cartel  sans  autre  récpiisition  ,  et  sans  permission  du  roi ,  prince 
ou  aulro  supérieur,  et  de  procéder  contre  nous  autres  et  chacun 
de  nous  autres  ot  notre  honneur,  brisant  et  renversant  nos 
armes  à  volonté,  ainsi  qu'il  est  d'usage  contre  ceux  qui  rom- 
|)ent  leur  foi,  i énonçant  a  présent  |K)ur  alors  à  tous  droits  d*ar- 
niiuries,  lois,  styles  et  coutumes,  et  â  toutes  autres  choses  qui 
par  quelque  voie  ou  de  qnehpie  manière  |K)urraionl  nous  aider 
ot  à  \ous  autn^s  nuii-e;  \oulant  que  par  ce  cartel  et  obligation 
par  nous  donnés  pour  i<-eux,  il  ne  soit  fait  aucun  préjudice  ni 
dérogation  à  la  pn'micre  loruude  et  obligation  par  nous  sign(*r 
etjurée,  comme  dit  est .  ains  que  1  une  soitcorrolNm'e|)ar  Taulre* 
et  que  (  bac  une  ait  sa  lorce  et  valeur,  de  telle  fonne  et  maniiTe 
que  vous  autn*s  et  chacun  de  vous  auln's  puissiez  user  de  celle- 
ci  et  de  Tautrc,  ou  d*uue  seule;  que.  Tune  constant .  il  ne  soit 


I)K    LA    i)KL\IEMK    PAUirE.  629 

pas  renouer  à  l'autre,  et  qu'elle  ait  en  loiit  temps  su  l'orce  et 
valeur.  Kn  témoin  de  quoi  nous  uvons  signe  les  présents  de 
notre  main ,  et  y  avons  fait  apposer  les  sceaux  de  nos  armes  de 
la  main  de  Hilairet  de  G)utures ,  secrétaire  de  nous ,  dit  DulTou  , 
au  camp  de  la  Bastille  de  Notre- Danie-<lu-Pont,  devant  Perpi- 
gnan ,  le  dix  de  mars ,  Tan  de  la  nativité  de  notre  Seigneur,  mil 
et  quatre  cent  soixante  et  quinze.  Lesdits  otages  sont  M.  Laurent 
de  Villanova,  consul  ;  Thomas  de  Vivers,  damoiseau;  George 
IMnya,  i>ourgeois;  Jean  Borro,  bourgeois;  George  Ciurara, 
surposé  des  notaires ,  et  François  Ë»tève ,  surposé  des  tisserands. 
Kscrit  com  desus,  signés  de  Daillon  ,  Dufpou. 

(Fossa,  £  après  le  m$.  de  Puignau.) 

N«  XI. 

VtolencfS  de  lie  Venez,  vicomte  de  Rode,  gouverneur  du  RoiutUlon,  pour 
empêcher  t élection  des  consuls  de  Perpignan. 

Quia  ubi  nova  et  miranda  acubi  contingunt,  ne  una  pereant 
generatione ,  sed  perpétua  ettTtenia  elFiciantur,  ea  dccel  et  con- 
\enit  scri|)ta  notari  ut  nunquam  mortalium  memoria  excidere 
|)ossint:  propterea,  ego  Stophanus Gîvaler,  hujus  aima;  univcr- 
sitatis  rector,  quae  hoc  anno  rectoratus  mei  acciderunt,  judicio 
meo  perpétua  recordatione  digna ,  in  pra*senti  libro  in  scriptîs 
redigere  statui  ad  pnesentem  etiam  et  futurorum  per  utile 
exemplum.  Anno  a  nativilate  Domini,  m.  cccc  nonagesimo 
secundo,  magniiico  G.  de  Vcnes  locuni  tenenie  Perpinianî,  in 
comilatibus  Bossilionis  et  G>ritania;  in  viceregiatu  circumspectî 
et  s|)ectabilis  domini  de  Montpensier,  pro  inclito  et  invictissimo 

rege  nostro,  rege  Francorum,  doro*....*  Johtnne et  Jacobo 

Traginer  et Palmaratz,  Petro  Rocht  et  Johanne  Fitha  con- 

sulibus  Perpiniani  ;  instante  tempore  electionis  consuhim , 
praTutus  (juillermus  de  Venes,  gubernator,  sua  potentU ,  colore 

*  Cet  ooai«  Mtut  to  blâor ,  cbu»  l'origiBal. 


()30  PHEIVKS 

quaniindam  lillrraniiii  (|iins  <iixil  nM'c*|HS!»i>  de  domino  dt*  Mont- 
pciiMCT,  (oliiiii  |)()|)nliim  e\lerr(*ndo  iis<|uc  ad  carccres  dando» , 
ne  eirctio  qnani  voluntalem  .snani  célébra rc tu r,  fecitque  î|isas 
elcclioncs  cxpirarc.  de  consilio  .lohanni  Manra;  et  post  mediam 
noctem  festi  beati  Johannis,  mcnsis  junîi,  ia  gubernator  ad 
votuin  suuni ,  non  obstanlibus  protostationibus  dalîs  ex  parte 
aiiqnorum  l)urgeiitium .  cleg^il  scu  noniinavil  in  eonsules . 
dominiim  Johaiineni  Andréa*  renitenteni,  dominnm  Johannens 
Manra.  Johannem  Valls,  .lohanneni  Vilar,  Johannem  Agomet. 
Post  ferc  incii5on) ,  pars  burgcnlium ,  quibus  favebat  domî- 
uns  Jaiiberl,  miles  strenuus,  por  Jacobtim  Scniles  et  PaMhal 
Vell  im}H>trarunl  a  regc  lilteras  pm'diclM'  eicctionis  revocalo- 
rias.  Disci'ctii.s  doiuinus  Albiccnsis  et  l..ec  toron  sis  epÎMïopiis  el 
.lolmnnes  KraniiscMis  (lardona,  qui  tune  erant  Narltone  cuni 
doniiiio  (lolonia  tractank'S,  prout  fama  erat ,  de  restitutîone 
palri^i*  rep  Yspania*  facicnda  ;  liii  comissarii  statim  veneninl 
fWpiniani,  et  ru'perunt  de  causa  copnoscere.  Adversu»  pro- 
cessum,  consoles  per  guberiialorem  facti ,  proponebaiU  excep 
tiones  multas,  appellationes  et  interpretationes.  Gubcraator 
etiam  ,  e\  parte  sua ,  cum  minis  et  maximis  punitionibus  adver- 
sabalur.  Tandem  domiui  delegati  declararuiit  electionem  per 
gubcrnatorem  factam,  nullamot  eassam.  et  de  uovo  tongrcgatu 
per  eo  in  palaeio  rpiscnpi  Klna*  iVr{)iniani  generali  consilio, 
extiterunt  eiecti  in  consoles  dieti  Joliaimes  Andiva*  et....  cl 
Gigenla....  (îaran  ,  Jaeobus  lUM-lia,  Lonoralns  Uius,  quos  ftoxio 
septembris  pra-didi  coiui.ssurii  imTuut  snlere  in  coiisulatu,  et 
de  su|KT|H)sitis  fuit  facta  no\a  ele<iio.  Kxindo,  assignato  die  ad 
residuaoniciaeligouda.  gubernator  fecil  congregare  milite»  mio» 
arniigeros  in  consulato.  qui  ele<-tiouem  iinpe<li\erinit.  elop|ior- 
tuitdominum  .laiiU'it  tugcre,  elcun^^ules  el<M'tos  |K*rconiis5anoti 
et  milites  aiiu>.  ^o^l  orlo  <lifs  vcl  decein  li-ril  .vdere  (ondules 
pci-  M*  clectitft.  (^luiissaiii  iece»rruntet  ««ulMlelrgaverunt  cxt^rii- 
iioneni  M'iilciiti.i' «  iti<lam  judici   «le  (ian  .i^M.>iia  .  et  iiiimiiiis  de 


I)K    LA    DKLXIKME    P.VKTIK.  051 

hi  S<'r|K'ii( .  (|iii  intrantt'.s  viliiiin,  vitcsiina  (K'l4i\a  niiMisis  M»p- 
tfMiihiis,  |><)rtaniiii  lilleras  regiaMnissivaset  adconsiiles  noviter 
cirrtos  qiios  rex  contirmabat ,  (*t  ad  oriincs  capilaneos  comila- 
tuiiiii  qiiihus  rox  matulabat  qiiocl  faverent,  sub  pœna  viti?  et 
l>on()riim ,  istis  subdelegatis.  Qui,  cum  omnibus armigeris  bene 
.irinatis,  fcierunl  noviter  eleclo»  consules  in  ronsulatu  sedere 
ilic  sociindaoctobri!!,  et  die  beati  Francisci  elegerunt  alia  officia. 
Ilis  omnibus  fuit  absens»  Jobannes  Manra«  qui  antc  adventum 
( oinissaiionnn  praTectu!»  fuerat  curia*  projuvare  gubernatori, 
<4nii:hil  |)otuit  racero,quia  sic  régi  piacuit.  Et  pro  rebcUionîbus 
lactJN ,  opjwiiuit  gul)ernatorem  apud  regem  se  transfcrre. 

(  \ote  (lu  registre  des  statuts  de  l'université.  ) 

Lettre  des  consub  de  Pefjùgnan  à  la  duchesse  de  Bourbon. 

Tix^s  liante  cl  jïuiMante  princesse  et  no»lretn»9-redoulée  dame; 
|)iaiM>  \oiis  scavoir  que  nous  vous  envoyons  les  doubles  des 
lettres  qu'il  a  plu  au  roi ,  nostre  sire,  nous  escrire,  et  le  double 
(l(*  relies  que  à  pn'sent  lui  envoyons,  afin,  madame,  que  vous 
NO>ez  infonnéo  de  nostre  intention  comme  voulons  estre  et 
demeurer  ()erpétuellement  bons  sujets  du  roy  et  de  sa  cou> 
roime,  et  vivre  et  mourir  sous  la  sujétion  d*icelle,  comme 
plusieurs  fois,  madame,  vous  en  avons  avertie.  Arec  ce  de  pré- 
sent, madame,  serez  informée  de  ce  qu*il  a  plu  au  roy  par  set 
lettres  nous  dcclan'r  comme  il  nous  tient  bons  sujets  et  nous 
défendra  contre  tous. 

Poinqiioy ,  madame,  si  ainsi  estoit  de  rendre  ce  pays  et  nous 
hailler  aux  mains  du  roy  d*Kspagne,  ce  seroit  fait  au  très-grand 
d<)mm.»<;e,  préjudice  et  déshonneur  du  roy  et  de  sa  couronne 
et  de  tout  le  royaume ,  et  en  espécial  de  son  pays  de  Languedoc, 
nostre  voisin,  duquel,  madame,  monseigneur  et  vous  avez  la 
<  har<^e;  et  |>ouvez  penser,  madame,  le  dommage  qui  peut  en 
\enir  si  le  roy  nous  baille  audil  roy  d*Espagne,  et  après  ne  vou 


i 


4 


632  PIŒUVKS 

ioil  Cblitî  bon  aoiy  du  io\.  \'ous  estes,  madame,  la  princesse 
de  tout  ic  royaume ,  qui  en  ce  devez  veiller  plus  que  tout  autre, 
et  pour  ce  défendre  tel,  les  choses  comme  nous-mesmes,  pour 
beaucoup  de  raisons  ;  nous  vous  en  adverlissons ,  madame , 
volontiers  |>our  la  sinp;idière  confiance  que  avons  en  vous ,  et 
vous  supplions ,  et  pour  Dieu  prions  et  requérons  que  sur  ce , 
par  les  remèdes  que  à  ce  appartiendra,  vous  plaise  y  pourvoir, 
tellement  qu'il  y  soit  remédié ,  et  pour  que  tels  brouilleurs  et 
inventeurs  de  maux  soient  punis  jouxte  le  cas,  et  vous  plaise, 
madame ,  d*en  bien  avertir  le  roy ,  aQn  qu'il  lui  plaise  de  ne  per- 
mettre en  nulle  manière  de  parler,  et  même  de  faire  telles 
choses.  Et  vous  supplions,  madame,  qu^il  vous  plaise  d'estre 
diligente  à  bien  défendre  par  justice  ce  présent  pays  et  comté 
qui  tant  ont  cousté  au  roy  et  au  royaume ,  et  en  es[)écial  au  pays 
de  Languedoc ,  et  où  ledit  seigneur  u  si  bon  droit ,  dont  vous  en 
advertirioiis  bien  quand  besoin  en  seroit;  et  que  nous  estant  à 
présent  sons  la  charge  de  monseigneur  vostre  mary  et  de  mon- 
seigneur de  Montpensier,  le  royaume  ni  nous  ne  prenions  un 
tel  dommage  comme  de  nous  bailler  au  roy  d'Espagne.  Madame, 
en  ceci  vous  y  avez  voslre  intérest  si  grand,  par  ce  que  dit  est, 
que  y  devez  bien  penser  |K>ur  y  remédier:  et  de  ce  faire  vous  en 
sup{>lions,  et  a  tant,  prion.s  îi  Dieu,  tri's-haule  et  puissante 
princesscet  nostre  trî's- redoutée  dame,  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte 
ganle. 

Kscrit  en  Per|ugnan ,  le  quatrième  jour  de  juin.  Vos  très- 
hund)les  et  olM>is.sa!its  serviteurs,  les  consuls  de  la  ville  de  Per- 
pignan. Et  au  dos  : 

A  très-haute  et  puissante  princesse,  et  iioMre  tii!S-redoulce 
dame,  madame  la  dueliesse  de  lW)urlK)nuoi8. 

Lettre  tir  tir  \  CHcz ,  vicomte  lia  Iio<ir ,  tî  la  mrmf. 
Treit-haute  et  puis>ante  priiue-^se,  et  ma  Ires-redoulee  dame, 


DE    LA    DEUXIEME    PARTIE.  655 

si  trrs  |innil)lement  que  faire  puis  me  recommande  à  vostre 
hoiino  ^ràce,  à  laquelle  plaise  sçavoir  combien  depuis  que 
vous  av  escril  n'esl  survenu  aucune  chose  dont  soit  besoin  vous 
avertir;  mais  toutes  choses  par  deçà  se  portent  bien ,  Dieu  mercy, 
au  ser>ice  du  roy,  de  monseigneur  et  de  vous,  et  feront  aupa- 
ravant à  Taide  de  Dieu ,  et  de  ce  qui  surviendra  incontinent 
vous  en  ad  ver  ly  rai. 

Madame ,  depuis  que  le  maistre  d'hostel  du  roy ,  Jean  Fran- 
^*ois ,  est  passé  en  EIspagne ,  est  venu  bruit  en  ceste  ville ,  et  selon 
que  Ion  dit  est  venu  d'AIby ,  que  le  roy  estoit  délibéré  rendre 
cette  comté  de  Roussillon  et  Cerdaigne  au  roy  d'Espagne ,  et  que 
ledit  maistre  d'hostel  en  a  fait  offre  audit  roy  d*E^pagne.  A  cette 
cause,  madame,  les  consuls  escrivent  au  roy  et  à  vous,  et  ae 
sont  tirés  devers  moy ,  en  me  reraonstrant  qu'ils  sont  délibérez 
vivre  et  mourir  sous  le  roy  monseigneur,  et  vous,  madame,  et 
qu'ils  sont  esmer\'eillezd*un  tel  bruit,  et  que  jamais  ils  ne  seront 
au  roY  d'hlspagne  que  par  force;  et  que  au  cas  que  le  roy  fust 
délibéré  de  ainsi  le  faire,  qu'ils  s'en  veulent  défendre  par  justice, 
et  m'ont  signifié  que  sur  ce  ils  sont  délibérez  envoyer  devers  le 
roY  monseigneur,  et  vous ,  madame ,  une  ambassade ,  et  mens- 
trent  que  de  tel  bruit  sont  trcs-déplaisants  ;  et  soyez  certaine, 
madame,  que  ceux  qui  mènent  tel  bruit  n'aiment  point  le  ser- 
vice, et  sont  dignes  de  grande  punition ,  et  pour  ce,  madame, 
\ous  plaise  penser  ce  que  couste  Roussillon  au  roy  et  au 
royaume,  et  que  c'est  le  meilleur  baluart  que  peut  avoir  le  pays 
de  Languedoc,  duquel  monseigneur  et  vous  avez  la  charge,  et 
les  droits  que  le  roy  y  a  et  les  inconvénients  que  en  baillant 
Roussillon  s'en  peuvent  ensuivre,  et  de  tout  vous  plaise,  ma- 
dame, advertir  le  roy,  en  priant  Dieu,  très-haute  et  puissante 
princesse,  qu'il  vous  donne  bonne  vie  et  longue,  et  accom- 
plissement de  vos  désirs. 

Escrit  en  Perpignan,  le  quatrième  jour  de  juin.  Vostre 
très-hnmble  et  olx'issant  ser\-ilcur,  le  vicomte  db  Rode. 


4 


632  PREUVES 

loit  estre  bon  aoiy  du  roy.  Vous  estes,  niadanic,  la  princesse 
de  tout  le  royaume ,  qui  en  ce  devez  veiller  plus  que  tout  autre, 
et  pour  ce  défendre  tel,  les  choses  comme  nous-mesmes,  pour 
beaucoup  de  raisons;  nous  vous  en  advertissons ,  madame, 
volontiers  pour  la  singulière  confiance  que  avons  en  vous ,  et 
vous  supplions,  et  pour  Dieu  prions  et  requérons  que  sur  ce, 
par  les  remèdes  que  à  ce  appartiendra ,  vous  plaise  y  pourvctr, 
tellement  qu*il  y  soit  remédie ,  et  pour  que  tels  brouilleurs  et 
inventeurs  de  maux  soient  punis  jouxte  le  cas,  et  vous  plaise, 
madame,  d'en  bien  avertir  le  roy ,  aQn  qu*illui  plaise  de  ne  per- 
mettre en  nulle  manière  de  parler,  et  même  de  faire  tellet 
choses.  Et  vous  supplions,  madame,  qu'il  vous  plaise  d*estre 
diligente  à  bien  défendre  par  justice  ce  présent  pays  et  comté 
qui  tant  ont  cousté  au  roy  et  au  royaume ,  et  en  espccial  au  pays 
de  Languedoc ,  et  où  ledit  seigneur  a  si  bon  droit ,  dont  vous  en 
advertirions  bien  quand  besoin  en  seroit-,  et  que  nous  estant  à 
présent  sous  la  charge  de  monseigneur  vostre  mary  et  de  mon- 
seigneur de  Montpensier,  le  royaume  ni  nous  ne  prenions  un 
tel  dommage  comme  de  nous  bailler  au  roy  d'Espagne.  Madame, 
en  ceci  vous  y  avez  vostre  intérest  si  grand,  par  ce  que  dit  est, 
que  y  devez  bien  penser  pour  y  remt'dier  ;  et  de  ce  faire  vous  en 
supplions,  et  à  tant,  prions  à  Dieu,  InVhaule  et  puissante 
princesse  et  nostre  trt^s-redoutée  dame,  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte 
ganle. 

Kscrit  en  Perpignan ,  le  quatrième  jour  de  juin.  Vos  très- 
humbles  et  obéis.saiits  serviteurs,  les  consuls  de  la  ville  de  Per- 
pignan. Va  au  dos  : 

A  très-haute  et  puissante  princesse,  et  nostre  très-redoutée 
dame,  madame  la  durhesse  de  ]k)urlx>nnois. 

Lettre  de  de  I  c/irr,  vinmilcde  Rodera  la  même. 
TreM-hautf  et  puîs>ante  pnn(-e>se.  et  ma  Irès-i'cdoutée  dame, 


OE    LA    DEIJXIKMR    PAHTIK.  653 

si  tirs  liimiMeiiK'nt  que  faire  puis  me  riTomniande  à  vostri* 
l)oniir  p'àoe,  à  laquelle  plaise  s<;avoir  combien  depuis  que 
vous  av  oscril  n'est  sun'enu  aucune  chose  dont  soil  lx»soin vous 
avertir;  mais  toutes  choses  par  deçà  se  |)ortent  bien ,  Dieu  mercv, 
au  service  du  roy»  de  monseigneur  et  de  vous,  el  feront  aupa- 
ravant à  Taide  de  Dieu ,  et  de  ce  qui  sur\'iendra  incontinent 
vous  en  advertyrai. 

Madame ,  de|)uis  que  le  maistre  d*hostel  du  roy ,  Jean  Fran- 
çois ,  est  passe  en  Espagne ,  est  venu  bruit  en  ceste  ville ,  et  selon 
que  l'on  dit  est  venu  d*Alby,  que  le  roy  estoit  délibc^rc  rendre 
cette  (  omté  de  Roussillon  et  Cerdaigne  au  roy  d*Espagne ,  et  que 
ledit  niaislre  dhostel  en  a  fait  offre  audit  roy  d'Espagne.  A  cette 
cause,  madame,  les  consuls  escrivent  au  rov  et  à  vous,  et  ae 
sont  tirés  devers  mov  ,  en  me  remonslrant  qu'ils  sont  délibérez 
vivre  et  mourir  sous  le  roy  monseigneur,  et  vous,  madame,  et 
qu'ils  sont  esmer\'eiUezd*un  tel  bruit,  et  que  jamais  ils  ne  seront 
au  rov  d'Es|)ngne  que  par  force;  et  que  au  cas  que  le  roy  fust 
délibéré  de  ainsi  le  faire,qu*ils  s'en  veulent  défendre  par  justice, 
et  m'ont  signifié  que  sur  ce  ils  sont  délibérez  envoyer  devers  le 
roy  monseigneur,  et  vous,  madame,  une  ambassade,  etmons- 
irvul  que  de  tel  bruit  sont  tri*s-déplaisants  ;  et  soyez  certaine, 
madame,  que  ceux  qui  mènent  tel  bruit  n'aiment  point  le  ser- 
vice, el  sont  dignes  de  grande  punition,  et  pour  ce,  madame, 
vous  |)laise  penser  ce  que  couste  Houssillon  au  roy  et  au 
royaume,  et  que  c*cst  le  meilleur  baluart  que  peut  avoir  le  pays 
de  Langue<loc,  duquel  monseigneur  et  vous  avez  la  charge,  et 
les  droits  que  le  roy  y  a  et  les  inconvénients  que  en  baillant 
Roussillon  s'en  peuvent  ensuivre,  et  de  tout  vous  plaise,  ma- 
dame, advertir  le  roy,  en  priant  Dieu,  très-haute  et  puissante 
princesse,  qu'il  vous  donne  bonne  vie  et  longue,  et  accom- 
plissement de  vos  désirs. 

E^rit  en  Perpignan,  le  quatrième  joui  de  juin.  Voslre 
tres-hnmble  et  olxMssant  serviteur,  le  vicomte  dk  Rode. 


T 


O.Vi  PREUVES 

Onlre  tic  remettre  les  places  de  lioussillon  ciiix  Espagnols, 

lx)UYs  \  par  la  f^race  de  Dieu ,  roy  de  France  :  A  noalre  trè»- 
cher  et  (ris-anu'  frère  et  cousin ,  le  duc  de  Bourbonnois  et  d*Au- 
vergne,  avant  de  par  nous  la  charge  et  garde  des  place  et  chastd 
d(*  Perpignan ,  salul  el  dileclion.  Comme  entre  autres  choses, 
alin  de  parachever  les  traités,  alliances,  amiliez  et  confédérations 
faites  entre  très-hauts  el  très- puissant  s  prince  et  princesse— les 
rov  et  reyne  de  Castille,  etc.,  nostre  cousin  le  prince  leurtUs, 
enfants  et  successeurs,  —  d*une  part,  et  nous  aussi,  dos 
royaumes  —  diantre  parL  Entre  autres  choses  nous  avon» 
accordé,  comme  sravez  assez,  à  iceux  nos  cousins  et  cousine 
bailler  la  possession  des  comtés  de  Roussillon  et  Cerdagne, 
sous  les  conditions  plus  à  plein  contenues  es  |K)ints  et  articles 
sur  ce  faits ,  et  à  ces  causes  vous  ayons  des  pierà  ordonné  mettre 
es  mains  de  nostre  amé  et  féal  cousin  et  conseiller  Tévéque  d*Alby 
ou  autre*  de  par  luy  ,  lesdits  chastel  et  place  de  Perpignan,  pour 
apivs  en  faille  la  délivrance  selon  ce  que  dessus  est  dit,  et  à  celte 
lin  vouH  avons  envoyé  et  fait  expi'dier  auli'es  nos  semblables 
lettres  de  dcxharge  et  quittance,  ce  qui  toutefois  n*a  encore 
bonnement  pu  sortir  efl'el.  Pan]uoy  nous,  voulans  de  nostre 
part  faire,  tenir  et  accomplir  ce  que  dessus  est  dit ,  elque  a^-ons 
juré  et  promis  selon  les  conditions  diceux  articles,  avons  de 
nouvel  ronrhi .  délil>î'ré  et  ordonné  que  ladite  délivrance  sera 
faite  sans  plus  de  diJation.  Vous  mandons,  et  1res -expressément 
(*njoi^:nons  derechef,  que  ladite  place  et  chastel  de  Perpignan 
\ous  mettiez,  ou  fassiez,  mettre  <'t  bailler  par  celuv  ou  ceux  de 
vos  lieutenants  ipie  vou.s  avez  conunis  â  la  gai(hMriceux,etc. 

Donnra  Paris,  le  7'  jour  de  juillet.  Tan  de  grâce  iàr)l\. 

(iUAlU.KS. 

(.V%t  |Mr  i"!»-!!!    itr   io|ii«lr  •{•l'un    lit   /<•■•«   *    Ij  |iUcr  lir  ''^-iW-i     ii«n«  I  miiirim*   t|» 

liDiirlio*. 


hF.    ].\    I)i:i  \IKMF,    PAHTIK  G.Vi 

N"  Xll. 

1.4  tire  dr  Philipfw  lll  aiLr  consuls  de  l^erptifrutn. 

Aiiiados  >  licles  iiueslros,  UkIo  loque  me  scrivis  con  \iie»U'a 
(\irt;i(l(^  ,')  (li'l  présent,  sohrela  sos{H'eha  que  ay  île  que  algunos 
l'raïuese.H  niacliiiiavaii  de  enlregar  cssa  villa,  y  las  diligeiicia^ , 
IHMisiones  v  dinero  que  para  averiguar  la  veixlad  aveis  uflfitK:ido, 
r>  iniiy  di^no  de  \ueslra  grand  fidelidad,  y  <lcl  amor  y  pre»teza 
ion  que  ai  udis  a  lodo  loque  si^  oflfrece  de  mi  servicio.  Y  aunque 
< oiiespondo  bien  a  la  voluntad  que  yo  os  tengo,  y  deveis  a  la 

<  <>n1'i.iii>a  que  hago  de  essa  fideli-ssima  \illa  ,  os  doy  las  gracias 
tirllo.>  le  reril)oen  lanacceploscrvicio, comoesraion.quedando 

<  on  cTilci  a  coidianza  que  quanto  mayor  es  el  cuydado  que  les 
Kra n<i\«>r.s  lienen  de  (Kuparla,  como  en  la  exj>eriencia  lo 
nnieslra.    lanto  mas   os  desvelareis  en    |>oner  exlraordinario 

<  uylado  en  su  conservacion  v  defcnsa,  como  os  encargo  mucho 
lo  lia^,i\s,  y  de  tener  todas  iutelligcncias  posibles  |>araquc  no 
pneda  por  ningun  caso  ser  asalida  ni  danipnificada  essa  villa 
ni  rondados,  Mn  estar  prevenidos  ;  que  allcnde  que  en  esto 
liarels  lo  que  siempre  haveis  acostumbrado ,  recibire  en  ello 
nni\  atrepto  servicio,  v  me  quedara  memoria  para  liazcr  os 
fax  or  >  inerced  en  todo  lo  que  buviere  lugar. 

Datt.  en  Valladolila  xxij  de  dexembrc  M.  DC.  ii.     Yo  el  Rky. 

N«  Mil. 

/.«  Un  de  frrrt  liernarJin  de  Manttta  à  la  dèpuUiion .  à  Barcelone. 

Mny  illustres  senores, 

A  10  desle,  di  a  V.  S.  larga  relacion  de  lo  que  el  S.  comic 
thiqne  \  don  Aloniode  la  (Narrera  nos  dixeron,  en  raion  de  las 


f)36  preuvp:s 

iiiaterias  corrieiites  de  la  proviiuia  ,  y  del  dosoo  que  toilo»  en- 
senyaii  touur  que  cuii  uiedio:»  suaves,  con  hourra  y  rcputacioii  y 
conservaciou  de  sus  constitucioncs  y  privilcgios  se  componga , 
evitaudo  ios  dan  vos  y  mescrias  que  pucden  succéder  sîno  se 
procura  poner  cl  remedio  que  de  la  prudencia  y  diligencia  de 
V.  S.,  con  el  favor  de  Dios ,  confiamos. 

A  a  1 ,  el  S.  conde  duquc  hizo  Uamar  a  toda  la  novena ,  al 
embaxador  de  l^rcclona  y  a  nosolros  dos.  Pondero  mucho  la 
sollura  del  babcro  heclia  por  Ios  sen'  conscUcres ,  siendo  tan 
facînoroso  y  revoltoso  que  con  esta  accion  se  havîan  hccho  como 
complices  de  sus  dclîtos.  Quexose  que  teniendo  libertad  quai- 
quicr  sastre ,  o  ofTicial ,  sacar  de  la  ciudad  lo  que  se  les  antojare, 
siendo  su  maj**  seiV  y  duenyo  de  la  ciudad  sea  de  menor  con- 
dicion ,  no  podicndo  sacar  el  biscocho  y  provision  necessarias 
para  sus  galeras.  Dcluvisscn  sus  cavallos  dcsmonlados  y  dînero. 
Que  en  ningiina  de  las  tierras  de  Ios  eiicmigos  dcclarados  del 
rcy  havian  conielido  majores  crimines  ni  desiicatos ,  ni  pcrdido 
lo  mes  el  respeto  que  en  Catal.,  liasta  hazcr  represale  de  su 
liazienda.  Que  S.  M.  mandaria  que  cessassen  Codas  las  fortifi- 
cacioncs  de  la  provincia ,  que  se  le  resliluîessen  sus  cavallos  con 
seguridad  ,  oque  Ios  dcxassen  penler  {K)r  el  canipo,  y  lomisnao 
de  su  dinero.  Todo  esso  digo  |>or  major,  rcmetiendomc  a  lacarta 
que  escriven  a  V.  S.  Ios  embax adores.  Porque  es  grande  mi 
afliccion  y  desconsuclo ,  [>i'evediendo ,  y  casi  tocando  con  las 
manos  lu  ruina  y  total  deslniycion  y  desolacion  de  la  provincia 
(si  Dios  {>or  su  iiifinida  misericonlia  no  interposa  su  poderosa 
mano)  «que  no  acicrlo  a  dez....  ni  lengo  palabras bastantes  |iara 
explicar  mi  conccpto.  Pero  teiigo  prci'isa  obligacion  como 
clirisliano,  no  solo  de  lastiniarmc  y  Uorar  amargamenic  las 
lamentables  desdichas  délia,  y  Ios  innumerables  porados  y 
ofensas  de  Dios ,  que  es  fuerca  que  suredaii ,  si  no  tambicn  de 
represmtarlas,  y  si  meliallare,  ay  ,  onliendo  me  fucra  |H»r  essas 
callcs  y  pla<;as  dandci  vnzes  y  clamores  liasla  el  ciolo,  pidiendo  a 


I)K    LA    DEIXIKME    PAhTlK.  657 

1)i<)*«  aliiinl>rr  v  ahra  los  ojos  a  los  que  su  passion  tiene  cfegos, 
|>ara  ver  qunii  dcM-aminados  aiulan,  romcliriulocada  dia  niicvas 
atKM-idadrs.  irritandolapaciencia  vrleinoncia  de  S.  M.  obligando 
a  Ml  irai  coïK-itMicia  para  no  podcrlos  lolerar  nias  sin  casligo, 
(omo  su  tieriio  roraçon  y  piadosas  oniranyas  dcsscan. 

Sionto  on  lo  intimo  dcl  aima,  havcr  de  acreccnlar  en  las  de 
V.  S.  (qu<M  omo  a  vrrdaderos  padres  de  la  Hepublica  ias  lendran 
tan  ntravessadas  y  lasllniadas) ,  ia  aflicion  y  senliniiento  tan 
justilK  ado  «  porque  tengo  por  muy  cierto  que  con  su  gran  cor- 
dura  Y  discret^ion  havra  \  .  S.  penetrado  aun  mas  adelante ,  pues 
toda  la  gravodad  de  la  carga,  no  ay  duda  eslaba  y  ha  decaer 
s()I)n>  sus  ombros ,  y  que  los  de  los  mas  fuertes  gigantes  fueran 
iuferiores  a  tanto  f^eso.  G)n  to<lo ,  por  satisfacion  mia  (aunque 
ronio  ho  dicho  lo  lengo  por  superfluo) ,  dire  solo,  que  \  iniendose 
a  mnipiuiiouto  (lo  que  Dios  no  permita),  quando  aun  les 
sucM'ssos  fuoran  prospéras  y  faYorables,  siendo  los  de  la  guerra 
tan  iiH  iortos  y  contingentes,  havra  de  quedar  la  tierra  destnivda 
y  assolada  y  assi  fuera  justo  que  per  los  pulpitos  y  plaças  se 
prodirasse  y  représentasse  el  descredito  del  principado  en  vivir 
siii  juNticia  ni  ley,  espuestoslos  mas  principales  a  la  violenciay 
antojo  do  gonte  dosalmada,  sin  seguridad  de  vidas  y  htziendas, 
coino  se  oxporimenla  que  se  esta  en  évidente  peligro  de  emprcn- 
dor  guorra  contra  su  rey  y  sen.  naUiral ,  que  es  tan  grande 
monarca ,  ol  qua1«  por  su  reputacion  y  exemplo  de  los  mas 
ro\n()s  V  vassallos,  se  empenvaria  a  no  levantar  la  mano  de  la 
oinprosa  hasta  salir  ella,  aunque  se  pusiesse  en  peligro  su 
mouarquia;  que  en  Flandes  son  mas  de  ochenta  anyos  que  la 
sustenta  con  tanta  efusion  de  sangre  y  profusion  de  vidas  j  de 
tosoros  inimensos ,  teniendo  los  rebeldes  en  su  favor  y  ajuda  t 
todo  ol  niondo ,  quanto  mas  séria  obligado  a  sustentarla  en 
tlspana  y  delante  de  sus  proprios  ojos;  y  por  otra  parte,  la  falta 
do  diuoro  que  tiene  la  provincia  para  tan  grandes  gastos ,  el 
|H>ligro  de  las  honras  de  las  mugeres  y  hîjos  que  consigo  trae 


C38  PREUVES 

la  gûena  v  ,  para  abrpviar,  que  Inl  liavia  de  qiietlar  despues  del 
siiccsso  pi*c)sp(To  o  advcrsu,  dcslriiyda  y  infaniada  enlre  las 
iiaciones  la  que  tan  gloriosa  es  y  a  sido  siempre  per  la  Qnesa  de 
su  fidelidad. 

El  lieiupo  para  Irntar  de  componcr  las  cosas  con  paz  es  brève 
y  assi  nocessila  que  se  obre  con  presteza  y  diligencia  antes  que 
se  eHi|)enye  S.  M.,  y  no  liaya  lugarnias  do  aplicarscel  remedio. 
Suplico  a  V.  S.,  .se  sirva  escusar  esta  digresion,  considerando 
que  comoolro  Jercinia  en  espiritu  Uom  cordialmente  el  évidente 
pc»ligro  de  la  destruycion  de  la  patria ,  aunque  Icngo  confian^a 
y  Te  que  Dios,  nueslro  senyor,  ()or  su  bondad  abrira  camino 
y  dara  a  V.  8.  el  csfucrro ,  alientos  y  luz  ni^cessaria  para  acerlar 
a  obrar  en  ne^ocio  tan  arduo,  grave  y  diiiculluoso,  |H)n|ue  aca 
juxgan  que  no  se  obre  nada  en  ser>'icio  del  rey ,  y  que  es  falta  de 
vaior  sujotarse  y  lenor  lomor  tan  grande  a  la  plcl>c,  quenu  haya 
honibre  ni  univei's»ilad  que  deM:ubra  la  cara  en  favor  de  su  senyor, 
quando  lus  inquietos  van  tan  alcntados  en  su  olcnsa  y  aun  de 
la  republica.  (i*  Dios  a  V.  S.  Madrid,  a3  de  agost,  i6âo. 

Ca[K'lla  <le  VS. 
Fra  Br.KNAKniNo  dk  Mamllei'. 


(  Copie  sur  l'original.  ) 


V   XI\. 


Serment  pnti^,  au  nom  dr  Jmuïs  .177/.  par  le  marèrltal  (U  Hrtzè ,  à  Har- 

crlvnv. 

In  l)ei  nominc.  Pateat  universis  <|uud  annu  u  nativitatt* 
Doniini  niillcsinio  srxccnk'stinio  i|iiailra^csiin(i  secundo,  die 
ven>  (tiiniinicii,  vi^esinia  Icrtia  incn.sis  ichiuarii  cju^dciu  anni 
iiitiliilata,  illustn>*>iniu>  <'l  (*\i-rllLMitis>inniN  doniinus  l  rbanus 
de  Maille,  inaivliio  de  Hre/e .  utiiu>quc  (>rdini>  S.  eln'i^(iani^- 
sinia-  W  niaje>lalis  eques  lon|uutUh,  ejuM|ue  uconsiliis  omnibus 


|)K    L\    DKl  XIKMK    PAKTIK  659 

|>r(t\in(iii-  Anfip^av(Mi>i!«  (ira'ftH'tiis ,  mariscalliis  (julliii',  liHiiiii 
(ciHMisrt  i-a|ûtnneu>  g(*iu*ralih  iii  principatii  Cutlialoiiia*  et  ccmii-  - 
l.itihiis  l^ossilionis  cl GTitania>,  titi  proiiiratorud  liai*  spoclalitor 
roii«>(i(nl(i.N  ('(  ordinalii!»  \u'r  vanuUuu  S.  clirislitiniiisiniani  \\. 
iiiajrstatoiii  Liitio\ici  d(x*iini  (crtii,  IVi  gracia  régis  (îalliir  cl 
NavaiT.i',  (oiiiitis  l^rrhinona',  H()ssilK>nis  et  Ceritaiiia*,  ut  de 
tjiiN  iiiaiulato  constat  liltoris  patciitibiis  per  dirtam  n*pani 
ii)aj(>s(alein  MihscTiptis,  a  primo  status  et  rep;ni  Franrùp  sccrp- 
lario  rH)iitilli(T  si*î:natis  et  reforendatis ,  datis  Pcrona*,  regiii 
(îalii.r,  diH'imo  octavo  septemhris  proxiuie  pni*tenli ,  annique 
iiiillcsinii  sr\r€'iitesiuii  quadragesimi  prinii,  magno  sigillo  rcgio 
Ni^iila(i>  .  quariini  tcnor  talis  est. 

Lii<l()\iiiis,  IVi  gracia,  Fraiicia*  et  Navarni»  rex  christianis 
siiiuiN.  uni\ersi.s  pm^scntCN  litU*ras  ins|M>ctuns  salutcm;  ut  nobis 
il)  li(M  pn)>per<>  rerum  nostrarum  cursu  niliil  jucundius  accidit 
(|iiain piMt-lara  <i()iiiinationostra'(^thaloni«rpniicipatus accessio. 
(iiiu  \hiH'  pniNincia  non  amiis  suhacta  aut  (lallici  sanguinis 
prolio  conipaiala,  sed  ultro  tradita  :  sed  ita  nihil  usquani 
n)c»l<'>tiiis  quam  quod  de  nolns  optime  meritos  |M>puio8  qui  se 
coron.r  nostr.T  tain  addictos  probare  ejusquc  et  noslri  amantis- 
siinos  lion  videre ,  non  omnibus  henevolenlta*  nostra*  gratiqae 
aiiinii  totimoniis  coram  propinqui  jam  licet,  cum  e  repnblîca 
.sil  nos  istinc  hosles  lacessere;  instare  dum  prospéra  fortuna 
ntiniiir,  et  ne  minimo  quidem  lem|X)re  cessare ,  quo  animos 
rcMMuen*  et  vires  reparare  qucant.  Solitur  hoc  unum  quod  et 
Ciathalonia'  provincia*  laboramus,  cum  hosteni  ocrupamus  in 
]U>lgi(>  tam  immensa  M\'i  mole  ut  iilic  omnibus  |>ene  viribus 
Miis  (>^oal  nec  alibi  fortittT  ag(*re  aut susciperequicquam  posait. 
Intérim  igitur,  dum  negotiis  nostris  sic  providen^  satagimus  nt 
n<)l>is  taiid  ni  aliquand(»  liceat  hujus  provincio"  visuendse,  quo 
llagranuis  dcsiderio,  satisfacere  iîsque  omnilms  (|ua,*  a  gratia- 
siiiKt  |tiinf-i(K^  ex(>e(tari  fas  est,  tum  etiam  jurejurando  quod 
non  nisi  a  pra*M*nte  princi|M'  in  loco  et  forma  deliitis  edi  solet. 


058  PREUVES 

la  giîcrra  y  ,  {)ara  abirviar,  que  tal  liavia  de  qiiedar  dcftpiiesdd 
siiccftso  pi-ospi^n»  o  advorsu,  dcslniyda  y  infaniada  entre  las 
fiacioiies  la  que  tan  ^[loriosa  es  y  a  sido  siempre  per  la  finesa  de 
su  fidelidad. 

VA  tiempo  para  tralar  de  componer  las  cosas  con  paz  es  brève 
y  assi  nécessita  que  se  ohre  con  presteza  y  diligencia  antes  que 
se  emponye  S.  M.,  y  no  liaya  lugarmas  de  aplicarseel  remedio. 
Suplico  a  V.  S.,  se  sirva  escusar  esta  digresion,  considerando 
que  comootn)  Jereniiu  en  cspiritu  lloro  coitliaimente  el  évidente 
p^Jigro  de  la  deslruycion  de  la  patria ,  aunque  tengo  confian^a 
y  fe  que  Dios ,  iiueslro  senyor ,  por  su  bond  ad  abrira  camîno 
y  dara  a  V.  S.  el  esfuerco ,  alientos  y  luz  necessaria  |)€ini  acertar 
a  obrar  en  nc^ocio  tan  arduo,  giave  y  diilcuUuoso,  |)orque  aca 
juzgan  que  no  se  obre  nada  en  servicio  del  rey,  y  que  es  faltade 
vaier  sujetarse  y  tener  ienior  tan  grande  a  la  ])iebe,  queno  baya 
lionibre  ni  universilad  que  descubra  la  cara  en  favor  de  su  senyor, 
quando  los  inquielos  van  tan  alcntados  en  su  oiensa  y  aun  de 
la  republica.  (i'  Dios  a  \.  S.  Madrid,  33  de  agost,  i64o. 

Ca[H>lla  de  VS. 
Fra   UllUNAKOlNO   dk   Manllei'. 


(  (  'opiè  sur  l'orufinai  ) 


V  Xl\. 


Scrnwnt  priU-.  au  nom  ilc  Louis  .Mil,  par  Ir  marérhal  de  lirr:é,  à  Har- 

crlouc. 

In  Dci  noniiiK'.  Paleul  universis  quiHl  anno  a  nativilalu 
Doniini  niillcsinio  stAccnlcsinio  <|uadru«;esiuio  Mrundo,  dit* 
ven>  doiuiiiir.i.  \ip;e>inKi  tcrtiu  iiicii>i*<  fci)iuarii  ejuMicni  anni 
iiitiliiltita,  illuNlri»inui>  t>l  cxceileiitis^iaiiis  douiinu.s  l  rbanus 
i\v  Maillr.  luanliio  de  Brczc ,  ulriu>que  (»niiiii>  S.  chri^tiani^ 
>inia>  W  niaje>lati>  eque.s  ton|ualUN,  ejuMpie  aconsilii»  uinnibus 


|)K    L\    l)Ki:\IKMK    PAIITIK  659 

provint  iii-  .\n<l<><;iiv(Misis  |)nvfectiKH  ,  iiiariM'aiiiis  (jallia> ,  ImMiin 
hMKMiscl  ia|>itaneu>  ^riicralih  in  principatii  Cathaloiiia^  et  comt-  - 
i.ilihns  ho^silionis  cl  GTitania>,  iiti  pnn  iiratnrad  liât'  s|>Gcialitei 
(-(Mi.slilntu.s  et  ordinahLs  |H'r  oanidcm  S.  cliri.stianissimani  li. 
niajestatein  Lndovici  deciiin  tcrtii,  l)«'i  gracia  régis  (îalIiiT  et 
NavariM',  conuli;»  i^irchiiicma',  Hossilionis  et  Ceiitania»,  ut  de 
rjns  niandato  constat  litleris  patentibiis  |)er  dictam  irpani 
niajrst.'iteni  snl)5cTiplis ,  a  primo  status  et  re^ni  Fraïuix  sccn*- 
lario  rH)nlilliiT  sifj^natis  et  referendatis ,  datis  Perona*,  regiii 
(ialli.r,  d(Him()  octavo  septembris  proxime  pr«i*leriti ,  anntque 
niillrsinii  scxrrntesimi  quadragesimi  primi,  ma^o  sigillo  regio 
si<;il)ahs,  (piarnni  toiior  talis  est. 

Lndosicns,  IXm  gracia,  Francia*  cl  Navarre  rex  christianis- 
sinnis,  uni\orsis  pni'senteslitttTas  insiM^cturis  salulem;  ut  nobis 
in  Ikh  pros|HT()  i*enini  iiostrarum  cursu  nihil  jucundius  accidit 
(|nani|)r.r('lara  d(uninationostra'(Iathaioniarprincipatusacccssio. 
cnni  liât'  pmvincia  non  amiis  suhacta  aut  (lallici  sanguinis 
prelio  coniparata,  sed  ultro  tradita  :  scd  îla  nihil  usquani 
niolotins  qnam  quoil  de  nohis  optime  merilos  (K>pulos  qui  se 
coron.i-  nostra^  tam  addictos  probare  ejusque  et  nostri  amanlis- 
sinios  non  viden» ,  non  omnibus  henevolenlin*  nostra*  gratîque 
aninii  teslimoniis  coram  propinqui  jam  licet,  cum  e  repulilica 
.sil  nos  istinc  liostes  lacessei*c;  instare  dum  pmspera  fortuna 
ntinnn-,  et  ne  minimo  quidem  tem|)ore  cessare ,  quo  animos 
reNinnerr  et  vires  repararr  qucant.  Solitur  hoc  unum  quod  et 
(iathnlonia*  provincial  laboranius,  cum  hoslem  occupamus  in 
IWlgio  laui  immensa  belii  mole  ut  iliîc  omnibus  pêne  viribus 
sois  r^eal  nec  alibi  fortiter  agere  autsusciperequicquam  posait. 
Intmni  igitnr,  dum  negotiis  nostris  sic  providert*  satagimu.<i  ut 
nol)is  (and  m  aliquando  liceat  hujus  provincial  visuendœ,  quo 
llagranins  dcsiderio,  satisfacere  iisque  omnibus  qua;  a  gratis- 
sinio  |M  int  i|>e  cxpectari  fas  est,  tum  eliam  jurejurando  quod 
non  nisi  a  pra^iMite  princi|M'  in  ioco  et  forma  debitis  edi  solet. 


640  PREUVES 

Taiiluni  in  omnium  onlinum  erga  nos  studio  confidimus  ut 
quemadmodum  nohis  absentibus  im6  el  insciis  se  suasque 
submiscrc  ccrto  speremus  eos  habita  summorum  quibus  occu- 
pamur  negotioruni  ralione ,  ita  c(  a  nobis  abscntibus  jusjumn- 
dum  pcr  procuratoroni  edi  consensuros;  quamobrem  charûsi- 
muni  co{^iatum  Dostrum  Urbanum  de  Maille ,  marchionem  de 
Brczé,  utriusque  ordinis  nostri  cl  militia*  cquitem  torquatimi , 
nobis  a  consiliis  omnibus  Andium  provincial   prxfiectum  et 
Francia^  maiiscallum,  virum  natalium  splendore  juxta  et  rerum 
gestaruni  fama  clarissimum,  dcputavimus  el  delegavinius,  et  de 
no»tra  certa  scicncia  rcgiaque  aucloritate  deputamus  et  dele- 
ganuis,  tonorc  ])nL>scntium  manunostra  propiîa  subscriptamm, 
ut  nostro  noniine  supradictum  jusjurandum  et  in  forma  ftolîta 
pi'aîtcrcaqiie  id  addat  quod  ad  pacta  et  conditiones ,  de  quibus 
inter  nos  et  omncs  provincial  ordincs  convcnit  a  nobis  obser 
vandas  ut  spécial  ac  quidquid  demum  a  nubis  lioccc  solemni 
juSxjurando  promilti  «i-quum ,  regia*quc   noslnr  dignitati  con- 
gru umjiidicav  cri  t,  quamvis  talc  aliquid  foret  quod  mandatum 
niagis  spéciale  qnam  pncscntibus  est  cxpressum  exigen>t.  Pro- 
miltcntes  lidc  regia  nos  ea  omnia  qua>  pra'dictus  carissimiis 
cognatus  nosterUrbaïuis  de  Maille,  marcliio  deBrezc,  nostro  Do- 
mine hoc  solemni  jurejurnndo  pollicitus  fuerit  eadem  relîgione 
observaturos  et  pra>stituros  ac  si  a  priisentibus  nostris conceptîs 
verbisediluin  fuissel.  Dcclar<imus  insu|»er  nnllatenus  nobis  în 
nnimo  esse  novani  indueirconsuetudlnem  lalîs  jurisjurandi  per 
pnx'nnitorcni    faciundi,   inio  nos   quamprimum    per  negotîa 
nostra  licnerit,  in  Cathalonicini  |)n)fu(uros  el  antiquum,  siopus 
erit ,  jurandi  morcni  scculuros,  queni  intérim  i  Ihi'su  m  sal  vu  ni- 
que volunius,  neque  quod  teni|)oruni  nt^essitate  indultum  sît 
cuicpiani  fiaudi  ess«>  aul  in  exeinpluni  a  |)osteris  trahi  :  sic  enîm 
placituni.  In  quorum  rident  et  (estimoniuni  pnesentihus  regium 
si^nlluni    nostruni   apfMmi  cura\inius. 

Hat.  in  oppido  nostn>  IVrona\  die  décima  octava  mensissep- 


DF    LA    DFJ'XIKME    PAKTIE.  6'il 

(embris .  aiino  n  nativitatc  Christi  millesimo  sexccntcsimo  qiia- 
(Ira^e.siiiio  primo,  rc^i  nosiri  tri^^csimo  5eciiiulo. 

Par  le  roi  l^)iis,  BouthiUier. 

Dicto  noniino  ronstitutus  personaliter  auto  allare  maxiinuin 
inajoris  ecclesia*  Barrinonciisis  existentibu»  ibidem  admodiim 
illuslribiis  consiiiariis  dirta'  civitalis  gcnibiis  flexis,  inissale 
ibidfin  a|>erto,  cruceque  ciim  vero  lif^no  cniri»  ibi  (>o»ita  el  ca 
rrv<Mcnl<»r  ac  devoir  adorata,  jani  dicto  nomine  et  pm  dirla  regia 
inajcstate  jiiravil  ad  dominum  Deum  et  ejus  sancta  quatuor 
f'Nan^rlia  lit  in  sedula  |M>r  suani  Ex.  milii  Antonio  Joaniii  Fita. 
re«:ii  iiMiidati  S(  riba>ac  nol.  publicol^rc.tradita.quam  deipsius 
inaixlalo  alla  ol  intelligilûli  voce  legi,  cujus  ténor  lalis  est. 

•  \a)  illii>trisNini  v  exrellentissim  senvor  l^rhano  de  Maillé, 

•  inanpie^dc  BiTzé,  cavalier, etc.  G)m  a  procurador  [ter  aquestas 
«  cosas  (  nii>(itidiil  y  ordenat  per  la  sacra  christianissinia  v  real 
•*  M.  df  LliiNs  trt'ze,  per  la  gracia  do  Deu  rey  de  Franra  v  de 
1  N.narra ,  com  do  sa  procura  cousia  ab  llclres  patents  |)er  S.  M. 
-  solaM  rilas,  signadas  |>er  lo  primer  secrelari  de  estai  y  del  règne 

•  do  l'ranra  BouthillitT,  dadas  en  Perona,  rogne  do  Franra  al 
H  dix  UN  t  do  sotombro  mil  six  cent  quarantaliu,  y  ab  lo  sagidl 
«  inavnr  do  S.  M.  sagelladas  en  lo  dit  nom  y  per  la  dila  real 
n  Miifj  slal ,  jura  a  naslre  M»nyor  IVu  y  a  la  sanla  creu  y  als 
•<  saurais  cpialre  sants  evangclis  poi    sas  mans   cor|)oralement 

•  to<  ai5  qiio  (Sa  M.  Cristianissima  )  lindra  e  iiniolablement 
«ob>or\aray  Hira  obser\ar  a  las  igle.^ias,  pn'lats,  religiosas  v 
X  o<  loNiastiras  porsonas,  duchs,  marquesos  ,  comtes ,  vescomtes, 

•  ri<  lis  bornons ,  barons ,  nobles ,  cavaliers ,  liomcns  de  paratge  y  • 
<  las  (  iiilats,  villas  y  IUn's  del  présent  principal  de  Catalunya, 

(oinlats  de  Rossello  y  Cerdanya,  ciutadans  ,  burgesos  y  liabi- 

•  tadorN  do  aqiiells  los  usatjes  de  Barcelona ,  constitutions  de 

•  (ialaliiiiya,  rapilolsy  actes  do  corts,  llibcrtats,  privilegis  vcos- 

•  (iiins  sogons  niillor  y  mes  plenament  ne  han  usai  y  poden 
.  usai  .  v  sorvara  v  fara  ser>ar  los  pactes  infrascripts  entre  S.  M. 

II.  il 


0/i2  PrŒLVKS 

«y  la  pi'ovincia,  convin^iits  y  concordai:» ,  solaserils  y  finiiatii 
•  pcr  S.  M.  en  Pcrona ,  règne  de  Kranca  a  desnoii  de  setembre 
«mil  six  cenl  ([iinnintaliii.  »  Kt  lec-ta  per  me  dicliim  \ntuniiini 
Joliaimcm  Fila  supradicla  sedula  jiiramenti  et  accepto  mandalo 
a  S.  Kx.  <piatenns  hic  inserem  pacta  supra  in  dicta  sedula 
memorata  quii*  S.  K\.  prosibilectiscl  piiblicatis  liabiiil  et  habere 
se  dixil,  cU\ 

N"  \IV  l>is. 

Ertniit  du  rrrueil  tirs  pièces  imprimer  s  à  Hunulonr  à  rorcasion  Je   lu 

mort  (le  Louis  .1  ///. 

EIMTAFI    AL    REY     niniSTIANISSlM    LI.LYS    Mil,    I.O    Jl  ST 

A<pii  jaii  (\o  un  n'\  aii;:ii<t  , 
lia  niagf'stiit  mo%  aii>!iiAta 
Ouo  unu  ruixa  li  vt*  jiisia 
A  un  tan  gran  moiiarca  jnsi 

Mrs  lo  aniino  grncros , 
Fania  y  valur,  (dIIkimi  s.ip 
Que  cnm  l'ii  loinnn  im  cap. 
Soin  m  In  c'«'l  tr  ri'ptis 


noriMFATo    hf.    i.a    mi  kuti:    m.i.    «ki    rnnisTi^MSMH    mis    xiii, 

El.     JIMO. 

JiiMiis  prril.  <'t  non  «-si  (pii  n-rtH^iU!  in  rouir  mhi  (  /jii  .■»7    ) 


Murrr  »*l  jii^lo,  v  •  "»  niny  jnslo 
<Jiica|U«l('  su  \i(la  -d  Ih'I 
|)i'  un  rhrisli.inissinio  fiel 
Ouion  VI*  muerlo  u  rrv  lan  jii^h» 


I)K    \A    DKl'XIKME    I>.\I\T1E.  0^3 


\l.    M\TKI\     A.VM'^PTO»    SONETO    FINEBIlK 


M  j(]iiina  ardent ,  luontaiiva  cl<'  llunis  trinto^ 
\l>  rmu'hro't  va>Tl<'!*  ondolada, 
ihw  a  no  Horlo  pons^ira  traslladadn 
La  (!«•  rsicirs  en  nil  .M'rena  vistos  : 

(  )  «liguera  ,  vrvs  roca  d«'  anit'tifttcs 
Kntn*  dianian»  rcfulgiMits  posada; 
Vwo  la  mort  (pie  vn  niitg  veig  curonada, 
llii  dcMnent  al)  lo  honror  de  nègres  llistcft: 

Toi  pH  dol ,  lot  M  plor,  lot  0»  tristessa. 
Fins  les  ilniuA  ploren  Uagrimes  de  ccra, 
^1  t\nn  Irstran  aU  iilU,  si  prop  les  mire». 

(  )  tn  ,  caniinant  savi ,  iio  te  admires, 
IMor*'  io  pohlc  ,  pion*  la  iiobleia  , 
>  plon-n  tots  al)  \oluntat  siiicera, 

\  «Mil  (|uu  la  Parca  iVra 

M)  ti^^Mcs  fatals,  |>orh  advertida, 

lnju>ta,  (ir  un  r«*y  jiist  talla  la  vida. 


Il  \M      ni      l.\     r.llIAT     DE     BARCEU)>A     K\     L\     MOItT     DE     !H)!«     RET      Y 

COMTE,    LLll!i    Xlll  ,    LU    JU^T. 

Mon  nostrtr  rey. 
Mûri  iiostre  Lluys. 
0  Pana  fatal  ! 
()  S4)rt  infi'liz! 

(.aigiii^  en  primavera 
Nostra  llor  de  Ilit  : 

4i. 


"^ 


644  PREUVEvS 

O  que  agostat  maig! 
O  que  triste  abril  ! 

Plora,  o  Reyna  mare, 
Plora,  o  amat  Delfi, 
Lluna  quet  éclipses. 
Sol  que  va  es  exit. 

Liagrinias  derrama , 
O  insigne  Paris, 
Tantes  que  de  mare 
Isca  lo  teu  nu. 

Plora  ,  França ,  plora 
1^  funeste  fi, 
Del  que  conservare 
Ton  estât  feliz. 

Y  to,  principal 
Noble,  ilustre,  antich 
(^e  en  tu  veus  planfada 
Ya  la  flor  de  11  is  : 

Cataluna  mia, 
Molt  bas  de  sentir 
Te  faite  un  reyjust 
Electo  entre  mil. 

Les  llagrimes  solta, 
(^orrnn  fil  a  fil 
Hegant  murs,  y  valls, 
Fent  creixer  \o%  rius , 

Si  no  es  que  de  pena 
No  pugursobrir 
IjOSuIIs,  pera  venre 
Lo  espectarle  trisl. 


7. 


DE    I.A    DKl MEME    PARTIE.  6^5 

Les  fonts  criHlalincs 
Del  Pyrcnne  rich 
Ab  soA  uiis  de  plata 
Kntrr  avets  y  pins  : 

Llagrinioîw»*  peries 
(Moraraii  alli, 
Im  mormuH  alegre 
Rn  plant  convertint 


)  yo ,  Barcelona  , 
Coiii  me  podrè  dir 
Ka>encia\  sini  faite 
Qui  me  ha  afavorit, 

(^)uin  compte  dar^ 
Si  sens  comte  estich  ? 
Oui  me  ampararà  ? 
Ay  triste  de  mi! 

\ms  ayres  rompra 
Ab  frequens  suspirs; 
Respondran  los  ecos 
Llamentables  crits. 

Bcsos,  Llobregat'*, 
Y  torrents  vehin». 
Ponts  de  la  montana, 
Ara  es  temps  de  ciir. 

Deixaunie  les  aygues 
Que  abundants  teniu, 
Pera  que  les  ploren 
Mos  ulls  aflisits 

(.  rtt  le  iioai  «m  MB  d*  B*rc«l<MM. 
iVvi  |<«litn  rivière*  «•!  tBviroot  (l«  Bawdo»*, 


<  ^ 


646  PREUVES 

Y  si  estes  ho  basUD 
Lo  mar  tinch  aqui , 
Que  es  un  mar  amarch 
De  tristor  mon  pit. 

Veig  de  mes  muralles 
Lo  lien»  convertit 
En  nègres  vayetet 
De  que  estam  vestits  ; 

Les  amenés  fa  Ides 
Del  gran  Monjuich 
Veig  de  dol  cul>ertes 

Y  de  nuvois  trists. 

Qui  consolarà 
Mon  cor  afligit 
Qui  donarà  halè 
A  pit  tan  mesqui  ? 

Vos,  o  Reyna  mare, 
Sereu  pera  mi 
Bellona  divina 
Huma  serafi. 

Vos,  Lluys  amat, 
Ancora  v  Delfi 
Sereu  en  leî»  ones 
Del  mar  enemich. 

Y  vos ,  de  la  Mota 
Bellicos  Felip, 

O  gran  mariscal  ! 
O  segon  David  ! 

Sereu  mon  amparu , 
Sereu  mon  abrich , 


I)K    l.\    DKIMKMK    PXHTIK  f»V 

^rrru  ma  (Icl'i  n»a 
Viviiit  !)igle>  mil 


MOMMFATl  M 
Kl  s  Ml. ,   %«:  Ki>.\i.K 

Kn  .    O    HOMO    QUI    AB    IIUMO  , 

Fi  M*S  KT  Ml  Ni:?*  : 

liKCh,   LI'CiK  : 

IXNrKCTA,    l\pe<:ta  : 

Et 

HiMiE  inscE 

TaLU  yORTAI.LS, 
FKiMEKTA    FlMCNTA; 
OhlHtH,     MOMIMUR, 

Ni  M(.s    Hi:yus«    pu  Ht' s 
Sic  SOS 

I.IDIMIS,      NKC      ILLUDIMl'K 

K  lADOVICO  XIII 
Sic  tu 

FlM.S    ^.TATKy  , 
Ims      ».T£R!«ITATCM. 

N'  XV. 

I  uniits  lit-  la  (itnlatjnt-,  arriirrs  en  exécution  de  t article   iî  corn^  dm 

traité  des  Pyrénées . 

Par  l.i  (onvction  de  l'article  à2  du  traité  des  Pyrénées  il 
lui  (  ()ii\enii  (]ue  la  vallit:  de  Carol  serait  concédée  à  la  France 
i\(M  une  partie  du  territoire  de  la  Cerdagne,  propre  à  établir 


fi'iS  PKELVES 

des  cuniaiiiiiK'alîuiis  iibiTs  et  indôpciidantos  entre  cette  vallée 
de  GiruL  le  (knilliMit  et  le  Ca|x.'tr,  le  tout  devant  fumier  un 
nombre  de  trciile-lrois  villages,  et,  dit  Tarticle  corrigé,*  s* îl  n*y 
«  a  pas  tant  de  villages  en  ladite  vallée  et  ou  ladite  communica- 

•  tion .  ledit  nund)re  de  trente-trois  sera  suppléé  par  d'autres 

■  villages  dudit  comte  de  Cerdanna ,  qui  se  trouveront  être  les 
«plus  conligns.  Fil  afni  qu'il  ne  puisse  amver  de  contestation 

•  sur  la  qualité  di'sdits  >ill<iges,  on  est  demeure?  d'accord  que 

•  pour  villages  se  doivent  entendre  ceux  qui  ont  été  censés  de  là 

•  par  le  passé ,  et  avec  sa  juridiction ,  en  cas  qu'ils  se  trouvas- 

■  sent  présentement  détruits,  |M)urvu  que  chacun  desdits  villages 
«ait  quelques  malsons  (jui  soient  habitées,  laquelle  susdite 
«valh'e  de  Carol  et  la  tour  (lerdaniia,  comme  aussi  lesdits  vil- 
«  lages  jusqu'au  iiond)rede  trente-trois,  en  la  manière  ci-dessus 

•  dite,  denieuiXM'ont  au  seigneur  n)i  T.  i).  et  à  la  couronne  de 
«France,  |K)ur  y  être  unis  et  incorporés  à  jamais,  aux  mêmes 

•  clauses  et  conditions  de  cession  et  ii.*nonciation,  de  la  part  de 
«S.  M.  C  dans  l'article  43  du  traité  de  paix,  comme  si  elles 
«étaient  i<'i  parliculieremeni  spécilnTS  et  énoncc'es  mot  à  mot.  ■ 
En  consécpieiire,  furent  arrêtées  les dis|)ositions  suivantes: 

Nous ,  don  Miguel  de  (iaiba  y  \  algornera ,  che\alier  de  rordrc 
de  Saint-Jacques,  conseiller  fin  roi  en  tons  ses  conseils,  de  la 
couroinie  d'Aragon,  et  llyac  inliie  (ierroni ,  évi»que  d'Orange , 
conseiller  de  S.  M.  T.  C  mi  t ohm  il  d'état,  connuisnaircs  dé- 
putés piir  IrN  MM.  (1.  el  T.  ('-.  pour  l'exeeutioii  de  ce  qui  a  été 
fail  el  signé  deniit'ri'inenl  par  les  sieurs  pléiii|H)tentiaires  d'Ls- 
pagne  et  de  IVanee,  dans  lile  dite  Je  las  FaUanos ,  le  3i  mai 

Klnnl  |);ir\eiiu.s  en  (ierdagne  et  lenu  pi u s ieui*s  conférences, 
ajur.N  nous  être  eoiiiniuniqurs  re>pecti\einent  nos  |N)U\ciir»  et 
nous  en  être  dniiiii- (  npie.  c  iin>i(l('KiMt  tnuleN  les  raiMins  de  part 
el  ir.inli'*,  \n  el  r«'<onnn  Inns  \vr»  villages  el  lerroir>  d'ireux, 
.i>niis  ifS'ilu  el  tondu  tpie  le>  trente  tiois  sillages  qui  iloivenf 


ni:    LA    DKLXIKMt:    PAHTIE  iW) 

iCNter  a  S.  M.  T.  C  en  (iercia^ne,  en  vertu  de  tarticle  susdit, 
MM'ont  les  suivants  :  (larol  avec  toute  sa  vallée,  dont  les  lieux 
snt)nt  comptés  |)Our  deux;  Knveip  avec  tous  ses  monts  et  juri- 
diction, pour  deux;  Ur  et  Flori,  |>our  un;  N'ilieneuvc et  Kscal- 
(las,  pour  un;  Dorres,  Angustrina,  Tar^nsona,  Palmarill ,  Kgat, 
Odcllo,  \ia,  IV)lqueras,  \  ilar-I>ovence,  Elstavar,  Bajanda,  Sal- 
la^osa ,  Ko ,  \  edrinyans ,  I^a  Perche ,  llouet ,  LIo ,  Evne ,  Saint- 
Piorœ  dels  Forçats;  Saintc-Léocadie  et  Llur,  pour  un;  Er, 
Planés,  (^ildejxas  et Onrx'S ,  |)our  un  ;  Nahuja,  Osseja,  Paiau ,  Ix, 
tous  lesquels  susdits  villages  resteront  au  roi  T.  C.  avec  leurs 
juridiction ,  terroirs  et  dépendances.  EU  comme  le  terroir  dix 
passe  de  l'autre  c(Uc  de  la  rivière  de  Rahur,  nous,  les  commis- 
saires députés,  avons  déclaré  et  déclarons  que  nonol)stant  que 
la  dividion  d'Espagne  et  de  France  doive  être  prise,  [X)ur  tous 
les  autres  villages ,  par  la  division  de  leur  terroir  et  juridiction, 
|H)ur  ce  qui  touche  au  village  dix  seulement,  la  division  d*Es- 
pa^^ne  et  de  France  se  prendra  à  ladite  rivière  suivant  sou  cours 
naturel ,  et  suivra  sa  pente  jusqu*à  sa  rencontre  avec  le  territoire 
d'Aja ,  qui  i*estera  à  TEspagne,  de  sorte  que  la  moitié  de  ladite 
rivière  et  la  moitié  du  (X)nt  qu*on  appelle  vulgairement  pont  de 
Livia  sera  de  PEftpagne,  c'est-à-dire  celle  qui  est  du  côté  de 
Puvcerda,  et  l'autre  moitié  sera  à  la  France,  c*est-à-dire  celle 
qui  regarde  Livia  ou  le  col  de  la  Perche;  ne  prétendant  point, 
par  cette  division ,  séparer  le  territoire  dudit  village  dix  en  ce 
qui  touche  le  domaine,  propriété,  fruits,  pâturages  ni  autre 
chose  quelconque  à  lui  appartenant;  ne  devant  s'entendre ,  celte 
s(>paralioii ,  que  pour  TEspagne  et  la  France ,  et  non  pour  le 
domaine  ou  propriété  particulière  dudit  territoire,  qui  restera 
toujours  uni  audit  village  dix. 

Pour  (*e  qui  concerne  Livia  et  son  bailliage,  nous,  commîs- 
saiivs  <le[mtés  ,  déclarons  qu'elle  restera  entièrement  à  S.  M.  C, 
axN  la  condition  qu'en  aucun  temps  sadite  M.  ne  pourra  faire 
iortil'ier  ni  Livia  ni  aucun  autre  lieu  dudit  bailliage  et  terroir. 


ti50  PREUVES 

cl  le  coiuiniîisaii'e  d  Espagne  &*oLiige  à  laiix*  ratifier  |)ai*licu- 
licreinenl  el  cxpi^esséiiienl  cet  accord  el  coiivenlioii  de    ne 
|K)ii\oir  l'ortilicr  Livia  i)i  autre  iieu  ou  poste  de  son  bailliage  et 
lerritoiix*,  }>ar  S.  M.  C ,  auquel  cas  seulement  le  commissaire 
de  France  consent  que  Li\ia  et  sou  bailliage  restent  à  S.  M.  C 
Et  comme,  pour  aller  de  Livia  à  Puycerda  ou  de  Puycerda 
à  Livia,  ou  pour  aller  d*un  village  à  Tautre,  de  ceux   (|ui 
restent  à  8.  M.  T.  C. ,  il  [)eut  arriver  qu*on  ait  à  passer  par  le 
terroir  de  Livia  ou   de  Puycerda,  ou  par  le  terroir  de  quel- 
qu'un des  villages  de  France,  nous,  les  commissaires  dépulét* 
dc'clarons  que  quelque  genre  de  marcbandises  ou  provisions  qui 
[tassent  par  Icsdils  terroirs,  allant  par  le  chemin  royal  de  Livia 
à  Puycerda  ou  de  Puycerda  à  Livia,  ou  allant  d'un  village  a 
Tauti-e  de  ceux  qui  restent  a  la  France,  ne  payeront  aucun 
droit  aux  olHciers  de  France  ou  à  d'autres  receveurs  ou  fermiera 
ou  autres ,  tels  que  receveurs  des  droits  des  deux  royaumes,  dé- 
clarant de  plus  que  lesdits  cliomins  royaux  el  passages  qu'on 
aura  a  prendre  |>our  aller  de  Livia  à  Puycenla  ou  de  Puycerda 
à  Livia,  on  [Muir  aller  d'un  village  à  fautre  de  ceux  qui  restent 
à  la  France ,  seront  libres  aux  sujets  de  l'un  et  l'autre  royaume, 
sansqu*il$  puissent  cli-c  molestes  dans  leur  passage  |>ar  les  em- 
ployés des  deux  royaumes,    réciproquement,  [>our  quelque 
<'bose  que  ce  soit  ;  n'entendant  pas  que  cette  libelle  de  passer 
puisse  servir  |K)ur  les  délits  qui  pourraient  se  commettre  sur 
ces  clieinins  ou  passages,  parce  que  la  capturo  et  châtiment 
d'icetix  appartiendra  aux  einpioyinde  la  partie  à  laquelle  appar- 
tiendra le  territoire  desdits  passages.  Et  pour  qu'il  conste  de 
tout  le  contenu  ci-dessus,  el  |>our  qu'il  s'accomplisse  avec  toute 
[)onclualitc,  nous,  les  commissaires  députés,  a\ons  résoluqull 
sera  fait  deux  copies  du  présent,  l'une  en  espagnol,  l'autre  en 
Irançais,  et  que  celle  en  langue  espagnole,  signée  par  le  com- 
inissuiit*   (I  lispagne  et  (ontivsiguiV  |Mir  son  secrt'tairr,  sera 
livrée  a   M     rcMfpie  trihuiige,  et  celle  en  langue  frant^aise. 


I)K    I.A    DKl MKMK    PAHTIK.  Ùb\ 

si*:ru'e  par  M.  I'rv«''<|iie  il'Oraiif^e  el  roiitresi|;nce  par  son  mhti*- 
laire ,  nous  ^^era  livri^e.  Fait  el  conclu  a  Livia,  lo  13  du  luoi» 
(1p  noxembi-c  (!«.'  l'an  iGrio.  Si^né  don  Miguel  de  (iall)a  y  de 
\  al^oniera,  roninii&saire. 

I^ir  niantlenient  diidil  sieur  coiimiissaii'e ,  Jean-Cia.spard 
Mauri.  notaire  pul)lic  de  Puycorda«  |>oui'  LVullhasoj*  Oriol  } 
Marcer.  (  Traduit  sur  la  cupie  espagnole,  Arch.  doin.  ) 

FIXATION   DES  LIMITES    DES  ROYArMKS   D* ESPAGNE    ET    DE  FRANCE, 

DANS    LE    TERRITOIRE    d'iX. 

No/ri.  i'.vXW  pi^cr ,  (|uoicpi(:  n*dij;t'»c  en  rranrais,  est  «fuii  style  si 
l).irl).irr,  (pi'il  v  a  une  foule  de  pa.<(5agrA  presque  inintelligibles. 

Li>  3 3'  jour  du  mois  de  novembre  1750, 
iNouM,  don  Pascal  de  Navas,  capitaine  d'iufaDterie  et  ingé- 
nieur des  années  de  S.  M.  T.  C,  et  M.  Desbordes  de  la  Moule- 

nerie,  lieutenant-colonel  d'infanterie  et  ingénieur  de  S.  M.T.C, 

« 

commissaires  (>our  la  stable  convention  du  cours  des  eaux  de  la 
rivière  dite  la  Ilaliur,  qui  divise  les  royaumes  de  France  et 
d'F^pagno. 

Kn  cons<'*quence  des  ordres  à  nous  doDnéti  par  S.  EL  M.  le 
mait|uis  de  la  Mina,  capitaine  général  des  années  de  S.  M.  C.  el 
conmiandant  général  de  la  principauté  de  Catalogne,  et  par 
S.  K.  M.  le  comte  de  Mailly,  lieutenant  général  de  la  province 
de  Roussillon ,  Gonflent  et  (lerdagne ,  pour  vérifier  et  régler  les 
limites  de  la  rivière  de  Rahur,  depuis  le  pont  de  Livia  et  suivant 
Hoii  versant  naturel  du  côté  du  midi  jusqu'au  terroir  du  lieu 
<l*Aja ,  formant,  cette  rivière  Hahur,  la  division  des  deux 
royaumes  d'Espagne  et  de  France ,  comme  il  fut  traité  des  divi 
sions  par  les  pléui[x>tentiairet  des  deux  couronnes,  le  la  no- 
vembre 1G60,  dans  lequel  on  explique  clairement  que  liiditr 
rivii're  Ualuir  ferait  seulement  la  division  du  terroir  au  lieu 
dix ,  (|uV»n  a  déclaré  rester  à  la  France ,  conservant  à  ses  ba« 


652  PREUVES 

bitaiits  les  domaines  cl  autres  droits  à  eux  apparteiianl  dans  le 
terroir  d'Espagne;  et  comme  depuis  le  traite  de  la  dîvisioQ 
diiïérentes  inondations  ont  change  le  lit  de  la  rivière,  tantôt  du 
côté  d'Espap;nc ,  tantôt  du  côté  de  France ,  à  raison  de  quoi ,  et 
l>our  s*étre ,  les  propriétaires  aboutissant  de  Tune  et  de  Tautre 
part,  dudit  terroir  approprié,  formant  des  prés  dans  le  lit  de 
la  rivière ,  après  s*èlre  échangés ,  ce  qui  a  causé  bien  des  dis* 
[)utcs  et  plaintes  depuis  vingt-cinq  ans,  ce  qui  a  été  représenté 
aux  intendants  cl  commandants  respectifs  deGitalogne  et  Roua- 
sillon  ;  et  particulièrement  par  la  ruine  occasionnée  par  la  der- 
nière inondation  des  4  et  5  du  mois  d'août  de  cette  présente 
année,  sur  les  terres  et  propriétés  des  voisins  de  la  rivière 
Rahur;  ceux  de  la  part  d'ELspagne  représentèrent  alors  à  M.  le 
marquis  de  la  Mina,  et  ceux  de  la  part  de  France  à  M.  le  comte 
de  Mailiy,  exposant  lune  et  l'autre  partie  ses  raisons;  auxquels 
motifs  les  sieurs  commandants  convinrent  et  conclurent  entre 
eux  d'envoyer  les  commissaires  ingénieurs  des  deux  couronnes 
aiin  de  tirer  le  plan  de  la  susdite  rivière  de  Rahur,  mettant  des 
limites  dans  le  milieu  du  lit  de  cette  rivière,  et  en  mirent  égale- 
ment de  chaque  côté  de  ladite  rivière ,  laissant  douze  toiaes  de 
large  pour  le  cours  des  eaux,  et  au  surplus,  quatre  toises  de 
terroir  de  chaque  côté  du  lit  de  ladite  rivière  pour  passer  les 
troupeaux,    vulgairement    dit    rami-ramader,    comme  il   était 
auparavant;  et  les  sujets  desdits  rf)yaunies  s'étant  approprié 
ces  chemins ,  lesquels  empêchaient  le  passage  de  ces  troupeaux, 
et  par  là  ils  causaient  bien  des  disputes  ;  et  n'ayant  pu  convenir, 
les  deux  couronnes,  de  fixer  les  limites  au  lit  de  la  rivière,  le 
commissaire  ingénieur  Navas,  avec  M.  rFxrluse,  ingénieur  des 
ponts  et  (hanssf'es  commis  par  M.  le  comte  de  Nfailly,  le  mois 
d'(K'tnbre  alors  pi*ochain.   il  a  été  convenu  dernièrement  que 
M.  Desitonles  et  M.  Paschal  de  \avas  vinssent  dans  la  (Vrdagne 
pour  t>xaminer  les  limites  hxcVs  dans  le  lit  de  la  rivière  de 
Hahur,  eu  même  tenip>  convenir  et  nian|uer  la  largeur  snfli- 


I)K    LA    DEIXIKMK    PAUTIE.  6:>:) 

sanU*  |H)iir  le  cniii*5  des  eaux  et  chemins  des  bestiaux  dits 
canii  raiiiadei^,  ces  deux  parties  |N)ur  le  passade  des  bestiaux 
|M)ur  1rs  sujets  des  deux  couronnes  le  long  de  cette  rivière. 
I^>quel  vu  et  examiné  avec  attention,  avons  convenu,  les  deux, 
à  la  ire  deux  toises  de  largeur  |X)ur  le  cours  des  eaux  en  toute 
.son  étendue ,  depuis  le  |>ont  de  Livia  jusqu'à  la  rivière  de  Segra , 
et,  d(>  plus,  quatre  toises  de  large  à  chaque  côté,  lesquelles 
serviront  de  chemin  |X)ur  les  bestiaux  dits  cami-ramaders. 

IV  morne,  nous  avons  convenu  que,  si  dans  la  suite  il  arri- 
\  ait  que ,  dans  le  temps  du  passage  des  troupeaux  par  le  chemiu 
ramailvr.  de  quatre  toises  de  large  le  long  de  la  rivière,  ils  ne 
pn^^ent  passiT  à  cause  de  quelque  inondation  ou  autre  accident 
audit  rlieinin ,  les  confrontants  à  ladite  rivière  seront  obligés  de 
donner  librement  le  |>assage  par  le  chemin  royal ,  plus  près  de 
ladite  rivière ,  aiin  d'éviter  des  coniestations  entre  les  sujets  des 
<leux  couronnes. 

Avon.H  pareillement  convenu  que  les  confronttints  de  ladite 
rivière*  ne  puissent  faire  aucune  digue  dans  les  lignes  qui  mar- 
<|uont  le  lit  de  ladite  rivière,  comme  aussi  dans  les  quatre  toises 
mai*qu(>es  |K>ur  chemin  de  passage  des  bestiaux,  que  tout  le 
lai^o  com|)os<''  vingt  toises*;  et  puissent  seulement  faire  les 
réparations  hors  les  limites  marquées  pour  le  cours  des  eaux  et 
rhomin  de  passage  des  troupeaux.  De  la  même  fa^n  avons 
(onvcnu  que  les  voisins  de  part  et  d'autre  de  cette  rivière  lais- 
sent le  lit  de  cette  rivière  libre  et  débarrassé,  de  même  que  le 
(  liomin  de  passage  des  bestiaux,  suivant  la  largeur  qui  a  été 
doiiiKH»,  savoir:  depuis  le  milieu  du  pont  de  Livia  jusqu'à 
l'oiulnut  marqué  au  milieu  de  la  rivière,  vis-à-vis  la  maison  du 
mas  nefjtr,  de  distance  de  trente-sept  toises  six  pouces;  de 
Tan^Ie  qui  est  du  côté  du  nord,  du  côté  du  pont  et  plus  près 
do  la  rivière,  et  depuis  Tendroit  marqué  au  milieu  de  la  rivière 
juMpià  l'angle  du  côté  du  pré  de  Jean  Picas  plus  près  du 

'    IVMit  |j  Ijrffur  loUir  t*i  àt  tingt  toi»**. 


Of)^  PKEUVKS 

<'liniiip ,  il  y  n  <lix  so|)t  toises  qiiali^  pieds  de  distance  ;  et  depuis 
rendroit  mai-qiiô  au  milieu  de  la  rivirre,  vis-à-vis  lemas-negre, 
jusqu*à  IVndroit  qui  divise  la  rivière  par  moitié,  vîs-i-vis  le 
mnrrif  qui  se  trouve  plus  bas  des  prés  da  couvent  de  Saïnf- 
Dominiqne  de  Puyrerda,  va  en  droite  ii^ne;  et  de  cet  endioit 
mon  lion  iK*  qui  divise  la  rivière,  jusqu'à  i*endroit  où  â   y  a 
rantrle  des  jardins  de  Jean  Picas  plus  pn>s  du  cliemin,  il  y  a 
riiKpiaiilo-iieur  toiïvos  trois  pieds  de  distance.  11  y  a  encoTB 
depuis  le  uiomp  endroit  qui  divise  la  rivière,  à  la  rive  du  champ 
de  don  .luan  de  Maiiegat,  de  Puyœrda,  qui  voisine  avec  le 
cham|)  de  Kal'ael  Man^cllo,  de  la  même  ville,  il  y  a  cent  sept 
toises   trois  pieils  de  distance;  et  ayant,    pour  plus  grande 
sûreté,  tirc'  une  li^rne  depui.s  les  deux  limites  de  l'angle  da 
jardin  <le  Picas  aux  limites  des  susdits  Mane^at,  Verges  et  Mar- 
cello, se  trouve  la  distance  décent  trente  toises  cinq  pieds;  et 
|>ourplns  «grande  clarté,  depuis  Tendroit  qui  marque  iemilîeii 
de  la  ri\ierc  avons  tiré  une  droite  ligne  jus<pi*à  la  muraille 
qui  sort  de  la  maison  ou  jardin  de  Picas,  contigu  au  champ 
de  François  1*^1  eve ,  au  bord  de  T aqueduc  qui  passe  par  ledit 
cliauip  (M>ur  arroser  le  pré  de  Silvestre  Cet,  où  nous  avons 
convenu  qu'il  se  planterait  une  grosse  pierre  ou  bodule*,  et 
cricellc  au  limite  (pii  divise  la  rivière  par  le  milieu,  il  ae  trouTe 
trente-deux  toises  deux  pie<ls  de  distance  ;  depuis  rendroit  fixé 
au  milieu  de  la  rivieœ  jusqu'où  iiiiil  le  pré  des  religieux  domi- 
nicains, contii^n  avei'  leclieuiin  royal  qui  va  au  ])ont  deLivia, 
il  vadix-linit  toÎM's  trois  pieds  de  distance,  et  dont  il  sera  fixé 
également  une  |)iern>  qui  ser\ira  de  ImmIuIc  ou  limite;  et  sera 
tinK?  une  droite  ligne  de  ces  trois  limites,  comme  aussi,  depuis 
rendi-oit  mentionne,  qui  maitpie  le  milieu  de  la  rivière,  jus- 
qu'an  pi<pHi  plante  au  milieu  de  ladite  rivièit*,  vis-à-vis  les 
mals<ln^de^  i:uin:;neltes  et  religieux  duminicai'is  de  Puvccrda. 
\)v  lautie  I  Ole  du  plant .  plu>  pn>N  tle  la  (îuiii^  nette.  a\ons  tiré 

iHHIir 


l)K    LA    DKUXIKME    PAHTIE  <>;>:) 

iiii(>  (Iroilc  liî^no  a  l'angle  de  ladite  (îiiin^iiette,  plus  près  du 
cluMnin  royal;  il  >  a  de  cet  endmil  marqué,  au  milieu  de  la 
ri\  ifn» ,  tix*nte-liuil  toise*  troi*  pieds  de  distance  ;  comme  aussi , 
dejïuis  les  lixiis  piquets  du  milieu  de  In  rivière  juMpià  l'angle 
de  l'enlréi'  de  la  maison  des  religieux  dominicains,  plus  près 
de  la  rivière,  et  immédiatement  du  chemin  qui  va  à  Puvcerda, 
il  \  a  dix  toises  trois  pitnls  six  pouces;  et  depuis  ce  dernier 
piquet  du  milieu  de  la  rivière ,  vis-à-vis  les  maisons  de  la  Guin- 
guette et  religieux  dominicains  ,  suivant  le  cours  de  celte  riviiMV 
juscpi';»  la  lui  d'une  vtve  commune  de»  deux  rivières  et  où  Tmil 
le  <-li:iiiip  et  pre  d'Kmmanuel  (liraut ,  de  la  (fuinguettc,  du  côté 
de  Kranee,  ou  l'on  a  planté  un  piquet,  et  sera  mise  une  pierre 
qui  servira  de  Inxlule  ou  limite,  et  du  côté  d'Espagne,  au  Iwut 
du  marge  du  pré  appelé  de  Pallacols,  près  de  la  ville  de  Puy- 
cerda,  en  droite  ligne  des  autres  deux  limites  on  a  planté  une 
autre  picrrt»,  qui  senira  aussi  de  hodule  comme  les  autres;  et 
depuis  cet  endroit,  du  coté  d*Rspagne,  à  celui  qui  se  trouve  au 
milieu  de  la  rivière,  il  y  a  vingt -neuf  toises  quatre  pieds  de  (lis- 
taure;  et  depuis  celui  qui  est  fixé  au  milieu  de  la  rivière  jusqu*à 
celui  qui  est  mis  du  coté  de  France,  auprès  du  champ  d*Em> 
manuel  (liraut,  il  y  a  vingt-deux  toises  deux  pieds  de  dis- 
tanc<'  ;  et  de  cette  division  k  Tunion  des  deux  rivières  Rahur  et 
Segre ,  vis-à-vis  le  terroir  du  lieu  d'Aja,  il  devra  être  réglé  et 
stipulé  dans  le  traité  de  division  des  deux  couronnes. 

A>()ns  de  même  convenu  que  les  digues  ou  chaussées  faites 
par  les  propriétaires  des  respectifs  royaumes  qui  se  trouvent 
existantes  dans  les  lignes  marquées  le  long  de  la  rivière  de 
Haliur,  lequel  chemin  doit  servir  de  lit  et  chemin  de  passage 
des  Ix^stiaux,  doivent  être  démolies  et  débarrassées  par  les 
uièiiies  propriétaires,  ensemble  avec  les  arbres,  pour  ne  pas 
gêner  le  couis  des  eaux  et  passage  des  bestiaux.  Et  en  cas  que 
ces  derniers  ne  le  fissent  pas,  nos  supérieurs  MM.  les  com- 
niandants  et  généraux  le  disposeraient  ainsi  et  ordonneraient 


656  PREUVES 

qu'on  le  fît  à  leurs  frais  ;  avons  aussi  disposé  et  convenu  qu*aii- 
cnii  .sujet  des  deux  icouroiines  ne  puisse,  sous  quelque  pré- 
texte que  ce  soil,  aîLuer  ni  mettre  sur  ladite  rivière  aucune 
pouti-e  ou  chevron  qui  scr>'e  de  pas  ou  de  ponl  dans  toute  ladite 
rivière ,  et  qu'on  puisse  seulement  faire  chemin  par  le  pont  de 
Livia  et  le  pont  de  la  (juinguette. 

De  la  même  conformité  il  a  été  convenu  que  personne  des 
coiifrouttints  de  la]  rivière  T\ahur  puissent  se  nuire  les  uns  aux 
autres  en  prenant  les  pierres,  ni  se  ser\-ir  d'autres  que  de  cdlea 
qui  se  trouvent  vis-à-vis  les  possessions ,  sans  que  aucun  puisse 
passer  d'un  coté  de  la  rivière  à  l'autre,  et  de  se  contenter  sim- 
plement avec  celles  que  chacun  aura  de  son  cùté ,  du  milieu  de 
la  rivière. 

Toutes  ces  conventions  expresses,  entre  nous,  ingénieurs 
soussi<;ués  ,  assistèrent  les  sieurs  don  Dominique  Capdevillede 
MontancK  al(*ade  roval  de  la  ville  de  Puycerda,  don  François 
Sicart,  père  et  fds,  vi^uiers  de  la  (Icrdagnc  française,  qui  ont 
signé  le  présent  dans  la  maison  de  la  (iuinguette  (c'est  le  nom 
de  l'un  des  hameaux  de  la  commune  dix  ou  Bourg-Madame)» 
les  jour,  mois  et  an  susdits.  Signé  don  Paschal  de  Navas,  don 
Dominique  Cipdevillc  de  Montnnet,  Dcsliordcs  de  la  Moul^ 
nerie,  Sicart  père,  Sicart  fds;  et  collalionnèe  par  moi,  notaire 
soussigné,  de  main  pmpre,  cette  copie  qui  contient  cinq  feuillets 
et  les  suivants ,  écriLs  sur  papier  tinihré  ;  et  celles  qui  sont  écrites 
sur  pajtier  commun,  quoique  «Vrites  <le  main  étrangère,  elles 
ont  été  tinVs  de  Toriginal  cpie  pour  cet  elTet  il  a  été  déposé 
entre  nos  mains  par  ordre  <]e  M.  l'aU-ade  royal  de  ladite  ville  de 
Puycenln,  et  par  ordre  de  S.  M.,  au  pri*seiit  registre  dudit  juge- 
ment,  et  pour  que  foi  y  ^(>il  ajoHti*e  tant  en  jugement  que  de^ 
hors,  et  pour  senir  et  valoir  ainsi  qu'il  appartiendra. 

Fait  et  signe  à  ladite  (îuinguette,  le  la  di'ienihre  ijSo. 

Signe  a  l'original,  Dominique  Mahti,  notaire  niyal.  {Arck. 
intvmi. } 


I)K    I,A    DKIXIKMK    l'ARTIE.  «m7 

N"  \VI. 

1.4 Un  ilr  //Oifis  AIV iM  doitrtu  rrantoi.s  Saaarra. 

\  inossiir  (le  Sagan  a,  g(»l)ernad()r  de  mon  pays  de  Koftftello. 
.Mo>Mii-  (le  Sagana,  }ia>enl  cftlai  iniormai  |>cr  vosira  Ucira  del 
/el  al)  loqiial  vos  aveu  |>ei'8cguit  losmalafeetioiiatA  a  mon  seney, 
lia\eni  fet  donar  compte  devant  lo  mestre  racional  de  (jo  que  ha 
|)r(Kessil  di>Is  bens  séquestrât»  c  confiscats,  com  tambe  axi  dois 
séquestres  de  bens eclcsiaslichs  accordais  als  qui  havian  perdut 
1.1  |u)ssessio  de  aquels  que  gosaven  en  Catalunya.  Jo  he  ben 
\()lgut  vos  testimoiiia.  |)ere9ta  Hetra,  lo  agrabiment  que  jo  vos 
ne,  V  \os  dir  que  yo  trobo  be  que  vos  coutinupu  a  instnihiry 
jn(}i(ar  los  pnxessos  de  aquels  que  seran  acusats  y  convensuts 
(leesser  del  partit  dels  enemiclis,  processint  segons  lo  (Kxier  y 
(le\er  de  voslron  carrech,  cdD  vos  veureu  se  deu  fer  en  consîen- 
(  ia  y  sots  las  constitutions  de  la  provincia  ;  asseguranl  que  lo 
s<>rve\  que  vos  eontinuareu  de  ferme ,  me  sera  molt  agradablc 
\  a  mes  de  asso ,  yo  prcgo  a  Deu  qu'ell  vos  tînga ,  mossur  de 
Stigarra  ,  en  sa  sanla  guarda. 

F^:rit  à  Kens  (Rheims),  ce  s/i  juny  de  iG54.  Ix>uis.  Kt  plus 
Ims,  f.KTELLiEn.  {Arch.  tiom.) 

(  ommismon  donnée  a  Jean  llaphaêl  Pont  par  le  président  Styarra. 

Per  quant  per  lo  servey  de!  rey  y  bona  adminîstracio  de  la 
justieia  y  quietud  dels  présents  comtats  sedeussen  feralgunes 
(liligencias,  y  en  particular  per  les  montanyasdel  Vailespir,  peni 
prestMvar  aquellas  de  la  invasio  que  aiguns  micalets  fan,  come- 
ient  moites  ostililats  y  diferents  delictes  de  mort  y  aitres  con- 
semhlants;  v  sie  necessari  tiar  dites  diligentias  dealguna  persona 
lie  tota  lidelitaty  zel  y  cuydado;  perço,  assegurads  per  lallarga 
11.  4» 


"^ 


O.VI  PRELVE:» 

frtytnf^tr»  q»^  t^nim  «J^  que  diUA  caliUls 
«▼antatgr^  en  U  f^^rvina  d«  Rjfwl  Font,  barges  de  la 
fila  ^ie  PfTfiin^a .  ab  lenor  de  U  pres^nle  lî  donam  loles 
trie*  «  p^jd^  pera  que .  en  nom  de  S.  M.  e  DMtre,  pogai 
dilipsmtia^  qrje  ii  apareutran  nece*4«rûks  pera  peiieguir  y 
r«r  dit*  i!tM!mirK«  de!  e^lat.  laniionMO»  v  «Km 
entre  io«{aaU  aMenfabdament  et  dit  T,  l^gamt,  de  Ti 
T  aKre%  de  llur^ rjonipanT*.  Y  per  dit  eSecte .  niifciiiw  j 
a  totn  Irjt  batJe^.  ron v>|»  v  dewn^  oAcîaJs .  tant  reab  coa 
y  démet  particniart  a  nMtre  jaridîctio  sobyedef,  qw 
Rafaël  Pont.  r.om  a  tenînt  no«tre»  tries  obeescan,  y 
MM  orden^  en  tôt  io  que  manara ,  tant  eu  lo  donar  gent 
crni  en  lo  a^^iMîHî  en  lot  favor  t  ajuda ,  ▼  en  tôt  lo 
sera  meneAter.  cfA%  pena  de  la  desirraeia  de  S.  M.  t  de  Hnc 
dorat^  de  plala  j  allres  a  nostre  arhitri  re^errades. 

Dal  en  Perpinya,  ah  TÎnt-j-^ept  de  abril.  1O59.     Sacabma. 

Per  mananK'nt  de  sa  nefioria.        Isidro  f  >r.i.«Ai' .  secrelari. 
f  fVœ  rommaniifaèe  par  3/.  #/e  Saint- M  ah. 

V  XVII. 

Elahlui^ÊÊunî  dui^jmnjratuk^  a  PtrfÀqmam. 

Sur  la  rpqti«''lc  pn^sentee  au  roi  en  son  conseil  par  lesconaob 
et  haliitants  de  ta  tn*vlidele  ville  de  Perpignan  .  en  RoussiUoo . 
ronlciiaiit  que  la  |iroviiK*e  de  Koussilloii  est  d'une  tn^petile 
étendue .  et  quoiqu'elle  produire  toutes  sortes  de  denrées  néiae»- 
sain-s  a  l'u.sagc  de  la  vie ,  elle  »e  trouverait  souvent  au  dèpoorm 
s*il  ne  lui  «eii.iil  du  sf^ours  de»  pmvinccs  voisines  :  il  v  a  ^tf 
Pcr|ÛKn.'in  %ix  difliTenles  foires  riabiies.  qui  ne  peuvent  étiv 
tenues  qu'un  seul  jour,  savoir  :  a  la  Magdelaine.  11  juillet  ^ 


DE    LA    DEUXIEME    PARTIE.  659 

le  jour  (le  la  Traiisiîgiiraiioii ,  6  août  ;  le  jour  <le  Saint-Luc , 
I H  c>otol)re  ;  le  jour  de  la  f<ftte  de  Saint-Simon-Saint  -Jude ,  a8  du 
môme  mois  d'octobre;  le  jour  de  la  fête  de  S^iint- Martin , 
Il  noveml)i*e,  et  le  jour  de  Saint-Antoine ,  17  janvier.  De  ces 
six  foires  «  l'on  |)eut  dire  qu'il  n'y  en  a  (|uc  deux  qui  méritent 
quelque  considiTation ,  savoir  :  celles  du  1 1  novembre  et 
17  janvier,  par  la  quantité  de  draps  fabriqués  à  Prades,  Céret, 
Prnts-de-Mollo  qu*on  y  |)orte  ;  toutes  les  autres  se  réduisent  à  des 
fruits  et  légumes ,  et  à  la  vente  de  quelques  marcban<lises  de 
{HMi  de  valeur.  Il  serait  tri's- avantageux  pour  la  province,  et 
Mil  (oui  |Mnir  lu  ville  de  Perpignan ,  d*avoir  une  foire  de  plusieurs 
jours  ,  ou  l'on  pût  tmuver  moyen  dattirerdes  bestiaux  de  toute 
t'>|>cct',  vi  d'y  faiit?  |)orter  les  draps  et  autres  étoiles  qu*on  peut 
i.il)ri({iier  dans  la  province;  ce  serait  encore  un  plus  grand  bien 
SI  Ton  poinait  avoir  la  faculté  d'y  faire  commercer  et  vendre 
lirs  fniils  et  dcnircs  de  toute  espcce;  outre  qu*un  pareil  éta- 
blissement fournirait  aux  babitants  l'otcasion  de  faire  leurs  pro- 
\isi0n5  à  l>on  compte  «  il  leur  donnerait  encore  faculté  de  se 
(Itlairc  a\tH*  avantage  de  leurs  denn'*os  et  graine,  dont  les  étran- 
j^ei-s  qui  viendraient  à  cette  foire  pourraient  s'accommoder.  Pour 
a<'cr<''diler  cet  établissement,  il  serait  essentiel  de  rendre  cette 
foire ,  à  l'exemple  de  toutes  celles  qui  sont  établies  dans  le 
royaume,  francbe  de  tous  droits  de  leude  foraine,  péages  et 
antn'S  droits  lo<*aux ,  |iendant  la  durée  de  cette  foire,  à  quatre 
jours  qui  précéderont  les  trois  jours  de  ladite  foire; ce  n'est  que 
par  la  franchise  qu'on  |)ent  inviter  les  étrangers  à  fréquenter 
cette  foire  et  en  rendre  Tétablbisentent  et  plus  durable  et  plus 
avanta<;!:eux.  Il  conviendrait  encore  de  fixer  la  tenue  de  cette 
foire  ilans  un  temps  propre  à  la  ville  et  à  la  province,  et  le 
moins  incommmle  aux  établissements  de  pareille  nature  qn^fl 
peut  V  avoir  dans  les  lieux  voisins,  soit  en  Languedoc,  soit  en 
(latalopne,  et  Ton  estime  que  dans  toute  Tannée  il  n'y  a  pas  de 
i  ireonstaiice  plus  faAoraWe  qne  celle  du  10,  i3et  i4  octobre 

42. 


058  PKELVES 

expei'iencia  que  tonini  de  que  dita»  califats  concorren  ab  grao 
avantatges  en  la  pcrsona  de  Rafaël  Pont ,  burges  de  la  présent 
vila  de  Peqûnya,  ab  ténor  de  la  présente  li  donam  totes  nostres 
tries  y  podor  |)era  que ,  en  nom  de  S.  M.  e  noslre ,  puga  fer  les 
diligentias  que  li  aparexcran  nccessarias  pera  perseguir  y  captu- 
rar  dits  enemichs  dcl  estât,  facinorosos  y  altres  delinquenis, 
entre  losquals  assenyaladament  es  dit  T.  E^sgarrat,  de  Taulb, 
y  altres  de  llurs  coinjuinys.  Y  per  dit  effecte ,  ordenam  y  manam 
a  tots  los  bâties,  consols  y  dames  olFicials ,  tant  reals  com  barons 
y  demes  particulars  a  nostre  juridictio  subjecies ,  que  aldit 
Rafaël  Pont,  com  a  tenint  nostres  tries  obeescan,  y  seguescan 
SOS  ordens  en  tôt  lo  que  manara ,  tant  en  lo  donar  gent  armada 
com  en  lo  assistirli  en  lot  favor  y  ajuda ,  y  en  tôt  lo  demes  que 
sera  menester,  çots  pena  de  la  dosgracia  de  S.  M.  y  de  sine  cent 
ducats  de  plata  y  altres  a  nostre  arbitri  reser\'adc8. 

Dat  en  Perpinya,  als  vint-y-sopt  de  abril,  i  G59.     Sagarra. 

Per  manament  de  sa  seûoria.        Isidro  Dki.mai:  ,  sccrelari. 
(  Pif  ce  communiquée  par  M.  de  Saint- Mah.) 

N^  XVII. 

Etahlissrmeni  dune  f'oirr  ftunchr  à  Pcrftitjnan. 

Ou  30  mars  i75(). 

Sur  la  requête  présentée  au  roi  en  son  conseil  par  les  consuls 
el  habitants  de  la  Ires-iidèle  ville  de  Perpignan ,  on  Hoiusillon , 
contenant  que  la  province  de  Houssillon  esl  (l'une  trcs-|)etile 
étendue ,  el  quoiqu'elle  pnKluisc  toutes  sortes  de  denrées  n<!ces- 
sain^  à  Tuhagc  de  la  vie, elle  se  trouverait  souvent  au  dépourvu 
s*il  ne  lui  venait  du  scHoursi  des  i>niviiici«s  voisiiien  :  il  v  a  dans 
Perpignan  six  difteriMilcs  Wmvi*  établies ,  qui  ne  peuvent  être 
tenues  qu'un  seul  jour,  savoir:  ti  la  Magdelaine.  aa  juillet, 


DE    LA    DEUXIEME    PARTIE.  059 

le  jour  (le  la  Troiisiîgiiratioii ,  6  août  ;  le  jour  <ie  Saint-Luc , 
1 H  octobre;  le  jour  de  la  fête  de  Saint-Simon-Saint -Jude,  a8  du 
mcme  nioi5  d'o<'tol)rc  ;  le  jour  de  la  fête  de  Sdint-Martin , 
Il  novembre,  et  le  jour  de  Saint-Antoine  »  17  janvier.  De  ces 
six  foires,  Ton  |)€ut  dire  c|u*il  n*y  en  a  (|uc  deux  qui  méritent 
quelque  considération ,  savoir  :  celles  du  1 1  novembre  et 
1 7  janvier,  par  la  quantité  de  draps  fabnqués  à  IVades,  Céret, 
Pi-ats-de-MoHo  qu^on  y  porte  ;  toutes  les  autres  so  réduisent  à  des 
fruits  et  légumes ,  et  à  la  vente  de  quelques  marchandises  de 
)H'u  de  valeur.  Il  serait  tn*s- avantageux  pour  la  province,  et 
surtout  pour  la  ville  de  Perpignan ,  d'avoir  une  foire  de  plusieurs 
Jours  ,  ou  l'on  put  trouver  moyen  d'attirer  des  bestiaux  de  toute 
♦'^pèce,  et  d'y  faire  porter  les  draps  et  autres  étofl'es  qu*on  peut 
fal)ri(|uer  dans  la  province;  ce  serait  encore  un  plus  grand  bien 
si  Ton  |>ou\ait  avoir  la  faculté  d'y  faire  commercer  et  vendre 
dos  fruits  et  denrées  de  toute  espt'ce;  outre  qu'un  pareil  éta- 
hiissenu'iit  lournirnit  aux  habitants  l'occasion  de  faire  leurs  pro- 
\isioMs  à  1k)ii  compte,  il  leur  <lonnerait  encore  faculté  de  se 
défaire  o\er  avantage  de  leurs  denn'cs  et  graine,  dont  les  étran- 
ge!^ qui  viendraient  à  cette  foire  pourraient  s'accommoder.  Pour 
accré<iiter  cet  établissement,  il  serait  essentiel  de  rendre  cette 
foire  ,  à  l'exemple  de  toutes  celles  qui  sont  établies  dans  le 
rovaume,  franche  de  tous  droits  de  leude  foraine,  péages  et 
aiitn'S  droits  locaux,  j^endant  la  dun^  de  cette  foire,  à  quatre 
jours  qui  préiï-deront  les  trois  jours  <le ladite  foire; ce  n^estque 
l>ar  la  franchise  qu'on  |>ent  inviter  les  étrangers  à  fréquenter 
cette  foire  et  en  rendre  l'établbseident  et  plus  durable  et  |>lut 
avantageux.  Il  conviendrait  encore  de  fixer  la  tenue  de  cette 
rf>iiv  ilans  un  temps  propre  à  la  ville  et  à  la  province,  et  le 
moins  incommode  aux  établissements  de  pareille  nature  qu*3 
ptMit  V  avoir  dans  les  lieux  voisins,  soit  en  Languedoc,  soit  en 
Catalogne,  et  l'on  estime  que  dans  toute  Tannée  il  n'y  a  pas  de 
i  iroonstance  plus  favoralile  qne celle  du  lO,  i3el  i4  octobre 

42. 


600  PKEUVKS 

(le  cliaf{iie  aiiiu>e.  (]'t*st  a  |>oii  pir»  daii»  ce  temps  que  les  vcn- 
ilange^•  de  Perpignan  sont  liiiieM  celte  orcnpaliuii  vbi  sonscon- 
ti'e<1it  (1*1100  gnindc  (ie()en^e  el  dune  grande  fatigue,  la  récolte 
des  l('gunu*s  est  immclievcc,  el  c'est  à  cc^tle  époque  que  les  ha- 
bitants sont  le  pins  en  repos  et  pins  à  |K>rl(*e  de  fournir  à  celte 
foire  les  dcnr(!'es  de  leur  cru  qui  |)euYent  servir  à  un  retrait  et 
leur  procurer  un  avantage  ri'el.  Ue(|U(?raieiit ,  à  ces  causes,  les 
suppliants,  qu'il  plût  à  S.  M.  accorder  à  ladite  ville  de  Perpi- 
gnan le  privik'ge  d'une  foirc  franche  pendant  trois  jours  consé- 
cutifs, qui  demeurera  fixt'e  aux  1 2 .  1 3  et  1  ^  octobre  de  chaque 
aiuiêc,  etc.  Au  conseil  dVitat,  uo  mars  lybQ. 

Suivcni  les  lettres  palenlcs,  du  37  avril  suivant,  sur  arrêt  tlu 
conseil ,  f)ortant  établissement  de  cette  foire. 

{ Arck.  dom.  ) 

V  Wlll. 

(Irièe  faiU-  à  l^ivpir^nan  ,  /jorir  ["exécution  ih  tcdit  itrjftnlsion  ties  Jaîfs. 

Ores  écoutez  chacun  ,  ce  que  vous  notifient  et  font  savoir,  de 
la  part  de  la  niajestc'  du  seigneur  roi ,  le  niagnitiqiic  messire 
Antoine  de  Viners,  chevalier,  conseiller  dndit  seigneur  roi  et 
son  j)ro(^'ureur  royal  dans  les  comtes  de  Houssillou  et  de  Ger* 
dagne,  et  riionorahle  M.  Gabriel  Sairadel,  dcnteur  ès-lois, 
commissain's  spirialenicnt  d(>sign(''s  |M)ur  les  choses  susdites. 
Attendu  que  ledit  seigneur  mi  a  rendu ,  |>our  certaines  raisons 
justes  et  légitimes,  un  Mi  |>er|H>tuel  |>ortant  (|ue  dans  trente 
jours  pnH-hainement  venants,  à  partir  du  jour  de  la  présente 
publication,  tons  les  .luif>,  tant  hommes  que  femmes,  aussi 
bien  majeurs  que  mineurs  .  aient  à  sortir  des  présents  comti«s 
de  lîon»illon  et  de.Oixl.igne ,  et  (|u'apres  a\iiir  payé  tout  ce 
qu'ils  |K*nvent  devoir,  tant  de>  ir\enns  rnyaux  (prenv(^rs  toute 
autœ  |)ersonnc  et  créancier  <pielconques .  ils  puissent  euqtorter 


I>K    LA    DEIXIKMF    IMHTIF.  M\ 

c\  cxtrairo  (li»S(lit>  cointrs  (  vv  qui  leur  n'sttMa  ),  ainsi  qiiil  e»l 
(Ontonii  an  lont?  «iniiH  ledit  «tlil;  et  comme  |K)ur  les  payemenls 
a  laiir  par  losdits  Jiiils,  comme  aussi  jM^iir  les  recouvrements 
auxquels  ils  pourraient  prétendre  de  ce  qui  leur  est  du.  lendits 
commissaires  doivent  assigner  le  pnK'ureur    roval  de  la  cour 
dudit  seigneur  roi  et  tous  ceux  qui  prétendent  avoir  des  renies . 
censaux ,  cens  et  autres  dettes  ou  droits  sur  les<lits  Juifs  et  leurs 
l)iens,  |)oiir  qu'ils  aient  à  dé|M)ser  leurs  demandes  par  devant 
lesdits  commissaires,  sur  quoi  cesdits  commissaires,  ouïs  les- 
(liLs  .Juifs  et  l(»s  parties  qui  prétendraient  être  intéi^essées,  fe- 
ixmt  prompt  et  expf'tlilif  complément  de  justice  aiixdîts  intéres- 
ses, (l'est  pourquoi  lesdits  commissaires  intiment  et  notifient  à 
(  liacun  généralement  le  sus<lit  é<lit  j>erpétuel ,  afin  que  de  son 
contenu  nul  ne  prétexte  cause  d'ignorance  :  lequel  wlit  est  de 
la  teneur  suivante.  Insenitiir  totiis  ténor.  {  L*édit  ne  s'\  trouve 
pas.  ) 

Nous,  <lon  Ferdinand,  par  la  gruce  de  Dieu,  roi  de  (^stille , 
d'Aragon  ,  etc.,  à  nos  amés  et  féaux  conseillers ,  messire  Antoine 
de  \  iners ,  chevalier,  et  notre  procureur  royal  dans  nosdîts 
<*omtés  de  Koussîllon  et  de  Ordagne,  et  M.  Gabriel  Sarradd, 
docteur  es-lois  de  la  ville  de  Perpignan,  salut  et  dilertion.  Sur 
ce  (pie,  par  notre  provision  et  édit  perpétuel  de  la  date  de  la 
présente,  nous  |)Our\'oyons  et  ordonnons  que  tous  les  JuîCi, 
tant  hommes  que  femmes,  aussi  bien  majeurs  que  mineurs, 
sortent  des  pré.sents  comti's  de  Uoussillon  et  de  C^rdagne  dans 
trente  jours,  et  qu'après  avoir  payé  tout  ce  qui  par  eux  est  dû, 
tant  des  rentes  royales  qu'à  toute  autre  personne  et  crétincier 
quelconques  ils  puissent  extraire  et  emporter  hors  des  comtés 
le  reste  de  leurs  biens,  {)Our\'u  que  ce  ne  soit  ni  en  or  ni  en 
argent,  ni  en  autres  objets  dont  In  sortie  est  prohibée  des  deux 
conit(>s,  suivant  qu'il  est  plus  amplement  contenu  dans  nolro- 
dite  provision  elédit.  auquel  nous  nous  rèfértms:  et  parce  que 
«est  ch(t>e  due  que  tout  le  payement  à  faire  par  lesdits  .hiifs , 


062  IMiEliVES 

comme  aussi  quelque  autre  réclamation  qu'eux-mêmes  pour* 
1  aient  faire  de  ce  qui  leur  est  clii,  se  fasse  avec  toute  rectitude; 
à  cet  ell'et,  par  la  teneur  de  la  présente,  de  notre  science  cer- 
taine et  délibérer,  nous  vous  disons,  commettons  et  mandons 
qu'incontinent  vous  fassiez  faire  une  criée  publique  aux  lieux 
accoutumés  de  la  présente  ville  de  Perpignan,  que  notre  procu- 
reur fiscal  et  tous  ceux  qui  prétendent  avoir  rentes,  censals, 
ceus  et  autres  dettes  et  droits  sur  lesdits  Juifs  et  leurs  biens, 
déposent  leurs  demandes  par  devant  vous,  sur  lesquelles,  après 
avoir  entendu  lesdits  Juifs  et  les  paiiies  qui  y  prétendent  inté- 
rêt ,  vous  fassiez  prompt  et  exp<Vlit if  complément  de  justice  aux> 
dits  intéressés,  de  manière  qu'ils  soient  payés,  etqu*après  avoir 
pour\'u  à  ce  que  solution  soit  faite  de  ce  qui  est  dii  par  lesdits 
Juifs,  vous  en  fassiez  autant  pour  ce  que  IcMlits  Juifs  prélen- 
<lraient  leur  être  dû  par  quelque  [>ersonne  que  ce  soit,  prenant 
inventaire,  si  besoin  est,  des  biens,  maisons,  meubles  et  im- 
meubles, dettes  et  censaux  desdits  Juifs,  afni  que  ladite  solu- 
tion et  satisfaction  soit  par  vous  dûment  faite  avant  leurexpul 
sion.  Pour  ce  qui  concerne  le  payement  des  renies  royales,  nous 
voulons  de  plus ,  et  vt»us  mandons  qu*il  soit  par  vous  fait  esti- 
mation de  la  valeur  à  laquelle  monteront  lesdites  rentes  royales , 
la  comptant  à  raison  de  viuf^t-rinq  mille  sous  |)our  mille;  la- 
quelle <pianlité  vous,  noti'edit  pnK-ureur  royal,  vous  rece\'res 
desdils  Juifs  en  deniers  coinplants,  or  ou  ai'gent,  et,  à  défaut 
de  <lenierh  comptants,  or  ou  ar<^rnt,  en  tout  autre  bien,  les 
meilleurs  et  mieux  approprié»  et  comnuMles  |H)ur  ladite  solu- 
tion ,  afui  que  par  vous  puisse  étn*  appliqui'ie  ladite  quantité  en 
autre  rente  é^ale  ou  majeure,  |Miur  consipiation  de  nos  renies 
et  domaine  royal.  Kt  après  que  lesdits  Juifs  auront  payé  et  satis- 
fait lesdites  rentes  royales  et  autres  avances,  vous  leur  resti- 
tuerez leurs  autres  bion.s.  leM|ucls  ils  pourront  exirain*  et  em- 
|Kjrter  de  noMlil.s  comté» ,  |Mun'\u  que  ce  ne  soi!  ni  en  or,  ni  en 
argent ,  ni  en  autre*»  (*bjet^  dont  la  sortie  est  |M'uliib««  «lesdits 


I)K    I.  \    DEL  XI KM  K    PAKTIK.  003 

<  oinlé:i.  Toiilelol.s  nuiiâ  n'ciileiidoiis  [ms  que  \>v  nuire  pri'iienie 
< oiiiiuis.sion  M)it  en  rien  promue  le  leiu|>9  ilaiis  lequel  lesdib 
.liiils  doivent  sortir  de  nosdiLs  cuuUcs  ;  vous  procéderei  aux- 
<lit<>s  cliohe.s  brievemenl,  ftiniplenienl,  somiuairemenl  el  en 
plein  ,  ^ans  Itruil,  forme  et  ligure  de  Jnil\  cunstalanl  seuleuieni 
le  fait  ile  la  vérité,  car  nous,  sur  lesdites  choses,  el  chacune 
d  elles,  avec  les  incidents  en  dé|>endanU  et  émergeants,  et  à 
(«lies  annexe»  et  connexes,  vous  donnons  el  confirmons  nos 
\oi\,  lieu  et  plein  |K)uvoir  par  les  présentes,  avec  lesquelles 
nous  maïklons  ,  sous  privation  de  leurs  offices ,  aux  lieutenant 
de  noire  gouxerneur  général  auxilits  couiti's ,  viguier  et  bailli  de 
iiotredilc  ville  de  Perpignan ,  et  k  tous  autres  nos  ofliciers 
(piclconques ,  que  de  la  pressente  nôtre  commission  et  choses  y 
coiitcnues,  ils  ne  .s'entremettent  ni  ne  vous  donnent  em|Nk:he- 
mont  aucun  ,  mais  \ous  laissent  faire  et  exécuter  en  tout  el  |iar- 
tout  ll'^  clioM'H  en  elles  coDtenues,  el  pour  reflet  desquelles, 
>  il  cUiit  nécessaire ,  et  s'ils  en  sont  requis  par  vous,  ils  vous  don- 
nent tout  conseil,  faveur  et  assistance  dont  vous  aurei  besoin , 
>e  gardant  de  faire  le  contraire*  en  aucune  manière.  Djunné  eu 
nota*  château  de  Perpignan,  le  ai  septembre  de  Tan  de  la 
nativité  de  N.  S.  i^gS.  Moi  LE  Roi. 

Nous,  don  Fernand,  par  la  grâce  de  Dieu,  roi  de  Castille, 
(l  Aragon ,  etc.,  nous  rappelant  ces  jours  derniers  que  par  noire 
(•dit  royal ,  durable  à  perpétuité,  nous  avons  pourvu  et  mandé, 
|K)ur  les  cauM>s  en  lui  contenues,  que  toua  les  Juifs,  tant 
lionnncs  que  femmes ,  aussi  bien  majeurs  que  mineurs,  aient  à 
sortir  de  tous  nos  royaumes  et  terres  avec  leurs  familles  et 
i  oinpagnies ,  dans  le  temps  préûxé  dans  notredit  édil  royal ,  et 
4|u'ilN  n'osent  retourner  dans  ces  terres  ni  en  aucune  partie 
d'icelles  pour  y  rester,  habiter  ou  passer,  ni  en  aucune  manière 
«pielconque,  sous  |>eine  de  mort  et  de  confiK*ation  de  tous  leurs 
Inens ,  qu'ils  encourront  ipso  facto  et  sans  autre  procès,  sentence 
et  déclaration,  suivant  que  dans  notre  ixlit  royal,  auquel  nous 


ëii'i  I>HKi;VKS 

nous  nTrruiis,  il  est  plus  aiii{iiiMiu*iit  coiileiiu.  Et  puur  ci*, 
inaiiiloimiil ,  nous,  pour  le  smicu  ilc  iioln.'  soigneur  Dieu ,  con- 
duisant a  (lu  cIVlM  ledil  noli-e  i-uyal  édit,  suivant  que  nous  y 
Honinics  tenu  l'I  oi)li^('>  pour  la  déchart^e  de  nolro  royale  cons- 
cience ,  nous  voulons  quil  soit  exécuté  cl  obsené  en  tout  el 
pour  tout ,  dans  nos  présents  comtés  de  Roussillon  et  de  Cer* 
da^ne.  (rest  pounpioi ,  av(>c  la  tcMicur  des  présentes ,  de  notre 
certaine  science  et  délilM'ralion ,  nous  mandons  à  tous  Juifs 
quelconques  J an t  lionunesquc  femmes,  de  quelque  âge  que  ce 
soit,  qui  habitent  el  sont  dans  nosdits  comtés,  aussi  bien  les 
naturels  que  les  non  naturels  desdils,  qui  y  seraient  venus  pour 
quelque  cause  que  ce  soit  et  sS  tniuvent,  que  dans  Tespace  de 
trente  jours,  à  compler  <lu  jour  <le  la  date  de  la  présente,  ils 
sortent  immédiatement  de  tous  nosdits  comtés,  i'oyaumc*s  et 
terres  noires  el  soumis  à  notiv  juridiction,  avec  leurs  (ils,  lîiles 
et  familles  juives,  tant  hommes  que  femmes,  <le  quelque  agpp 
qu'ils  soient ,  cl  ne  soient  pas  osés  et  ne  présument  venir  ou  re- 
tourner  en  icelles  terres  pour  rester  ou  pour  passer  ou  en  quel- 
que autre  manière ,  sous  les  peines  dans  ledit  nôtre  royal  édît 
contenues,  lesquelles  nous  voulons,  mèmenient,  être  encou- 
rues ipso  facto  par  toute  personne  quelconque,  de  quelque  loi, 
état,  p'ade  et  prééminencre  qu'elle  soit,  qui  recevrait,  accueil- 
lerait, empai'erait  et  défendrait  lesdits  Juifs,  tant  sccri'le- 
menl  que  publiquement  dans  lesdits  nos  comtés,  après  IV- 
(*ouU'ment  dudil  terme  â  eux  prelix  ;  dans  liMpiel  tenue  et 
non  plus  avant,  nous  prenons  lesdits  Juifs,  tant  hounnes  que 
femmes,  sous  notre  protection  et  sauve^anle  myale,  ainsi  et  de 
telle  manière  que  par  personne  aumne  il  ne  leur  soit  fait  mal, 
donnna^e,  injure  ni  vexation  aucune  coiitn*  justice,  sous  les 
peines  rju'cucoiirent  ceux  qui  roni|HMit  les  sauveganles  de  leur 
mi  el  sei|^n(*ur  naturel  :  donnons  repeudant  |»i*rmisHioii  anxdits 
Juifs  tpie,  apivs  a\oir  pavi*  louli'*«  dettes  quelcftiiques,  il>  pni>- 
>eu(  lirei  el  cnipoili'i'  hois  desdit>  romli-s  ic  qui  leui   lesleia 


I>K    LA    DEUXIKME    I>A1\T1E.  665 

(itf  leiii^  biens ,  aussi  bien  par  mer  que  par  terre,  pourvu  que  ce 
lie  soit  en  or  ni  en  argent,  ni  en  autres  choses  dont  Textraction 
<'sl  pr()}iibée  hors  desdits  nos  eomtc^s,  suivant  que  aux  autres 
provisions  et  commissions  nôtres,  de  la  date  de  la  présente,  il 
est  plus  amplement  contenu;  mandant  expressément  et  sous 
peine  de  privation  de  leurs  offices  et  de  trois  mille  florin»  d'or 
aux  lieutenants  de  notre  gouverneur  général  dans  lesdits  com- 
tés, viguicrs,  baillis,  consuls,  jurats  et  autres,  nos  officiers 
quelconques  dans  lesdits  comtés  constitués  et  constituables,  et 
aux  lieutenants  d*iceux,  présents  et  à  venir,  et  à  toutes  autres 
personnes  quelconques  nos  sujets  et  naturels ,  que  la  présente 
notir  provision ,  et  toutes  choses  et  chacune  en  die  contenues 
elles  tieiment  et  observent,  les  fassent  tenir  et  observer  inviola- 
blemeni ,  et  n'y  contreviennent  et  n*y  laissent  contrevenir  en 
aucune  manière  |)our  tant  que  notre  grâce  leur  est  chère,  et 
qu'ils  n'encourent  pas  la  peine  de  mort  dessus  dite.  Et  pour 
que  a  tout  chacun  ce  soit  notoire  et  manifSeste,  mandons  les 
présentes  être  publiées  à  voix  de  criée  publique ,  par  les  lieux 
accoutumés  de  la  présente  ville  de  Perpignan,  cité  d*Elne  et 
autres  villes  et  lieux  de  nosdits  comtés  où  besoin  sera.  Ea  té- 
moignage desquelles  choses,  nous  mandons  être  laites  les  pré- 
sentes, scellées  au  dos  avec  notre  sceau  secret. 

Donné  en  notre  château  royal  de  Perpignan,  le  ai  sep- 
tembre, en  l'an  de  la  nativité  de  notre  Seigneur  i493. 

Moi  Li  Roi. 

C'est  pourquoi ,  garde-se,  qui  doit  se  garder. 

(  Traduit  littéralement  da  catalan.  ) 


TABLE  DES  CHAPITRES, 


DES   NOTES  ET   PREUVES 


CONTEN IT8 


HANS   LA    r)EUXIh:ME   PARTIE 


LIVRE  m. 

<.iiAr.  I.  Faiblesse  de  caractère  de  Juan  I.  —  Sa  mort.  —  lioapi- 
talion  de  Saint-Antoine.  —  Fx:ritures  des  notaire».  —  Impa- 
riagc.  —  Martin  et  la  reioe  Marie  I.  —  Benoit  XIII.  —  Perpi- 
{^nan  et  son  adminiatration i 

(''II AT.  1 1  Schisme.  —  Mort  de  Martin.  —  Congru  d\A]cantt.  — 
Keniaiid  1". —  Concile  de  Peqiignan.^-L^empereur  Sigismond 
A  Perpignan.  —  Office  de  la  députation.  —  Alphonse  Y  et 
Nfaric  il.  —  Captivité  d* Alphonse 27 

(^.iiAP.  m.  Bonne  administration  de  Marie.  -—  IlMel  des  mon- 
naies \  Perpignan.  —  Eléments  pour  le  Ronssîllon.  —  Mort 
d'Alphonse  et  de  Marie.  —  Jnan  II  et  Looîs  XL  —  Aoisi 
fourbes  Tun  que  lautre.  —  Troubles  en  Catalogne.  «•  Lt 
prince  de  Viane 49 

(.11  uv  IV.  La  reine  d\Aragon  en  Catalogne. — Menées  de  Louis  XJ. 
—  Traité  de  Sauveterre.  —  Engagement  du  Roussillon.  — 
Dan^or  de  la  reine — Le  Roussillon  sedédare  contre  la  Franccu 


fif>8  TABLE 

—  Pf-fj.i/iwij  *  in-'ir.'»-  «iji.trç  I*-  «  \iAif.i>i  —  V-  in»  i-m  -le  t^  tic 
»ili<.  —  I>iui«,  arbitre  «-nir*:  'a  ^^«tiJie  «-t  i  \rz'£on  —  \^  (.a-    • 
talognc  M^  ViUriK^t.  —    \|>[  r*  r.iation  <ln  accuutioiii  «Jrs  espa- 
gnols r.ouir*:  ie*  F r-jn«âiv  —  Nouvelle  rt»olle«Jc  Perpignan. .      68 

Chaf.  V.  .>i«;2»r  il»-  Perpignan. — Tri:*e  de  Caii«t. — Traita  de  Per- 
pignan. —  Amba^^adfï  araj'jnnai^  t:n\oy:^  a  I»uîs  \I 96 

Chaf.  VI.  Knibûche^  d*ï5  d<iui  côu-s.  —  Pris*  d"K  nr.  —  Bernard 
d'fMiA.  —  Ih-.irf^^f.  lie  don  Juan.  —  Capitulation  eitraordi- 
iiair^  de  Pfrjjignan.  —  iJulioucliag*'  en  KoDS^illon.  —  Boffile- 
d^-Jug«;.  —  L'.Fui^  >eul  faire  piller  la  ville  par  la  pf>puUcc..  • .    i7i 

Chaf  VII.  Ferdinand  '«t  Isalielle  u*uq»fnt  la  cr-urunne  de  Cas- 
tille.  —  I^juîs  ih  li^rup  avec  Ir  roi  de  Porlusat.  —  Nouvellirs 
combinaÎMins  de  re  prince  pour  cons«:rver  le  Koussillon.  -* 
Mort  de  Juan  II  et  de  L^juis  \l ; 1 53 

Chaf.  Mil.  Ferdinand  II  itô.ror'n:  la  restitutimi  du  Bouuitlon. — 
(jharif's  VIII  en  fait  l'aliandon. — Opposition  des  grands.  — 
Intnguei»  à  Pf-qùgnan 173 

Chaf.  IX.  Juifs.  —  I..«'ur  établissement  a  Prqiiiinan.  -^  Lfur 
nombre.  —  Persécutions.  —  Leur  état  politique.  —  Leurs 
usures.  —  Leur  juridiction.  —  Leur  expulsion.  —  Spoliation.   196 

(  JiAp.  X.  Ferdinand  viole  toutes  ses  promes^s.  —  .\Hiance  tr^ 
sainte  cr>ntrr'  la  FVance.  —  Eianron  des  prisonniers  de  guerre. 

—  Trêve.  —  Louis  XII.  —  Nouveaux  parjures  de  Ferdinand. 

—  Kvénemr'nts  divr.rs 317 

Chaf.  XI.  Inrjuisilion  ancienne  et  moderne.  —  Saint  office  de 
Kou%Aillfiii.  —  .Multiplicité  ib*  ses  familiers.  —  Nombre  réglé 
jtar  les  rortM.  —  François  I"  et  Cbarles-4^>uînt  aspirent  à  l'em- 
pire. —  Nouvelles  gurrrcs.  —  Sii*i:c  de  Perpignan.  —  Le  duc 
dWlbe.  —  Houtsillonnais  prisMinnir-r» ,  racbetés  par  François  I".   a  44 

Chaf.  XII.  Mi-sun's  d'intén-t  b»cal.  — Tentative  »ur  Perpignan. 
— Oinfririe  dr  saint  (irnrge.  —  Pbilip|H>  II. —  Pliitip|ie  III. — 
KipiiKion  dcH  Moris«piii>.    —  Translation  de  l'évérlir  d'F.lne  à 
Perpignan   —  Maiii-anm-i-.  —   PnM'^s  des  surrirres  —  lin 
lippr  IV    —  Prnjet»  Imslilp»  au\  Catalan*».  —  Inondations.  .  .    370 


4 


lA 


I)F,    l.A    DFIIXIEME    PARTIK  669 


LIVRE   IV. 

<.H\r.  I  OrigiiK'  «le  la  révolution  de  Catalogne.  —  Motifs  de  la 
<-ouronn(>  dans  ses  hostilités  contre  la  province.  —  Olivarèt 
rluTclu*  à  faire  révolter  les  Catalans.  —  Violences  des  soldats 
('astillan*^ ^07 

<.ii\r  II.  Continuation  du  système  d oppression.  —  Doléances 
drs  Catalans  ropouatécs.  —  Explosion  de  la  révolte.  —  Mort  du 
\irr-roi.  —  Émeute  dans  Perpignan.  —  L'armée,  cliastée  de 
Catalogne,  .se  jette  en  Roussiilon.  —  Désastre  de  Perpignan.. .    33 1 

Ciuiv  III.  I^  Catalogne  se  donne  à  la  France.  — Troupes  fran- 
çaises en  Catalogne.  ^Misère  dans  Perpignan.  —  Famine.  — > 
Ka\itaLllrnicnt.  —  Le  marquis  de  Torrécusa 36o 

CnAi'.  IV.  Rrvnlte  du  Portngal.  —  Le  cabinet  de  Madrid  rerient 
sur  >es  mesures.  —  Siège  de  Collionre.  —  Blocns  de  PHpî- 
gnan.  —  Intrigues  dans  le  camp  français.  —  Voyage  du  roi 
(IKspagne  en  .Aragon. — Tentatives  de  secours  pour  Perpignan.  38 1 

Cii\r.  V  La  FVance  ne  respecte  pas  les  privilèges  des  Catalans. 
—  Mécontentements.  —  Déclaration  de  Philippe  IV.  —  Pierre 
de  Marca  nommé  visiteur.  —  Défaveur  des  Français.  <^-  Prise 
(Ir  Barcelone.  —  Le  Roussiilon  cherche  à  secouer  le  joug.  — 
Lassitude  générale.  —  Paix  des  Pyrénées.  —  Délimitation  des 
frontières 4o5 

Cii\iv  VI.  Gou\emement  du  Roussiilon  sous  la  monardiie  d*Et- 
pagne.  ^-  Conseil  souverain.  —  Constitution  militaire.  — 
Sagarra.  —  (k>nspiration  en  Gonflent.  —  Miquelets 438 

<ln\r.  VII.  Les  Catalans  en  Roussiilon. — Bellegarde  et  le  fort  des 
Kiins.  —  Défaite  de  Schomberg  devant  Maorellas.  -—  Ravages 
(les  miquelets.  —  Schomherg  en  Ampoordan.  -^  Reprise  de 
Bt'llegarde.  —  Le  maréchal  de  NoaiUea.  —  Défaite  des  Eapa- 
<;noU  —  Prise  de  Puycerda.  —  Événeoients  divers.  —  G>iia- 
truction  de  Montlouif.  —  Le  maréchal  de  Bellefoods.  —  Trêve 
lie  vinut  ans  —  Hôpitaux  de  Perpignan 466 


670  TABLK 


CiiAp.  MJJ.  Di?{Xi«ition»  de»Cdlalan»  à  une  nouvelle  rerolte.  ^ 
ïjitn^T  de*  troijjrfts  rastillane*  — Victoires  de  Vjailles.  —  Prise 
de  liarcH'-ne  —  Pdii  de  Kv^wicl.  —  Mort  de  Charles  II.  ^ 
I^  duc  d  Anjou  apj«*;l«-  au  trône  d'Espagne. — Elst  repoussé 
par  \f-s  (^talans  —  Ou  erre  de  la  «uccession.  —  AmeliontiiMn 
trii  hou^sillou ^97 


NOTES  DE   LA   DEUXIEME   PARTIE. 

I.  Sur  les  consuls  de  Perpignan 5é3 

II.  Sur  le»  bouruf^ii»  honores  ou  citoyens  nobles •  5^8 

Ifl.  Sur  le»  nioiiiiaies  du  RnusMllon 5So 

IV.  Sur  la  fimine  de  Peqii^nan,  pendaut  le  aie^e  de  i  jûi 563 

V.  Sur  l'eii'^agfxneiit  du  hou<t>iliun  a  Louis  XI 564 

VI.  .Sur  la  citadcllt'  de  Perpignan  et  le  Grand  Tlidleau 579 

VII.  Sur  le  droi   de  guerre  [trivec  dc^  habitant»  de  Perpignan. . .  586 

VIII.  Sur  '[uclques  graiide>  iiKmdatiim»  en  Huu>»illoii  et  sur  le 
|K>iii  de  la  Tet 591 

VIII  l'is.  Sur  le  droit  de  nomination  à  re\i'-cljè  d'Ilinr 095 

1\.  .Sur  les  tiniiles  du  Houssilluii  et  de  la  Catalogne IJ. 

\.  Sur  certaines  juridii  tiuns  aci-undaires  du  Huua<»itlon 600 


PKELNES  DE  LA  DEUXIEME   PARTFE. 

I.  Fivlrait  lirs  piri-ps  relatives  à  la  frepultiirc  des  enfants  niincura 
dan^  Perpi'iiwin 60  1 

II.  Di'IenM-  aiw  liolelieri  ilu  Ikuiloii  de  rendre  du  |iain  et  du  vin 

iiii\  vnvaL;i'urs  et  aux  etrani;rr!i 6o.î 

III.  heiitf'»  f-ouredr<*si  au  hriNleurde  la  reine  Mane  II (inl* 

IV.  l'ondaliou  df  l'iiolel  des  mniiuait*»  de  Perpignan ïd. 


DE   LA   DEUXIEME  PARTIE.  671 

V\  Traité  de  l'engagement  du  Roussillon  et  de  la  Cerdagne 608 

VI.  Pardon  accordé  par  Louis  XI  aux  Perpignanais 6i3 

VU.  Lettre  de  Louis  XI  au  comte  de  Dammartin 616 

VIIL  Serment  de  fidélité  prêté  à  Louis  XI  par  François  d'Oms, 
chevalier  roussillonnais Id, 

IX.  Titre  de  tiis-fidèU  donné  à  la  ville  de  Perpignan 617 

X.  Capitulation  de  Perpignan  en  i475;  traduite  du  catalan,  du 
livre  vert  mineur  des  archives  de  cette  ville 61S 

XI.  Violences  de  de  Venez,  vicomte  de  Rode,  gouverneur  du 
Roussillon,  pour  empêcher  Télection  des  consuls  de  Perpignan.  6x9 

XII.  Lettre  de  Philippe  III  aux  conseils  de  Perpignan 635 

XIII.  Lettre  de  frère  Bernardin  de  Manlleu  à  la  députation,  à 
Barcelone Id. 

XIV.  Serment  prêté ,  au  nom  de  Louis  XIII ,  par  le  maréchal  de 
Brezé ,  à  Barcelone 638 

XIV  bis.  Extrait  du  recueil  des  pièces  imprimées  à  Barcelone  à 
l'occasion  de  la  mort  de  Louis  XIII 643 

XV.  Limites  de  la  Cerdagne ,  arrêtées  en  exécution  de  Tarticle  4s 
corrigé  du  traité  des  Pyrénées 647 

XVI.  Lettre  de  Louis  XIV  au  docteur  François  Sagarra 667 

XVII.  Etablnsement  d'une  foire  franche  à  Perpignan 658 

XVI II.  Criée  faite  à  Perpignan,  pour  Texécution  de  Tédit  d*expul- 
sioii  des  Juifs 660 


% 


CORRECTIONS. 


Des  addition»  essentielles ,  ainsi  que  quelques  pièces  impor- 
tantes, découvertes  ultérieurement,  n*ont  pu  trouver  place  dans 
ces  deux  volumes.  Ces  objets  pourront  former  une  partie  supplé> 
mentaire ,  qui  comprendra  en  même  temps  le  détail  des  mœurs 
et  usages  particuliers  au  Roussillon ,  annoncé  a  la  page  cix  de 
l'introduction ,  les  plans ,  cartes  et  dessins ,  ainsi  que  la  table 
générale  des  matières  des  trois  volumes. 

L'auteur,  qui  n*a  pu ,  k  cause  de  la  trop  grande  distanoe  où  il 
se  trouvait  de  la  capitale,  revoir  les  épreuves  et  rectifier  ainsi 
quelques  inexactitudes  qui  lui  ont  échappé  dans  la  rédaction , 
relève  ici  les  principales ,  renvoyant  à  la  partie  supplémentaire 
Vexamen  plus  étendu  de  quelques  faits. 


TOME  PREMIER. 

Pagp  xLi,  ligne  i5,  Umz  CerroUini. 

\h\n  et  60.  Nous  avons  dit  que  U  cathédrale  d*Eloe  avait  été 
hntie  sur  le  modèle  de  Téglise  du  Saint'Sépulcre  k  Jérusalem,  ooof  en 
rapportant  à  une  pièce  donnée  par  Baluxe,  dans  Vappendixdt  la  Mmrca 
hispanica,  comme  Tactc  de  ron»écratioo  de  cette  église,  pièce  dans 
laquelle  ce  fait  est  consigné  *,  mais  an  examen  pins  attentif  nous  a  dé- 
montré que,  loin  d'être  Tactc  de  consécration,  cette  pièce  n'est  que 
l'extrait  d\me  relation  apocryphe,  très-pottérieure  k  la  date  que  Baluie 
lui  prête,  et  sans  aucun  caractère  dauthenthicité. 

II.  AS 


COHUKCTIONS. 

Pag<'  i.Wi.  li^iic  20,  /»r.-  (ioiiblo. 

(j3  21  prince. 

95  'i^  son  neveu. 

1 20  •!  comte  fie  Salses. 

1 6  i  11  Astarac. 

i'j3  J  (note)  admirateur. 

23o  .')  (note)  senyal. 

a34  :<8  vicomte  dlHc. 

a55  ai  \iv'. 

3o5  [nott)  Il  y  a  erreur  dans  la  date  de  1075,  don- 

née par  Balute,  puisqu*îl  est  certain  qu'Artalh»  ne  monta  sur  le  siège 
épiscopal  d'Elne  qu'en  108 5  :  c'est  sanb  doute  un  x  doniis. 

Page  319.  n  y  a  deux  erreurs  dans  ce  que  nous  disons  au  sujet  de 
l'extradition  des  rebelles.  Le  mi  de  France  ne  fît  pas,  à  cet  égard,  un 
traité  avec  le  roi  d'Aragon,  ii  donna  seulement  des  lettrea  patentes 
pour  forcer  1rs  sénéchaux  de  Languedoc  à  l'éxecution  d'un  ancUn  usag« 
existant  déjà  entre  cette  province  et  l\Vragon.  Ce  ne  fut  que  plus  tard, 
le  39  octobre  lioô,  qu'eut  lieu  à  Narbonne  l'entrevue  entre  le  aéné- 
rhal  de  Carcassonne  et  le  i;ouvernenr  de  houssillon,  relative  aux 
extraditions.  Nous  rrviendn>ns  sur  ce  point  important. 

Page  .'121 ,  ligne  3  [note]  lisr^  catîu. 

i36-  Le  prii'uré  du  mas  de  la  (jarrigue  relevait  du  nir>nastèrr 
de  Villelongur,  dionSiMle  ('.arcassonne,  et  n'a  jamais  appartenu  anx 
templiers. 

Page  'iA<J,  ligiir  37,  lixe:  (iasiel-nou. 

473.  Ce  n'est  |^s  Tétzlise  de  Mutat-iones,  mais  i*t*lle  de  (Mno- 
inalis,  qui  forme  une  ferme,  soupir  litrr  paroissial  de  rette église,  reini 
de  ^int-Sauveur. 

P.i::»*  '198,  liiin**  |K,  /mi  :  n^rtaU'. 

.Ml-*  -■■>  l'I  -•(>  rjusdi'iii. 

Hi.i  ■•."l  liS'  :    prli  iidii. 

iiA  «Il  diii;^iil 


CORRECTIONS. 

l*a<;c  5i8,  ii^nc   17,  lisez  Pt  cum. 
Ihûlrm.  91  deficiont. 

r>  I  r>  1 5  guerregiant. 


TOME  SECOND. 


Vh^v  5.'),  ligne  I  ;> ,  lisfz  vingt-trois  carats  et  demi. 


77 

23 

Pertus. 

78 

»9 

de  Catalogne. 

83 

23 

le  plus. 

1  22 

(Icrni^rf 

|)our  sacrée. 

l4l 

9  <?*  » 

» 

;) 

contentera. 

1I8 

»7. 

au 

lien  de  se  trouvait  être,  lisez  fut. 

ir>3 

9> 

/û^ 

z  don. 

i65 

2 

en  contemplation. 

169 

'9 

qui,  dans  ce  cas. 

180 

i5 

installèrent  les  nouveaux  consuls. 

i83 

avant-dernière  (iio(r),  Li^;  dictes. 

>9» 

2^  lisez 

;  à  la  hâte  au  liea  tlt  à  Bulle. 

196 

»7 

la  Septimanie. 

207 

avant-dernière,  2û«:  juridiction.  Sous. 

3  ho 

9» 

[isr 

z  i5i3. 

7MJ 

1 1 

joignait. 

'70 

[note) 

Farell. 

•»8f) 

2 

de  leurs  enfants 

32H 

m 

3 

de  la  vie. 

/joli 

20 

protectrice. 

à?h 

2H 

la  guerre. 

r>7 

10, 

an 

lie»  de  (^talociie  ,  Use:  tMMcne. 

CORRECTIONS. 

Pag«  459 ,  ligne  5 ,  Usez  A  la  suite  de  ce  changement. 

464  B  de  son  père.  (  Nous  donnerons  des  détaib 

inlércMants  sur  cette  conspiration  et  sur  le  procès  criminel  qui  s*en 
suivit.) 

Même  pag^t  ligne  3  de  la  deuxième  note.  Usez  Michel  ouMiqaelot. 

Page  475 ,  ligne  34,  lisez  chef  d'escadre  andalousien ,  nommé  Dîégo 
de  Flores. 

Page  482  ^  ligne  1 3 ,  supprimez  il. 


THC  eORROWEII  WHX  BC  CHAIIQCD 
AN  OVERDUE  PCE  IF  THI8  BOOK  IS 
NOT  RCTURNCO  TO  THC  UBRARY  ON 
OR  BCFORB  THC  LAST  DATE  8TAMKD 
BCLOW.  NON-RCCIIPT  OF  OVERDUE 
NOTICES  DOES  NOT  EXEMPT  THE 
BORROWBR  FROM  OVERDUE  FEES. 


«r 


'■JÙM^ 


670  TABLK 

Chap.  VlII.  Dispositions  des  Catalans  à  une  nouvelle  révolte. — 
Entrée  des  troupes  castillanes. — Victoîrcfl  de  Noailles.  —  Prise 
de  Barcelone.  —  Paix  de  Ryswick.  —  Mort  de  Charles  II.  — 
Le  duc  d*Anjou  appelé  au  trône  d'Elspagne.  —  Elst  repoussé 
par  les  Catalans.  —  Guerre  de  la  succession.  —  Améliorations 
en  Roussillon 497 


NOTES  DE  LA  DEUXIEME  PARTIE. 

I.  Sur  les  coosols  de  Perpignan 543 

II.  Sur  les  bourgeois  honorés  ou  citoyens  nobles. bhS 

III.  Sur  les  monnaies  du  Roussillon S5o 

IV.  Sur  la  famine  de  Perpignan,  pendant  le  siège  de  1 464. 563 

V.  Sur  rengagement  du  Roussillon  à  Louis  XI 564 

VI.  Sur  la  citadelle  de  Perpignan  et  le  Grand  Château 579 

VII.  Sur  le  droi   de  guerre  privée  des  habitants  de  Perpignan . . .  586 

VIII.  Sur  quelques  grandes  inondations  en  Roussillon  et  sur  le 
]>ont  de  la  Tet 591 

VIII  bis.  Sur  le  droit  de  nomination  à  Tévêché  d*£lne 595 

IX.  Sur  les  limites  du  Roussillon  et  de  la  Catalogne Id, 

X.  Sur  certaines  juridictions  secondaires  du  Roussillon 600 


PREUVES  DE  LA  DEUXIEME  PARTIE. 

I.  Extrait  des  pièces  relatives  à  la  sépulture  des  enfants  mineurs 
dans  Perpignan 60  '1 

II.  Défense  aux  hôteliers  du  Boulou  de  vendre  du  pain  et  du  vin 

aux  voyageurs  et  aux  étrangers 6o5 

III.  Rente»  concédées  an  brodeur  de  la  reine  Marie  II 6(>4> 

IV.  Fondation  de  Thôtel  des  monnaies  de  Perpignan Id.